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N° 2316

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 11 mai 2005.

PROPOSITION DE LOI

établissant un service national de solidarité,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales,
à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par MM. André GERIN, François ASENSI, Gilbert BIESSY, Alain BOCQUET, Patrick BRAOUEZEC, Jean-Pierre BRARD, Jacques BRUNHES, Mme Marie-George BUFFET,
MM. André CHASSAIGNE, Jacques DESALLANGRE, Frédéric DUTOIT, Mme Jacqueline FRAYSSE, MM. Pierre GOLDBERG, Maxime GREMETZ, Georges HAGE, Mmes Muguette JACQUAINT, Janine JAMBU, MM. Jean-Claude LEFORT, François LIBERTI, Daniel PAUL, Jean-Claude SANDRIER et Michel VAXÈS (1)

Députés.

(1) Constituant le groupe des député-e-s communistes et républicains.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Il est nécessaire d'instaurer un service national de solidarité, une conscription de nouvelle génération. Les dramatiques événements d'Asie du Sud mettent en évidence la grande difficulté à faire face aux conséquences d'une catastrophe naturelle, à porter secours aux survivants dans les heures qui suivent et de les aider, peu à peu, à reprendre le chemin d'une vie normale dans le cadre d'un programme de reconstruction, qui plus est quand la plupart d'entre eux vivaient dans une extrême pauvreté.

La générosité publique dans le monde n'a pas failli. Elle est annonciatrice de nouvelles solidarités. Nous pouvons participer à un nouvel ordre mondial. Aujourd'hui, des milliers de militaires sont transformés en soldats de la vie. Quelle image porteuse d'espoir en un monde de paix réconcilié ! Quel formidable investissement politique !

La France, avec sa jeunesse, en s'impliquant dans un réseau mondial de solidarité, peut porter l'engagement des dirigeants de la planète adopté à l'ONU en l'an 2000 : « S'attaquer à cette atteinte hideuse à la dignité humaine que représente la pauvreté et la famine. »

La création d'un service national de solidarité donnera une nouvelle chance, ouvrira un nouvel horizon à notre jeunesse, afin qu'elle participe à une culture de paix pour le bien-être de l'Humanité, priorité pour le XXIe siècle. Dans ce cadre, des jeunes, ambassadeurs de la France, pourront porter secours dans l'immédiateté des catastrophes mais aussi s'investir dans des projets humanitaires et écologiques à plus long terme : ici construire une école, là une installation d'eau potable, etc.

L'effort de longue haleine qu'exige le désastre d'Asie de Noël 2004, tous les « tsunamis permanents » de la planète mettent en évidence la nécessité de disposer d'une véritable « force de frappe » humanitaire.

En 1983, le Dr Mérieux rêvait déjà « d'une force intercontinentale opérationnelle » et concevait la « Bioforce pour mieux lutter contre les maladies infectieuses et donner un nouvel élan à l'action humanitaire ». Il a mis en place l'association Bioforce basée sur le plateau des Minguettes, à Vénissieux.

Il affirmait en 1996, année de la suppression du service national, que « l'action humanitaire peut être transformée par la réforme du service militaire, grâce à la bioconscription (...) ».

« C'est au Brésil, ajoutait-il, que j'ai eu l'idée des logisticiens de Bioforce : je m'étais aperçu que les mécaniciens réparateurs, travaillant la nuit pour l'entretien du matériel et des locaux, étaient plus utiles que les médecins vaccinateurs le jour.

« Pour intervenir partout dans le monde, nous avions besoin de transports aériens et donc des militaires, avec l'expérience extraordinaire du service de santé des armées.

« C'est pourquoi, dans leur école, sur l'aéroport de Bron, nos confrères militaires ont formé avec nous la première Bioforce capable d'intervenir en quelques heures pour les vaccinations d'urgence sur le continent africain.

« La Bioforce de demain doit multiplier ces équipes mobiles, non seulement pour les interventions d'urgence, mais aussi pour la formation sur place, en mettant à profit les nouveaux moyens des autoroutes de l'information.

« L'infanterie militaire doit réduire ses effectifs. L'infanterie humanitaire, par contre, est à créer. Il y a encore à secourir des millions de réfugiés et aider au développement des pays les plus pauvres. »

L'expérience de « Bioforce » a plus de 20 années d'existence. Il est plus que jamais d'actualité de donner corps et existence au rêve de Charles Mérieux dans toute son ampleur.

Nous devons mobiliser la jeunesse de notre pays pour relever le défi lancé à notre société en intégrant dans l'enseignement et la formation du citoyen ces questions essentielles pour la survie de l'humanité.

Pour prendre pleinement son sens, cette formation générale ne doit pas rester théorique : elle doit déboucher sur un projet pratique impliquant personnellement chaque jeune, un apprentissage citoyen à l'autonomie.

Tous les jeunes Français, majeurs, filles et garçons devront donner six mois minimum de leur temps pour des missions dans les secteurs de la solidarité, de la prévention, de l'éducation, de l'environnement et de l'action humanitaire.

Ils seront pris en charge par l'Etat, avec la contribution des régions, encadrés et formés par des professionnels, au besoin orientés vers des spécialisations en fonction de leur cursus personnel.

Ce temps aura valeur de formation et sera sanctionné par un diplôme sous contrôle de l'Education nationale.

Pour ceux qui auront choisi de servir hors du pays, ils iront porter secours dans l'immédiateté des catastrophes mais aussi s'investiront dans des projets humanitaires et écologiques à plus long terme.

Dans ces derniers cas, leur temps pourra être prolongé.

Pour les plus déterminés d'entre eux, cela pourra déboucher sur une véritable carrière.

Le gouvernement mettra à l'étude sans tarder un projet d'instauration d'un service national de solidarité en associant des collectivités territoriales, ne serait-ce que pour la phase expérimentale et dans la répartition des contributions financières.

Le service national de solidarité comblera le vide laissé par la suppression du service national de conscription.

Bioforce constituera la référence pour une procédure d'agrément d'organismes publics ou privés, partout en France, pour gérer la nouvelle « force de frappe » humanitaire et de solidarité et lui donner tout son sens et son efficacité.

Le rôle des collectivités publiques avec les associations et les ONG sera de mettre en place, outre cette procédure d'agrément, un « Plan métiers » de la solidarité, de l'humanitaire, du développement durable.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Il est créé un service national de solidarité pour les jeunes Françaises et Français âgés de dix-huit à vingt-cinq ans.

Ce service présente un caractère obligatoire. Il est effectué sur la base d'un projet élaboré par l'intéressé dans la dernière année de sa scolarité ou dans les deux ans qui suivent l'obtention d'un diplôme sanctionnant des études supérieures. Il est proposé pour une durée minimale de six mois et pour une période qui ne peut excéder un an.

L'ensemble des compétences acquises dans l'exécution du service national de solidarité, en rapport direct avec le contenu d'un diplôme, d'un titre à finalité professionnelle ou d'un certificat de qualification, est pris en compte au titre de la validation des acquis de l'expérience dans les conditions prévues aux articles L. 335-5 et L. 335-6 du code de l'éducation.

A l'issue de la période de service, la collectivité publique, l'association ou l'organisme en charge de l'accueil de l'intéressé lui délivre une attestation d'accomplissement du service national de solidarité.

Les jeunes de nationalité étrangère résidant en France peuvent effectuer ce service, dans des conditions fixées par décret.

Article 2

Le service national de solidarité doit être effectué dans les domaines de l'action humanitaire, de la coopération, de la solidarité, de la prévention, de l'éducation ou de l'environnement, sur la base d'un contrat qui mentionne notamment les conditions dans lesquelles l'intéressé accomplit son service.

Article 3

La mise en œuvre du dispositif est assurée par un délégué interministériel. Il aura la charge d'organiser les modalités pratiques du service national de solidarité, de mettre en place les coopérations nécessaires avec les collectivités territoriales, les associations et organismes intervenant dans les domaines considérés, de préparer l'accueil et l'accompagnement des jeunes effectuant leur service national de solidarité.

Article 4

Les collectivités publiques, les associations ou organismes en charge de l'accueil de l'intéressé lui assurent une formation et, le cas échéant, prennent en charge les frais de voyage liés aux missions attachées au service. Ils apportent un appui à son insertion ou réinsertion professionnelle à l'issue du contrat de service national.

Il peut être mis fin de façon anticipée au contrat de service national de solidarité moyennant un préavis d'au moins un mois.

Les collectivités locales, les associations ou organismes en charge de l'accueil de l'intéressé lui assurent, ainsi qu'à ses ayants droit, à compter de la date d'effet du contrat de service national, une protection sociale sous réserve des droits qu'ils détiennent par ailleurs.

Cette protection sociale comprend la couverture des risques maladie, maternité, invalidité, décès, accidents du travail et maladies professionnelles. Pour les ayants droit, elle comprend la couverture des prestations en nature des risques maladie, maternité et invalidité.

L'intéressé et ses ayants droit bénéficient, dans des conditions fixées par décret, d'une assurance maladie complémentaire, d'une assurance responsabilité civile et, le cas échant, d'une assurance pour le rapatriement sanitaire, prises en charge par l'association ou l'organisme d'accueil.

Une indemnité est versée à l'intéressé. Elle lui permet d'accomplir son service dans des conditions de vie décentes. Cette indemnité est un élément de rémunération au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale. La période du contrat de service national de solidarité entre dans le calcul de la durée requise d'assurance au titre de la validation des droits ouverts à la retraite.

Le montant de l'indemnité et les conditions dans lesquelles elle est versée, sont fixés dans le contrat de service national de solidarité.

Un décret en conseil d'Etat précise les modalités d'application du dispositif et notamment les coopérations nécessaires avec les collectivités publiques et privées intéressées.

Article 5

Toute association qui souhaite faire appel au concours de jeunes dans les conditions prévues par la présente loi, doit être agréée par le ministre de l'intérieur ou, le cas échant, par le ministre des affaires étrangères.

Article 6

Les charges éventuelles qui résulteraient pour les collectivités locales de l'application de la présente loi sont compensées à due concurrence par une augmentation de la dotation globale de fonctionnement et de la dotation générale de décentralisation.

Les charges éventuelles qui résulteraient pour l'Etat et les régimes sociaux de l'application de la présente loi, sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par une augmentation de ces mêmes tarifs.

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-1191744-0
ISSN : 1240 - 8468

En vente à la Boutique de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

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N° 2316 - Proposition de loi établissant un service nationale de solidarité (M. André GERIN)


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