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N° 853

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 mai 2003.

PROPOSITION DE LOI

relative à la reconnaissance des risques sanitaires auxquels
ont été ou ont pu être exposés les civils et les
militaires
engagés
dans la guerre du Golfe et les opérations militaires
suivantes et à la responsabilité de l'Etat en la matière.

(Renvoyée à la commission de la défense nationale et des forces armées, à défaut de constitution
d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par M. Yves COCHET, Mme Martine BILLARD et M. NoËL MAMÈRE,

Députés.

Santé.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de loi a pour objet de répondre à l'attente de toutes les personnes qui ont participé en tant que militaires ou civils à la guerre du Golfe ou aux opérations militaires des Balkans et du Kosovo entre 1991 et 1995 et suivantes.

Bien que le nombre exact des personnes concernées - civils et militaires - qui ont participé aux opérations militaires de la France n'ait jamais été rendu public (variant selon les données du ministère de la Défense entre 25 000 et 15 000 pour le Golfe et alors que 11 200 noms seulement ont pu être transmis à ce jour à l'unité Inserm 330 chargée par le ministère de la Défense d'une commission d'enquête épidémiologique exhaustive), nombreux sont celles et ceux, aujourd'hui regroupés, en association, qui font état de graves problèmes de santé, de pathologies, signes ou symptômes regroupés sous l'expression « maladies de la guerre du Golfe et des Balkans ».

Les maladies de la guerre du Golfe touchent déjà plus de 200 000 vétérans américains, canadiens et britanniques. Depuis 1991, plus de 10 000 vétérans américains et 560 soldats britanniques sont décédés. L'association Avigolfe, association des victimes et militaires du Golfe, a fait état en France d'un nombre de décès de vétérans français du Golfe et des Balkans. Les causes de ces décès et les maladies repérées sont récurrentes, cancers induits, lymphomes, tumeurs cérébrales, atteintes du système nerveux central, pour les plus graves.

La présence sur le terrain de la guerre du Golfe d'agents toxiques exposant les participants à un risque sanitaire a été reconnue par les autorités des pays de la coalition (rapport sur la guerre du Golfe au Congrès américain du Département d'Etat à la Défense, 1991). Les risques sanitaires auxquels ont été exposés ou pu être exposés les personnels français ont fait l'objet d'une mission parlementaire française. Il s'agit des fumées de puits de pétrole en flamme, des pesticides et insecticides épandus massivement sur les champs, des aérosols d'uranium appauvri utilisé pour la fabrication de certaines munitions dont la présence de l'isotope U 236, déchet radioactif de la combustion nucléaire, a été reconnue par les autorités américaines et françaises, d'utilisation non contrôlée de pyridostigmine, d'expérimentation de pilules anti-sommeil Virgyl, de cocktails de vaccins, particules de gaz de combat (sarins, tabun, moutarde), etc...

Les munitions à l'uranium ont été également massivement utilisées au cours des opérations des Balkans et du Kosovo.

En France, où aucune recherche n'a été réalisée, les autorités militaires affirment qu'aucun élément n'apporte la preuve du lien direct entre les pathologies constatées et des risques toxiques. Le rapport de la mission parlementaire présenté en mai 2001 en minimise, voire en conteste les effets malgré les preuves que l'association Avigolfe (documents du ministère de la Défense, télex confidentiel défense de la division Daguet, photos, etc.) a apportées. En revanche, aux Etats-Unis et au Canada, des recherches menées par des laboratoires civils et militaires montrent que certaines pathologies, signes ou symptômes peuvent avoir trouvé leurs causes et origines à l'occasion de ces opérations militaires. Par exemple, l'étude menée par l'Université Duke, publiée dans le Journal of Toxicology and Environmental Health montre que la combinaison de l'insecticide DEET (perméthrine), de la pyridostigmine et du stress peuvent être cause de stérilité chez l'homme (cas fréquent repéré).

L'étude Analyse quantitative d'isotopes d'uranium appauvri chez vingt-sept vétérans américains, anglais et canadiens, menée par l'équipe du professeur Durakovic (colonel de l'armée américaine ayant participé à la guerre du Golfe et spécialiste de médecine nucléaire), publiée dans le Military Medicine, a mis en évidence quatorze cas positifs. En Italie, l'Observatoire pour la protection des forces armées, un organisme indépendant, affirme que plusieurs militaires sont morts après avoir été exposés à de l'uranium appauvri dans les Balkans et enregistre un certain nombre de malades.

La situation actuelle alliant secret défense, confusion et exigence du code des pensions (article L3, nécessité d'apporter la preuve irréfutable de l'origine de la maladie), qu'il s'agisse de la guerre du Golfe ou des conflits postérieurs, le manque de recherche, l'insuffisance des examens et l'absence de recherches spécifiques dans le cadre du protocole d'examens médicaux mis en place en 2001 pour les anciens du Golfe, à l'hôpital Cochin, ne permet pas de proposer des solutions adaptées aux victimes et nie le droit à l'information dont ces dernières pourraient bénéficier.

Les députés Verts ont à plusieurs reprises demandé l'examen de ces faits militaires. Ainsi le 6 septembre 2000 a été enregistrée la proposition de résolution de M. André Aschieri et plusieurs de ses collègues (N° 2562) tendant à créer une commission d'enquête sur l'impact sanitaire réel chez les vétérans de la guerre du Golfe des armes utilisées durant l'opération Daguet et sur les responsabilités de l'Etat en la matière ; le 10 janvier 2001 les mêmes députés Verts ont déposé une demande de résolution visant à créer une commission d'enquête sur le syndrome dit des Balkans ou l'impact sanitaire réel chez les militaires ayant effectué des opérations en ex-Yougoslavie entre 1992 et 1999 et sur les responsabilités de l'Etat en la matière.

Cette présente proposition de résolution propose un ensemble de mesures de nature à identifier les risques sanitaires auxquels ont été exposés les participants civils et militaires français à la guerre du Golfe et dans les opérations suivantes, notamment à reconnaître la présomption d'imputabilité et le reversement de la charge de la preuve en modifiant le code des pensions. En effet, de nombreux vétérans ou leurs familles ont, depuis 1991, engagé des procédures auprès des commissions de réforme et du tribunal des pensions pour obtenir droit à pension ou à indemnisation en réparation aux préjudices qu'ils attribuent aux risques auxquels ils ont été exposés. Systématiquement, ces procédures se terminent en fin de non-recevoir, les autorités judiciaires exigeant du plaignant la preuve irréfutable du lien entre les services et la cause de son état de santé voire de décès.

Tel est l'objet de la présente proposition de loi que nous vous demandons Mesdames, Messieurs, d'adopter.


PROPOSITION DE LOI

Article 1er

I. - Les opérations militaires menées dans le Golfe entre août 1990 et mai 1991 sont appelées : « guerre du Golfe ».

II. - L'article L. 1er bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre est ainsi rédigé :

« Art. L. 1er bis. - La République française reconnaît, dans des conditions de stricte égalité avec les combattants des conflits antérieurs, les services rendus par les personnes qui ont participé sous son autorité à la guerre du Golfe entre août 1990 et mai 1991. »

« Elle leur accorde vocation à la qualité de combattant et au bénéfice des dispositions du présent code. »

Article 2

La liste des risques sanitaires auxquels a été ou a pu être exposée toute personne, civile ou militaire ayant participé à la guerre du Golfe et aux conflits postérieurs dans le cadre de l'armée française ou détachée par l'armée française auprès d'armées alliées, et la liste des pathologies, signes ou symptômes considérés comme liés à ces risques sont fixées par décret.

Il est établi le principe de présomption de lien avec le service pour la ou les maladies figurant dans la liste fixée par décret et dont souffre toute personne, civile ou militaire, ayant été ou pu être exposée à un ou plusieurs risques sanitaires, dans le cadre de la guerre du Golfe et des conflits postérieurs.

Article 3

Il est créé un fonds d'indemnisation des personnels civils et militaires concernés selon les termes de l'article 2, et de leurs ayants droit. Ce fonds d'indemnisation est alimenté pour partie par les crédits de la Défense de la caisse des dépôts.

Article 4

Il est créé auprès du Premier ministre une commission nationale de suivi de l'impact des risques sanitaires auxquels a été ou pu être exposée toute personne, civile ou militaire ayant participé à la guerre du Golfe et aux conflits postérieurs dans le cadre de l'armée française ou détachée par l'armée française auprès d'armées alliées.

Cette Commission est composée des ministres chargés de la Défense, de la Santé ou de leurs représentants, de deux députés et deux sénateurs, de représentants des associations représentatives des personnes civiles ou militaires concernées, de représentants des organisations syndicales patronales et de salariés ou des personnes qualifiées. La répartition des membres de cette commission, les modalités de leur désignation, son organisation et son fonctionnement sont précisés par décret en Conseil d'Etat.

Article 5

La commission nationale de suivi de l'impact des risques sanitaires auxquels a été ou pu être exposée toute personne, civile ou militaire ayant participé à la guerre du Golfe et aux conflits postérieurs dans le cadre de l'armée française ou détachée par l'armée française auprès d'armées alliées assure le suivi de l'application de la présente loi.

Article 6

La décision concernant l'application du « principe de présomption de lien avec le service » définie à l'article 1er est prise par le Premier ministre sur proposition de l'un ou l'autre des ministres désignés à l'article 4.

Article 7

La commission nationale de suivi de l'impact des risques sanitaires auxquels a été ou a pu être exposée toute personne, civile ou militaire ayant participé à la guerre du Golfe et aux conflits postérieurs dans le cadre de l'armée française ou détachée par l'armée française auprès d'armées alliées publie chaque année un rapport sur l'application de la loi.

Article 8

Les charges éventuelles qui résulteraient pour l'Etat de l'application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

N° 0853 - Proposition de loi relative à la reconnaissance des risques sanitaires auxquels ont été exposés les civils et les militaires engagés dans la guerre du Golfe (M. Yves Cochet)

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0.75 €

ISBN : 2-11-118102-1

ISSN : 1240 - 8468

En vente au Kiosque de l'Assemblée nationale

4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21


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