Version PDF
Retour vers le dossier législatif

No 535
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 janvier 2003.
PROPOSITION DE LOI
relative à la fermeture administrative
des
débits de boissons.

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE
par M. François Sauvadet,

Additions de signatures :
Mme Henriette Martinez
MM. Dino Cinieri et Philippe-Armand Martin
MM. Jean-Pierre Abelin, Pierre Albertini, René André, Jean-Louis Bernard, Gabriel Biancheri, Jean-Claude Beaulieu, Loïc Bouvard, Ghislain Bray, Pierre Cardo, Richard Cazenave, Jean-François Chossy, Philippe Cochet, Charles Cova, Olivier Dassault, Marc-Philippe Daubresse, Jean-Jacques Descamps, Jean Dionis du Séjour, Alain Ferry, Nicolas Forissier, Maurice Giro, Francis Hillmeyer, Jean-Yves Hugon, Édouard Jacque, Olivier Jardé, Mansour Kamardine, Yves Lachaud, Robert Lamy, Édouard Landrain, Pierre Lang, Jean Lassalle, Jacques Le Nay, Jean-Marc Lefranc, Maurice Leroy, Claude Leteurtre, Lionnel Luca, Richard Mallié, Alain Marleix, Jean Marsaudon, Patrice Martin- Lalande, Alain Marty, Christian Ménard, Pierre Morel- A-L’Huissier, Étienne Mourrut, Jean-Marc Nesme, Jean-Pierre Nicolas, Jacques Pélissard, Christophe Priou, Didier Quentin, Jacques Remiller, Marc Reymann, Jean Roatta, François Rochebloine, Jean- Marie Rolland, André Santini, Jean-Marie Sermier, Jean-Pierre Soisson, Alain Suguenot, Rodolphe Thomas, Jean Ueberschlag, Léon Vachet, Gérard Vignoble, Philippe Vitel et Michel Voisin
M. Emile Blessig
Mme Juliana Rimane

 

 


Députés

.

Boissons et alcools

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
La fermeture administrative des débits de boissons et des restaurants est très souvent cause de nombreuses polémiques en raison de la gravité des conséquences qu'elle entraîne non seulement pour le propriétaire ou le gérant de l'établissement concerné mais aussi pour la commune où cet établissement est situé en raison du rôle d'animation qu'il peut y jouer et tout particulièrement lorsqu'il s'agit d'une commune rurale.
Cette mesure de fermeture administrative peut-être prise en application de deux articles du code de la santé publique.
L'article L. 3332-15 dudit code permet au préfet du département de prononcer par voie d'arrêté la fermeture des débits de boissons et des restaurants pour une durée maximale de six mois, soit à la suite d'infraction aux lois et règlements relatifs à ces établissements, soit en vue de préserver l'ordre, la santé ou la moralité publics. L'article L. 3332-16, pour les mêmes circonstances, donne au ministre de l'intérieur la possibilité de prononcer la fermeture de ces établissements pour une durée allant de trois mois à un an.
Or ces mesures de fermeture peuvent être prises sans que la personne concernée soit mise à même de façon systématique de présenter ses observations.
Certes, l'article premier de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public avait déjà posé pour principe que toute personne a le droit d'être informée d'une décision administrative lui faisant grief. Pris en application de cette loi, le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 concernant les relations entre les administrations et les usagers fait obligation à l'administration d'entendre toute personne concernée par une des mesures mentionnées par cet article dès lors qu'elle en fait la demande.
Ces dispositions s'appliquent notamment aux mesures prises en matière de fermetures des débits de boissons : la circulaire n° 72-416 relative à la police des boissons précise d'ailleurs les procédures et pratiques préalables à la mesure de fermeture temporaire, telles qu'elles sont mises en _uvre par l'administration. Ainsi, une procédure contradictoire est organisée par l'autorité administrative, la circulaire précitée précisant notamment que «les faits de nature à justifier la mesure de fermeture temporaire dont l'édiction est envisagée sont portés à la connaissance de l'exploitant de l'établissement en cause. Un délai lui est ouvert pour formuler les arguments qu'il juge utiles à sa défense. L'édiction de la mesure est différée jusqu'à son terme». Le préfet peut recueillir l'avis du maire et il lui est également loisible d'informer ou de consulter le ou les syndicats professionnels concernés.Mais la circulaire poursuit : «la procédure contradictoire peut être éludée d'une part, en fonction des nécessités de l'ordre public et, d'autre part, en cas d'urgence, c'est-à-dire lorsque la poursuite de l'exploitation de l'établissement, compte tenu de la durée nécessaire à l'exécution de cette procédure, paraîtrait intolérable en raison de la nature ou de la gravité des infractions ou des troubles qu'elle continuerait à susciter».
Outre le fait que cette procédure ne soit que facultative pour l'autorité administrative, un bref examen de la jurisprudence administrative montre que les droits de la défense ne sont pas toujours parfaitement respectés. Ainsi, les juges du fond ont déclaré irrégulière la décision de fermeture administrative dans les cas suivants :
- le préfet ne pouvait se prévaloir de l'urgence pour ne pas entendre la personne concernée dès lors que le procès-verbal de police établissant les faits justifiant la fermeture a été établi en octobre et que la fermeture a été prononcée en novembre (CE, 1er octobre 1993);
- le motif invoqué n'était pas lié à des désordres relatifs à la fréquentation de l'établissement ou à ses conditions d'exploitation (CE, 27 juin 1997);
- le motif était l'affichage dans le débit d'un tract injurieux et diffamatoire pour la police (CE, 4 avril 1990).
On ajoutera que la décision de fermeture irrégulière, en dépit du préjudice qu'elle cause à l'exploitant, ne lui ouvre pas un droit à réparation systématique : ainsi en a décidé la Cour administrative d'appel de Bordeaux à propos du débitant d'un débit de boissons dont l'établissement avait fait l'objet d'un arrêté de fermeture qui avait été ensuite annulé pour insuffisance de motivation (23 juillet 1992).
Le souci de renforcer les garanties de la défense à d'ailleurs conduit le législateur a donné une assise juridique plus solide aux mesures prises en application du décret de 1983. Tel a été l'un des objets de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, l'article 24 posant le principe que les décisions individuelles ne doivent intervenir qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Toutefois sont maintenues à titres de dérogations, les exceptions concernant l'urgence ou les circonstances exceptionnelles, l'ordre public ou les relations internationales, ainsi que les cas dans lesquels «des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière».
Un pas supplémentaire mérite d'être effectué aujourd'hui. Tel est l'objet de la proposition de loi qui vous est proposé et qui tend à instituer une procédure contradictoire particulière à la fermeture administrative des débits de boissons et des restaurants. Une telle mesure permettra de limiter les contentieux, de mieux garantir les droits de la défense et, parce que ses modalités de fonctionnement seront simples et rapides, elle ne limitera pas les pouvoirs de l'administration. Surtout, elle permettra aux acteurs locaux de mieux faire valoir leur point de vue et, par leur connaissance du terrain, d'éclairer la décision du préfet ou du ministre de l'intérieur. Sera ainsi créée dans chaque département une «Commission consultative en matière de fermeture administrative des débits de boissons et des restaurants», composée du maire de la commune concernée, d'un représentant du syndicat professionnel concerné et d'un juge de proximité. Après avoir entendu les explications de l'exploitant ou de son représentant et des services administratifs ayant constaté l'infraction, elle émettra un avis qui sera rendu public et porté à la connaissance, selon les cas, du préfet ou du ministre de l'intérieur.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er
Après l'article L. 3332-16 du code de la santé publique, il est inséré un article L.3332-16 bis ainsi rédigé :
«Art. L.3332-16 bis - Il est crée dans chaque département une commission consultative en matière de fermeture administrative des débits de boissons et des restaurants chargée d'émettre un avis sur les mesures que l'autorité administrative entend prendre en application des dispositions des articles L. 3332-15 et L.3332-16. Cette commission est composée d'un juge de proximité, désigné par le premier président de la Cour d'appel territorialement compétente, président, du maire de la commune concernée et d'un représentant des organisations professionnelles concernées. Elle entend l'exploitant de l'établissement en cause et, le cas échéant, son représentant, ainsi que les représentants de l'administration, désignés par le préfet. Son avis est rendu public et porté, selon les cas, à la connaissance du préfet et du ministre de l'intérieur.»
Article 2
Les modalités d'application de la présente loi sont fixées par décret en Conseil d'Etat.

___________________
N° 0535 - Proposition de loi  relative à la fermeture administrative des débits de boisson (M. François Sauvadet)


© Assemblée nationale