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N° 626
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 février 2003.
PROPOSITION DE LOI
tendant à instituer une déclaration prénatale
de
consentement à l'adoption,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE
par M. Léonce DEPREZ,
Député.

Famille.
EXPOSE DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le développement de la politique de la famille passe par l'encouragement à l'adoption. Un grand nombre de familles souhaitent adopter des enfants et en manifestent officiellement le désir. Mais elles ne peuvent y parvenir, d'abord parce que l'évolution démographique réduit mathématiquement le nombre d'enfants adoptables, ensuite parce que, soucieux de garantir le plus possible les droits des parents naturels, le législateur a fait des plus ténues marques d'intérêt manifestées par eux, notamment par la mère, envers l'enfant une cause d'interruption des procédures de placement conduisant à l'adoption.
Au même moment, on assiste, avec l'application confirmée de la loi du 17 janvier 1975, au développement des cessations volontaires de grossesse fondées sur l'invocation par la femme de situations de détresse.
La notion de détresse, la pratique le montre, n'est pas facile à délimiter. L'évolution des m_urs conduit à considérer comme situations de détresse, à côté de cas tragiques, toutes les situations où l'arrivée de l'enfant cause à la femme une perturbation de ce qu'elle considérait comme son projet normal de vie.
Dès l'instant où la femme refuse, en l'enfant qu'elle porte, la charge et la gêne d'une présence au foyer non désirée, qu'elle veut absolument éviter de s'imposer cette charge et cette gêne, la loi aura beau multiplier les occasions d'information, de persuasion, d'exhortation, la femme maintiendra son objectif initial : obtenir la cessation volontaire de sa grossesse, et verra dans la procédure qui conduit à cet acte final un simple parcours d'obstacles d'un genre spécifique.
Nous pensons, quant à nous, qu'il est nécessaire de montrer à la femme qui se sent incapable de garder pour elle l'enfant qu'elle porte, qu'il existe une autre issue à ses difficultés que la cessation volontaire de grossesse : la déclaration prénatale de consentement à l'adoption, qui peut conduire ensuite à l'adoption plénière du nouveau-né.
Il ne s'agit pas là d'une contrainte nouvelle imposée à la femme. La loi prend acte de son désir, exprimé en toute liberté et après avoir entendu des avis compétents, de ne pas conserver la garde de son enfant à naître. Elle lui propose. cependant, au lieu de l'issue mortelle qu'est la cessation volontaire de grossesse, une issue de vie, qu'elle peut choisir librement : déclarer son intention de permettre l'adoption de son enfant à naître.
Cette proposition juridique s'inscrit dans une réflexion plus vaste : nous savons que bien souvent la situation de détresse de la femme est vécue par elle comme l'absence totale d'issue à ses difficultés. La cessation volontaire de grossesse ne les supprime pas, mais en supprime, avec l'enfant à naître, le symbole le plus fort. La présence attentive et discrète des associations d'assistance aux futures mères devrait être efficacement aidée si la loi donnait à la mère l'assurance que son enfant a un avenir.
Peut-être même l'existence de cette garantie légale amènerait-elle la mère, au bout d'un certain temps à vivre plus positivement la naissance attendue et à vouloir conserver la garde de son enfant , la loi lui donne la faculté de le faire et respecte ainsi beaucoup plus qu'aujourd'hui l'évolution toujours possible de son état d'esprit et de ses inquiétudes.
C'est pourquoi nous vous prions de bien vouloir adopter la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er
La loi garantit le respect de tout être humain dès le commencement de la vie. Il ne peut être porté atteinte à ce principe qu'en cas de nécessité grave.
Article 2
Lorsqu'une femme enceinte se trouve dans une situation d'une telle gravité qu'elle estime ne pas pouvoir conserver son enfant à naître, elle peut souscrire une déclaration prénatale en vue d'adoption.
Cette déclaration vaut consentement de la mère à l'adoption de l'enfant conçu. Elle ne produit d'effet définitif que dans les conditions fixées par l'article 4 de la présente loi.
Article 3
La déclaration prénatale est faite devant le juge d'instance du domicile ou de la résidence de la mère.
Article 4
La mère a toute faculté de rétracter la déclaration prénatale, devant le juge qui l'a reçue pendant le délai de trois mois suivant la naissance de l'enfant. A défaut de rétractation, la déclaration devient définitive à l'expiration de ce délai.
Toutefois, la déclaration prénatale peut acquérir effet définitif à toute date comprise dans ce délai de trois mois :
- lorsque la mère en confirme expressément les termes dans les formes prévues à l'article 3. de la présente loi;
- lorsque le juge d'instance, statuant dans les conditions prévues par les articles 1158 à 1164 du nouveau code de procédure civile, constate que la mère se désintéresse manifestement de son enfant.
Article 5
Le placement en vue de l'adoption peut être réalisé dès que la déclaration prénatale est devenue définitive.
Toutefois, le juge d'instance peut décider le placement avant cette date lorsque l'intérêt de l'enfant le commande et que les candidats à l'adoption présentent toutes garanties.
Article 6
Après le placement, il est procédé à l'adoption dans les conditions et délais prévus aux articles 353, 353-1 et 354 du code civil.
Les effets de cette adoption sont ceux prévus aux articles 355 à 359 du code civil concernant l'adoption plénière.
Article 7
Les informations concernant la déclaration prénatale et ses effets sont contenues dans le dossier guide remis à toute femme qui demande une cessation volontaire de sa grossesse. Elles sont explicitées au cours de la consultation prévue à l'article L. 162-4 du code de la santé publique. Si néanmoins l'intéressée entend maintenir sa demande, sa confirmation écrite doit comporter la mention expresse qu'elle ne désire pas souscrire la déclaration prénatale prévue par l'article deux de la présente loi. Cette mention doit être signée de sa main.
Article 8
Un décret en Conseil d'État procédera à la codifi cation des dispositions de la présente loi dans le code civil et dans le code de la santé publique, en n'y apportant que les modifications de forme éventuellement nécessaires, à l'exclusion de toute modification de fond.
Article 9
Les dispositions du 2° de l'article 353-1 du code pénal ne sont pas applicables aux déclarations souscrites conformément à la procédure prévue par la présente loi.
N° 0626 - Proposition de loi  tendant à instituer une déclaration prénatale de consentement à l'adoption (M. Léonce Deprez)


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