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N° 1941

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 24 novembre 2004.

PROPOSITION DE LOI

relative à la dépénalisation et la décentralisation
du
stationnement payant sur voirie,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles de la législation et de l'administration
générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais
prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par MM. Christian PHILIP, Jean-Claude ABRIOUX, René ANDRÉ, Mme Martine AURILLAC, MM. Pierre-Christophe BAGUET, Patrick BALKANY, Mme Brigitte BARÈGES, MM. Marc BERNIER, Jean-Michel BERTRAND, Jérôme BIGNON, Bruno BOURG-BROC, Loïc BOUVARD, Bernard BROCHAND, Yves BUR, Dominique CAILLAUD, François CALVET, Gilles CARREZ, Richard CAZENAVE, Gérard CHARASSE, Georges COLOMBIER, Edouard COURTIAL, Jean-Michel COUVE, Charles COVA, Olivier DASSAULT, Jean-Claude DECAGNY, Jean-Pierre DECOOL, Yves DENIAUD, Léonce DEPREZ, Jean-Jacques DESCAMPS, Jean DIONIS DU SÉJOUR, Jean-Pierre DOOR, Dominique DORD, Guy DRUT, Jean-Michel DUBERNARD, Philippe DUBOURG, Francis FALALA, Yannick FAVENNEC, Georges FENECH, Claude GATIGNOL, Guy GEOFFROY, François-Michel GONNOT, Jean-Pierre GORGES, Jean-Claude GUIBAL, Jean-Jacques GUILLET, Emmanuel HAMELIN, Pierre HELLIER, Pierre HÉRIAUD, Antoine HERTH, Francis HILLMEYER, Eric JALTON, Alain JOYANDET, Mme Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, MM. Jacques KOSSOWSKI, Jean-Christophe LAGARDE, Robert LAMY, Edouard LANDRAIN, Dominique LE MÈNER, Lionnel LUCA, Thierry MARIANI, Hervé MARITON, Mme Henriette MARTINEZ, MM. Alain MARTY, Georges MOTHRON, Etienne MOURRUT, Alain MOYNE-BRESSAND, Jean-Marc NESME, Jean-Pierre NICOLAS, Robert PANDRAUD, Jacques PÉLISSARD, Bernard PERRUT, Etienne PINTE, Michel PIRON,
Mme Josette PONS, MM. Daniel PRÉVOST, Jacques REMILLER, Dominique RICHARD,
Mme Juliana RIMANE, MM. Jean-Marc ROUBAUD, Michel ROUMEGOUX, Max ROUSTAN, Martial SADDIER, André SANTINI, François SCELLIER, André SCHNEIDER, Michel SORDI, Daniel SPAGNOU, Guy TEISSIER, Michel TERROT, René-Paul VICTORIA et Philippe VITEL

Députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

J'ai l'honneur de vous proposer, pour les raisons qui seront exposées ci-après, un dispositif tendant à décentraliser et dépénaliser le stationnement payant sur voirie.

Le stationnement payant sur voirie est actuellement une compétence de la commune, mais la fixation du montant de l'amende pour non-paiement et son recouvrement relèvent de l'Etat. Il serait logique de donner à la collectivité une pleine compétence sur un instrument essentiel d'une politique volontariste des déplacements urbains.

Cette remarque conduit à suggérer une procédure dépénalisée et décentralisée. Dans le système proposé, stationner sur un emplacement autorisé donnera lieu au paiement d'une redevance domaniale. L'ensemble des mesures relatives au stationnement payant sera alors de la compétence des communes, établissements publics de coopération intercommunale ou syndicats mixtes. Cette compétence comprendra notamment la fixation du prix du stationnement et celle du montant de la redevance forfaitaire due par l'utilisateur en situation d'absence ou d'insuffisance de paiement. A défaut de paiement de cette redevance forfaitaire, le service en charge du stationnement pourra demander aux services de l'Etat les noms et adresses du titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule pour la lui notifier. En cas de non-paiement dans un délai de 30 jours, la redevance forfaitaire, majorée des frais de recherche, de poursuite et de recouvrement, sera mise en recouvrement par le comptable public. Une éventuelle réclamation pourra être portée devant le juge de proximité au civil (et non plus devant le tribunal de police au pénal). Afin d'éviter l'engorgement de la juridiction civile et les manœuvres dilatoires des récalcitrants, l'introduction de cette requête sera subordonnée au paiement préalable du montant notifié.

Le produit des redevances et redevances forfaitaires de stationnement reviendra directement aux collectivités compétentes et sera affecté, selon le cas, par la commune, l'établissement public de coopération intercommunale ou le syndicat mixte, au financement des dépenses d'investissement ou d'exploitation contribuant à l'amélioration des transports publics, d'actions d'organisation et d'aménagement du stationnement public, ou de mise en œuvre des autres actions prévues par le plan de déplacements urbains s'il existe. Bien entendu la commune pourra au préalable déduire le coût représenté par l'ensemble des charges lui revenant touchant au stationnement payant sur voirie et son contrôle.

En cas de transfert de la compétence de stationnement payant sur voirie d'une ou plusieurs communes à un établissement public, une convention peut être passée pour fixer les modalités de financement des frais restant à la charge de la commune. En cas de délégation de service public, la collectivité pourra imposer à son délégataire de reverser une partie du produit des redevances de stationnement au budget de la commune ou de l'établissement public compétent, selon des modalités à définir par convention.

Soutenir que ce dispositif serait une porte ouverte à une augmentation par rapport au montant des actuelles amendes de stationnement est erroné. Au contraire, bien des collectivités auront intérêt à fixer une redevance majorée faible mais dont elles assureront effectivement le recouvrement. Ainsi, tout en n'augmentant pas le montant des amendes actuelles, il sera possible de dissuader effectivement de frauder et d'accroître la ressource perçue.

L'adoption d'une telle proposition constituerait un geste clair de la volonté de soutenir la politique de transports collectifs et d'aménagement urbain menée par les agglomérations. L'Etat ne soutenant plus directement les investissements des autorités organisatrices en matière de transport collectif urbain, nous aurions là une ressource nouvelle pérenne et à même de leur permettre de conduire une politique volontariste. C'est pourquoi, une réforme par l'Etat du système de recouvrement des amendes ne correspondrait pas à une vraie solution. Il s'agit de donner aux collectivités la maîtrise de leur politique de déplacements (d'où la décentralisation), de leur permettre de concéder et d'avoir des ressources nouvelles pour les transports collectifs (d'où la dépénalisation).

La mise en œuvre de cette proposition de loi conduirait à une perte de recettes de l'ordre de 180M€ pour le budget de l'Etat compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. Par ailleurs, il est institué au profit de l'Etat un montant due par la collectivité à chaque consultation du fichier national des immatriculations (ce montant sera refacturé à l'automobiliste).

Telles sont les principales dispositions de la présente proposition de loi qu'il vous est demandé, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Après l'article L. 2224-35, sont insérés une division, un titre et un article ainsi rédigés :

« Chapitre V

« Service public du stationnement payant

« Art. L. 2225-1. - En vue de contribuer à la mise en œuvre des politiques de déplacements urbains, les communes, leurs groupements et les syndicats mixtes sont compétents pour organiser le service public du stationnement payant sur voirie et dans les parcs publics de stationnement.

« Les délibérations prises à cet effet ne font pas obstacle à l'application de l'article L. 2213-6. »

2° L'article L. 2333-87 est ainsi rédigé :

« Art. L. 2333-87. - I. - En application de l'article L. 2225-1, le conseil municipal ou l'organe délibérant d'un établissement public de coopération intercommunale ou d'un syndicat mixte compétent peut établir, sur des emplacements qu'il détermine, les redevances de stationnement sur voirie et les modalités de leur paiement.

« La délibération relative à ces redevances domaniales doit être compatible avec les dispositions du plan de déplacements urbains s'il existe. Elle établit le tarif applicable à chaque zone de stationnement payant. Le tarif peut n'être applicable qu'au delà d'une certaine durée limitée de stationnement ; il peut être progressif en fonction de la durée du stationnement ; il peut prévoir des montants de redevance spécifiques pour certaines catégories d'usagers, notamment les résidents.

« II. - La délibération mentionnée au I établit également une redevance forfaitaire applicable en cas d'absence de paiement de la redevance de stationnement prévue au I ou d'insuffisance de paiement. Le montant de la redevance forfaitaire est au plus égal à 50 fois le tarif horaire maximal de la redevance de la zone concernée.

« Le titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule est tenu de payer la redevance forfaitaire en cas d'absence de paiement de la redevance de stationnement ou d'insuffisance de paiement, dûment constatée par un agent du service de stationnement habilité par le maire, le président de l'établissement public de coopération intercommunale ou du syndicat mixte, par un agent de police municipale ou par un garde-champêtre ; ces agents sont compétents pour percevoir la redevance et la redevance forfaitaire. Toutefois, le titulaire du certificat d'immatriculation est exonéré du paiement de la redevance forfaitaire s'il établit qu'à la date des faits le véhicule était soustrait à sa garde en raison d'un vol ou toute autre cause de force majeure.

« A défaut de paiement immédiat, la redevance forfaitaire est notifiée au redevable, qui dispose d'un délai de 30 jours pour acquitter son paiement. A défaut de paiement dans ce délai, un titre de recette est émis et adressé au comptable public compétent en vue du recouvrement du montant de cette redevance ; les montants mis en recouvrement sont majorés d'un supplément, représentatif des frais de recherche, de poursuite et de recouvrement. Dans le même cas, le maire, le président de l'établissement public de coopération intercommunale ou du syndicat mixte peut demander au représentant de l'Etat dans le département d'immatriculation du véhicule, de faire opposition à tout transfert de la carte grise. L'Etat détermine par arrêté un montant due à chaque consultation du fichier national des immatriculations ; payé par l'autorité compétente en matière de stationnement, il s'ajoute à la redevance forfaitaire due par le titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule.

« Les agents mentionnés au deuxième alinéa et l'autorité compétente en matière de stationnement peuvent obtenir des services de l'Etat communication de l'identité et de l'adresse du titulaire du certificat d'immatriculation de tout véhicule pour lequel a été constatée l'absence ou l'insuffisance de paiement de la redevance de stationnement, tels qu'ils figurent au fichier national des immatriculations.

« Par dérogation aux dispositions de l'article L. 121-1 du code de la route, le titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule est responsable pécuniairement des infractions à la réglementation sur le stationnement des véhicules pour lesquelles seule une redevance majorée est encourue, à moins qu'il n'établisse l'existence d'un événement de force majeure ou qu'il ne fournisse des renseignements permettant d'identifier l'auteur véritable de l'infraction. Dans le cas où le véhicule était loué à un tiers, cette responsabilité pèse, avec les mêmes réserves, sur le locataire. Lorsque le certificat d'immatriculation du véhicule est établi au nom d'une personne morale, la responsabilité pécuniaire prévue au premier alinéa incombe, sous les mêmes réserves, au représentant légal de cette personne morale.

« Le comptable public peut recouvrer les condamnations pécuniaires par voie d'opposition administrative adressée aux personnes physiques ou morales qui détiennent des fonds pour le compte du débiteur ou qui ont une dette envers lui.

« III. - La juridiction de proximité statuant en matière civile est compétente pour tout recours relatif au recouvrement d'une redevance ou redevance forfaitaire de stationnement. La contestation du titre de recette mentionné au II doit être formée dans le délai de quinze jours à compter de sa notification. L'action n'est recevable que si le demandeur justifie du paiement préalable du montant figurant dans le titre de recette à moins qu'il n'apparaisse au juge que ce paiement serait de nature à entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

« La juridiction de proximité statue en dernier ressort lorsque le montant des redevances et redevances forfaitaires contestées est inférieur ou égal à 3 800 € et à charge d'appel au delà.

« IV. - Le produit des redevances et redevances forfaitaires de stationnement est affecté, selon le cas par la commune, l'établissement public de coopération intercommunale ou le syndicat mixte, au financement des dépenses d'investissement ou d'exploitation contribuant à l'amélioration des transports publics, d'actions d'organisation et d'aménagement du stationnement public, d'actions d'amélioration de la circulation routière, ou de mise en œuvre des autres actions prévues par le plan de déplacements urbains s'il existe.

« En cas de transfert de la compétence de stationnement payant sur voirie d'une ou plusieurs communes à un établissement public, en application des dispositions de l'article L. 5211-4-1, une convention peut être passée entre les communes intéressées et l'établissement public pour prévoir, les modalités de reversement par l'établissement public d'une partie du produit des redevances et redevances forfaitaires du stationnement payant sur voirie à ces communes représentant l'ensemble des charges de la commune relatives au stationnement payant sur voirie et son contrôle.

« Les collectivités territoriales et les établissements publics compétents en matière de stationnement payant sur voirie peuvent assurer en commun la gestion de ce service.

« En cas de délégation de service public, le délégataire procède au versement du produit des redevances et des redevances forfaitaires de stationnement au budget de la commune ou de l'établissement public compétent selon des modalités définies par convention.

« En région Ile-de-France, les autorités compétentes en matière de stationnement payant sur voirie reversent le quart du produit des redevances et redevances forfaitaires perçues au syndicat des transports d'Ile-de-France.

« V. - Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent article. »

« Le dernier alinéa de l'article L. 2512-14 est complété par les mots « ou par les agents du service de stationnement habilités par le maire. »

4° Après l'article L. 2512-25, sont insérés une division, un titre et un article ainsi rédigés :

« Sous-section 3 bis

« Stationnement payant à durée limitée sur voirie

« Art. L. 2512-26. - I. - Sur les voies et portions de voies mentionnées aux deuxième et quatrième alinéas de l'article L. 2512-14, les redevances prévues à l'article L. 2333-87 sont établies après avis du préfet de police.

« II. - L'insuffisance ou l'absence de paiement de la redevance de stationnement payant est constatée, à Paris, par les agents mentionnés à l'article L. 2512-16-1 ainsi que par les agents du service de stationnement habilité par le maire. »

5° Les dispositions du titre Ier du livre II de la cinquième partie sont ainsi modifiées :

a) Le deuxième alinéa du I de l'article L. 5215-20 est complété par les mots « et stationnement payant sur voirie » ;

b) L'avant-dernier alinéa du I de l'article L. 5215-20-1 est complété par les mots « et stationnement payant sur voirie » ;

c) Dans le deuxième alinéa du II de l'article L. 5216-5, les mots : « création ou aménagement et gestion de » sont remplacés par les mots « stationnement payant d'intérêt communautaire et » ;

d) L'avant-dernier alinéa du II de l'article L. 5214-16 est complété par les mots « stationnement payant d'intérêt communautaire et parcs de stationnement d'intérêt communautaire ».

Article 2

Le code de la route est ainsi modifié :

1° Après l'avant-dernier alinéa de l'article L. 130-4, est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 13° Les agents habilités à constater le défaut ou l'insuffisance de paiement de la redevance de stationnement prévue par l'article L. 2333-87 du code général des collectivités territoriales. »

2° Le I de l'article L. 330-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 9° Aux agents de police municipale, aux gardes champêtres habilités à constater le non acquittement du stationnement payant, ainsi qu'aux agents de stationnement habilités du service du stationnement payant sur voirie, dans la limites des informations relatives à l'identité du titulaire du certificat d'immatriculation, au numéro d'immatriculation et aux caractéristiques du véhicule. »

Article 3

Les articles 1 et 2 sont applicables à compter du 1er janvier 2006.

Article 4

Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées, à due concurrence, par la création de taxes additionnelles aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-118852-2
ISSN : 1240 - 8468

En vente au Kiosque de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

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N° 1941 - Proposition de loi sur la dépénalisation et la décentralisation du stationnement payant sur voirie (Christian Philip)


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