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N° 1138

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 15 octobre 2003

PROPOSITION DE LOI

Justice - sécurité

tendant à la création d'un Service National de Solidarité Civique pour faire face aux catastrophes.

(renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale, dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

PAR M. PATRICK BEAUDOUIN

Additions de signatures :
MM. Jean-Claude  Beaulieu, Jacques Alain Bénisti, Marc Bernier, André Berthol,  Jean-Yves Besselat, Étienne Blanc, Loïc Bouvard, Edouard  Courtial, Alain Cousin, Jean-Yves Cousin, Léonce Deprez,  Jean-Jacques Descamps, Yannick Favennec, Marc Francina,  François Grosdidier, Louis Guédon, Jean-Jacques Guillet,  Emmanuel Hamelin, Michel Herbillon, Pierre Hériaud, Jean-  Yves Hugon, Edouard Jacque, Edouard Landrain,  Mme Geneviève Levy, MM. Lionnel Luca, Alain Marleix, Jean  Marsaudon, Christian Ménard, Georges Mothron, Alain  Moyne-Bressand, Jacques Pélissard, Bernard Perrut,  Christophe Priou, Jacques Remiller, Jean Roatta, Bernard  Schreiner, Jean-Marie Sermier, Daniel Spagnou, Rodolphe  Thomas, René-Paul Victoria, Philippe Vitel et Michel Voisin

MM. Daniel Fidelin,  Jean-Claude Guibal, Patrice Martin-Lalande, Nicolas Dupont-  Aignan, Thierry Mariani, Mme Christine Boutin, MM.  Dominique Dord, Bernard Brochand, Yvan Lachaud, Mme  Juliana Rimane, M. Jean-Pierre Abelin, Mme Marie-Anne  Montchamp et M. Francis Hillmeyer

Députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les événements de cet été 2003 ont fait apparaître la fragilité de notre société, aujourd'hui.

Depuis un siècle, celle-ci se fondait sur un sentiment de progrès permanent reposant :

- sur le progrès des techniques, notamment dans le domaine social qui confortait le principe d'Egalité,

- sur le progrès de la liberté et de l'autonomie de l'individu à travers le progrès de l'économie qui mettait en valeur le principe de Liberté,

- sur le maintien de certaines valeurs : la famille, la citoyenneté active qui soulignait le principe de Fraternité.

La devise de la République s'affirmait comme fondement de la solidarité sociale et de la cohésion nationale.

Ce mouvement avait permis à notre pays de faire face à des crises graves - les deux conflits mondiaux - et de s'en relever après les avoir surmontées.

Le mois d'août 2003 a montré, en quelques jours, que, derrière la façade bien ordonnée, se dissimulait un profond désordre.

Il a fait apparaître :

· les limites du progrès technique en cas de crise grave. Son coût conduit, souvent, à limiter son emploi en fonction des circonstances. Toute rupture d'équilibre peut créer l'insuffisance des moyens réels. L'égalité devant la sécurité sanitaire ou sociale est rompue. Il ne s'agit cependant que d'un problème essentiellement financier.

· la disparition progressive de la notion de Liberté. De fondement de l'indépendance de l'individu, elle est devenue licence, c'est-à-dire jouissance matérielle, individualisme forcené et indifférence à l'égard de l'autre.

· la disparition de toutes les valeurs qui étaient le support de la Fraternité et assuraient la solidarité entre tous. De la Fraternité, on est passé à l'abandon des moins favorisés par le sort.

Et l'opinion, souvent inspirée par des personnes bien intentionnées, rend l'Etat responsable de la disparition des vertus qui fondaient la communauté nationale. Or, l'Etat n'est rien d'autre que l'instrument de la collectivité. Si celle-ci n'a plus d'âme, l'Etat ne saurait en avoir une.

Il faut donc reconstruire une communauté solidaire qui soutienne et inspire l'action de l'Etat. Surtout dans les périodes de crises exceptionnelles.

Jusqu'en 1995, le service de chacun pour la protection de tous s'exprimait dans le Service National, instrument de la défense du citoyen contre les périls extérieurs et parfois même intérieurs. C'était une sorte de bénévolat obligatoire au service de la Nation.

Essentiellement militaire, ce service a été suspendu lorsque le risque de conflit extérieur a diminué.

Hélas, nous devons prendre conscience que d'autres menaces, comme celles qui sont apparues récemment, peuvent être aussi graves qu'un conflit armé et que la Nation doit pouvoir y faire face en faisant appel à son potentiel humain, au nom de la Solidarité et de la Fraternité.

La nécessité de créer une nouvelle forme de service de la collectivité nationale s'impose d'elle-même.

1) LES RAISONS DE LA DÉMARCHE

Les raisons de cette démarche sont intellectuelles et pratiques.

· Intellectuelles

Il est essentiel de redonner aux principes de la République, leur valeur d'engagement moral au service de la solidarité nationale.

- La Liberté est le droit de jouir du fruit de son travail, c'est aussi le devoir d'assurer la liberté de l'autre.

- L'Egalité est que personne ne puisse être abandonné quand la collectivité peut la soutenir.

- La Fraternité est que tout un chacun a le devoir de protéger les plus faibles et les plus démunis.

Au-dessus des individus, il y a la Solidarité Nationale.

Ces valeurs, il faut les apprendre aux jeunes car elles fondent la démocratie.

La démocratie est la construction volontaire et permanente d'un monde juste et non l'assistanat procuré par un Etat anonyme, souvent indifférent quand il n'est pas oppresseur.

La France a payé très cher, à certaines époques, le poids d'un Etat qui décidait de tout au nom des citoyens.

· Pratiques

La crise d'août 2003 a montré que la complexité de l'organisation étatique rendait très difficile la mobilisation d'une manière impromptue des moyens humains indispensables pour faire face à des crises inopinées.

Les pompiers ont rapidement été débordés, faute d'effectifs.

Il en a été de même des hôpitaux et des maisons d'accueil.

Dans les communes, les personnels ont dû faire face avec des effectifs réduits par les vacances.

Les bénévoles des associations se sont trouvés eux-mêmes dépassés par l'ampleur de la tâche.

Si on ne peut pas prévoir l'éventualité de la crise, on peut cependant organiser les moyens d'y faire face rapidement.

2) L'ORIENTATION DE LA DÉMARCHE

Il ne s'agit pas de recréer un service militaire, mais de mettre en place une structure adaptée aux besoins constatés. Cependant, les techniques anciennes du recrutement devraient permettre de mettre rapidement en place le schéma d'organisation : qui recrute ? la formation à dispenser, la durée de la disponibilité, les affectations à prévoir, les modalités d'exécution.

1. Le recrutement

On peut imaginer deux sources de recrutement :

- le principe d'une obligation de service qui pourrait être imposée à toutes les femmes et tous les hommes âgés de 18 à 65 ans.

Il est évident que ce principe offre à l'Etat la possibilité de mobiliser les effectifs nécessaires.

Dans la pratique, la ressource est immense et les personnes absolument nécessaires et compétentes pour faire face aux éventualités devraient être recrutées par volontariat.

Le Gouvernement fixerait la ressource nécessaire aux besoins qu'il détermine.

· Le volontariat ouvert à tous les Français : actifs, inactifs, jeunes, retraités, chômeurs dans les limites d'âge visées ci-dessus.

· Cependant, à tout moment, si les circonstances l'exigent, le Gouvernement peut substituer l'obligation de servir au volontariat.

2. La formation

Les volontaires sont recrutés à priori en fonction de leur aptitude physique et de leur formation dans les divers types d'emplois à pourvoir.

Durant toute la durée de leur engagement, ils reçoivent une formation permanente assurée par les organismes ou institutions auxquelles ils sont affectés.

3. La durée de la disponibilité

La durée de la disponibilité est fixée par le contrat de volontariat passé avec l'organisme d'affectation. Les contrats sont à durée limitée mais reconductibles jusqu'à la limite d'âge de 65 ans.

4. Les affectations

Il appartient au Gouvernement de définir les besoins de renforcement éventuel, en cas de crise, dans les domaines de :

· La sécurité civile,

· La sécurité hospitalière et sanitaire,

· La sécurité organisée en matière sociale par les collectivités territoriales.

Les volontaires choisissent librement le secteur dans lequel ils souhaiteraient servir.

L'affectation a pour objectif de renforcer, temporairement, les services concernés, non de recruter un personnel permanent.

L'appel des volontaires peut être national, régional ou départemental suivant que la situation de crise sera nationale ou limitée à certains secteurs géographiques.

Les organismes d'affectation pourront être très divers en fonction des besoins, de la qualification et de la nature de l'intervention de ces organismes.

On peut en distinguer trois grandes catégories :

1. les institutions publiques ou de service public

Les grands services de sécurité et de protection de la nature : la protection civile, les eaux et forêts, les services de protection de l'environnement, le service de santé, les services de protection sociale et d'accueil (maisons de retraite),

2. les services des autorités territoriales essentiellement les départements et les communes : services sociaux, CCAS,

3. le milieu associatif comme, par exemple, la Croix Rouge et les grandes associations qui fonctionnent sur le bénévolat.

3) LA GESTION DE L'ENSEMBLE

- La gestion politique appartiendra à l'Etat

Il définit les circonstances qui créent un état de crise.

C'est lui qui constate l'état de crise, qui décide des moyens à mettre en œuvre et de l'organisation de cette mise en œuvre.

La décision peut être déconcentrée au niveau régional, voir départemental.

La coordination de l'ensemble des actions est de la compétence de l'Etat.

Le Gouvernement met fin à l'état de crise déclaré.

- L'organisation administrative de l'ensemble, les statuts des personnels, devront être déterminés par une loi.

Il devrait être entendu que le service procuré par le citoyen serait considéré comme l'exercice d'une fonction publique temporaire donnant droit à tous les avantages du statut : salaire, droits sociaux, constitution du droit à la retraite.

Les considérations ci-dessus ne sont que l'esquisse d'un projet qui implique une élaboration minutieuse. La création du Service National de Solidarité Civique doit cependant affirmer, d'une manière solennelle, le principe supérieur de la solidarité entre les Français.

Si la République est une et indivisible, c'est bien dans les circonstances difficiles qu'elle doit s'affirmer comme telle.

C'est pourquoi, Mesdames, Messieurs, je vous demande d'adopter la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

1. L'Etat a la charge de la lutte contre les catastrophes naturelles et de la protection des Français contre celles-ci.

2. Le Gouvernement met en œuvre les moyens de toutes natures nécessaires pour faire face à ces catastrophes et à leurs conséquences matérielles, économiques, sanitaires et sociales.

3. Afin de pourvoir aux besoins visés au paragraphe 2, ci-dessus, il est institué un Service National de Solidarité Civique auquel peuvent être astreints toutes les Françaises et tous les Français de dix-huit à soixante-cinq ans.

Article 2

Le Service National de Solidarité Civique a essentiellement pour objet de :

- Renforcer, lorsque la nécessité s'en fait sentir, tous les organismes publics ou assurant une mission de service public dans les circonstances visées à l'article 1er.

- Apporter à la population touchée par les catastrophes, l'aide matérielle et humaine qui s'exprime dans les principes de solidarité et de fraternité.

Article 3

1. Le Service National de Solidarité Civique repose sur le principe du volontariat.

2. Si nécessaire, il peut être rendu obligatoire pour tout ou parties de ceux qui y sont astreints conformément au paragraphe 3 de l'article 1er.

3. Le volontariat s'exerce dans le cadre de contrats passés entre les organismes utilisateurs définis par le Gouvernement. Ces contrats sont renouvelables périodiquement.

4. Le volontariat implique l'acceptation des obligations qui en sont l'objet.

5. Le Gouvernement détermine les besoins, prévisibles en personnel pour les cas de crise et les répartit entre :

- Les services publics nationaux, régionaux, départementaux et communaux concernés.

- Les organismes para publics également concernés.

- Les institutions privées, notamment les associations qui, en cas de crise grave, peuvent apporter leur concours aux services publics.

6. Le Gouvernement tient compte pour l'évaluation des besoins susvisés des capacités physiques et techniques nécessaires pour occuper les fonctions recensées.

7. Le Gouvernement fixe les modalités de l'appel au volontariat.

Article 4

1. Les personnes servant dans le Service National de Solidarité Civique doivent répondre aux conditions d'aptitudes nécessaires pour occuper leur emploi d'affectation.

2. Elles reçoivent une formation adaptée à leur emploi d'affectation.

Cette formation est continue dans le temps.

Elle est dispensée par les institutions ou organismes d'affectation.

3. L'engagement volontaire implique l'obligation de répondre à tout appel.

Article 5

1. Le Gouvernement élabore les plans nationaux et territoriaux de lutte contre les catastrophes.

2. Le Gouvernement met en application les plans visés au paragraphe 1, ci-dessus, et y met un terme.

Article 6

Une loi déterminera le statut des personnes servant dans le Service National de Solidarité Civique, les rémunérations accordées et les avantages sociaux liées à celles-ci, ainsi que le régime des pensions en cas d'accidents.

Article 7

Des décrets fixeront les modalités d'application de la présente loi.

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE

11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

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N° 1138 : Proposition de loi : Service Nationale de Solidarité Civique (Patrick Beaudouin)


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