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N° 1879

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 20 octobre 2004.

PROPOSITION DE LOI
CONSTITUTIONNELLE

visant à permettre aux autorités organisatrices de transport
de mettre en
œuvre le service garanti,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration
générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais
prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par M. Michel HUNAULT

Député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L'exercice du droit de grève est un droit fondamental, affirmé dans le préambule de la constitution de 1946.

L'exercice de ce droit de grève a des conséquences fâcheuses dans le cadre de la continuité du service public des transports. Des initiatives parlementaires visent à limiter l'exercice de ce droit de grève et à exiger de la loi l'instauration d'un service garanti. Ce débat aussi légitime soit-il, aboutit à la confrontation entre ceux qui y voient une atteinte à l'exercice d'un droit fondamental et ceux qui, souhaitent ne pas paralyser la vie économique du pays. Il convient de tenter de concilier ces opinions.

Il s'avère que le mouvement législatif et réglementaire a, au cours de ces dernières années, accru considérablement la compétence des collectivités territoriales, désormais responsables des services collectifs de transport, que ce soit les Communautés Urbaines, les Départements, les Régions...

La présente proposition de loi constitutionnelle vise à autoriser les différentes autorités organisatrices de transports (A.O.) à engager dans un partenariat étroit avec les différents représentants des entreprises et opérateurs de transports, dans un dialogue constructif, les conditions d'exercice du droit de grève et la mise en place d'un service minimum garanti.

Un texte législatif pourrait, par la suite, être adopté par le Parlement après un grand débat et autoriser les différentes autorités organisatrices à déterminer librement, pour une période donnée, les conditions d'exercice du droit de grève dans les services de transport dont elles ont la compétence. Le Parlement, pourrait être saisi d'un bilan des expérimentations qui pourraient être ainsi prochainement engagées. Cette voie répond à un souci d'apaisement basé sur le dialogue et le volontariat.

Le 12 février 2004, le Ministre des transports a saisi M. Dieudonné Mandelkern, Président de Section Honoraire au Conseil d'Etat, d'une mission de réflexion sur la conciliation entre l'exercice du droit de grève et la continuité du Service Public dans les transports terrestres. Cette commission a rendu son rapport au mois de septembre 2004. Ce dernier recommande notamment de renforcer la prévention des conflits et de mettre en œuvre un service garanti. Il convient aujourd'hui de lui donner une traduction législative.

Le septième alinéa du Préambule de la Constitution, partie intégrante du bloc de constitutionnalité auquel le Conseil constitutionnel fait référence, précise que le droit de grève « s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ». Le droit de grève, s'il est reconnu constitutionnellement, n'est donc pas un droit absolu, c'est un droit qui doit être concilié avec d'autres normes de valeurs constitutionnelles, et les principes reconnus par la juridiction constitutionnelle, et notamment le principe de continuité.

Dans sa décision n° 79-105 DC du 25 juillet 1979 la haute juridiction a d'ailleurs considéré que « les constituants ont entendu marquer que le droit de grève est un principe de valeur constitutionnelle, mais qu'il a des limites et ont habilité le législateur à tracer celles-ci en opérant la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels, dont la grève est un moyen, et la sauvegarde de l'intérêt général auquel la grève ne peut porter atteinte ; que, notamment en ce qui concerne les services publics, la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour effet de faire obstacle au pouvoir du législateur d'apporter à ce droit les limitations nécessaires qui, tout comme le droit de grève, a le caractère d'un principe de valeur constitutionnelle ». Le juge constitutionnel a même précisé que ces limitations législatives pouvaient aller, pour les services dont l'interruption porterait atteinte aux besoins essentiels du pays, jusqu'à l'interdiction.

Le législateur n'a pas à ce jour, adopté de loi réglementant l'exercice du droit de grève dans le service public. L'Etat ne peut en effet que fixer un cadre, un contenu et des principes, puisque comme l'a souligné la commission Mandelkern, « au couple traditionnel de principes constitutionnels (droit de grève et continuité du service public) s'ajoute un troisième principe, de même valeur : la libre administration des collectivités territoriales ».

L'article 1er de notre texte suprême dispose que l'organisation de la République « est décentralisée ». Le quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution précise que « dans les conditions prévues par une loi organique, et sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique ou d'un droit constitutionnellement garanti, les collectivités locales ou leurs groupements peuvent, lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement l'a prévu, déroger, à titre expérimental et pour un objet et une durée limités, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l'exercice de leurs compétences ».

Le droit de grève étant constitutionnellement reconnu, la conciliation entre ce droit, la continuité des services publics et le droit à l'expérimentation nécessite une modification de notre loi fondamentale.

Ce cadre est aujourd'hui le plus opportun au regard des transferts successifs de compétences en matière de transport réalisés depuis 1982. Comme le souligne le rapport Mandelkern, « la région est autorité organisatrice des transports collectifs d'intérêt régional, le département est autorité organisatrice des transports scolaires, la commune et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) sont autorités organisatrices des transports d'intérêt local ».

C'est pourquoi nous vous proposons, Mesdames, Messieurs, de modifier la Constitution afin de permettre aux collectivités territoriales, en leur qualité d'Autorités Organisatrices de transports d'organiser, à titre expérimental, les modalités de la préservation de la continuité des services publics.

Un bilan des expérimentations pourrait donner lieu à un débat au Parlement.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

Article unique

Après le 4e alinéa de l'article 72 de la Constitution il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les collectivités territoriales et leurs groupements, titulaires de la compétence d'organisation des transports peuvent organiser, à titre expérimental, les modalités de la continuité des services publics et fixent les conditions du service minimum dans les transports dont elles ont la responsabilité.

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-118791-7
ISSN : 1240 - 8468

En vente au Kiosque de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

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N° 1879 - Proposition de loi constitutionnelle visant à permettre aux autorités organisatrices de transport de mettre en œuvre le service garanti (M. Michel Hunault)


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