Version PDF
Retour vers le dossier législatif

No 615
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 février 2003.
PROPOSITION DE LOI
visant à créer un délit d'atteinte à la dignité de l'homme et de la femme par l'image publicitaire.
(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales,
à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
PRÉSENTÉE

par MM. Jean-Marc NESME, Bernard PERRUT, Manuel AESCHLIMANN, René ANDRÉ, Mmes Martine AURILLAC, Sylvia BASSOT, MM.Patrick BEAUDOUIN, JoËl BEAUGENDRE, Jean-claude BEAULIEU, Jacques-Alain BÉNISTI, Roland BLUM, Mmes Chantal BOURRAGUE, Christine BOUTIN, MM.Pierre CARDO, Louis COSYNS,
Jean-Claude DECAGNY, léonce DEPREZ, Dominique DORD, Jean-Michel DUBERNARD, Nicolas DUPONT-AIGNAN, MmeArlette FRANCO, MM. Guy GEOFFROY, Pierre HÉRIAUD, Jean-Yves HUGON, Mansour KAMARDINE, Patrick LABAUNE, Marc LEFUR, Mme GeneviÈve LEVY, MM. Christian MÉNARD, Pierre MICAUX, Pierre MORANGE, Mme Béatrice PAVY, MM.Jacques PÉLISSARD, Daniel PRÉVOST, Christophe PRIOU, Didier QUENTIN, Jacques REMILLER, Jean-Marie ROLLAND, Bernard SCHREINER, Jean UEBERSCHLAG, Léon VACHET, Philippe VITEL et Michel VOISIN,

Députés.

Publicité.

EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
L'image sous toutes ses formes occupe une position incontestable au sein de la société moderne. Véritable instrument de communication, l'image est un vecteur considérable dont les effets se mesurent notamment dans nos habitudes quotidiennes. Actuellement, des générations entières, malgré elles, sont confrontées à cette exposition, pour ne pas dire cette surexposition, de façon consciente ou inconsciente. Ne parle-t-on pas aujourd'hui des «messages subliminaux» qui imprègnent le cerveau et y laissent une trace en dehors de toute volonté consciente du sujet?
Les images publicitaires jouent un rôle essentiel dans notre société.
Le plus souvent, elles font appel à la beauté, au rêve, à la sensibilité, à l'intelligence et à la connaissance.
Mais, parfois, elles sont provocantes et choquent, la recherche à tout prix de la rentabilité commerciale conduisant à une escalade de la publicité agressive et voyeuriste.
Des annonceurs utilisent leur liberté de création de manière abusive, n'hésitant pas à exploiter des représentations tendancieuses et dégradantes du corps de l'homme et de la femme et à les imposer au public.
On ne peut nier que la publicité est un acteur important du développement de l'«érotisation» actuelle de notre environnement culturel et consumériste. La nudité, présentée sous un angle dégradant et vulgaire, est employée comme moyen de vente souvent sans aucun rapport avec le produit mis en valeur. Il s'agit bel et bien d'une manipulation du consommateur.
A l'occasion d'enquêtes d'opinions, les Français se disent choqués par cette nouvelle tendance commerciale et réagissent de plus en plus mal face à cette violence symbolique.
De nombreux professionnels de l'enfance ont soulevé le risque de voir certaines images porteuses de messages ambigus ou déviants s'imposer comme modèle social et dominer ensuite le comportement et la personnalité des sujets les plus jeunes. En effet, il est très difficile chez l'enfant de faire la différence entre l'image qu'il voit et la réalité qu'il vit.
Est-il utile de rappeler que certaines images publicitaires sont malheureusement en permanence accessibles à tout public, quel que soit le lieu : métro, gares, routes, abribus, panneaux d'affichage, kiosques...?
Si nous n'y prenons garde, elles contribuent également à donner une certaine image de la France à l'extérieur, ainsi qu'à nos visiteurs étrangers.
Le devoir de vigilance en matière de représentation de la personne humaine dans la publicité apparaît comme une exigence éthique. Il est difficile d'admettre une certaine vision matérialiste de l'être humain imposée à la société par quelques personnes qui veulent faire du profit et semblent, dans ce but, confondre le corps humain avec une simple marchandise de consommation.
Le législateur ne peut continuer à accepter la banalisation d'images porteuses de symboles aussi pervers ou ambigus sur l'homme et la femme dont il ne peut mesurer à plus ou moins longue échéance les effets sur le comportement social des individus. Le principe de précaution doit prévaloir dans tous les cas.
Il doit également apporter son aide aux associations dont le rôle est déterminant pour défendre sous des formes diverses la dignité de la personne humaine, ainsi qu'aux parents et aux éducateurs qui s'efforcent de transmettre auprès des jeunes des valeurs de civisme et de respect d'autrui.
Loin d'avoir le projet de limiter la liberté de création, il s'agit aujourd'hui d'endiguer les dérives qui sévissent dans le domaine de la publicité en disposant de moyens légaux pour prévenir et sanctionner certaines représentations du corps humain non conformes aux valeurs de respect et de dignité de l'homme et de la femme dans notre société.
C'EST POURQUOI IL VOUS EST DEMANDÉ, MESDAMES, MESSIEURS, D'ADOPTER LA PROPOSITION DE LOI SUIVANTE.PROPOSITION DE LOI
Article 1er
Dans le chapitre V du titre II du livre II du code pénal, il est inséré une section 3 ter intitulée : « Des atteintes à la dignité de la personne par l'image publicitaire», comprenant trois articles 225-16-4 à 225-16-6 ainsi rédigés :
«Art. 225-16-4. - Le fait de porter atteinte à la dignité de la personne humaine par des images publicitaires dégradantes ou humiliantes est puni d'un an d'emprisonnement et de 45 000 e d'amende.
«Art. 225-16-5. - Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables dans les conditions prévues par l'article 121-2 de l'infraction définie à l'article 225-16-4.
« Les peines encourues par les personnes morales sont :
« 1° L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38;
« 2° Les peines mentionnées aux 2° à 4°, 8° et 9° de l'article 131-39.
« L'interdiction mentionnée au 2° de l'article 131-39 porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise.
«Art. 225-16-6. - Lorsque le délit prévu par l'article 225-16-4 est commis par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables. »
Article 2
Après l'article 2-19 du code de procédure pénale, il est inséré un article 2-20 ainsi rédigé :
«Art. 2-20. - Toute association, régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant par ses statuts de défendre la dignité de la personne humaine peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne l'infraction prévue par l'article 225-16-4 du code pénal.
Article 3
Un décret en Conseil d'Etat précisera les conditions d'application de la présente section.

 
N° 0615 - Proposition de loi  visant à créer un délit d'atteinte à la dignité de l'homme et de la femme par l'image publicitaire (M. Jean-Marc Nesme)


© Assemblée nationale