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N° 1464

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 1er mars 2004.

PROPOSITION DE LOI
CONSTITUTIONNELLE

tendant à compléter l'article 4, alinéa premier
de la
Constitution du 4 octobre 1958,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration
générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais
prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par M. Jacques MYARD

Député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La France a hissé la laïcité au rang de ses valeurs fondamentales. L'article premier de la Constitution du 4 octobre 1958, s'inspirant de l'article premier de la Constitution de 1946, dispose que « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ».

Produite d'une histoire qui vient de loin, la laïcité est partie prenante de notre tradition républicaine. La République s'est bâtie autour de ce principe en réussissant à articuler dans un équilibre raisonné les relations entre le pouvoir et le religieux. Depuis la consécration par la loi du 9 décembre 1905 du principe de séparation des Eglises et de l'Etat, ce régime a permis d'établir des relations sereines et apaisées entre les autorités civiles et religieuses.

La laïcité garantit la liberté de conscience, elle assure à chacun la possibilité d'exprimer et de pratiquer sa foi. Elle interdit toute discrimination, en ne privilégiant aucune option religieuse. Elle garantit la neutralité de l'Etat qui s'abstient de toute intrusion dans le domaine religieux ou spirituel - comme ce dernier s'interdit toute emprise dans la sphère politique.

La laïcité traduit une certaine conception de la société, elle est le cadre qui permet de vivre ensemble dans la tolérance et le respect des convictions de chacun. Elle est indissociable de notre démocratie et de son exercice au quotidien.

Les partis et groupements politiques qui se forment et exercent librement leurs activités concourent à la vie démocratique de notre pays, dont ils sont l'une des formes d'expression. L'existence de partis, le pluralisme des opinions et des idées en sont l'une des composantes essentielles.

L'article 4 de la Constitution leur impose « le respect des principes de la souveraineté nationale et de la démocratie ».

Dès lors, il apparaît nécessaire de compléter l'article 4 pour que les partis et groupements politiques observent également le principe de laïcité. Ceux qui participent à la vie politique de notre pays, et aspirent à le gouverner, se doivent de veiller scrupuleusement à son respect.

Car malgré la force du principe de laïcité, l'adhésion qu'il suscite chez nos concitoyens, de toutes origines et de toutes confessions ainsi que dans les courants de pensée, ce principe fondateur fait face à des contestations nouvelles.

On constate, en effet, que des agissements attentatoires au principe de la laïcité se développent dans l'espace public : les difficultés d'intégration de certaines catégories de la population installées sur le territoire national, le chômage expliquent la popularité de mouvements politiques qui trouvent là un terreau à l'expansion de leurs idées pour combattre les idéaux laïques de la République. La conjoncture internationale et notamment le conflit du Moyen-Orient contribuent à nourrir des querelles à fondement racial.

Ces menaces à l'encontre de la laïcité se manifestent non seulement à l'école, lieu par excellence de transmission des savoirs et creuset des valeurs communes, mais aussi à l'Université, sur les lieux de travail, dans l'accès au sport et aux loisirs, au sein des services publics de santé...

Les attaques contre la laïcité ne sont plus diffuses et latentes, elles sont reprises, canalisées et structurées par des groupes politiques qui placent au cœur de leur projet politique la remise en cause de la laïcité et le prosélytisme politico-religieux.

Ainsi constate-t-on que certains partis communautaristes ne cachent plus leur volonté de renverser le système de valeurs sur lesquelles est construite la République. Les programmes et les déclarations de leurs dirigeants sont clairement orientés contre la laïcité.

Ces activistes politico-religieux utilisent toutes les failles de notre démocratie, dont la liberté de constitution des partis politiques, pour mettre à l'épreuve la résistance de la République et faire prévaloir progressivement leurs vues dans lesquelles la religion entend régenter le système social et l'ordre politique dans son ensemble.

La conception de ces communautaristes radicaux réfute l'égalité entre l'homme et la femme, devenue une valeur centrale dans notre droit. Selon leurs préceptes, la femme est enfermée irréductiblement dans un statut minoritaire.

Afin même de prévenir des tensions futures inéluctables, il incombe de s'opposer fermement à ceux qui, dans une stratégie clairement identifiée, combattent les valeurs de la République.

Rappelons que, sur le plan du droit international, la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été amenée, en vertu de son article 9, à traiter des questions de la laïcité. Tout en protégeant la liberté religieuse, elle reconnaît aux Etats une marge d'appréciation dans l'organisation de leurs rapports entre l'Eglise et l'Etat.

L'arrêt Refah Partisi (parti de la Prospérité) contre la Turquie du 13 février 2003 est éclairant à cet égard. La Cour européenne des droits de l'homme a autorisé la dissolution de ce parti islamique, compte tenu de la consécration de la laïcité dans la Constitution turque et du danger réel que constituait par ses projets politiques ce parti pour les droits et libertés en Turquie s'il parvenait au pouvoir.

La Cour européenne des droits de l'homme peut, ainsi, tenir compte des risques, pour la démocratie, de partis politiques qui ne respectent pas la laïcité.

Il est indispensable que les partis politiques qui concourent à la formation de l'opinion publique placent l'exigence de laïcité au cœur de leur action.

Au prix d'une histoire tumultueuse, la laïcité a permis le dialogue, l'expression de la diversité des croyances et des convictions sous la restriction, constante, du trouble à l'ordre public.

Nos concitoyens se reconnaissent dans cette valeur sur laquelle est fondée l'unité nationale en même temps qu'elle est garante de la liberté et de l'égalité.

Face aux défis que représente la montée de grougements politiques extrémistes, et de l'atteinte à l'ordre public qu'ils représentent, il importe que la laïcité soit préservée et défendue.

C'est pourquoi il vous est proposé de compléter le premier alinéa de l'article 4 de la Constitution par la mention in fine de la laïcité.

Telle est la proposition de loi constitutionnelle que je vous demande, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

Article unique

La dernière phrase du premier alinéa de l'article 4 de la Constitution du 4 octobre 1958 est ainsi rédigée :

« Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale, de la démocratie et de la laïcité. »

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-118263-X
ISSN : 1240 - 8468

En vente au Kiosque de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

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N° 1464 - Proposition de loi constitutionnelle : Complément à l'article 4, alinéa 1er de la Constitution ( Jacques Myard)


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