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N°1018 (4ème partie)

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 juillet 2003

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE  (1)

sur l'application des mesures préconisées en matière de sécurité du transport maritime des produits dangereux ou polluants et l'évaluation de leur efficacité

Président
M. Edouard LANDRAIN,

Rapporteur
M. Christophe PRIOU,
Députés
.
--

TOME I

RAPPORT

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Transports par eau.

La commission d'enquête sur l'application des mesures préconisées en matière de sécurité du transport maritime des produits dangereux ou polluants et l'évaluation de leur efficacité, est composée de : M. Edouard LANDRAIN, Président ; MM. Jean-Pierre DUFAU et Jean LASSALLE, Vices-Présidents ; MM. Bernard DEFLESSELLES et Daniel PAUL, Secrétaires ; M. Christophe PRIOU, Rapporteur ; MM. Jean-Yves BESSELAT, Maxime BONO, Gilles COCQUEMPOT, Jean-Pierre DECOOL, Michel DELEBARRE, Léonce DEPREZ, Éric DIARD, Mme Marie-Hélène des ESGAULX, MM. Jean GRENET, Louis GUÉDON, Michel HUNAULT, Christian JEANJEAN, Aimé KERGUERIS, Mme Marguerite LAMOUR, Mme Marylise LEBRANCHU, MM. Jean-Yves Le DRIAN, Jacques LE GUEN, Jean-Louis LÉONARD, Claude LETEURTRE, Christophe MASSE, Didier QUENTIN, Mme Hélène TANGUY, MM. Alfred TRASSY-PAILLOGUES, Alain VIDALIES.

S O M M A I R E

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Pages

première partie : Le naufrage du Prestige et la pollution des cÔtes espagnoles et françaises : le retour de l'inadmissible, trois ans après l'Erika

DEuxième partie : Des évolutions réelles, malgré une apparence d'immobilisme

troisième partie : Quelles perspectives souhaitables et réalistes ?

quatrième partie : le régime international de responsabilité et d'indemnisation doit contribuer à améliorer la sécurité maritime 55

I.- Un système international de responsabilité et d'indemnisation limité à la pollution par les hydrocarbures 66

A.- La convention de 1992 sur la responsabilité civile doit etre améliorée 77

1.- Une conception restrictive du dommage par pollution et des navires concernés 77

2.- La responsabilité objective du propriétaire 88

3.- Une responsabilité strictement limitée 88

4.  La responsabilité canalisée sur le seul armateur et l'immunité pour l'ensemble des autres opérateurs de la chaîne maritime 99

5.- L'obligation de souscrire une assurance 1010

b.- Le FIPOL assure une indemnisation très partielle des dommages de pollution 1111

1.- Le FIPOL assure une indemnisation complémentaire de celle de l'assurance de l'armateur 1212

2.- Une indemnisation plafonnée 1212

3.- Un financement assuré exclusivement par les compagnies pétrolières 1414

4.- Le problème lié à une définition trop restrictive des préjudices indemnisables 1616

5.- Le bilan des dommages indemnisés par le FIPOL au titre du naufrage de l'Erika 2323

II.- Confrontées a une pollution chimique, les victimes seraient aujourd'hui privées de toute indemnisation 2525

A.- la lente gestation de la convention HNS 2525

1.- La convention HNS applique des principes similaires aux conventions CLC et FIPOL 2525

2.- Les professionnels, tout en convenant de la nécessité de prévoir un mécanisme d'indemnisation, jugent cette convention trop complexe 3030

B.- La Commission européenne incite les etats membres à ratifier cette convention 3232

III.- Responsabiliser l'ensemble des acteurs du transport maritime tout en améliorant les mécanismes d'indemnisation 3333

A.- responsabliser les armateurs 3333

1.- Relever et moduler les plafonds de responsabilité civile des armateurs 3333

2.- Mettre en cause plus facilement la responsabilité civile de l'armateur en cas de faute caractérisée 3838

B.- Moduler les contributions au FIPOL pour inciter les chargeurs à recourir à une flotte de qualité 4343

C.- Impliquer les sociétés d'assurances pour une meilleure sécurité maritime 4444

1.- Des compagnies d'assurances peu vigilantes quant à la sécurité des navires 4444

2.- Comment les compagnies d'assurances peuvent contribuer à la sécurité maritime 4747

D.- Ameliorer les mécanismes d'indemnisation du FIPOL 4848

1.- Mobiliser les Etats membres de l'Union européenne pour ratifier le protocole créant un fonds complémentaire 4848

2.- L'incompréhension suscitée par la décision du Comité exécutif du FIPOL au sujet des dommages du Prestige 4949

3.- Rendre prioritaires les créances de subsistance et prévoir une procédure d'urgence 5050

4.- Améliorer le caractère contradictoire des demandes d'indemnisation 5252

5.- Une meilleure prise en compte des dommages écologiques 5252

IV.- Un fonds d'indemnisation communautaire pour pallier LES carences des mécanismes d'indemnisation internationaux 5353

A.- Un Fonds Communautaire pour suppléer LES carences du FIPOL ? 5353

B.- La necessité de mobiliser les financements comMunautaires pour la réparation immédiate du littoral et la reconstitution du potentiel économique 5656

CONCLUSIONS et préconisations 5959

EXAMEN DU RAPPORT 7373

EXPLICATIONS DE VOTE 7575

Glossaire 8585

ANNEXES 8989


 

QUATRIÈME PARTIE : LE RÉGIME INTERNATIONAL DE RESPONSABILITÉ ET D'INDEMNISATION DOIT CONTRIBUER À AMÉLIORER LA SÉCURITÉ MARITIME

Le régime international aujourd'hui en vigueur donne la priorité à l'indemnisation des victimes, en dissociant le droit à l'indemnisation et la détermination des responsabilités. Ce système international est actuellement limité aux dommages par les hydrocarbures, mais la convention relative aux substances nocives et potentiellement dangereuses, conclue en 1996 -non encore entrée en vigueur- est régie par des principes similaires : d'une part, une responsabilité objective mais limitée du propriétaire du navire qui répond seul des dommages causés par celui-ci et, d'autre part, la création d'un fonds d'indemnisation, financé par les professionnels bénéficiaires des produits, qui n'intervient que pour compléter l'indemnisation par l'assureur de l'armateur.

L'accident de l'Erika, puis de nouveau, celui du Prestige, ont mis en évidence les faiblesses du régime actuel de responsabilité et d'indemnisation organisé, sous l'égide de l'OMI, par le protocole de 1992 révisant la convention sur la responsabilité civile dite CLC, et par le fonds d'indemnisation des pollutions pétrolières dit FIPOL. Ce système n'est pas suffisamment efficace pour l'indemnisation et n'a pas assez incité l'industrie maritime à améliorer spontanément la sécurité des transports maritimes, malgré l'occurrence, encore trop régulière, de catastrophes écologiques.

Au contraire, ce système met la plupart des acteurs à l'abri des recours qui pourraient être intentés par les personnes qui subissent des dommages après une marée noire. Il demeure ainsi très éloigné du principe « pollueur/payeur » qui fait maintenant l'objet d'un certain consensus dans l'opinion publique et qui est inscrit dans différents textes internationaux comme la déclaration de Rio ou le traité de Maastricht.

L'amélioration du système d'indemnisation ne doit pas occulter le problème de la responsabilité des différents acteurs du transport maritime dans la survenance des grands sinistres maritimes. Le système actuel repose sur un régime d'indemnisation amiable financé par l'ensemble des importateurs d'hydrocarbures, alors que la contribution financière des armateurs est beaucoup plus réduite en raison du plafonnement de leur responsabilité et se limite au paiement de primes d'assurance modestes au regard du risque assuré.

Toute réforme du système est cependant délicate en raison de la complémentarité entre les deux conventions internationales dont l'une régit la responsabilité civile et l'autre le mécanisme de dédommagement mutualisé. D'aucuns ont d'ailleurs fait valoir que le régime d'indemnisation ne devait pas avoir d'autre finalité que d'indemniser correctement les victimes et qu'il ne devait pas chercher à « responsabiliser » les acteurs du transport maritime en les incitant à recourir à une flotte de qualité.

Cependant, l'implication de tous les acteurs de la chaîne du transport maritime risque de s'avérer une entreprise difficile en raison de la diversité des intermédiaires qui interviennent entre l'armateur et le destinataire de la marchandise. La multiplicité des intervenants dans le « ship management » et l'opacité quant aux responsabilités respectives de ces nombreux intermédiaires a d'ailleurs conduit au statu quo malgré la gravité des marées noires de ces dernières années. Les partisans du régime actuel ne se privent pas d'insister sur cette triste évidence : il est toujours possible de rattacher un navire à un armateur en raison de l'obligation d'immatriculation alors qu'il est bien souvent impossible de déterminer à qui appartient la cargaison ou quel est le véritable exploitant décisionnaire tant les responsabilités sont diluées entre l'exploitant nautique, l'exploitant technique, la société de « manning »...

On ne peut accepter ces constations quelque peu cyniques car les admettre pour pertinentes conduirait à encourager un système pernicieux qui favorise le recours à des bateaux sous-normes, puisqu'il n'existe aucune incitation financière à recourir à une flotte de qualité ni aucune sanction dissuasive en cas de pollution majeure. Eu égard à la brutalité des faits, aucun instrument d'intervention, aucun levier d'action sur le secteur des transports maritimes ne doit être négligé, et les régimes d'indemnisation et de responsabilité, susceptibles de peser sur la dimension financière, évidemment sensible, devraient sans doute même être privilégiés dans cette perspective.

Après avoir rappelé les principales caractéristiques des conventions internationales relatives à la pollution par les hydrocarbures et les substances nocives, des pistes de réforme, inspirées des réflexions des personnes auditionnées par la Commission et des analyses juridiques nombreuses sur ce thème, seront proposées pour parvenir à concilier un régime d'indemnisation équitable avec des incitations efficaces pour l'amélioration de la sécurité maritime.

I.- UN SYSTÈME INTERNATIONAL DE RESPONSABILITÉ ET D'INDEMNISATION LIMITÉ À LA POLLUTION PAR LES HYDROCARBURES

Un système international de responsabilité et de réparation spécifique aux dommages dus à la pollution par les hydrocarbures a été mis en place, à la suite de l'échouement du pétrolier Torrey Canyon, intervenu en 1967, à l'extrémité de la Cornouaille. Deux conventions, élaborées dans le cadre de l'OMI et ouvertes à la signature, respectivement en 1969 et en 1971, ont aménagé un système de responsabilité et d'indemnisation à deux niveaux :

- la convention internationale de 1969 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (dite convention CLC pour « Civil liability convention ») est entrée en vigueur en 1975 et a été ratifiée par la France le 26 juin 1976. Elle fait peser sur le propriétaire du navire une responsabilité de plein droit, mais limitée en fonction du tonnage du navire ;

- la convention de 1971 porte création d'un fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (FIPOL). Ce fonds, alimenté par les contributions des entreprises recevant du pétrole par voie maritime, assure une indemnisation complémentaire, au-delà de la limite de responsabilité du propriétaire, et jusqu'à un certain plafond. Cette convention est entrée en vigueur en octobre 1978, postérieurement à la catastrophe de l'Amoco Cadiz, et a été ratifiée par la France en décembre 1978.

Les conventions de 1969 et de 1971 ont fait l'objet, en 1992, d'importants protocoles entrés en vigueur en mai 1996, tendant principalement à augmenter les plafonds de responsabilité. On désigne désormais respectivement ces conventions sous l'appellation courante de « convention de 1992 sur la responsabilité civile » et de « convention de 1992 portant création du Fonds ».

A.- LA CONVENTION DE 1992 SUR LA RESPONSABILITÉ CIVILE DOIT ETRE AMÉLIORÉE

1.- Une conception restrictive du dommage par pollution et des navires concernés

La convention de 1992 s'applique aux dommages par pollution résultant du déversement d'hydrocarbures persistants provoqués par des navires citernes survenus sur le territoire et dans la ZEE d'un Etat partie à cette convention. L'Etat du pavillon du navire impliqué ou la nationalité de son propriétaire est sans incidence pour l'application de cette convention.

Il convient toutefois de souligner le caractère restrictif de la définition du dommage de pollution retenu par la convention. En effet les dommages causés par les hydrocarbures non persistants ne tombent pas sous le coup de celle-ci. Autrement dit, les déversements d'essence, d'huile diesel légère, de kérosène etc. ne sont donc pas du ressort de la convention.

Par ailleurs, elle ne s'applique pas à tous les navires. Elle vise les navires qui transportent effectivement des hydrocarbures en vrac en tant que cargaison, c'est-à-dire normalement les navires-citernes en charge, ainsi que les déversements d'hydrocarbures de soute provenant de navires-citernes, dans certaines conditions. En revanche, la convention ne s'applique pas aux déversements d'hydrocarbures de soute provenant des cargos ou porte-conteneurs.

2.- La responsabilité objective du propriétaire

La convention fait peser la responsabilité pour pollution à l'égard des tiers sur le propriétaire immatriculé du navire, et non sur l'exploitant de celui-ci. Cette responsabilité est une responsabilité de plein droit qui s'impose même en dehors de toute faute.

Le propriétaire n'est dégagé de sa responsabilité que dans des cas très limités, énumérés par la convention : acte de guerre, catastrophe naturelle, acte de sabotage, négligence des autorités publiques responsables de l'entretien des feux et des aides à la navigation. La faute intentionnelle ou la négligence de la victime ayant contribué au dommage sont également une cause d'exonération totale ou partielle du propriétaire.

3.- Une responsabilité strictement limitée

En contrepartie de ce régime de responsabilité sans faute, l'étendue de la responsabilité de l'armateur est plafonnée, selon un barème qui est fonction du tonnage du navire (soit un montant allant environ de 4 millions d'euros à 80 millions d'euros, celui applicable à l'armateur du Prestige s'élevant à 24 millions d'euros).

Cette limitation de responsabilité du propriétaire est traditionnelle en droit maritime et elle était justifiée en raison du risque intrinsèque de toute opération maritime.

D'autres mécanismes de plafonnement de responsabilité existent d'ailleurs encore, comme celui prévu dans la convention sur la limitation de responsabilité en matière de créances maritimes ou « convention on limitation of liability for maritime claims », dite convention LLMC de 1976.

Ces mécanismes de plafonnement ne se justifient plus pleinement car le transport maritime est devenu beaucoup moins risqué que par le passé. Incontestablement, les niveaux de plafonnement de la responsabilité sont beaucoup trop bas au regard des risques potentiels de pollution que peuvent générer les pétroliers, qui sont de l'ordre du milliard d'euros.

Les possibilités de mettre en cause la responsabilité de l'armateur sont aujourd'hui beaucoup trop restrictives. En effet, il doit être prouvé que le dommage résulte « du fait ou de l'omission personnels du propriétaire du navire, commis avec l'intention de provoquer un tel dommage, ou commis témérairement et avec conscience qu'un tel dommage en résulterait probablement ». Cette définition correspondrait, en droit français, d'une part, à la faute intentionnelle et, d'autre part, à la faute inexcusable.

Les limites de responsabilité du propriétaire
résultant du protocole de 1992 sur la responsabilité

Jauge brute (tonneaux)

Montant en DTS 1

Montant équivalent en euros
(montants approximatifs - Cours de mai 2003 : 1DTS = 1.22758 euros)

Jusqu'à 5000 tjb

3 millions

3,7 millions

Entre 5000 et 140 000 tjb

3 millions
+ 420 /tonneau

3,7 millions + 516 euros/tonneau

A partir de 140 000 tjb

59,7 millions

73millions

(Source : données FIPOL)

Il faut souligner, à cet égard, que dans la convention CLC de 1969, la simple faute du propriétaire était suffisante pour le priver de son droit à limitation. La restriction apportée aux conditions de mise en cause de sa responsabilité, opérée dans la convention de 1992, a de fait accompagné le relèvement important des plafonds de responsabilité (le montant maximum de responsabilité était jusqu'alors de 14 millions de DTS, contre 59,7 millions de DTS dans celle de 1992).

4.  La responsabilité canalisée sur le seul armateur et l'immunité pour l'ensemble des autres opérateurs de la chaîne maritime

Dans la convention CLC en vigueur, les demandes d'indemnisation liées à des dommages de pollution ne peuvent être formées qu'à l'encontre de l'armateur, ce qui, aux yeux des partisans du système actuel, présente l'avantage de la simplicité et évite de longues démarches aux victimes si elles devaient, par des procédures judiciaires, faire évaluer la part de responsabilité de chaque intervenant dans le circuit de transport maritime.

Même si ce système a le mérite de la simplicité, il conduit en fait à déresponsabiliser l'ensemble des acteurs qui jouissent ainsi d'une immunité de fait et de droit.

Il convient de souligner que la convention de 1992 a renforcé la canalisation de la responsabilité, en interdisant explicitement tout recours des tiers contre les membres de l'équipage, le pilote et toute personne prenant des mesures de sauvegarde ou effectuant des opérations de sauvetage. Sont également exclus les recours contre tout affréteur sous quelque appellation que ce soit, ainsi que contre tout armateur gérant du navire. Sont ainsi « protégés » tous les opérateurs participant directement au risque maritime.

La seule possibilité pour les victimes de mettre en cause la responsabilité des intermédiaires de la chaîne du transport consiste donc à arriver à prouver à leur encontre une faute de même nature que celle privant le propriétaire de la limitation de responsabilité, c'est-à-dire une faute inexcusable.

Selon le sénateur Henri de Richemont et Mme Cécile Robin, maître de conférence à l'université de Haute Alsace et membre du Centre européen de recherche sur le droit des accidents collectifs (CERDACC), d'autres recours seraient juridiquement possibles, mais tellement complexes à mettre en œuvre pour les demandeurs qu'ils restent théoriques comme, par exemple, le recours diligenté par les victimes, suivant le droit commun national contre des personnes, tels les chantiers navals ou les sociétés de classification, non visées dans la convention, dans la mesure où elles ne participent pas directement au transport maritime.

Plus intéressant, -parce que le véritable responsable est l'Etat du pavillon-, mais tout aussi délicat à mettre en œuvre, il serait possible d'engager un recours contre un Etat dont les contrôles, réalisés directement ou par délégation, se seraient révélés défaillants, et auraient conduit à laisser naviguer un bateau qui ne présentait pas toutes les conditions requises de sécurité.

5.- L'obligation de souscrire une assurance

La convention CLC impose à l'armateur de souscrire une assurance, chaque navire de l'armateur devant disposer à bord d'une attestation. Cette obligation est également exigée des navires battant le pavillon d'un Etat qui n'est pas partie à la convention CLC lorsque ces navires font escale dans un port d'un Etat partie à la convention.

Il convient de souligner que l'Etat qui vise le certificat d'assurance ne garantit pas la solvabilité de l'assureur, à l'inverse de ce qui est prévu par la convention de 1962 sur la réparation des dommages causés par les navires nucléaires.

Le système ayant été conçu pour permettre une indemnisation rapide des victimes, il est possible d'engager une action directe contre l'assureur de l'armateur pour se faire indemniser des dommages de pollution, contrairement au principe en vertu duquel ne sont remboursées par l'assureur que les sommes déboursées par l'assuré. Cette action directe contre l'assureur représente un réel intérêt pour les victimes qui ont ainsi la certitude d'être indemnisées rapidement, au moins à hauteur du plafond de responsabilité.

B.- LE FIPOL ASSURE UNE INDEMNISATION TRÈS PARTIELLE DES DOMMAGES DE POLLUTION

Le Fonds international d'indemnisation de 1992 pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, dit FIPOL, est en fait une organisation intergouvernementale mise en place par les Etats.

Le Fonds de 1992 est doté d'une assemblée qui se compose des représentants de tous les Etats contractants. Cette assemblée est l'organe suprême qui administre le Fonds et se réunit en session ordinaire une fois par an. L'assemblée élit un comité exécutif qui se compose de 15 Etats contractants, avec pour principale fonction d'approuver le règlement des demandes d'indemnisation. La France et l'Espagne siègent actuellement au comité exécutif : mais il n'apparaît pas choquant aux autres Etats membres que des pays ayant subi des pollutions se prononcent sur les demandes d'indemnisation les concernant. Selon une pratique courante dans les organisations internationales et de l'OMI en particulier, les décisions ont toujours été prises jusqu'ici par consensus, sans vote.

Le Fonds de 1992 et celui de 1971 qui a précédé l'actuel FIPOL, ont un secrétariat commun, dirigé par un administrateur, auquel sont délégués de larges pouvoirs pour approuver les demandes d'indemnisation, dans le cadre des orientations décidées par l'assemblée et le comité exécutif.

Le secrétariat permanent du FIPOL est une structure réduite de 25 personnes qui travaillent à Londres, le fonds ayant recours à des consultants extérieurs lorsque des sinistres importants nécessitent de dépêcher sur place des experts pour évaluer l'étendue des dommages.

Ainsi, si le FIPOL est géré techniquement par un administrateur nommé par l'assemblée des membres du fonds, ce sont les Etats membres qui décident de la politique d'indemnisation menée. Il convient d'insister sur ce point pour dénoncer certaines idées reçues selon lesquelles le FIPOL serait l'instrument des seules compagnies pétrolières.

Par ailleurs, si le système du FIPOL comporte, certes, de graves lacunes, celles-ci ne sont pas irrémédiables si les Etats membres veulent bien montrer la détermination nécessaire pour trouver des solutions d'amélioration du mécanisme d'indemnisation en vigueur.

1.- Le FIPOL assure une indemnisation complémentaire de celle de l'assurance de l'armateur

Le Fonds de 1992 a pour mission de verser des indemnités aux victimes de dommages dus à une pollution par des hydrocarbures, qui ne sont pas pleinement indemnisées en vertu de la convention de 1992 sur la responsabilité civile, dans les cas suivants:

- le propriétaire du navire est dégagé de sa responsabilité en vertu de la convention de 1992 sur la responsabilité civile car il est en mesure d'invoquer l'une des exemptions prévues par cette convention ;

- le propriétaire du navire est dans l'incapacité financière de s'acquitter pleinement de ses obligations en vertu de la convention de 1992 sur la responsabilité civile et son assurance ne suffit pas à satisfaire les demandes de réparation ;

- les dommages excèdent la responsabilité du propriétaire du navire telle qu'elle est limitée par la convention de 1992 sur la responsabilité civile. Cette situation constitue le cas le plus fréquent des pollutions majeures, à l'instar par exemple de l'Erika et du Prestige.

2.- Une indemnisation plafonnée

Les indemnités payables par le Fonds de 1992 pour un événement donné sont limitées à un montant de 135 millions de DTS, ce montant maximal incluant la somme effectivement versée par le propriétaire du navire ou son assureur en vertu de la convention de 1992 sur la responsabilité civile. Compte tenu des variations de change intervenues depuis 1999, le plafond de 135 millions de DTS a diminué, exprimé en euros, de 184 millions d'euros pour l'Erika à 171 millions d'euros pour le Prestige.

Constatant que ce plafond serait très insuffisant en cas de marée noire majeure, les pays membres ont adopté, dans le cadre du comité juridique de l'OMI, des résolutions pour relever les plafonds d'indemnisation prévus par la convention CLC de 1992 et la convention instituant le FIPOL. En octobre 2000, il a été décidé une majoration de 50,37% du plafond pour le porter à 203 millions de DTS (soit 250 millions d'euros) à compter du 1er novembre 2003, cette majoration ne pouvant toutefois s'appliquer qu'aux sinistres survenus après cette date.

La dernière conférence diplomatique de l'OMI, du 12 au 16 mai dernier, a décidé de la création d'un fonds complémentaire, qui conduira à une augmentation significative de l'indemnisation maximale pour un sinistre. Il y a lieu de se féliciter, comme l'a fait, lors de son audition à Londres, M. William O'Neill, secrétaire général de l'OMI, de cette importante conclusion obtenue par un accord intervenu au sein de cette organisation, accord dont le résultat était encore incertain au début de la conférence.

Ce fonds complémentaire fonctionnera selon des mécanismes similaires au fonds FIPOL de 1992, mais les Etats adhérents à la convention de 1992 seront libres de ne pas adhérer au fonds complémentaire. Ce caractère facultatif ménage un compromis qui a dû être trouvé pour obtenir l'accord du Japon, principal contributeur du FIPOL 1992.

Le 16 Mai 2003, il a ainsi été décidé de porter à 750 millions de DTS, soit près de 920 millions d'euros, le plafond d'indemnisation (cumul de l'indemnisation en vertu du protocole de 1992 et du protocole complémentaire de 2003) pour un événement déterminé.

Comme pour le protocole de 1992, les contributeurs au fonds complémentaire sont les importateurs de pétrole dans les Etats parties au protocole (avec un plancher d'importations minimales de 150 000 tonnes d'hydrocarbures), mais un plafonnement temporaire a été prévu : les contributions dues par les importateurs d'un Etat contractant ne peuvent dépasser 20% du total des contributions annuelles dues au fonds. Si ce plafond est dépassé, les contributions sont réduites au prorata, de telle sorte que le montant total maximal d'une contribution d'un pays soit égal à 20% du total.

Ce fonds complémentaire devrait être opérationnel très rapidement puisque les conditions de son entrée en vigueur sont peu contraignantes : il suffit que huit Etats le ratifient et que ces huit Etats représentant un volume annuel d'importation d'hydrocarbures d'au moins 450 millions de tonnes.

Les premières réactions suscitées par cette conférence diplomatique, comme par exemple celle de la Commission européenne, sont très favorables. Ainsi, en se félicitant de la création de ce fonds complémentaire, Mme Layola de Palacio n'a pas manqué d'inciter les Etats membres de l'Union européenne à ratifier immédiatement ce protocole pour que le fonds complémentaire puisse être créé d'ici la fin de l'année.

En réponse à la question du Président de la Commission d'enquête, qui lui demandait si ce mécanisme serait rétroactif et s'il serait possible de cumuler plusieurs mécanismes de dédommagement au cas où l'Union européenne maintiendrait son intention de créer son propre fonds d'indemnisation, M. William O'Neill a précisé que la conférence diplomatique avait exclu toute forme de rétroactivité pour le fonds complémentaire, le relèvement du plafond ne pouvant s'appliquer qu'aux sinistres intervenus après l'accord.

Quant à la possibilité de créer un mécanisme spécifique à l'Union européenne, il a fait remarquer que les Etats étaient tout à fait libres de créer d'autres instruments financiers, qui pourraient éventuellement se cumuler avec les indemnisations du fonds complémentaire, mais il a estimé que le protocole 2003 démontrerait rapidement sa pertinence, rendant sans doute inutile toute initiative concurrente qui, de plus, ne pourra qu'avoir un champ d'application géographique beaucoup plus restreint.

Il convient de souligner que, comme pour le fonds de 1992, toutes les victimes se trouvent placées sur un pied d'égalité pour présenter leurs demandes d'indemnisation qui doivent intervenir dans les trois ans à compter du sinistre.

Si les demandes atteignent un montant supérieur au plafond d'indemnisation il est appliqué un prorata entre les demandeurs, sur la base des créances reconnues éligibles au fonds, comme pour le FIPOL actuel.

3.- Un financement assuré exclusivement par les compagnies pétrolières

Le financement du FIPOL repose exclusivement sur les contributions des compagnies pétrolières qui sont calculées à partir des quantités d'hydrocarbures importés dans un Etat partie à la convention. Il s'agit donc d'un système de mutualisation des risques qui n'est pas permanent mais qui est mis en œuvre dès qu'il est prévisible qu'un sinistre important de pollution ne pourra être indemnisé totalement par l'assurance de l'armateur responsable.

Le FIPOL procède au calcul de la contribution de chaque société à partir des éléments statistiques communiqués par chaque Etat adhérent, portant sur les quantités d'hydrocarbures reçus des différents contributaires. Cette contribution s'applique à tous les importateurs quel que soit leur statut juridique (autorité publique, entreprise publique ou société commerciale). Bien que certains Etats ne transmettent pas régulièrement les éléments statistiques nécessaires, le taux de recouvrement des contributions est satisfaisant.

Les hydrocarbures donnant lieu à contribution sont comptabilisés pour le calcul des contributions chaque fois qu'ils sont reçus dans un port ou dans un terminal d'un Etat membre à la suite d'un transport par mer. Par hydrocarbures reçus, on entend les hydrocarbures reçus dans des réservoirs ou des installations de stockage immédiatement après leur transport par mer. Le lieu du chargement est sans importance dans ce contexte; les hydrocarbures peuvent être importés de l'étranger, arriver d'un autre port du même Etat ou avoir été transportés par navire depuis une plate-forme de production au large. Les hydrocarbures reçus afin d'être transbordés à destination d'un autre port ou d'être acheminés par oléoduc sont également considérés comme ayant été reçus aux fins du calcul des contributions.

Les contributions sont variables chaque année et dépendent directement des sinistres survenus. C'est l'assemblée des membres du fonds qui décide du montant des contributions à percevoir des compagnies pétrolières à partir d'une estimation des indemnisations que le FIPOL devra verser.

Le total des hydrocarbures donnant lieu à contribution s'est élevé à 1,23 milliard de tonnes pour l'année 2002. Le plus gros contributeur reste le Japon, mais sa part relative est en léger recul avec 20% du total des contributions, alors qu'elle atteignait 23% en 1998.

Comme l'indique le schéma ci-après, les cinq premiers contributeurs à savoir le Japon, l'Italie, la République de Corée, les Pays Bas, et la France ont un poids considérable puisqu'ils représentent 56% des contributions.2

RÉPARTITION DES CONTRIBUTIONS AU FIPOL

graphique

Source : FIPOL

4.- Le problème lié à une définition trop restrictive des préjudices indemnisables

Selon les termes de la convention, le FIPOL est appelé à indemniser les « dommages par pollution ». Les organes délibérants des Fonds de 1971 et de 1992 se sont attachés à définir la notion de dommage indemnisable et à fixer de manière uniforme, d'un sinistre à l'autre, des critères de recevabilité des demandes.

Ainsi, à première vue, et si l'on s'en tient à la vision purement juridique du fonctionnement du FIPOL déjà évoquée, ce sont bien les organes délibérants qui décident de manière consensuelle quels sont les préjudices qui peuvent être indemnisés.

Mais la procédure d'instruction des derniers grands sinistres maritimes donne une toute autre vision, les victimes soulignant la difficulté de faire reconnaître leur préjudice faute de pouvoir disposer d'informations précises sur les dommages reconnus éligibles à l'indemnisation du FIPOL.

L'interprétation du caractère « raisonnable » des mesures de sauvegarde prises pour lutter contre les effets de la pollution paraît particulièrement contestée.

Mais il faut cependant reconnaître que la définition des préjudices indemnisables est un exercice difficile pour le FIPOL qui doit déterminer des critères objectifs et qui ne peut, pour des raisons quantitatives, soumettre l'intégralité des dossiers au comité exécutif qui serait le mieux à même d'évaluer les circonstances de fait permettant de décider si une dépense présente un caractère « raisonnable » ou non, au vu des caractéristiques du sinistre.

Le FIPOL ne verse des indemnités à un demandeur que dans la mesure où sa demande est justifiée et répond aux critères énoncés dans la convention portant création du Fonds de 1992, et précisés dans le manuel des demandes d'indemnisation adopté par l'assemblée. A cette fin, le demandeur est tenu de fournir, à l'appui de sa demande, des notes explicatives, des factures, des reçus et d'autres éléments de preuve. Le Fonds ne peut, en particulier, accepter une demande que s'il est établi que celle-ci se fonde sur des dépenses effectivement encourues, et s'il existe un lien de causalité entre les dépenses et l'événement.

a) La référence aux précédents

Pour déterminer si une dépense est indemnisable, le Fonds se réfère à des précédents. En l'occurrence, le comité exécutif a élaboré certains principes quant au sens des termes « dommage par pollution », qui désignent le « dommage causé par une contamination ».

Ainsi, en 1994, un groupe de travail a étudié de manière approfondie les critères applicables à la recevabilité des demandes d'indemnisation et ses conclusions constituent encore aujourd'hui « la doctrine » du FIPOL, même si elles ont été réalisées sur la base des conventions antérieures à celles aujourd'hui en vigueur. Une résolution de l'assemblée du Fonds de 1992 a décidé de se reporter à ce document de référence.

Les Assemblées du Fonds de 1971 et du Fonds de 1992 ont été d'avis qu'une interprétation uniforme de la définition du « dommage par pollution » était indispensable pour le fonctionnement du régime d'indemnisation mis en place par les conventions. Lors de l'entretien d'une délégation de la Commission d'enquête avec M. Mans Jacobsson, actuel administrateur du FIPOL, celui-ci a justifié cette référence aux précédents dans la mesure où elle permet une application homogène, et donc équitable, quelle que soit la localisation du sinistre. Une application uniforme est particulièrement importante, dans la mesure où l'industrie pétrolière d'un Etat-membre assume le coût des opérations de nettoyage effectuées et des pertes économiques subies dans d'autres Etats membres. En l'absence d'un degré raisonnable d'uniformité et de cohérence, de graves tensions pourraient surgir entre les Etats membres, d'autant que les principaux contributeurs ne sont pas toujours ressortissants des pays qui ont le plus souvent bénéficié d'indemnisations.

Cependant, M. Jacobsson a précisé que le FIPOL examinait chaque demande d'indemnisation à la lumière des circonstances particulières de l'affaire, adoptant une démarche pragmatique qui permettait de tenir compte, le cas échéant, de situations et de demandes d'indemnisation d'un type nouveau, l'objectif demeurant toujours de favoriser les solutions amiables.

M. Jacobsson a d'ailleurs fait valoir que le manuel des demandes d'indemnisation, publié par le FIPOL, énumère les critères généraux de recevabilité des demandes, et que lorsque la « doctrine » du FIPOL évolue, les décisions novatrices font l'objet d'une publication dans ce manuel.

Cette transparence de la « doctrine » du FIPOL laisse quelque peu sceptiques les membres de la Commission d'enquête, qui, en tant qu'élus locaux, ont été confrontés directement aux subtilités des interprétations du FIPOL. Le recours systématique aux précédents, sous couvert de préserver l'équité entre Etats, conduit en fait à ouvrir une marge potentielle d'interprétation beaucoup trop importante aux experts prestataires, qui n'ont pas de légitimité particulière, et se traduit globalement par une excessive rigidité du système.

Les victimes peuvent ainsi éprouver la sensation que l'appareil de gestion du FIPOL peut décider avec un certain arbitraire, même si, formellement, les experts et les antennes locales n'ont pas de pouvoir de décision sur les demandes d'indemnisation.

La Commission d'enquête déplore à nouveau, comme l'avait fait vigoureusement la précédente Commission à propos de l'indemnisation des dommages de l'Erika, que le FIPOL ne dégage pas les moyens nécessaires à une communication de qualité et accessible avec les populations locales directement touchées par le sinistre et qui ne savent pas comment présenter au mieux leur dossier d'indemnisation.

Au cours de nos auditions en Aquitaine, plusieurs témoins nous ont fait part, avec un certain fatalisme, des incertitudes liées aux indemnisations du FIPOL. Compte tenu de la complexité du montage des dossiers d'indemnisation, certains ont décidé de présenter des dossiers « tests ». C'est ainsi que M. Marc Druart, président du Syndicat des ostréiculteurs du bassin d'Arcachon a déclaré :

« Nous avons déposé cinq dossiers à titre expérimental sur le bureau du FIPOL. Cent onze autres sont instruits et prêts au centre de gestion. Ils seront transmis après la validation des cinq premiers. C'est la méthodologie que nous avons suivie ».

Quant à M. Hervé Bouyrie, président de l'Association des maires du littoral des Landes, il a souligné l'inquiétude des demandeurs. Répondant à une question sur le dépôt de dossiers d'indemnisation par les communes concernées, il a précisé :

« Nous l'avons fait, mais nous ne savons pas ce qu'on peut en attendre. En attendant, nous avons dû élaborer nos budgets pour 2003 dans des conditions très difficiles, puisque nous avons dû assumer des charges supplémentaires et que nous ne pouvons évaluer les revenus à venir puisque nous ne savons pas comment se passera la saison touristique ». 

Certains dommages ne posent toutefois pas de problèmes particuliers pour être indemnisés, comme par exemple les dommages aux biens. Le Fonds rembourse par exemple sans difficulté les frais de nettoyage des biens pollués : navires, engins de pêche, etc. Si les biens ne peuvent être nettoyés, le Fonds en finance le remplacement sous réserve d'une déduction pour usure normale.

b) Les mesures de sauvegarde

Les demandes portant sur les mesures dites de « sauvegarde », c'est-à-dire les demandes d'indemnisation au titre d'opérations visant à prévenir ou limiter un dommage par pollution, posent plus de difficultés. En effet, le Fonds évalue dans ce cas s'il existe une corrélation « raisonnable » entre le coût de ces mesures antipollution et les avantages obtenus ou escomptés. Bien évidemment, pour cette estimation, le Fonds tient compte des circonstances particulières de l'événement (météo, proximité de la saison touristique, nécessité de recourir à des matériels « prototypes »,...etc.).

Les demandes d'indemnisation au titre de pareils coûts ne sont pas acceptées lorsque l'on aurait pu prévoir que les mesures prises seraient inefficaces. En revanche, ce n'est pas parce que des mesures se sont révélées inefficaces que la demande relative aux coûts encourus sera nécessairement rejetée.

Les opérations d'assistance en mer se rapprochent parfois des mesures de sauvegarde. Elles ne peuvent cependant être considérées comme telles que si leur objectif essentiel a consisté à prévenir un dommage par pollution. Si ces opérations ont eu un autre but, comme par exemple de sauver la coque et la cargaison de navire, les frais encourus ne sont pas recevables en vertu des conventions de 1992. Si elles ont été entreprises à la fois dans le but de prévenir la pollution et de sauver le navire et la cargaison sans qu'il soit toutefois possible d'en établir l'objectif essentiel avec certitude, les coûts sont répartis entre les actions de prévention et celles qui ont une autre finalité. L'évaluation des indemnités à verser pour des opérations considérées comme étant des mesures de sauvegarde ne se fait pas sur la base des mêmes critères que ceux qui servent au calcul de la rémunération d'assistance : les indemnités se limitent au coût des opérations, avec une part « raisonnable » de profit.

C'est au titre de cette appréciation assez ambiguë que, comme l'a rappelé M. Girin, directeur du CEDRE, au moment du déclenchement des opérations de lutte en mer contre la pollution de l'Erika, « le FIPOL a averti le préfet maritime (...) du fait qu'il s'engageait dans une action qui n'était pas nécessairement raisonnable ! ». Cette position n'a toutefois heureusement pas été maintenue devant la réalité des faits : la gestion de la lutte en mer dans l'affaire du Prestige a permis de montrer l'étendue de l'erreur d'appréciation que pouvait, à cet égard, commettre le FIPOL.

c) L'indemnisation des coûts fixes

Une autre source de litige concerne l'indemnisation des coûts fixes.

Les demandes d'indemnisation formées par les pouvoirs publics au titre des opérations de nettoyage et des mesures de sauvegarde englobent souvent des frais qui auraient été encourus même si l'événement ne s'était pas produit (par exemple les traitements ordinaires du personnel permanent). Ces coûts fixes se distinguent des coûts additionnels, c'est-à-dire des coûts qui résultent exclusivement d'un événement et qui n'auraient pas été engagés si l'événement et les opérations qu'il a entraînées n'avaient pas eu lieu (paiement d'heures supplémentaires, notamment)

Le FIPOL estime qu'une partie « raisonnable » des coûts fixes doit être recevable, sous réserve que ces coûts correspondent strictement à la durée des travaux de nettoyage et qu'ils ne comportent pas de frais généraux n'ayant qu'un rapport éloigné avec l'événement.

Cette question de l'indemnisation des personnels permanents des collectivités locales est un point particulièrement sensible. A cet égard, peuvent être cités, à titre d'exemple, les cas des sommes qui restent en litige avec le FIPOL concernant les opérations de dépollution suite au naufrage de l'Erika, réalisées par les agents des communes qui ont dû lutter activement contre la pollution provoquée par ce naufrage.

d) Les dommages économiques indirects

Le Fonds indemnise le manque à gagner subi par les propriétaires ou exploitants de biens endommagés à la suite d'un déversement d'hydrocarbures ; on parle alors, dans la terminologie propre au FIPOL, de « préjudice consécutif », comme dans le cas, par exemple, d'un ostréiculteur dont le parc à huîtres a été contaminé.

En revanche, l'indemnisation des dommages économiques indirects est beaucoup plus délicate.

Lors de l'entretien à Londres avec M. Mans Jacobsson, celui-ci a d'ailleurs reconnu que l'indemnisation des préjudices économiques purs, c'est-à-dire des pertes de recettes subies par des personnes dont aucun bien n'a été pollué, mais dont l'activité économique a été perturbée en raison du sinistre de pollution, posait problème et que les Etats adhérents au FIPOL souhaitaient faire évoluer les critères d'indemnisation à cet égard.

A titre d'illustration, il a pris le cas d'un hôtelier ou un restaurateur dont l'établissement se trouve à proximité d'une plage publique contaminée et qui enregistre une baisse de ses bénéfices en raison de la chute du nombre de ses clients pendant la période où la pollution a sévi. Actuellement, les demandes d'indemnisation pour préjudices économiques purs ne sont recevables que si elles portent sur des pertes ou des dommages causés par une contamination. Le point de départ est en effet la pollution et non pas l'événement lui-même.

Pour qu'un préjudice économique pur ouvre droit à réparation, il doit y avoir un degré « raisonnable » de proximité entre la contamination et la perte ou le dommage subi par le demandeur. Une demande n'est pas jugée recevable pour la seule raison que la perte ou le dommage considéré ne serait pas survenu s'il n'y avait pas eu de déversements d'hydrocarbures. Pour déterminer si le critère de la proximité raisonnable se trouve rempli, on prend en considération les éléments suivants:

- la proximité géographique entre l'activité du demandeur et la contamination,

- le degré de dépendance économique du demandeur par rapport à la ressource atteinte,

- la possibilité pour le demandeur d'avoir d'autres sources d'approvisionnement ou d'autres perspectives commerciales,

- le degré d'intégration de l'activité commerciale du demandeur dans l'économie de la zone touchée par la pollution.

Cette batterie de critères ne semble pas, aux yeux de la Commission d'enquête, garantir une application à la fois parfaitement homogène, compréhensible et prévisible par les victimes concernées.

Les difficultés rencontrées lors de l'indemnisation des préjudices subis dans le cadre de la marée noire : l'exemple concret de la commune de M.

Le rapport annuel du FIPOL précise dans son chapitre sur le règlement des demandes d'indemnisation : « pour qu'elle soit admise par le FIPOL, une demande doit correspondre à une dépense effective ou à un dommage effectivement subi. Il faut en outre qu'il y ait un lien de causalité entre la dépense engagée ou le préjudice subi et la contamination ». La réalité de l'indemnisation, dans le cadre de communes apparaît cependant, à certains élus locaux directement concernés, loin d'être aussi simple. En effet, de nombreux postes de dépenses, pourtant directement liés à la marée noire, sont contestés dans leur éligibilité, ou minorés.

Achat de carburant : ce poste de dépense, pourtant évident et essentiel, est contesté par le FIPOL au motif que l'usage du carburant pour les travaux de dépollution n'est pas justifié. Mais il est naturellement difficile de justifier la consommation exacte de carburant par les véhicules ou les matériels affectés aux opérations de nettoyage de la marée noire. Cette justification demanderait des calculs complexes prenant en compte le type de véhicule, sa consommation, le temps d'utilisation, le parcours réalisé. En l'occurrence, l'urgence de la situation ne peut permettre la mise en place d'un protocole lourd et compliqué à gérer.

Achats de petits équipements : afin de coordonner au mieux les travaux sur le terrain, la commune a acquis quelques téléphones portables au profit des responsables des équipes de nettoyage (également pour raisons de sécurité). La demande d'indemnisation afférente est également contestée par le FIPOL car elle apparaît, selon le FIPOL, sans rapport avec le travail de dépollution. La coordination des moyens internes et la sécurité des personnes semblent, en conséquence, totalement dissociées des opérations de nettoyage pur.

Mise à disposition du matériel communal : là encore, l'indemnisation est contestée, la commune devant fournir des justificatifs du temps d'activité du matériel communal et du volume précis des travaux réalisés. Encore une fois, compte tenu de l'urgence des évènements cette comptabilité méticuleuse est impossible à établir. A titre d'exemple : comment déterminer avec précision le temps d'utilisation d'un karcher, le volume d'eau utilisé, l'énergie consommée, la surface polluée traitée, le nombre de chantiers ayant utilisé l'appareil ?

Matériel de nettoyage : afin de faire face -comme elle a pu devant l'ampleur de la catastrophe aux besoins impérieux-, la commune a dû acquérir du matériel de nettoyage (cribleuse et tracteur) intensivement utilisés sur les plages souillées. Les rotations ont duré plusieurs mois. La demande de prise en charge est contestée au motif qu'il faut pouvoir justifier le temps d'utilisation et les travaux précisément exécutés. Compte tenu de l'ampleur de la tâche, cela paraît singulièrement difficile.

Utilisation du Personnel Communal et d'emplois à durée déterminée :

- les frais liés à la mobilisation du personnel communal dans le cadre de la marée noire sont également contestés par le FIPOL, qui exige des justificatifs précis de l'emploi du temps des agents communaux concernés. Cette demande paraît difficilement compréhensible compte tenu du fait que les agents affectés aux opérations n'ont été employés qu'à cette tâche sur l'ensemble de la durée de leur mobilisation;

- pour assurer le transport des déchets et afin de réaliser les nombreuses rotations de poids lourds, des chauffeurs intérimaires ont été missionnés. Le FIPOL demande à la commune de justifier précisément l'emploi du temps de ces personnels ;

- les CDD recrutés pour les opérations de nettoyage ont été recrutés en grande partie par les collectivités territoriales par convention et n'ont été affectés qu'aux chantiers de dépollution. La prise en charge du reliquat restant à la charge de la commune est contestée.

Honoraires médicaux : bien que d'un montant minime, il est demandé de justifier les honoraires pour apprécier la réalité du caractère « raisonnable » des dépenses et pour vérifier le lien de causalité avec le naufrage de l'Erika. En poursuivant la logique implacable de justification détaillée, il faudrait sans doute également justifier que les produits pharmaceutiques achetés pour soigner des agents affectés au nettoyage ont bien été utilisés dans le cadre des opérations de nettoyage et/ou de leurs conséquences directes... !

Taxe de séjour : l'impact de la marée noire a largement dépassé l'aspect « pollution du littoral ». En effet, la catastrophe a causé une perte importante de la recette communale de la taxe de séjour sur deux exercices budgétaires. Informée qu'en principe, les pertes de recettes n'étaient pas comptabilisées dans le cadre des demandes d'indemnisation, la commune doit fournir des états détaillés, difficilement réalisables, alors que cette baisse de recette apparaît clairement, par rapport aux années précédentes, dans le compte administratif de la commune. Les livres de comptes ont été fournis à l'appui de la demande d'indemnisation. La commune n'a pas de réponse à ce jour.

Voirie : dans le cadre des opérations de nettoyage, la voirie côtière principale a été occupée par de nombreux engins de chantier. Les rotations de camions ont donc été effectuées par la voirie intérieure, inadaptée, et qui a souffert de multiples dégradations. Des travaux de rénovation ont été nécessaires. Le préjudice subi en terme de voirie est également contesté au motif qu'un constat d'huissier aurait dû être effectué au préalable. Un expert accompagné d'un chargé de mission du FIPOL s'est pourtant déplacé régulièrement pour examiner les chantiers. A ce jour, la commune n'a pas de réponse à sa demande d'indemnisation.

Conclusion : il est systématiquement demandé à la commune de justifier en détail les factures alors qu'il était impossible, à l'époque, d'établir un protocole contraignant, préalable à la mise en place du dispositif de lutte contre la pollution. Les priorités du moment et l'urgence de la situation n'auraient jamais permis d'établir les innombrables justificatifs de manière instantanée. Le total des sommes en litige s'élève après d'un demi-million d'euros, soit une somme non négligeable pour une commune littorale de moins de 5 000 habitants.

e) L'évaluation des dommages à l'environnement

Le Fonds refuse d'indemniser les dommages causés à des ressources naturelles qui ne sont pas exploitées, n'ont pas de propriétaire et ne donnent pas lieu à une perte économique quantifiable.

En 1980, l'assemblée du Fonds de 1971 a adopté une résolution prévoyant que la détermination du montant de l'indemnisation « ne doit pas être effectuée sur la base d'une quantification abstraite des dommages effectuée au moyen de modèles théoriques ».

Cet aspect, selon M. Mans Jacobsson, s'avèrera le plus délicat à faire évoluer. En effet, ainsi qu'il a déjà été indiqué, selon la convention de 1992, le terme « dommage par pollution » est défini comme « dommage causé par une contamination ». Le libellé de la définition contient une disposition selon laquelle les indemnités versées au titre de l'altération de l'environnement (autres que le manque à gagner dû à cette altération) seront limitées au coût des mesures « raisonnables » de remise en état qui ont été effectivement prises ou qui le seront.

Le FIPOL ne peut donc pas indemniser les atteintes à l'environnement et à la diversité biologique. La difficulté essentielle est liée à l'évaluation du préjudice en termes monétaires, alors même qu'aucun état des lieux de la faune et de la flore n'existait avant le sinistre.

L'absence de caractère contradictoire de l'instruction des demandes d'indemnisation est une des graves lacunes du système actuel notamment en matière d'expertise. Pour l'Erika par exemple c'est l'« International tanker owners pollution federation » (ITOPF) qui a procédé à l'évaluation des dommages écologiques, sans que cette appréciation n'ait pu être corroborée par une autre source. Ce caractère non contradictoire ne concerne pas uniquement l'évaluation des dommages écologiques, mais c'est sans doute dans ce domaine particulièrement délicat qu'une diversité de contributions scientifiques s'avèrerait très utile.

5.- Le bilan des dommages indemnisés par le FIPOL au titre du naufrage de l'Erika

A titre d'illustration de sa capacité d'indemnisation pour une pollution majeure, plusieurs années après, le FIPOL a reçu au titre du naufrage de l'Erika et des dommages subséquents, 6 700 demandes de remboursements, correspondant à 1,3 milliard de francs, soit un montant moyen de 200 000 francs environ.

Parmi celles-ci, seulement 460 millions de francs de demandes avaient été évalués, approuvés, agréés puis autorisés en paiement, à la date du 23 avril dernier. 717 demandes, représentant 135 millions de francs, avaient été rejetées, dont 52, pour 23,3 millions de francs, étaient contestées.

Parmi les demandes, plus de la moitié en nombre, et près des deux tiers en montant, correspondaient à des dommages d'exploitation touristique. Les autres étaient, principalement, relatives à l'aquaculture et aux dommages aux biens.

Le taux de prise en compte des demandes d'indemnisation, tel que calculé par la direction du Trésor, s'élevait, au 26 juin 2003, à 58 %.

RÉPARTITION DES DEMANDES ADRESSÉES AU FIPOL ET TRAITÉES PAR LUI,
AU TITRE DE L'ERIKA (SITUATION DU 23/4/2003)

nombre de demandes

montant demandés

(en F)

demandes agréées

(montant en F)

aquaculture

989

14,8%

91 225 318

7,1%

49 253 030

10,5%

coquillages

507

7,6%

16 395 809

1,3%

5 676 253

1,2%

pêche

318

4,7%

16 778 668

1,3%

7 215 004

1,5%

transformation

36

0,5%

21 096 371

1,6%

5 169 919

1,1%

tourisme

3 504

52,3%

842 995 518

65,2%

341 999 406

72,9%

dommages aux biens

702

10,5%

48 497 902

3,7%

7 034 704

1,5%

nettoyage

138

2,1%

72 124 654

5,6%

30 255 180

6,4%

divers

506

7,5%

183 192 551

14,2%

22 027 282

4,7%

Total

6 700

100,0%

1 292 306 791

100,0%

468 630 778

100,0%

paiements autorisés (nombre)

paiements autorisés (montant en F)

demandes rejetées

(nombre)

montants rejetés

(en F)

aquaculture

901

16,49%

40 303 185

8,77%

87

12,13%

9 851 324

7,30%

coquillages

408

7,47%

4 631 026

1,01%

91

12,69%

2 245 115

1,66%

pêche

289

5,29%

5 755 570

1,25%

26

3,63%

2 769 202

2,05%

transformation

30

0,55%

4 543 090

0,99%

5

0,70%

11 710 533

8,68%

tourisme

2 976

54,48%

337 059 537

73,32%

436

60,81%

79 352 024

58,80%

dommages aux biens

327

5,99%

10 407 330

2,26%

33

4,60%

15 015 667

11,13%

nettoyage

100

1,83%

26 888 730

5,85%

11

1,53%

4 181 142

3,10%

divers

432

7,91%

30 121 631

6,55%

28

3,91%

9 824 465

7,28%

total général

5 463

100,00%

459 710 099

100,00%

717

100,00%

134 949 472

100,00%

Source: Direction du Trésor

Les montants indiqués ne tiennent toutefois pas compte de la demande de l'Etat (190 millions d'euros) et de TOTAL (170 millions d'euros), déposés à titre conservatoire, le tableau ci-après ne contenant que les demandes présentées directement au bureau du FIPOL de Lorient.

II.- CONFRONTÉES A UNE POLLUTION CHIMIQUE, LES VICTIMES SERAIENT AUJOURD'HUI PRIVÉES DE TOUTE INDEMNISATION

A.- LA LENTE GESTATION DE LA CONVENTION HNS

1.- La convention HNS applique des principes similaires aux conventions CLC et FIPOL

La convention internationale sur la responsabilité et l'indemnisation pour les dommages liés au transport par mer de substances nocives et potentiellement dangereuses (dite convention SNPD en français, visant en particulier les substances chimiques) a été conclue à Londres en 19963.

a) L'objet de la convention « HNS »

L'objet de la convention « HNS » est d'organiser une indemnisation spécifique des victimes de dommages causés par certaines « substances nocives et potentiellement dangereuses », pendant leur transport maritime.

La convention s'inspire, pour parvenir à cette indemnisation, des deux conventions de 1969 et de 1971 relatives aux dommages causés par les hydrocarbures pendant leur transport maritime (conventions CLC et FIPOL), elles mêmes modifiées par les protocoles de 1992.

A l'exemple de ces deux conventions, la convention HNS crée un mécanisme d'indemnisation à deux niveaux :

- le premier est mis à la charge du propriétaire du navire transporteur,

- le second à la charge des réceptionnaires de cargaisons HNS.

L'application de la nouvelle convention est limitée à la période strictement maritime du transport. Autrement dit, la convention traite seulement des dommages causés par les marchandises HNS depuis le moment où elles sont mises à bord du navire transporteur jusqu'au moment où elles quittent le navire lors de leur déchargement. C'est ainsi le concept traditionnel, dit de « palan à palan », qui est repris en la circonstance.

b) La réparation des dommages causés par la pollution par déversement des produits considérés comme toxiques

La convention HNS s'applique essentiellement aux dommages causés à l'environnement par contamination des marchandises dangereuses visées. Elle s'étend aux mesures de sauvegarde qui sont prises en faveur de l'environnement. L'environnement recouvre le territoire, la mer intérieure et la mer territoriale d'un Etat adhérent. Elle s'étend également à la zone économique exclusive définie par la convention de 1982 sur le droit de la mer.

La convention indemnise les dommages corporels, ainsi que les dommages aux biens ou aux installations du fait de leur contamination par les produits considérés comme toxiques.

Sont exclus du champ d'application :

- les dommages par pollution par les hydrocarbures tels que définis par la convention de 1969 (pétrole brut transporté et soutes du navire transporteur) ;

- les dommages causés par des matières radioactives, qui font l'objet de la convention de Bruxelles de 1971 relative au transport maritime de ces matières ;

- les dommages causés par le charbon pendant son transport maritime.

c) Définition des marchandises « nocives et potentiellement dangereuses »

La convention, en son article 1er, définit ces marchandises en les énumérant. Ces marchandises sont nombreuses et très diverses. Ce sont essentiellement :

- les hydrocarbures en vrac énumérés par la convention MARPOL 1973/1978 (dérivés du pétrole) ;

- les substances, matières et articles dangereux visés par le code maritime international des marchandises dangereuses transportées en vrac, en colis ou en conteneurs ;

- les substances liquides, nocives et dangereuses transportées en vrac ;

- les gaz de pétrole liquéfiés (GPL) ;

- les gaz naturels liquéfiés (GNL).

d) Une responsabilité objective canalisée sur le propriétaire du navire

La convention fait peser sur le propriétaire du navire une responsabilité objective pour les pertes et dommages résultant des marchandises HNS pendant leur transport par mer.

Le propriétaire ne peut y échapper qu'en prouvant, soit le fait de guerre, soit le fait délibéré d'un tiers, soit la négligence d'un gouvernement ou d'une autorité responsable de l'entretien des feux et des aides à la navigation, soit encore le fait du chargeur qui a négligé de fournir des informations sur la nature dangereuse ou nocive du produit « HNS » transporté.

La responsabilité objective qui pèse ainsi sur le propriétaire de navire est cependant assortie d'une limitation. La convention s'est inspirée de la convention de Londres de 1976 sur les créances maritimes en créant un système d'indemnisation des victimes par tranches, dont les seuils sont liés à la jauge du navire.

MONTANT DES PLAFONDS DE RESPONSABILITÉ DE LA CONVENTION HNS

Tonnage du navire (en tonneaux)

convention HNS

(montants en DTS)

jusqu'à 2.000

10 millions

de 2.001 à 50.000

+ 1.500 par tonne avec un maximum
de 82 millions

de 50.001 à 100.000

+ 360 par tonne avec un maximum
de 100 millions

au-dessus de 100.000

100 millions (plafond)

Source : Fédération française des sociétés d'assurances

Le propriétaire de navire doit souscrire une assurance obligatoire qu'il justifiera par la production d'un certificat d'assurance dont le modèle est annexé à la convention. Les victimes bénéficient d'un droit d'action directe contre l'assureur de la responsabilité civile du propriétaire de navire.

e) Création d'un « Fonds international » d'indemnisation

A l'instar du FIPOL mis en place par la convention de 1971, la convention HNS crée un Fonds international d'indemnisation dont l'objet et la fonction sont de compléter -ou de parfaire-, au bénéfice des victimes, l'indemnisation mise à la charge du propriétaire de navire. Autrement dit le Fonds ainsi créé, a pour fonction d'assurer un complément d'indemnisation dans la mesure où celle mise à la charge du propriétaire du navire est insuffisante ou n'est pas applicable.

Le Fonds se voit également attribuer des tâches complémentaires, notamment celles d'examiner les créances des victimes, d'établir un budget annuel et de verser les indemnités aux victimes.

Comme le FIPOL, administré et géré à Londres, le Fonds HNS sera géré et contrôlé par une assemblée générale composée de représentants des Etats adhérents. Il s'agit donc d'une entité juridique et financière à caractère interétatique ou intergouvernemental.

Lors de l'entretien à Londres avec une délégation de la Commission d'enquête, l'administrateur du FIPOL a indiqué qu'il avait été mandaté par l'OMI pour préparer les conditions de mise en œuvre de cette convention et qu'il était vraisemblable que le FIPOL serait aussi chargé de la gestion du fonds d'indemnisation pour les dommages chimiques. Il a par ailleurs informé les membres de la Commission d'enquête que ces questions devaient faire l'objet d'une prochaine réunion de l'OMI à Ottawa.

Le Fonds sera alimenté par des contributions perçues par les Etats membres auprès des réceptionnaires des marchandises HNS, lors de leur importation dans le territoire de l'Etat adhérent. Ces contributions directement prélevées auprès des réceptionnaires par chaque Etat seront transférées au Fonds en vue de répondre aux demandes d'indemnisation pour les dommages subis.

S'agissant des mécanismes de financement, la convention crée au bénéfice du Fonds :

- un compte général qui est divisé en secteurs industriels,

- des comptes séparés pour les produits énumérés ci-après :

· les hydrocarbures, autres que ceux visés par la convention CLC,

· les gaz de pétrole liquéfiés,

· les gaz naturels liquéfiés.

La convention pose le principe fondamental selon lequel les contributions au compte général et à chaque compte séparé ne sont perçues que lorsqu'elles sont requises pour permettre au compte en question d'effectuer des paiements. Selon l'expression d'un juriste anglais, les contributions seront ainsi perçues « on a post event basis ». Autrement dit, les contributions demandées par le Fonds ne devraient être mises en recouvrement que dans la mesure et à hauteur des sinistres entraînant une indemnisation à la charge du fonds, compte par compte.

La détermination du montant des contributions appartient à l'assemblée générale du Fonds, étant précisé que pour assurer son fonctionnement, des contributions initiales pourront être demandées.

Il convient de souligner que le montant total des indemnités pour réparer les dommages s'élève -pour un événement déterminé- à la somme maximale de 250 millions de DTS, ce montant comprenant l'indemnité maximale due par le propriétaire du navire (fixée comme indiqué ci-dessus à 100 millions de DTS).

L'action des victimes doit être engagée vis-à-vis du Fonds dans les trois ans à compter de la date à laquelle la personne a subi le dommage ou dans les dix ans à compter de la date de l'événement.

L'entrée en vigueur de la convention nécessite la ratification (ou l'adhésion) de 12 Etats au moins, dont 4 Etats comptant chacun au moins 2 millions d'unités de jauge brute.

Pour l'heure, seuls la Russie, l'Angola et le Maroc ont adhéré à cette convention.

Huit autres Etats (Allemagne, Canada, Danemark, Finlande, Norvège, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suède) l'ont signée sous réserve de ratification, mais n'ont pas encore accompli les procédures de ratification nécessaires.

L'adhésion de la France a été décidée après le naufrage de l'levoli Sun lors d'une réunion interministérielle tenue le 9 novembre 2000 au Secrétariat général du gouvernement. La France a également intégré le groupe de travail mis en place par le Comité juridique de l'OMI pour assurer le suivi de l'application de la convention, laquelle présente des difficultés certaines tenant à l'identification des contributeurs au fonds HNS, et à l'identification des marchandises soumises à contribution et l'assurance.

Dans son principe, et comme son intitulé l'indique, le fonds HNS sera alimenté par les réceptionnaires de cargaisons de substances nocives et potentiellement dangereuses dont l'identification certaine n'est toutefois pas aisée. D'une part, ils sont sensiblement plus nombreux qu'en matière d'importation d'hydrocarbures persistants et, d'autre part, le texte de la convention permet deux définitions du redevable de la contribution : soit le réceptionnaire physique (à moins qu'il ne s'agisse d'un intermédiaire et que ce dernier soit en mesure de révéler l'identité du réceptionnaire final), soit toute autre personne désignée par le droit interne à condition qu'elle se trouve sur le territoire de l'Etat partie et que cette option ne modifie pas le tonnage pris en compte pour le calcul de la contribution.

L'identification des cargaisons soumises à contributions se révèle également difficile. En effet, la convention ne concerne pas que des produits en vrac mais aussi des produits transportés en colis ou conteneurs. La libre circulation des marchandises dans l'espace communautaire accroît les difficultés de contrôle.

La convention FIPOL a pu convenablement fonctionner car les Etats ne rencontraient pas trop de difficultés, à partir des statistiques douanières, à transmettre au FIPOL les informations nécessaires sur l'identification des compagnies pétrolières concernées et les quantités importées. Pour la mise en œuvre de la convention HNS, les Etats parties auront vraisemblablement plus de mal à identifier les cargaisons donnant lieu à contribution et à établir la liste de tous les réceptionnaires-contributeurs. Il est donc à craindre que le financement de ce Fonds soit problématique.

2.- Les professionnels, tout en convenant de la nécessité de prévoir un mécanisme d'indemnisation, jugent cette convention trop complexe

Dès sa signature en 1996, les professionnels représentés par le Comité central des armateurs de France (CCAF) et l'Association des utilisateurs de transport de fret (AUTF) avaient porté un jugement sévère sur cette convention qu'ils estimaient être un « monstre juridique, inapplicable ».

Force est de constater que quelques années après, l'appréciation portée par M. Pierre Karsenti, président de la commission maritime de l'AUTF, est tout aussi sévère, même s'il se dit convaincu de la nécessité de mettre au point un mécanisme d'indemnisation pour les pollutions chimiques :

« Cependant, nous considérons que, dans sa rédaction actuelle, c'est une « usine à gaz ». Elle est extraordinairement mal faite, et apparaît difficilement applicable : en effet, la convention HNS traite de tous les produits dangereux transportés de toutes les manières possibles et imaginables.

Il est inévitable de créer un dispositif d'indemnisation pour les pollutions par des produits chimiques. Jusqu'à maintenant, heureusement, il n'y a pas eu de problèmes avérés suite à des transports maritimes de produits chimiques. Mais il faut trouver des systèmes de compensation financière. Pour autant, essayons d'instaurer un dispositif qui fonctionne. C'est parce que la convention HNS présente des problèmes d'application extrêmement importants que beaucoup d'Etats ne l'ont pas ratifiée. Je suis d'accord sur le principe, mais créons un système qui soit, encore une fois, relativement équilibré et efficace. Il est complètement inutile de faire des efforts considérables pour élaborer des systèmes compliqués que l'on n'arrive pas à mettre en œuvre.

Sur l'ensemble de ces problèmes, les chargeurs ont une position plus que coopérative puisque, de toute façon, l'histoire récente montre qu'en cas de problème, même s'ils ne sont pas juridiquement responsables, ils finissent par supporter la plupart des coûts financiers, parce que ce sont souvent des sociétés de grande taille, qui peuvent se le permettre, et parce qu'elles sont également confrontées à la dégradation de leur image. »

Quant à M. Xavier Conti, tout en indiquant que la Fédération française des sociétés d'assurances est favorable à la ratification par la France de la convention HNS, il a lui aussi souligné sa complexité :

« C'est une convention qui va porter sur un très grand nombre de produits. (...) Les marchandises dangereuses visées par le Code maritime international des marchandises dangereuses transportées en vrac se comptent par centaines et toute la difficulté consiste à les identifier et à savoir sur qui faire porter les charges. Tout a été prévu par cette convention, mais sa mise en œuvre risque de s'avérer très complexe »

Selon des propos cités dans un article de la Lloyd's list du 4 décembre 2002, M. Ray Grainger, représentant de la Fédération européenne des industries chimiques, a aussi fait remarquer, que les produits chimiques visés par la convention étant très souvent transportés sur des bateaux non spécialisés, ils seraient tout d'abord difficiles à identifier. Il a d'ailleurs insisté sur la nécessité de recourir à des navires de meilleure qualité pour transporter ce type de marchandises potentiellement dangereuses. Cette suggestion paraît frappée au coin du bon sens.

De plus, il a émis des doutes sur le fait que les propriétaires de navires assumeraient réellement leur part de responsabilité en cas d'accident chimique en raison de nombreux certificats d'assurance de complaisance. Rappelant l'obligation faite à chaque Etat partie de vérifier que tout navire entrant dans ses ports est bien couvert par une assurance, attestée par l'Etat du pavillon, il a souhaité que les Etats ne se contentent pas d'un contrôle documentaire des certificats d'assurance mais vérifient concrètement le sérieux de la garantie d'assurance, ces bateaux étant fréquemment assurés par des sociétés qui n'appartiennent pas aux « P&I Clubs ».

L'entrée en vigueur de cette convention pourrait cependant être l'occasion d'améliorer l'identification du contenu des conteneurs alors qu'aujourd'hui il est parfois très difficile à l'autorité maritime confrontée à un risque d'accident chimique, de disposer rapidement d'informations fiables sur les caractéristiques des produits contenus dans les containeurs.

C'est ainsi que M. Michel Girin, directeur du CEDRE a donné de multiples exemples, lors de son audition, démontrant que les obligations de déclaration de transport de matières dangereuses par containeurs n'étaient pas respectées et que certains capitaines de navires se montraient parfois peu soucieux d'évaluer le risque de leur cargaison :

« On a dû vous dire qu'il y a déclaration obligatoire et, effectivement, c'est vrai, mais cette déclaration est faite avec plus ou moins de rigueur, avec une copie du manifeste, par exemple. Si vous regardez la fiche du Melbridge Bilbao sur notre site internet, vous verrez que ce manifeste photocopié est quasiment illisible.

Cette photocopie du manifeste est entre les mains de l'autorité portuaire du port de départ. Imaginez par exemple que ce soit Ventspill. Moi, directeur du CEDRE, j'appelle ce port et je leur demande d'avoir l'obligeance de m'envoyer une copie. Ils vont me répondre : « Quelle autorité avez-vous pour me demander cela ? » En plus, si mon appel intervient en dehors des heures de travail, ils me répondront de rappeler le lendemain matin.

Il n'existe pas de point de contact pour obtenir l'information. Je vais même un peu plus loin. Quand un hélicoptère de la Marine nationale sauve un équipage, comme celui de l'Ievoli sun, cet équipage a dans son ordinateur de bord tout le listing des produits transportés par le navire. Est-il inimaginable de demander au capitaine de mettre la disquette du listing dans sa vareuse avant d'accrocher le câble du remorqueur ? Je ne dis pas d'en faire une condition du sauvetage, mais si le capitaine avait un minimum de formation au risque environnemental, il le ferait automatiquement.

Nous militons pour que les capitaines acquièrent la conscience de ce que peut produire leur bateau après le moment où ils l'ont quitté. Cela est techniquement facile aujourd'hui, mais n'est pas fait ».

La Commission d'enquête recommande donc que les travaux nécessaires à la mise en œuvre de la convention HNS soient l'occasion d'améliorer les procédures d'identification du contenu des conteneurs et que les autorités du port de départ soient tenues de répondre aux demandes des autorités maritimes des autres pays sur l'identification des produits dangereux.

B.- LA COMMISSION EUROPÉENNE INCITE LES ETATS MEMBRES À RATIFIER CETTE CONVENTION

Au niveau européen, une démarche commune pour une mise en œuvre rapide de la convention a été impulsée par la France conjointement avec le Royaume-Uni au conseil des Transports de juin 2001.

Dans sa communication au Parlement européen et au conseil sur « Le renforcement de la sécurité maritime » de décembre 2002, la Commission européenne déplore qu'un certain nombre de conventions internationales qui permettraient d'améliorer les mécanismes d'indemnisation en cas de pollutions majeures n'aient pas encore été ratifiées par les Etats membres. Elle indique notamment que les Etats membres doivent immédiatement ratifier la convention « Bunkers » sur les pollutions générées par les carburants de soute et la convention HNS et elle rappelle à cette occasion, que deux décisions politiques sont déjà intervenues sur ces sujets : une décision du conseil du 19 septembre 2002 a autorisé les Etats membres à signer et à ratifier la convention internationale sur la responsabilité civile pour les hydrocarbures de soute ; une décision similaire a été adoptée le 18 novembre 2002 concernant la convention HNS.

Pour éviter les distorsions de concurrence entre ports européens notamment, il est souhaitable que cette convention entre en vigueur simultanément dans les Etats membres et y soit interprétée de la même façon, de manière à en permettre une application pratique homogène.

Il conviendrait donc que la France poursuive ses efforts initiés en 2001, et n'hésite pas à adhérer rapidement à cette convention, comme cela avait été envisagé en 2001 après l'accident de l'Ievoli sun.

Ses défauts pourront être corrigés ultérieurement, comme l'a d'ailleurs indiqué M. William O'Neill, secrétaire général de l'OMI, devant la délégation de la Commission d'enquête.

Il serait en effet infiniment regrettable qu'en cas d'accident chimique majeur les victimes se trouvent totalement dépourvues de toute perspective rapide d'indemnisation alors qu'un texte en ce sens existe depuis 1996, mais que, depuis, rien ne semble avoir évolué.

III.- RESPONSABILISER L'ENSEMBLE DES ACTEURS DU TRANSPORT MARITIME TOUT EN AMÉLIORANT LES MÉCANISMES D'INDEMNISATION

A.- RESPONSABLISER LES ARMATEURS

1.- Relever et moduler les plafonds de responsabilité civile des armateurs

L'ensemble des personnes auditionnées a massivement conclu que les dispositions combinées des conventions CLC et FIPOL conduisaient à l'impunité totale des « voyous des mers » pour reprendre l'expression frappante utilisée par le Président de la République, M. Jacques Chirac.

M. Jean-Yves le Drian, Rapporteur de la précédente Commission d'enquête sur l'Erika, alors qu'il expliquait les principaux enseignements qu'il avait retirés de cette Commission d'enquête, a ainsi souligné la nécessité d'une réforme du régime d'indemnisation des pollutions par hydrocarbures. Il a déclaré lors de l'audition à l'occasion de laquelle il lui

était demandé de faire un bilan du travail réalisé par la Commission d'enquête sur l'Erika :

« Dernière conviction, que nous partageons tous : la dilution de la responsabilité des acteurs par le dispositif des conventions CLC et par le dispositif FIPOL, d'une certaine manière, est très malsaine. Cette dilution de responsabilités encourage l'irresponsabilité et ne favorise en rien le choix des meilleurs navires par les affréteurs, dans la mesure où ils mutualisent totalement leurs risques. »

De plus, la décision de la Conférence diplomatique de l'OMI de mai 2003 de créer un fonds complémentaire du FIPOL portant le montant maximum de l'indemnisation à plus de 900 millions d'euros entraîne une distorsion encore plus grande entre les engagements financiers des compagnies pétrolières et les armateurs dont le plafond de responsabilité est resté inchangé à un niveau déjà particulièrement faible.

Plusieurs de nos interlocuteurs ont souligné les effets pervers de cette distorsion. M. Bertrand Thouilin, directeur du transport maritime du groupe TotalFinaElf, tout en rappelant que les compagnies pétrolières s'étaient prononcées pour une augmentation du plafond d'indemnisation, a ainsi commenté la décision de la Conférence diplomatique de l'OMI :

« ...on doit parler d'échec dans l'affectation de la charge de cette augmentation. En effet, il a été jugé plus facile de faire payer les compagnies pétrolières et de laisser les armateurs et leurs assureurs tranquilles. Ainsi, dans le nouveau système, la responsabilité de l'armateur de l'Erika serait toujours limitée à 12 millions de dollars, celle de l'armateur du Prestige à 25 millions de dollars, le reste étant mis à la charge des seuls importateurs de pétrole brut pour atteindre le fameux milliard !

Autant dire que la participation des armateurs devient négligeable et que désormais le poids des indemnisations pèse presque exclusivement sur les propriétaires de cargaisons.

Or, lors de la création du système dans les années 70, l'objectif était d'établir un équilibre entre la responsabilité des armateurs et la contribution des pétroliers afin d'associer l'ensemble des acteurs au processus d'indemnisation. »

Le système actuel du FIPOL instaure un mécanisme légitime de mutualisation des risques sur l'ensemble des affréteurs pétroliers, mais il efface totalement la responsabilité individuelle des affréteurs qui ne sont guère incités à recourir à une flotte de qualité.

Le mécanisme combiné des deux conventions a certes permis l'indemnisation dans des délais raisonnables des victimes mais, en dissociant le droit de l'indemnisation et la détermination des responsabilités, il contribue « au laisser-aller » en matière de sécurité.

M. Thouillin exprimait cette idée en soulignant que le régime d'indemnisation ne devait pas être uniquement évalué au regard de la qualité des dédommagements qu'il offrait, mais qu'il devait aussi jouer un rôle incitatif en matière de sécurité maritime :

« Le système d'indemnisation doit aussi avoir un effet préventif en matière de sécurité. Le principe de responsabilité sans faute, établi à l'encontre de l'armateur en cas de pollution, devrait avoir un effet incitatif et pousser les armateurs à améliorer la qualité de leurs navires et à maintenir les meilleurs standards de sécurité dans l'opération de leurs flottes. De même, il devrait inciter les assureurs de ces armateurs à bien sélectionner les navires assurés, à les contrôler pour faire en sorte que les navires sous-normes ne puissent plus trouver d'assureurs et soient par conséquent exclus du marché.

Malheureusement, cet objectif est aujourd'hui délaissé et les armateurs, qui ont pourtant la main sur la maintenance, le contrôle et les opérations des navires qu'ils exploitent, voient s'éloigner le risque de devoir participer sérieusement aux conséquences d'une pollution. Ce risque est maintenant transféré sur les propriétaires de cargaisons qui, il faut le rappeler, ne sont pas les exploitants du bateau et ne pourront jamais remplacer l'armateur, l'Etat du pavillon ou la société de classification dans leur rôle en matière de sécurité maritime. »

D'autres interlocuteurs ont également exprimé l'urgence de rééquilibrer le système actuel en augmentant le plafond de responsabilité civile des armateurs.

C'est ainsi par exemple que le sénateur Henri  de Richemont a déclaré :

« J'attire votre attention sur le fait que, pour l'Erika, le propriétaire du navire par l'intermédiaire de son assureur n'a payé que 7% des fonds disponibles, le reste était réglé par le FIPOL, c'est-à-dire par l'industrie pétrolière et, par voie de conséquence, par le consommateur. Le plafond de responsabilité est donc relativement bas.

On arrive alors à ce paradoxe invraisemblable que, aujourd'hui, ce sont les bateaux les plus petits qui polluent le plus. Le Tanyo, l'Erika, le Prestige étaient des bateaux moyens. 75 000 de tonnes de fioul lourd pour le Prestige, à peu près la même chose pour le Tanyo, contre 250 000 tonnes de brut pour l'Amoco Cadiz, alors que la pollution du Tanyo a été plus importante que celle de l'Amoco Cadiz.

La niveau de responsabilité de l'armateur est calculé en fonction de la jauge du navire : plus la limitation est petite, plus la jauge est basse. Ce système fait que n'importe quel propriétaire de navire, ... trouvera toujours une assurance, compte tenu du fait que la limitation de responsabilité est relativement basse.

On ne peut certes pas aller à l'encontre du système de limitation de responsabilités qui est l'essence même du transport maritime et qui est incontournable, mais il faut sortir de ce système de limitation de responsabilité sur la jauge du navire. Il convient, à mon avis, de prendre deux éléments que l'on ne prend jamais en considération, qui sont l'âge du navire et la dangerosité des produits transportés. »

Quant à M. Francis Vallat, Président de l'Institut français de la mer, il a jugé opportun de relever le niveau de responsabilité civile, mais sans aller jusqu'à risquer de décourager les armateurs sérieux :

« Quoi qu'il en soit, le système que nous connaissons, nous en Europe et ailleurs dans le monde, n'est pas mauvais dans son principe. Je veux parler de la responsabilité de l'armateur au premier chef, de celle du FIPOL au deuxième chef -dont je ne pense pas qu'elle exonère les compagnies pétrolières de leurs responsabilités- et d'un futur troisième niveau, jusqu'à 1 milliard d'euros... Pour ma part, je pense tout simplement qu'il faut augmenter le premier niveau de façon significative, plus qu'il ne l'a été à la suite de l'Erika, qu'il faut également augmenter le deuxième niveau de façon significative, et effectivement créer un troisième niveau. Reste à savoir par qui sera financé le troisième niveau et de combien augmenter les premier et deuxième niveaux. Je n'ai pas la réponse exacte à ces deux questions, parce que je pense qu'il ne faut pas déresponsabiliser les bons opérateurs. Il faut donc trouver un équilibre. Certes, la responsabilité doit être bien plus élevée que maintenant, mais il faut qu'elle ne soit pas trop élevée, de façon à ce que le bon armateur puisse continuer à transporter du pétrole. »

L'approche actuelle de la convention CLC repose sur l'idée que l'ampleur des dommages susceptible de résulter d'un sinistre est exclusivement fonction du tonnage du navire.

Mais les catastrophes récentes de l'Erika et du Prestige démontrent que le critère du tonnage est secondaire par rapport au degré de dangerosité du navire qui peut s'évaluer à partir de son état d'entretien et des caractéristiques de sa cargaison.

La Commission d'enquête propose donc de moduler le niveau de plafond de responsabilité civile par sinistre en incluant comme critères de calcul outre le tonnage du navire des paramètres évaluant la dangerosité du navire en fonction de son niveau d'entretien et la nature de sa cargaison.

Pour définir ces critères, il conviendrait pour le premier de s'inspirer des critères de ciblage des inspections de l'Etat du port, qui à partir d'une batterie d'informations sur le navire, permettent de définir un coefficient de dangerosité potentielle du navire.

Pour le second, il serait envisageable, par exemple, de relever le plafond de responsabilité des armateurs spécialisés dans le transport de fioul lourd par rapport au transport de produits présentant moins de risques potentiels de pollution. En effet, tous les pétroliers qui se sont cassés en deux depuis 1992 transportaient du fioul lourd n°2 chauffé lors du transport. Les experts s'accordent à dire que le transport des produits noirs chauffés accélère la détérioration de la structure des navires du fait des amplitudes thermiques subies. Par ailleurs, le fioul lourd se révèle être un hydrocarbure particulièrement agressif pour l'environnement, dans la mesure où il ne se dégrade pas facilement, résiste aux dispersants et est très difficile à pomper en mer.

Or, le taux du fret, particulièrement bas pour cette catégorie d'hydrocarbures à faible valeur marchande, n'incite pas à l'utilisation de navires neufs, d'autant plus qu'il est difficile de charger des produits « blancs » (essence, gazole) après avoir transporté des produits « noirs », compte tenu du caractère particulièrement salissant de ce dernier type de cargaison. Il en résulte que les produits « noirs » chauffés, qui sont, d'une part les plus corrosifs pour le bateau, et, d'autre part, parmi les plus polluants pour l'environnement, sont donc paradoxalement transportés sur les navires les plus anciens, ainsi qu'il a été déjà indiqué précédemment.

Statistiquement, les navires anciens transportant des hydrocarbures nécessitant d'être chauffés apparaissent particulièrement dangereux, comme l'a souligné parmi ses principales conclusions le rapport du BEA-mer dans son rapport sur l'accident du Prestige. Il semble donc justifié de tenir compte, dans le calcul de la limite de responsabilité de leur propriétaire, du risque spécifique qu'ils représentent tant en eux-mêmes que du fait de leur cargaison.

Cette augmentation du plafond de responsabilité aurait l'avantage de contraindre à relever le coût de l'assurance pour de tels transports, donc à renchérir le coût du fret pour les affréteurs. Elle supprimerait partiellement l'avantage économique résultant du transport de produits « noirs » chauffés sur des navires anciens et favoriserait donc le recours à des navires plus récents tout en rendant par là-même moins rentable le transport maritime des fiouls lourds.

2.- Mettre en cause plus facilement la responsabilité civile de l'armateur en cas de faute caractérisée

a) Le caractère illusoire de la responsabilité illimitée

Certains plaident pour une réforme drastique du système d'indemnisation qui ne leur paraît ni efficace ni équitable, et proposent d'instaurer, pour l'armateur comme pour l'affréteur, une responsabilité illimitée, garantie par une assurance obligatoire. Pour Mme Corinne Lepage, ancienne ministre de l'Environnement et avocate spécialisée dans ce domaine, ce système permettrait d'entrer dans un cercle vertueux car « pour se protéger de poursuites éventuelles les affréteurs et les armateurs ne feraient plus appel qu'à des sous-traitants qualifiés, et ils ne procéderaient plus à des réparations au rabais »4.

Cette position a été confirmée par l'audition de certains témoins, qui, comme M. Bruno Rebelle, directeur général de Greenpeace France estiment que seule la responsabilité illimitée constitue une menace de nature à dissuader efficacement les armateurs peu scrupuleux.

Mais la mise en œuvre de ce système, inspiré du modèle du mécanisme américain de l'OPA, parait peu probable car une responsabilité illimitée est difficilement assurable.

Pour répondre aux partisans d'un régime de responsabilité illimitée, M. Henri de Richemont a clairement expliqué que le caractère illimité de la responsabilité n'offrait pas de réelles garanties aux victimes en cas de sinistre en raison de mesures de contournement juridique prises par les opérateurs. Il a ainsi précisé :

« Dans les Etats américains où existe cette responsabilité illimitée, celle-ci ne repose que sur l'armateur et pas sur l'affréteur. C'est la raison pour laquelle aucun navire se rendant dans les eaux américaines n'est propriété d'une compagnie américaine -compagnie pétrolière ou banque par l'intermédiaire d'un G.I.E fiscal. Les banques refusent d'ailleurs le G.I.E fiscal du fait de cette responsabilité illimitée. Tous les navires qui vont en Amérique dans les Etats où existe la responsabilité illimitée sont la propriété de sociétés étrangères n'ayant aucun bien aux U.S.A, ou de « single ship company » dont la responsabilité illimitée n'est illimitée qu'à hauteur de la valeur du bateau ! Ainsi, les compagnies pétrolières propriétaires de cargaisons destines aux Etats-Unis ne sont pas propriétaires du navire, mais affrètent un bateau navire sur lequel repose une responsabilité illimitée ne dépassant jamais la valeur du navire lui-même.

C'est la raison pour laquelle passer son temps à dire que le système américain est meilleur que le système international que nous connaissons démontre souvent une ignorance totale de la manière dont cela fonctionne aux U.S.A. »

Cette position semble largement partagée par les professionnels du secteur. M. Pierre Karsenti, président du Conseil des chargeurs maritimes et représentant de l'Association des utilisateurs de transport de fret (AUTF), a jugé lui aussi illusoire la mise en œuvre d'une responsabilité illimitée.

« La position équilibrée de l'AUTF est la suivante : il faut essayer, à chaque maillon de la chaîne, de faire porter sur les différents intervenants des responsabilités financières, qui doivent être sensibles et significatives.

En cela même, nous ne sommes pas partisans de la responsabilité illimitée, pour la bonne et simple raison que la responsabilité illimitée est une contrainte tellement forte que la société qui y est soumise s'organise tout de suite pour y échapper : c'est un risque tellement important qu'il est en effet difficile d'accepter de le supporter.

C'est en cela que l'aspect responsabilité illimitée nous semble être, certes, très impressionnant d'un point de vue formel, mais, au fond, nous paraît aussi susceptible de générer des conséquences plus négatives que positives. »

La capacité du secteur du transport maritime à créer des structures juridiques intermédiaires, plus ou moins opaques et fictives, atteste malheureusement que cette crainte n'est sans doute pas infondée.

b) La mise en cause de la responsabilité en cas de faute avérée

Il semble donc préférable de maintenir le régime de responsabilité civile objective et plafonnée car il présente d'incontestables avantages pour une indemnisation rapide des victimes. En revanche, il doit être possible de mettre en cause de manière illimitée la responsabilité de l'ensemble des acteurs du transport maritime quand des fautes avérées ont été commises.

Ainsi qu'il a été indiqué précédemment, le droit des propriétaires de navires à la responsabilité limitée constitue pratiquement une quasi-impunité dans le cadre de la convention sur la responsabilité civile (article V.2). Le propriétaire d'un navire ne peut pas perdre ce droit, sauf s'il est prouvé que les dommages « résultent de son fait ou de sa négligence personnelle, commis avec l'intention de provoquer un tel dommage, ou commis en connaissance qu'un tel dommage en résulterait. » La négligence, même grossière, du propriétaire ne satisfait pas à ce critère. Il est donc évident que la plupart du temps, il est très difficile d'aller au-delà de la limite de responsabilité.

Par ailleurs, la responsabilité doit peser sur tous les acteurs de la chaîne du transport maritime. Comme l'ont indiqué plusieurs personnes auditionnées, notamment M. Michel Quimbert, président du Port autonome de Nantes-Saint-Nazaire :

« Sans que soit nécessaire le concours d'innovations importantes sur le plan des textes, mais simplement par une évolution intelligente et une bonne compréhension des choses, nous pourrions arriver à rechercher la responsabilité de l'Etat du pavillon ainsi que la responsabilité de celui qui émet les certificats permettant aux navires de circuler. Pour qu'un navire circule, il lui faut un pavillon qui est accordé par l'Etat. Il a besoin des certificats de classification, délivrés par la société de classification. Il lui faut un armateur titulaire du code ISM. Puis, on peut considérer que celui qui fait transporter une cargaison dangereuse ne peut quand même pas être exonéré. Lorsque l'on a réuni les responsables, on peut trouver une dimension « d'assurabilité » suffisante pour parvenir à une responsabilité illimitée. »

La Commission d'enquête estime que les risques que comporte le transport d'hydrocarbures en mer doivent se traduire par une plus grande responsabilisation financière du propriétaire du navire et des autres acteurs.

Comme l'a fait valoir le représentant de Greenpeace France, dans de nombreux régimes de responsabilité environnementale mis au point dans les années 90, la tendance a été à l'abolition de la responsabilité limitée.

Imposer un régime de responsabilité illimité pour des pollutions terrestres pose moins de difficultés car l'identification de la juridiction dont dépendent les responsables est généralement assez simple. Dans le cas des pollutions maritimes, la situation est différente car les pollueurs peuvent être de n'importe quelle nationalité et donc beaucoup plus difficiles à retrouver.

Compte tenu de la façon dont l'industrie maritime est actuellement organisée, avec de multiples intermédiaires et peu de transparence, il est absolument primordial de combiner le régime de responsabilité avec un mécanisme d'assurances obligatoires.

La possibilité d'agir directement contre l'assureur est très importante si l'on veut garantir la protection de toutes les victimes. Mais les assureurs peuvent difficilement fournir une garantie illimitée. Il est donc nécessaire de préserver le régime de responsabilité limitée quand il n'y a pas de faute. Néanmoins, il est également nécessaire de pouvoir faire perdre au propriétaire du navire le droit à la responsabilité limitée quand il y a faute avérée.

Il conviendrait donc de reformuler l'article précité de la convention sur la responsabilité civile pour imposer une responsabilité illimitée au propriétaire du navire ou aux autres parties (gestionnaire du navire, société de classification, affréteur ou propriétaire du chargement) quand la faute réelle du propriétaire du navire ou d'autres parties a été établie. Une telle mesure établirait un lien plus étroit entre la responsabilité et le comportement du propriétaire du navire ou celui des autres parties.

Aussi est-il proposé de revenir à la formulation du même article de la convention de 1969, selon laquelle « une faute ou négligence avérée » faisaient perdre le droit à la responsabilité limitée. Cette formulation constitue un précédent qui été appliqué dans le droit maritime à partir de 1975, date de l'entrée en vigueur de la convention sur la responsabilité civile de 1969. Elle est donc bien connue dans le droit maritime.

La convention CLC de 1992 comporte une autre clause qui renforce l'impunité de tous les intermédiaires du transport maritime. En effet, les modalités de recours prévues par la convention sur la responsabilité civile de 1992 (article 111.4) vont jusqu'à interdire expressément la mise en cause d'un certain nombre d'acteurs (notamment l'affréteur, le gestionnaire et l'exploitant) qui peuvent pourtant jouer un rôle aussi important dans le contrôle du transport que le propriétaire déclaré du navire. En dehors d'une possible action en recours par l'armateur, ces autres parties sont à l'abri de toute demande d'indemnisation, à moins « que le dommage ne résulte de leur fait ou de leur négligence personnelle commis avec l'intention de provoquer un tel dommage, ou commis en connaissance qu'un tel dommage en résulterait » (même règle inaliénable que pour la perte du droit à la responsabilité limitée par le propriétaire du navire).

Une telle protection des différents acteurs signifie qu'ils peuvent agir avec l'assurance de ne jamais voir leur responsabilité mise en cause et rester à l'abri des demandes de recours en indemnisation après un accident de pollution par hydrocarbures.

Cette protection des acteurs, autres que le seul propriétaire enregistré, est pernicieuse car elle encourage les comportements irresponsables et contribue au manque de transparence de l'industrie maritime. Lors de son audition devant la Commission, M. Rebelle, directeur général de Greenpeace France, a souligné l'urgence de parvenir à une réforme de la convention CLC dans sa formulation de 1992.

« Cette formulation nouvelle du protocole, adoptée en 1992, interdit de facto la levée de la clause de limitation, et enferme ce régime dans un système extrêmement pervers où l'ensemble des acteurs de la filière prendra le risque de faire régulièrement naviguer des bateaux peu sûrs, sachant qu'il vaut mieux payer la prime d'assurance plutôt que de s'engager dans des améliorations continues de la qualité des navires. »

Il y a lieu de se demander, en l'occurrence, si les chargeurs avaient tenté d'aménager, par contrat, les règles de partage de responsabilités, tout particulièrement lorsqu'un accident met en évidence la violation par l'armateur de règles de sécurité maritime. En réponse, M. Bertrand Thouillin a répondu à la Commission que le rapport de forces n'était pas favorable aux chargeurs et que les assureurs veillaient à empêcher tout aménagement contractuel de responsabilité entre chargeurs et armateurs :

« ...j'aimerais vous donner raison et dire que pourrions, dans nos contrats d'affrètement, modifier les clauses de responsabilité pour dire que l'armateur -au lieu d'avoir un plafond de responsabilité à 12 millions de dollars- pourrait aller jusqu'à la moitié du nouveau fonds FIPOL. Les armateurs sont bien organisés même s'ils sont atomisés. Ils sont représentés par les assureurs qui les défendent extrêmement bien. Il est impossible, en pratique, de modifier les clauses de responsabilité. Les armateurs stipulent, dans les contrats d'affrètement, qu'en cas de pollution, ils seront responsables conformément au régime international en vigueur, et qu'ils sont assurés jusqu'à un milliard de dollars. En pratique, la responsabilité est largement inférieure. Même Exxon, après l'affaire de l'Exxon Valdez, qui avait tout fait pour modifier le système, n'a jamais réussi à modifier cela. Leurs assureurs leur disent que s'ils font cela, ils ne seront plus assurés ».

La Commission d'enquête préconise donc de modifier la convention CLC de façon également à pouvoir engager des actions en responsabilité contre les différents intervenants du transport maritime, comme par exemple lorsqu'il y a une violation caractérisée d'une réglementation de sécurité maritime.

La réussite de cette réforme dans le cadre de l'OMI sera difficile, mais la détermination conjointe de plusieurs pays pourrait être déterminante. Les autorités françaises et la Commission européenne ont déjà saisi l'OMI de la nécessité de revoir les deux conventions CLC et FIPOL pour responsabiliser davantage les acteurs du transport maritime. M. Jacobsson a confirmé, à cet égard, qu'un groupe de travail étudiait actuellement les possibilités d'amender le système.

Les Etats membres de l'Union et la Commission européenne devraient-ils demander l'examen de cette question à la prochaine conférence ministérielle de l'OMI à la fin de l'année. Si cette demande était refusée, les Etats membres ne devraient pas renoncer à envisager alors de menacer de dénoncer leur adhésion à la convention CLC, à un terme fixé à l'avance, afin de tenter de convaincre les autres Etats membres de l'OMI qui seraient trop réticents.

B.- MODULER LES CONTRIBUTIONS AU FIPOL POUR INCITER LES CHARGEURS À RECOURIR À UNE FLOTTE DE QUALITÉ

De même qu'une majoration du plafond de responsabilité pour les armateurs paraît indispensable pour les impliquer dans la recherche d'un transport maritime de qualité, de même il paraît souhaitable de modifier les règles de calcul des contributions au FIPOL pour inciter les chargeurs à sélectionner des navires de qualité.

Le gouvernement français a déjà fait des propositions en ce sens dans un mémorandum sur la réforme du FIPOL adressé à l'OMI en 2000.

Dans le but de mieux responsabiliser les chargeurs, le dit mémorandum recommande d'augmenter la contribution au FIPOL des utilisateurs de navires sous-normes. A cette fin, serait opéré un classement des navires par niveau de sécurité. Tout écart par rapport à des normes prédéfinies donnerait lieu à une pondération, en plus ou en moins, du tonnage d'hydrocarbures soumis à contribution.

Dans ce mémorandum était aussi envisagé de recourir, de manière complémentaire, à la mise en œuvre d'une responsabilité plafonnée des chargeurs avec l'obligation de souscrire une assurance pour couvrir cette responsabilité, celle-ci n'étant pas solidaire mais parallèle à celle de l'armateur.

Il faut encourager vivement le gouvernement à poursuivre dans la voie annoncée dans ce mémorandum. Pour garder au système un fonctionnement efficace, le « bonus-malus » pour la modulation des contributions pourrait, éventuellement, constituer une alternative au double mécanisme de responsabilité évoqué précédemment dans le cadre d'une réforme de la convention CLC. Ce dernier dispositif pourrait, en effet, donner naissance, dans son application, à des contentieux plus nombreux que la situation actuelle.

C.- IMPLIQUER LES SOCIÉTÉS D'ASSURANCES POUR UNE MEILLEURE SÉCURITÉ MARITIME

1.- Des compagnies d'assurances peu vigilantes quant à la sécurité des navires

Beaucoup a déjà été écrit sur la nécessité d'impliquer les sociétés de classification dans la politique de sécurité maritime et de premières mesures ont été adoptées au niveau communautaire pour parvenir à un agrément de ces sociétés dans le cadre des directives et propositions de directives européennes prévues par le paquet Erika I. En revanche, le monde de l'assurance a fait l'objet de beaucoup moins de critiques, mais a su continuer à ne pas être directement impliqué dans la lutte contre les navires poubelles.

Lors de son audition, M. Xavier Conti, directeur des assurances transports à la Fédération française des sociétés d'assurances, a souligné qu'il convenait de bien distinguer les trois catégories de couverture qui peuvent être souscrites dans le cadre de l'assurance maritime : l'assurance corps qui est l'assurance des navires eux-mêmes ; l'assurance facultés qui couvre les marchandises transportées ; enfin, l'assurance de responsabilité civile.

Les garanties souscrites dans le cadre de l'assurance corps couvrent d'abord les dommages subis par le navire lui-même, plus exactement les pertes et dommages matériels du navire comme le coût de réparation de ses parties abîmées pour le remettre en état de navigabilité. Elles couvrent ensuite les frais et dépenses exposés à titre conservatoire dans l'intérêt du navire et notamment les indemnités d'assistance dont celle connue sous la formule du contrat « no cure no pay », qui peut être majorée par le juge ou l'arbitre pour tenir compte de l'habileté de l'assistant à prévenir ou limiter des dommages à l'environnement.

L'assurance facultés est celle des marchandises transportées. Elle couvre les cargaisons : dans le cas d'un transport de pétrole, elle couvre donc le pétrole. Elle s'applique à tous les modes de transports et, par conséquent, aux marchandises transportées aussi bien par voie maritime que par voie terrestre, aérienne ou fluviale.

L'assurance de la responsabilité du transporteur maritime est naturellement la plus importante dans le cadre d'événements du type du Prestige. Contrairement aux deux premières catégories d'assurances, qui sont des assurances de dommages et de biens, les garanties couvertes dans le cadre des assurances de responsabilité ne relèvent pas du marché des compagnies d'assurances à primes fixes, mais du marché des « P&I Clubs », mutuelles d'armateurs qui se sont regroupées depuis le milieu du XIXe siècle pour faire face aux risques importants qu'elles courent.

Les compagnies d'assurances ont donc une position stratégique pour inciter à l'amélioration de la qualité de la flotte, car elles peuvent imposer à leurs clients des mesures d'entretien de leurs bâtiments et les contraindre à recourir à des équipages de qualité, sous la menace de ne plus accepter de les garantir.

Cet effort de prévention des risques serait directement profitable tant aux compagnies d'assurances, en limitant le nombre de sinistres qu'elles supportent, qu'aux Etats « littoraux », en réduisant les risques de marées noires.

Force est cependant de constater l'insuffisante implication des sociétés d'assurances dans cette démarche, en tout premier lieu en raison du faible niveau des plafonds de sécurité civile. C'est pourquoi il est de première urgence de relever ces plafonds ; mais au-delà, il convient d'initier une démarche de longue haleine, qui relève des professionnels eux-mêmes et non de l'intervention normative, pour créer les conditions d'une réelle collaboration entre sociétés d'assurances, sociétés de classification et services des Affaires maritimes dans le cadre des contrôles de l'Etat du port.

La pratique des sociétés d'assurances a, à cet égard, été appréciée de manières assez contrastées selon les interlocuteurs.

C'est ainsi que M. Bernard Thouillin, du groupe TotalFinaElf, a porté un jugement assez sévère sur l'attitude peu regardante des compagnies d'assurances qui acceptent d'assurer des bâtiments sous-normes :

« Personnellement, je trouve anormal que les assureurs de responsabilité des armateurs aient été totalement épargnés par les suites de l'Erika et du Prestige. Ainsi, ils prétendent être en mesure de fournir une garantie à hauteur de un milliard de dollars en matière de pollution, mais ils refusent que soit augmentée la responsabilité des armateurs qui est largement inférieure à ce milliard de dollars et que soit remis en cause, par exemple, le droit des armateurs à limiter leur responsabilité. Ils prétendent réaliser des inspections de pré-assurance mais, en réalité, on n'a jamais vu de bateau qui ne trouve pas d'assureur, quel que soit son état.

Le jugement de M. Francis Vallat est plus nuancé sur la politique de sélection des risques des « P&I clubs » :

« Les contrôles des sociétés d'assurances sont déjà bien appliqués. Les « P&I clubs » aussi inspectent de très nombreux navires, à telle enseigne que les assureurs avec lesquels nous travaillons refusent 60 à 70%, voire 80% du tonnage des armateurs qui font appel à eux. Ce qui veut cependant dire qu'ailleurs il existe des compagnies d'assurances plus complaisantes. On en connaît certaines, mais l'Etat ne fait pas son travail de police en la matière. »

En réalité, la pratique des sociétés d'assurances et tout particulièrement des « P&I Clubs » semble très différente selon le contexte juridique dans lequel elles interviennent. Autant lorsqu'elles assurent des armateurs relevant de la convention CLC, elles semblent assez peu rigoureuses dans l'évaluation du risque présenté par le bateau, autant elles adoptent une attitude beaucoup plus exigeante lorsqu'elles fournissent des garanties dans le cadre de la législation américaine de l'OPA.

En effet, il convient de signaler que ces derniers délivrent des couvertures qui peuvent aller, dans le cas, par exemple, des demandes de garanties financières, faites aux Etats-Unis par l'Etat de Californie, jusqu'à un milliard de dollars. Il faut cependant savoir que le plus élevé des certificats demandés dans le cadre de l'OPA de 1990, les certificats dits COFR, pour « Certificates of financial responsability », qui sont imposés par la réglementation fédérale, n'atteint aujourd'hui « que » 400 millions de dollars. Par conséquent, la garantie du « P&I » qui accorde ses garanties au navire le plus exposé vis-à-vis des risques américains est aujourd'hui de 400 millions de dollars.

Les responsabilités et les garanties sont donc limitées, y compris lorsqu'elles sont fournies par les « P&I Clubs » mais les sociétés d'assurances ou les sociétés financières apportant leur garantie financière sont incitées à adopter vis-à-vis de leur client une grande rigueur car elles peuvent être contrôlées par une autorité fédérale, faisant partie de l'administration des « coast guards » : le « National pollution funds center » (NPFC), chargé de contrôler la solvabilité de l'armateur et tout particulièrement le sérieux de son assureur ou de son garant.

C'est pourquoi il conviendrait, dans le cadre de la réforme de la convention CLC, d'étudier la possibilité de renforcer le contrôle sur les sociétés d'assurances, mission qui pourrait être dévolue dans les Etats membres de l'Union européenne à l'AESM, mais suivant des formes à préciser. En effet, à brève échéance, la délégation à l'AESM du pouvoir de contrôle des certificats d'assurance serait impossible car, ainsi qu'il a été indiqué en partie IV du présent rapport, l'article 7 de la convention CLC prévoit un dispositif de reconnaissance réciproque des certificats d'assurance délivrés par les Etats contractants.

En revanche, il serait possible d'agir aussi auprès du Groupe international des « P&I Clubs », pour les inciter à adopter une politique plus rigoureuse de sélection des risques.

2.- Comment les compagnies d'assurances peuvent contribuer à la sécurité maritime

M. Xavier Conti a indiqué que certaines mesures spécifiques adoptées par des compagnies françaises avaient un réel impact pour inciter les armateurs à faire le choix d'une flotte de qualité. Selon lui, les assureurs peuvent contribuer à l'amélioration de la sécurité de trois manières : « Premièrement, en sélectionnant les risques ; deuxièmement, en intervenant lorsqu'il y a opération de sauvetage et d'assistance ; troisièmement, en indemnisant le sinistre. »

Concernant la sélection des risques, il a indiqué que celle-ci était sévère car elle constituait le meilleur moyen de limiter les dédommagements de sinistres importants à honorer : « Une sélection est donc nécessaire : aujourd'hui, nous pouvons dire que, sur le marché français, les grands opérateurs qui sélectionnent les risques ne retiennent que 15% des affaires qui se présentent ! En raison de l'extrême rigueur de la sélection, le marché français corps perd des affaires par rapport au marché mondial, ce qui se traduit par une baisse relative de son chiffre d'affaires : pour 2002, l'augmentation du chiffre d'affaires n'est prévue qu'à hauteur de 4% alors que les revalorisations des tarifs sont de l'ordre de 20% ! »

Il a par ailleurs indiqué que la préoccupation de la sécurité maritime avait conduit les compagnies françaises d'assurances à imposer à leurs clients des dispositions contractuelles plus contraignantes que ne l'exigeait le droit maritime :

« Nous réclamons, d'abord, que nos assurés s'engagent, sous peine de résiliation de la police, à observer, dans les délais fixés par les sociétés de classification, les recommandations, exigences ou restrictions qu'elles imposent. Nous demandons ensuite -mais cette fois avec l'accord de l'assuré, car c'est la règle en la matière- à avoir accès au dossier de classification du navire. Si, malgré l'accord de l'assuré, nous ne pouvons pas accéder à son dossier, ou si, accédant à ce dernier, nous constatons que les prescriptions du registre ne seraient pas respectées, nous nous réservons le droit de résilier la police. »

M. Conti a aussi précisé que pour les contrats internationaux, l'armateur avait obligation de recourir à une société de classification membre de l'IACS et que la classe du navire ne devait être ni retirée ni suspendue sous peine de rupture automatique de la garantie.

Il a également souligné une réforme récente traduisant une préoccupation utile pour la sécurité maritime : l'exigence du code ISM -Code international de gestion de la sécurité-. Cette procédure impose aux armateurs de désigner à terre, une sorte de « correspondant sécurité » qui en cas de danger pourra décider des mesures appropriées pour faire face à des situations de crise. Il a indiqué que les assureurs français imposaient à leurs clients le respect de cette procédure, qui a été étendue à tous les navires depuis le premier juillet 2002.

S'agissant du deuxième domaine d'intervention, il a indiqué :

« (...) Nos polices comportent des clauses qui obligent l'assuré, lorsqu'un événement survient, à prendre toute mesure conservatoire en vue de préserver le navire de cet événement garanti ou d'en limiter les conséquences. C'est une obligation qui pèse sur l'assuré, étant entendu qu'en contrepartie la charge d'indemniser les efforts consentis par l'assuré ayant rempli ses obligations pèse sur l'assureur. (...)

Il existe en outre, une disposition qui consiste, dans le cadre d'un sinistre déjà survenu, à prendre toutes mesures dites « utiles » à la conservation et au sauvetage du navire ce qui a, bien sûr, des effets sur sa cargaison et sur les dommages qu'elle peut causer à l'extérieur. »

Enfin en ce qui concerne le troisième domaine d'intervention des assureurs, à savoir la gestion du sinistre, ceux-ci jouent un rôle qui peut être fondamental en vertu des clauses même de l'indemnisation, M. Conti a souligné : «  (...) On ne verse pas une indemnisation sans que soient produites les factures et sans que la réparation ait été effectuée. C'est essentiel pour éviter qu'un navire puisse reprendre la mer sans avoir été remis en état de naviguer ! »

Ces quelques exemples démontrent que les compagnies d'assurances peuvent contribuer efficacement au progrès de la sécurité maritime sans pour autant mettre en péril leur survie économique. Il serait donc tout à fait possible de chercher à définir -ou enrichir s'il existe déjà sous une forme ou sous une autre-, un code de déontologie des « P&I Clubs » où seraient définies des clauses contractuelles types pour généraliser une démarche de prévention des risques et amener à une éviction progressive des navires sous-normes, faute de pouvoir être assurés.

D.- AMELIORER LES MÉCANISMES D'INDEMNISATION DU FIPOL

1.- Mobiliser les Etats membres de l'Union européenne pour ratifier le protocole créant un fonds complémentaire

Il y a lieu, naturellement, de se féliciter de la décision prise lors de la dernière conférence diplomatique du FIPOL de créer un fonds complémentaire permettant d'augmenter substantiellement le plafond d'indemnisation jusqu'à plus de 900 millions d'euros.

Il convient de rappeler que c'était l'une des propositions de la précédente Commission d'enquête, qui avait souligné qu'en cas de catastrophe majeure, les plafonds prévus ne permettraient pas d'offrir une indemnisation décente aux victimes.

Cette constatation n'était en rien excessive, l'affaire de l'Erika ayant démontré que, sans la renonciation du gouvernement français et de Total à faire valoir leurs créances, le taux d'indemnisation des victimes n'aurait jamais pu atteindre 100% du montant du préjudice indemnisable.

La Commission d'enquête soutient pleinement l'initiative de la commissaire européenne chargée des Transports, Mme Loyola de Palacio, lorsqu'elle a exhorté l'ensemble des Etats membres à ratifier immédiatement ce protocole qui entrera en vigueur trois mois après la ratification d'au moins 8 Etats dont les importations d'hydrocarbures représentent au moins 450 millions de tonnes.

La France devrait être exemplaire en la matière compte tenu de la gravité des sinistres récents et récurrents qu'elle a subis et ce d'autant plus que le relèvement du plafond n'est pas rétroactif.

2.- L'incompréhension suscitée par la décision du Comité exécutif du FIPOL au sujet des dommages du Prestige

La Commission tient à souligner l'émoi suscité par la décision du Comité exécutif du FIPOL du 7 mai dernier qui a été « contraint » de déclarer que, compte tenu des estimations provisoires des conséquences économiques du sinistre faites par les délégations française, espagnole et portugaise, les paiements par le FIPOL devaient, pour l'instant, être limités à 15% du préjudice subi par chaque demandeur au titre des dommages causés à la suite du naufrage du Prestige.

M. Jacobsson, administrateur du FIPOL, a indiqué à la délégation de la Commission d'enquête qu'à la différence du naufrage de l'Erika, plusieurs Etats (Espagne, France et Portugal de manière plus limitée) étaient concernés, et que les Etats ayant subi des préjudices n'avaient pas décidé de renoncer à leurs propres créances ou de se considérer comme des créanciers de dernier rang.

Il a rappelé que, à elles seules, les créances de l'Etat espagnol étaient estimées à 700 millions d'euros, sans même compter les frais concernant le traitement de l'épave. De surcroît, les préjudices liés aux manques à gagner de la saison touristique ne pourront être connus avant plusieurs mois. Ces raisons expliquent le taux de 15%, beaucoup moins élevé que pour l'Erika, pour lequel il avait pu progressivement passer de 50% à 80%, puis à 100% le 25 avril. Le taux de 15% représente, après arrondi du taux de 17,2%, la proportion du total des dommages prévisibles, de 900 millions à un milliard d'euros, susceptible d'être remboursée compte tenu du plafond de 171 millions d'euros. Le choix du taux a été effectué par les quinze Etats membres du Comité exécutif, sur proposition technique de l'administrateur.

Lors du déplacement de la Commission d'enquête à Londres dans les locaux du FIPOL, la délégation a souligné le profond sentiment d'injustice ressenti par les populations riveraines, victimes d'une marée noire à laquelle elles n'étaient pour rien, et qui ne s'expliquaient pas la faiblesse du taux de 15% retenu par le FIPOL, ni pourquoi la question de l'application rétroactive du nouveau plafond du fonds d'indemnisation n'avait pas été abordée par les autorités politiques du FIPOL.

A cet égard, M. Jacobsson a fait remarquer que le Comité avait pris cette décision par consensus, le recours au vote n'étant plus pratiqué, depuis 25 ans, dans cette instance.

En tout état de cause, la seule alternative consistait à ne rien rembourser pour l'instant, le taux de 15% constituant le maximum susceptible d'être retenu compte tenu des règles actuelles de fonctionnement du fonds. L'ampleur du différend franco-espagnol doit également être relativisée, car, sur 125 sinistres intervenus depuis la création du premier FIPOL, une dizaine seulement avait posé problème en raison du fait que les plafonds existants n'avaient pas permis de prendre en charge la totalité des dommages.

Quoi qu'il en soit, cette décision du comité exécutif est révélatrice d'un dysfonctionnement du FIPOL, certaines demandes d'indemnisation étant plus urgentes que d'autres en raison du caractère « alimentaire » de certaines créances : certaines victimes ont perdu toute source de revenu en raison d'un arrêt impératif de leur activité professionnelle, comme par exemple pour les pêcheurs ou les ostréiculteurs. De plus, la complexité des dossiers d'indemnisation ralentit encore le processus d'indemnisation.

C'est pourquoi des améliorations des mécanismes d'indemnisation apparaissent souhaitables.

3.- Rendre prioritaires les créances de subsistance et prévoir une procédure d'urgence

Ainsi que l'a expliqué M. Conti lors de son audition, l'indemnisation des victimes dans le cadre du FIPOL est satisfaisante lorsque les sinistres sont de faible ampleur. En revanche, pour les sinistres importants, il devient indispensable de mettre au point un système de hiérarchisation des créances pour en privilégier certaines et accélérer le paiement des indemnisations.

C'est ainsi que M. Conti a déclaré :

« Pour que le mécanisme actuel puisse donner satisfaction, il faut, en effet, que les sinistres soient de faible intensité. Alors, le mécanisme fonctionne bien, les indemnisations sont effectives et peuvent intervenir rapidement.

Pourquoi n'est-ce pas le cas lorsque les plafonds sont atteints ? En raison de l'un des principes qui régissent les indemnisations du fonds FIPOL : le principe de la répartition au marc-le-franc. Quand on sait que les réclamations vont dépasser les plafonds du FIPOL(...) -le FIPOL doit attendre. Comme il lui faut faire la collecte de toutes les réclamations et vérifier qu'elles sont fondées et établies, ce qui prend du temps, il ne peut qu'appliquer un prorata aux indemnisations demandées. »

Dans les cas où la limite d'indemnisation est atteinte, il semble injuste que les créances des personnes ayant subi une perte de moyens d'existence soient soumises à la même réduction proportionnelle que les autres créances.

Il serait donc souhaitable que les créances de « subsistance » soient prioritaires sur les autres créances. Par créances de « subsistance », il faut entendre les pertes de revenus entraînées par l'interdiction d'exercer une profession en raison, par exemple, des risques sanitaires engendrés par la pollution par hydrocarbures.

Ce type de créances devrait être réglé de manière prioritaire par rapport à l'indemnisation de dommages portant sur des biens ou tendant à indemniser de simples baisses de revenus professionnels.

La Commission d'enquête propose aussi de poser le principe de la priorité des créances privées sur les créances publiques. Parmi ces dernières pourraient venir en dernier rang celles se rattachant aux coûts fixes de fonctionnement de l'Etat.

Cette hiérarchisation permettrait avant tout d'accélérer le versement des indemnités et de sécuriser les victimes présentant des créances de « subsistance », car elles seraient certaines d'être dédommagées intégralement même en cas de dépassement du plafond d'indemnisation.

Il serait aussi concevable d'opérer une distinction dans le niveau et les délais de remboursement entre les Etats « simplement » victimes de la pollution, et les Etats susceptibles d'avoir une quelconque responsabilité dans le dommage, source de la pollution.

En complément de la hiérarchisation des créances il apparaît indispensable de prévoir une procédure d'urgence pour débloquer des indemnisations de première nécessité, alors que, jusqu'à présent, ce sont les crédits des Etats victimes de la pollution qui permettent de faire face aux besoins les plus criants.

4.- Améliorer le caractère contradictoire des demandes d'indemnisation

De nombreux interlocuteurs de la Commission ont fait part de leur difficulté à faire valoir leurs arguments auprès des experts du FIPOL lorsque leur dossier d'indemnisation était rejeté.

Outre un effort de pédagogie indispensable, le FIPOL doit engager une réflexion sur l'amélioration du caractère contradictoire de l'instruction des demandes d'indemnisation. C'est notamment le cas pour la nomination d'experts qui sont désignés sans que les victimes ne puissent intervenir dans la procédure d'expertise. De même, les décisions de rejets devraient être plus clairement motivées et il serait opportun de prévoir un mécanisme de voie de recours amiable pour que les victimes éconduites puissent plaider leur cause devant une instance collégiale, différente de celle qui a procédé à l'instruction initiale du dossier. Cette procédure d'appel pourrait être limitée aux dossiers portant sur des sommes conséquentes pour éviter d'allonger les délais d'instruction des demandes.

5.- Une meilleure prise en compte des dommages écologiques

Il convient de bien distinguer les dépenses liées à la restauration de l'environnement, qui pourraient être mieux prises en charge mais qui ne posent pas de problèmes complexes, des préjudices écologiques qui, ne représentant pas une perte quantifiable, sont beaucoup plus difficiles à indemniser.

La première urgence consiste à disposer d'un état des lieux de la faune et de la flore sur les façades littorales françaises pour être en mesure, suite à un sinistre, d'évaluer de manière précise le préjudice écologique ainsi engendré.

La volonté de réparer les atteintes écologiques doit être précédée par un effort de recensement des ressources naturelles, mais aussi par un travail plus conceptuel pour mettre au point une méthode permettant d'évaluer le dommage écologique.

Il convient de rappeler que le Conseil économique et social, dans son avis sur le naufrage de l'Erika, avait préconisé de mettre en place un Observatoire national scientifique permanent de la mer et du littoral pour mener ce travail de recensement sur le patrimoine écologique des milieux marins.

La Commission ne dispose pas d'assez d'informations sur les différents organismes qui travaillent aujourd'hui sur la sauvegarde de l'environnement et ne peut donc apprécier l'utilité de créer un nouvel organisme pour procéder à ce recensement. Il lui paraît cependant indispensable que des chercheurs du CEDRE, de l'IFREMER et du CNRS travaillent en étroite collaboration pour aboutir à une évaluation de notre patrimoine littoral et marin susceptible de servir de référentiel opposable en cas de pollutions maritimes.

IV.- UN FONDS D'INDEMNISATION COMMUNAUTAIRE POUR PALLIER LES CARENCES DES MÉCANISMES D'INDEMNISATION INTERNATIONAUX 

A.- UN FONDS COMMUNAUTAIRE POUR SUPPLÉER LES CARENCES DU FIPOL ?

Dans le cadre des mesures proposées par la Commission européenne suite au naufrage de l'Erika, avait été proposée, dans une communication au Conseil et au Parlement du 6 décembre 2000, la création d'un fonds européen supplémentaire, dénommé fonds COPE, destiné à dédommager les victimes des marées noires dans les eaux européennes.

Ce fonds était clairement un mécanisme complémentaire du FIPOL et la Commission européenne précisait que le fonds indemniserait les victimes dont les plaintes auraient été jugées justifiées, mais qui n'auraient pas été en mesure d'obtenir une indemnisation complète dans le cadre du régime international en raison du niveau insuffisant des plafonds d'indemnisation.

Dans ce document préparatoire, la Commission européenne indiquait aussi que les indemnités accordées seraient fondées sur les mêmes principes que ceux appliqués par le FIPOL.

Elle envisageait par ailleurs que le fonds communautaire puisse être utilisé pour accélérer l'indemnisation complète des victimes de pollution.

Cette hypothèse a aussi été avancée par les trois membres de la mission interministérielle sur les lieux de refuge lors de leur audition conjointe. Ils ont suggéré que le fonds puisse accorder des avances de trésorerie pour rembourser par anticipation les dédommagements du FIPOL et alléger les difficultés financières des agents économiques lésés.

Le financement prévu était similaire à celui du FIPOL, c'est-à-dire assuré à partir d'une contribution des importateurs d'hydrocarbures, assise sur les quantités de pétrole reçues.

Comme pour le FIPOL, ce fonds supplémentaire n'aurait réclamé de contribution qu'en cas de sinistre majeur ne pouvant être indemnisé dans le cadre du régime international. Le plafond proposé pour ce fonds supplémentaire était d'un milliard d'euros.

La Commission européenne insistait sur le fait qu'un naufrage comme l'Erika pouvait se répéter à tout moment et que ce fonds supplémentaire pourrait être mobilisé très rapidement.

Mais le Conseil européen n'a pas suivi cette proposition, préférant promouvoir la création d'un fonds similaire au niveau international dans le cadre de l'OMI.

Dans sa communication du 3 décembre 2002, relative au renforcement de la sécurité maritime suite au naufrage du Prestige, la Commission européenne a déploré l'absence de progrès de ce dossier et a souligné que le projet de création d'un fonds facultatif, avec un plafond d'indemnisation majoré dans le cadre du FIPOL, ne pouvait constituer une alternative crédible du Fonds COPE que si le plafond d'indemnisation était porté d'emblée à 1 milliard d'euros et si tous les Etats membres côtiers y participaient dès le départ. Elle concluait en indiquant que, si tel n'était pas le cas, il serait primordial d'adopter rapidement la proposition de la Commission européenne en vue de créer le fonds complémentaire communautaire.

Dès l'annonce de la décision de la conférence diplomatique de l'OMI de créer un fonds supplémentaire portant l'enveloppe totale disponible à environ 900 millions d'euros, la commissaire aux Transports Mme Loyola de Palacio a invité les Etats membres à ratifier immédiatement ce protocole pour qu'il soit opérationnel d'ici la fin de l'année, mais elle n'a pas pris officiellement position sur le devenir du projet COPE.

Les membres de la Commission d'enquête ayant été vivement frappés par l'incompréhension des populations locales suite à la décision du FIPOL de n'accorder qu'une indemnisation de 15% par rapport aux demandes d'indemnisation présentées à ce jour, estiment indispensable que des aides communautaires puissent pallier les carences du FIPOL.

La décision de relèvement du plafond d'indemnisation, intervenue moins d'un mois après la décision du comité exécutif de limiter l'indemnisation à 15%, a de plus été très mal accueillie par les victimes du Prestige, car il a été précisé d'emblée qu'elle ne pourrait être rétroactive.

Les victimes du sinistre du Prestige se sentent d'autant plus lésées que les dommages du Prestige n'appartiennent pas au passé mais continuent quotidiennement de faire sentir leurs effets, des galettes de fioul étant apparues jusque dans le Cotentin il y a quelques jours, au risque d'hypothéquer la prochaine saison estivale.

C'est pourquoi, la question de la création, malgré tout, d'un fonds communautaire se pose toujours ; celui-ci pourrait notamment permettre de régler, à court terme, le problème de l'indemnisation des victimes du Prestige dont les créances estimées s'élèvent à plus de 900 millions d'euros alors que le plafond d'indemnisation est limité à 171 millions d'euros, et à plus long terme, de disposer d'un outil d'indemnisation complémentaire aux mécanismes en vigueur au plan international.

Pour rendre cet outil plus performant, il conviendrait également d'en élargir l'objet afin qu'il ne se limite plus aux pollutions par hydrocarbures, mais couvre aussi les risques chimiques et surtout qu'il ne se réfère pas à la notion de dommages indemnisables telle qu'elle a été définie par la « doctrine » du FIPOL.

En effet, ce Fonds ne sera utile que s'il parvient à indemniser des dommages que le FIPOL refuse de considérer, par exemple, comme des mesures de sauvegarde « raisonnables », ou des dommages économiques indirects ne présentant pas « un degré raisonnable de proximité » avec la pollution pour être pris en charge.

La création de ce Fonds serait aussi l'occasion de compléter la politique commune de protection de l'environnement en essayant d'élaborer une méthodologie communautaire sur l'évaluation des dommages écologiques, méthode qui pourrait trouver à s'appliquer à bien d'autres domaines que le patrimoine littoral et marin.

La question du financement du fonds COPE constituera à l'évidence l'un des points décisifs. Mais sans peser sur le budget communautaire, il serait possible, comme l'ont proposé les trois inspecteurs généraux MM. Graillot, Roussel et Bosc chargés d'une mission relative aux lieux de refuge, d'alimenter ce fonds en prélevant une contribution à taux minime sur le trafic maritime, hors cabotage ou une redevance sur les routes maritimes européennes.

B.- LA NECESSITÉ DE MOBILISER LES FINANCEMENTS COMMUNAUTAIRES POUR LA RÉPARATION IMMÉDIATE DU LITTORAL ET LA RECONSTITUTION DU POTENTIEL ÉCONOMIQUE

Le 5 Mars 2003, la Commission européenne, dans un rapport destiné au Conseil sur les mesures à adopter suite au naufrage du Prestige -Com(2003)105 final-, a indiqué que plusieurs types de crédits européens pourraient être mobilisés, tant pour aider à la dépollution que pour relancer les secteurs économiques les plus touchés, comme ceux de la pêche.

L'Espagne pourra bénéficier des fonds du FEDER au titre de l'objectif 1, la Commission européenne ayant indiqué qu'elle était prête à aider l'Espagne à effectuer une reprogrammation du programme opérationnel Galice (2000-2006).

Concernant la France, le littoral aquitain serait éligible pour recevoir des aides au titre de l'objectif 2, à l'exception de Biarritz, ces fonds pouvant servir au nettoyage des plages ou pour financer des campagnes de soutien au tourisme de l'ensemble de la région. D'après le document de la Commission européenne, le littoral de la région Poitou-Charentes pourrait aussi en bénéficier en grande partie.

La Commission indique par ailleurs que l'Espagne pourrait bénéficier du Fonds de cohésion pour financer des travaux sur l'épave mais c'est à l'Espagne d'en prendre la décision car elle devra modifier le programme initial qu'elle avait présenté et pour lequel 6,2 milliards d'euros sont encore disponibles pour la période 2000-2006.

Des crédits pourraient être aussi dégagés dans le cadre du programme INTERREG pour financer des actions ayant un caractère clairement transnational, comme par exemple la surveillance et le pompage de l'épave du Prestige. Les crédits prévus sont cependant modestes par rapport à cette seule opération lourde, puisqu'ils s'élèvent à 23 millions d'euros, mais ils pourraient être révisés.

Pour les préjudices subis par les pêcheurs et les aquaculteurs, les fonds IFOP ont été mobilisés. Dès le 20 décembre 2002, le Conseil a adopté un règlement permettant des mesures immédiates de soutien pour les pêcheurs, les propriétaires de navires et pour les conchyliculteurs espagnols touchés par la pollution du Prestige.

Parmi les mesures décidées on notera la possibilité pour les aquaculteurs et conchyliculteurs de bénéficier d'allocations pour cessation temporaire d'activité, alors que cette mesure ne s'appliquait jusqu'à présent qu'aux pêcheurs.

Les navires de pêche et les équipements aquacoles pourront être reconstruits avec des fonds de l'IFOP.

Pour le moment, la France n'a pas bénéficié de fonds communautaires pour le secteur de la pêche ou de la conchyliculture, mais elle pourrait y recourir en cas de nécessité, comme l'a expliqué M. Dominique Sorain, directeur des Pêches et de l'aquaculture lorsqu'il a été interrogé sur les possibilités d'aides communautaires :

«  Sur cette question, la Commission a autorisé l'Espagne à utiliser des fonds IFOP initialement destinés à d'autres fins. M. Gaymard a demandé la même chose le 23 janvier, la Commission lui a répondu qu'en tant que de besoin, certains fonds IFOP pourraient être mobilisés afin de compenser, d'une part, les pertes de matériel détruit et, d'autre part, les pertes d'activité. Notre attaché à Madrid nous précisait, il y a plus d'un mois, que l'Espagne n'avait pas utilisé ces fonds pour les deux destinations précitées.

En ce qui concerne la France, les parcs et le matériel n'ont pas été touchés. Par ailleurs, en ce qui concerne l'indemnisation d'arrêt d'activité, la seule période indemnisée en Aquitaine s'étendait du 4 au 14 janvier. Or les indemnisations déjà accordées par la France à ce titre dépassent de très loin les plafonds communautaires d'aide ; nous n'avons donc pas souhaité solliciter la Commission. De plus, l'octroi de l'indemnisation communautaire est subordonné à la production d'un texte positif d'interdiction de vente émis par la puissance publique ; or, aucun autre département n'ayant été ainsi empêché de vendre, une telle demande ne reposait sur aucun fondement. Néanmoins, en cas de réel problème, les fonds IFOP pourront toujours être mobilisés ».

Il convient cependant de souligner que, concernant l'IFOP, les crédits susceptibles d'être débloqués devraient l'être par redéploiement de l'enveloppe existante, et non par majoration des crédits. Les contraintes budgétaires communautaires étant aussi rigoureuses que celles des Etats membres, il n'est pas possible d'attendre un soutien massif de la part de l'Union européenne.

C'est pourquoi l'idée de recourir à un fonds spécifique, financé par les professionnels, mérite d'être examinée avec attention. Il serait d'ailleurs possible de rééquilibrer la charge du financement du fonds COPE en prévoyant une contribution de l'ensemble des intermédiaires du transport, y compris les armateurs, ainsi qu'il a été précédemment indiqué.

CONCLUSIONS ET PRÉCONISATIONS

I.- une préconisation de méthode : demander aux commissions permanentes de procéder a un suivi régulier de l'avancement du dossier

Si la Commission d'enquête a constaté que beaucoup a été fait, il demeure que, parmi les préconisations de la Commission d'enquête sur l'Erika, un nombre non négligeable d'entre elles n'a pas encore trouvé de traduction, faute de volonté, de moyens, ou en raison de la lenteur de l'évolution des questions relatives aux transports maritimes internationaux.

Peuvent ainsi être cités, entre autres exemples :

- le remplacement et la réaffectation des remorqueurs entre l'Atlantique et la Méditerranée ;

- le remplacement des radars des CROSS ;

- la mise à jour régulière des plans POLMAR-terre ;

- l'intégration de l'obligation de déballastage dans la gestion portuaire.

En conséquence, il conviendrait que les commissions permanentes de l'Assemblée nationale (Affaires économiques et Finances principalement, Affaires étrangères et Lois plus accessoirement), chacune pour ce qui la concerne, s'assurent, chaque année, du suivi de la mise en œuvre des mesures recommandées, de façon à sortir d'une logique de contrôle dictée essentiellement par l'occurrence des catastrophes affectant la France. Cette proposition complèterait, en l'élargissant aux questions nationales et internationales -qui ne sont pas aujourd'hui de la compétence communautaire-, le dispositif permanent mis en place par la Délégation pour l'Union européenne.

Elle pourrait utilement s'appuyer sur la remise d'un rapport annuel du gouvernement.

La participation de parlementaires invités à l'exercice global POLMAR-mer et terre prévu en Méditerranée en octobre, et le suivi du retour d'expérience correspondant pourrait s'inscrire dans cette démarche.

II.- Les actions à mener au niveau national

A- Au niveau de l'action en mer :

1°) Renforcer les moyens matériels de l'action en mer :

- Moyens aériens : renouveler le parc des hélicoptères (ancienneté des SuperFrelons), et des avions (difficultés et retards pour l'avion POLMAR 3 des Douanes...) ;

- Moyens maritimes : rénovation, renforcement et redéploiement du dispositif actuel des remorqueurs dans les plus brefs délais.

2°) Mettre en place les projets concourant à un meilleur suivi du trafic maritime, passif, puis éventuellement, à terme, actif. En particulier, activer le processus en cours de remplacement des radars des CROSS (cf. modernisation réalisée au Royaume-Uni), mettre en œuvre les projets de coordination du suivi des flux de « Trafic 2000 », et de « Spatio-Nav », destiné à permettre une centralisation des données d'observation du trafic maritime émanant des CROSS et des sémaphores de la Marine nationale, ainsi que des radars des ports.

3°) Maintenir l'effort sur le taux de contrôle : en particulier, renforcer les moyens humains de contrôle de l'Etat du port en poursuivant le processus de recrutement des inspecteurs et pérenniser le recours à des personnels expérimentés (experts vacataires).

4°) Améliorer la cohérence de l'action en mer, en renforçant le rôle du préfet maritime pour la collaboration opérationnelle, et en imposant une coordination des investissements des administrations de l'Etat en mer (par ex. pour les avions des Douanes), en particulier par un examen systématique par le Comité interministériel de la mer, qui devrait se réunir au moins deux fois par an. Elargir, éventuellement, les compétences du secrétaire général de la mer à l'ensemble des questions relatives au littoral.

5°) Mettre en place concrètement la politique des lieux de refuge :

- en achevant rapidement les études complémentaires demandées aux préfets maritimes pour l'alimentation en données des plans de lieux de refuge prévus par les décisions communautaires ;

- en instaurant un pool d'experts, rapidement mobilisables, éventuellement étrangers, assistant l'autorité chargée de décider, avec le financement ad hoc ;

- en prenant rapidement les mesures administratives et normatives qui s'imposent. En particulier, prévoir une autorité de décision aussi incontestable que le SOSREP britannique, qui devrait être le Premier ministre ;

- en prévoyant des modalités d'indemnisation efficaces et garanties, nationales ou communautaires, en cas de pollution d'un lieu de refuge, tenant compte de l'ensemble des dommages, y compris en termes de perte d'activité économique, sans entrer dans un juridisme dissuasif.

6°) Lutter efficacement, en France et à court terme, contre les déballastages et dégazages :

a) par une politique active de prévention :

- en imposant un certificat de déballastage, sans lequel le navire ne puisse pas quitter le port, à condition de sécuriser la procédure de délivrance des certificats, et de ne pas ralentir exagérément l'exploitation portuaire courante ;

en renforçant les installations portuaires et en prévoyant un accueil adapté des navires, mobilisant éventuellement des financements intégrés dans les contrats de plan Etat-région ;

- en transposant la directive européenne concernée, pour lesquelles la France a fait l'objet d'un avis motivé.

b) par une politique active de répression :

donner à la justice, et notamment aux tribunaux spécialisés, les moyens matériels, humains et scientifiques (nombre d'aéronefs, personnels disponibles sur le terrain et dans les tribunaux, mobilisation des acteurs pour mettre en œuvre avec succès les procédures pénales) ;

- en multipliant les opérations « coup de poing » de la préfecture maritime, pour faire jouer la « peur du gendarme », comme pour la sécurité routière ;

en relevant le coût du dégazage sauvage constaté, par la mise en œuvre systématique par les parquets des tribunaux spécialisés d'une demande de caution financière élevée, avant de laisser le bateau repartir.

7°) Engager, avec les moyens appropriés, des recherches dans plusieurs domaines : suivi par satellite des dégazages, système de traçabilité des hydrocarbures transportés, études approfondies de courantologie.... De même, soutenir activement les études préalables à la commande de gros navires dépollueurs, encore à l'état de projet, mais en recherchant un financement mutualisé au plan européen ; étudier, de manière plus approfondie, les possibilités techniques d'empêcher tout dégazage en mer, ou du moins d'en conserver une trace enregistrée inaltérable, par exemple dans les futures « boîtes noires ».

8°) Etudier les possibilités d'imposer le pilotage hauturier -déjà existant mais facultatif- dans certaines zones particulièrement dangereuses (Manche), avec sans doute une démarche complémentaire au plan international.

9°) Développer les moyens humains et matériels et amener une prise de conscience sur les dangers existants en mer Méditerranée :

- tirer rapidement les enseignements de l'exercice POLMAR-mer et terre prévu en octobre prochain, mobilisant un pétrolier ;

- amener les partenaires européens à participer au co-financement de moyens indispensables (remorqueur notamment), comme cela a été fait en Manche avec le co-affrètement franco-britannique.

10°) Relancer le pavillon français, levier d'une influence accrue au plan international de la France en matière de sécurité maritime.

B- Au plan de la lutte à terre contre la pollution

De manière générale, il convient d'améliorer les plans POLMAR-terre et les conditions d'utilisation du fonds POLMAR, afin de tirer les enseignements du Prestige.

1°) En particulier, renforcer significativement le niveau zonal :

- coordonner au niveau zonal les acquisitions de matériels, afin d'éviter les redondances et les lacunes, en étudiant la possibilité d'instaurer un plan zonal, complémentaire du plan POLMAR départemental pour les plus gros équipements (par la poursuite des réformes du niveau zonal engagées par le décret du 16 janvier 2000). Aider les collectivités locales à définir des plans d'investissement cohérents et optimisant leurs dépenses, par exemple pour l'acquisition de cribleuses, qui soient ainsi facilement mobilisables en cas de pollution, et qui puissent, en cas d'urgence, être éligibles au fonds POLMAR;

- éventuellement, élargir la démarche de coordination au niveau interzonal, pour les plus gros équipements;

coordonner au niveau zonal le déclenchement du plan POLMAR dans chaque département, en évitant les effets d'annonces inutiles ;

- clarifier davantage les responsabilités respectives du préfet de zone et de département, dans la gestion opérationnelle des crises, pour éviter des flottements tels que ceux observés au début de la crise ;

systématiser la gestion du fonds POLMAR au niveau zonal, gage d'efficacité et d'économie, en consolidant la procédure administrative allégée pour les paiements, et en autorisant des procédures de passation de marchés publics simplifiés en cas d'urgence, notamment pour le nettoyage des plages et des rochers.

2°) Organiser les services de l'Equipement, au plan zonal ou interzonal, et prendre les mesures nécessaires pour leur permettre de jouer pleinement le rôle attendu globalement d'eux.

3°) Prévoir des modalités opérationnelles de sortie du plan POLMAR ne lésant pas les victimes de la pollution, et inversement, maintenir la déconnexion possible de l'utilisation du fonds POLMAR et du déclenchement du plan POLMAR.

4°) Définir un référentiel de prestations et de tarifs au niveau national pour les matériels, les entreprises de dépollution ainsi que pour les pêcheurs, afin d'améliorer les délais de réponse, tout en évitant les risques de dérapage inflationniste opportuniste.

5°) Exiger la mise à jour régulière des plans POLMAR-terre, qui datent de plus de cinq ans dans un nombre de cas trop élevé et n'ont pas intégré les modifications réglementaires récentes.

III.- Mesures communautaires

1°) Exiger la transposition rapide par les Etats membres, et par la France, des directives adoptées par l'Union européenne et mettre pleinement en œuvre les mesures communautaires, avec les moyens matériels et humains adéquats.

2°) Développer progressivement les missions de l'AESM, en inscrivant leur mise en œuvre dans la durée,  et lui donner les moyens d'exercer pleinement l'ensemble de ses fonctions :

en premier lieu, donner enfin un siège à l'Agence, en l'installant à Nantes, qui présente de véritables atouts ;

- à défaut de créer un corps de garde-côtes européens, difficile à mettre en place, confier à l'Agence un rôle de coordination accrue des règles de chacun des pays membres : harmonisation des plans de lutte contre la pollution, des méthodes et des exigences des inspections de l'Etat du port (pour éviter des distorsions de concurrence entre les ports), de la formation des inspecteurs ;

- lui confier la réalisation des investissements coûteux pour lesquels la mutualisation des moyens serait justifiée : acquisition d'une flotte de remorqueurs et de navires dépollueurs de nouvelle génération, tels que ceux développés par Alstom ou Doris ;

imposer des exigences de rigueur, dépassant sensiblement celles de l'IACS, quant au contrôle des sociétés de classification, notamment vis-à-vis de celles qui s'engagent en « classant » des navires appartenant à des catégories à risques ;

- demander à l'AESM de procéder à des audits des administrations des Etats membres et particulièrement de leurs services d'inspection des navires, afin d'harmoniser les méthodes d'inspection dans le sens le plus rigoureux. A la suite de ces audits, des actions correctives devront être demandées à ces administrations ;

vérifier la qualité des brevets d'aptitude dont font état les membres des équipages d'origine extracommunautaire pour travailler sur des bateaux battant pavillon d'un des Etats membres de l'Union européenne, dans le cadre de la procédure centralisée de reconnaissance des diplômes prévue par la proposition de directive du 13/01/2003 ;

- faire contrôler et agréer par l'Agence les sociétés de « manning », une fois le principe de cet agrément adopté.

3°) Préconiser des mesures nouvelles, relativement limitées :

- généraliser, dans les Etats membres, les structures d'enquête permanentes et indépendantes, sur le modèle du BEA-mer. Pour les accidents impliquant éventuellement plusieurs Etats, confier éventuellement la mission d'enquête à l'AESM ;

rendre obligatoire le certificat de dégazage au niveau de l'Union, sous réserve de procédures de délivrance sécurisées et contrôlées ;

étudier la possibilité, suggérée par l'Académie de Marine, de mettre en place une « redevance de route » pour les navires transitant dans les eaux européennes, à l'instar de ce qui se fait depuis longtemps pour les avions survolant les pays européens, même sans y atterrir, ces redevances de route permettant de financer les moyens de surveillance nécessaires ;

prévoir les modalités de financement des investissements nécessaires à la mise en œuvre de la politique des ports-refuge par un fonds communautaire, inscrit dans le schéma de développement de l'espace communautaire (SDEC), et éventuellement financé par un prélèvement minime sur le trafic ;

- plus généralement, proposer d'inscrire les investissements pour les installations de dégazage nécessaires dans les procédures communautaires, en lien avec la renégociation des contrats de plan Etat-région.

4°) Développer la coopération avec les futurs Etats membres de l'Union (Chypre, Malte) pour les doter d'administrations maritimes en rapport avec leur flotte (actions de formation, investissements...), dans le cadre de la procédure d'intégration.

5°) Négocier avec la Russie et les Etats baltes en priorité, puis avec les pays riverains de la Méditerranée (Turquie, Ukraine,...), exportateurs de pétrole et de fioul lourd, pour obtenir qu'ils appliquent les mesures communautaires, en contrepartie d'aides économiques appropriées, même si c'est un processus de long terme.

Coopérer de même avec les pays d'Afrique du Nord, notamment dans le cadre du programme MEDA, ainsi, éventuellement, qu'avec les autres pays en développement concernés.

6°) Jouer davantage sur les mécanismes d'assurances, en analysant par exemple la faisabilité, à l'instar de la réglementation américaine, d'une obligation d'assurance des navires pour assurer leur solvabilité en cas de sinistre (mécanisme des certificats d'assurance), ce qui permet une sélection de fait des navires.

IV.- actions à préconiser au plan international

A- Réformer la convention de 1982 de Montego Bay sur le droit de la mer

1°) Responsabiliser les Etats du pavillon, afin qu'ils remplissent effectivement leurs obligations en vertu du droit international. En particulier, proposer de donner une définition à la notion de « lien substantiel » qui doit exister entre l'Etat du pavillon et l'armateur, précisant leurs devoirs (posséder une administration maritime minimum, par exemple) et leurs droits respectifs.

2°) Réformer le régime de circulation internationale actuel :

- réviser les différentes zones d'intervention des Etats, de façon à permettre une intervention efficace au-delà de leurs eaux territoriales, par exemple, et, de manière systématique, dans la zone économique exclusive ;

- revenir sur le principe trop absolu de liberté de la navigation, qui ne correspond plus au contexte des flux de transports contemporains, pour ouvrir la voie juridique à un contrôle passif, voire à terme actif, au moins dans les zones à risques, en traitant à cette occasion la question des responsabilités des contrôleurs.

3°) Permettre et inciter tout Etat victime de dommages de pollution provoqués par un navire à demander réparation à l'Etat dont le navire bat pavillon, lorsqu'il est établi que les dommages résultent en totalité ou en partie de l'absence d'exercice, par l'Etat du pavillon, de tout contrôle effectif sur le navire à l'origine des dommages.

4°) Modifier l'article 230 de la convention du droit de la Mer qui dispose que seules des peines pécuniaires sont applicables en cas d'infraction de pollution et prévoir la possibilité de peine d'emprisonnement dans le cas d'infractions de pollutions les plus graves.

B- Améliorer le rôle et le fonctionnement de l'OMI

1°) Rôle de l'OMI : doter l'OMI d'un pouvoir de contrôle sur l'application des conventions internationales en prévoyant pour chacune d'elles une clause indiquant que « l'OMI peut faire effectuer des audits des services compétents des Etats membres, chargés du contrôle de l'application des normes maritimes ».

2°) Renforcer le rôle de l'UE au sein de l'OMI : vers une adhésion de l'UE (dont le poids maritime sera renforcé avec l'élargissement) par une modification des règles de l'OMI (qui interdisent à ce jour l'adhésion d'une organisation régionale), et, en attendant, obtenir une position systématiquement commune des Etats membres à l'OMI.

C- Contrôler la qualité des navires

1°) Les mesures relatives aux structures des navires :

a) Lancer des études sur le vieillissement des double-coques et définir des normes renforcées sur leurs conditions d'entretien ;

b) Relancer la réflexion sur les standards alternatifs à la double coque ;

c) Prendre les mesures nécessaires pour éviter les risques de pénurie de moyens de transport, dans la perspective de l'exclusion des navires à simple coque, en fonction de la qualité de l'entretien des navires ;

d) Mieux assurer l'identification des « sister ships » des navires ayant eu un accident, en imposant une obligation d'information des sociétés de classification, par exemple par une action volontaire auprès de l'IACS ;

e) Axer davantage le contrôle sur l'état de la structure du navire (principale cause des sinistres), en imposant dans ce domaine des obligations accrues aux sociétés de classification, les plus à même de réaliser des inspections approfondies (instauration de visites renforcées des structures des pétroliers « à risque »).

2°) Les sociétés de classification :

a) Exiger la communication du dossier de classification en cas d'accident aux services des Affaires maritimes, aux contrôleurs de l'Etat du port, à l'AESM. Cette obligation doit être étendue au dossier de certification détenu par l'Etat du pavillon.

b) Demander aux assurances de systématiser leurs clauses contractuelles imposant l'accès au dossier de certification ; de même, inciter l'affréteur à demander dans son contrat d'affrètement un droit d'accès à ce dossier ;

c) Dissocier le rôle de certification et de classification des sociétés de classification, imposer des exigences plus marquées sur l'actionnariat de ces sociétés, excluant les armateurs des conseils d'administration, imposer des exigences de diversification du portefeuille des clients pour éviter les pressions commerciales.

3°) Les contrôles :

a) Obtenir que les Etats informent l'assurance et la société de certification du navire du résultat des contrôles de l'Etat du port, au besoin en enrichissant les bases de données publiques ;

b) Etudier les modalités possibles de mise en place d'inspections collégiales regroupant un inspecteur d'une société de classification, un inspecteur de contrôle de l'état du port, un expert en « vetting » et un membre du service de sécurité du port ;

c) Obtenir des responsables de l'industrie pétrolière un accès à leur fichier SIRE sécurisé pour les inspecteurs et représentants des services des Affaires maritimes.

D- Renforcer le suivi des navires : vers un contrôle du trafic maritime

1°) Etudier les possibilités de modification des routes maritimes internationales, afin de soulager les zones de très fort trafic, telles que la Manche, et adopter une vision plus globale des transports dans une perspective de développement durable :

- envisager par exemple le développement d'une route passant au Nord de l'Ecosse,

- étendre la zone de séparation de trafic d'Ouessant jusqu'au rail du Pas-de-Calais et des Casquets,

allonger le dispositif de séparation de trafic, en joignant celui d'Ouessant à celui du cap Finisterre tout au long du Golfe de Gascogne.

2°) Négocier à l'OMI la création de « zones particulièrement vulnérables » avec possibilité dans ces zones d'imposer au navire un pilotage hauturier. En particulier, imposer le projet d'établissement d'une telle zone dans la Manche.

3°) Programmer le développement du suivi satellitaire international, à terme, pour le contrôle passif et pour la surveillance des comportements illicites : tendre vers une capacité de surveillance au moins égale à celle appliquée aux pêcheurs.

E- Contrôler la qualification des équipages

1°) Donner du sens au contrôle par l'OMI de la convention STCW 95 sur la formation des équipages

2°) Appliquer efficacement les nombreux dispositifs en vigueur, et soutenir la démarche de simplification des conventions en cours.

F- Peser sur l'économie du pétrole pour réduire les flux de fioul lourd

Agir à la source :

- en incitant à la conversion profonde dans les raffineries, sous réserve des effets négatifs éventuels sur l'environnement,

- en aidant, si besoin est financièrement, la Russie à réduire son taux de production de fioul lourd, par la modernisation de ses installations,

- en incitant à l'utilisation d'autres carburants que le fioul lourd pour les moteurs de navires.

V.- Réformer le régime de responsabilité civile et de réparation des dommages de pollution

1°) Mettre en œuvre l'indemnisation pour les risques chimiques :

exiger l'adhésion à la convention HNS de la France et de l'ensemble des autres Etats membres de l'Union européenne,

- fixer une date de mise en œuvre unique pour l'Union européenne pour éviter les risques de détournement de trafic entre ports européens ;

évaluer les aspects de cette convention qu'il convient d'améliorer, au sein de l'OMI, et présenter des alternatives raisonnables et opérationnelles.

2°) Convention CLC : réformer la responsabilité limitée de l'armateur

Dans le cadre de la convention CLC (responsabilité objective, sans faute, et limitée de l'armateur ; recours direct contre l'assurance ; intervention du FIPOL jusqu'à un certain plafond) :

responsabiliser les armateurs en différenciant les plafonds de responsabilité selon la dangerosité du navire et de la cargaison (utilisation de critères objectifs de ciblage pour évaluer l'état d'entretien du navire),

relever les plafonds CLC pour l'armateur en l'absence de faute avérée, par exemple par un facteur multiplicateur proche de celui du relèvement du plafond du fonds complémentaire au FIPOL ;

étendre les possibilités de mise en cause de la responsabilité civile de l'armateur, de l'affréteur, de la société de classification ou de l'Etat du pavillon en cas de faute avérée, en exigeant, en contrepartie, une assurance suffisante, qui participera à la sélection de ses risques ;

imposer une responsabilité illimitée en cas de faute réelle établie. Revenir, pour ce faire, à l'ancienne formulation de la convention de 1969, selon laquelle « une faute ou négligence avérée » faisaient perdre le droit à la responsabilité limitée ;

- en cas de refus durable de l'OMI d'avancer dans cette direction, menacer, avec les autres Etats membres de l'Union européenne, de sortir de la convention CLC, comme l'ont fait les Etats-Unis.

3°) Convention FIPOL

Exiger la ratification très rapide de l'accord sur le fonds complémentaire de 920 millions d'euros (750 millions de DTS) par l'ensemble des Etats membres, et en particulier par la France ;

Différencier les contributions financières des compagnies pétrolières selon leur politique d'affrètement et la nature de la cargaison afin d'inciter les chargeurs à recourir à une flotte de qualité et à éviter de transporter des produits polluants dans des navires peu sûrs ;

Hiérarchiser les créances en donnant priorité aux créances de « subsistance » des acteurs privés par rapport à celles présentées par des personnes publiques ; de même, distinguer dans les remboursements entre Etats uniquement victimes et Etats susceptibles d'avoir une responsabilité dans le dommage ;

Prendre en compte les dommages écologiques :

a) établir un recensement des ressources naturelles du littoral pour disposer d'un état des lieux préalable qui permettra d'évaluer le préjudice causé par une marée noire,

b) prendre en charge de manière plus large les dépenses liées à la restauration de l'environnement,

c) étudier la possibilité d'une méthodologie acceptable pour évaluer les dommages écologiques ne donnant pas lieu à restauration,  déterminer les bénéficiaires éventuels d'une telle indemnisation, ainsi que l'usage qui pourrait en être fait.

Garantir l'objectivité et l'efficacité des procédures d'instruction des demandes d'indemnisation :

a) créer une procédure d'appel au sein du FIPOL qui analyserait les cas de rejets de demande d'indemnisation afin de donner un caractère contradictoire à la procédure d'instruction des demandes d'indemnisation,

b) débloquer une indemnisation d'urgence pour les créances de subsistance.

- Au plan communautaire, instaurer un fonds complémentaire au FIPOL, tant en termes de financement d'avances, qu'en termes de complément de pourcentage de dédommagement -si nécessaire-, et, le cas échéant, de complément de dommages éligibles.

EXAMEN DU RAPPORT

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La Commission a examiné le présent rapport au cours de ses séances du 24 juin, 2 juillet et 8 juillet 2003 et l'a adopté.

Elle a ensuite décidé qu'il serait remis à M. le Président de l'Assemblée nationale afin d'être imprimé et distribué, conformément aux dispositions de l'article 143 du Règlement de l'Assemblée nationale.

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EXPLICATIONS DE VOTE

EXPLICATIONS DE VOTE

DU GROUPE SOCIALISTE ET APPARENTÉS 5

Le 13 novembre 2002, à la suite d'un choc important, le Prestige lance un signal de détresse et demande à accoster au port de Vigo. Les autorités maritimes espagnoles le lui refusent. L'Etat de mer menaçant de le briser, les autorités espagnoles évacuent l'équipage et décident de le remorquer au large. 6 jours plus tard, il sombre par 3 600 mètres de fond, à 250 kilomètres des côtes de Galice.

Lors du sommet de Malaga, le 26 novembre 2002, la France et l'Espagne décident d'interdire l'accès de leurs zones économiques exclusives aux « navires-poubelles » que sont les pétroliers de plus de 15 ans à coque unique transportant des produits à risque. Enfin, le lendemain du déclenchement du plan POLMAR-mer, lors du Conseil des ministres du 4 décembre dernier, M. Dominique Bussereau annonce un ambitieux programme d'actions pour améliorer la sécurité maritime.

Pour évaluer l'efficacité de ces mesures, ainsi que des engagements pris après le naufrage de l'Erika, l'Assemblée Nationale a décidé la création d'une Commission d'enquête parlementaire.

La Commission d'enquête s'est fixée quatre champs d'investigation : efficacité des dispositifs existants ; mise en œuvre des mesures préconisées par la Commission d'enquête instituée après le naufrage de l'Erika ; état d'avancement de notre pays dans la transposition des directives européennes ; propositions concrètes.

A la demande du Groupe Socialiste, le champ d'investigation de la Commission d'enquête a été étendu aux conditions de déclenchement et d'application des plans POLMAR-terre et POLMAR-mer. Toutefois, la majorité parlementaire a refusé un second amendement du groupe socialiste visant à examiner les conditions de la coopération transfrontalière face à de telles catastrophes.

Il faut saluer le travail sérieux et exhaustif de la Commission : 27 auditions, des échanges avec des ambassades, des déplacements sur le terrain très instructifs (Brest, Nantes, Marseille, en Aquitaine, Londres, Bruxelles, Madrid et La Galice). Ces échanges se sont faits dans un respect de l'expression et de l'investigation de chaque groupe parlementaire. Les commissaires socialistes de la Commission d'enquête remercient le Président et le Rapporteur pour l'instauration de ce climat d'écoute mutuelle.

Le rapport final est honnête, exhaustif et correspond à la tonalité des travaux. Son contenu est dense et complet. On peut néanmoins regretter l'absence de hiérarchisation des priorités d'action à mettre en œuvre, ce qui peut nuire à sa lisibilité pour nos concitoyens.

Le rapport est globalement intéressant. L'analyse des faits incontestables du naufrage souligne bien les points communs mais aussi les différences d'avec l'Erika. Notamment le fait que la gestion de la crise par l'Espagne a eu des conséquences sur les pays limitrophes (France et Portugal). Cet élément à lui seul justifiait une Commission d'enquête européenne sur la gestion de la crise ... qui a été refusée par la droite au Parlement Européen.

Incontestablement en France des progrès ont été accomplis dans la mise en œuvre du plan POLMAR, sur lequel il était nécessaire d'enquêter. Des améliorations sont à apporter, comme le souligne le rapport.

La question des lieux de refuge est posée avec prudence, mais elle ne pourra être éludée à terme.

Le niveau communautaire est traité de façon satisfaisante dans le prolongement du paquet Erika I et II. La création effective de l'Agence européenne de sécurité maritime est urgente. Le choix de Nantes, souligné par le rapport, est pertinent.

Nous partageons la proposition d'établir chaque année un rapport de suivi de la mise en œuvre des préconisations. Tant au plan national qu'européen. Au-delà des principes, c'est sur la volonté politique et les moyens qu'il faut être vigilant.

Au plan international règne encore la pesanteur dont l'OMI est l'illustration. C'est à l'Europe qu'il appartient de parler d'une seule voix dans cette organisation internationale.

Comme le préconise le rapport, le droit maritime international doit évoluer : à titre d'exemple, la responsabilité de l'Etat du pavillon, la formation des marins et l'application du droit international du travail sont à mettre en œuvre sans délais.

Enfin, les mécanismes d'indemnisation ne sont pas à la hauteur des préjudices. Ils doivent concerner les hydrocarbures mais aussi les produits chimiques et autres matières polluantes et dangereuses. Le rapport préconise, à juste titre, la création d'un fonds international d'indemnisation et une augmentation sensible du FIPOL sans négliger les fonds européens.

Toutefois, la limitation initiale du champ d'application de la Commission d'enquête demeure dommageable quant à son apport réel à l'amélioration de la sécurité maritime qui repose souvent sur une dimension extraterritoriale. Il est regrettable que la majorité parlementaire ait refusé d'étendre le champ d'investigation de la Commission d'enquête sur la sécurité maritime, à la coopération transfrontalière et à la chaîne de décision qui a amené, au final, l'Etat français a exonérer l'Etat espagnol de toute responsabilité dans ce naufrage et par conséquent de toute indemnisation.

D'autant plus que le secrétaire d'Etat aux Transports et à la mer, M. Dominique Busssereau, reconnaissait lui-même, lors de la séance des questions du 28 janvier 2003 à l'Assemblée Nationale, « qu'on ne pouvait que regretter la décision d'emmener le Prestige en mer, décision qui appartenait aux autorités espagnoles. Nous en supportons les conséquences ».

Il faut relever que cette attitude ne fait que reprendre la position de la droite parlementaire européenne, qui, les 19 décembre 2002 et 17 janvier 2003, a repoussé à deux reprises la création d'une Commission d'enquête parlementaire, indépendante et transparente sur le naufrage du Prestige. C'est regrettable.

Cette lacune du rapport limite sa portée quant à l'élaboration d'un dispositif de reconnaissance des responsabilités publiques et privées qui peut seul permettre une véritable indemnisation à la hauteur des dommages subis.

Pour ces raisons, les commissaires socialistes s'abstiendront lors du vote sur le rapport de la Commission d'enquête, tout en reconnaissant la qualité du travail accompli dans le prolongement du rapport parlementaire après le naufrage de l'Erika.

EXPLICATIONS DE VOTE DU GROUPE
DES DÉPUTÉ-E-S COMMUNISTES ET RÉPUBLICAINS
6

Respecter les hommes et l'environnement.

En matière de sécurité maritime, comme dans d'autres domaines de la vie sociale, les progrès n'interviennent que parce que les opinions publiques s'en mêlent et maintiennent leur vigilance.

Face à des intérêts financiers colossaux et à un usage de la mer dépassé, c'est sans doute là que réside la principale chance d'obliger les Etats -et les organismes internationaux- à appliquer, sans restriction, les mesures décidées et à les renforcer autant que de besoin.

Les récentes déclarations du nouveau secrétaire général de l'OMI confirment la nécessité de cette mobilisation et de l'affirmation de la souveraineté absolue des Etats dans la protection de leurs côtes.

L'émotion et la colère des populations, devant la répétition des naufrages au large de nos côtes, sont légitimes, d'autant que le sentiment est profond que l'« infortune de mer » a bon dos et qu'il est temps de mettre de l'ordre dans un secteur où le libéralisme règne en maître.

Le fret maritime est sous pression libérale : elle tire vers le bas les normes physiques des navires, les normes sociales des marins, et pèse pour des réductions de fiscalité.

Rappelons ici quelques caractéristiques de cette situation :

- l'opacité la plus totale règne sur les chaînes de responsabilités, avec le recours aux sociétés écrans, aux paradis fiscaux ; elle empêche de distinguer le propriétaire et l'exploitant du navire, d'identifier le vrai propriétaire de la cargaison aux différentes phases du voyage ;

- certains pays, sans administration maritime, monnaient leur pavillon contre le paiement d'une taxe, sans plus se soucier de l'état du navire, de son entretien, des conditions de travail de l'équipage, ... C'est sur ces mêmes navires, âgés, mal réparés, que l'on retrouve des équipages multinationaux, sans attache régulière avec l'armateur, insuffisamment nombreux, mal payés, avec de longues durées d'embarquement, loin de leurs familles, ... Ce sont ces mêmes navires qui sont utilisés par des Chargeurs ou par des « traders » pour le transport de produits polluants ou dangereux, à faible valeur marchande ;

- le fioul lourd est un de ces produits. Des normes environnementales interdisent son utilisation dans les pays qui le fabriquent. Il est donc exporté vers des pays « moins regardants », par des navires fatigués ... Mais si la valeur marchande est faible, le profit est assuré et les pétroliers, comme les Etats, se débarrassent ainsi d'un produit gênant ;

- comme pour toutes les activités dangereuses, la puissance publique a le devoir de mettre en place les moyens de contrôle nécessaires. Il en est ainsi des inspections dites de « l'Etat du port », mais aussi du développement de moyens de surveillance en mer ou le long de nos côtes. Comment admettre que le gel des crédits décidé par le gouvernement affecte aussi ces secteurs et que le recrutement d'inspecteurs se fasse par redéploiements, au détriment d'autres missions qui concernent aussi la sécurité de nos côtes ?

L'arsenal des dispositions, tant nationales qu'européennes ou internationales, est aujourd'hui important, en particulier après les décisions qui ont suivi le naufrage de l'Erika. C'est dire si l'intervention des populations a pesé pour les imposer. Il faut les appliquer avec rigueur.

C'est seulement ainsi que nous limiterons les naufrages à « l'infortune de mer ».

Au-delà des mesures déjà prises, relatives à l'élimination des navires à simple coque (en regrettant que le projet E3 ne sorte pas des cartons), à la mise en place de l'Agence européenne de sécurité maritime, à l'éloignement des navires dangereux hors de la Zone économique exclusive, à l'augmentation récente des moyens d'indemnisation des victimes, ou celles en préparation comme pour les ports-refuge, nous soumettons les suivantes à la réflexion :

- les moyens techniques existent aujourd'hui pour connaître les caractéristiques de tous les navires, pour les suivre lors de leurs déplacements : ces données doivent être totalement disponibles et transparentes, comme celles relatives aux propriétaires des navires comme des cargaisons.

- tout chargeur ou « trader » utilisant les services d'un navire signalé sous-normes, doit savoir que le navire peut être bloqué dans un port avec sa cargaison ;

- le recours au pilotage hauturier devrait être obligatoire pour tout navire transportant des matières polluantes ou dangereuses dans les zones maritimes réputées à risque ;

- le contrôle de l'Etat du port devrait effectivement porter aussi sur l'équipage du navire, ses conditions de travail, ses compétences : cela signifie le développement d'une inspection du travail au-delà des seuls 10 postes existant aujourd'hui dans notre pays.

- ne faut-il pas envisager, comme le fait l'Académie de Marine, que les pays producteurs de fioul lourd soient mis dans l'obligation de traiter sur place ce produit dangereux, de limiter ainsi son exportation et que celle-ci ne puisse se faire que par des navires répondant à des normes strictes ?

- l'Académie de Marine suggère aussi de responsabiliser les Etats du pavillon lorsqu'il est établi que les naufrages résultent, même en partie, de l'absence de contrôle effectif à l'origine des dommages : une telle disposition devrait au moins s'appliquer sans réserve aux pays membres ou candidats à l'Union européenne.

La communauté internationale a su édicter et faire appliquer les règles nécessaires pour le transport aérien comme pour les transports terrestres, même si la vigilance reste nécessaire. Le transport maritime ne saurait échapper aux mêmes clarifications.

C'est un immense enjeu, qui touche au caractère libéral de la mondialisation des échanges et qui passe, sans aucun doute, par la remise en cause de certains fondements du libéralisme.

Regrettons à cet égard que, tout en faisant une analyse objective de la situation, le rapport de la Commission d'enquête demeure en-deçà des propositions nécessaires, ce qui expliquera notre abstention.

Mais, parce que les populations continuent d'être déterminées et qu'elles pèsent sur les décisions des autorités politiques et publiques, il y a des raisons d'espérer. Ce sont cette vigilance et cette colère « citoyennes » qui constituent sans doute les meilleurs atouts pour des transports maritimes respectueux des hommes et de l'environnement.

GLOSSAIRE

ABS American Bureau of Shipping -société de classification, membre de l'IACS, qui a classé le Prestige

AESM Agence européenne de sécurité maritime

AFCAN Association française des capitaines de navire

AIS Automatic identification system -système automatique d'identification

BEA-mer Bureau d'enquête accidents-mer

BIT Bureau international du Travail

CAS Condition Assessment Scheme -système d'évaluation de l'état des navires

CEDRE Centre de documentation, de recherche et d'expérimentation sur les pollutions accidentelles des eaux

CEP&M Comité d'études pétrolières et marines

CIMER Comité interministériel de la mer

CLC Civil liability convention -convention internationale sur la responsabilité civile

COFR Certificate of financial responsability -certificat de garantie financière (dans le cadre de l'OPA)

COM Centre d'opérations maritimes

CSN Centre de sécurité des navires

DAMGM Direction des Affaires maritimes et des gens de mer

DG-TREN Direction générale des Transports et de l'énergie, à la Commission européenne

DTMPL Direction des transports maritimes, des ports et du littoral

Déballastage Opération consistant à se séparer du ballast lorsque le navire va commencer les opérations de chargement. Le ballast, longtemps composé de matières solides, est aujourd'hui composé d'eau de mer. Le ballastage qui permet de corriger l'assiette et la gîte de tout navire constitue en soi un important élément de sécurité de la navigation et permet au navire de se tenir aussi près que possible de ses lignes idéales, facteur d'efficience de l'appareil propulsif. Le déballastage fait que le navire relâche dans le milieu naturel de l'eau qui a été intentionnellement chargée ailleurs.

Dégazage Opération qui consiste à remplacer les vapeurs d'hydrocarbures potentiellement dangereuses contenues dans les espaces cargaisons par des gaz inertes, généralement les gaz d'échappement du moteur (oxydes de carbone). Dans le vocabulaire usuel, le dégazage désigne l'opération qui consiste pour un navire à laisser dans son sillage une traînée irisée résultant de la présence d'hydrocarbures. Il s'agit alors d'une opération polluante et interdite.

DIREN Direction régionale de l'environnement

DRASS Direction régionale de l'action sanitaire et sociale

DRIRE Direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement

DTS Droits de tirage spéciaux. Unité de compte internationale, utilisée par les organisations financières (FMI et Banque mondiale). Actuellement : 1 DTS = 1,22 euro

Equasis European quality shipping information system

FFSA Fédération française des sociétés d'assurances

FIPOL Fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures

FSI Sous-comité de l'OMI sur l'application des instruments par l'Etat du pavillon

GIE Groupement d'intérêt économique

GPS Global positioning system -système de positionnement par satellite

HAP Hydrocarbures aromatiques polycycliques

HNS convention on Carriage of Hazardous and Noxious substances by sea -en français, convention SNPD, convention pour les substances nocives et potentiellement dangereuses

HTS Fioul lourd à haute teneur en soufre (>3,5% en masse)

IACS Association internationale des sociétés de classification

IFM Institut français de la mer

IFREMER Institut Français de Recherche pour l'Exploitation de la Mer.I

ISN Inspecteur de la sécurité des navires

ISM International safety management code, procédure obligatoire qui impose à l'armateur un plan de sécurité avec désignation d'un représentant de l'armateur qui peut être joint à tout moment par le commandant du navire si un risque de sinistre se présente.

ITF International Transport workers' Federation -Fédération internationale des syndicats du transport

ITOPF International tanker owners pollution federation

MCA Maritime and coastguard agency -administration britannique chargée des Affaires maritimes

« manning » Société fournissant des équipages pour les transports maritimes internationaux

MARPOL73/78 convention internationale de 1973 pour la prévention de la pollution par les navires, telle que modifiée par le Protocole de 1978

MOU Mémorandum of understanding -Mémorandum de Paris sur le contrôle des navires par l'Etat du port

« no cure, no pay » Modalité de rémunération des sociétés d'assistance, qui ne sont pas rémunérées en cas d'échec (récemment transformé en « no cure, little pay »)

NPFC National pollution funds center -organisme chargé de contrôler la solvabilité de l'armateur

OCTAAM Officier du corps technique et administratif des Affaires maritimes

OIT Organisation internationale du Travail

OMI Organisation maritime internationale

OPA Oil Pollution Act (texte réglementaire applicable aux Etats-Unis depuis 1990)

P&I Club Protection and indemnity club

PHARE Poland and Hungary assistance for the restructuring of the economy -programme communautaire d'aide aux Etats candidats à l'adhésion

POLMAR-terre Plan de lutte contre la pollution à terre

POLMAR-mer Plan de lutte contre la pollution en mer

Fonds POLMAR Fonds budgétaire permettant le remboursement par l'Etat des dépenses engagées dans les opérations de lutte contre la pollution à terre et en mer

Rina Registrato italiano navale

RITMER Réseau de recherche et d'innovation technologique

SHOM Service hydrographique et océanographique de la Marine

SIRE Ship Inspection Reporting Exchange, base de données créée par les compagnies pétrolières regroupant les rapports d'inspection établis dans la procédure de vetting

Sirenac Système informatique relatif aux navires contrôlés

SOLAS convention internationale de 1974 pour la sauvegarde de la vie humaine en mer

SOSREP Secretary of State's representative -autorité indépendante britannique chargée de prendre les décisions d'accueil de navires en difficulté dans un lieu de refuge

STCW International convention on standards of training, certification and watchkeeping -convention internationale sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille

UISC Unité d'intervention de la sécurité civile (unités nationales)

Vetting Système de validation des navires mis en place essentiellement par les compagnies pétrolières ou chimiques

VLCC Very Large Crude Carrier

WWF World wide Foundation (association de protection de l'environnement)

ZEE Zone économique exclusive

ZPE Zone de protection écologique

ZPV Zone particulièrement vulnérable

ANNEXES

Annexe 1

Synthèse des propositions de la Commission d'enquête sur l'Erika (rapport n°2535 du 5 juillet 2000)

I.- Les sources normatives

- L'OMI : La Commission soutient pleinement les propositions formulées par le Gouvernement français dans le Mémorandum qu'il a adressé à l'OMI en février dernier.

- L'Union européenne : La Commission d'enquête souhaite très vivement que le second semestre 2000, durant lequel la présidence du Conseil revient à la France, soit l'occasion d'avancées significatives concernant la sécurité des transports maritimes des produits dangereux ou polluants et ce, tant au niveau de l'Union européenne qu'au niveau de l'OMI dans un esprit non pas d'antagonisme mais de complémentarité. Toutefois, il doit être clairement affiché que si les propositions françaises auprès de l'OMI ne sont pas adoptées dans le cadre d'un processus accéléré, la France se battra pour que l'Union européenne les adopte unilatéralement, à l'image de ce qu'ont fait les Etats-Unis en promulguant l'Oil Pollution Act. Une telle détermination est indispensable pour que les choses changent enfin.

II.- La prévention

- Les produits :·La Commission d'enquête suggère que l'utile réflexion initiée à l'occasion de la rédaction en février 2000 de la charte de la sécurité maritime des transports pétroliers ainsi que des propositions formulées par la France auprès de l'OMI et de l'Union européenne soit poursuivie en l'approfondissant et en l'élargissant à d'autres produits jugés particulièrement sensibles, afin que les affréteurs concernés puissent exercer un contrôle sur le navire susceptible de transporter leurs produits.

Les carburants de soute : la Commission d'enquête souhaite que les discussions qui ont actuellement lieu à l'OMI sur ce problème aboutissent rapidement et suggère que la France ratifie au plus tôt le texte qui en résultera.

- Les équipages : ·Les conventions de l'OIT sur le bien-être des gens de mer en mer et dans les ports (n°163), sur le rapatriement des marins (n°166) et sur la durée du travail des gens de mer et les effectifs des marins (n°180) n'ont pas encore été ratifiées par la France. La Commission d'enquête suggère que des dispositions soient rapidement prises en ce sens, d'autant que la directive du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 1999, concernant l'application de la durée du travail des gens de mer à bord des navires faisant escale dans les ports de la Communauté, doit permettre de rendre opposables aux pavillons tiers les normes de durée du travail établies par l'OIT.

- Les armateurs : Le service SERS (Ship Emergency Response Service) consiste à maintenir un correspondant en veille, 24 heures sur 24, lequel peut identifier rapidement les avaries du navire, après description de la situation par le capitaine et insertion des données factuelles dans un modèle de calculs. Au préalable, la société de classification s'est fait communiquer toutes les données techniques nécessaires (notamment tous les plans de structure du navire), afin de pouvoir alimenter son programme de calcul. Ainsi, le capitaine du bord peut se concentrer sur les actions de sécurité élémentaires dans l'attente du diagnostic de la société de classification (établi en quelques heures) et de ses suggestions pour le rétablissement de sa maîtrise du navire.

La Commission propose de rendre obligatoire l'affiliation à un tel service pour tout navire transportant des matières polluantes ou dangereuses au départ ou à destination des ports de l'Union européenne. Elle invite donc le gouvernement à mettre à profit la présidence française de l'Union européenne pour engager une modification de la directive 95/21 à cette fin.

- La concentration du trafic

· Mieux connaître le trafic : l'objectif doit être de parvenir à une chaîne de surveillance à l'échelle européenne le long des grands axes de circulation entre le Pas-de-Calais et la Méditerranée occidentale.

· Signalement des navires en cas d'avarie : la Commission d'enquête suggère que la limite actuellement prévue des 50 milles soit étendue à 200 milles c'est-à-dire aux limites de la zone économique exclusive, ce qui suppose, pour qu'une telle mesure acquière un caractère effectif et soit observée par tous les navires, que des discussions internationales soient engagées afin de modifier les conventions pertinentes (et plus particulièrement MARPOL) sur ce point.

· La Commission d'enquête propose que la France et le Royaume-Uni entreprennent des démarches au sein de l'OMI en vue d'obtenir un accord international sur l'allongement des dispositifs de séparation du trafic en Manche, les négociations devant porter prioritairement sur les rails du Pas-de-Calais et des Casquets.

- Les contrôles de sécurité

· La Commission d'enquête suggère de saisir l'opportunité de la présidence française de l'Union européenne pour apporter un soutien actif aux mesures de contrôle renforcé proposées par la Commission européenne à l'égard des navires transportant des marchandises polluantes ou dangereuses. Pour les navires dédiés au transport du fioul n° 2, elle souhaite que soit étudiée la possibilité de prévoir un examen en cale sèche plus fréquent que pour les autres navires (par exemple tous les 18 mois).

· La Commission d'enquête estime indispensable que le Gouvernement mette au point rapidement les dispositions juridiques permettant de recruter des personnes à l'expérience professionnelle reconnue (c'est-à-dire des anciens navigants ou techniciens maritimes expérimentés), afin d'engager au plus vite un renforcement réel des effectifs d'inspecteurs de la sécurité des navires.

· Pour une meilleure harmonisation des contrôles dans les différents Etats du port, la Commission d'enquête se prononce en faveur d'échanges réguliers et fréquents sur une durée de plusieurs mois entre experts des treize Etats de l'Union européenne qui sont parties prenantes au Mémorandum de Paris.

· La Commission est favorable au développement de pratiques collégiales d'inspection avec les experts de la société de classification du navire, d'une autre société de classification (du port où se trouve le navire), du vetting et des services de sécurité du port, dès lors que les responsabilités de chacun sont précisément établies.

· Constatant sa convergence de vue avec la Commission européenne, la Commission d'enquête estime qu'il appartient au gouvernement français de saisir l'opportunité de sa présidence de l'Union européenne pour initier la création, auprès de la Commission, d'une agence maritime européenne regroupant des experts aux compétences et formations variées (juristes, anciens navigants, architectes navals, mécaniciens...) jouant un rôle de régulation sans remettre en cause les référentiels de fonctionnement en vigueur dans les Etats concernés.

- Les sociétés de classification

· Interdire, comme le propose la Commission européenne, aux sociétés de classification agréées de faire appel à des inspecteurs non exclusifs pour effectuer des tâches réglementaires.

· Publier au niveau européen les ratios de détention des navires par société chargée de leur classification comme c'est le cas dans le cadre du Mémorandum de Tokyo et aux Etats-Unis.

· Engager une réflexion sur la possibilité de séparer certification et classification concernant un même navire.

- Pavillons de complaisance

· Il convient de poursuivre et d'amplifier l'effort de coopération et de formation qui a été engagé par les Affaires maritimes françaises dans le cadre de l'OMI pour aider les Etats concernés à mettre sur pied des administrations effectives et efficaces.

· De même, à l'occasion de la conclusion d'accords de coopération économique avec certains pays d'Afrique, des Caraïbes, du Maghreb et d'Amérique latine, il conviendrait de chercher à promouvoir financièrement la mise en place et la formation d'administrations maritimes capables d'assurer les responsabilités de ces registres au titre de leur compétence d'Etats du pavillon.

· Au moment où certains Etats ont posé leur candidature à l'entrée dans l'Union européenne, il importe de leur rappeler sans ambiguïté les obligations qui seront les leurs en matière de sécurité du transport maritime.

- Renouveler la flotte et privilégier le choix de la qualité : encourager le choix des bons navires

· La Commission d'enquête estime que l'adoption des mesures proposées par la Commission européenne visant à remplacer progressivement les pétroliers à simple coque est particulièrement nécessaire et doit intervenir aussi rapidement que possible. Il conviendra par ailleurs d'être extrêmement vigilant sur la mise en œuvre effective de ces mesures.

· Les dispositions relatives aux double-coques doivent être suffisamment souples pour permettre d'intégrer les progrès technologiques et pour ne pas risquer de stériliser la recherche en la matière. Malgré les positions américaines très arrêtées, la Commission juge indispensable que des actions diplomatiques soient poursuivies, afin qu'une attitude plus ouverte soit adoptée par les autorités fédérales américaines et que le marché américain ne soit pas fermé à des techniques prometteuses telles que la norme E3, les condamnant de fait.

· Dans un esprit de transparence accrue, la Commission juge indispensable que les affréteurs pétroliers communiquent avec leurs rapports SIRE, si ce n'est le document interne complet expliquant pourquoi le navire est retenu ou non, du moins leur décision finale. Le refus d'un navire clairement exprimé par une ou plusieurs sociétés pétrolières constituerait un indice supplémentaire de ciblage des contrôles par les inspecteurs des Etats du port.

- Impliquer davantage les pollueurs potentiels

- Transports maritimes de matières nucléaires et dangereuses

· Selon les informations fournies à la Commission, l'augmentation du niveau des montants de responsabilité s'agissant du transport de matières nucléaires fait actuellement l'objet de discussions au sein du groupe de travail chargé de la révision des conventions de Paris et de Bruxelles. Il serait souhaitable qu'à cette occasion soit étudié, outre l'augmentation d'ensemble des plafonds de responsabilité, un rééquilibrage de ces mêmes responsabilités.

· La Commission estime par ailleurs indispensable que la France ratifie au plus vite la convention HNS.

- Pollution par hydrocarbures

· Le partage actuel des responsabilités ne permet pas de véritablement responsabiliser l'armateur, qui, de fait, ne paie pratiquement rien si ce n'est sa prime d'assurance.

La Commission juge donc hautement nécessaire d'adapter les plafonds de responsabilité civile au coût réel des pollutions, dans le cadre d'une réforme rapide de la convention CLC.

Par ailleurs, la limitation de responsabilité de l'armateur ne joue que si le dommage ne résulte pas d'une faute. L'article 5 § 2 de la convention précitée permet d'engager sans limite la responsabilité de l'armateur si le dommage résulte de sa faute intentionnelle ou inexcusable. De fait, ces conditions sont très limitatives et la Commission estime qu'il est indispensable de parvenir à une définition moins étroite de la responsabilité pour faute, incluant par exemple le défaut d'entretien du navire.

La limitation trop stricte de la responsabilité des armateurs dans la convention CLC n'incite pas assez ces derniers à faire le choix de la qualité, et ce d'autant plus que leur responsabilité civile est couverte par les assurances. De ce point de vue, l'assurance elle-même peut et doit être transformée en instrument de responsabilisation, afin de ne plus être conçue, comme c'est trop souvent le cas, comme une sorte d'achat de droit à polluer.

· La Commission soutient fermement la proposition de porter à un milliard d'euros le plafond de responsabilité, formulée par le Gouvernement dans son Mémorandum sur la réforme du FIPOL. Elle souhaite que la procédure de révision soit accélérée autant qu'il est possible. Il appartient au Gouvernement d'engager dès maintenant les procédures nécessaires.

En cas de retard dans ce processus ou d'obstruction patente par un Etat ou un groupe d'Etats, la Commission d'enquête juge indispensable que soit instauré un fonds d'indemnisation de troisième niveau, tel qu'il a été ébauché par la Commission européenne dans sa communication sur la sécurité maritime du transport pétrolier.

Par ailleurs, le système repose actuellement sur une mutualisation des risques pour les sociétés pétrolières, qui ne fait aucune différence entre les bonnes et les mauvaises pratiques d'affrètement. Il est indispensable que le fonctionnement du FIPOL conduise à une modulation des cotisations qui ne soit pas seulement fonction des tonnages, mais qui comporte des éléments de responsabilisation réelle des affréteurs, afin d'améliorer les pratiques en vigueur.

- Les dommages écologiques

Aux Etats-Unis, la National Oceanic and Atmospheric Administation (NOAA) a été chargée de mettre en œuvre des règles et des procédures visant à déterminer les actions appropriées pour restaurer l'environnement. L'évaluation des dommages écologiques donne lieu à une procédure contradictoire et publique.

La Commission estime que cette pluralité d'expertise et cette publicité des débats constituent une piste particulièrement intéressante. L'utilisation d'une procédure du type de celle des enquêtes publiques pourrait être envisagée à cet effet.

L'élaboration de guides d'expertise détaillés, mais aussi l'accumulation et la synthèse d'éléments sur les écosystèmes côtiers constituent un immense travail à réaliser, mais qui prend tout son sens dans une perspective de restauration des milieux naturels. Le CEDRE a joué un rôle pionnier en la matière et a gagné une réputation mondiale méritée. Toutefois, ses moyens ne sont guère comparables à ceux dont dispose la NOAA. Des compétences nombreuses existent dans diverses institutions, associations et universités. Il reste à les faire davantage travailler ensemble pour inventorier les ressources existantes et évaluer les meilleures techniques de restauration du milieu. Le CEDRE constitue le cadre tout désigné de cette coordination et a vocation à devenir l'outil national clairement en charge de ce travail indispensable.

- Lutter contre les pollutions volontaires

· La Commission souhaite que le gouvernement dépose chaque année auprès du Parlement un rapport récapitulant les efforts consentis en matière de lutte contre le dégazage et les condamnations définitives prononcées par les tribunaux sur le fondement de la loi de 1983.

· La seule répression étant par nature sujette à des limites, aussi bien juridiques que pratiques, il est nécessaire d'engager une politique de contrôle portuaire des navires qui, par sa nature préventive, devrait limiter la fréquence de ces pollutions.

D'ores et déjà, il est possible pour la France de donner l'exemple et d'anticiper sur les dispositions de la directive européenne en cours de discussion. Aussi, le Rapporteur et M. Gilbert Le Bris ont déposé un amendement au projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des transports (n°2124), adopté le 13 juin dernier. Le dispositif proposé crée une obligation de dépôt des déchets d'exploitation et résidus de cargaison dans les installations disponibles et donne aux officiers de port le pouvoir d'interdire aux navires qui n'y satisfont pas de quitter le port.

Il appartient au ministère de l'Equipement, des transports et du logement de procéder au recensement des capacités réelles et des besoins d'installations nouvelles ou complémentaires. A la suite de cette étude urgente, un programme d'équipement doit être mis en place, en liaison avec les autorités portuaires et les collectivités locales concernées. La question du financement conjoint de ce programme doit faire l'objet d'un avenant aux contrats de plan Etat-régions. Il est en effet absolument nécessaire pour la crédibilité de la France, alors que l'adoption de la directive traitant du dégazage est imminente, que tous les ports français soient dotés d'installations performantes.

· Compte tenu de l'importance du nombre de pollutions dont les auteurs ne sont pas identifiés à proximité des côtes françaises, il faut qu'une méthodologie d'identification des pollutions « orphelines » soit mise en place. Dans un premier temps, le CEDRE pourrait être chargé de coordonner les expertises scientifiques et d'archiver les données obtenues. Cela implique naturellement un renforcement conséquent de ses moyens. Dans un deuxième temps, afin de renforcer la dissuasion, il serait également nécessaire de prévoir une obligation de dépôt par les navires, dans les ports de l'Union européenne, d'échantillons des hydrocarbures de cargaison et de soutes. L'archivage des données collectées et la coordination de ce dispositif pourraient être confiées à la future agence européenne de sécurité maritime.

III.- La lutte contre la pollution

- Les moyens de secours en mer

· Si la Commission d'enquête comprend les justifications d'une réorganisation des CROSS, elle reste interrogative et réaffirme la nécessité de préserver un minimum de polyvalence, laquelle, étant donné l'importance des enjeux, ne saurait en aucun cas être sacrifiée à des impératifs budgétaires quelconques.

· La Commission d'enquête estime indispensable de lancer dès à présent un programme de renouvellement des radars des CROSS, programme d'investissement lourd dont il conviendrait de planifier la charge, et de mettre à niveau les moyens de communication de tous les CROSS. Il s'agit là d'une mesure élémentaire d'urgence, compte tenu de ses implications en matière de suivi et de sauvetage des navires.

· Les moyens aériens : la Commission d'enquête estime qu'en situation de crise, un équipage de réserve doit être tenu en alerte de manière à rendre les moyens plus réactifs au déroulement du sauvetage. Elle propose que la mise en alerte des personnels soit systématiquement raccourcie, non pas quand un navire en mauvaise posture se signale à la préfecture maritime, mais dès que les conditions météorologiques laissent prévoir des difficultés de navigation (comme cela était le cas le 11 décembre 1999).

· Les remorqueurs :

- Un renouvellement est nécessaire, mais des projets similaires étant à l'étude en Espagne et au Royaume-Uni, la Commission d'enquête estime qu'il convient de saisir l'opportunité d'une conception en commun afin d'accroître l'interopérabilité des moyens, surtout en Manche-Mer du Nord.

- De l'ensemble des éléments portés à sa connaissance, la Commission d'enquête déduit que le Golfe de Gascogne a besoin d'être couvert par un remorqueur d'assistance et que la Méditerranée en nécessite un second pour couvrir la zone Ouest de la Corse. Il conviendrait donc, dans un premier temps, de remplacer les Abeilles Flandre et Languedoc à Brest et Cherbourg. Mais au lieu de se séparer de ces deux remorqueurs, on peut imaginer que l'un d'eux serait affecté à la surveillance du Golfe de Gascogne en étant rattaché, par exemple, à La Rochelle et en se positionnant à l'île de Ré en cas de tempête, l'autre se trouvant affecté à la Méditerranée ou à la Corse. Les besoins étant, dans ces deux zones, moindres qu'aux abords de la Bretagne et de la Manche, l'âge de ces deux bateaux ne constituerait plus un problème.

- La lutte en mer

· Il apparaît que dans le cadre du renforcement nécessaire des relations avec les préfectures de zone, il serait particulièrement opportun que soit présent au sein de cette division un représentant qualifié de la Sécurité civile. L'interface terre-mer en serait significativement améliorée.

· Il est indispensable qu'une étude attentive des besoins en moyens de communication des préfectures maritimes, mais aussi des préfectures de zone soit conduite, afin de les doter aussi vite que possible des matériels adéquats en quantité et qualité suffisantes. Il est notamment tout particulièrement nécessaire que les préfectures maritimes disposent de PC opérationnels dignes de ce nom.

· Le plan POLMAR-mer doit permettre de mobiliser rapidement des personnels qualifiés capables d'assurer la relève.

Il est donc nécessaire que les ministères de tutelle de ces personnels et le Secrétariat général de la mer organisent leur recensement et leur suivi permanent, afin de pouvoir les affecter au plus vite, en cas de crise, dans des fonctions qu'ils connaissent déjà.

· Dans le cadre de la révision du plan POLMAR-mer, il est indispensable de prévoir l'affectation auprès du préfet maritime d'une cellule de communication d'urgence. Tant que la conduite du plan POLMAR reste du ressort du préfet maritime et n'est pas transférée au préfet de zone de défense, c'est à ce niveau que la communication avec la population et les médias est assurée. Il convient donc de mettre en place une structure rapidement mobilisable. Cette dernière pourrait être créée à partir des ressources humaines et matérielles déjà disponibles en la matière dans les administrations centrales, et notamment au service d'information du Gouvernement. Cette cellule serait associée à l'élaboration des plans POLMAR et participerait aux exercices en vraie grandeur. La Commission juge en effet indispensable qu'il soit remédié pour l'avenir aux conséquences déplorables de l'absence d'un plan « POLMAR communication » qui ont été mises en évidence lors du naufrage de l'Erika.

· La Commission estime que le préfet maritime doit continuer à diriger les opérations de lutte en mer. En effet, il est essentiel que cette phase maritime de la lutte soit confiée à un marin. Cela implique aussi de lui donner les moyens nécessaires pour mener à bien cette mission. Toutefois, il est aussi nécessaire de procéder à de profondes réformes permettant de mieux coordonner les plans POLMAR-mer et POLMAR-terre.

· L'expérience du naufrage de l'Erika a montré que les moyens des Douanes étaient utilisés dans le cadre du plan POLMAR-mer mais n'étaient pas associés dans de bonnes conditions au processus d'information, voire de décision. Il conviendrait, dans le cadre de la réforme du plan POLMAR-mer, d'associer autant que possible les Douanes, au même titre que d'autres intervenants, au PC POLMAR. Par ailleurs, un effort d'information mutuelle des différents acteurs, avant la survenance d'une catastrophe, sur les matériels et les capacités respectives doit être entrepris.

· Il convient d'intégrer Météo France dans la structure d'expertise assistant le PC POLMAR, afin de coordonner l'usage des divers moyens d'observation en vue d'obtenir une prévision aussi fiable que possible.

· Il paraît nécessaire à la Commission que les navires soient en mesure de communiquer instantanément aux CROSS, à la demande de ces derniers ou en cas de message de détresse, la ou les fiches techniques des produits transportés, afin que le préfet maritime puisse disposer de tous les éléments d'appréciation nécessaires. Une telle mesure contribuerait également à la mobilisation rapide des moyens techniques adéquats.

· Lors du Comité interministériel de la mer tenu à Nantes le 28 février dernier sous la présidence du Premier ministre, il a été décidé, afin de renforcer les moyens de dépollution, de lancer un appel d'offres pour l'affrètement d'un navire spécialisé en matière de dépollution.

La Commission d'enquête soutient bien entendu cette décision, qui devrait conduire à accroître significativement les moyens de lutte en mer.

Il paraît indispensable à la Commission qu'un second navire spécialisé dans la lutte antipollution soit acquis et positionné en Méditerranée, compte tenu de l'ampleur des risques encourus sur cette façade maritime. Ce projet pourrait être mené à bien en étroite collaboration avec l'Espagne et l'Italie.

Par ailleurs, il serait utile de développer des moyens polyvalents, adaptables à des navires non spécialisés de la Marine nationale ou à des bâtiments commerciaux réquisitionnables, afin de répondre correctement au type de pollution rencontrée et de pouvoir intervenir en masse.

- La Méditerranée

· Le Lion plan, équivalent pour la Méditerranée du Biscaye plan, signé lui en octobre 1999, est toujours en préparation.

La Commission estime particulièrement nécessaire que ces travaux aboutissent au plus vite, afin d'assurer une couverture géographique de lutte contre la pollution continue entre les côtes espagnoles et la zone d'application du plan RAMOGEPOL.

En effet, ce type d'accord a fourni les preuves de son efficacité et la relative faiblesse des moyens disponibles en Méditerranée pour lutter contre une éventuelle pollution rend encore plus indispensable la conclusion de conventions autorisant une mise à disposition des personnels et matériels.

· Au vu de la fragilité biologique de la Méditerranée et de l'ampleur du trafic chimique à destination de Marseille-Fos, une modification de la convention MARPOL apparaît indispensable afin de prendre en compte les risques dus aux chimiquiers.

· La coopération internationale en Méditerranée doit être très profondément relancée, car les dangers qui pèsent sur cette région sont d'autant plus préoccupants que les moyens et les procédures de lutte contre la pollution ne sont pas à la hauteur d'un sinistre majeur. La France devrait donc prendre les initiatives diplomatiques nécessaires, dans le cadre du processus de Barcelone. Il faut également que cette question soit inscrite à l'ordre du jour de la rencontre euro-méditerranéenne qui doit avoir lieu à Marseille les 14 et 15 novembre prochains.

- POLMAR-terre

· La Commission d'enquête juge absolument nécessaire d'associer réellement les communes ainsi que les départements tout au long du processus de POLMAR-terre :

- les plans communaux (« infra POLMAR ») doivent être élaborés en liaison avec la préfecture ;

- les communes et les départements doivent être associés à la rédaction des plans POLMAR-terre ;

- les communes et les départements doivent être impliqués lors des exercices et des mises à jour des plans.

Surtout, elle estime indispensable que :

- les simulations POLMAR soient prévues et effectivement réalisées selon une périodicité régulière et pertinente ;

- ces simulations impliquent l'ensemble des intervenants potentiels, et qu'elles intègrent une dimension interdépartementale.

Pour que cette obligation soit respectée, il importe que les préfets responsables soient tenus d'en rendre compte à une instance centrale qui pourrait être le secrétariat général de la mer ou le ministère de l'Intérieur.

· Quant à l'actualisation des plans, elle doit être coordonnée, sous peine de créer d'inutiles difficultés supplémentaires dans la lutte contre la pollution.

L'obligation de révision périodique étant déjà posée clairement par les textes, c'est donc le contrôle de son respect qu'il convient de renforcer à l'échelon central ; en l'état actuel, il semble bien que ce soit au secrétariat général de la mer qu'incombe cette tâche alors que le ministère de l'intérieur n'est chargé que de « conserver une documentation centralisée ». Il conviendrait de préciser clairement ce point dans les textes en vigueur.

· Afin d'éviter que les maires ne se trouvent démunis, la Commission d'enquête estime qu'un plan de gestion du bénévolat devrait figurer dans les plans POLMAR-terre.

· La Commission souhaite que soit mieux reconnue la vocation du CEDRE en lui donnant les moyens financiers de conforter et d'élargir sa capacité de veille, d'études et d'expertise. La Commission a cru comprendre que le Comité interministériel de la mer du 28 février 2000 s'était prononcé en ce sens et qu'un réseau d'experts serait désigné. Cependant, le dernier Comité interministériel de la mer qui s'est déroulé le 27 juin 2000 ne clarifie pas les responsabilités. Il faut pourtant désigner un organisme d'impulsion et de coordination des efforts en la matière. La Commission estime que ce rôle doit être dévolu au CEDRE.

· Il convient d'intégrer dans la réflexion POLMAR la dimension stratégique de la préservation de la biodiversité, et notamment du sauvetage des oiseaux en cas de pollution par hydrocarbures.

· Il serait utile de pouvoir rappeler en cas de besoin les personnels, notamment des directions départementales de l'équipement ou sapeurs-pompiers qui, formés par le CEDRE ont été mutés par la suite dans d'autres départements non littoraux.

- Les moyens budgétaires

· Il faudra veiller à ce que l'effort budgétaire en faveur de l'action de l'Etat en mer et de la lutte contre les pollutions ne se relâche pas dans les prochaines années. Trop souvent, une fois l'émotion passée, les mauvaises habitudes de la gestion tatillonne à courte vue se réinstallent.

· L'autorité ayant à mettre en œuvre effectivement les matériels en cas de pollution en mer, c'est-à-dire le préfet maritime, doit avoir la capacité réelle de préconiser les types et les caractéristiques des matériels nécessaires à la tâche.

- Mieux cerner les responsabilités : la question de la communication

· Compte tenu de l'expérience et notamment de la polémique qui s'est élevée sur la nature du fioul de l'Erika, la Commission estime que ce type de problème ne doit pas être traité au niveau du seul PC POLMAR, mais bien à un échelon politique plus élevé, afin de coordonner une capacité d'expertise qui est réelle mais dispersée.

Il s'agit moins de savoir quelle est la structure d'expertise compétente, leur pluralité pouvant même être un atout, que de savoir qui décide de la retransmission au public des résultats des analyses et des conditions de cette information.

En effet, les insuffisances relevées par la Commission s'agissant de la communication publique accentuent les possibilités d'exploitation malintentionnées de la fragilité et de l'angoisse des populations à la suite de catastrophes. C'est aussi la difficulté pour l'Etat de communiquer en temps de crise qui est apparue au grand jour et a souligné la nécessité de faire émerger un message unique des autorités publiques, qui peut certes donner lieu à discussion, mais qui joue un rôle de référent.

- La coordination POLMAR-terre / POLMAR-mer

· Il n'apparaît pas souhaitable d'abandonner les plans POLMAR-mer et POLMAR-terre au profit d'une fusion de ces différents plans en un plan unique. Il faut donc définir des modalités fortes de coordination, tant en ce qui concerne la préparation que l'action. La zone de défense est sans doute l'échelon pertinent. La circulaire et l'instruction de 1997 lui confèrent d'ores et déjà une fonction de coordination, mais dans des conditions qui paraissent mal définies. Il convient donc de renforcer son rôle et ses moyens.

· Il est très important qu'au travers des exercices, la mémoire des catastrophes précédentes et de leurs leçons en matière d'organisation de la lutte soient transmises. La plupart des responsables administratifs ne connaîtront probablement qu'une marée noire majeure au cours de leur carrière et il est déterminant qu'ils puissent bénéficier des expériences passées et, éventuellement, transmettre la leur.

· Compte tenu de l'ampleur des risques maritimes existant en Manche-Mer du nord et en Bretagne, il apparaît indispensable que les préfectures de zone de défense nord et ouest soient dotées au plus vite chacune d'un outil polyvalent de gestion de crise procédant de la même inspiration que l'état major zonal de défense et de sécurité civile de Valabre et doté de moyens en personnel et en matériel comparables.

- La responsabilité politique

L'absence de désignation d'un ministre en charge de l'intégralité du dossier concernant l'Erika a posé un problème de lisibilité politique.

Dans le cadre de la réforme des plans POLMAR-mer et POLMAR-terre, il conviendra d'unifier les compétences en matière de préparation et de conduite de la lutte sous la direction d'une seule et même autorité politique, rendant elle-même compte au Premier ministre. La trop grande diversité des ministères intervenant à un titre ou à un autre dans la préparation à la lutte et les opérations de lutte rend en effet l'ensemble du système actuel difficile à orienter dans une direction claire.

Annexe 2

Présentation faite par l'avocat de l'Etat de La Corogne

(traduction de la présentation en espagnol et anglais)

L'accident

Le 13 novembre 2002 à 14h15 U.T.C., le centre de coordination de sauvetage maritime de Finisterre reçoit un S.O.S. indéfini du navire Prestige, qui se trouvait alors par 45° 54' nord et 9°54' ouest.

Ce pétrolier âgé de 26 ans, enregistré aux Bahamas ; en route du port de Ventspils(Lithuanie) vers Singapour (avec ordre pour Gibraltar) avait subi un dommage structurel à environ 30 milles du Cap Finisterre. Selon ce S.O.S., le navire était sur le point de chavirer. L'équipage était composé majoritairement de jeunes philippins, avec un capitaine et un chef des machines de nationalité grecque et assez âgés.

Dès le tout début apparaît une fuite de fioul importante : 4000 tonnes au moins ont été déversées dès le départ.

Premier Objectif : Sauver des vies humaines

Conformément aux différentes conventions internationales gratifiées par l'Espagne, le premier objectif des autorités espagnoles est de porter secours aux membres de l'équipage. Selon les informations alors disponibles ils courent un danger sérieux, bien que le bateau ne donne que des informations insuffisantes et que le SOS ait été indéfini.

- le directeur général de la Marine marchande mobilise immédiatement toutes les ressources disponibles : 90 minutes après le S.O.S., les moyens suivants sont requis :

- 5 remorqueurs (Ria de Vigo, Ibaizabal 1, Charuca Silveira, Sertosa 32 et Alonso de Chaves)

- 4 hélicoptères (Hélimer Galice, Hélimer Cantabrie, Pesca 1 et Pesca 2)

La direction générale de la marine marchande active immédiatement le plan national de lutte contre la pollution marine accidentelle, le Biscay plan et d'autres moyens provenant de la coopération internationale.

A 16h10 U.T.C. et à 16h55 U.T.C., un total de 24 membres de l'équipage sont hélitreuillés par les hélicoptères Pesca 1 et Hélimer Galice. Trois d'entre eux restent à bord parce qu'ils refusent d'être évacués : le commandant Apostolos Mangouras, le premier officier Ireneo Maloto et le responsable des machines Nickolaus Argyropoulos.

A 16h55 U.T.C., l'objectif est atteint.

Deuxième objectif : Eviter l'échouage du navire

Le navire se rapproche dangereusement de la côte. Il n'a pas de propulsion, ni d'équipage. Les autorités maritimes ne peuvent s'appuyer sur la collaboration du capitaine. Dans de telles circonstances, les autorités maritimes essaient de faire tout ce qui est en leur possible pour éviter la collision imminente et préserver les vies et le rivage. La situation pouvait évoluer vers une catastrophe sans précédent, susceptible de donner lieu à des dommages sévères pour les citoyens espagnols.

Pour atteindre ce deuxième objectif : tous les moyens de remorquage disponibles sont mobilisés et deux hommes de l'équipage d'un autre remorqueur sont hélitreuillés eu milieu de la nuit pour participer aux tentatives de remorquage. Trois autres techniciens sont hélitreuillés le matin suivant (7h30 UTC), alors que les difficultés s'accroissent avec la détérioration des conditions météo.

Il faut relever que le capitaine a refusé, pendant trois heures, le remorquage, prenant un risque de catastrophe évident.

La situation se dégradant, l'autorité maritime risque la vie d'un inspecteur maritime de la capitainerie de La Corogne, hélitreuillé à son tour sur le Prestige, pour faire repartir les moteurs, et, si possible, pour éloigner le navire du danger.

A 12h00 UTC, le remorqueur Ria de Vigo réussit finalement à accrocher ses câbles. A ce stade, le Prestige n'était plus qu'à environ 5 milles de la côte. L'accrochage du remorqueur avait, jusqu'alors, échoué déjà neuf fois

A 15h00 UTC, le 14 novembre, l'inspecteur maritime réussit à faire démarrer les moteurs, ce qui aide le remorqueur à éloigner le navire de la côte. Il a dû pour ce faire prendre des risques pour sa propre vie, avec une absence totale de collaboration de la part de l'équipage.

A ce moment-là, le bateau était en partie contrôlé par les autorités espagnoles. Le navire continuait à perdre sa cargaison du fioul. En conséquence...

Deuxième objectif : atteint.

Troisième objectif :

Après avoir reçu le SOS, les autorités espagnoles ont pris les mesures pour éviter toute pollution possible par la fuite du Prestige.

Ces mesures étaient les suivantes :

- un bilan environnemental initial (par le centre Jovellanos, l'OSRL et l'ITOPF) ;

- la coordination de l'opération (avec la mise en place de deux commissions interadministratives pour la prévention de la pollution en mer, et pour le nettoyage et la régénération de la côte).

- la fourniture des moyens matériels et humains nécessaires.

Troisième objectif atteint : Tous les moyens de lutte contre la pollution ont été mis en place dès le tout début.

Quatrième objectif : Préserver la côte

Le Prestige, avec des moteurs en marche, naviguant à une vitesse de six nœuds et sans vibrations de sa structure, s'éloignait du rivage espagnol.

A ce moment-là, les autorités maritimes et espagnoles ont envisagé plusieurs options :

- faire entrer le bateau dans un port ou dans un lieu de refuge,

- alléger le navire en transférant son fioul dans un autre bateau,

- éloigner le vaisseau de la côte espagnole et lui permettre de rejoindre des eaux plus calmes au sud, où le transbordement serait possible.

En prenant leur décision, les autorités maritimes nationales ont pris en compte toutes les circonstances du cas d'espèce :

- le mauvais état du navire : de graves problèmes de structure, une gîte à tribord, un très fort tirant d'eau, pas de machines fiables, pas d'équipage, une perte de fioul ;

- les mauvaises conditions météorologiques : une grosse houle et des vents forts ;

- les dangers propres à la côte galicienne : une côte rocheuse, avec des villages disséminés le long de la côte ;

- des risques vitaux et sanitaires.

De plus :

- les simulations faites sur la côte espagnole concluaient qu'un navire dans un état très dégradé ou risquant de couler, ne devrait jamais être introduit dans un port ou une zone protégée ;

- les cas analogues antérieurs montraient qu'aucun pays n'autoriserait un bateau à s'approcher de la côte dans ces conditions (Erika, Kharg-V,...) ;

- la législation européenne est encore en cours d'élaboration, et n'a pas défini la notion de « lieu de refuge » : c'est pourquoi en Espagne, il n'a pas encore été décidé quels seraient les lieux ou les ports-refuge ;

- la législation espagnole (droits des ports et de la marine marchande) ne permet pas à un navire connaissant des problèmes de structure d'entrer dans un port.

En prenant sa décision, l'autorité maritime espagnole (le directeur général de la marine marchande) disposait de l'expertise de :

-tous les experts (marins et ingénieurs navals) de la direction générale de la marine marchande,

- tous les experts de la SASEMAR (société espagnole de secours et de sauvetage),

- toutes les sociétés et associations spécialisées qui collaborent avec la SASEMAR : TECNOSUB, OSRL, ITOPF.

En considérant que l'éloignement du bateau pour le laisser-aller vers des eaux calmes constituait le meilleur choix, les autorités espagnoles ont accepté que la société d'assistance choisie par le propriétaire (Smit Salvage) dirige toutes les opérations nécessaires pour préserver le navire et sa cargaison. Dans cette perspective, tous les moyens espagnols disponibles (hélicoptères, remorqueurs, navires de sauvetage) ont collaboré avec S.Salvage.

L'engagement demandé : Smit Salvage devait emmener le navire à au moins 120 milles de la côte espagnole. A cette distance, le gouvernement espagnol pouvait protéger efficacement les sauveteurs, car emmener le bateau plus loin aurait signifié que les hélicoptères n'auraient pas eu une autonomie suffisante en carburant pour aller les chercher.

La justification de la décision :

- aucun des experts consultés ne s'est opposé ou n'a proposé d'alternative à l'éloignement du navire de la côte ;

- les associations de pêcheurs ont favorablement accueilli la décision ;

- aucune des sociétés impliquées (propriétaire, armateur, société d'assistance, assureur, société de classification, ...) ne s'est opposée au déplacement du bateau.

En outre :

Steven Alken, porte-parole d'Universe Maritime, a déclaré le 15 novembre 2002 : « quel port va vouloir de notre pétrolier ! L'objectif doit être de l'éloigner le plus possible de la côte ».

Michel Girin, directeur du CEDRE, a indiqué qu' « aucun port n'accepte un bateau endommagé. Est-ce que, par hasard, il se trouverait un port qui accepterait le Prestige ? »

Le naufrage du Prestige :

Le 19 novembre 2002, à 7h22 UTC, le Prestige se casse en deux.

La poupe coule à 10h45 UTC par 42° 12,6' nord et 1,2° 03' ouest

La proue coule à 15h18 UTC, par 42° 10,8' nord et 1,2° 0,6' ouest

Les conséquences :

La situation était très difficile.

Mais il faut relever que les moyens mis en œuvre pour les opérations de nettoyage, dans ce cas, ont été plus nombreux que jamais auparavant pour une telle catastrophe :

- chaque jour, plus de 40 navires (venant d'Espagne, de Belgique, de France, d'Italie, d'Allemagne, des Pays-Bas, du Royaume-Uni, du Portugal, du Danemark et de Norvège),

- plus de 1 000 petits bateaux de pêche, participant aux opérations,

- jusqu'à 30 avions par jour,

- 64,799 km de barrages antipollution,

- près de 2 000 personnes par jour pour nettoyer les plages,

- plus de 500 000 tenues de protection,

- 25 000 bennes à ordures,

- 900 véhicules mobilisés.

Les autorités espagnoles ont mobilisé tous les moyens en leur pouvoir pour éviter la pollution et toute diffusion supplémentaire de pollution.

Le travail des militaires et des organisations bénévoles a été exemplaire.

Beaucoup de bénévoles ont participé aux opérations.

Même de petits bateaux de pêche ont été utilisés.

Le résultat (estimations) :

. Pour le désastre de l'Erika

- 13 000 tonnes de fioul lourd répandues,

- 2 000 tonnes de déchets liquides collectés en mer,

- 10 000 tonnes de fioul ont atteint la côte,

- 265 000 tonnes de déchets solides ont été collectées sur la côte.

. Pour le Prestige :

- 40 000 tonnes de fioul lourd répandues,

- 30 000 tonnes de déchets liquides collectés en mer,

- 10 000 tonnes de fioul ont atteint la côte,

- 70 000 tonnes de déchets solides ont été collectées sur la côte,

- aucune victime n'est à déplorer,

- personne n'a été blessé malgré les risques et les multiples hélitreuillages,

- aucun des estuaires de Galice (Rias gallegas) n'a été affecté,

- il n'a été nécessaire d'évacuer aucun village ou ville,

- sur les 3 200 parcs à moules, seulement 18 ont en fait été touchés,

- plus de la moitié du fioul a été collectée en mer.

Objectif final : Atteint

Cinq mois après, le futur de la Galice est éclairci.

Annexe 3

Base de documentation sur les jugements français de pollution par les navires

Nom du navire

type

pavillon

capitaine

faits

Juridiction

jugement

condamnation en Euros

preuves

contact

autres

Le SALAMINA

navire citerne

grec

grec

20/09/1995

ZEE

22/05/1996

45 735

PV, Photo

contact-radio

 

Le TRAQUAIR

gazier

libérien

anglais

16/03/1994

eaux territoriales

19/09/1996

38 112

PV, Photo

montée à bord

jugement en appel

Le CARDIGUAN BAY

porte conteneur

britannique

anglais

11/09/1995

ZEE

03/12/1996

30 490

PV, Photo

contact/arrêt

absence autre navire

Le DIANE GREEN

cargo

panaméen

russe

06/02/1997

ZEE

16/02/1998

45 735

PV, Photo

contact-radio

thermographie+visite

L'HELIPOLIS WIND

cargo

egyptien

égyptien

13/12/1995

ZEE

09/12/1998

76 225

PV, Photo

contact/arrêt

visite à rotterdam

Le LISTA K

navire citerne

chypriote

grec

06/02/1998

ZEE

16/06/1999

22 867

PV, Photo

contact/arrêt

entendu à dieppe

Le BIRLING

vraquier

britannique

irlandais

02/03/1998

ZEE

20/10/1999

relaxe

PV, Photo

contact-radio

incertitude origine nappe

L'ALPHA AMERICA

pétrolier

bahamas

finlandais

15/07/1994

ZEE

12/05/2000

relaxe

PV, Photo

sans réponse

convention entraide cee erreur de procédure

Le FAR EAST VICTORY

cargo

hong-kong

sri-lankais

22/01/1999

ZEE

17/01/2001

91 469

Pv+photo

montée à bord

armateurs 50% amende

L'IRON GATE

minéralier

panaméen

roumain

25/04/2000

ZEE

21/02/2001

45 484

PV, Photo

contact/arrêt

visite au port

NEW-ZEALAND PACIFIC

porte conteneur

Bermudes

irlandais

15/02/2000

ZEE

02/04/2001

60 980

PV, Photo

Survol/arrêt

appel teneur du rejet>15ppm

Le STONEGATE

vraquier

panaméen

bulgare

25/02/2001

ZEE

28/01/2002

75 000

PV, Photo

survol/arrêt montée à bord

armateurs 80% amende

le MELBRIDGE BILBAO

porte conteneur

antigua & barbuda

russe

12/11/2001

eaux territoriales

05/02/2002

3 000

PV, Photo

sans réponse

indemnité-association + 3000 euros

le HYUNDAÏ CONTINENTAL

porte-conteneur

sud-coréen

sud-coréen

23/05/2000

ZEE

12/03/2002

150 000

PV, Photo

pas de contact

armateurs 80% amende

le GREAT CENTURY

céréalier

chinois

Bangladaise

24/11/2000

ZEE

19/03/2002

100 000

PV, Photo

contact radio

armateurs 80% amende

CAPE PALMAS

navire 3000T

libérien

russe

18/01/2001

ZEE

09/04/2002

150 000

PV, Photo

contact-radio

armateurs 80% de l'amende + association 1500Euros

le SYLVIA

cargo

hollandais

pays-bas

12/02/2001

ZEE

03/06/2002

60 000

PV,,,

poursuite rejet

armateur hors cause

PONTOKRASTORAS

cargo

chypriote

roumain

22/02/2001

ZEE

10/06/2002

75 000

PV, Photo

arrêt 3 survols

armateurs 80% amende

KESTUTIS

cargo

lithuanien

russe

21/02/2000

ZEE

19/06/2002

90 000

PV, Photo

contact/arrêt

armateurs 80000 Euros +association +publication

Nom du navire

type

pavillon

capitaine

faits

Juridiction

jugement

condamnation en Euros

preuves

contact

autres

le NADA 3

cargo

st vincent & granada

égyptien

04/03/2002

eaux territoriales

02/07/2002

75 000

PV, Photo

survol/arrêt ctrl dunkerque

caution 46000 euros + vigipol 9000Euros

l'INDIRA GHANDI

porte conteneur

indien

indien

09/10/2000

ZEE

02/07/2002

100 000

PV, Photo

contact poursuite rejet

armateurs 90% amende association + publicité

REALMAR

minéralier

maltais

russe

22/09/2000

ZEE

20/09/2002

30 000

PV, Photo

sans réponse

armateurs 2/3 de l'amende

ARGANA

cargo

marocain

allemand

11/07/2000

ZEE

03/10/2002

15 000

PV

sans réponse

amende réduite en appel /armateur 50%

Le nombre de pollutions constaté en 2002 est de 307. Il était de 324 en 2001. En Méditerranée, le nombre est de 211 pour 2002 et de 248 en 2001; 25 navires ont été identifiés et 17 dossiers ont été ouverts pour infraction contre 10 en 2001.

Annexe 4

Etat de la transposition des directives européennes relatives aux transports maritimes, transmis par le secrétariat d'Etat aux Transports et à la mer

(A jour au 25 mars, sans changement depuis)

Directives transposées

Textes nationaux correspondants

98/18/CE établissant des règles et normes de sécurité pour les navires à passagers

Arrêté du 15 octobre 2002 (JORF du 28 octobre 2002)

99/19/CE relative à un régime harmonisé pour la sécurité des navires de pêche

Arrêté du 18 juin 2002 (JORF du 18 juin 2002)

1999/95/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 1999 concernant l'application de la durée du travail des gens de mer à bord des navires faisant escale dans les ports de la Communauté

Arrêté du 13 décembre 2002 portant modification de l'arrêté du 23 novembre 1987 relatif à la sécurité des navires publié au JORF le 30 janvier 2003.

2002/25/CE de la Commission du 5 mars 2002 amendant la directive 98/18/CE du Conseil du 17 mars 1998 établissant des règles et normes de sécurité pour les navires à passagers

Arrêté du 16 octobre 2002 portant modification de l'arrêté du 23 novembre 1987 relatif à la sécurité des navires publié au JORF du 7 décembre.

2002/35/CE de la Commission du 25 avril 2002 modifiant la directive 97/70/CE du Conseil instituant un régime harmonisé pour la sécurité des navires de pêche de longueur égale ou supérieure à 24 mètres

Arrêté du 26 novembre 2002 portant modification de l'arrêté du 23 novembre 1987 relatif à la sécurité des navires publié au JORF du 28 décembre 2002.

Directives

Délai

Pré contentieux

Service compétent

Derniers commentaires

Directive 95/21/CE du Conseil concernant l'application aux navires faisant escale dans les ports de la Communauté ou dans les eaux relevant de la juridiction des Etats membres, des normes internationales relatives à la sécurité maritime, à la prévention de la pollution et aux conditions de vie et de travail à bord des navires (contrôle par l'État du port)

-17/01/03 : SGCI informe le METLTM de la préparation du mémoire en défense des autorités françaises portant sur l'insuffisance du taux de contrôle. Mémoire devant être adressé à la Cour de Luxembourg le 20/02/03 au plus tard.

-mi-février : projet de mémoire en défense élaboré par le MAE et soumis au METLTM pour observations.

-14/02 : le MAE adresse un mémoire en défense à la Cour de justice des Communautés européennes.

Directive 1999/63/CE du Conseil du 21 juin 1999 concernant l'accord relatif à l'organisation du temps de travail des gens de mer, conclu par l'Association des armateurs de la communauté européenne (ECS) et la Fédération des syndicats des transporteurs de l'Union européenne (FST).

30/06/2002

Lettre de mise en demeure de la Commission du 16 juillet 2002

-réunion SGCI 07/02 : Date limite souhaitée : juin 2003.

-mars 2003 : la transposition nécessite le recours à la voie législative (modification du code du travail maritime) et à la voie réglementaire (modification de deux décrets en Conseil d'Etat). Le projet de décret est rédigé et en phase consultative (administrations et partenaires sociaux). Les dispositions législatives le sont également.

-11/03/03 : consultation des partenaires sociaux dans le cadre de la Commission Nationale de la négociation collective de la Marine Marchande sur les projets de décrets relatifs à l'organisation du temps de travail.

-13/03 : note de la DAMGM au SGCI-Réponse à l'avis motivé en date du 14/01/2003 de la Cour de Justice des Communautés européennes.

Cette directive sera tranposée par un projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation communautaire

Directive 2000/34/CE du Parlement eurpopéen et du Conseil du 22/06/2000 modifiant la directive 93/104/CE concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail afin de couvrir les secteurs et activités exclus de la dite directive

01/08/2003

-11/03/03 : consultation des partenaires sociaux dans le cadre de la Commission Nationale de la négociation collective de la Marine Marchande.

-des dispositions de cette directive sont incluses dans le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation communautaire

Directive 2001/105 du Parlement européen et du Conseil du 19 décembre 2001 modifiant la directive 94/57 du Conseil établissant des règles et normes communes concernant les organismes habilités à effectuer l'inspection et la visite des navires et les activités pertinentes des administrations maritimes

22/07/2003

-arrêté du 11 mars 2003 portant modification de l'arrêté du 23 novembre 1987 relatif à la sécurité des navires. JORF du 16 avril 2003.

Directive 2001/106/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 décembre 2001 modifiant la directive 95/21/CE du Conseil concernant l'application aux navires faisant escale dans les ports de la Communauté ou dans les eaux relevant de la juridiction des États membres, des normes internationales relatives à la sécurité maritime, à la prévention de la pollution et aux conditions de vie et de travail à bord des navires (contrôle par l'État du port).

22/07/2003

-arrêté du 07 mars 2003 portant modification de l'arrêté du 23 novembre 1987 relatif à la sécurité des navires , publié au JORF du 05 avril 2003.

Directive 2002/59/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2002 relative à la mise en place d'un système communautaire de suivi du trafic des navires et d'informations et abrogeant la directive 93/75/CEE du Conseil.

05/02/2004

-30/01/03 : La plupart des articles relèvent de la compétence de la DTMPL exceptés les articles relatifs à l'AIS embarqué et aux VDR.

Mesures de transposition : décrets simples et modification de l'arrêté de 1987 (sécurité des navires).

-réunion SGCI DU 10/02, suite à réunion d'experts à Bruxelles le 31/01/03 avec SGMer, chef de délégation.

Directive 2002/75/CE de la Commission du 2 septembre 2002 modifiant la directive 96/98/CE du Conseil relative aux équipements marins

23/03/03

Arrêté du 31/01/03 ( JORF du 25/03/03)

Directive 2002/84/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 novembre 2002 portant modification des directives relatives à la sécurité maritime et à la prévention de la pollution par les navires

23/11/2003

-réunion SGCI 07/02 

-sera transposée sans difficulté après transposition des directives 2001/105 et 2001/106.

-Fin février : tableau partiel prévisionnel de transposition de la directive transmis au SGCI pour les articles de la compétence DAMGM. Les autres articles relèvent de la DTMPL.

Proposition de directive du parlement européen et du conseil modifiant la directive 2001/25/CE du Parlement européen et du Conseil concernant le niveau minimal de formation des gens de mer

présentée par la Commission en janvier 2003.

au programme des groupes transports maritimes de février.

A priori modifications actées au Conseil Transport de fin mars

Proposition de règlement du PE et du Conseil modifiant le règlement CE 417/2002 du PE et du Conseil du 18/02/02 relatif à l'introduction accélérée des prescriptions en matière de double coque ou de normes de conception équivalentes pour les pétroliers à simple coque, et abrogeant le règlement CE n°2978/94 du Conseil

au programme des groupes transport maritimes de janvier et février.

Annexe 5

Résolution sur la sécurité maritime en Europe, 3 avril 2003

(COM [2002] 780 final/n° E 2186, COM [2003] 001final/n° E 2201).

Est considérée comme définitive, en application de l'article 151-3 du Règlement, la résolution dont la teneur suit

Article unique

L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 417/2002 du Parlement européen et du Conseil du 18 février 2002 relatif à l'introduction accélérée des prescriptions en matière de double coque ou de normes de conception équivalentes pour les pétroliers à simple coque, et abrogeant le règlement (CE) n° 2978/94 du Conseil (COM [2002] 780 final/n° E 2186),

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2001/25/CE du Parlement européen et du Conseil concernant le niveau minimal de formation des gens de mer (COM [2003] 001 final/n° E 2201),

I. - Au titre de la prévention

1. Considère que l'obligation de recourir aux pétroliers à double coque, tout en présentant l'avantage de permettre le renouvellement des flottes, ne préserve pas les navires de tous les risques, en particulier ceux pouvant résulter d'une explosion ou d'un incendie.

2. Estime que les mesures prévues par la proposition de règlement susvisée, dont l'objet est d'imposer le transport du pétrole par des navires à double coque à compter de 2005, doivent être modifiées afin :

- d'en étendre le champ d'application à tous les navires transportant des matières dangereuses ;

- d'imposer des détecteurs de gaz, pour prévenir les risques d'explosion, notamment pour les navires à double coque.

3. Approuve le principe des mesures contenues dans la proposition de directive relative à la formation des gens de mer, en particulier l'instauration d'une procédure harmonisée de vérification des qualifications des professionnels des pays tiers recrutés par les Etats membres.

4. Demande que le futur projet de réglementation communautaire, destinée à contrôler l'entrée d'un navire dans la zone économique exclusive d'un Etat membre ou en escale dans un port de l'Union européenne, prévoit l'obligation de présenter un certificat européen de conformité de structure, délivré, sous sa responsabilité, par un Etat membre de l'Union européenne et opposable aux autres Etats durant sa période de validité.

5. Suggère que les plans destinés à accueillir des navires en détresse dans les eaux territoriales des Etats membres, conformément aux dispositions de la directive 2002/59/CE du 27 juin 2002, soient établis de façon coordonnée.

6. Soutient le projet de création de zones particulièrement vulnérables, en raison d'un trafic intense.

7. Souhaite que l'Union européenne et les Etats membres développent une coopération active :

- avec certains Etats tiers dont ils importent des hydrocarbures, afin qu'ils puissent appliquer les règles communautaires en cours de discussion ;

- avec certains Etats tiers figurant sur la liste noire du Mémorandum d'entente de Paris, afin de lutter contre les navires sous-normes ;

- en vue d'instaurer un système international de validation des connaissances des gens de mer.

II. - Au titre de l'indemnisation

1. Souhaite :

- que la conférence diplomatique prévue en mai 2003 à l'Organisation maritime internationale puisse porter à un milliard d'euros le montant du fonds complémentaire du Fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (FIPOL) ;

- qu'elle parvienne à améliorer la convention internationale de 1969 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, dite CLC :

a) Afin de responsabiliser tous les acteurs de la chaîne du transport et d'élargir le cercle des responsables ;

b) Afin d'en élargir le champ d'application à tous les dommages directs et indirects.

2. Considère qu'en cas d'échec de la conférence diplomatique précitée, les Etats membres devraient adopter la proposition de règlement de la Commission créant un troisième niveau d'indemnisation.

III. - Au titre des sanctions

1. Approuve le projet de la Commission visant à ce que les Etats membres infligent des sanctions pénales à toute personne physique ou morale responsable d'une pollution, en raison de sa négligence grave et de sa violation des dispositions concernant les déversements illicites en mer, notamment à l'occasion des dégazages et déballastages.

2. Demande que les autorités françaises présentent un mémorandum à la Commission et à l'Organisation maritime internationale, en vue d'engager d'urgence une réflexion sur la notion d'infraction portant atteinte à l'environnement.

IV. - Au titre du contrôle

1. Se félicite des efforts accomplis par les autorités françaises en vue de porter le plus rapidement possible le taux des contrôles à celui prévu par la directive 2001/106/CE du 19 décembre 2001 du Parlement européen et du Conseil relative au contrôle par l'Etat du port.

2. Demande que la directive 2001/105/CE du 19 décembre 2001 du Parlement européen et du Conseil fixant les modalités d'agrément des sociétés de classification soit modifiée, afin d'assujettir ces dernières à un régime de responsabilité illimitée et de dissocier clairement leur rôle de classification et celui de contrôle.

V. - Au titre des mesures générales

1. Souhaite que les autorités françaises achèvent le plus rapidement possible la transposition des directives des paquets Erika I et II.

2. Demande aux autorités françaises de créer un corps de garde-côtes national en coordination avec les Etats de l'Union européenne concernés.

VI. - Dans l'immédiat

Demande au Gouvernement français d'être très attentif à la mise en application rapide des normes proposées par la Commission, compte tenu des déclarations préoccupantes de la présidence grecque.

A Paris, le 3 avril 2003.

Annexe 6

Carte retraçant le projet de Zone maritime partuculièrement vulnérable (ZMPV)

graphique

Début du rapport

Vers le tome II  : Auditions 

 

1 Droits de tirage spéciaux : unité de compte utilisée par les organisations internationales financières, telles que le FMI, indépendant de l'évolution des changes. Le plafond exprimé en euros varie, pour sa part, en fonction du taux de change euro/dollar américain.

2 Mais les Etats-Unis ne sont pas membres du FIPOL.

3 En anglais, cette convention est intitulée « Carriage of Hazardous and Noxious substances by sea » et est donc désignée par son acronyme, HNS.

4 (*)Déclaration au Nouvel Economiste du 14 Mars 2003.

5 MM. Maxime Bono, Gilles Cocquempot, Michel Delebarre, Jean-Pierre Dufau,

Mme Marylise Lebranchu, MM. Jean-Yves le Drian, Christophe Masse, Alain Vidalies

6 M. Daniel Paul


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