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N° 2306

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 11 mai 2005.

PROPOSITION DE LOI

visant à assurer l'égalité des chances à l'embauche,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales,
à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par M. Francis VERCAMER, Mme Anne-Marie COMPARINI,
MM. Olivier JARDÉ, Claude LETEURTRE, Jean-Luc PRÉEL,
François ROCHEBLOINE, André SANTINI
et Rodolphe THOMAS

Députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Dans notre société pourtant fondée sur l'égalité des droits, la persistance de pratiques discriminatoires à l'embauche est une atteinte à l'idéal républicain. L'observatoire des discriminations de l'Université de Paris I a publié il y a quelques mois une étude mettant en évidence la persistance de tels comportements. Pour la première fois, une méthode scientifique a pu mesurer combien les discriminations à l'embauche demeurent particulièrement nombreuses à l'égard des personnes touchées par un handicap mais également en fonction de l'âge, du sexe, du lieu de résidence ou de l'origine ethnique. Et ceci, à la seule et simple lecture du curriculum vitae envoyé par le candidat à un poste ouvert au recrutement. Ainsi, un candidat âgé de 50 ans a quatre fois moins de chances d'être convoqué à un entretien d'embauche pour un emploi commercial, et un Français d'origine maghrébine, cinq fois moins. De même, habiter un quartier considéré comme « difficile », prive tout candidat à l'embauche de chances sérieuses de trouver un emploi.

Au-delà des seuls comportements racistes, ce sont d'abord les préjugés qui ont la vie dure. Habiter un quartier dit sensible, est encore trop souvent assimilé, dans l'esprit d'un employeur potentiel, à un comportement individuel associable. Etre handicapé ou avoir 50 ans est trop souvent synonyme, chez ce même employeur, de moindre efficacité.

Pour le législateur, assurer l'égalité des chances à l'embauche, répond à une véritable urgence :

- urgence d'assurer aux travailleurs handicapés leur intégration dans le monde du travail,

- urgence d'assurer aux seniors, dans la logique de la réforme de notre régime de retraites et de l'évolution des cycles de vie, la possibilité de poursuivre une carrière professionnelle au-delà de 55 ans,

- urgence d'assurer aux femmes les mêmes chances d'accès à l'emploi que les hommes,

- urgence d'assurer les plus jeunes de nos concitoyens, dans les quartiers dits sensibles, du bien fondé de leur choix quand ils se tournent vers l'effort et les diplômes, en leur offrant des exemples de parcours professionnels réussis.

Dans ce contexte, la présente proposition de loi vise à intégrer, dans notre code du travail, diverses dispositions visant à assurer l'égalité des chances à l'embauche :

- en sensibilisant aux phénomènes des discriminations, les personnels d'encadrement, ou chargés du recrutement et des ressources humaines de tout employeur privé ou public. Au plus près des réalités du bassin d'emplois, les maisons de l'emploi sont dotées, à cet égard, d'une mission d'information ;

- en assurant, dans les entreprises de plus de 250 salariés, l'anonymat des informations transmises par le candidat dans le cadre d'un recrutement, par le biais du curriculum vitae ; en deçà de ce seuil d'effectifs, l'anonymat des curriculum vitae peut être assuré dans les entreprises qui le souhaitent. Elles bénéficient pour ce faire, de l'appui des maisons de l'emploi ;

- en instaurant un délai de trois ans au cours duquel les curriculum vitae reçus à l'occasion des recrutements sont conservés par l'employeur ;

- enfin, en reconnaissant aux maisons de l'emploi un rôle incitatif en direction des entreprises présentes sur leur territoire, afin d'encourager celles-ci à assurer la diversité sociale de leurs recrutements.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Après l'article L. 121-6 du code du travail, il est inséré un article L. 121-6-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 121-6-1. - Les informations visées à l'article L. 121-6, les informations librement apportées par le candidat à un emploi ou par un salarié et les informations transmises par les organismes de placement sont conservées par l'employeur pour une durée de trois ans pendant laquelle elles peuvent être communiquées à l'inspection du travail ou à la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité sur leur demande.

« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article. »

Article 2

Après l'article L. 121-6 du même code, il est inséré un article L. 121-6-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 121-6-2. - Dans les entreprises de plus de 250 salariés, les informations visées à l'article L. 121-6-1 doivent, lorsqu'elles sont transmises par écrit, être dactylographiées et dépouillées de toute référence au nom, à l'adresse, au sexe, à l'âge et à la nationalité de l'intéressé avant d'être portées à la connaissance de l'employeur ou des personnels chargés du recrutement et de la gestion des ressources humaines de ces entreprises. Toute photo doit en être retirée.

« Les entreprises qui, quel que soit leur effectif, mettent en œuvre les dispositions prévues à l'alinéa précédent peuvent bénéficier de l'aide des maisons de l'emploi dans les conditions visés à l'article L. 311-10.

« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article. »

Article 3

Après l'article L. 122-45-5 du même code, il est inséré un article L. 122-45-6 ainsi rédigé :

« Art. L. 122-45-6. - Les employeurs privés et publics organisent périodiquement à l'intention des personnels chargés du recrutement et de la gestion des ressources humaines ainsi que des personnels d'encadrement, des formations spécifiques destinées à les sensibiliser aux phénomènes des discriminations à l'embauche et dans l'emploi. »

Article 4

Après le premier alinéa de l'article L. 311-10 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les maisons de l'emploi mènent auprès des employeurs privés et publics des actions d'information et de sensibilisation aux phénomènes des discriminations à l'embauche et dans l'emploi. Elles peuvent conclure avec les employeurs en activité dans leur ressort des conventions destinées à mettre en œuvre les formations prévues à l'article L. 122-45-6. Ces conventions peuvent également prévoir que les maisons de l'emploi accomplissent pour le compte des employeurs les obligations visées au 1er alinéa de l'article L. 121-6-2. »

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-119150-7
ISSN : 1240 - 8468

En vente à la Boutique de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

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N° 2306 - Proposition de loi visant à assurer l'égalité des chances à l'embauche (M. Francis Vercamer)


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