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AUDITIONS (SUITE)

Audition de M. Jacques PÉLISSARD,
Président de l'Association des maires de France (AMF) et Maire de Lons-le-Saunier,
accompagné de M. Philippe LAURENT, Président de la Commission des finances et de la fiscalité locale de l'AMF et Maire de Sceaux,
M. Maxime CAMUZAT, Maire de Saint-Germain-du-Puy,
et M. Pascal BUCHET, Rapporteur général de la Commission des finances
et de la fiscalité locale de l'AMF et Maire de Fontenay-aux-Roses


(Extrait du procès-verbal de la séance du 3 mai 2005)

Présidence de M. Augustin BONREPAUX, Président

MM. Jacques Pélissard, Philippe Laurent, Maxime Camuzat et Pascal Buchet sont introduits.

M. le Président : Nous accueillons aujourd'hui M. Jacques Pélissard, Président de l'Association des maires de France et Maire de Lons-le-Saunier, accompagné de M. Philippe Laurent, Président de la Commission des finances et de la fiscalité locale de l'AMF et Maire de Sceaux, de M. Maxime Camuzat, Maire de Saint-Germain-du-Puy, et de M. Pascal Buchet, Rapporteur général de la Commission des finances et de la fiscalité locale de l'AMF et Maire de Fontenay-aux-Roses.

Notre Commission d'enquête a, je vous le rappelle, pour objectif de faire le point sur l'évolution récente de la fiscalité locale, ses causes et ses conséquences, ainsi que sur les conditions d'une responsabilité mieux assumée des décideurs. Les communes ont-elles été contraintes, cette année et les précédentes, à accroître des impôts ? Si oui, pourquoi ? Par ailleurs, l'intercommunalité a-t-elle une incidence sur le niveau des impôts ? Quels conseils pouvez-vous nous donner pour faire en sorte que les augmentations soient restreintes, ou tout au moins que les communes conservent leurs moyens ?

Après l'exposé introductif de M. Jacques Pélissard, d'autres questions vous seront posées par M. le Rapporteur puis par les autres membres de notre Commission. Je souhaite que chacune d'entre elles soit concise, qu'elle s'adresse précisément à l'une des personnes auditionnées et que les réponses soient apportées au fur et à mesure.

M. le Président rappelle à MM. Jacques Pélissard, Philippe Laurent, Maxime Camuzat et Pascal Buchet que les dispositions législatives relatives aux commissions d'enquête leur ont été communiquées. À l'invitation du Président, ceux-ci prêtent serment.

M. Jacques PÉLISSARD : Je suis heureux d'intervenir ce soir, accompagné d'une délégation pluraliste de l'Association des maires de France (AMF), structure qui réunit l'ensemble des sensibilités politiques républicaines du pays et s'efforce de construire des consensus.

L'AMF comprend qu'une commission d'enquête ait été créée pour mesurer les facteurs structurels d'évolution de la fiscalité locale, même si les communes et leurs groupements ne sont pas les collectivités qui ont enregistré les plus fortes hausses de taux ou de produits : en 2004, toutes tailles confondues, ils se sont même caractérisés par un ralentissement de la hausse des taux d'imposition. Si leur situation financière s'est dégradée, c'est surtout une conséquence du cycle municipal : 2004 fut une année d'investissement pour les équipes municipales en place depuis 2001, qui ont par conséquent dû recourir à l'emprunt.

Je ferai quatre observations.

Premièrement, les dépenses publiques locales subissent une pression à la hausse. Celle-ci est partiellement imputable aux décisions des élus locaux, qui assument leur vision de l'avenir de leur territoire en procédant à des investissements : ainsi, en 2004, les dépenses d'investissement ont progressé de 12,5 %. Mais d'autres facteurs de cette hausse sont indépendants de la volonté des élus locaux : les charges de fonctionnement consécutives aux négociations menées par l'État seul, quel que soit le gouvernement en place ; les normes de sécurité et environnementales comme celle qui s'appliquera au 1er janvier 2006 concernant le traitement des fumées et qui aura pour effet de renchérir le coût de l'incinération des déchets ménagers ; les cotisations à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) ; le passage aux 35 heures et, pour ne pas faire de jaloux, la suppression du lundi de Pentecôte ; la nécessité, pour les collectivités, d'accompagner puis de prendre le relais de mesures mises en œuvre au niveau national, avec notamment les contrats aidés faisant suite aux emplois jeunes.

Deuxièmement, les ressources des collectivités territoriales sont limitées. S'agissant de l'emprunt, si l'État, depuis 1980, a continuellement financé son fonctionnement par du déficit budgétaire, les collectivités territoriales n'en ont heureusement pas la possibilité puisque le recours à l'emprunt, pour elles, ne peut servir qu'à des dépenses d'investissement.

Les collectivités territoriales sont dépendantes de l'État à travers les dotations que celui-ci leur attribue. La dotation globale de fonctionnement représente en moyenne 30 % des recettes de fonctionnement pour les communes de moins de 500 habitants, et, pour les communes de 50 000 à 100 000 habitants, 22 % en moyenne. L'indexation de l'ensemble des dotations est limitée à l'inflation et à un tiers de l'évolution du PIB ; l'AMF souhaite de longue date qu'elles soient calées sur l'inflation et sur la moitié de l'évolution du PIB. La masse de la DGF des communes et de leurs groupements est répartie entre une DGF communale et une DGF intercommunale. L'augmentation du nombre d'établissements publics de coopération intercommunale a totalement déséquilibré le dispositif de la DGF : le prélèvement au profit des EPCI, en dix ans, est passé de 636 millions d'euros à plus de 2 milliards d'euros, ce qui a quelque peu contraint la part communale. Et la majoration de 600 millions d'euros de la dotation de solidarité urbaine (DSU) prévue d'ici à 2009 est également financée par prélèvement sur l'enveloppe globale.

Alors que les impôts d'État sont modernes, multiples et pourvus de bases évolutives, ceux des collectivités sont obsolètes, tant en ce qui concerne les assiettes que l'évaluation qui en est faite. Ils sont archaïques dans la mesure où ils reposent sur des facteurs de création de richesse dépassés au regard de la structure économique actuelle. C'est pourquoi nous appelons de nos vœux une réflexion cohérente et globale sur l'ensemble de la fiscalité plutôt qu'un traitement émietté, catégoriel, parcellisé. D'autre part, l'absence d'évaluation régulière des bases d'imposition entraîne leur déconnection croissante par rapport à la valeur réelle des biens imposés, et par conséquent des inégalités dans la répartition de la charge de l'impôt entre contribuables. L'inégale répartition des bases entre collectivités est aussi source d'augmentation de la pression fiscale : en effet, pour compenser l'insuffisance de leurs assiettes, certaines collectivités sont contraintes de voter des taux plus élevés. L'absence de révision des bases depuis 1980 est porteuse d'une série d'effets pervers comme la création, dans la loi de finances pour 2005, du zonage, mécanisme d'une complexité extrême - encore une usine à gaz - mais juste, puisqu'il tend à concilier, d'une part, l'inégalité des valeurs locatives foncières d'une commune à l'autre et, d'autre part, l'obligation d'unifier la taxe d'enlèvement des ordures ménagères sur le territoire des EPCI prévue par la « loi Chevènement ». Malgré ses défauts, l'impôt local est toutefois la seule ressource qui offre des marges de manœuvre aux collectivités territoriales, du fait de la liberté de vote des taux.

Troisièmement, l'impôt local est l'objet de relations complexes entre l'État et les collectivités, relations qui contribuent à alimenter sa hausse.

L'État a pris l'habitude d'intervenir dans le champ de la fiscalité locale. Face aux défauts de l'impôt local et faute d'une réforme cohérente de la fiscalité locale, il a institué des mesures d'allégement au profit de telle ou telle catégorie de contribuables. En second lieu, l'État utilise les collectivités territoriales comme instruments de sa propre politique fiscale en mettant en place des allégements d'impôts locaux au lieu de moduler la pression fiscale nationale : les annonces de la réforme de la taxe professionnelle et de la suppression de la taxe sur le foncier non bâti, qui ont eu des effets d'anticipation évidents - je pense notamment à la taxe professionnelle - en sont des exemples frappants. Ces mesures alimentent un cercle vicieux qui contribue à dénaturer l'impôt local. Les dégrèvements et autres compensations fiscales atteignent un tel coût budgétaire pour l'État que, pour en limiter les effets, il imagine des mécanismes de plafonnement des dégrèvements et des abattements sur les compensations qui sont elles-mêmes calculées sur des taux figés, voire des bases figées.

Le pourcentage des recettes fiscales prises en charge par l'État au titre des quatre taxes, en 2003, atteignait près de 35 %. Ce chiffre montre que le système est vraiment à bout de souffle et complètement perverti. Pour les collectivités, cela se traduit non seulement par un manque à gagner mais aussi par une diminution de leur capacité réelle à maîtriser leurs ressources. En 2000, une étude de l'AMF sur l'autonomie financière des collectivités avait souligné une nette dégradation en la matière : avant les dernières mesures d'allégement de la fiscalité locale, particulièrement la suppression de la part salaires de la TP par M. Dominique Strauss-Kahn, une hausse de 10,2 % des taux d'imposition d'une commune lui permettait d'augmenter les recettes des communes de 5 % ; désormais, pour parvenir à une même augmentation de 5 %, une augmentation de la fiscalité de 12 % est nécessaire. Pour obtenir un même produit, les taux doivent donc être augmentés davantage.

Les interventions de l'État dans la fiscalité locale aboutissent ainsi à une détérioration du lien fiscal entre les collectivités et les contribuables locaux puisque l'État, et donc le contribuable national, est devenu le premier contribuable de la fiscalité locale. Le lien fiscal entre le contribuable local et la collectivité, ses investissements et les politiques conduites localement s'est considérablement dilué puisque c'est le contribuable national qui est désormais le principal contribuable de la fiscalité locale. Il est regrettable que les mesures prises par l'État en matière de fiscalité locale ne tiennent jamais compte du fait que l'impôt constitue une ressource essentielle pour les collectivités territoriales. Les élus locaux regrettent que ces mesures ne soient prises qu'en considération de l'intérêt des contribuables à l'exclusion de celui des bénéficiaires de l'impôt local.

Quatrièmement, les élus locaux ne peuvent pas accepter la mise en cause de leur gestion. La légitimité de la fiscalité locale est indiscutable. C'est la fiscalité locale qui permet aux citoyens de participer au financement des activités présentes sur le territoire et responsabilise les décideurs locaux. L'existence de ressources fiscales propres est essentielle pour les collectivités territoriales. Elle est indispensable à l'exercice des compétences que leur confère la décentralisation. L'impôt local est d'autant plus important que c'est la seule ressource sur laquelle les collectivités disposent d'une marge de manœuvre.

La mise en cause de la fiscalité locale renvoie à une mise en cause de la gestion locale. Derrière ces critiques, il y a une opposition sous-jacente entre la gestion des collectivités territoriales et celle de l'État, qui serait soi-disant vertueuse et nous savons qu'elle ne l'est pas. Nous ne pouvons accepter ces critiques. En effet, elles ne tiennent pas compte du fait que l'évolution des dépenses publiques est largement dépendante des décisions de l'État. En second lieu, les collectivités ont largement démontré l'effet positif de leur implication pour l'économie nationale. Un tableau intéressant dressé par la Fédération nationale des travaux publics fait apparaître que l'investissement public des collectivités territoriales a progressé, en 2004, de 6 %, tandis que celui des entreprises privées n'a augmenté que de 2 % et que celui de l'État a baissé de 8 % : c'est donc bien l'investissement public des collectivités territoriales qui a soutenu, en particulier, le marché du bâtiment et le niveau d'équipement du pays.

La responsabilité des élus locaux vis-à-vis des contribuables ne saurait être mise en cause. Ce sont les défauts de l'impôt local qui doivent être incriminés, sa sédimentation, son empilement, pour la taxe professionnelle, par exemple, entre cinq catégories de bénéficiaires, empêchant toute lisibilité. Les collectivités sont soucieuses de la pression fiscale qu'elles exercent, autant que l'État sinon plus, du fait de leur proximité avec l'électeur. Seuls 12 % des communes percevant la TP et 18 % des EPCI ont profité de la possibilité de déliaison partielle du taux de TP qui leur est offerte depuis 2003 ; cela démontre combien la gestion des élus municipaux et communautaires est raisonnable.

Quelles sont les attentes de l'AMF vis-à-vis de votre Commission d'enquête ? Nous souhaitons que des réformes d'ensemble de la fiscalité locale soient préférées à des mesures ponctuelles. La politique fiscale de l'État doit être progressivement recentrée sur ses propres impôts. Nous demandons que des conférences annuelles soient organisées pour éclairer la complexité des rapports entre l'État et les collectivités territoriales.

J'ajouterai quelques commentaires à propos de l'intercommunalité. Après une période de balbutiement où la tentation naturelle a été d'organiser des doublons entre administrations intercommunales et municipales, une série de dispositions, avalisées par l'ensemble du bureau de l'AMF, ont été intégrées à la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, constituant son fameux titre IX : des outils existent désormais pour mettre sur pied des services partagés entre, d'une part, la communauté de communes ou la communauté d'agglomération et, d'autre part, les communes membres, notamment la ville centre, avec notamment la possibilité de considérer les services rendus comme des prestations in house, échappant au code des marchés publics. Nous croyons que cette innovation juridique sur l'organisation de services partagés va permettre de mettre fin aux situations de doublons entre les administrations communautaires et les administrations municipales. Nous avons déjà pu le constater dans de nombreux cas. Cette administration commune, transversale des services entre communes membres (notamment la ville-centre) et intercommunalités a permis de réaliser des économies et limite le risque d'inflation fiscale.

Je souhaite, M. le Président, que mes collègues apportent des compléments en fonction de leurs sensibilités respectives.

M. le Rapporteur : Je remercie le Président de l'Association des maires de France pour la densité de son propos.

Pourquoi les communes ne sont-elles pas les collectivités qui ont le plus accru leurs taux au cours de la période récente ?

M. Jacques PÉLISSARD : Premièrement, les communes sont en prise directe avec leurs habitants, et c'est le maire que les contribuables peuvent interpeller lorsqu'une hausse d'impôt globale est constatée sur la feuille d'impôts. C'est le maire qu'ils vont trouver, qu'ils interrogent et sur lequel ils peuvent faire peser le plus fortement leur irritation.

Deuxièmement, dans la période récente, les communes n'ont pas connu de nouveaux transferts massifs de charges. Il y aura peut-être un risque de transfert de charges en cascade si les régions et les départements sont eux-mêmes confrontés à des difficultés de financement des charges qui leur sont transférées.

Troisièmement, les intercommunalités ont pris le relais des communes dans la prise en charge de gros investissements d'intérêt communautaire, qui, de ce fait, ne leur incombent plus directement. À terme, c'est donc l'endettement des EPCI qui risque de s'alourdir.

M. le Rapporteur : La montée en puissance des EPCI se fait-elle à périmètre inchangé ou entraîne-t-elle un surcroît de dépenses ? M. Marc Censi, président de l'Association des communautés de France (ADCF), que nous avons auditionné, a exprimé à ce propos la volonté des intercommunalités de « poser de nouvelles ambitions ». Qu'en pensez-vous ? La prudence fiscale des communes, pleinement justifiée, ne risque-t-elle pas d'être contrebalancée par une attitude un peu différente des structures intercommunales ?

M. Jacques PÉLISSARD : Parler de « risque » est excessif. Ce mot me choque un peu. Lorsqu'une commune ou une intercommunalité investit, ce n'est pas pour faire plaisir aux élus, mais pour répondre aux besoins des administrés. Les intercommunalités, du fait de la masse géographique et des capacités financières qu'elles représentent, sont effectivement mieux à même de répondre à des besoins nouveaux exprimés par des population et cela peut amener à une plus grande intensité des investissements, mais ceux-ci sont légitimes dans la mesure où ils répondent à des attentes des populations.

M. le Rapporteur : L'intercommunalité révèle-t-elle de nouvelles attentes ?

M. Jacques PÉLISSARD : Elle ne les révèle pas mais permet d'y répondre.

M. le Rapporteur : Vous avez regretté de ne pas maîtriser la rémunération des fonctionnaires. L'AMF serait-elle favorable à ce que les élus locaux soient plus directement responsables de l'évolution de la rémunération de leurs collaborateurs, ce qui paraît être la seule réponse possible à votre préoccupation ?

M. Jacques PÉLISSARD : Je répondrai à titre personnel car nous n'en avons pas encore débattu.

J'estime nécessaire de maintenir une fonction publique unique avec des passerelles entre fonction publique territoriale et fonction publique d'État. Les transferts de fonctionnaires d'État au profit de la fonction publique territoriale seront sans doute de plus en plus courants avec la décentralisation et il ne faut donc pas casser ce lien.

Cela dit, il me semble possible d'associer les collectivités territoriales, départements, régions et communes, aux discussions salariales conduites jusqu'à présent en solitaire par le ministre de la fonction publique, quel que soit le gouvernement en place.

M. le Rapporteur : S'agissant des normes, l'absence de concertation est-elle complète ? La concertation est-elle si difficile à organiser ? Quel est le degré de résistance des structures représentatives des collectivités territoriales à l'évolution des normes ?

M. Jacques PÉLISSARD : Nous subissons cette évolution, notamment dans le domaine environnemental. Le coût total de la suppression de tous les réseaux en plomb, imposée par l'Union européenne, lorsque Mme Dominique Voynet était ministre, a alors été évalué à 7,6 milliards d'euros. L'investissement est-il à la mesure des bénéfices sanitaires attendus ? L'analyse coût-avantages n'a jamais été effectuée. Le même constat pourrait être fait pour les normes en matière d'eau potable, d'emballages ou d'incinération. L'État mais aussi l'Association des maires de France et l'ensemble des collectivités territoriales doivent cesser d'attendre benoîtement que les normes s'appliquent et se montrer plus actifs là où ces normes sont produites, en particulier sur le terrain bruxellois.

M. le Rapporteur : Vous estimez donc que l'État sous-évalue gravement le coût de ces normes lorsqu'il les négocie et lorsqu'il y consent. L'AMF pourrait-elle rédiger une note succincte sur les évolutions normatives qui lui paraissent les plus coûteuses, aujourd'hui et à court et moyen terme ?

M. le Président : Je donne la parole aux autres représentants de l'AMF, qui souhaitent intervenir.

M. Philippe LAURENT : Pourquoi les communes sont-elles les collectivités qui ont le moins accru les impôts ? Premièrement, ce sont évidemment elles qui détiennent les plus gros encours de dette. La chute des taux d'intérêt de ces dernières années a réduit leurs frais financiers. Deuxièmement, avec les intercommunalités, elles sont les premiers bénéficiaires de la taxe professionnelle, dont les bases ont très fortement crû (deux fois plus vite que le PIB), notamment ces dernières années.

C'est pourquoi les villes, en particulier les plus grandes d'entre elles, ont pu financer des dépenses en progression plus rapide que la richesse nationale avec une augmentation modérée des taux.

Mais les taux d'intérêt ne continueront pas à baisser et l'impôt de remplacement de la taxe professionnelle aura une dynamique de base beaucoup moins forte, ce qui suscite l'inquiétude pour l'avenir.

M. Maxime CAMUZAT : Ma commune, située à la périphérie de Bourges, a vu le nombre de ses habitants passer de 400 à 5 000 et s'est dotée d'équipements lourds en gestion, notamment d'un centre nautique. Elle est entrée dans une communauté d'agglomération qui touche la taxe professionnelle unique et ne reverse à ce jour aucune aide de compensation ou de solidarité. Les charges de personnel représentent 50 % de son budget, les impôts locaux 30 % et la dotation de l'État n'a progressé, ces deux dernières années, que de 1 %. Toutes les communes du département éprouvent des difficultés et les plus petites, qui ne disposent déjà que de très faibles marges de manœuvre, voient s'évaporer les fonds européens et les emplois aidés. Le Cher souffre économiquement. À la demande de la préfecture, ma commune s'était rendue propriétaire de locaux d'une imprimerie pour sauver l'emploi, et celle-ci en est à son deuxième dépôt de bilan en un an avec, à chaque fois, des loyers impayés. L'effet de ciseaux est tel que, cette année, nous avons dû augmenter les taux de 2 %.

M. le Rapporteur : Vous ne bénéficiez en effet plus de la dynamique des bases de taxe professionnelle. Craignez-vous que l'effet de ciseaux soit plus marqué encore demain ? L'intercommunalité, en elle-même, n'épuise-t-elle pas la dynamique financière des communes ?

M. Maxime CAMUZAT : Le problème se pose en effet si les mécanismes de solidarité ne jouent pas. C'est d'autant plus problématique que ma commune comprend un bourg très rural mais aussi une superbe zone commerciale : à chaque fois qu'une activité s'installe, les habitants s'imaginent que de l'argent entre dans la caisse, alors que ce n'est plus le cas. Or, la demande sociale des citoyens est forte. Pour faire face aux situations de précarité, la subvention au CCAS a augmenté de 9 %.

S'agissant des normes, nous possédons une piscine couverte. Or, ma commune se situe à la limite du territoire de la communauté d'agglomération. Des écoles et habitants de nombreuses communes non membres de la communauté d'agglomération utilisent donc notre piscine mais ce sont les citoyens de ma commune qui paient le déficit du centre nautique. Si une commission de sécurité devait donner un avis négatif concernant le centre nautique et exiger des travaux, je ne pourrais pas fermer le complexe, car imaginez le tollé que cela provoquerait. Je devrais donc accroître la fiscalité pesant sur les familles pour pouvoir financer une mise aux normes du centre nautique.

M. le Rapporteur : Les instances de l'AMF se sont-elles prononcées sur cette inflation réglementaire et normative que nous constatons tous sur le terrain et que nous finissons tous par accepter, même si c'est en ronchonnant ?

M. Jacques PÉLISSARD : La position de fond de l'AMF est la suivante : l'intercommunalité doit apporter une valeur ajoutée par rapport à la gestion municipale. Il me semble à cet égard que l'infrastructure nautique dont a parlé M. Maxime Camuzat aurait vocation à entrer dans la compétence communautaire ; toute évolution des charges serait alors financée par l'EPCI.

M. le Rapporteur : Je lance un appel à la révolte contre l'inflation normative !

M. le Président : La mission d'évaluation et de contrôle de la Commission des finances, de l'économie générale et du Plan de l'Assemblée nationale travaille actuellement sur les normes définies par les fédérations sportives, mais je crains qu'il n'en sorte pas grand-chose. En effet quand on laisse croire que l'on va vers une garantie de sécurité maximale dans tout le pays, je crains que tout cela ne conduise à une explosion chez les élus locaux, dont je comprends qu'ils refusent d'endosser toutes les responsabilités.

M. Pascal BUCHET : M. le Rapporteur a insisté sur l'évolution des taux mais il est plus pertinent de réfléchir en termes d'évolution du produit fiscal. Les communes et leurs groupements sont les collectivités qui ont le plus accru leurs produits fiscaux car les régions et les départements ont des bases beaucoup plus faibles. Ce n'est pas anormal puisque nous assumons des charges de personnel beaucoup plus importantes que les autres collectivités - à hauteur de 50 % de nos dépenses environ - et que celles-ci évoluent à un rythme élevé. Cette remarque est également valable pour 2005 puisque c'est le produit fiscal des communes qui augmentera le plus.

M. le Rapporteur : Pas en pourcentage.

M. Pascal BUCHET : Mais en valeur absolue, c'est indéniable : les communes percevront davantage d'euros supplémentaires que les départements et les régions.

M. le Président : C'est important car le contribuable est sensible au nombre d'euros qu'il doit sortir de sa poche ! Je demande confirmation de cette information.

M. Pascal BUCHET : C'est certain.

M. le Rapporteur : Mais les plus fortes augmentations de taux ne sont pas le fait des communes.

M. Pascal BUCHET : Celles-ci présentent une dispersion de situations très importante ; les inégalités sont criantes, notamment s'agissant de la taxe professionnelle, qui constituait notre seule ressource un peu dynamique, ce qui accentue encore les inégalités. Le débat parlementaire sur l'autonomie financière me fait sourire : quelle est l'autonomie d'une collectivité qui ne dispose d'aucune marge de manœuvre ? Une commune qui ne dispose que de très faibles bases de taxe professionnelle n'est pas vraiment autonome.

Il est nécessaire d'impliquer davantage les représentants des maires dans les discussions. C'est dans cet esprit que nous proposons l'organisation de conférences annuelles des finances publiques. Nous ne sommes pas qualifiés pour discuter de la pertinence des normes ou de l'évolution des salaires des fonctionnaires mais pour examiner, avec les représentants des pouvoirs publics, leurs conséquences financières et les moyens de les pallier. Actuellement, nous subissons sans pouvoir donner notre point de vue à aucun moment. Les collectivités territoriales doivent être associées davantage aux décisions de l'État.

La marge de manœuvre liée à la fiscalité est très limitée en raison des règles de liaison des taux et l'autonomie fiscale n'est pas toujours réelle. Je suis fondamentalement favorable à l'intercommunalité mais, plutôt que d'aborder tel ou tel impôt de façon isolée, une réforme globale de la fiscalité locale s'impose. Notre inquiétude est grande lorsque nous entendons parler de suppression ou d'évolution de la taxe sur le foncier non bâti pour les zones rurales et de la taxe professionnelle, car ces réformes tendent peut-être à réduire les inégalités entre secteurs mais certainement pas entre collectivités.

M. le Président : La parole est maintenant aux membres de notre Commission d'enquête.

M. Pascal TERRASSE : Trois piliers de l'augmentation de la fiscalité locale s'imposent à l'esprit de tous les intervenants que la Commission d'enquête a auditionnés. D'abord, la progression naturelle du coût de la vie frappe aussi les communes, notamment à travers le glissement vieillesse technicité qui pèse sur la masse salariale. Ensuite, l'inflation normative et réglementaire - de plus en plus sensible au niveau européen et par le biais des transpositions de directives, le Gouvernement prenant des initiatives sans toujours en mesurer les conséquences - se double d'initiatives parlementaires comme la loi récente sur le handicap, qui impose la mise aux normes des bâtiments publics, dont le coût sera minoré par la journée de solidarité,...

M. le Rapporteur : Il faut donc en instituer une deuxième...

M. le Président : Nous n'en sommes pas là, M. le Rapporteur.

M. Pascal TERRASSE : ...ainsi que de normes privées, comme celles édictées par les fédérations sportives, très coûteuses pour les collectivités territoriales. La décentralisation et le désengagement de l'État constituent un troisième pilier.

Si notre Commission d'enquête se contentait de faire le constat des évolutions de la fiscalité, elle n'aurait pas réussi sa mission. Pensez-vous qu'il faut aller plus loin et faire subir un big bang à la fiscalité locale ?

Les conseils régionaux et généraux ont tendance à se recentrer sur leurs compétences. Vice-président du conseil général de l'Ardèche, je constate que nous sommes contraints d'opérer des arbitrages mais que près de 30 % du budget sont consacrés à aider les communes, quoique ce ne soit nullement une compétence obligatoire. Estimez-vous que les collectivités doivent se recentrer sur leurs compétences, ou qu'il faut continuer à opérer des financements croisés ?

Finalement, qu'attendez-vous de notre Commission d'enquête ? Peut-elle contribuer à faire évoluer la fiscalité locale ?

M. Jacques PÉLISSARD : S'agissant des normes des fédérations sportives, nous agissons depuis des années auprès du ministre des sports. La règle est aujourd'hui la suivante : les fédérations sportives sont compétentes pour déterminer les normes qui sont en liaison directe avec la pratique du sport lui-même, comme la largeur du terrain ou l'intensité de son éclairage ; le nombre de places des gradins et l'espace consacré aux cabines des journalistes, en revanche, n'entrent pas dans leurs compétences. Certains points restent toutefois assez flous et méritent d'être clarifiés, concernant par exemple la surface des vestiaires ou le nombre des pommeaux de douche : ces points relèvent-ils des fédérations ou des communes ? En tout cas, l'AMF mène une action résolue pour limiter les prétentions des fédérations sportives, parfois exorbitantes, et l'avis du Conseil d'État a commencé de clarifier ce dossier.

Le système actuel de fiscalité locale est à bout de souffle. La taxe sur le foncier non bâti n'est plus servie ni aux départements ni aux régions. Un risque d'amputation pèse également sur la taxe professionnelle, même si la réforme envisagée va dans le sens d'une meilleure lisibilité de cet impôt. L'approche actuelle tend à segmenter ces impôts. Leurs bases sont archaïques et excessivement compensées par l'État : 35 % de l'impôt local est payé par le contribuable national. Une refonte est donc nécessaire : l'État, en partenariat avec les départements, les régions et bien sûr les communes, doit enfin avoir la volonté d'opérer un big bang pour parvenir à un dispositif lisible. Les bases doivent être évolutives, mieux adaptées à la réalité économique et à l'évolution des territoires. Je ne serais pas choqué qu'une partie de la CSG soit transférée aux collectivités territoriales, pour financer les actions sociales incombant notamment aux départements.

M. Pascal BUCHET : Sous prétexte du principe de concurrence et du code des marchés publics, nous observons la multiplication d'appels d'offres et de marchés relatifs à des missions de services publics locaux menées jusqu'à présent par des services communaux, des associations ou encore des établissements publics locaux. Les collectivités territoriales et les associations sont désormais mises en concurrence pour des actions comme, par exemple, l'insertion dans le cadre du RMI ou encore l'alphabétisation des personnes immigrées, auparavant subventionnées par les conseils généraux, et sont ainsi ramenées à de simples prestataires comparables aux entreprises privées à but lucratif. Avec une telle logique, c'est le tissu social de nos communes et de nos quartiers qui risque de dépérir.

S'agissant du big bang, pour mener à son terme une deuxième phase de décentralisation, il faut commencer par réduire les inégalités entre communes. Le principe de péréquation me semble donc crucial, ainsi que la nécessité de rendre les impôts locaux un peu plus justes.

M. Michel DIEFENBACHER : Lorsque le processus d'intercommunalité a été engagé, en 1992, à ceux qui s'inquiétaient de voir apparaître de nouvelles structures et donc probablement de nouveaux coûts, les gouvernements successifs ont répondu qu'aucune compétence nouvelle n'était créée, que des compétences existantes seraient simplement déplacées des communes vers les EPCI, et que la mutualisation de moyens ainsi que les dotations de l'État permettraient de maîtriser les coûts. On pouvait donc espérer au mieux une baisse des impôts, au pire une stabilisation. Or, l'on s'aperçoit qu'il n'en est rien. Les communes ont-elle mobilisé tous les moyens disponibles pour maîtriser leurs coûts ? Les délais de dissolution des anciens syndicats intercommunaux sont-ils satisfaisants ? Les mécanismes de contrôle de gestion interne nécessaires ont-ils été créés ?

M. Jacques PÉLISSARD : Initialement, les outils juridiques n'existaient pas. Les transferts de compétences s'accompagnaient automatiquement du transfert des personnels correspondants, mais ceux-ci ont souvent refusé de quitter leur collectivité d'origine et les intercommunalités ont donc dû créer leur propre administration. Entre une ville centre et une intercommunalité, il est parfois intelligent de mettre en place une direction transversale, afin de réaliser des économies d'échelle, des synergies, et ainsi d'enrichir les missions. Jusqu'à la loi du 13 août 2004, c'était prohibé et les chambres régionales des comptes stigmatisaient les postes communs entre la direction d'une intercommunalité et la direction de la ville centre ; les bons outils sont progressivement créés et devraient permettre des synergies.

M. Philippe LAURENT : Nous sommes encore loin du terme du processus de construction de l'intercommunalité et de rationalisation des services, car le législateur a souhaité laisser aux élus locaux le soin de régler les problèmes localement afin de rationaliser les structures intercommunales. Si ce choix a peut-être pour conséquences certaines lenteurs, il respecte la diversité des cultures intercommunales. En Bretagne, par exemple, les intercommunalités ayant été créées très tôt, la rationalisation des structures est beaucoup plus avancée.

Je suis convaincu que le système des financements croisés mis en œuvre dans la quasi-totalité des régions et départements est extrêmement efficace en termes de péréquation sur le territoire de ces collectivités, peut-être même davantage que la péréquation nationale. Le désengagement de ces collectivités vis-à-vis des intercommunalités et des communes que nous craignons serait à cet égard très négatif.

Sur quoi peut déboucher votre Commission d'enquête ? Une grande majorité d'entre nous est favorable à la poursuite du mouvement de décentralisation. Mais il est essentiel de poser comme principe que la décentralisation et l'autonomie financière sont totalement incompatibles avec le maintien d'impôts locaux archaïques qui sont condamnés à augmenter alors que les impôts nationaux, par nature plus modernes et plus justes, tendent à diminuer.

M. le Rapporteur : Je comprends mal votre raisonnement.

M. le Président : Moi, je le comprends très bien !

M. Pascal BUCHET : Moi aussi !

M. Philippe LAURENT : La somme des prélèvements de l'État et des collectivités territoriales, depuis vingt ans, est globalement constante, mais les impôts locaux, ni socialement justes ni économiquement efficaces, ont augmenté tandis que les impôts nationaux, acceptés par tout le monde, tendent à diminuer. La décentralisation et l'autonomie financière conduisent forcément à une augmentation du prélèvement local, et il est difficile de sortir de ce problème.

M. René DOSIÈRE : On peut naturellement s'amuser à parler de pourcentage d'augmentation des impôts mais le contribuable ne paie pas un pourcentage : il paie en euros.

M. le Rapporteur : Mais la volonté systématique de comparer en valeur absolue et non pas en pourcentage pose le problème de l'intelligence de la valeur de base.

M. René DOSIÈRE : S'agissant des régions, de quel pourcentage est-il nécessaire d'augmenter l'impôt pour obtenir le même produit qu'il y a quelques années ?

Par ailleurs, quelle est la position de l'AMF au sujet de la définition des nouvelles recettes fiscales locales figurant dans la nouvelle loi organique ? Dès lors que le Parlement en a fixé soit le taux soit l'assiette, estimez-vous qu'il s'agit de ressources fiscales locales et jugez-vous que cette réforme est réellement de nature à améliorer la recette fiscale locale ?

Mon collègue Jean-Pierre Balligand m'a demandé de poser une question, ce que je fais d'autant plus volontiers qu'elle porte sur l'intercommunalité. Puisque les communes ont abandonné certaines de leurs compétences au profit des intercommunalités, il est logique que la fiscalité intercommunale ait augmenté, mais pourquoi la fiscalité communale n'a-t-elle pas au moins stagné, sinon baissé ?

Enfin, si les intercommunalités, qui prélèvent aujourd'hui plus d'impôt net que les régions, étaient élues au suffrage universel direct - plusieurs formules seraient possibles -, ne pensez-vous pas qu'elles auraient davantage de comptes à rendre directement aux électeurs et que cela les inciterait à modérer leurs prélèvements fiscaux ?

M. Philippe LAURENT : La définition des ressources propres que préconisait l'AMF était très claire et nous l'avions rappelée, y compris dans la motion finale du congrès de novembre dernier, mais elle n'a pas été retenue par le Parlement. Nous estimions que la collectivité, dans certaines limites, devait pouvoir voter le taux, l'assiette ou les deux.

Nous pensons que le phénomène intercommunal doit aujourd'hui faire l'objet d'une évaluation. Il a conduit à une meilleure perception de leur territoire par les élus locaux, avec un approfondissement des stratégies territoriales et un développement des services publics (transports urbains, collecte sélective des déchets...). Sur le plan des transferts, les communes restent les principaux employeurs de main-d'œuvre car elles sont toujours les vrais prestataires de services, notamment dans les domaines de la petite enfance, de l'école, du social, de la culture ou de l'animation. Or les masses salariales de nombreuses communes, à effectif constant, subissent une évolution mécanique. C'est pourquoi les modifications apportées en 2004 à la loi de 1999, visant notamment à donner un peu de souplesse à l'attribution de compensation, sont intéressantes ; à chacun de les prendre en compte et de négocier des évolutions au sein de son intercommunalité.

Il est important de prendre en compte le principe de subsidiarité : il peut expliquer que, pendant un certain temps, les communes continuent à réaliser certaines dépenses alors qu'une structure intercommunale a été mise en place, la compréhension et l'assimilation de la place de cette dernière dans le dispositif exigeant beaucoup de temps. Le choix a été fait de laisser aux élus locaux la possibilité de s'organiser comme ils le souhaitent. Des erreurs ont parfois été commises et il faut les rectifier ; cela prend plus de temps que si les décisions avaient été autoritaires mais cela a aussi plus de chances d'aboutir à des situations pérennes.

M. Jacques PÉLISSARD : Le passage au suffrage universel ne fait pas consensus au sein de l'AMF : certains y sont favorables ; d'autres, dont je suis, considèrent que cela risquerait de politiser les représentations de petites communes et d'altérer la démarche et l'ambiance des intercommunalités. Les élus intercommunaux, désignés par les conseils municipaux en leur sein, sont actuellement les avocats d'un territoire, ce qui ne serait plus le cas.

M. le Président : Ne serait-il tout de même pas normal que les électeurs sachent à l'avance quels élus siégeront au conseil communautaire ?

M. Jacques PÉLISSARD : Nous sommes effectivement ouverts à cette idée mais sa mise en œuvre ne sera pas facile. Dans les communes de plus de 3 500 habitants, on pourrait toujours cocher ou souligner, sur la liste choisie, le nom des personnes que l'on souhaiterait voir siéger au conseil communautaire, mais, dans les petites communes, le scrutin municipal est uninominal et il est donc impossible d'identifier à l'avance les candidats à la fonction de délégué intercommunal.

M. Pascal BUCHET : Si les charges transférées ne se traduisent pas toujours par une diminution des dépenses des communes, c'est que ces dernières utilisent trop souvent l'intercommunalité comme palliatif à la diminution de leurs marges de manœuvre, pour se décharger de certaines dépenses. C'est dommage, car cela peut aller contre l'intérêt des intercommunalités. Je dois cependant dire que, maire depuis onze ans, je constate que les marges de manœuvre des communes ne cessent de se restreindre et que les capacités de choix des élus d'être amputées. La tentation de se tourner vers l'intercommunalité pour élargir ses marges de manœuvre est donc tout à fait humaine.

M. Jacques PÉLISSARD : Je voudrais insister sur l'idée évoquée par M. Pascal Buchet. L'intercommunalité n'a pas vocation à être une mise sous perfusion financière de communes exsangues, mais un dispositif respectant le principe de subsidiarité et apportant une valeur ajoutée à des projets qui ne peuvent être portés par chacune des communes membres isolées.

M. Jean-Jacques DESCAMPS : La question à laquelle notre Commission d'enquête doit répondre est la suivante : existe-t-il ou non un risque d'augmentation de la fiscalité communale ou intercommunale dans les années à venir et, si oui, avons-nous des solutions pour nous y opposer ?

Si la hausse de la fiscalité a jusqu'à présent été relativement modeste, c'est en effet que les circonstances ont été favorables, avec des bases en progression relativement rapide et des opportunités de renégociation de prêts qui ont permis d'accomplir des économies sur la partie basse du compte de fonctionnement. Mais cela ne durera pas.

Pour essayer de dégager des capacités d'autofinancement et poursuivre nos investissements, restent les frais de personnel. Mais j'ai le sentiment, pour ma part, qu'il y a une alliance objective entre l'AMF et l'État pour laisser augmenter les frais de personnel, la rigidité de la gestion des effectifs s'aggravant chaque année. Je n'élude pas les causes exogènes - il faut davantage de policiers municipaux, de personnel dans les services jeunesse et dans les services techniques qu'auparavant - mais il me semble tout de même que le management et la gestion des ressources humaines recèlent des potentiels d'économies.

Je trouve qu'on ne demande pas suffisamment d'efforts aux maires et autres élus, lesquels, de surcroît, sont largement déresponsabilisés par l'intercommunalité. Je ne suis d'ailleurs pas tout à fait d'accord avec le président de l'AMF au sujet de l'élection des conseillers communautaires au suffrage universel car, dans le schéma actuel, le président de l'intercommunalité n'est responsable devant personne et tout le monde s'adresse à lui pour obtenir ce que les maires ont refusé. J'ignore si l'AMF a calculé exactement ce qu'a coûté l'intercommunalité depuis ses origines, mais je crains que le taux de croissance des dépenses soit extraordinairement élevé.

Enfin, je ne crois guère au grand soir fiscal, qui aurait même plutôt tendance à m'inquiéter. En effet, dès qu'on évoque ne serait-ce qu'une modification des règles de la taxe professionnelle, nombre d'élus locaux l'augmentent par précaution. Toute réforme fiscale engendre donc une hausse préventive de la fiscalité. C'est pourquoi il me paraît préférable de ne pas modifier le système actuel - j'étais du reste de ceux qui préconisaient de ne pas toucher à la taxe professionnelle.

M. le Président : Nous étions nombreux à le penser...

M. Jean-Jacques DESCAMPS : Ne serait-il pas préférable d'améliorer la formation du personnel politique ?

M. Jacques PÉLISSARD : L'annonce d'une réforme de la taxe professionnelle a effectivement entraîné, dans de nombreuses collectivités territoriales, des augmentations de taux par anticipation.

M. le Président : S'agissant de la taxe professionnelle, quel est votre point de vue et espérez-vous que vos propositions seront retenues ?

M. Jacques PÉLISSARD : L'Association des maires de France a réuni l'ensemble des associations spécifiques - des petites villes, des grandes villes, des villes moyennes, des communautés urbaines, des maires ruraux - pour dégager une position commune sur la taxe professionnelle. À l'issue des travaux de la « commission Fouquet », en décembre 2004, nous avons donc émis une série de propositions.

Premièrement, nous pensons qu'un changement d'assiette serait acceptable car, de fait, la disparition de la part salariale portait en germe la modification de l'impôt, qui ne repose plus aujourd'hui que sur l'investissement, ce qui n'est pas sain. L'idée d'une assiette mixte fondée d'une part sur la valeur locative foncière et d'autre part sur la valeur ajoutée est intéressante. Encore faut-il trouver une clé de répartition intelligente entre la valeur locative foncière et la valeur ajoutée.

Deuxièmement, la fixation du taux doit rester de compétence locale, municipale ou communautaire. Sur ce point, nous sommes très fermes.

Troisièmement, nous avons accepté le principe d'un « tunnel » de taux encadrés, à condition qu'il ne s'agisse pas d'une seringue et que les collectivités conservent une réelle marge de décision.

Quatrièmement, se posera forcément le problème de la répartition de la valeur ajoutée entre les communes où se situe le siège de l'entreprise et celles où se trouvent ses établissements. Nous pensons que les critères qui doivent être retenus sont des critères physiques : la surface des bâtiments et les effectifs salariaux (qui ont un impact direct sur l'importance des dépenses demandées à la collectivité territoriale en matière de crèches, d'écoles et de services de toute nature) plutôt que la masse salariale.

Cinquièmement, une simulation doit être effectuée avant toute mise en œuvre définitive.

À ma connaissance, le coût de l'intercommunalité n'a pas été calculé. Nous vivons sur des territoires différents où les hommes et les femmes portent leurs propres projets. Certaines intercommunalités se sont montrées rigoureuses, efficaces et économes tandis que d'autres ont vu leurs dépenses flamber. Cela n'a rien à voir avec la couleur politique des unes et des autres : cela tient au contexte local et à la qualité des gestionnaires.

M. Philippe LAURENT : Les dépenses de personnel des communes sont particulièrement importantes, puisqu'elles approchent la moitié du total des dépenses de fonctionnement. D'ici à dix ans, près de 600 000 fonctionnaires territoriaux partiront à la retraite et leur remplacement par du personnel plus jeune tendra mécaniquement à alléger les coûts. En revanche, les compétences et la qualification des personnels tendent par ailleurs à s'améliorer, ce qui constitue un facteur de hausse des rémunérations.

L'AMF, avec beaucoup d'autres, a formulé des propositions allant dans le sens d'un assouplissement des capacités de gestion. Elles ont été discutées de manière très approfondie au sein du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale avec les organisations syndicales et avec M. Jean-Paul Delevoye, lorsqu'il était ministre de la fonction publique. Ces propositions, qui font l'objet d'un quasi-consensus parmi les élus, doivent donner lieu à un projet de loi que nous attendons toujours - il est vrai que les organisations syndicales représentatives de la fonction publique territoriale, en revanche, ne sont pas d'accord à ce sujet.

M. Pascal BUCHET : L'intercommunalité peut en effet entraîner une augmentation des frais de personnel, augmentation qui va dans le sens d'une amélioration de la qualification. Quand des compétences sont transférées - je pense notamment à la compétence scolaire - et que des personnels basculent dans une intercommunalité, il y a un phénomène d'alignement par le haut : il y aura par exemple une généralisation des titularisations et du recrutement des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM), au détriment des emplois aidés. L'opération a donc des répercussions financières mais se solde aussi par un bénéfice en termes de qualité de service.

M. Maxime CAMUZAT : Nous représentons l'échelon de proximité. Quand les emplois-jeunes enseignant l'informatique dans les écoles sont supprimés, à quelle porte frappent les parents d'élèves et les enseignants ? À la porte de la mairie. Quand une association perd ses subventions de l'État, à qui s'adresse-t-elle ? Nous résistons mais, lorsque les demandes correspondent à des besoins réels, nous sommes obligés de céder.

M. Pascal BUCHET : Un pilier important de la croissance de la fiscalité, au-delà de l'aspect normatif, est le besoin en développement. Pour les crèches par exemple (qui ne sont à proprement parler la compétence obligatoire de personne), certains départements se désengagent. Or, compte tenu du taux d'activité féminine, il s'agit d'un très fort besoin émergent qui entraîne des coûts de personnel très importants.

M. le Rapporteur : Choisir entre le recours à des assistantes maternelles et l'ouverture de places de crèche n'est pas neutre financièrement.

M. le Président : Vous voulez dire qu'il ne faut pas créer de crèches ? L'intercommunalité a pourtant permis d'installer de tels services dans des zones où les communes ne pouvaient pas se le permettre.

M. Jean-Jacques DESCAMPS : De toute façon, c'est la caisse d'allocations familiales qui paie.

M. le Président : On ne peut pas prétendre d'un côté que l'on veut favoriser l'égalité hommes-femmes et, de l'autre, faire en sorte que les femmes ne puissent pas travailler.

M. le Rapporteur : Il n'existe pas de modèle unique : dans certains cas, les assistantes maternelles offrent la bonne réponse.

M. le Président : La coexistence des deux formules permet aux familles de choisir celle qui leur convient ; dans ce domaine aussi, il faut laisser la responsabilité aux élus.

M. Pascal BUCHET : Il faut rappeler que les simulations de réforme de la taxe professionnelle prenant pour hypothèse les propositions du « rapport Fouquet » aboutissent à un rééquilibrage entre secteurs économiques, mais aussi à une accentuation des inégalités entre collectivités territoriales, c'est-à-dire à l'inverse de la péréquation.

M. le Président : Tout à fait !

M. Pascal BUCHET : Cette réforme doit donc s'accompagner d'une remise à plat de la péréquation entre collectivités territoriales.

M. Jacques PÉLISSARD : Ce n'est pas aussi simple ; les simulations font certes apparaître que les intercommunalités percevraient moins de TP, mais il faut tenir compte du fait que l'ensemble de la région parisienne est largement dépourvu d'intercommunalités, ce qui introduit un biais qui peut fausser les simulations.

M. le Président : C'est un problème de base de taxe professionnelle et non pas d'intercommunalité. Si la valeur ajoutée est retenue comme base, il y aura des transferts considérables entre collectivités. Je vous remercie d'avoir demandé des simulations et je vous recommande de demander qu'on les affine encore. Je suis extrêmement inquiet de ce changement d'assiette, qui doit impérativement être accompagné de dispositions de compensation précises, et non pas de péréquation nationale. Sinon, les zones déjà les plus en difficulté, où la valeur ajoutée des entreprises est faible, telles celles où l'activité principale est le textile, s'appauvriront encore. Pour les collectivités territoriales, c'est le point difficile.

Pardonnez-moi de donner mon avis personnel, mais j'espère qu'il apparaîtra aussi dans le rapport.

M. Marc FRANCINA : Je rappelle qu'en 1992, une réforme de la fiscalité locale, celle relative à la taxe départementale sur le revenu, a été enterrée car elle touchait les grandes villes.

Vous avez parlé du titre IX de la loi du 13 août 2004. Plus de 70 % des communes sont entrées dans une intercommunalité avant 2004 et elles ont tout de même embauché du personnel. Pensez-vous que les dispositions de la loi du 13 août 2004 vont permettre d'enclencher la marche arrière pour les postes en contrat à durée indéterminée qui font doublon ? Dans beaucoup d'intercommunalités, la superposition de fonctions et l'augmentation de la masse salariale font grincer les dents. Mais je rappellerai tout de même que l'État a échoué pendant quinze ans à faire fusionner les communes et que l'intercommunalité ne se bâtit pas en un jour.

Ne pensez-vous pas que les adhérents de l'AMF devraient braquer les phares sur l'intérêt communautaire que revêtent les intercommunalités ?

M. Alain Gest m'a demandé de souligner que l'AMF s'est prononcée pour que toutes les collectivités territoriales puissent adopter la compétence de l'aide à la pierre - pour ma part, je n'envisage pas de prendre cette option.

L'AMF n'a peut-être pas suffisamment expliqué aux communes qu'il ne fallait pas se précipiter dans l'intercommunalité. On constate d'ailleurs aujourd'hui des changements de périmètre, certaines communes demandant à changer d'intercommunalité.

M. Jacques PÉLISSARD : M. Alain Gest s'est en effet battu pour que la compétence de délégation des crédits d'aide à la pierre soit réservée aux départements, tandis que je portais le fer en sens inverse, dans un souci de privilégier la gestion de proximité, en préconisant une ouverture de cette possibilité aux EPCI sans condition de seuil, dès lors qu'ils se sont dotés d'un programme local d'habitat (PLH), bon indice du volontarisme et de l'implication des communes. Nombre de communautés d'agglomération ont déjà demandé cette compétence, qui n'est qu'optionnelle, et commencent à établir leur PLH, généralement en vue d'une prise en charge au 1er janvier 2006.

S'agissant de l'intérêt communautaire, les communautés se sont en effet un peu bousculées. La loi a d'ailleurs voulu accélérer le processus, en fixant aux intercommunalités un délai d'un an - courant jusqu'au 17 août 2005 - pour définir l'intérêt communautaire. L'AMF a considéré que ce délai était trop court et a obtenu du Gouvernement qu'il l'allonge d'un an. Le délai de définition de l'intérêt communautaire est donc reporté au 17 août 2006, ce qui permettra de faire une analyse fine des compétences qui sont transférables parce qu'il y a un intérêt communautaire.

Beaucoup d'intercommunalités sont déjà dotées de leurs personnels qui sont le plus souvent des personnels statutaires et il est effectivement difficile aujourd'hui de revenir à l'unité permise par le titre IX de la loi du 13 août 2004. La mise sur pied de directions transversales entre la ville centre et la communauté de communes ou la communauté d'agglomération se fera progressivement, au fil des mutations professionnelles et des départs en retraite. Cela doit permettre d'obtenir plus de synergies, de cohérence et d'efficacité, à condition que l'initiative ne se limite pas à une seule personne. Il faut que ce soit une équipe qui assume une direction transversale des services. Il faut que les services de la ville centre tels que le service informatique, le service des marchés ou le service de recherches archéologiques puissent apporter des prestations à la communauté de communes ou à la communauté d'agglomération.

M. le Président : Je vous remercie pour ces réponses précises qui nous ont bien éclairés, en espérant que notre rapport vous donnera satisfaction.

Audition de M. Pierre MIRABAUD,
Délégué à l'aménagement du territoire et à l'action régionale,
accompagné de M. Jean-Benoît ALBERTINI, Directeur adjoint


(Extrait du procès-verbal de la séance du 4 mai 2005)

(Des documents fournis par M. MIRABAUD à l'appui de son intervention sont reproduits en page 301 du tome III du présent rapport)

Présidence de M. Augustin BONREPAUX, Président

MM. Pierre Mirabaud et Jean-Benoît Albertini sont introduits.

M. le Président : Nous accueillons aujourd'hui M. Pierre Mirabaud, Délégué à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, accompagné de M. Jean-Benoît Albertini, Directeur adjoint.

Notre Commission s'intéresse aux causes de l'évolution récente de la fiscalité locale. À ce titre, le thème du « désengagement de l'État » a souvent été mis en avant par les représentants des collectivités territoriales que nous avons auditionnés.

Pour faire toute la lumière sur cette question, nous souhaitons savoir où en est l'exécution des actuels contrats de plan État-régions, si l'État respecte ses engagements et selon quel échéancier, si les collectivités ont été obligées de faire des avances et si cela peut avoir eu des effets sur leur fiscalité. Je vous demanderai en particulier de nous transmettre l'état d'avancement de ces contrats, région par région, jusqu'en 2004, et même de tracer des perspectives pour 2005.

Je rappelle par ailleurs que, jusqu'à une date récente, le désengagement de l'État était masqué par des crédits européens qui se tarissent depuis un an, plus ou moins rapidement selon les régions, avec des arguments que je n'ai toujours pas compris bien que j'aie été l'auteur d'un rapport sur ces crédits... Je souhaite donc que vous nous rappeliez les règles applicables en la matière et que vous nous expliquiez pourquoi ces crédits disparaissent. Comment pensez-vous, dans ces conditions, que pourront être financés les futurs contrats de plan ?

M. le Président rappelle à MM. Pierre Mirabaud et Jean-Benoît Albertini que les dispositions législatives relatives aux commissions d'enquête leur ont été communiquées. À l'invitation du Président, ceux-ci prêtent serment.

M. Pierre MIRABAUD : Nous exécutons actuellement la quatrième génération des contrats de plan, dont le volume s'est accru de façon considérable depuis l'origine, augmentant de 45 % à 50 % d'une génération à l'autre. Alors que, dans le volume total de la première génération, la part de l'État représentait 40 % et celle des régions 60 %, les deux sont aujourd'hui à égalité.

La génération actuelle comprend les programmes des 26 régions, outre-mer inclus, ainsi que de grands programmes interrégionaux comme le plan Loire, le programme du Mont-Saint-Michel, le programme « Après mines » en Lorraine et dans le Nord-Pas-de-Calais, les conventions interrégionales de massifs, auxquels se sont ajoutés des avenants « marée noire » et « intempéries » après les événements de la fin 1999.

D'une génération à l'autre, la partie transport est restée stable autour de 40 % avec, en particulier pour la dernière génération, des évolutions importantes en faveur du mode ferré et des transports collectifs par rapport à la route.

Les universités et la recherche n'ont été introduites que dans la deuxième génération, avec une progression significative à partir du programme Universités 2000 au cours de la troisième génération. Le financement des approches territoriales est aussi apparu progressivement à partir de la deuxième génération, avec le fonds régionalisé d'aide aux initiatives locales pour l'emploi (FRILE) et les programmes d'aménagement concentré du territoire (PACT) et, aujourd'hui, avec les crédits substantiels du FNADT.

Le montant global de la génération actuelle pour la métropole et les départements d'outre-mer est de 17,5 milliards d'euros, auxquels il faut ajouter les grands programmes et les contrats spécifiques pour les territoires d'outre-mer, qui ont été inclus dans les négociations de la quatrième génération mais sur lesquels la DATAR n'a ni autorité ni même d'information ; 600 millions d'euros ont aussi été ajoutés après la tempête de 1999.

Le processus de contractualisation de la génération actuelle s'est déroulé en deux étapes : la première enveloppe attribuée concernait la majeure partie des crédits et a donné lieu à des négociations entre l'État et chacune des régions, une deuxième enveloppe a été attribuée ensuite pour procéder à des ajustements. Cela a peut-être poussé à majorer les enveloppes globales et à contractualiser des sommes considérables par rapport aux chapitres budgétaires concernés, parfois à hauteur de 100 % de leur montant de l'époque, pour répondre à la fois à la demande des acteurs régionaux et à celle des ministères, ainsi qu'au souhait de garantir une cohérence de l'action de l'État et des collectivités territoriales et de disposer de financements conjoints pour un certain nombre d'opérations. Sans doute certains ministères avaient-ils aussi l'idée que les crédits des contrats de plan pourraient être sanctuarisés et échapper à la régulation budgétaire. Ceci contribue à expliquer la très forte progression par rapport à la précédente génération, ainsi que les difficultés que nous rencontrons aujourd'hui dans l'exécution.

De ce dernier point de vue, si nous connaissons l'ensemble des financements délégués par l'État et si nous suivons l'exécution en fonction des rapports que nous adressent les préfets de région, nous avons plus de mal à suivre la part relative aux collectivités territoriales et aux autres acteurs. Nous n'avons ainsi toujours pas l'ensemble des réponses des régions pour 2004. Mais nous avions déjà constaté ces difficultés, en particulier pour comparer les interventions de l'État et celle des autres partenaires, lors des générations précédentes.

Fin 2004, l'exécution pour la part relevant de l'État était de 56 % des crédits engagés, soit une année de retard puisque nous devrions être à 71 %. Cela nous amène, fin 2006, entre 75 % et 80 % d'exécution. Les contrats de plan de la génération précédente, 1994-1999, avaient été exécutés, au bout de six ans au lieu de cinq, à un peu plus de 90 %.

Les contrats relatifs aux routes sont exécutés à 56 % si l'on y inclut les sommes budgétées dans le cadre du plan de relance de la fin de l'année 2004, soit 250 millions d'euros sur un total de 300 millions d'euros. Pour le fer, on en est à 33 % d'engagements par rapport au milliard d'euros programmé. Pour l'enseignement supérieur et la recherche, on en est à 64 %, avec un certain ralentissement en 2004 ; à 54 % pour l'environnement ; à 36 % pour la santé et le social, en raison en particulier des difficultés sur le volet humanisation des hospices. La ville est à 68 %, l'agriculture à 59 %, comme le FNADT, avec un démarrage assez lent des contrats de pays et d'agglomération. En 2004 comme en 2005, la délégation de crédits devrait être de l'ordre du septième de l'engagement initial.

La révision à mi-parcours, introduite dans la génération actuelle, n'a pas donné tous les effets escomptés. Il avait été annoncé, dès l'origine, qu'elle se ferait à enveloppe constante, mais nous avons eu une exception avec l'inscription supplémentaire d'une centaine de millions d'euros pour la maîtrise des pollutions d'origine animale. Cette révision est intervenue soit un peu avant, soit un peu après les élections régionales de 2004, et elle n'a pas eu le même effet que sur les DOCUP européens, dont la fongibilité est plus importante. Une dizaine d'avenants de révision sont déjà signés et d'autres devraient l'être prochainement.

S'agissant des liens entre contrats de plan et finances régionales, qui sont au coeur de vos préoccupations, on constate que, si l'État a exécuté les contrats à 56 %, les conseils régionaux dont nous avons pu avoir les réponses pour 2004 sont à 65,5 %. Plusieurs conseils régionaux sont allés bien au-delà de leurs engagements initiaux pour certaines politiques, par exemple pour l'aide à l'agriculture ou au développement des entreprises : ils ont alors également comptabilisé leur engagement pour la part supérieure à l'inscription dans le contrat, ce que ne fait pas l'État. On constate aussi que pour un certain nombre de politiques où l'État est maître d'ouvrage et où les conseils régionaux, voire les conseils généraux, interviennent sous la forme de fonds de concours - c'est parfois le cas pour les routes nationales -, ces fonds ont souvent été appelés en début de programme et représentent donc une avance de trésorerie qui s'efface au fur et à mesure de l'avancement du chantier, au fur et à mesure de la mobilisation des crédits d'État. Il ne s'agit donc pas d'une avance remboursable mais simplement d'une mobilisation plus rapide de l'engagement initial des collectivités territoriales. Des phénomènes de ce genre peuvent donc expliquer les écarts. Pour certaines actions, les conseils régionaux et l'État ont décidé de se répartir les projets, certains étant financés totalement par les régions, d'autres par l'État, ce qui peut aussi expliquer un certain décalage dans le rythme d'avancement.

J'en viens à l'importance relative du financement des contrats de plan dans les budgets d'investissement de l'État. Le contrat de plan actuel, qui représente un engagement annuel théorique de 2,5 milliards d'euros, a été exécuté, selon les années, entre 1,8 et 2,2 milliards d'euros, soit 10 % à 13 % du budget civil d'investissement de l'État. Au cours des onze dernières années, l'investissement de l'État sur les contrats de plan a été en moyenne de 2 milliards d'euros, avec d'assez faibles variations. On observe donc une certaine constance en la matière.

Pour les régions, on constate en revanche de grandes variations, qui peuvent aller du simple au double voire au triple, entre les années comme entre les régions, en fonction de l'état d'avancement des projets. L'État est plus linéaire dans la mobilisation de ses crédits. Les contrats de plan représentent environ le tiers des budgets d'investissement des conseils régionaux.

On observe aussi une très grande hétérogénéité dans l'impact des contrats de plan sur les finances locales. Cela tient pour partie aux écarts de richesse entre les régions et au niveau de dépenses de chaque conseil régional. On constate ainsi de très grandes différences entre les pressions fiscales et les dettes par habitant, qui reflètent les stratégies financières des conseils régionaux. Ces derniers ayant décidé de faire plus ou moins appel à l'endettement ou à la fiscalité pour couvrir leurs dépenses d'investissement, il est difficile de porter une appréciation générale à ce propos.

S'agissant des fonds structurels, je rappelle que le total objectif 1 et objectif 2, toutes dépenses confondues, est de 33 milliards et que l'Union européenne en apporte le tiers. Les crédits des contrats de plan ont pu servir, dans un certain nombre de cas, de contreparties nationales aux fonds européen. C'est souvent le cas dans les départements d'outre-mer, où les crédits européens sont abondants. Mais les champs de compétence et les poids relatifs de ces crédits ne sont pas les mêmes. Alors que 40 % des contrats de plan sont consacrés aux infrastructures de transports, il ne s'agit que d'un investissement marginal au titre de l'objectif 2, au moins en métropole, avec quelques exceptions comme Ports 2000 ou le tunnel du Lioran. On estime qu'il y a entre 15 % et 20 % des champs d'action des crédits européens et des crédits de contrats de plan qui se chevauchent, qui sont des contreparties officielles ou qui sont complémentaires dans le cadre de stratégies globales, mais il faudrait procéder à une analyse plus fine, opération par opération.

Les documents de programmation (DOCUP) ont été préparés en liaison entre l'État et les régions et l'exécution se fait dans le cadre d'un comité de programmation coprésidé par le préfet de région et par le président du conseil régional. La part de l'État et celle des régions dans les contreparties aux crédits européens sont équivalentes, soit environ 20 % du total de la dépense.

Le taux de programmation des DOCUP est élevé : on était, au 31 mars 2005, à 73 % pour les crédits FEDER et FSE (objectifs 1 et 2), et à 92 % en termes de dossiers déposés. C'est parce que le taux de consommation a été très bon que les crédits se raréfient. Ce taux s'est amélioré après les mesures de simplification prises début 2002. Le système européen a aussi un dispositif sévère de dégagement d'office si les crédits n'ont pas été consommés dans les deux ans qui suivent la programmation. Ce sont les inquiétudes que ce mécanisme avait suscitées au printemps 2002 qui ont entraîné la simplification. Cette dernière a provoqué un très fort redressement, puisque la France n'a rendu, pour 2003 et 2004, qu'une trentaine de millions d'euros, soit 0,02 % du total des programmes. L'essentiel de ces crédits sont des crédits FSE, programmés sur l'objectif 2, que les régions ont du mal à mobiliser à fond. Il convient de rester très attentif à la bonne exécution des programmes pour continuer à éviter le dégagement d'office, puisque cette règle vaut, année après année, jusqu'au terme de la programmation, fin 2008. Mais on peut dire que, jusqu'à aujourd'hui, les dégagements d'office n'ont pas représenté plus que « l'épaisseur du trait ».

Je souhaite, pour conclure, vous apporter quelques éléments sur l'avenir de la politique contractuelle. Nous avons, avec les contrats de plan État-régions, une construction éprouvée depuis vingt ans, largement reconnue par tous, qui permet, notamment lors de la préparation, des échanges entre l'État et les acteurs locaux sur les stratégies régionales, les priorités d'équipements et la cohérence entre les politiques publiques. Ce dispositif est également propice à un décloisonnement entre les collectivités territoriales et l'État, mais aussi entre les collectivités elles-mêmes ; il a aussi permis d'accentuer la territorialisation d'un grand nombre de politiques publiques. Il a joué un certain rôle de péréquation, même si cela reste modeste, ne serait-ce que parce que les crédits sont assez limités par rapport au volume des dotations de l'État aux collectivités territoriales.

Mais ce dispositif rencontre aussi un certain nombre de limites. Ainsi, la répartition des compétences, avec un nombre d'intervenants financiers considérables pour certains projets, devient difficilement compréhensible pour le citoyen. Le système a été plutôt inflationniste et il a sans doute atteint ses limites en termes d'engagements financiers, on le voit avec les difficultés d'exécution de la programmation actuelle.

Il conviendra de le réformer à la lumière de la deuxième phase de la décentralisation, dans la mesure où certains champs couverts par les contrats de plan, comme les routes et certains dispositifs de l'éducation nationale et de la formation professionnelle, vont être partagés autrement.

Ce dispositif a aussi tenté de prendre en compte le cadre européen, qui a nettement été à l'origine de la période de programmation actuelle, avec une prolongation d'un an de la génération précédente et, pour la première fois, des contrats de plan sur sept ans, conformément à la décision de l'Union européenne sur les DOCUP actuels. Cela permet d'avoir une phase stratégique et une période d'exécution communes. Nous engageons la phase stratégique préalable aux prochains DOCUP, avec des axes thématiques mieux ciblés que précédemment : emploi, innovation et économie de la connaissance, protection de l'environnement et prévention des risques, accessibilité aux services de transports et de télécommunications. Nous devrons probablement tenir compte, dans la prochaine génération de contrats de plan, des futures politiques régionales européennes.

Le rapprochement DOCUP - contrats de plan a pu aussi être source de complexité administrative et de difficultés à rassembler les cofinancements en temps utile, ce qui n'a pas toujours été favorable à l'avancement des projets.

Le comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT) de décembre 2003 à fixé un certain nombre de lignes, notamment d'inscrire l'action publique dans une vision à long terme, de redonner une lisibilité et une crédibilité aux contrats - ce qui implique des contrats plus courts et plus resserrés -, et de donner aux couples État-régions une force dans la conduite de ces grandes politiques structurantes. Il a décidé également d'engager une vaste consultation, en particulier avec les délégations à l'aménagement du territoire et au développement durable des deux assemblées et avec les grandes associations d'élus.

Les analyses convergent assez largement en faveur d'une approche stratégique préalable aux documents de programmation, d'un contenu des contrats plus sélectif, d'engagements mieux respectés, de la notion de chef de file de la région - un grand nombre d'autres collectivités souhaitant être associées au dispositif -, d'une certaine présence de l'État dans la contractualisation infra-régionale, du maintien d'un volet territorial dans les contrats et d'une amélioration des dispositifs de suivi. Il y a quelques divergences sur la durée des contrats de plan, entre cinq et neuf ans, mais plus la durée est longue, plus il faut de clauses de rendez-vous intermédiaires, personne ne souhaitant s'engager sur une période très longue sans visibilité. La DATAR a repris, depuis l'exercice budgétaire 2005, la responsabilité de l'évaluation des contrats de plan, jusque-là exercée par le Commissariat général du Plan et elle cherche à lui redonner un peu de vigueur. Nous réfléchissons aussi, pour la génération future, à un mécanisme de suivi beaucoup plus fiable, qui pourrait prendre la forme d'une extension du dispositif PRESAGE, lequel permet de suivre les DOCUP et les programmes européens de façon extrêmement précise. Ce serait aussi une source de simplification pour les différents organismes concernés.

Moyennant un certain nombre d'adaptations, on constate donc un assez large consensus autour de la poursuite de ce dispositif de contractualisation, dans un cadre renouvelé.

M. le Rapporteur : La procédure des contrats de plan engendre-t-elle plutôt des dépenses ou plutôt des économies pour les collectivités territoriales ?

M. Pierre MIRABAUD : Au total, on a un certain nombre de dépenses, l'objectif d'origine étant d'accélérer l'équipement du pays et de rassembler pour cela les financements de l'État et des collectivités territoriales sur un certain nombre de grands programmes. L'idée était aussi que le fait de développer des programmes communs entre l'État et les collectivités territoriales conduisait à mieux utiliser globalement l'argent disponible des uns et des autres, en évitant des doublons et les gaspillages, au moyen d'une politique plus structurée.

M. le Rapporteur : Quelle est, en masse, la part des dépenses dont l'initiative, la motivation provient respectivement de l'État et des collectivités territoriales ?

M. Pierre MIRABAUD : J'ai participé à l'élaboration de la génération actuelle de contrats, puisque j'étais alors directeur adjoint au délégué, et j'ai le sentiment que, pour une très large partie des projets, il y avait une volonté commune des régions et de l'État puis des négociations afin de savoir comment intervenir financièrement. Pour les routes, qui sont à maîtrise d'ouvrage État, je constate qu'il y a eu jusqu'au bout des négociations, avec les collectivités et à la demande de celles-ci, pour essayer d'ajouter des opérations aux contrats de plan. Certaines collectivités étaient ainsi prêtes à mettre davantage de crédits pour que des projets soient inscrits sur les contrats de plan, lorsque l'État ne pouvait pas contractualiser plus. Sur la fin, il a même été possible de modifier les clés de répartition des financements dans ce sens, parce qu'il y avait une volonté territoriale forte d'engager tel ou tel projet et que l'État était alors prêt à accepter dans ces conditions. Des régions, départements, communes ou intercommunalités ont ainsi mis plus d'argent sur la table et il y a eu croisement et convergence d'intérêts.

M. le Rapporteur : Vous avez situé la part des régions et de l'État dans les contreparties de crédits européens autour de 20 %. Cette part tend-elle à évoluer ?

M. Pierre MIRABAUD : C'est une moyenne depuis 2000, avec une certaine stabilité puisque c'est ainsi que les DOCUP avaient été conçus. On observe, dans l'exécution des DOCUP, une augmentation des contreparties privées, par exemple en ce qui concerne les aides aux entreprises, afin d'améliorer l'effet de levier des crédits européens et des fonds nationaux.

M. le Rapporteur : Les taux d'engagement que vous nous avez indiqués sont assez dispersés. Pourquoi n'est-on qu'à 33 % pour le chemin de fer ? Pour expliquer les 36 % de la santé et du social, vous avez évoqué l'humanisation des hospices : pouvez-vous développer ce point ?

M. Pierre MIRABAUD : Il y avait une volonté politique très forte d'inclure un volet ferroviaire substantiel dans la génération actuelle des contrats de plan, alors qu'auparavant il y a eu très peu de choses contractualisées pour les investissements ferroviaires. Les conseils régionaux ont manifesté un intérêt très fort pour ce sujet et se sont souvent mis d'accord avec l'État. La demande a donc été très forte, alors que les projets n'étaient pas prêts puisque le dispositif était nouveau. Sur les routes à l'inverse, avec des programmes glissants, on était rôdé et les projets pouvaient démarrer rapidement.

M. le Rapporteur : Mais était-il raisonnable de contractualiser pour une telle quantité de projets, alors qu'ils n'étaient pas prêts ?

M. Pierre MIRABAUD : Je ne peux pas répondre à cette question. Cela correspondait à une volonté politique forte du Gouvernement de l'époque. Mais nous avons aujourd'hui beaucoup plus de projets prêts, ce qui montre qu'une véritable impulsion a été donnée. Il faut aussi voir que les projets ont commencé à être prêts au moment où les difficultés économiques et budgétaires ont surgi. On est donc maintenant clairement en retard dans l'exécution.

Pour la santé et le social, je crois que le retard est imputable aux difficultés que rencontre, depuis l'origine, le ministère de la Santé pour donner une véritable priorité à l'humanisation des hospices. Les choses avancent très lentement depuis le début.

M. le Rapporteur : Le Président Augustin Bonrepaux a parlé tout à l'heure du « désengagement de l'État ». Ce sujet a été évoqué à Montpellier avec le préfet de région, en distinguant ce que peut être cet engagement au titre des contrats de plan État-régions et l'engagement global de l'État, territoire par territoire. La DATAR suit-elle également ces crédits hors contrats de plan ?

M. Pierre MIRABAUD : À ce jour, la DATAR n'a pas d'élément à ce propos. Un certain nombre de préfets de région travaillent avec l'INSEE dans ce sens. C'est un exercice compliqué parce que bon nombre de dépenses sont difficilement localisables, comme celles liées aux retraites militaires, qui ne sont pas territorialisées. Dans le cadre de la création de l'Observatoire des territoires au sein de la DATAR et en liaison avec l'INSEE, nous avons la volonté de mieux approcher la totalité des dépenses de l'État, région par région.

M. le Rapporteur : Pourriez-vous nous fournir les éléments dont vous disposez pour les régions où cet exercice est le plus achevé ?

M. Pierre MIRABAUD : Nous pouvons rassembler les documents qui ont été élaborés par les préfets de région et vous les transmettre, avec des limites méthodologiques fortes.

M. le Rapporteur : Au-delà des contrats de plan, la DATAR suit et coordonne la politique des pays, dont un certain nombre des membres de notre Commission s'interroge sur les conséquences dépensières. En effet, tout échelon nouveau, ou du moins tout lieu nouveau de concertation, favorise un partage et une répartition des actions mais pousse aussi - cela nous a été dit dans le cadre de l'intercommunalité - à poser des ambitions nouvelles. Pensez-vous que cette politique, qui n'est pas vraiment très claire, y compris au niveau législatif, incite les collectivités territoriales et les structures intercommunales à prévoir de nouvelles dépenses ?

M. Pierre MIRABAUD : Pour nous, le pays n'est pas un échelon de plus mais un dispositif qui doit permettre d'organiser une politique publique sur un territoire, et donc de favoriser les choix et les priorités des acteurs communaux et intercommunaux. Nous souhaitons très vivement faire en sorte que la coordination des investissements et des politiques publiques mises en œuvre évite des redondances d'équipements démultipliés sur des territoires proches, et favoriser ainsi une meilleure utilisation de la dépense publique. Il est vrai que les pays sont des territoires où se développent des ambitions, mais, pour la DATAR, avoir des territoires ambitieux est, en soi, un objectif plutôt satisfaisant. Se développe ainsi une certaine vision de l'action publique qui peut amener des investissements en matière de services publics, de services au public, d'accueil des entreprises, d'organisation générale. Après, il faut faire des choix. Mais cela peut donner lieu à des dépenses nouvelles par les différents acteurs.

Le soutien de la DATAR ou des fonds européens vise clairement à éviter l'éparpillement de l'action publique, donc à favoriser, sur un territoire donné, une politique concertée qui soit la plus efficace possible en termes de services rendus à la population et aux acteurs socioéconomiques.

M. le Rapporteur : Les politiques de discrimination fiscale, telles qu'on les connaît depuis la loi Pasqua, ont-elles des effets sur le taux de fiscalité des communes qui en bénéficient ?

M. Pierre MIRABAUD : J'avoue n'en avoir aucune idée. La DATAR n'a pas réalisé de travaux sur ce sujet. J'ignore si la DGCL ou la DGI en ont mené, mais nous n'avons pas, à ma connaissance, de données sur une corrélation entre les avantages fiscaux et la politique fiscale des territoires concernés.

M. le Rapporteur : Je ne suis pas sûr d'avoir totalement compris - mais nous auditionnerons la semaine prochaine le Directeur des routes - comment, avec la modification des compétences, les régions vont désormais intervenir dans le financement du réseau routier national et du réseau départemental étendu. La Direction des routes envisage un maintien de l'effort net de chaque collectivité, mais avec la récupération de la TVA, la part des concours financiers qui arrivera dans la caisse des conseils généraux sera de fait augmentée. Pouvez-vous nous expliquer le mécanisme ?

M. Pierre MIRABAUD : Il est convenu que ce qui est inscrit aux contrats de plan actuels sera exécuté à l'avenir quelle que soit la maîtrise d'ouvrage de la route concernée. Les engagements seront donc maintenus tels quels. L'opération pourra, soit rester sous la maîtrise d'ouvrage de l'État jusqu'à l'exécution financière du contrat programmé, soit être reprise par la collectivité, avec, alors, un transfert des crédits d'État.

L'impact financier est essentiellement dû à la possibilité nouvelle de récupération du FCTVA. In fine, le dispositif doit aboutir à ce que, grâce à un accord entre l'État et les régions, les conseils généraux ne soient plus appelés à financer les travaux inscrits aux contrats de plan pour les routes nationales. Les départements ne travailleront donc plus que sur leur propre réseau, étendu par le transfert d'un certain nombre de routes nationales, et pourront contractualiser avec les conseils régionaux.

M. le Rapporteur : Quelle est, a priori, la position des régions vis-à-vis de cette évolution ?

M. Pierre MIRABAUD : Je ne peux pas vous le dire.

M. Louis GISCARD d'ESTAING : Parmi les justifications apportées aux hausses de la fiscalité régionale évoquées devant notre Commission d'enquête, certains responsables régionaux ont mis en avant ce qu'ils ont appelé le « désengagement de l'État ». Je souhaite donc vous poser trois questions précises sur ce point.

En ce qui concerne la part relative de l'État et des régions dans le financement des quatre dernières générations de contrat de plan, on est passé d'une répartition 60-40 en 1984 à 50-50 pour la génération actuelle. Peut-on, en conséquence, parler de transfert de financement de l'État vers les conseils régionaux, donc de désengagement, à la signature des contrats ?

Les montants à la charge de l'État sont passés, en valeur absolue, de 6,3 milliards d'euros en 1984 à 16,6 milliards d'euros en 2000. Peut-on dès lors parler d'engagement sincère et réaliste de l'État, compte tenu de l'absence à la fois d'un mécanisme de sécurisation budgétaire et d'un dispositif de report des crédits non consommés ?

Enfin, s'agissant des deux premières années de l'exécution des contrats 2000-2006, pouvez-vous éclairer notre Commission sur le taux d'exécution pour les années 2000 et 2001, c'est-à-dire sur le respect des engagements des signataires eux-mêmes avant l'alternance en 2002 ? Nous savons déjà que l'annuité théorique à la charge de l'État est en légère diminution pour l'actuelle génération par rapport à la précédente et nous pouvons donc nous interroger sur le respect des engagements de l'État au cours de ces deux années.

M. Pierre MIRABAUD : Je ne crois pas qu'on puisse parler de « désengagement de l'État » puisque, globalement, le volume de ses engagements a crû considérablement d'une génération à l'autre, avec des inscriptions en valeurs absolues de plus en plus fortes sur un certain nombre de lignes budgétaires et un élargissement du champ à de nouvelles préoccupations, comme la politique de la ville ou la cohésion sociale.

La part des régions a augmenté plus rapidement, d'une part parce que ces collectivités relativement nouvelles avaient une marge de progression plus importante, d'autre part parce que l'État a eu la volonté de faire appel de plus en plus à des financements régionaux. Il y a eu aussi, de la part des acteurs locaux, un intérêt marqué pour la réalisation d'un certain nombre d'investissements. Chacun sait, par exemple, l'intérêt que portent les collectivités au réseau routier ou aux universités. Le plan Universités 2000 a ainsi été l'occasion de créer, dans de nombreuses villes moyennes, des antennes universitaires pour lesquelles les contributions locales ont été assez faciles à mobiliser. J'ai même l'impression que, dans certains cas, l'État n'a pas mis beaucoup d'argent pour la réalisation de l'opération. Je ne crois pas en tout cas qu'il ait beaucoup brusqué les collectivités territoriales, et, la plupart du temps, un accord a été obtenu sur l'augmentation des sommes en jeu.

Avec 2,45 milliards d'euros, la part théorique annuelle de l'État dans la génération actuelle est un peu inférieure à ce qu'elle était dans la génération précédente. Mais il ne faut pas oublier que l'exécution réelle s'est faite sur six ans au lieu de cinq. L'État est sans doute allé, dans la génération actuelle, au bout de ses possibilités financières. Certes, on n'avait pas prévu la mauvaise conjoncture économique internationale qui a entraîné des difficultés budgétaires et a amené l'État à réduire son financement annuel, mais il y avait, au moment de la signature des contrats, une ambition très forte. La conjoncture n'a pas permis de la respecter.

L'État a mis en place environ 11 % de l'enveloppe initiale en 2000 et 12,4 % en 2001, pour une part théorique d'un septième, soit environ 14 %. On observe des inégalités assez importantes suivant les lignes budgétaires, avec un problème manifeste pour le ferroviaire puisqu'on est autour de 5 % au début de la période, faute de projets à financer, qui viennent embouteiller la ligne après.

Une des difficultés de l'exécution des contrats de plan actuels tient au fait qu'ils ont été bâtis avec des projets qui n'étaient pas suffisamment mûrs, et donc avec l'idée qu'on pourrait augmenter les crédits, année après année. On voit, a posteriori, que cette idée est difficilement applicable, car les tranches annuelles ne sont pas régulières : avec de petits septièmes au début et des gros à la fin, les contrats sont très difficiles à respecter.

J'ajoute que si l'on se donne toujours l'ambition d'exécuter totalement les contrats de plan, on n'y parvient presque jamais et qu'il est assez classique de connaître des difficultés durant le parcours.

M. Pascal TERRASSE : Dans le prolongement de la question posée par M. Louis Giscard d'Estaing, il me semble qu'il serait utile que notre Commission dispose des courbes d'exécution des contrats de plan depuis leur création. À partir du moment où un contrat est signé, il y a d'abord une période d'études, notamment pour les infrastructures lourdes, et ensuite la réalisation. La difficulté, vous l'avez dit, est que les crédits de l'État sont affectés régulièrement alors que la montée en charge se fait sur la durée du contrat, avec un appel à crédits très important à la fin. Peut-être faudrait-il, par conséquent, envisager un financement moins régulier.

Les pays, dits « Voynet », bénéficient de crédits de l'État au titre du FNADT, dont vous avez la gestion. Mais il semble que le concept de pays ne s'applique pas à toute la France, certains territoires passant des contrats directement avec les régions, en dehors de la « procédure Voynet ». Pouvez-vous nous indiquer si tous les pays bénéficieront des mêmes avantages et s'ils se verront affecter des crédits du FNADT, qu'il soit régionalisé ou géré directement par vous ?

Ne serait-il pas, par ailleurs, utile de caler la durée des contrats de plan sur celles des DOCUP ? Pour ma part, je me fais beaucoup de souci à propos des futurs fonds structurels européens, compte tenu des perspectives financières. Vous avez rappelé les grandes orientations de ces fonds et on voit bien, compte tenu de la raréfaction des crédits d'État, la nécessité que sa contrepartie intervienne sous des formes plus croisées avec celle des collectivités territoriales. Comment cela se passera-t-il avec des DOCUP non plus territorialisés mais thématiques, comme vous nous l'avez indiqué ?

Vous avez relevé que l'exécution des opérations relatives au sanitaire, aux hospices en particulier, ne dépassait pas 36 %. Alors que les Français se posent beaucoup de questions sur l'avenir des maisons de retraite et que le débat sur le travail un jour férié agite les esprits, on comprend mal pourquoi l'État semble traîner les pieds. Les directeurs d'hôpitaux nous disent que les procédures sont engagées, que les opérations sont prêtes, mais les DRASS n'ont pas d'argent... Pouvez-vous nous donner des explications à ce propos ?

Enfin, alors que certains s'interrogent sur l'utilité de la DATAR, que l'Europe est en train de s'organiser grâce, probablement, à une Constitution, et que les régions et l'ensemble des collectivités territoriales prennent de plus en plus d'importance avec la décentralisation, comment voyez-vous l'avenir d'une délégation très liée par essence à l'État-nation ? La DATAR devra-t-elle davantage se régionaliser ou s'européaniser ?

M. le Rapporteur : Il me semble que cette dernière question, pour importante qu'elle soit, sorte largement du sujet...

M. Pascal TERRASSE : Le Délégué n'est pas obligé de me répondre, mais la question méritait d'être posée.

M. Pierre MIRABAUD : Nous avons du mal à retrouver des éléments précis sur l'exécution des deux premières générations de contrats de plan et je ne puis donc vous répondre avec certitude. Il semble qu'ils aient été exécutés de façon assez convenable.

Pour la génération précédente comme pour la génération actuelle, les choses ne commencent pas trop mal et la baisse survient ensuite. Ainsi, la génération 1994-1999 a connu un pic en 1995 et un creux en 1999. Cette courbe en cloche est assez semblable pour la génération actuelle.

S'agissant des pays, l'État contractualise les relations avec ceux qui sont reconnus au titre de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire (LOADT), le processus de reconnaissance ayant été simplifié en 2003. L'État est aussi prêt à contractualiser avec d'autres organisations territoriales, lorsque ce sont des établissements publics de coopération intercommunale. Il ne saurait y avoir de couverture automatique de tout le territoire par des pays : s'il n'y a pas de volonté des acteurs territoriaux, on créerait un outil encombrant et inutile.

M. Pascal TERRASSE : Les pays ne seront donc pas généralisés à l'ensemble du territoire.

M. Pierre MIRABAUD : Non. Les crédits FNADT concernés sont destinés à des pays reconnus par l'État.

M. le Président : L'État n'a-t-il pas signé des contrats de pays sans se donner les moyens d'honorer sa signature ?

M. Pierre MIRABAUD : L'État met en place, cette année comme l'an dernier, un septième des engagements du FNADT sur la partie contractualisée, attribuée aux préfets de région au titre des contrats de plan. Sur 1,1 milliard d'euros contractualisé au titre du FNADT pour la génération actuelle, nous avons délégué plus de 150 millions d'euros l'an dernier, et nous déléguerons plus de 170 millions d'euros cette année. L'essentiel est consacré aux contrats d'agglomération et aux contrats de pays.

M. le Président : Connaissez-vous les futurs DOCUP et le montant de crédits prévus à partir de 2006 ?

M. Pierre MIRABAUD : Non. La France a formulé un certain nombre de propositions. Des discussions sont en cours, au sein de l'Union européenne, sur le poids que pourrait avoir la politique de cohésion sociale, avec ses trois objectifs : la convergence, qui concerne essentiellement les nouveaux États membres et, pour la France, les départements d'outre-mer, la compétitivité, qui concerne l'ensemble du territoire national, et la coopération régionale. On a aussi émis des idées sur la répartition entre ces trois objectifs. Mais on ignore quel sera le budget de l'Union pour la période qui va s'ouvrir et les négociations sur les perspectives financières sont en cours, sans que nous en connaissions les échéances. La présidence luxembourgeoise s'emploie à trouver un accord d'ici le Conseil du mois de juin, mais je ne suis pas associé à ces négociations et je ne puis pas vous dire comment les choses se présentent.

Ce qui semble certain, c'est qu'il y aura des crédits pour une nouvelle génération de fonds structurels sur le territoire métropolitain. J'ignore leur montant, mais il sera sans doute inférieur à ce qu'il était antérieurement. Nous sommes aujourd'hui dans le cadre de la préparation de cette future génération. La France doit proposer sa stratégie nationale, mais on est encore bien loin de la réalisation des documents de programmation.

La question du recoupement des périodes d'exécution des DOCUP et des contrats de plan va se poser. Mais le choix n'a pas encore été fait entre un accompagnement systématique des politiques européennes à l'aide des contrats de plan et une claire distinction des deux. Il est évident que des domaines resteront distincts : il n'est pas envisageable de consacrer des crédits européens à des programmes routiers, alors qu'il nous en reste pourtant un certain nombre à réaliser. Plutôt que d'additionner tous les moyens sur une même politique, il faudra voir comment les politiques peuvent être complémentaires, les contrats de plan mettant l'accent sur certaines priorités, les futurs programmes européens sur d'autres. Mais tout cela fait encore partie des sujets de réflexion.

Il m'est impossible de vous dire pourquoi le ministère de la Santé en est là sur les hospices. Chaque ministère appelle ses crédits et la DATAR se contente d'observer les choses. Je rappelle que la modernisation des hospices ne bénéficie de subventions de l'État qu'à titre exceptionnel, le principe devant plutôt être un financement par les organismes d'assurance sociale via le mécanisme du prix de journée. Même si le contrat de plan était complètement exécuté, les lignes budgétaires sont assez minoritaires dans le financement des hospices. Le nouveau dispositif qui se met en place avec la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie va, par ailleurs, prendre le relais.

S'agissant enfin de l'avenir de la DATAR, j'ai la conviction qu'elle a toute sa place dans l'organisation de l'État. Elle doit travailler en parfaite intelligence avec ses partenaires territoriaux, en particulier avec les conseils régionaux qui sont les premiers d'entre eux, et avec l'Union européenne, au sein de laquelle peuvent être conduites de plus en plus de politiques d'aménagement du territoire. Même si les organisations sont très différentes, il y a d'ailleurs des contacts très réguliers entre les délégués des différents pays.

M. Jean-Pierre GORGES : Je souhaite que nous disposions de tous les éléments nécessaires pour apprécier si, en 2005, l'évolution des engagements de l'État dans les contrats de plan a pu avoir des incidences sur la fiscalité des régions.

Dans la mesure où les projets font souvent l'objet de financements croisés, le fait qu'ils ne se réalisent pas n'est pas forcément une mauvaise nouvelle pour les collectivités territoriales, car cela signifie qu'elles devront engager moins d'argent et qu'elles pourront contenir la hausse de leur fiscalité. Car, derrière les investissements, il y a du fonctionnement, et c'est d'ailleurs ce qui conduit souvent une équipe qui arrive à la tête d'une collectivité à stopper les projets lancés par celle qui l'a précédée.

Les choses peuvent toutefois être différentes lorsque les régions continuent à vouloir mener à bien un projet en dépit d'un désengagement de l'État, qu'elles sont alors obligées de compenser. Avez-vous des exemples de telles situations, dans lesquelles les régions, pour poursuivre un projet dans lequel l'État ne met pas les fonds qu'il avait pris l'engagement de mettre, sont obligées d'ajuster leur fiscalité ? Une réponse négative permettrait d'éliminer les contrats de plan de la liste des suspects.

M. Pierre MIRABAUD : Nous avons le sentiment que cela n'a pas d'impact, notamment parce que le ralentissement de l'engagement de certains crédits de l'État a provoqué concomitamment le ralentissement de l'engagement des régions.

M. le Rapporteur : Cela devrait alors entraîner une baisse de la fiscalité régionale...

M. Pierre MIRABAUD : Je ne crois pas qu'on puisse dire que l'État se désengage : si le rythme d'exécution des contrats de plan s'est ralenti, l'État n'a pas, à ce jour, renoncé à des projets. Il met en place les crédits sur un rythme différent de l'engagement initial.

Je l'ai déjà indiqué, s'agissant des routes, les conseils régionaux, les conseils généraux et les communes ont assez systématiquement versé leur concours dès l'engagement des opérations, conformément au plan initial, l'État intervenant pour sa part plus tard que prévu. Il s'agit alors d'une avance de trésorerie pour l'État, mais cela ne coûte pas plus aux régions et on ne peut pas parler de transfert de financement.

M. le Président : Cela ne date pas de cette année !

M. Pierre MIRABAUD : Il y a en effet une règle ancienne qui veut que lorsqu'il y a des fonds de concours sur des opérations à maîtrise d'ouvrage de l'État, ces fonds sont versés au démarrage de l'opération. La collectivité fait donc une avance de trésorerie à l'État, qui met plus de temps à verser les fonds, ne serait-ce que parce qu'il doit obtenir le visa du contrôleur financier au titre des marchés publics.

Il a pu arriver que cette avance soit assez longue en raison du gel des crédits de l'État, mais on ne peut pas parler pour autant de dépense supplémentaire pour les collectivités territoriales.

M. Jean-Yves LE DRIAN : Mais si vous payez à la place d'un autre, il faut bien trouver l'argent quelque part... Et il faut être sûr que l'autre soldera un jour !

M. le Président : Si l'État, maître d'ouvrage, n'engage pas ses crédits en temps voulu et que les travaux avancent, qui paie ?

M. Pierre MIRABAUD : L'État, maître d'ouvrage, qui a contracté avec les opérateurs de travaux publics, paie au moyen de ressources financières mobilisées auprès des collectivités territoriales, selon la clé du contrat de plan, et versées sous la forme de fonds de concours à l'État, en général au démarrage de l'opération puisqu'elles sont exigées, au titre du contrôle financier, pour la signature des marchés. C'est en ce sens qu'on peut parler d'avance de trésorerie : au lieu de payer au fur et à mesure de l'avancement des travaux, les collectivités paient au démarrage. Mais ce n'est pas une avance remboursable puisqu'au bout du compte l'opération va se réaliser et qu'on va retomber, à la fin, sur la clé de financement initiale, en général 50-50 pour des travaux routiers en rase campagne. S'il y a des intérêts moratoires parce que les travaux ont été achevés avant la disponibilité effective des crédits de paiement, c'est l'État qui les acquitte. Je le répète, il s'agit d'un phénomène de mobilisation plus ou moins rapide des crédits de l'un ou de l'autre, et pas du tout d'un transfert de charges, ou de l'engagement de frais financiers particuliers.

M. Jean-Pierre GORGES : Si, parce que l'État n'a pas exécuté le contrat au rythme prévu, le projet est réalisé bien après le versement du concours de la collectivité, ce n'est pas un risque financier mais un risque politique que court son responsable, d'autant qu'il y aura un décalage entre l'augmentation de la pression fiscale et la réalisation effective du projet.

M. le Président : Les collectivités paient-elles hors taxes ou TTC ? Qui récupère la TVA ?

M. Pierre MIRABAUD : L'État paye TTC et les collectivités paient en fonds de concours leur part sur le montant TTC.

M. le Président : L'État fait donc une économie de 19 % !

M. Pierre MIRABAUD : Il n'y a pas de FCTVA en la matière. Ce n'est pas nouveau, sauf certaines réglementations particulières.

Pour revenir sur la question de M. Jean-Pierre Gorges, je rappelle que je suis un haut fonctionnaire et que j'ignore ce qu'est un « risque politique ». Le chantier n'avance pas aussi vite qu'aurait pu le souhaiter la collectivité cofinanceur.

M. Jean-Pierre GORGES : Le risque, c'est qu'une région fixe son budget et sa fiscalité en fonction d'un projet qui ne sera mené à bien que sept ans plus tard. On fait payer au contribuable quelque chose qu'il ne réalise pas, du moins pas tout de suite.

M. le Rapporteur : Pour le dire autrement, cela exige plus d'impôts techniquement qu'il n'en est besoin physiquement au débat, et on s'habitue à prélever plus que nécessaire.

M. Pierre MIRABAUD : La période n'est quand même pas très longue, puisqu'on mobilise le fonds de concours de la collectivité territoriale quand le projet est prêt et quand on espère pouvoir l'engager. Le décalage peut donc être d'un ou deux ans, pas de sept, et il a plutôt tendance à se réduire, car les conseils régionaux se sont aperçus qu'ils faisaient un peu de trésorerie pour le compte de l'État, ce qui les a amenés à être plus attentifs à la date de versement des fonds de concours.

Il semble que, dans un nombre limité de cas, la difficulté à mobiliser les crédits de l'État, des collectivités territoriales aient décidé, soit de payer le surcoût d'une opération, comme cela a été fait pour l'opération ferroviaire Cannes-Grasse, soit de décroiser les financements, notamment en Rhône-Alpes, la région prenant totalement en charge une opération et l'État une autre, sans que les deux soient alors simultanées. Il y a quelques exemples assez récents, et les opérations avancent alors à des rythmes différents.

M. Jean-Pierre GORGES : Mais vous n'avez pas d'exemple dans lequel le décalage de l'intervention de l'État pourrait justifier des mesures de précaution fiscale ?

M. Pierre MIRABAUD : Non, mais l'ensemble des crédits contractuels ne transite pas par la DATAR, chaque ministère travaillant directement avec les préfets de région. Nous ne suivons donc pas au jour le jour l'ensemble des opérations, ce qui complique notre analyse.

M. Jean-Yves LE DRIAN : Il faudra bien, d'une manière ou d'une autre, solder les contrats de plan. Vous avez laissé entendre, même si la décision politique n'est pas encore prise, que l'on pourrait harmoniser la durée et le calendrier des contrats de plan et des fonds structurels. Or, une partie non négligeable du financement français des fonds européens figure dans les contrats de plan, pour les régions et pour l'État. Les présidents de région et tous ceux qui sont concernés par les contrats de plan souffrent d'un manque de lisibilité des engagements de l'État. J'aimerais donc que vous nous fournissiez la liste des programmes FEDER adossés aux contrats de plan qui tomberont à l'eau s'ils ne sont pas engagés avant fin 2006, car c'est alors la collectivité qui devra, non pas faire une avance, mais payer directement si ces investissements sont vitaux pour elle. J'ai en tête, dans ma région comme dans d'autres, un certain nombre de projets qui sont prêts et qui ne pourront pas être engagés si le financement de l'État n'intervient pas avant cette date fatidique.

M. Pierre MIRABAUD : Des opérations sont effectivement dans cette situation, mais je ne dispose d'aucune liste et je me demande si elles sont vraiment nombreuses. Certes, les contrats de plan sont la contrepartie d'un certain nombre d'opérations des DOCUP. Les préfets de région ont commencé, en accord avec les présidents de conseils régionaux, à se pencher sur cette question, profitant souvent de la révision des DOCUP pour essayer de clarifier les choses et de faire en sorte que les crédits de l'État soient affectés en priorité à ces opérations, pour éviter que l'on perde des crédits européens. Tout le monde est très attentif à cette question.

Je rappelle par ailleurs que la programmation des DOCUP s'achèvera fin 2006, ce qui nécessite que les cofinancements soient acquis, alors que l'exécution doit intervenir avant fin 2008 pour la mobilisation des crédits de paiement.

M. Alain GEST : Je souhaite revenir à la première question qu'a posée notre rapporteur : l'existence même des contrats de plan n'est-elle pas inflationniste pour les collectivités territoriales ? Les compétences qui sont en jeu dans les contrats de plan sont presque exclusivement des compétences de l'État, on le voit bien avec les routes nationales. On peut donc se demander si la procédure des contrats de plan n'est pas en elle-même à l'origine de dépenses supplémentaires pour les régions, dans la mesure où elle les amène à contractualiser sur des sujets qui ne sont pas de leur compétence et où l'État paie TTC une somme qui rentre dans ses propres caisses avec la TVA.

Il est vrai par ailleurs que le phénomène d'avance n'est pas nouveau : je l'ai constaté, au sein d'un conseil régional, lors de trois contrats de plan successifs. Mais je me souviens que le conseil régional de Picardie avait procédé de la sorte en ce qui concerne des travaux routiers pour lesquels l'État ne pouvait pas mobiliser immédiatement ses crédits, sans que cela entraîne une hausse sensible de la fiscalité régionale, et je comprends mal pourquoi il en irait différemment aujourd'hui. Il serait donc vraiment intéressant de disposer de l'état d'avancement comparé pour les différentes générations de contrats de plan.

Vous avez indiqué par ailleurs avoir quelque difficulté à assurer le suivi du financement des contrats de plan dans certaines régions. Je constate en particulier que certaine région ayant augmenté de 36 % sa fiscalité ne vous a pas fourni son rythme d'exécution du contrat de plan. J'aimerais avoir des explications à ce propos, car il est important pour nous de comprendre s'il y a un lien entre l'avancement du contrat et l'augmentation de la fiscalité d'une région.

M. Pierre MIRABAUD : À l'origine, les contrats de plan ont permis de faire venir des financements des collectivités territoriales sur des compétences de l'État. Au fur et à mesure de l'avancement des contrats et de l'élargissement de leur champ, les choses sont devenues moins nettes. Ainsi, quand l'État finance des contrats d'agglomération ou des contrats de pays, il ne s'agit pas de ses propres compétences, mais d'un accord entre lui et les acteurs locaux. Cela vaut aussi en matière d'aide économique. Un certain rééquilibrage est donc intervenu...

M. Alain GEST : En termes de volume ou de nombre de compétences ?

M. Pierre MIRABAUD : Je pense qu'on est passé de 90/100 % à 70 % aujourd'hui d'engagements sur compétences État. Mais les contrats de plan ont permis, de manière délibérée, de financer des dépenses nouvelles. Telle était la volonté des cocontractants. Cela leur a permis de mieux organiser la dépense publique, dans le cadre d'une vision stratégique commune.

S'agissant de la Picardie, le conseil régional avait une forte volonté de mettre en place rapidement les fonds de concours, avec l'idée de pousser l'État à s'engager plus vite. Cela a donné à la région une bonne année d'avance, et a ainsi permis de faire avancer des chantiers sans modifier, in fine, la part de financement de l'un et de l'autre.

En ce qui concerne l'état d'avancement, nous n'avons pas encore reçu tous les documents régionaux pour 2004. Leur établissement est assez difficile, mais je pense que nous pourrons compléter le tableau dans les prochains mois. La comparaison est aussi rendue difficile par les différences méthodologiques entre un certain nombre d'éléments. Cela confirme que nous avons besoin d'un outil commun du type PRÉSAGE pour les fonds européens.

M. Michel DIEFENBACHER : Nous constatons un décalage dans le rythme d'exécution des contrats de plan et nous avons identifié deux causes : la raréfaction des crédits d'État dans certains domaines et l'optimisme des inscriptions. Il serait donc intéressant de pondérer ces deux éléments d'appréciation. Mais je me demande surtout s'il n'y en a pas un troisième puisqu'il apparaît parfois, après l'inscription de certaines opérations, notamment ferroviaires, dans les contrats de plan, qu'elles ne sont pas justifiées économiquement. C'est ce qui s'est passé avec le fameux train pendulaire Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, auquel les élus ont cru, à la différence de la plupart des techniciens, des administratifs et des financiers, et qui a été différé, si ce n'est annulé. Il serait intéressant de disposer de l'analyse, faite après coup, qui a montré l'absence de faisabilité économique de cette opération. On en conclura sans doute que cette analyse aurait dû être faite avant...

M. le Rapporteur : M. Jean-Marie Bertrand, Directeur général de RFF, a évoqué une multiplication par neuf, d'un contrat de plan à l'autre, de l'enveloppe destinée aux projets d'infrastructures ferroviaires. Cela conduit notre Commission d'enquête, sans vous demander de prendre une position politique, à vous interroger sur la rationalité d'une telle évolution.

M. le Président : L'actuelle génération des contrats de plan fait apparaître un milliard d'euros pour le ferroviaire et quatre milliards d'euros pour les routes. Ce chiffre tient-il compte des inscriptions initiales ou des corrections qui ont été faites, par exemple avec l'abandon du projet de train pendulaire ? Pensez-vous que cette somme est démesurée ou qu'elle est insuffisante pour remettre à niveau le réseau ferroviaire actuel ? J'ai plutôt l'impression que les crédits de renouvellement sont insuffisants.

M. Pierre MIRABAUD : M. Patrice Raulin, que vous allez auditionner dans quelques instants, sera mieux à même que moi de répondre sur le volet ferroviaire des contrats de plan.

La volonté a été très forte, lors de la signature des actuels contrats, de ne pas faire du tout routier et de privilégier l'intermodalité, dans le cadre d'une politique générale de lutte contre les conséquences de l'effet de serre. C'est pour cela qu'ont été inscrits des crédits importants, même si les projets n'étaient pas prêts et si on savait qu'on aurait du mal à les mobiliser dans les premières années du contrat de plan.

Pour le train pendulaire, qui était, comme le TGV, une opération parallèle au contrat de plan, le projet était sans doute encore moins prêt, puisqu'il a finalement été retiré.

Le chiffre d'un milliard d'euros concerne des investissements nouveaux - modernisation de la signalisation, accélération des parcours - et non, au sens strict, des rénovations de lignes. C'est sans doute insuffisant par rapport à des besoins considérables. La question est de savoir combien une collectivité territoriale peut mobiliser si elle veut, non pas réduire la circulation routière, ce qui serait un objectif trop ambitieux, mais au moins limiter la progression du trafic routier. L'ambition initiale était sans doute démesurée par rapport à l'état de préparation des projets qui, la plupart mais pas tous, avaient une incontestable utilité.

M. Michel PIRON : À vous entendre, le désengagement de l'État n'est absolument pas avéré. Il y a donc lieu de s'interroger sur les évolutions plus ou moins brutales de la fiscalité régionale, et j'ai envie de vous poser la question autrement. Certains domaines d'intervention des contrats de plan font l'objet, si ce n'est d'un désengagement de l'État, du moins d'un engagement supérieur ou intensifié des collectivités territoriales. J'aimerais savoir si cela concerne les mêmes domaines dans toutes les régions, ou si l'augmentation de l'effort fiscal est due à des choix différents d'un exécutif à l'autre.

M. Pierre MIRABAUD : Nous ne disposons pas de toutes les informations, notamment pour 2005, mais nous n'avons pas le sentiment que les difficultés d'exécution des contrats de plan soient à l'origine des augmentations de fiscalité des conseils régionaux, si ce n'est à la marge.

M. le Rapporteur : Certains exécutifs régionaux justifient l'augmentation de la fiscalité locale par la nécessité de rattraper des retards d'engagements de la part de leurs prédécesseurs. Pouvez-vous nous confirmer ce phénomène ?

M. Pierre MIRABAUD : Je n'ai pas de tels exemples en tête pour les contrats de plan, qui ne concernent que l'investissement et pas le fonctionnement induit, mais nous n'avons pas posé précisément cette question aux préfets de région.

M. le Président : Vous avez dit que nous en serions, fin 2006, à 75 % d'exécution, qu'il y avait eu 11 % de crédits délégués en 2000, 12,5 % en 2001, et qu'on était tombé ensuite à 11 % en 2002 puis 10,36 % en 2003. Mais nous ne sommes aujourd'hui qu'à 56 % de l'exécution totale, et ce n'est donc pas un an de retard mais deux ans que nous risquons d'atteindre fin 2006. Et je ne parle même pas du ferroviaire, pour lequel nous ne sommes qu'à 33 %...

M. Pierre MIRABAUD : J'ai dit que nous pensions être, fin 2006, entre 75 % et 80 %, mais je reste très prudent car j'ignore ce que sera le budget 2006 et aussi parce que, comme à l'accoutumée, nous ne saurons qu'à l'automne quelles enveloppes seront effectivement déléguées en 2005, compte tenu de la régulation budgétaire et des ajustements en cours d'année. Il s'agit d'un système classique : les crédits sont délégués au fur et à mesure dans l'année, et nous n'aurons qu'à l'automne une vision du volume global des crédits mis en place.

Nous serons à 75 % fin 2006 si nous restons sur le rythme d'un peu plus de 10 % de l'année dernière, et à 80 % si ce rythme peut être accéléré. Il est clair par ailleurs que le retard sur le fer ne pourra pas être rattrapé. J'ai dit que nous avions actuellement un an de retard. Si nous sommes à 80 % fin 2006, cela signifiera que nous aurons un an et demi de retard, et deux ans si nous sommes à 75 %.

M. le Président : N'avez-vous pas l'impression que la programmation des crédits européens a été faite plutôt sur quatre ans que sur six ans, et qu'à certains moments l'État ne s'est pas souvenu qu'il avait signé des contrats de plan, puisqu'on nous dit aujourd'hui qu'il n'y a plus de crédits disponibles sur certaines lignes ? Ainsi, en Ariège, le jour même où on signait deux contrats de pays, on nous annonçait qu'il n'y avait plus de crédits au titre des fonds européens... L'idée de contractualisation a-t-elle été respectée, puisque ce sont finalement ceux qui n'ont pas contractualisé qui ont été servis les premiers, et qu'il n'y a maintenant plus de crédits pour ceux qui ont voulu contractualiser et qui ont reçu l'engagement de l'État ?

M. Pierre MIRABAUD : Il est difficile de reprocher aux contrats de plan d'être en retard et aux DOCUP de s'exécuter comme il faut... Le taux de programmation de ces derniers a aujourd'hui un rythme normal : si on tient compte des dossiers qui sont prêts, on a la certitude qu'on programmera à 100 % pour toutes les régions de France. Il y a eu, à l'occasion de la révision de l'an dernier, un certain nombre de transferts et d'ajustements en fonction des besoins. Toutes les régions ont également bénéficié d'un abondement de crédits au titre de la réserve de performance. En Midi-Pyrénées, une partie importante de cette réserve a d'ailleurs été affectée à la ligne 7 pour la politique territoriale, en accord entre le préfet de région et le président du conseil régional.

Il peut arriver qu'on ait plus de demandes qu'il n'y a de crédits. Dans ce cas, on ne peut pas ajuster ces derniers en fonction de l'augmentation des besoins. Mais je crois qu'il faut se réjouir que la programmation des crédits européens se passe bien et que nous aurons consommé très certainement la totalité des crédits, abondements de l'année dernière compris.

M. le Président : Je vous remercie, M. le Délégué, de vos réponses qui nous ont permis de mieux connaître le fonctionnement des contrats de plan.

Audition de M. Patrice RAULIN,
Directeur des transports terrestres au ministère de l'Équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer


(Extrait du procès-verbal de la séance du 4 mai 2005)

(Des documents fournis par M. RAULIN à l'appui de son intervention sont reproduits en page 321 du tome III du présent rapport)

Présidence de M. Augustin BONREPAUX, Président,
puis de M. Jean-Yves LE DRIAN, doyen d'âge

M. Patrice Raulin est introduit.

M. le Président : Nous accueillons M. Patrice Raulin, Directeur des transports terrestres au ministère de l'Équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

Notre Commission d'enquête s'intéresse particulièrement aux causes de l'évolution récente de la fiscalité locale. Les régions se sont vu transférer la compétence des transports express régionaux, les TER, par la loi sur la solidarité et le renouvellement urbain (SRU), ce qui a entraîné des coûts. Nous avons déjà entendu Réseau ferré de France (RFF) et la SNCF sur leurs relations avec les régions, mais il nous a été indiqué que vous étiez la personne capable de nous éclairer sur le mode de calcul et le montant de la compensation versée par l'État aux régions au titre de l'augmentation du montant des péages, de même que sur l'exécution du volet ferroviaire des contrats de plan.

Nous attendons de vous que vous nous fournissiez ces éléments d'information par écrit, pour chacune des régions, de 2002 à 2004, en analysant les évolutions constatées.

M. le Président rappelle à M. Patrice Raulin que les dispositions législatives relatives aux commissions d'enquête lui ont été communiquées. À l'invitation du Président, celui-ci prête serment.

M. Patrice RAULIN : S'agissant du transfert aux régions de la compétence sur les TER, j'insisterai sur la question des compensations liées aux hausses des péages d'infrastructure. Les barèmes correspondants sont fixés par des arrêtés ministériels pris sur proposition de RFF et après consultation des conseils régionaux. Les péages entrent en ligne de compte dans les coûts de production des TER et se traduisent de ce fait par des dépenses supplémentaires pour les exécutifs régionaux. L'État a été amené à plusieurs reprises à modifier les dotations versées à titre de compensation aux régions, en fonction d'événements intervenus depuis la décentralisation, non seulement globalement mais aussi région par région, avec des effets d'importance variée.

Les règles de calcul de la compensation ont été fixées par l'article 125 de la loi SRU, ainsi que par le décret du 27 novembre 2001 relatif au transfert de compétences en matière de TER. La compensation, prise en compte dans la dotation générale de décentralisation, est constituée de trois composantes :

- premièrement, une contribution pour l'exploitation des services ferroviaires régionaux a été calculée à partir du déficit d'exploitation des comptes TER pour l'année 2000, attestés par un audit d'un cabinet de consultants à partir des comptes produits par la SNCF, puis indexée sur les taux d'évolution de la DGF de 2001 et 2002. Son montant, pour 2002, s'est élevé à 1 129 494 799 euros ;

- deuxièmement, une dotation correspondant à la compensation des tarifs sociaux mis en œuvre par la SNCF à la demande de l'État (familles nombreuses,...). Elle remplace la contribution qui était versée par l'État à la SNCF. Son montant, pour 2002, s'est élevé à 179 722 592 euros ;

- troisièmement, une dotation complémentaire qui a vocation à aider au renouvellement du parc de matériel roulant affecté aux services ferroviaires transférés. Son montant, pour 2002, s'est élevé à 208 688 711 euros.

Le montant global, en 2002, a donc atteint 1 517 906 102 euros, répartis entre les régions par un arrêté ministériel d'août 2002.

Les péages d'infrastructure ont connu une augmentation au 1er janvier 2002. La répartition de la dotation, en 2002, a été opérée sur la base d'une estimation en fonction des chiffres de 2001, car nous ne disposions pas alors de l'état précis des trafics réalisés en 2002. En fin d'exercice, des écarts ont été constatés et une compensation à l'euro près, région par région, a été opérée. Ces ajustements sont intervenus par amendement à la loi de finances rectificative pour 2004. Ces dotations, initialement imputées sur le budget du ministère des Transports, le sont désormais sur le budget du ministère de l'Intérieur, au titre de la dotation générale de décentralisation (DGD).

En 2003, 2004 et 2005, l'évolution de la compensation allouée aux régions s'est effectuée conformément aux règles d'actualisation. En 2004, une nouvelle étape d'augmentation a été nettement plus sensible puisque les péages se sont accrus de 214 millions d'euros hors taxes, soit un versement complémentaire aux régions de 225,8 millions d'euros. Ce complément a été pris en compte dans le calcul de la dotation 2004, et nous sommes en train d'achever le même mécanisme de vérification : à partir des résultats TER 2004, dont nous ne disposons que depuis début 2005. Nous vérifions, région par région, en fonction des informations que nous communiquent la SNCF et RFF, l'effet à l'euro près de ces hausses, ce qui donnera lieu à des modifications traitées par le ministère de l'Intérieur dans le cadre de la DGD.

En résumé, la dotation accordée au moment de la décentralisation était représentative du coût réel du TER à cette époque, calculé dans un audit externe réalisé à la demande des exécutifs régionaux, suite à l'expérimentation effectuée. Depuis 2002, l'État, en application de l'article 125 de la loi SRU et de son décret d'application, a compensé à l'euro près les effets financiers des hausses de péage sur l'activité TER, mais cette compensation intervient toujours en deux temps : à titre prévisionnel en fonction des derniers résultats connus de l'année précédente, puis avec les corrections opérées sur la base de la circulation réelle des trains. Les hausses des péages sont compensées par l'État à hauteur du trafic constaté au moment de celle-ci. Il est en effet légitime que les régions n'aient pas à supporter financièrement les décisions prises par l'État en la matière, pour les services déjà existants.

Je tiens évidemment à la disposition de votre Commission d'enquête le tableau des dotations, région par région. Les corrections de l'effet 2002 intervenu en 2004 se sont traduites, selon les régions, par des corrections positives ou négatives.

M. le Rapporteur : Outre le tableau pour 2002, nous aurons aussi besoin du tableau d'ajustement 2004, particulièrement intéressant puisque l'un des problèmes posés est celui de la bonne couverture de l'augmentation des péages.

Je n'ai pas très bien compris votre explication : la compensation de l'effet de l'augmentation des péages intervient à service initialement défini, mais celui-ci est-il constaté au jour de l'augmentation du péage ou bien lors du transfert de compétence, c'est-à-dire en 2002 ?

M. Patrice RAULIN : Elle est calculée sur la base des services offerts l'année d'application de la hausse des péages : pour les hausses constatées sur le barème 2004, elle sera calculée en fonction de la réalité des TER en fonctionnement en 2004, c'est-à-dire pour les services décidés auparavant - c'est d'ailleurs pourquoi nous ne disposons pas encore de tous les résultats. Toutefois, si un exécutif régional, à barème inchangé, décide de créer de nouveaux TER dans le courant de l'année, après la hausse des péages, il assume évidemment cette charge supplémentaire.

M. le Rapporteur : Cela signifie donc que l'État assume une partie de l'effet de l'augmentation des péages sur des services à créer. En d'autres termes, si une région crée un service nouveau en 2005 et qu'une augmentation de péage est pratiquée en 2006, celle-ci est compensée par l'État ?

M. Patrice RAULIN : Absolument. La compensation de l'effet de la hausse intervient pour les services existants l'année de cette hausse.

M. le Rapporteur : On aurait pu imaginer que le calcul soit effectué sur la base du service existant au moment de la décentralisation.

M. le Président : L'État compense-t-il seulement l'effet de la hausse du péage ou l'intégralité du péage ?

M. Patrice RAULIN : Il compense l'effet de la hausse des péages. Si le conseil régional décide de créer un service nouveau qui sera opérationnel l'année suivante, le barème des péages dont il a connaissance est celui publié lorsque la décision intervient. Mais, en un an, l'État peut décider de majorer les barèmes. La compensation correspond à l'effet qui n'a pu être prévu par l'exécutif régional. Celui-ci aurait en effet pu décider, à ce tarif, de ne pas créer de services nouveaux.

Mais l'État n'augmente pas systématiquement les péages chaque année. Au contraire, pour les TER, après la forte hausse de 2004, une période de stabilité est prévue.

M. le Président : Depuis 2002, quand un exécutif régional crée un service, il paie le péage et n'est pas remboursé ; seules les augmentations de tarifs sont compensées.

M. Patrice RAULIN : Au moment du transfert de compétence, l'État a accordé une première dotation aux régions, correspondant au coût des péages selon le barème 2002, sur les services existant alors.

M. le Rapporteur : RFF nous a expliqué que les nouveaux services bénéficient de l'amélioration de la productivité de la SNCF. Pouvez-vous nous préciser ce point ? Au fond, si je comprends bien, la stabilité de la grille des péages pour les régions, compte tenu des compensations, leur permet d'offrir proportionnellement un peu plus que ce qui correspond au coût de la compétence transférée.

M. Patrice RAULIN : La réponse, globalement, est positive, étant entendu que les heureux effets d'amélioration de la productivité de la SNCF entrent en jeu dans les conventions de financement avec les régions. L'État n'intervient plus dans le dialogue entre l'exécutif régional et la SNCF, et, par ailleurs, il a fixé une dotation de compensation pour corriger les hausses de péage et la fait évoluer selon un mécanisme d'indexation clair. Donc, avec un gain de productivité de la SNCF, la part des péages, proportionnellement, diminue.

M. le Rapporteur : L'évolution des péages a été mise en avant par les conseils régionaux comme un des facteurs justifiant l'augmentation de leur fiscalité. Au moins sur le volet des services existants, la compréhension mutuelle entre l'administration et les régions est-elle convenable ?

M. Patrice RAULIN : Il est un peu délicat pour moi de répondre à votre question. Les modes de calcul, globalement, ne sont pas contestés car il y a une transparence complète. Les discussions impliquent quatre parties - la SNCF, la région, RFF et mes services -, avec une méthode de calcul désormais transparente. Les comptes de la SNCF ont ainsi progressé depuis l'audit. Lorsque nous consultons les exécutifs régionaux sur l'évolution des barèmes des péages, autant vous dire que les avis ne sont pas toujours positifs, mais le mode de calcul n'est pas remis en cause, le traitement technique de dossiers étant maintenant rodé.

M. Jean-Yves LE DRIAN : Le transfert des transports régionaux, vous l'avez rappelé, a été effectué après un audit contradictoire, alors que cette bonne méthode est aujourd'hui refusée aux présidents de région pour les autres transferts. Si cet audit avait eu lieu, les difficultés seraient peut-être moindres et la bataille politique plus ciblée. Les présidents de région qui, à l'époque, ont conduit l'expérimentation puis participé à l'audit, reconnaissent que cette manière de procéder a été positive. Je souhaite donc que nous demandions sa généralisation, ce qui assurerait la transparence.

Mon prédécesseur à la présidence de la région Bretagne s'était plaint - j'ai le courrier sous les yeux - des effets pervers des modes de calcul des péages, et j'ai repris les mêmes arguments dans une lettre que je vous ai adressée, monsieur le directeur. Je suis prêt à enrichir techniquement le débat avec des chiffres, sans aucun esprit polémique. Plus on améliore le service TER rendu au public, plus le coût est élevé, c'est certain. Mais, par ailleurs, plus l'habitat est dispersé, plus la région est pénalisée, notamment par le biais du péage sur les arrêts en gare, qui nous coûte extrêmement cher.

M. le Président : Pour le budget régional, mieux vaut que les trains ne s'arrêtent pas en gare !

M. Jean-Yves LE DRIAN : Il vaut mieux ne pas en faire !

M. Michel DIEFENBACHER : J'ai déjà posé cette question au représentant de la SNCF que nous avons auditionné, mais sans obtenir de réponse très précise. À l'occasion de la réorganisation de lignes longue distance, il arrive que la SNCF supprime de petits arrêts. La desserte locale ne peut alors plus être assurée que par la création d'un service régional, qui relève désormais de la compétence des conseils régionaux. Ceux-ci sont prêts à prendre le relais, mais ils estiment que la charge qui en résulte est consécutive à une initiative de la SNCF et demandent par conséquent une compensation financière. La SNCF, de son côté, fait valoir que rien, dans la convention, ne l'oblige à intervenir financièrement : si la ligne est créée, c'est une décision de la région, qui doit en supporter les conséquences financières.

M. Patrice RAULIN : Les avis défavorables des exécutifs régionaux sont motivés par des problèmes de barème des péages et non pas par une contestation du calcul. Je remercie M. Jean-Yves Le Drian d'en avoir donné acte.

Nous avons mis en place un groupe de travail avec l'Association des régions de France, RFF et la SNCF pour réfléchir à la question des droits d'arrêt en gare, qui peuvent avoir des conséquences importantes sur certains services, particulièrement sur les trams-trains, pour examiner comment, le cas échéant, faire évoluer le barème. Nos relations avec les exécutifs régionaux, lesquels, depuis la décentralisation, prennent une part très importante au système ferroviaire, sont entrées dans une phase de normalisation : plutôt que de présenter à la consultation un barème préétabli entre RFF et l'État, nous travaillons en amont et essayons d'analyser les points de vue de chacun, de façon à ce que les propositions que RFF fera à l'État - à qui il appartient, de par la réglementation, de fixer les barèmes - résultent elles-mêmes de la concertation. Vos services, M. le président Le Drian, participent d'ailleurs à ce groupe de travail.

M. Jean-Yves LE DRIAN : Je le sais.

M. Patrice RAULIN : La question de la suppression des petits arrêts est liée à celle des transports interrégionaux, les fameux TIR. La SNCF affirme perdre trop d'argent sur des lignes nationales - lesquelles, d'après son cahier de charges, relèvent de sa compétence - et se propose par conséquent de supprimer des arrêts et des services, avec des conséquences potentielles sur le système des TER.

Les ministres ont demandé à la SNCF de suspendre la mise en œuvre de ses décisions pour 2005, hormis là où des accords avaient été trouvés avec les exécutifs régionaux, et un autre groupe de travail a été mis sur pied avec l'ARF, la SNCF et mes services afin de poser le problème objectivement, sur la base d'une expertise des comptes.

La question est délicate. En effet, juridiquement, selon son cahier de charges, cela entre pleinement dans le cadre de la compétence de la SNCF, et l'on ne peut pas obliger durablement cette entreprise publique à perdre des sommes élevées ; il est aussi légitime qu'elle cherche à réorganiser ses services en fonction de l'évolution de la clientèle. Par ailleurs, les conséquences de ses décisions n'entrent pas dans le champ de la compensation due par l'État au titre des TER.

Quelles sont les solutions à ce problème ? Nous estimons qu'il faut adapter les services. Le taux de remplissage de certaines lignes interrégionales justifie que l'on s'interroge sur la pertinence du système ferroviaire.

Par ailleurs, ces lignes nationales ont une clientèle effectuant majoritairement des petits parcours. La SNCF a donc intérêt à améliorer le service pour accroître sa rentabilité, ce qui passe par une optimisation de l'organisation entre les TER et les Corail interrégionaux. Des déficits demeureront certainement, mais la question devient alors politique : comment prendre en charge ce déficit résiduel dans le cadre d'une évolution maîtrisée des services ? Nous privilégions une logique d'accord sur l'évolution combinée des TIR et des TER : nous refusons que la SNCF impose ses décisions, ce qui obligerait les régions à modifier leurs services. Il doit y avoir une discussion politique entre l'ARF, l'État et la SNCF.

Cette situation est la conséquence du droit d'exploitation exclusif exercé par la SNCF sur le réseau voyageurs, qui la contraint à compenser les résultats des lignes bénéficiaires et déficitaires. Mais est-ce suffisant ? Les régions sont-elles prêtes à intervenir ? Demanderont-elles à l'État de s'engager financièrement ? Le sujet n'est pas clos et il importe que tout le monde poursuive l'objectif d'une meilleure articulation entre TIR et TER, pour que le meilleur service soit offert au moindre coût, car c'est toujours au contribuable national ou régional que l'on demandera de payer le prix d'une mauvaise articulation.

M. le Rapporteur : L'articulation entre TER et TIR n'est donc modifiée que si un accord est trouvé avec la région ?

M. Patrice RAULIN : La région seule peut décider de l'évolution de son schéma de TER.

M. le Rapporteur : D'accord, mais la région peut-elle empêcher la SNCF de supprimer un arrêt TIR ?

M. Patrice RAULIN : C'est un problème juridique. Nous souhaitons que le système permette de donner la priorité aux accords. Lorsque les ministres, à la fin de l'année dernière, ont demandé à la SNCF de suspendre les mesures qu'elle s'apprêtait à prendre, c'était bien dans cet esprit. L'objectif est bien la maîtrise de l'évolution du système TER. Si les ministres ont proposé la constitution du groupe de travail commun à l'ARF, à la SNCF et aux services du ministère, c'est pour que les différentes parties essaient ensemble de trouver des solutions.

Présidence de M. Jean-Yves LE DRIAN, doyen d'âge

M. le Président : Le Président Augustin Bonrepaux devant s'absenter, j'ai la charge de le remplacer. La deuxième partie de l'audition doit porter sur les contrats de plan.

M. Patrice RAULIN : La génération actuelle des contrats de plan a vu le volet ferroviaire se développer de manière extrêmement importante : une multiplication par huit ou neuf, pour ce qui concerne l'engagement de l'État comme celui des régions, l'enveloppe totale contractualisée de l'État avoisinant un milliard d'euros, à parité avec les régions.

Les opérations d'électrification, de doublement de capacité ou de suppression de nœuds ferroviaires pour améliorer la capacité ont foisonné, parfois sans études techniques préalables, et les régions ont beaucoup insisté pour les inclure, tant du fait de leur compétence en matière de schéma régional de transport que de leur compétence en matière de TER (à titre expérimental à l'époque). J'avais ainsi participé, en qualité de directeur régional de l'équipement, à la préparation du contrat de plan État-région en Rhône-Alpes. La plupart de ces opérations n'étaient pas prêtes techniquement, ce qui s'est traduit par deux conséquences : objectivement, par la suite, le prix unitaire des opérations a augmenté et nous avons eu des surprises au niveau des avant-projets sommaires et des DUP ; de plus, alors que les dotations budgétaires en faveur du chemin de fer étaient moins contraintes qu'actuellement, le système RFF plus SNCF n'a pas été en mesure de réaliser rapidement beaucoup de grosses opérations, si ce n'est celles qui avaient été décidées dans le cadre des contrats de plan précédents.

Résultat : le volet ferroviaire accuse un retard par rapport à la moyenne des mesures des contrats de plan puisque, fin 2005, de l'ordre de 46 % des dotations prévues, soit 490 millions d'euros, devraient être délégués aux préfets et aux directeurs régionaux de l'équipement - je retiens comme indicateur les autorisations de programme (AP) affectées dans le cadre des conventions passées entre l'État, RFF et les exécutifs régionaux ou les autres financeurs, conseils généraux ou intercommunalités -. La plupart des projets entrent dans une phase de maturation, avec un taux inégal d'avancement selon les contrats de plan. Il s'agit pourtant d'opérations lourdes : par exemple, faire sauter le nœud ferroviaire de Bordeaux nécessite un nouvel ouvrage d'art sur la Garonne.

Le dernier point de ce tableau, qui n'est guère positif mais que je m'efforce de décrire objectivement, est un problème lié au système de financement. L'État, tout comme les collectivités territoriales, intervient souvent sous forme de subvention au profit de RFF, qui est maître d'ouvrage, et la pratique consiste, pour l'État, à inscrire les autorisations de programme correspondant à la totalité de l'opération. Or, pour les plus lourdes d'entre elles, les travaux peuvent durer deux ou trois ans, par exemple, pour une électrification ou un doublement de ligne. À la suite d'un CIADT, le Gouvernement a décidé, pour un nombre limité d'opérations bien définies, de procéder par programmation pluriannuelle, avec des conventions spécifiques permettant l'étalement, non seulement des crédits de paiement, mais aussi des autorisations de programme. Sans cela, le blocage de certaines autorisations de programme correspondant à des crédits de paiement dans deux ou trois ans aurait conduit à des taux d'exécution réels encore plus faibles.

M. le Rapporteur : Tout à l'heure, le Délégué à l'aménagement du territoire et à l'action régionale a évoqué un taux de réalisation de 33 %. Comment justifiez-vous l'écart avec le taux de 46 % que vous avancez ?

M. Patrice RAULIN : Le taux annoncé par le DATAR est celui de fin 2004, tandis que le mien est celui de fin 2005, compte tenu de ce qui est inscrit en LFI.

M. le Rapporteur : Dans les deux cas en AP ?

M. Patrice RAULIN : Absolument.

M. le Rapporteur : Parmi les causes de retard, M. Pierre Mirabaud a évoqué le caractère plus ou moins raisonnable de certains projets. Certaines opérations n'étaient-elles pas incertaines, voire aventureuses ?

M. Patrice RAULIN : Objectivement, que ce soit pour le fret ou le transport de voyageurs, l'utilité de certaines opérations, notamment au regard du taux de rentabilité ou du trafic induit espérés, n'était pas totalement justifiée en période de pénurie budgétaire.

Notre système ferroviaire se caractérise cependant par un nombre élevé de points de congestion, notamment dans les agglomérations de Lyon, Bordeaux, Dijon ou Marseille, qu'il va falloir traiter. De même, des investissements sur des lignes TER ou pour le fret, même coûteux, peuvent avoir un gros impact en termes de trafic potentiel. Après cette génération de contrats de plan, il faudra donc négocier de manière plus sélective et critique avec les régions, qui, en tant que responsables des TER, ont évidemment leur mot à dire dans les discussions sur l'évolution de l'ensemble du système d'infrastructures ferroviaires. Pour fixer les priorités, il y a une place pour un vrai débat entre l'État déconcentré, l'exécutif régional, la SNCF et les futurs opérateurs ferroviaires de marchandises. Il convient aussi d'introduire plus de rigueur économique, et cela passe notamment par des études socioéconomiques plus poussées que celles dont nous disposions lors du lancement des contrats de plan en cours.

M. le Rapporteur : Les acteurs éclairés que sont l'État et les régions ont-ils simplement manqué de rigueur économique, ou bien réellement commis des fautes, en signant des projets dont l'horizon de réalisation dépassait manifestement le terme des contrats de plan ?

M. Michel DIEFENBACHER : Lorsque la décision d'inscrire ces opérations au contrat de plan a été prise, leur absence de rentabilité économique était-elle connue ?

M. Patrice RAULIN : Pour répondre précisément, il faudrait expertiser l'ensemble des opérations. Je pense honnêtement que, pour une bonne partie d'entre elles, nous ne disposions pas d'éléments suffisants pour qualifier leur rentabilité socioéconomique, en évaluant si leur coût justifiait la satisfaction du besoin exprimé. Je n'irai cependant pas jusqu'à affirmer qu'une « faute » a été commise. Souvenons-nous que les contrats de plan précédents ne comportaient pratiquement pas de volet ferroviaire.

Quoi qu'il en soit, l'important est de tirer les conséquences du passé et de ne pas tomber une deuxième fois dans les mêmes travers.

M. le Rapporteur : Nous aurions besoin d'un tableau sur les taux de réalisation région par région.

M. Patrice RAULIN : Je vous le communiquerai.

M. le Président : Estimez-vous être en mesure de solder vos engagements d'ici la fin du contrat de plan ? Existe-t-il des exemples d'abandon de projet par accord tacite entre l'État et la collectivité concernée ?

M. Patrice RAULIN : Le ministre de l'Équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer a fait remarquer que 2005 est la sixième année des contrats de plan. Or, pour l'achever, il faudrait investir 490 millions d'euros d'autorisations de programme dans le cadre de la loi de finances pour 2006, alors qu'en 2005, avant régulation, nous étions à 180 millions d'euros. La réalité me conduit donc à dire que nous ne serons pas en mesure de boucler le volet ferroviaire dans les délais.

Dans le cadre de la révision des contrats de plan à mi-parcours, de très rares opérations ont été abandonnées, parce qu'elles ont été jugées techniquement irréalisables dans les délais ou insuffisamment utiles d'un point de vue économique. Je pourrai vous en fournir la liste.

M. le Président : Je vous remercie.

Première audition de M. Dominique SCHMITT,
Directeur général des collectivités locales


(Extrait du procès-verbal de la séance du10 mai 2005)

(Des documents fournis par M. SCHMITT à l'appui de son intervention sont reproduits en page 327 du tome III du présent rapport)

Présidence de M. Augustin BONREPAUX, Président

M. Dominique Schmitt est introduit.

M. le Président : M. le Directeur général, je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation. Compte tenu des très nombreux éclairages que vous pourrez apporter à nos travaux, vous avez bien voulu vous prêter à deux auditions successives. Aujourd'hui, nous parlerons principalement de la fiscalité des régions et des départements ; nous vous entendrons mercredi 25 mai sur les problèmes posés par la fiscalité des communes et des intercommunalités, sans préjudice naturellement des questions complémentaires que nous n'aurions pas abordées aujourd'hui.

M. le Président rappelle à M. Dominique Schmitt que les dispositions législatives relatives aux commissions d'enquête lui ont été communiquées. À l'invitation du Président, celui-ci prête serment.

M. Dominique SCHMITT : Je vous propose d'examiner pour commencer la situation financière des collectivités territoriales sous l'angle macro-économique, afin d'apprécier leur poids croissant dans l'économie ainsi que leurs fondements financiers à la veille des nouveaux transferts ; je traiterai ensuite de la fiscalité locale stricto sensu, en essayant d'apporter des éléments expliquant ses évolutions, avant de porter un regard sur 2005 et les incidences des transferts récents sur la fiscalité locale des régions.

Un mot au préalable sur les données à partir desquelles nous travaillons : les budgets primitifs et les comptes administratifs. S'agissant des premiers, les nomenclatures comptables, parfois insuffisamment détaillées, ne permettent pas un suivi précis des dépenses correspondant aux compétences transférées. Les comptes administratifs ont l'avantage de permettre une analyse beaucoup plus fouillée, notamment pour ce qui touche à la ventilation des dépenses par fonction. Ils présentent en outre l'avantage de porter sur les réalisations effectives, parfois assez éloignées des prévisions. L'endettement ou les investissements affichés dans les budgets primitifs sont souvent très largement en deçà des réalisations.

Le poids des collectivités territoriales dans notre économie va croissant et leurs fondements financiers apparaissent assez solides à la veille des transferts de compétences. Entre 1978 et 2003, la croissance des dépenses des administrations publiques locales a été en moyenne de 6,8 % par an, très supérieure à celle des administrations publiques dans leur ensemble - 6,3 % - et de l'État - 5,4 % -, supérieure évidemment à la croissance du PIB : 5,2 %. Leurs dépenses auront représenté à peu près 10 % du PIB en 2003, contre 9,8 % en 1998. Les administrations publiques locales ont pris une part prépondérante dans l'investissement public de la nation, qui atteint presque 70 % en 2003.

La croissance des effectifs des collectivités territoriales est également nettement supérieure à celle des effectifs de la fonction publique de l'État et à l'évolution moyenne de l'emploi en France. Entre 1981 et 2001, les effectifs ont crû de 38 % dans la fonction publique territoriale, de 15 % dans la fonction publique de l'État, de 28 % dans la fonction publique hospitalière, soit un total fonction publique de 23 %, alors que l'emploi n'a progressé d'une façon générale que de 13 % et la population active de 14 %.

M. Bernard DEROSIER : Ce qui laisse à penser que les effectifs de l'État n'ont pas diminué à l'occasion des transferts de compétences...

M. Dominique SCHMITT : En effet, j'y reviendrai.

La progression des dépenses comme des effectifs des administrations publiques locales tient à plusieurs facteurs. Tout d'abord, on a pu constater que l'offre de services des collectivités territoriales augmentait sous l'effet des transferts de compétences. De surcroît, les collectivités ont souvent délibérément choisi de faire à cette occasion davantage que ce que faisait l'État. Enfin, on relève une évolution des dépenses directement liées aux compétences générales des collectivités territoriales.

M. le Rapporteur : Peut-on calculer comment se répartissent ces trois facteurs ?

M. Dominique SCHMITT : C'est très difficile.

Les collectivités territoriales interviennent également de manière croissante dans des domaines - éducation, formation professionnelle, aide sociale, transports - dont la progression, du fait de la demande, est particulièrement dynamique.

Ajoutons, même si l'on a encore peu de recul, que les effectifs des EPCI à fiscalité propre ont eux aussi connu une croissance assez significative, qui ne s'est pas traduite par une réduction des personnels communaux.

M. le Rapporteur : Et en montant ? Quel est le poids du personnel ?

M. Dominique SCHMITT : La part des frais de personnel dans les dépenses de fonctionnement des EPCI est en moyenne de 15,8 %. De même, s'il est indéniable que le volume budgétaire des communes isolées est significativement supérieur à celui des communes en intercommunalité, la montée en charge des intercommunalités n'a pas pour autant entraîné de diminution des budgets communaux. Remarquons pour terminer que la TPU n'a pas provoqué d'alourdissement de la pression fiscale : la première année, le taux de TPU est lié à moyenne des taux communaux et, par la suite, rares sont les EPCI à avoir relevé leur taux de TPU. Enfin, la fiscalité mixte est restée assez peu utilisée jusqu'en 2004.

À la veille de l'acte II de la décentralisation, les fondements financiers des collectivités territoriales étaient assez solides. 2003 aura été une année de consolidation de leurs marges de manœuvre financière, par une hausse de la fiscalité directe, en vue de relancer l'investissement. Elles auront par ailleurs maîtrisé la croissance de leurs dépenses de personnel et bénéficié de la poursuite de la baisse des frais financiers. Le niveau de l'épargne a donc progressé en 2003, en contraste avec le tassement observé les deux années précédentes, favorisant la reprise de l'investissement.

Les régions et les départements ont également relancé leur effort d'investissement, signe que l'intégration des nouvelles compétences n'avait pas déséquilibré leurs budgets ni pénalisé l'investissement. Quant au niveau de la dette, en dépit d'une légère augmentation en 2003, il reste très bas. Cependant, les premières données disponibles pour 2004 font état d'un tassement de l'épargne des collectivités sous l'effet d'une accélération des dépenses de personnel et du maintien d'un niveau d'investissement très élevé. D'où l'apparition d'un besoin accru de financement pour l'ensemble des administrations publiques locales et, par voie de conséquence, une légère augmentation de leur endettement.

Quand bien même ce phénomène intervient après huit années d'excédents, il mérite d'être relativisé. Non seulement la reprise observée en 2004 est strictement liée à l'effort d'investissement - et les APUL représentent, je le rappelle, 70 % de l'investissement public en France -, mais elle intervient dans un contexte financier très favorable, avec des taux d'intérêts très faibles, rendant l'endettement très attractif. Enfin, le niveau de la dette des collectivités territoriales a très nettement diminué et la charge de la dette est devenue, pour la plupart, tout à fait supportable.

Après ces considérations macro-économiques, venons-en à la fiscalité locale proprement dite.

D'après les comptes de la Nation, la part des impôts revenant aux administrations publiques locales (APUL), qui correspond à peu près à 5 % du PIB, est trois fois moins élevée que celle des impôts revenant à l'État et, depuis 2000, inférieure à celle dédiée aux organismes de sécurité sociale, et même quatre à cinq fois plus faible si l'on prend en compte les cotisations sociales. La part État-APUL est restée relativement stable ; la hausse de la fiscalité sur les vingt-cinq dernières années tient essentiellement à la très forte augmentation des impôts revenant aux organismes sociaux. La part des seules APUL a d'abord régulièrement progressé - accompagnant une stabilisation, puis une diminution de celle de l'État ; on peut voir là clairement l'effet de la décentralisation, certains transferts de compétences ayant été compensés par des transferts d'impôts : vignette, carte grise, droits de mutation à titre onéreux. Puis, la part des APUL a diminué à la suite des allégements fiscaux de la période 1999-2003, l'État ayant compensé par des dotations les pertes qui en étaient résulté pour les collectivités territoriales. La compensation des derniers transferts de compétences par des transferts d'impôts aura évidemment pour effet de faire de nouveau augmenter la part relative des APUL, au détriment de celle de l'État.

Au total, les ressources fiscales des collectivités territoriales représentent 53,5 milliards d'euros en 2004. 34,9 milliards d'euros, soit 65 % des recettes fiscales, vont aux communes et à leurs groupements, 15,4 milliards d'euros, soit un peu moins de 30 %, aux départements, et 3,2 milliards d'euros, soit 6 %, aux régions. Notons que les produits de taxe professionnelle sont désormais levés à hauteur de 69 % par les groupements à fiscalité propre ; à plus de 95 %, il s'agit d'une taxe professionnelle unique. Au produit des quatre taxes, il convient d'ajouter environ 4 milliards d'euros pour la TEOM, perçue par les communes ou leurs groupements.

Ce tableau, qui retrace le produit fiscal voté par les collectivités, n'est pas nécessairement représentatif de la pression fiscale réellement supportée par le contribuable, et notamment par le contribuable national : encore faut-il faut tenir compte des mécanismes de compensation d'exonérations, ainsi que des dégrèvements pris en charge par l'État. Celui-ci, autrement dit le contribuable national, aura, en 2003, pris en charge plus de 11 milliards d'euros de dégrèvements, notamment en matière de taxe professionnelle - l'équivalent de 25 % de la TP émise - et de taxe d'habitation - à peu près 30 % du total de la taxe d'habitation émise.

De même, l'État compense aux collectivités territoriales les exonérations de fiscalité locale qu'il décide de mettre en œuvre, que celles-ci soient sectorielles ou qu'elles répondent à une préoccupation d'aménagement du territoire. Cela représente à peu près 3,7 milliards d'euros, dont 1,8 milliard d'euros pour la taxe professionnelle.

Enfin, l'État a pris en charge les allégements fiscaux de la période 1999-2003 sous forme de dotations, quasiment toutes intégrées à la DGF. La compensation aux collectivités territoriales de la suppression de la part salaires de la TP représente, de mémoire, à peu près 10 milliards d'euros.

Autrement dit, le contribuable national tend de plus en plus à se substituer au contribuable local : entre 1999 et 2003, les dégrèvements ont progressé de presque 18 %, passant de 9,6 à 11,4 milliards d'euros.

M. le Rapporteur : Combien représente le total des dégrèvements, compensations et allégements ?

M. Dominique SCHMITT : La prise en charge de la fiscalité locale par le contribuable national s'est élevée en 2003 à 25,2 milliards d'euros, dont 11,4 milliards d'euros au titre des dégrèvements, 3,7 milliards d'euros au titre des compensations et 9,9 milliards d'euros au titre des allégements fiscaux.

Les produits totaux ont enregistré une progression assez régulière depuis vingt ans. La fiscalité locale, notamment celle des départements et des régions, a connu une progression constante, accompagnant la montée en charge de la décentralisation et la croissance concomitante des budgets des départements et des régions.

Pour ces dernières, la progression a été beaucoup plus forte au début de la période 1984-1994, dans la mesure où, à la progression des bases, s'est ajoutée une hausse régulière et significative des taux, particulièrement bas en 1984. À partir de 1994, passée la période de montée en charge des investissements sur les lycées, la progression des produits s'est ralentie et a essentiellement dépendu de la croissance des bases. Enfin, le produit encaissé par les régions a nettement diminué depuis 1999, sous l'effet de la suppression de la taxe d'habitation régionale et, dans une moindre mesure, de la part salaires de la taxe professionnelle. À noter que le transfert de la compétence « transports ferroviaires de voyageurs » n'a apparemment pas eu d'effet sur le niveau de la fiscalité régionale.

Pour les départements, la croissance a été plus régulière et la progression des taux - plus élevés au départ que ceux des régions - moins marquée que celle des bases. Seules exceptions notables, les années 2002 et surtout 2003 ont connu une hausse notable de la fiscalité départementale, avec une évolution moyenne des taux de 4 %, à relier à l'accroissement des charges liées au transfert de l'APA, ainsi que des frais de personnel ; encore convient-il de remarquer que ce phénomène est intervenu après des années de très grande modération des taux - pour certains départements, il s'agissait de la première hausse depuis dix ans - et que seize départements n'ont augmenté leurs taux ni en 2002, ni en 2003. Du reste, la progression est beaucoup plus modérée en 2004, en dépit du transfert de compétence sur le RMI et de la poursuite du transfert de l'APA, dont la montée en charge est désormais terminée. Les augmentations relevées sont souvent le fait des départements qui n'avaient pas encore augmenté leurs taux en 2002 et 2003.

Pour le secteur communal, la progression du produit a été beaucoup moins dynamique et tient davantage à l'évolution des bases qu'à celle des taux. Le produit du secteur communal n'a progressé que de 22,2 % - contre 27,3 % pour les départements - au cours des sept dernières années. Les groupements à fiscalité propre, dont le nombre a fortement augmenté - surtout depuis 1999 -, prélèvent une part croissante de la fiscalité du secteur communal : près du tiers des bases de taxe professionnelle sont désormais sous le régime de la TPU, contre 7 % seulement en 1999. La TEOM, dont le produit atteint 4 milliards d'euros en 2004, en hausse de 9 %, connaît une progression nettement supérieure à celle des quatre taxes. Ce dynamisme s'explique par l'augmentation de la population couverte, mais également par la croissance des bases du foncier bâti sur laquelle elle est assise, et par la croissance des taux. Ainsi, si l'on y intègre la TEOM, la fiscalité communale devient presque aussi dynamique que celle des départements, puisque sa progression sur sept ans atteint 25,8 %, à comparer aux 27,3 % déjà cités.

Pour autant, ce tableau n'est pas sans recouvrir des disparités locales très marquées. Le produit cumulé, toutes collectivités confondues, des impôts locaux varie notablement selon les départements. L'écart, de 1 à 1,5 entre les dix plus forts et les dix plus faibles, s'explique par des différences de bases et par des différences de taux. En matière de taux d'imposition, les variations d'un département ou d'une région à l'autre sont très inférieures à celle que l'on observe dans le secteur communal.

Les départements présentent une évolution assez marquée sur la période 2001-2004, particulièrement dans la moitié Sud du pays. La carte des taux cumulés de taxe professionnelle met en évidence une opposition assez marquée entre le Nord et le Sud. Les seuls écarts de taux au niveau des départements et des régions n'expliquent qu'une faible part des écarts globaux. Les taux dominants restent ceux du secteur communal. Ils viennent compenser la relative faiblesse des bases de taxe professionnelle dans des départements souvent peu industrialisées.

Partant de là, venons-en aux éléments susceptibles d'expliquer les évolutions de la fiscalité locale.

Les dépenses correspondant aux transferts de compétences ont, pour les régions, connu une progression assez sensible du fait de la montée en charge de leurs nouvelles compétences. Les dépenses de formation professionnelle continue et d'apprentissage ont crû à un rythme plus rapide que les dépenses liées aux lycées - dont le volume reste cependant supérieur mais dont la progression, très soutenue jusqu'en 1992, est depuis lors devenue très faible. La compétence « transport ferroviaire des voyageurs », dont le transfert, à titre expérimental en 1996, a été généralisé en 2002, a été compensée sur la base des dépenses consenties par la SNCF l'année précédant le transfert. Même si les régions ont, dans leur ensemble, décidé d'en faire plus, les dépenses correspondantes ne se sont globalement pas traduites par des hausses de taux.

Entre 2001 et 2004 inclus, une très large majorité de conseils régionaux a choisi de ne pas relever les taux d'imposition, l'augmentation de produit générée par la progression des bases apparaissant suffisante. Aussi les taux d'imposition n'ont-ils progressé que de quelques dixièmes de points durant cette période.

Du côté des départements en revanche, les dépenses associées aux nouvelles compétences ont nettement augmenté ces dernières années, avec la mise en place de l'APA en 2002 et le transfert du RMI en 2004 - les courbes sont à cet égard parfaitement explicites. Les dépenses d'aide sociale des départements s'élèvent désormais à 23,6 milliards d'euros et représentent les deux tiers de leurs dépenses de fonctionnement. Le surcroît de dépenses lié à l'APA a été estimé à un milliard d'euros en 2002 et 2003, mais les incidences de ce surcoût en termes de fiscalité locale sont très variables d'un département à l'autre. La phase de montée en charge de l'APA semble désormais terminée dans la majorité des départements, et la progression du nombre des bénéficiaires en 2004 ne dépasse 20 % que dans huit départements - la moyenne nationale étant de l'ordre de 9 %.

S'agissant du RMI, les départements ont inscrit 5,8 milliards d'euros dans leurs budgets primitifs en 2004 pour gérer cette nouvelle compétence, incluant les crédits dévolus à l'insertion, qui s'élevaient à 800 millions d'euros les années précédentes. Les charges découlant de ce transfert sont compensées par l'attribution d'une part de TIPP, pour un montant équivalent au montant estimé des dépenses exécutées par l'État en 2003 au titre des allocations RMI, soit 4,941 milliards d'euros. Ce dispositif fera l'objet d'ajustements en 2004 et 2005 pour tenir compte des dépenses réelles de l'État en 2003 et en 2004 ; l'exercice 2004 a du reste fait l'objet d'une analyse assez fine par la Commission consultative d'évaluation des charges.

Pour ce qui concerne le financement des SDIS, les dépenses prévues dans les budgets primitifs 2004 représentent, pour l'ensemble des départements, 1 052 millions d'euros, soit 4,1 % des dépenses de fonctionnement.

Les dépenses des groupements de communes à fiscalité propre ont été multipliées par 3,9 entre 1993 et 2003, pour atteindre 22,9 milliards d'euros, soit 22,3 % du total des budgets des communes et de leurs groupements. L'accélération du développement de l'intercommunalité à partir de 2000 explique pour une large part la faible progression des dépenses communales à compter de cette date, les nouveaux projets étant désormais le plus souvent pris en charge par l'intercommunalité. L'évolution est très différenciée selon la catégorie de structure. Les communautés d'agglomération, qu'elles aient été créées ex nihilo ou qu'elles résultent de la transformation d'autres groupements, ont considérablement développé leur activité. Les autres organismes à TPU (communautés de communes et districts transformés en communautés de communes) ont également pris une ampleur considérable : on en compte 772 en 2003, contre seulement 245 en 2000. La taxe professionnelle unique est donc devenue le moteur de l'intercommunalité à fiscalité propre.

L'évolution des investissements directs des groupements de communes à fiscalité propre entre 1993 et 2003 est révélatrice du relais pris par l'intercommunalité dans les plans d'équipement du secteur communal. La reprise de la croissance en 1998, puis en 2003, s'est principalement manifestée dans les projets d'investissements intercommunaux. Le petit repli observé en 2002, commun aux communes et à leurs groupements, s'explique en grande partie par le cycle électoral : l'effort d'équipement est traditionnellement en perte de vitesse la première année de mandat.

Les budgets des communes en intercommunalité sont, à population égale, significativement inférieurs à ceux des communes hors intercommunalité. Néanmoins, la progression de l'intercommunalité ne se traduit pas par une diminution des budgets communaux. Les communes, qui totalisent un million d'agents, restent notamment soumises à la croissance des frais de personnel, et ce d'autant plus que la part de ces dépenses dans les budgets communaux - 52 % - est plus élevée que dans les budgets départementaux - 15 % - et régionaux - 6,7 % -, et qu'elle croît en fonction de la taille des communes.

Si l'augmentation des traitements et des charges de personnel est une donnée constante de la fonction publique territoriale au cours des dernières années, on constate conjoncturellement une augmentation plus prononcée des frais de personnel en 2002, année de mise en œuvre de la réduction du temps de travail (RTT), tous niveaux de collectivités territoriales confondus. La RTT avait été assez largement anticipée dans les grandes collectivités : au 31 décembre 2001, 40 % des communes de plus de 20 000 habitants, 30 % des conseils régionaux et généraux appliquaient d'ores et déjà les 35 heures, tant et si bien que l'entrée en vigueur effective de la RTT ne s'est pas traduite par un surcoût. Mais il n'en a pas été de même dans les petites communes, où la durée du travail était majoritairement restée à 39 heures.

D'autres phénomènes ont dans le même temps affecté les charges salariales : ainsi en a-t-il été de la progression du point d'indice, relativement significative - 0,6 point au premier mars 2002, 0,7 au 1er décembre 2002, venus s'ajouter au 0,7 point du 1er décembre 2001 -, du protocole sur la résorption de l'emploi précaire, des effets du GVT, de l'augmentation du taux de cotisation à la CNRACL, du financement de l'intégration d'anciens emplois-jeunes dans la fonction publique territoriale, ou encore des recrutements pour faire face aux nouvelles compétences comme l'APA. Au regard de tous ces éléments, on pourrait considérer que l'impact financier de la RTT est, malgré tout, resté significatif, surtout en 2002 : il correspondrait au moins au tiers de l'accroissement annuel des dépenses de personnel durant les années 2002 et 2003.

J'en viens enfin aux évolutions à attendre en 2005, notamment dans les régions.

Il faut d'abord observer que les choix des collectivités territoriales en matière de fiscalité et d'endettement ont été extrêmement variables. Entre les régions endettées à forte pression fiscale, les régions peu endettées à forte pression fiscale, les régions endettées à faible pression fiscale et les régions peu endettées à faible pression fiscale, l'analyse des dépenses totales en euros par habitant par rapport à la valeur médiane fait apparaître des situations extraordinairement contrastées, et parfois totalement différentes de ce qu'elles étaient dix ans auparavant. Ces variations n'obéissent à aucune logique spécifique ; elles tiennent seulement à des arbitrages entre endettement et fiscalité librement arrêtés par les collectivités territoriales.

La même observation vaut pour les départements. Ainsi, la mise en œuvre de l'APA et sa montée en charge ont eu des impacts fiscaux très différents et non simultanés : à surcoût égal lié à l'APA, l'augmentation du produit fiscal peut aller du simple au triple d'un département à l'autre. Ajoutons que certains avaient augmenté leur fiscalité dès 2002, alors que d'autres ont attendu 2003, voire 2004. De la même façon, certains départements ont étalé la hausse sur deux ou trois années, tandis que d'autres ont préféré ne procéder qu'à une seule augmentation. Enfin, plusieurs départements n'ont pas augmenté leur taux de fiscalité directe, se contentant de la progression des bases. Le tableau montre comment, pour une dépense de 60 euros par habitant, le produit de la fiscalité départementale a augmenté dans une fourchette allant de 10 à 70 euros par habitant, ce qui témoigne d'une assez forte autonomie dans les choix budgétaires.

Remarquons également qu'à l'exception des régions, qui ne perçoivent plus la taxe d'habitation, et des communes membres de communautés à TPU, chaque niveau de collectivité perçoit chacune des quatre taxes. Cet empilement peut avoir tendance à brouiller, aux yeux du contribuable, les responsabilités de chacune en matière de politique fiscale locale, et à favoriser des augmentations dont la responsabilité se dilue entre les quatre niveaux concernés. Si, prise individuellement, aucune de ces augmentations ne représente une charge fiscale importante, leur cumul peut en revanche être très lourd à supporter pour le contribuable local.

Il ne m'est malheureusement pas possible de fournir une analyse fine pour 2005 en ce qui concerne les départements et a fortiori les intercommunalités, mais seulement une première approche pour les régions.

Globalement, le budget des régions de métropole s'établit à 18,8 milliards d'euros, en augmentation de 2,1 milliards d'euros par rapport à l'année précédente, soit une croissance en pourcentage de 12,7 % (11,4 % en ne prenant pas en compte la montée en charge de la compétence « apprentissage »). Les dépenses de fonctionnement s'établissent à 10,1 milliards d'euros, en augmentation de 1,2 milliard d'euros (soit + 13,8 %), et celles d'investissement hors dette à 16 milliards d'euros (soit + 11,3 %).

On peut constater que peu de régions, à ce stade, intègrent dans leurs budgets les nouvelles compétences transférées en 2005. Mais la croissance est très marquée dans les domaines de la formation professionnelle (3,3 milliards d'euros), de l'enseignement (4 milliards d'euros) et du transport ferroviaire (2,6 milliards d'euros).

Les charges à caractère général et les autres charges d'activité absorbent l'essentiel de la croissance des charges courantes, pour 1,19 milliard d'euros. Il s'agit de dépenses qui correspondent à l'exercice des compétences : prestations, dotations, subventions, achats de biens et de services,... Les frais de personnel augmentent également à un rythme soutenu de 15,5 %, mais, compte tenu de leur faible poids dans l'ensemble des dépenses, elles ne contribuent que pour 78 millions d'euros à la croissance totale. On peut également constater que les dépenses de formation professionnelle continue et d'apprentissage dépasseraient de 508 millions d'euros les prévisions votées en 2004, en relevant toutefois que 264 millions d'euros correspondent à la montée en puissance d'un transfert de compétence, en l'occurrence le financement des indemnités des employeurs d'apprentis. Les dépenses d'enseignement augmentent de 125 millions d'euros (soit + 11,1 %) et celles de transport ferroviaire de voyageurs de 321 millions d'euros (soit + 15,5 %).

S'agissant de l'investissement, les dépenses devraient s'élever à 851 millions d'euros de plus qu'en 2004 ; ce sont surtout les subventions d'équipement versées qui devraient augmenter le plus rapidement : + 608 millions d'euros, soit + 14,1 %. Quant aux équipements d'enseignement, ils absorbent 300 millions d'euros de la croissance des dépenses d'investissement.

Pour financer leurs budgets, les régions ont inscrit des recettes de fonctionnement en hausse de 1,771 milliard d'euros, soit + 14,2 %. Pour 609 millions d'euros, l'accroissement des recettes courantes provient du produit des trois taxes régionales (+ 19,8 %) dont les taux sont fortement relevés. Le produit de la taxe sur les cartes grises devrait augmenter de 175 millions d'euros (+ 12,7 %) sous l'effet d'un relèvement des tarifs de 12 % en moyenne. Par ailleurs, les régions ont inscrit 114 millions d'euros dans leurs budgets au titre de la TIPP, montant bien inférieur à celui provisionné par l'État (378 millions d'euros). L'explication de ce décalage tient au fait que peu de régions ont inscrit des montants correspondants aux compétences transférées en 2005, et donc les recettes de TIPP.

Pour ce qui est des dotations de fonctionnement, les prévisions font état d'une recette supplémentaire de 519 millions d'euros, dont 264 millions d'euros liés au transfert du financement des indemnités des employeurs d'apprentis. La DGF devrait procurer 129 millions d'euros de plus qu'en 2004, soit au total 4,9 milliards d'euros en 2005.

Compte tenu d'une croissance des recettes de fonctionnement plus forte que les dépenses, les régions devraient bénéficier de 541 millions d'euros supplémentaires, avec des remboursements de dette en faible croissance ; l'épargne nette devrait ainsi atteindre 510 millions d'euros de plus qu'en 2004, soit une croissance de 18,8 %. Compte tenu du niveau des investissements prévus et de perspectives défavorables en matière de recettes de dotation et de subventions d'équipement, le recours à l'emprunt devrait croître de plus de 529 millions d'euros. Cela dit, les prévisions d'emprunt des budgets primitifs sont toujours revues à la baisse au cours de l'année. À titre d'exemple, les comptes administratifs 2003 font apparaître que, sur 2,712 milliards d'euros de recours à l'emprunt inscrits en prévisionnel budgétaire, seulement 1,387 milliard d'euros a été effectivement réalisé, soit un taux de réalisation de 51 %.

M. le Rapporteur : À vous entendre, les ressources fiscales des régions auraient davantage augmenté que leurs dépenses, en tout cas dans les budgets 2005... Par ailleurs, l'augmentation de 11,4 % des dépenses s'entend-elle à géométrie constante ?

M. Dominique SCHMITT : C'est ce qu'indiquent les chiffres des budgets 2005 par comparaison aux budgets 2004. Les budgets des régions s'établissent globalement à 18,8 milliards d'euros ; l'augmentation des dépenses de fonctionnement est de 1,2 milliard d'euros, ce qui représente + 13,8 %, et celle des dépenses d'investissement hors dette est de 0,9 milliard, soit + 11,3 %.

M. le Rapporteur : Vous n'avez pas fait mention de l'anticipation des réformes fiscales, qui pourrait ou non inciter les collectivités à augmenter les taux, notamment de la taxe professionnelle - dans le cas des régions -, mais également de la taxe d'habitation. Constate-t-on un phénomène de ce genre ?

M. Dominique SCHMITT : Les tableaux retraçant les arbitrages entre endettement et fiscalité par région et par département font apparaître des situations extrêmement variables : les collectivités territoriales utilisent à plein leur marge d'autonomie locale. La comparaison entre ce que faisait telle ou telle région en 2003 et dix ans auparavant montre que les positionnements n'ont plus rien de commun.

M. le Rapporteur : Mais les comportements d'anticipation ?

M. Dominique SCHMITT : Il y a évidemment eu des recherches d'effets d'aubaine, s'agissant de la taxe professionnelle, certaines régions espérant que l'État en assumerait une partie lors de la réforme de la taxe professionnelle.

M. le Rapporteur : Cela est-il également apparu dans vos premiers tableaux sur la taxe d'habitation ?

M. Dominique SCHMITT : Non.

M. le Rapporteur : Vous n'avez pas apporté d'éléments très précis sur l'impact financier de la réduction du temps de travail.

M. Dominique SCHMITT : L'impact de la RTT apparaît assez clairement dans l'augmentation des charges salariales des collectivités territoriales. On peut considérer, en l'état actuel de nos informations, que la mise en œuvre de la RTT aura eu un effet significatif en 2002. Elle expliquerait au moins le tiers de l'accroissement annuel des dépenses de personnel sur les années 2002 et 2003.

M. Bernard DEROSIER : Pouvez-vous nous indiquer en regard le nombre d'emplois créés ?

M. Dominique SCHMITT : Je n'ai techniquement pas les moyens de le faire.

M. Bernard DEROSIER : Ce n'est pas un reproche, mais seulement une façon de montrer que votre réponse n'était pas complète...

M. le Président : Quelle est la moyenne de l'accroissement des dépenses de personnel chaque année ? Sur quoi joue votre tiers lié à la RTT en 2002 et 2003 ?

M. Dominique SCHMITT : Je vous communiquerai un tableau reprenant les frais de personnel de 1995 à 2004. La moyenne générale annuelle est de l'ordre de 4 %, mais elle recouvre des évolutions très variables. Ainsi, pour les régions, l'accroissement des frais de personnel aura été de 16 % en 1995, 10 % en 1996, 8 % en 1997, 6 % en 1998, 8 % en 1999, 8 % en 2000, 7 % en 2001, 10 % en 2002, 10 % encore en 2003 et 8 % en 2004.

M. le Président : Ce n'est pas tellement significatif...

M. René DOSIÈRE : Cela joue sur epsilon !

Mme Claude DARCIAUX : Ce n'est pas du tout significatif !

M. Dominique SCHMITT : En 2002, l'accroissement aura été de 10 % pour les régions, de 7,97 % pour les départements et de 4,8 % pour les communes.

M. le Rapporteur : Dans vos cartes retraçant les disparités locales, vous avez évoqué l'augmentation des produits, puis l'augmentation des taux, émettant l'hypothèse que celle-ci serait plus prononcée dans le Sud parce que les bases y seraient plus faibles. Mais le fait que l'augmentation des produits est également plus élevée au Sud abîme quelque peu votre théorie...

M. Dominique SCHMITT : M. Olivier Lefebvre, responsable de la cellule « statistiques » de la DGCL, pourrait vous apporter un commentaire plus fin de ces cartes.

À l'invitation du Président, M. Olivier Lefebvre prête serment.

M. Olivier LEFEBVRE : Une des cartes vous a montré que les taux de taxe professionnelle étaient plus élevés dans la moitié Sud que dans la moitié Nord de la France. Ces écarts correspondent en grande partie au négatif de la carte des bases de la taxe professionnelle. Autrement dit, les écarts de taux compensent les écarts de base.

M. le Rapporteur : Seulement pour les départements ?

M. Olivier LEFEBVRE : Non. Les cartes reprenaient le cumul communes-départements-régions, c'est-à-dire l'ensemble des taux.

M. le Rapporteur : Soit. Mais une autre de vos cartes semblait montrer une évolution du produit global et par habitant plus importante dans le Sud. N'est-ce pas contradictoire ?

M. Olivier LEFEBVRE : Non. Vous avez sous les yeux la carte du produit global des quatre taxes par habitant et par département, tel qu'il est supporté par le contribuable local de chaque département. Elle fait apparaître des écarts assez marqués, de un à quatre entre les dix départements où le produit est le plus faible et les dix où il est le plus élevé - de 700 à 1 050. L'évolution de ce produit est également relativement dispersée. Les zones où l'évolution est la plus forte, en bleu foncé, se retrouvent plutôt dans le Sud que dans le Nord et le Bassin parisien.

M. le Rapporteur : M. le Directeur général, vous avez commencé votre exposé en évoquant l'augmentation significative des dépenses des administrations publiques locales, puis la détérioration de leur solde dans la période récente. La DGCL, qui prépare et met en œuvre une politique de transferts financiers au profit des collectivités, intervient-elle également dans le sens de la maîtrise globale des dépenses des collectivités ? Les engagements que prend l'État à Bruxelles valent pour ses propres finances, mais également pour les finances sociales et celles des collectivités territoriales. Au-delà du constat statistique, votre administration s'attache-t-elle à peser, dans le respect évidemment du principe d'autonomie des collectivités territoriales, sur l'évolution de la dépense locale ? Par ailleurs, quel bilan précis tirez-vous de l'intercommunalité, pour ce qui touche notamment aux dépenses de personnel ? Que peut-on envisager pour mieux maîtriser l'évolution du total des dépenses des communes et de l'intercommunalité ? Vous avez souligné par deux fois que les dépenses augmentaient moins vite dans les communes en intercommunalité, mais que, pour autant, la progression de l'intercommunalité n'avait pas entraîné de diminution des budgets communaux. Quelles sont les possibilités d'influer sur cette évolution ?

M. Dominique SCHMITT : Non seulement les budgets des communes hors intercommunalités sont significativement plus importants que les budgets des communes membres d'une structure intercommunale, mais ils croissent plus vite que les autres. C'est le côté positif de l'intercommunalité. Le côté négatif, c'est que les dépenses supplémentaires liées à l'intégration intercommunale n'ont effectivement pas abouti à des diminutions des budgets communaux.

Le constat est rigoureusement le même pour les effectifs. Nous avons cherché à apporter des solutions par la loi du 13 août 2004, qui a assoupli le dispositif de mise à disposition croisée - des communes vers l'intercommunalité comme de l'intercommunalité vers les communes -, afin d'éviter les multiplications d'effectifs pour cause de rigidité des règles antérieures. Nous devrions commencer à en mesurer les effets.

La DGCL veille - c'est sa mission majeure et le Président Augustin Bonrepaux le sait bien, lui qui préside une des sections de la Commission consultative d'évaluation des charges - à ce que la compensation, en application des réformes introduites tant par la loi constitutionnelle que par la loi organique ou celle du 13 août 2004, soit bien intégrale. Autrement dit, cette compensation doit intégrer les dépenses directes et indirectes, être concomitante, à partir d'une évaluation provisoire, et enfin être contrôlée par une commission d'évaluation désormais présidée par un élu et dans laquelle l'État et les collectivités territoriales siègent à parité. C'est cette dépense contrôlée qui permettra d'ajuster la dépense définitive et, de ce fait, la compensation, laquelle doit être conforme à l'objectif constitutionnel d'autonomie financière des collectivités territoriales. Ce processus, qui s'échelonne sur plusieurs années et fait l'objet d'un contrôle très sérieux de la Commission consultative d'évaluation des charges, permettra de s'assurer que les évaluations provisoires arrêtées par les différents ministères répondent bien à l'objectif de compensation intégrale, et d'analyser en détail, à partir des éléments fournis par la comptabilité publique, ce que l'État faisait avant le transfert de compétences afin d'éclairer l'analyse de la Commission consultative, sur les dépenses tant directes qu'indirectes - le Président Augustin Bonrepaux peut témoigner avoir ainsi reçu des réponses précises sur des questions très importantes...

M. le Rapporteur : Tout cela est intéressant, mais ne répond pas à ma question...

M. Dominique SCHMITT : Vous m'avez interrogé sur le rôle de la DGCL...

M. le Rapporteur : Plus précisément, sur vos possibilités d'agir lorsque vous constatez certains dérapages dans les dépenses des collectivités territoriales.

M. Dominique SCHMITT : Nous sommes régis par le principe de libre administration des collectivités territoriales ; la DGCL n'a absolument aucun rôle de régulation.

M. le Rapporteur : C'est un élément de réponse...

M. Bernard DEROSIER : C'est dans la Constitution !

M. le Rapporteur : J'ai bien en tête ce que dit la Constitution sur l'autonomie des collectivités territoriales. Reste que l'État, en tant que contribuable local, et au-delà du strict exercice de compensation que M. Dominique Schmitt vient opportunément de rappeler, détient globalement une part conséquente dans le financement des collectivités territoriales. Celle-ci peut-elle l'inciter à influer sur le niveau de la dépense locale ? Le principe d'autonomie des collectivités territoriales le lui interdit-il ?

M. Bernard DEROSIER : En d'autres termes, y a-t-il une tutelle financière ?

M. René DOSIÈRE : Nous ne sommes pas en Union soviétique !

M. le Rapporteur : Ce n'est pas dans cet esprit que j'ai posé ma question. En tout cas, elle est ouverte...

M. Dominique SCHMITT : Nous ne pouvons jouer que sur un élément : l'évolution des dotations aux collectivités territoriales. C'est le seul que l'État contrôle.

M. Bernard DEROSIER : Et aussi le Parlement, un petit peu !

M. Dominique SCHMITT : Le Parlement, c'est aussi l'État...

M. Bernard DEROSIER : Je suis sûr que vous ne pensiez qu'au Gouvernement !

M. Dominique SCHMITT : Non, je vous assure. Reste que, en l'absence de normes législatives sur la dépense, nous n'avons de moyens d'action potentiels que sur les dotations. Tout le reste relève de la libre administration des collectivités territoriales. Tout au plus pourrions-nous éventuellement jouer sur les règles de liens fiscaux entre les différentes taxes...

M. Bernard DEROSIER : C'est d'ailleurs ce que vous faites.

M. Dominique SCHMITT : On le fait.

M. Bernard DEROSIER : Et sur les dégrèvements.

M. Dominique SCHMITT : En effet. Mais nos marges sont très réduites.

M. le Rapporteur : Une réflexion est-elle menée sur les dotations, les dégrèvements, les liens entre impôts, au regard d'un objectif de maîtrise de la dépense locale ?

M. Dominique SCHMITT : Aucune réflexion structurée dans le cadre d'un objectif de régulation globale.

M. René DOSIÈRE : Je vous interrogerai d'abord sur les transferts de TOS. L'Éducation nationale paraît incapable, dans mon département en tout cas, de préciser combien de personnes seront transférées. On comprend dès lors l'inquiétude des élus locaux devant l'improvisation qui semble régner en la matière. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur le calendrier de cette opération ?

Deuxièmement, le Parlement a voté la loi sur le handicap. Vos services ont-il pu chiffrer le montant qui devrait en résulter pour les collectivités, notamment le surcoût lié à la création de la nouvelle prestation de compensation du handicap ?

M. Alain GEST : C'est de la prospective...

M. René DOSIÈRE : À défaut, vous êtes-vous fixé une échéance ?

Sur la taxe professionnelle enfin, ressource majeure des collectivités territoriales, la plus grande incertitude règne également. Personne n'a d'idée précise ni du calendrier, ni des modalités. De surcroît, après la réforme de la DGF, c'est la deuxième fois qu'une disposition financière très importante ne fait plus l'objet d'un projet de loi spécifique, mais est purement et simplement intégrée dans la loi de finances, autrement dit, discutée entre deux articles, entre l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés...

M. Dominique SCHMITT : Rappelons au préalable que le processus de transfert des personnels se déroule en deux temps qu'il faut impérativement distinguer, sous peine de perdre toute lisibilité.

Le premier temps consiste à réaliser la photographie exacte de ce que faisait l'État avant le transfert. C'est donc le temps de la mise à disposition des personnels par des conventions ou arrêtés de mise à disposition. C'est une photographie exhaustive de ce qui existait en 2004. Pendant toute cette phase de mise à disposition des personnels, les charges de personnel sont intégralement supportées par l'État.

Une fois la photographie réalisée, soit à partir des conventions négociées entre les préfets de département ou de région et les exécutifs départementaux ou régionaux, soit, lorsque les conventions n'ont pu être signées, à partir des arrêtés soumis à une commission de conciliation, nous passons à la deuxième phase qui est celle de la préparation du transfert. Département par département, région par région, dans le cadre de commissions tripartites composées de représentants de l'État dans les départements et régions, de représentants des organisations syndicales des personnels concernées et de représentants des élus locaux, nous allons, sur la base des conventions et arrêtés de mise à disposition, organiser structurellement le transfert des personnels. De ces commissions remonteront une série de problèmes, que chaque ministère devra analyser afin de préparer les décrets de partition des personnels, lesquels, une fois pris, se déclineront département par département et région par région. C'est à ce moment-là que les personnels concernés, jusque-là sous le régime de la mise à disposition, pourront, pendant deux ans, faire jouer un droit d'option et choisir entre l'intégration dans la fonction publique territoriale et le détachement. Durant les deux années que durera ce droit d'option, ils resteront mis à disposition et les charges seront intégralement supportées par l'État. Sitôt l'option arrêtée, le processus de compensation s'enclenchera.

Autant dire que, pour l'heure, nous ne sommes pas en mesure d'évaluer le droit à compensation. Les conventions de mise à disposition ne sont qu'un élément parmi d'autres. Vient s'y ajouter la référence a minima à ce qui existait en 2002 et qui diffère de la photographie 2004 : c'est une sécurité complémentaire. Le troisième élément sera apporté au moment où s'enclenchera le processus de transfert, en fonction de la façon dont s'exercera le droit d'option. D'ores et déjà, et quelque soit le choix des personnels - intégration ou détachement -, le Gouvernement s'est engagé à compenser intégralement les charges sociales qui varieront selon le régime choisi mais qui, dans tous les cas, représenteront un surcoût pour l'État par rapport au régime qui existait auparavant. Il y aura donc compensation intégrale de ce que l'État faisait en 2004 et du surcoût lié au régime spécifique des charges sociales des collectivités territoriales.

M. Bernard DEROSIER : L'État s'est engagé, dites-vous, mais cela n'est écrit ni dans la loi, ni dans aucun texte réglementaire.

M. Dominique SCHMITT : C'est effectivement une décision du Gouvernement, prise lors d'une réunion interministérielle et qui a fait l'objet d'un « bleu », que j'ai communiquée en CCEC.

M. Bernard DEROSIER : Reste qu'on ne saurait y voir une base juridique.

M. Jean-Pierre GORGES : Si le Gouvernement le dit, c'est que c'est vrai...

M. le Rapporteur : Il n'y aura donc pas de compensation du décalage des régimes indemnitaires ?

M. Dominique SCHMITT : Non, dans la mesure où l'État compensera le régime indemnitaire de l'État, comme celui des collectivités territoriales en fonction du droit d'option.

M. le Rapporteur : Sachant que le cadre d'emploi d'atterrissage peut être doté d'un régime indemnitaire plus favorable ?

M. Dominique SCHMITT : Justement non.

M. le Président : Existe-t-il un cadre d'emploi spécifique pour les TOS ?

M. Dominique SCHMITT : Oui, ou plus exactement il y en aura un. Le Gouvernement propose la mise en place d'un cadre d'emploi spécifique TOS afin de garantir une similitude absolue avec ce qui existait précédemment dans le cadre de la compétence d'État.

M. le Rapporteur : Y compris pour ce qui touche au système indemnitaire ?

M. Dominique SCHMITT : Y compris pour ce qui touche au système indemnitaire. Partant de là, les collectivités territoriales pourront ou bien utiliser ce nouveau cadre d'emploi spécifique, ce qui n'entraînera aucune modification du régime indemnitaire, ou bien favoriser un détachement de ce cadre d'emploi spécifique vers les cadres d'emploi de la fonction publique territoriale. Dans ce contexte, il pourra y avoir des régimes indemnitaires complémentaires ; mais ce sera du libre choix de la collectivité territoriale.

M. le Président : Ou de l'agent, qui pourra opter pour le cadre spécifique ou pour celui de la collectivité territoriale.

M. Dominique SCHMITT : Justement non, et il est important de le préciser. Au moment de la partition définitive, un décret sera présenté au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale au mois de juillet, qui comportera un tableau d'homologie entre, d'un côté, les corps et grades de la fonction publique d'État et, de l'autre, les cadres d'emploi et grades de la fonction publique territoriale. Il n'y aura qu'une seule possibilité pour chaque grade et corps. Un fonctionnaire d'État ne pourra pas choisir le grade et le cadre d'emploi de la fonction publique territoriale : il sera obligatoirement, ou bien intégré, ou bien détaché, dans le cadre d'emploi et le grade indiqués sur ce tableau d'homologie.

Pour les TOS, il y aura, en face des grades TOS, un cadre spécifique « TOS territorial » que nous présenterons au même Conseil supérieur de la fonction publique territoriale. L'agent TOS pourra, selon son choix, être intégré ou détaché, mais uniquement dans ce cadre d'emploi spécifique TOS. C'est seulement une fois qu'il sera dans ce cadre d'emploi TOS que la collectivité territoriale pourra, si elle le souhaite, lui proposer de rejoindre un autre cadre d'emploi par détachement. Cette possibilité de détachement nous avait été demandée par certains exécutifs locaux désireux de se ménager une certaine souplesse afin de pouvoir créer de nouvelles structures de type unités mobiles par exemple, et qui faisaient perdre le lien avec l'établissement. Il fallait donc pouvoir intéresser le TOS à ce dispositif en lui proposant un détachement dans les cadres d'emploi existant de la fonction publique territoriale.

M. le Rapporteur : J'ai cru comprendre que, depuis une circulaire Lang de 2002, les TOS bénéficiaient d'éléments de temps de travail reconnus à la communauté éducative, ce qui les amenait en dessous des 1 600 heures annuelles. Est-ce exact ? Qu'en sera-t-il ? Quel est pour vous le temps de travail d'un TOS aujourd'hui ?

M. Jean-Pierre GORGES : La directive Bolkestein s'applique-t-elle aux TOS ?...

M. Bernard DEROSIER : Si c'est un TOS polonais...

M. Marc FRANCINA : Ou tchèque !

M. le Président : Allons ! La question est importante : quelle est la durée du travail actuelle d'un TOS ?

M. Dominique SCHMITT : Soyons clairs : le personnel n'emporte pas dans la collectivité territoriale les règles de fonctionnement de l'État. C'est l'application du principe de libre administration des collectivités territoriales.

M. Jean-Pierre GORGES : C'est donc le contraire de la directive Bolkestein...

M. le Rapporteur : Mais aujourd'hui ?

M. Dominique SCHMITT : Je ne peux pas vous apporter de réponse plus précise.

M. le Président : On ne connaît pas la durée du travail ?

M. Dominique SCHMITT : À partir du moment où un personnel est intégré ou détaché dans l'administration d'une collectivité territoriale, il est soumis au régime de fonctionnement de cette collectivité.

M. Bernard DEROSIER : Il faudra le dire aux personnels concernés : ils ne s'y attendent pas forcément...

M. Alain GEST : Pour l'instant, ils n'y sont pas encore. La question du Rapporteur portait sur la situation présente.

M. Dominique SCHMITT : Je suis Directeur général des collectivités locales, pas de l'administration de l'Éducation nationale... C'est à cette administration qu'il faut poser cette question.

M. René DOSIÈRE : Et sur le nombre de TOS ?

M. Dominique SCHMITT : Le nombre de TOS vous a été indiqué dans le rapport déposé au Parlement le 31 décembre 2004 : il est exactement de 92 998 équivalents temps plein, hors moyens de suppléance. Une fois terminé le travail d'élaboration des conventions et des arrêtés, le but est que l'addition de toutes les conventions et de tous les arrêtés aboutisse à ce total de 92 998. Ces 92 998 TOS en équivalent temps plein et hors moyens de suppléance sont à comparer aux 92 273 personnels TOS recensés au 31 décembre 2002.

M. René DOSIÈRE : Et pour les handicapés ?

M. Dominique SCHMITT : Là encore, je vous invite à auditionner l'administration chargée de ce dossier, qui n'est pas du ressort de la DGCL.

M. René DOSIÈRE : Et sur la réforme de la taxe professionnelle ?

M. Dominique SCHMITT : La LOLF ne permet pas de faire autrement que d'intégrer la réforme de la taxe professionnelle en loi de finances...

M. René DOSIÈRE : Ce n'est pas sûr.

M. Dominique SCHMITT : ...et l'on a tout lieu de penser que le calendrier arrêté sera maintenu. Les ministres, après avoir recueilli en mars les avis des élus sur les principales propositions du rapport Fouquet, se sont donné rendez-vous au mois de juin afin d'exploiter leurs observations. Entre ces deux dates, les administrations travaillent à des simulations dont le résultat sera soumis à la concertation préalable au débat parlementaire, en juin. La DGCL ne dispose pas pour l'heure d'éléments plus précis, le travail principal étant effectué par la Direction de la législation fiscale. Nous interviendrons immédiatement après pour vérifier que les « fils rouges » mis en place par le ministère de l'Intérieur, particulièrement pour ce qui touche à la préservation de l'autonomie financière et des marges de manœuvre des collectivités territoriales en matière de vote des taux, n'ont pas été remis en cause. C'est notre souci fondamental. L'objectif est d'aboutir à des simulations présentables dès juin aux élus.

M. René DOSIÈRE : La suppression de la taxe professionnelle régionale est-elle toujours à l'ordre du jour ?

M. Dominique SCHMITT : Aucun arbitrage n'a été rendu.

M. Jean-Pierre GORGES : J'avais appelé dès notre première réunion à suivre une certaine méthodologie ; j'aurais aimé que cette audition ait lieu en premier ! Les éléments que nous découvrons aujourd'hui nous auraient permis d'être beaucoup plus performants lors des autres auditions...

M. le Président : Encore aurait-il fallu avoir connaissance des taux 2005 et que les arbitrages, pour ce qui touche notamment aux compensations, interviennent plus tôt !

M. Jean-Pierre GORGES : Certes, mais n'aurait-il pas mieux valu dans ce cas attendre avant de démarrer les travaux de notre Commission d'enquête ?

M. le Président : Ce n'est tout de même pas nous qui avons décidé de la créer ! Là-dessus, vous avez parfaitement raison, nous aurions pu attendre au lieu de nous précipiter...

M. Bernard DEROSIER : Faute avouée est à moitié pardonnée !

Mme Claude DARCIAUX : C'est un peu fort !

M. Jean-Pierre GORGES : Laissez-moi continuer ! J'ai encore quelques éléments qui devraient vous faire un peu moins plaisir...

M. le Président : Pour l'instant, vous avez totalement raison...

M. Bernard DEROSIER : Mais ce n'est pas sympa pour le Rapporteur !

M. Jean-Pierre GORGES : Force est de constater, et M. Dominique Schmitt le confirme, que la part des régions dans la fiscalité est mince : 6 %.

M. le Président : On ne l'a pas assez dit !

M. Jean-Pierre GORGES : Je le redis, en toute objectivité.

M. René DOSIÈRE : Et 30 % de 6 %, ce n'est pas énorme !

M. Jean-Pierre GORGES : M. Dominique Schmitt démontre également que l'augmentation de la fiscalité n'a rien à voir avec les transferts de compétences ; ses chiffres prouvent clairement qu'elle est principalement liée à l'évolution des charges d'administration.

M. Dominique SCHMITT : Je n'aurais pas pu le faire il y a trois mois...

M. Jean-Pierre GORGES : Nous sommes bien d'accord. Il aurait mieux valu attendre de voir vos chiffres pour démarrer notre Commission d'enquête. Nos investigations en auraient été facilitées.

Je reprends. Le poids des régions est finalement très faible alors qu'on en a fait tout un monde ; les évolutions de la fiscalité ne sont pas liées à celle des compétences, vous en avez fait la démonstration poste par poste ; le système de défense des régions se construit en fait sur des charges futures, qu'il s'agisse des TOS ou autres - on est dans l'hypothétique, sinon le procès d'intention.

Il y a bien plus grave à mes yeux : un de vos tableaux montre que, globalement, la fiscalité progresse beaucoup plus rapidement que les richesses. Non seulement notre pays s'« administratise » de plus en plus, mais l'État continue de grossir à chaque phase de décentralisation, et plus vite que la croissance du PIB. Le problème n'est pas du tout l'insuffisance des moyens accompagnant le transfert de compétences, mais le fait que ceux qui transfèrent des compétences ne subissent pas de diminution de leurs moyens. Au contraire, ces moyens continuent de grossir. Autrement dit, l'État ne joue pas le jeu, non pas parce qu'il ne transfère par les ressources suffisantes, mais dans la mesure où, loin de diminuer du fait des décentralisations, son train de vie continue à augmenter. Ne faut-il pas commencer par la réforme de l'État ?

M. Bernard DEROSIER : Eh oui !

M. René DOSIÈRE : Vous devriez créer une commission d'enquête...

M. Jean-Pierre GORGES : Il faut savoir dire quand les choses ne vont pas.

M. Bernard DEROSIER : Il est objectif...

M. Jean-Pierre GORGES : J'essaie de l'être et c'est tout l'intérêt de cette présentation.

Vous démontrez également que l'intercommunalité est une catastrophe : non seulement les dépenses intercommunales suivent une courbe exponentielle, mais les communes continuent d'augmenter les leurs ! L'intercommunalité est, j'en suis persuadé, nécessaire ; reste que notre système est pervers dans la mesure où ceux qui continuent de grossir des deux côtés ne sont pas pénalisés. Il n'est que de voir comment évolue le coefficient d'intégration fiscale : les pondérations sont si faibles que l'on a tout loisir d'augmenter la fiscalité... Les communes et intercommunalités représentent la moitié des montants en jeu. C'est donc à ce niveau qu'il faut intervenir en priorité.

Avez-vous comme moi repéré certains effets pervers de la « loi Chevènement » ? Vous paraît-il normal que toutes les collectivités jouent le même rôle dans les mêmes domaines de compétence ? En a-t-on mesuré l'effet induit sur la fiscalité ? La multiplication des niveaux de perception des taxes ne favorise-t-elle pas, notamment pour la taxe professionnelle, une certaine irresponsabilité dans la mesure où chacun peut relever son taux sans en être politiquement très gêné ? Tous ces effets pervers ne risquent-ils pas d'entraîner pour tout le pays des conséquences autrement plus graves que celles sur lesquelles on se focalise à propos des régions ?

M. René DOSIÈRE : Aimez-vous le millefeuille ?

M. Dominique SCHMITT : Je ne peux que partager votre analyse sur un des problèmes que vous évoquez...

M. Bernard DEROSIER : Lequel ?

M. Dominique SCHMITT : ...et qui est à mes yeux prioritaire : la mise en synergie des compétences. Ce doit effectivement être une préoccupation majeure.

M. le Rapporteur : Quel outil imaginez-vous vous donner pour aider à cette mise en synergie ?

M. Dominique SCHMITT : Il faut repenser fondamentalement - mais mes propos, à ce stade, n'engagent que moi - la contractualisation, en partant de projets de territoire, afin de contractualiser sur une mise en synergie des compétences et non sur un saupoudrage de financements divers et variés. Pour peu qu'on veuille en faire un régulateur de la décentralisation et de la déconcentration, la contractualisation peut être demain un élément majeur pour rendre cohérentes et lisibles décentralisation et déconcentration. Ce n'est bien entendu que la position du Directeur général des collectivités locales. Un certain nombre de ministères travaillent également sur cette question, qui peut être arbitrée par le Gouvernement lors de la préparation de la prochaine contractualisation - laquelle fera nécessairement l'objet d'un débat au Parlement.

En revanche, jamais je n'ai considéré l'intercommunalité comme une catastrophe. Bien au contraire, j'y vois du positif comme du négatif. Indéniablement, les budgets des communes en intercommunalité croissent moins vite que ceux des communes qui n'y sont pas. Je vous propose une étude complémentaire sur ce sujet.

M. Jean-Pierre GORGES : Mais la somme des deux ?

M. Dominique SCHMITT : Ce à quoi il faut ajouter, mais je n'y vois pas un élément négatif, que les dépenses d'investissement croissent dans les communes en intercommunalité alors qu'elles auraient plutôt tendance à rester stables dans les autres.

M. Jean-Pierre GORGES : Il n'empêche que les courbes des dépenses restent ascendantes dans un cas comme dans l'autre.

M. le Rapporteur : Tout augmente, c'est bien connu...

M. Jean-Pierre GORGES : On aurait aimé voir une pente positive d'un côté et négative de l'autre !

M. Bernard DEROSIER : À la mesure de la cote de popularité des élus concernés...

M. Dominique SCHMITT : Il est évident aussi que la croissance des budgets des intercommunalités ne se retrouve pas en négatif dans les budgets des communes.

M. Jean-Pierre GORGES : C'est bien ce que je dis !

M. Dominique SCHMITT : C'est indiscutable. Reste que les budgets des communes en intercommunalité évoluent beaucoup moins vite que ceux des communes qui n'y sont pas.

M. le Rapporteur : C'est moins pire...

M. Jean-Pierre GORGES : C'est la résultante des deux qu'il faut apprécier !

M. Dominique SCHMITT : Encore faut-il intégrer la qualité des services rendus au citoyen, qui, dans certains cas, sont sans commune mesure avec ceux que pouvait offrir, avant, une petite commune isolée.

M. Jean-Pierre GORGES : Le service rendu, je suis pour. Mais la politique de la ville, par exemple, vous l'aurez dans la ville et dans l'agglo. Tout le monde veut les compétences. Autrement dit, on paie deux fois. À côté des compétences exclusives - eau, transports, assainissement, etc. -, pour lesquelles le système marche très bien, il est toute une série de domaines dans lesquels on persiste à jouer des deux côtés.

M. Dominique SCHMITT : La loi du 13 août 2004 a permis de faire évoluer les règles de gouvernance locale. L'ancien système fondé sur les deux principes de compétences exclusives et de spécialité pour les établissements publics de coopération intercommunale a eu, au fur et à mesure de la montée en puissance, un effet négatif qui a poussé à un dédoublement des administrations et donc des moyens. La loi du 13 août 2004 a apporté des réponses novatrices et qui devraient fondamentalement améliorer les choses. Ainsi, la mise à disposition croisée permet d'éviter un dédoublement des services. De même, la possibilité de conventions financières entre communes et communautés de communes et les fonds de concours sont des améliorations importantes. Enfin, l'introduction de la notion d'intérêt communautaire permet d'atténuer le principe d'exclusivité de compétence, qui était régi par la logique du tout ou rien. Plus on ira loin dans la définition de l'intérêt communautaire, plus il sera facile d'éviter les doublons.

M. le Rapporteur : Mais certains souhaitent que l'on n'aille pas trop vite...

M. Jean-Pierre GORGES et M. René DOSIÈRE : C'est pour cela que l'Association des maires de France a demandé dix-huit mois de report !

M. Dominique SCHMITT : Le Gouvernement a accédé à cette demande car le Président de l'AMF craignait, même si cela paraît paradoxal, qu'à vouloir aller trop vite, on casse le système. De son point de vue et je pense qu'il a raison, l'enjeu était tel qu'il méritait de se donner le temps de la concertation. Voilà pourquoi la demande d'un report d'un an nous a paru acceptable - à condition, évidemment, que ce soit le dernier. Il n'est pas question de revenir sur un dispositif qui a le mérite de clarifier la réalité de l'intercommunalité. Les outils mis en place en 2004 - fonds de concours, mises à disposition de personnels, conventions financières - devraient fortement corriger les côtés négatifs que vous dénoncez.

M. Jean-Pierre GORGES : Reste le problème fondamental : l'État, au fur et à mesure des décentralisations, ne diminue pas pour autant son train de vie. C'est à mon avis la question de fond que doit se poser la Commission d'enquête.

M. le Président : Pouvez-vous nous donner votre avis, M. le Directeur général, sur le fait que l'État ne réduit pas ses dépenses ?

M. René DOSIÈRE : Si tel est l'objet de notre Commission d'enquête...

M. Dominique SCHMITT : Pour ce qui est de la DGCL, nous serons amenés à demander à notre ministre d'intervenir, au moment des arbitrages et de la rédaction des arrêtés de mise à disposition, face au comportement de certaines administrations centrales. C'est clair.

M. le Rapporteur : Pouvez-vous traduire ?

M. Bernard DEROSIER : On a compris !

M. Jean-Pierre GORGES : Autrement dit, l'État va commencer à réagir...

M. René DOSIÈRE : C'est aussi clair que certaines questions du Rapporteur !

M. Bernard DEROSIER : M. le Directeur général, vous avez fait référence à un engagement du Gouvernement. Il est souvent arrivé au Gouvernement, et même au Premier ministre, de s'engager en matière de moyens à mettre en œuvre pour les collectivités territoriales... Aussi aimerais-je avoir votre avis de technicien - avec un grand T - puisque vous avez la charge de mettre en œuvre les relations financières entre l'État et les collectivités territoriales. Le Gouvernement, en la personne du Premier ministre, a déclaré que les charges liées au RMI seraient compensées. Nous avons même découvert le patronyme d'un ministre que nous ne connaissions pas au début de la législature : « Monsieur à l'euro près », autrement dit M. Copé... Après les collectivités territoriales, le voilà chargé du budget, bien placé pour verser à l'euro près les charges du RMI aux départements, comme s'y est engagé le Premier ministre. Or les sommes que ces derniers ont reçues ne peuvent être considérées comme une compensation à l'euro près, puisqu'elles correspondent au reversement de cette fameuse part de TIPP.

Pouvez-vous nous confirmer qu'au-delà de 2004, ce principe sera retenu ? Pour l'instant, l'annonce du Premier ministre ne concerne que 2004 ; nous n'avons aucune garantie pour 2005. Est-il au moins dans vos projets de tenir compte des dépenses réelles des départements en matière de RMI afin de les rembourser à l'euro près ?

La compensation doit tenir compte du surcoût lié à la mise en œuvre des contrats d'avenir et des contrats de RMA. En effet, à chaque fois qu'un allocataire du RMI se voit proposer un de ces contrats, il faut verser une part de revenu minimum parfois plus importante que ce qu'il aurait perçu auparavant. L'État est-il disposé à prendre en compte ce différentiel non expressément prévu dans la loi de transfert ?

Enfin, le Premier ministre a annoncé que les départements ayant signé les conventions bénéficieraient d'une sorte de prime à la signature. Le président de mon conseil général ayant refusé de signer, j'aimerais en savoir davantage sur cette prime que mon département ne touchera pas, et surtout sur quelle ligne budgétaire et par quelle gymnastique financière elle sera versée - en abondant, j'imagine, la dotation ! Je ne doute pas que vous saurez me répondre sur cette annonce du Gouvernement...

M. le Président : Sur la base de quelle référence sera compensé le RMI de 2005 ? La compensation sera-t-elle calculée à partir des dépenses 2003 ou des dépenses 2004 ?

M. René DOSIÈRE : Après le Nord, l'Ariège...

M. Dominique SCHMITT : S'agissant du RMI, nous avons affaire à deux textes de loi : la loi du 13 août 2004 et la loi RMI-RMA, contrairement aux autres compétences, régies par la seule loi du 13 août 2004.

Si la loi RMI-RMA a organisé le transfert de cette compétence suivant les principes repris un an plus tard dans la loi du 13 août 2004 - la compensation intégrale par référence aux dépenses de l'année précédente -, venait s'ajouter une problématique spécifique : l'introduction du RMA pour lequel il n'était évidemment pas possible de se référer à l'année précédente. D'où une disposition spécifique, une « clause de revoyure », renvoyant non pas à l'année précédente, mais à l'année suivante, c'est-à-dire à 2004.

La Commission consultative d'évaluation des charges peut attester que les 4,941 milliards d'euros de dépenses de l'État constatées en 2003 ont été intégralement compensés au cours de l'année 2004 et début 2005. Reste que la « clause de revoyure » pouvait être interprétée de deux façons différentes. L'interprétation a minima, selon laquelle elle était destinée à ne prendre en compte que le RMA et les incidences de l'allocation de solidarité spécifique (ASS), était partagée par la plupart des administrations, dont ma direction. Mais les associations d'élus défendaient une interprétation beaucoup plus large, selon laquelle la « clause de revoyure » devait prendre en compte toute l'incidence 2004, y compris l'augmentation du nombre d'allocataires. C'est finalement cette interprétation qu'a décidé de reprendre à son compte le Premier ministre en acceptant de couvrir l'intégralité des dépenses des départements telles que constatées dans les comptes administratifs 2004.

La Commission consultative d'évaluation des charges ne peut être saisie de cette question dès aujourd'hui dans la mesure où ne disposons pas des comptes administratifs de 2004. Il est possible, et même certain, que certains départements ont payé treize mois en 2004 car ils ont souhaité aller beaucoup plus rapidement que ce que faisait l'État auparavant : il est évidemment hors de question de leur rembourser treize mois. Seul l'examen des comptes administratifs permettra de connaître très précisément les montants dépensés en 2004. Sitôt ces chiffres connus, les arrêtés de compensation définitive seront préparés et présentés à l'avis de la Commission consultative d'évaluation des charges.

Sur la question, plus fondamentale, de savoir si cela est pris en compte en bases ou simplement sous forme de dotation, je ne puis vous répondre. Elle a clairement été posée par la Commission consultative d'évaluation des charges ; les élus ont fait savoir qu'ils souhaitaient une compensation en bases. En tout état de cause, l'arbitrage ministériel sera pris avant que la Commission consultative ne soit saisie du problème. Si satisfaction est donnée aux élus, le montant de la régularisation ne sera plus, on l'aura compris, de 450 millions, mais de 900 millions, puisqu'il faudra non seulement compenser le différentiel 2004, mais intégrer l'effet 2005... Je ne peux à cette heure préjuger de la décision gouvernementale.

M. Bernard DEROSIER : Et sur les contrats d'avenir ? Le signataire d'un contrat d'activité peut recevoir plus de RMI qu'il n'en touchait auparavant.

M. Dominique SCHMITT : Je préférerais que vous interrogiez les administrations concernées. Je ne suis pas en charge des affaires sociales...

M. le Président : Mais il s'agit bel et bien d'une extension de compétence, et qui coûte plus cher. Depuis longtemps que l'on parle de cette augmentation, vous avez eu tout loisir de la calculer ! Dans mon département, elle est de 25 %, et toujours non compensée.

M. Dominique SCHMITT : Je ne puis vous répondre.

M. Bernard DEROSIER : Et sur la prime à la signature annoncée par le Premier ministre ?

M. Dominique SCHMITT : Nous déclinerons la décision annoncée par le Premier ministre au moment de la préparation de l'ensemble des arrêtés de mise à disposition. La somme des arrêtés et conventions devra correspondre, si l'on veut que chacun retrouve ses effectifs, au total national de 92 998 personnels TOS. C'est par rapport à ce chiffre que le Premier ministre a annoncé un effort supplémentaire afin de corriger à la marge certains écarts constatés entre départements s'agissant des effectifs dont ils disposent...

M. Alain GEST : C'est hors la loi !

M. Dominique SCHMITT : Cela fera l'objet d'une présentation appropriée, le moment venu.

M. Bernard DEROSIER : En attendant, il n'y a pas de base juridique.

M. Dominique SCHMITT : Ce n'est effectivement, à ce stade, qu'une intention du Gouvernement.

M. Bernard DEROSIER : Mais pas de base juridique.

M. Dominique SCHMITT : Je puis simplement indiquer que ce dispositif viendra en plus des 92 998 TOS déjà mentionnés ; il sera préparé par l'Éducation nationale au vu des instructions précises du Premier ministre.

M. Alain GEST : Ce sera pour la prochaine commission d'enquête...

M. le Président : C'est tout de même un problème constitutionnel : la compensation s'effectuera-t-elle à l'euro près ou, pour certains, à 1,05 euro près ?

M. Jean-Pierre GORGES : Ce sera pour la prochaine commission d'enquête !

M. le Président : Tout à l'heure, vous ne vouliez pas aller trop vite, et maintenant, vous voulez en faire une autre !

M. Jean-Pierre GORGES : Dans deux ans, pour voir ce qui s'est passé !

M. Dominique SCHMITT : Vous avez aujourd'hui 92 998 personnels TOS. La compensation doit donc porter sur 92 998 personnels TOS répartis sur l'ensemble du territoire, suivant des modes de calcul rigoureusement identiques pour l'ensemble des départements et des régions.

M. Jean-Pierre GORGES : C'est une compensation au TOS près...

M. Bernard DEROSIER : Autrement dit, le Premier ministre raconte des carabistouilles !

M. Dominique SCHMITT : Non.

M. Alain GEST : Allons ! C'est inimaginable !

M. Dominique SCHMITT : Ce chiffre résulte d'une photographie exacte de la situation, mais celle-ci fait également apparaître des différences de traitement entre académies. Aussi le Premier ministre a-t-il annoncé un effort supplémentaire par rapport à la compensation à l'euro près - la précision est importante - en direction de certaines académies, indépendamment de la compensation des transferts prévue par la loi.

M. Bernard DEROSIER : Ce n'est pas ce qu'il a dit dans sa déclaration...

M. Marc FRANCINA : Ces 92 998 personnels correspondent-ils à des postes pourvus ou à des postes ouverts ?

M. Dominique SCHMITT : À des postes pourvus.

M. Marc FRANCINA : Autrement dit, où il y a quelqu'un. Mais quid des postes ouverts et non pourvus ?

M. Dominique SCHMITT : Ils ne feront pas l'objet de mises à disposition.

M. Marc FRANCINA : Ils ne donneront donc pas lieu à compensation. De ce fait, là où les départements ou les communes ont mis à disposition des TOS pour garder des lycées ouverts, les postes ne seront pas pourvus.

M. Dominique SCHMITT : Pas tout à fait. Ainsi que je l'ai déjà dit, il ne faut pas mélanger les deux phases du transfert. Les arrêtés ou conventions de mise à disposition ne sont pas les seuls éléments déterminant le droit à compensation. Si les conventions de mise à disposition se limitent aux emplois pourvus, le droit à compensation fait également référence à la situation de 2002. L'écart peut être significatif, certains postes ayant par la suite cessé d'être pourvus pour des raisons diverses.

M. Marc FRANCINA : Je ne parle pas de ceux-là, mais des postes qui ne l'ont jamais été et que les collectivités territoriales ont elles-mêmes pourvus pour remédier à une situation donnée.

M. Dominique SCHMITT : Ceux-là n'entrent pas dans le champ de compensation, conformément à la loi.

M. Marc FRANCINA : Vous avez défendu les contrats de territoire ; en tant qu'élu de base, j'y suis assez opposé, car on finit par recréer un syndicat intercommunal pour les gérer, retombant dans l'effet de millefeuille.

M. le Rapporteur : D'autant que, comme le président Marc Censi nous l'a dit, le contrat de territoire risque d'être l'occasion de poser des ambitions nouvelles... Nous sommes plusieurs à n'être pas convaincus que le contrat de territoire soit synonyme de synergies dont on puisse espérer des économies et une mutualisation des moyens.

M. Dominique SCHMITT : Il faut avoir à l'esprit les dispositions que vous avez prises pour corriger la loi Voynet : la « petite loi SRU » ayant supprimé l'obligation de passer obligatoirement par des nouvelles structures ayant la personnalité juridique. Les opérations de contractualisation infrarégionale peuvent se faire sans aucune structure. La contractualisation dite de pays peut revêtir des formes aussi simples que le régime de l'entente intercommunale, sans personnalité juridique.

Un projet de territoire, en milieu urbain, se dessinera souvent lors de l'élaboration d'un SCOT, support parfait pour une mise en synergie des compétences.

M. Jean-Pierre GORGES : Exactement.

M. Dominique SCHMITT : Si un SCOT est établi, il n'y a aucun travail supplémentaire : il suffit de mettre tous les partenaires autour d'une table et de regarder comment, à partir d'un PADD, les compétences se mettent en synergie au regard des objectifs souhaités pour le territoire. On peut donc, à partir d'outils existants, arriver à quelque chose de très performant.

Dans les pays ruraux en revanche, il ne faut surtout pas pousser à la création d'un SCOT, qui n'est pas obligatoire, ou d'une nouvelle structure : trois ou quatre intercommunalités peuvent parfaitement se concerter et s'accorder sur une vision du territoire. On pourrait imaginer que l'État porte à connaissance, comme il le fait pour les SCOT mais de façon plus « politique », toutes ses intentions stratégiques sur le territoire concerné, et que le conseil régional et le conseil général fassent de même. Ce serait un moyen de lancer une mise en cohérence des politiques, un processus de contractualisation calé sur un projet de territoire voulu par les élus et sur une image claire des stratégies de chacun en fonction des compétences. Cela garantirait une visibilité pour tous sur ce qui pourrait se passer les années suivantes en fonction des responsabilités de chacun.

M. le Président : Nous avons presque une heure de retard ; nous aurons l'occasion d'auditionner à nouveau M. le Directeur général le 25 mai prochain.

M. Bernard DEROSIER : On ne s'en lasse pas...

M. Maurice LEROY : Quid des contrats emploi solidarité et des contrats emploi consolidé dans les collèges et les lycées ?

M. Alain GEST : C'est dans la loi...

M. Maurice LEROY : Le texte ne les prend pas en compte alors même que ces emplois existent dans les établissements. Peut-on dès lors parler d'une compensation à l'euro près ? Qu'on le veuille ou non, ce sera un transfert de charges supplémentaires, les directions des établissements ayant eu tôt fait de considérer ces personnels supplémentaires comme un acquis.

M. Dominique SCHMITT : Le ministère de l'Intérieur a demandé et obtenu dans un arbitrage que ces personnels apparaissent dans les conventions de mise à disposition, afin d'identifier très précisément le nombre de CES et de CEC travaillant dans les établissements concernés. S'agissant des transferts eux-mêmes, le législateur a expressément prévu que ces emplois, relevant de la politique d'intégration qui reste une responsabilité de l'État, ne feront pas l'objet d'un transfert.

Partant de là, trois problèmes se posent. Le premier est de s'assurer que la part employeur payée par l'État entre bien dans le champ de la compensation des dépenses transférées aux collectivités territoriales. Cette décision a été prise après arbitrage : la part employeur correspondant aux effectifs CES et CEC recensés dans les conventions et arrêtés de mise à disposition sera bien prise en charge par l'État, sur la base de la moyenne des dépenses supportées par l'éducation nationale durant les trois dernières années. La part employeur est donc intégralement couverte.

Deuxième question, posée par la Commission consultative d'évaluation des charges : l'État garantira-t-il le maintien du nombre de ces emplois d'intégration, qui restent de sa compétence propre, dans les années à venir ? Cela est évidemment de la responsabilité du Gouvernement. La décision incombera chaque année au ministère chargé de la politique d'intégration au moment de la préparation du projet de budget. Pour 2005, la réponse est clairement oui.

Une troisième question a été posée par la Commission consultative d'évaluation des charges - dont au demeurant les analyses, comme les réponses de l'administration, contiennent nombre de précisions sur les points soulevés par les membres de la Commission d'enquête, auxquels il serait donc utile, monsieur le président Bonrepaux, de diffuser les comptes rendus - sur le coût comparatif des CES et CEC par rapport aux contrats d'avenir et aux CAE. La réponse que je prépare à l'intention de la Commission d'évaluation, et que devrait pouvoir vous confirmer la direction générale chargée de la formation professionnelle, est que les coûts horaires sont rigoureusement identiques.

M. le Président : Tous ces transferts seront compensés par une part de la taxe sur les conventions d'assurance. Comment et dans quelle mesure les collectivités territoriales pourront-elles la faire évoluer ?

Vous avez souligné tout à l'heure que les régions avaient augmenté leurs dépenses au titre de la formation et du transport ferroviaire. Est-ce lié ou non à la décentralisation ? Existe-t-il en 2005 d'autres dépenses liées à la décentralisation ?

M. Jean-Pierre GORGES et M. Alain GEST : Il a déjà répondu à cette question.

M. Dominique SCHMITT : Les régions ayant hérité de la formation professionnelle et de l'apprentissage, elles ont bénéficié des dotations correspondantes...

M. le Président : Mais le besoin de formations nouvelles, exigeant des effectifs en conséquence, n'a-t-il pas entraîné des charges supplémentaires ?

M. Dominique SCHMITT : Je ne le pense pas.

M. Jean-Pierre GORGES : Ce sont des choix politiques...

M. le Président : Certaines formations n'étaient pas, jusqu'alors, de la compétence des régions. Or, on vient de leur fixer des objectifs supplémentaires - la formation des infirmières et des aides-soignantes, par exemple.

M. Dominique SCHMITT : Ces formations-là, a priori, ne sont pas prises en compte dans les budgets.

M. Alain GEST : Pas encore !

M. Jean-Pierre GORGES : Ce sera pour la prochaine commission d'enquête !

M. le Président : Ne pensez-vous pas que si toutes les informations que vous avez données à la Commission d'évaluation des charges, et parmi lesquelles on trouve effectivement certaines avancées, avaient été communiquées en temps voulu, les départements notamment auraient pu limiter la progression de leur pression fiscale ?

M. le Rapporteur : Que d'a priori !

M. Dominique SCHMITT : Le système fonctionne en deux temps, le premier est celui de l'évaluation provisoire, le second celui de l'évaluation définitive après constat des dépenses réalisées effectivement par l'État l'année précédente. Depuis la clôture de l'exercice 2004, je ne dispose que maintenant des éléments permettant de travailler sur l'évaluation définitive avec la Commission d'évaluation des charges. Nous avons fourni ces éléments il y a quelques semaines à la CCEC qui ont permis de constater certaines avancées. De surcroît, le Gouvernement a pris des décisions supplémentaires allant au-delà de ce qui aurait découlé de la stricte application de la loi du 13 août et répondant à certaines de vos préoccupations dans la concertation sur les décrets d'application : ainsi en est-il de la prise en compte des charges sociales, pour les routes comme pour les TOS. Cet effort supplémentaire, qui n'entrait pas stricto sensu dans le cadre de l'application de la loi du 13 août, a été consenti par le Gouvernement en réponse aux questions que vous aviez posées au moment où les départements ont reçu cette compétence, au début de l'exercice 2005. L'arbitrage gouvernemental est intervenu dès le mois de mars afin de pouvoir apporter la réponse à la Commission d'évaluation des charges où la question a été directement posée.

M. le Président : Pour ce qui est de la taxe sur les conventions d'assurance, pourrez-vous nous fournir un tableau représentant, département par département, la part de bases transférées ? Et quel mode d'évolution prévoit-on pour la suite ?

M. Dominique SCHMITT : Conformément aux engagements pris par M. Jean-François Copé, nous sommes en train de travailler sur la territorialisation, autrement dit sur la mise au point d'une assiette territorialisée de la TSCA, comme de la TIPP. Cette réflexion, conduite par le ministère de l'économie et des finances, n'est pas encore terminée. L'objectif est de la mener à terme dans le courant de l'exercice 2005.

M. le Rapporteur : Pourrons-nous revenir sur ces questions dans deux semaines ? Nous en avons encore beaucoup d'autres, notamment sur les ressources.

M. le Président : Au demeurant, j'ai bien compris que M. Dominique Schmitt ne pourra nous donner la réponse qu'à la fin de l'année... Le problème est que notre Commission d'enquête aura déjà rendu son rapport.

M. Dominique SCHMITT : Quoi qu'il en soit, nous sommes clairement dans l'examen de la territorialisation. Une fois ce problème résolu, à la question de savoir si le Gouvernement entend permettre aux collectivités de jouer sur les taux ou l'assiette, la réponse est également oui, sous réserve toutefois de l'accord de l'Union européenne en ce qui concerne la TIPP.

M. le Président : Mais seulement en 2007, lorsque ce sera transféré...

M. le Directeur général, nous vous remercions d'avoir répondu à ces nombreuses questions.

Audition de M. Gérard BUREL,
Président du conseil général de l'Orne,
accompagné de M. Charles-Henri BOUVET,
Directeur général adjoint des services du département, chargé des finances


(Extrait du procès-verbal de la séance du 10 mai 2005)

(Les réponses du conseil général de l'Orne au questionnaire de votre Commission d'enquête, remises par M. BUREL lors de son audition, sont reproduites en page 351 du tome III du présent rapport)

Présidence de M. Augustin BONREPAUX, Président

MM. Gérard Burel et Charles-Henri Bouvet sont introduits.

M. le Président : Mes chers collègues, nous accueillons maintenant M. Gérard Burel, Président du conseil général de l'Orne, accompagné de M. Charles-Henri Bouvet, Directeur général adjoint des services du département, chargé des finances.

Au cours de l'audition des représentants de l'Association des départements de France, chacun a souligné la diversité des situations. Nous avons donc décidé d'entendre des présidents de conseils généraux issus des diverses tendances politiques - vous appartenez, M. Gérard Burel, à l'UMP - et venus de départements aux caractéristiques différentes.

Département principalement rural, l'Orne présente la caractéristique d'une grande stabilité de ses taux d'impôts directs. Nous souhaitons que vous puissiez nous expliquer dans quelle mesure la situation de votre département est particulière et quels ont été vos choix politiques en matière de financement. Nous avons pu constater que vos taux étaient particulièrement élevés, deux fois plus que la moyenne nationale si nos informations sont exactes. Pourrez-vous notamment nous dire de quand date cette situation ?

M. le Président rappelle à MM. Gérard Burel et Charles-Henri Bouvet que les dispositions législatives relatives aux commissions d'enquête leur ont été communiquées. À l'invitation du Président, ceux-ci prêtent serment.

M. Gérard BUREL : Élu de l'Orne depuis 1970, j'en préside le conseil général depuis 1993. L'Orne est un département plutôt rural, où l'agriculture constitue le premier poste du PIB marchand, mais le pourcentage d'emplois industriels y est le premier de Basse-Normandie, devant le Calvados. Le département compte 292 000 habitants, c'est-à-dire qu'il se situe dans la strate comprise entre 250 000 et 500 000 habitants.

Le département a connu des fortunes diverses, et je répondrai tout de suite à la question que vous venez de me poser : pourquoi les taux de la taxe d'habitation et du foncier bâti sont-ils si élevés ? J'avoue, à ma grande honte, que la seule chose que je sais, c'est que les causes en sont historiques, puisqu'elles datent d'avant la guerre de 1914 ! J'ai essayé de les réduire, mais la règle de liaison des taux m'en a empêché. En outre, il est toujours risqué de baisser les impôts, car on ne sait jamais si on ne va pas être amené à les augmenter à nouveau quelques années après.

Quelle était la situation que j'ai trouvée en 1993 ? L'encours de la dette s'élevait à 1,089 milliard de francs, soit presque autant que le budget de fonctionnement, qui était de 1,2 milliard de francs. La situation était donc assez désespérée, à telle enseigne que les banques ne voulaient plus nous prêter d'argent. C'est dire que notre signature avait peu de valeur ! Le département avait surinvesti, en pratiquant beaucoup d'interventions dans toutes les directions. Mon prédécesseur, qui était sénateur, était très sollicité par les communes, pour des écoles, des mairies, des piscines, des salles polyvalentes, pour la voirie rurale ou communale, etc. Ces subventions étaient distribuées larga manu, sur l'excédent de fonctionnement, puis en empruntant lorsque l'excédent était épuisé, puis en autorisant le préfinancement quand il n'y avait plus de possibilités d'emprunter. Le département est donc rapidement « sorti des clous » par rapport aux critères habituellement admis.

Il a donc fallu mener une politique courageuse, consistant à mettre un frein aux subventions aux communes, sauf pour l'adduction d'eau, l'assainissement des eaux usées, l'électrification rurale, les écoles et les mairies. J'ai dû aller m'expliquer devant les maires, certains ont protesté, d'autres m'ont dit : « on savait bien que ça ne pouvait pas durer » et m'ont souhaité bon courage... Le courage a consisté à comprimer les dépenses de fonctionnement, ce qui est plus facile à dire qu'à faire, et à faire rentrer l'argent qui nous était dû, ce qui m'a donné des sueurs froides à certains moments. Nous avions un système pour les contingents d'aide sociale payés par les communes, avec deux termes : le solde de l'année précédente et l'acompte demandé pour l'année suivante. Quand j'ai demandé à mes services quel était le montant du solde dû au département, ils m'ont dit : entre 13 et 15 millions de francs. Comme une différence de 2 millions de francs, ce n'est tout de même pas rien, je leur ai demandé de bien revérifier, et quinze jours après ils m'ont avoué, la tête un peu basse, que finalement ce n'était pas 17 millions de francs, mais 35 millions ! Imaginez ce que c'est que de devoir réclamer 35 millions aux communes de son département !

M. Alain GEST : Quand on fait ça, mieux vaut ne pas être candidat aux sénatoriales !

M. Gérard BUREL : Les montants les plus élevés étaient ceux des trois plus grandes communes du département, dont les maires, de droite comme de gauche, m'ont dit : « C'est impossible, on ne peut pas te rembourser maintenant ! » Mais on m'a assuré que les communes rurales, elles, avaient toutes un bas de laine, et de fait, à ma plus grande surprise, elles ont payé à 95 %, ce qui m'a donné une bouffée d'oxygène. Je n'étais pas sorti du pétrin pour autant, car tous les clignotants étaient au rouge, et il a fallu limiter pendant un ou deux ans le budget d'investissement, après avoir surinvesti sur les routes. Il y a eu aussi, bien sûr, une augmentation de la fiscalité, portant sur tous les taux, y compris ceux qui étaient déjà très élevés. Heureusement, cela n'a duré que deux ans. Je précise que nous sommes tout de même au-dessous de la moyenne de la strate pour la taxe professionnelle, et que le foncier non bâti pèse très peu dans nos budgets. Pendant six ou huit mois, j'ai vraiment cru que je ne redresserais pas la situation, mais peu à peu les clignotants se sont remis au vert. Et en quatre ans, à ma grande surprise car je croyais que ce serait plus long, le département est revenu à meilleure fortune, et a recommencé à pouvoir vivre sa vie. Il y a donc eu deux ans où les taux ont augmenté respectivement de 8 % et de 6 %, ce qui n'est pas négligeable, mais j'étais bien décidé à éviter une nouvelle hausse. Les investissements sont revenus peu à peu, j'ai expliqué au préfet que ce n'était pas à moi de les financer pour des pôles scolaires ou des regroupements pédagogiques, dans la mesure où c'était l'État qui décidait des fermetures de classes. J'ai continué, en revanche, à subventionner les mairies, car c'est symbolique, le département les subventionne toujours. Tout cela, petit à petit, a porté ses fruits, ce qui nous a permis de nous désendetter.

La dette était énorme. Il y avait une partie « remboursable » qui était comptabilisée comme étant la nôtre, mais que les communes devaient nous rembourser. Nous avons négocié avec le Crédit local de France, qui a bien voulu nous la racheter moyennant indemnités, sauf celle de deux communes qu'il prétendait insolvables - mais qui, depuis, ont tout remboursé au département. Cela m'a permis de réduire la dette de 200 millions de francs, ce qui est toujours bon à prendre en termes d'affichage...

Depuis, la situation s'est améliorée. Nous avons fait une gestion de trésorerie assez pointue, en profitant de toutes les possibilités, comme le revolving, les fameux CLTR, qui consiste à confier sa trésorerie à un banquier qui, au lieu de vous verser un intérêt, ce qu'il ne peut pas faire légalement, vous diminue d'autant les intérêts que vous lui devez. Et aujourd'hui, la dette n'est plus que de 34 millions d'euros, soit bien moins que la moyenne de notre strate. La dette départementale par habitant, hors Paris, était de 456,71 euros en 1996, elle est de 327,25 euros en 2003. Nous sommes à 136,31 euros. Ces chiffres sont vérifiables, ce sont ceux de l'Association des départements de France.

La conclusion qu'il faut en tirer, c'est qu'un département peut s'enfoncer très vite, mais que, quand il se redresse, ça peut aller vite aussi. Pour cela, il faut qu'il y ait une volonté, il faut surtout ne pas être lâché par ses collègues conseillers généraux, mieux vaut donc qu'il n'y ait pas d'élections, municipales ou cantonales, à brève échéance. Il n'empêche que cette technique a bien marché, et que les résultats sont là. Je ne vous jure pas que, dans deux ou trois ans, nous ne serons pas amenés à augmenter à nouveau les impôts, mais je reste vigilant, attentif, et comme le principe de compensation par l'État est inscrit dans la Constitution, je n'ai pas de raison de douter...

M. Bernard DEROSIER : Il y en a au moins un qui y croit !

M. le Rapporteur : Vous avez expliqué pourquoi il n'y a pas eu d'augmentation pendant neuf ans. Qu'est-ce qui vous a permis, pendant toutes ces années, de ne pas augmenter les impôts ? Avez-vous eu le sentiment que votre prudence en matière de dépenses vous a empêché de répondre à la demande des citoyens ? Il y a tout de même eu, dans la période récente, l'APA, les 35 heures, les SDIS. Comment avez-vous absorbé le choc, étant donné que la Constitution ne comportait pas encore les garanties qui y sont désormais inscrites ?

M. Gérard BUREL : J'ai eu à subir, comme d'autres, les 35 heures. Comment ai-je résolu le problème ? Je vous surprendrai sans doute beaucoup : je n'ai embauché personne du fait des 35 heures. J'ai embauché 22 personnes plus tard, certes, mais sur un budget séparé, celui du laboratoire vétérinaire départemental, au moment de la crise de l'ESB, et il y avait, en face, des recettes importantes, puisque nous faisions à l'époque plus de 1 000 analyses par jour. Mais le département stricto sensu n'a embauché personne. Les fonctionnaires territoriaux ont su faire des progrès de productivité, que nous avons accompagnés par l'achat de matériels informatiques performants qui ont permis de supprimer des tâches répétitives.

L'APA nous a davantage gênés. On nous a annoncé un beau jour qu'elle devrait être en place au 1er janvier 2002, mais les décrets d'application de la loi n'étaient même pas sortis ! Dans mon département, la montée en charge, Dieu merci - mais je crains qu'il n'en aille pas de même pour la loi sur le handicap -, a été progressive, la PSD comme l'ACTP ont baissé parallèlement, et comme nous avions, sur l'exercice précédent, des excédents de fonctionnement assez confortables, nous avons pu passer le cap. L'État, au début, a mis un certain temps à compenser, aujourd'hui il compense à 33 %, c'est-à-dire bien moins que les 50 % que nous espérions. Mais depuis, ça se passe bien, et les tableaux qui vous ont été remis font apparaître le nombre des bénéficiaires : 6 000 pour l'APA, encore 528 pour l'ACTP et plus aucun, depuis 2002, pour la PSD.

M. le Rapporteur : Et le SDIS ?

M. Gérard BUREL : C'est autre chose. Nous avons subi le choc de plein fouet. Je me souviens de congrès de présidents de conseils généraux où tout le monde critiquait la façon dont les choses se passaient. Depuis, les départements sont devenus les principaux contributeurs. Avant, c'étaient les communes, mais l'augmentation de leur participation est désormais strictement encadrée, ce qui veut dire que les conseils généraux absorbent toutes les augmentations des budgets, quelle qu'en soit la raison - investissement ou fonctionnement. Je précise que je préside le conseil d'administration du SDIS de mon département.

Nous avons eu une déconvenue récente avec la prestation de retraite qui va être versée aux sapeurs-pompiers volontaires. Il est tout à fait légitime que ces gens très dévoués en bénéficient, mais il nous en coûtera, dans l'Orne, 375 euros pour chacun de nos 1 341 sapeurs-pompiers volontaires, soit 503 000 euros, somme sur laquelle le ministère de l'intérieur nous donne royalement 145 000 euros. Reste donc 358 000 euros, qu'il faudra bien trouver dans le budget du SDIS. Cette année, ça va passer, puisque nous avions un excédent de fonctionnement - j'ai en effet appliqué à la gestion du SDIS les mêmes méthodes qu'à celle du département -, mais l'année prochaine ? Je m'inquiète d'autant plus qu'on nous annonce une participation à hauteur de 2 % du budget de personnel pour la formation des officiers professionnels !

Le problème - et M. Michel Mercier, que vous entendrez tout à l'heure, a dénoncé ce fait à juste titre -, c'est que les sapeurs-pompiers ont pris l'habitude de négocier directement au ministère de l'Intérieur, sans que nous soyons conviés et sans qu'on nous demande notre avis. Nous n'avons plus, ensuite, qu'à financer ! Mon sentiment, c'est que l'État n'a pas l'air de vouloir choisir. Le préfet est le patron opérationnel, le président du conseil général fournissant les moyens. C'est une façon de diluer les responsabilités en cas de pépin. Si un Airbus ou un Boeing s'écrase, on aura du mal, quel que soit le département, à envoyer les hommes et le matériel dans les délais requis, et à répartir les blessés dans les hôpitaux. Le préfet dira : « je n'avais pas les moyens de faire face. » Le président du conseil général dira : « j'ai fait ce que j'ai pu avec les moyens que j'avais. » Mieux vaudrait que les sapeurs-pompiers et le SDIS soient confiés en totalité au préfet, avec toute l'intendance, dans la mesure où il s'agit d'une mission régalienne de l'État. Ou alors, pourquoi pas, en totalité au président du conseil général. Mais il faut choisir.

M. Jean-Pierre GORGES : Il faudrait mettre cela en fiscalité propre.

M. Gérard BUREL : À mon avis, qui n'engage que moi, il faudrait une capitation par habitant, qui apparaisse sur la feuille d'impôt. J'aime bien les pompiers, j'ai d'excellentes relations avec eux, ils sont remarquables de dévouement, mais ainsi les citoyens sauraient, pour une fois, combien ça leur coûte. Ce serait plus clair.

M. Bernard DEROSIER : Sur les problèmes de personnel, je sais qu'un certain nombre de mes collègues considèrent que tous nos maux viennent des 35 heures. Vous nous dites qu'elles ne vous ont pas conduit à embaucher, mais je relève que votre budget de personnel a augmenté de près de 14 % entre 1998 et 2005. Ce n'est pas seulement dû au GVT, il doit y avoir autre chose, d'autant que, sur la même période, si j'en crois le tableau suivant, les effectifs ont augmenté de 125 par rapport à 699 au départ, soit une augmentation de 18 %. À quoi correspond cette augmentation ?

Question subsidiaire : lorsque le Parlement a voté les emplois-jeunes, combien le département en a-t-il embauché directement ?

M. Gérard BUREL : Très peu : 5 seulement, mais que nous avons intégrés après.

M. Bernard DEROSIER : Moins de 1 %, donc.

M. Gérard BUREL : Tout à fait.

Quand nous étions en période de rigueur, nous avons laissé partir du personnel sans le remplacer. Parallèlement, il y a eu un audit pour mettre en adéquation les postes et les personnels correspondants. Tout ça s'est passé en douceur, et c'est seulement au bout de quatre ans que les représentants syndicaux m'ont demandé quels étaient les effectifs du département. Ils ont alors eu la surprise de constater qu'ils avaient baissé de 100. Depuis, il y a eu l'ESB, 80 personnes travaillent au laboratoire départemental, dont 40 s'occupent exclusivement de l'ESB - pour l'instant, car personne ne sait combien de temps ça va durer.

Pour le reste, il y a eu montée en puissance parce que certains services se sont étoffés, mais ça n'a rien de scandaleux : nous sommes tout à fait dans la norme des départements de notre strate. Bien sûr, comme tout le monde, nous attendons les TOS et les personnels de la DDE, ce qui va provoquer une forte augmentation. Et puis il y a aussi la gestion du RMI, pour laquelle nous avons embauché 16 personnes, ainsi que la mise en place des différents schémas : gérontologie, handicap, etc. Tout cela requiert des personnels compétents.

M. le Président : Pour le RMI, il n'y a pas eu de transfert de personnels de l'État ?

M. Gérard BUREL : Si, mais nous avons voulu faire un peu mieux, notamment pour l'insertion et l'accompagnement des allocataires.

M. Alain GEST : Juste une précision : vous avez dit tout à l'heure que le nombre de bénéficiaires de l'APA était de 6 000. Combien y en avait-il auparavant, tous systèmes confondus, y compris la PSD ?

M. Gérard BUREL : 4 000, peut-être même moins. En 2001, c'était 1 526 pour la PSD et 768 pour l'ACTP. Quand on est passé à l'APA, il y en a eu 4 762 en 2002. Vous trouverez ces chiffres dans le dossier que nous allons vous laisser. Actuellement, c'est autour de 6 000.

Mme Claude DARCIAUX : Cela prouve qu'il y avait un vrai besoin !

M. Alain GEST : Le Directeur général des collectivités locales vient de nous indiquer que ni les dernières lois de décentralisation, ni la loi relative au RMI-RMA n'avaient d'effet sur les budgets des départements et des régions. Pouvez-vous nous le confirmer en ce qui concerne les départements ?

M. Gérard BUREL : Il y a un effet, mais très faible à mon avis. En revanche, des conseils généraux voisins ont vu progresser leur nombre d'allocataires. Comme le système fonctionne à guichets ouverts, on doit payer sans discuter, on n'a pas de prise, on ne peut pas programmer. Certains départements ont la chance de ne pas en avoir trop, mais ce n'est pas le cas partout. C'est ce que j'ai du mal à faire comprendre à certains magistrats de la Chambre régionale des comptes, qui nous demandent pourquoi nous avons tant de dépenses à caractère social.

M. Bernard DEROSIER : De quoi se mêlent-ils ?

M. Gérard BUREL : Je ne leur ai pas dit ça comme ça...

M. Bernard DEROSIER : De temps en temps, il le faut !

M. Gérard BUREL : Ils m'ont aussi parlé de certaines dépenses non obligatoires que nous avons. Nous avons, par exemple, un hélicoptère sanitaire biturbine qui nous coûte les yeux de la tête, alors qu'avant nous n'avions qu'un hélicoptère monoturbine. De même, nous avions seulement trois pilotes, et maintenant on en exige cinq, notamment pour des raisons d'amplitude horaire. Heureusement, nous nous sommes associés avec la Sarthe. Le coût est plus facile à supporter à deux.

M. Alain GEST : Ce que je voulais vous faire préciser, c'est si, pour le RMI, les compensations de l'État en 2004 par rapport à 2003 ont été correctes, et conformes aux engagements du Gouvernement ?

M. Gérard BUREL : Je crois que oui, mais M. Charles-Henri Bouvet va vous donner plus de précisions.

M. Charles-Henri BOUVET : Sur le RMI-RMA, à la sortie de l'exercice 2004, nous avions 2,5 millions d'écart avec l'exercice précédent, sur 22,5 millions d'euros. On peut estimer qu'il s'agit du montant que le département assumait pour l'insertion avant la décentralisation.

M. Alain GEST : Je reprécise ma question : j'ai demandé si les dépenses étaient compensées. On me dit qu'il y a un différentiel de 2,5 millions d'euros, sachant qu'en 2004 il y a eu, malheureusement, une hausse du nombre des allocataires dans tous les départements. Est-ce bien de cela qu'il s'agit ? Si oui, on retombe dans ce qu'a expliqué le DGCL en matière de compensations, compte tenu des engagements du Premier ministre.

M. Charles-Henri BOUVET : Le total des dépenses en compte administratif est de 22,506 millions d'euros, la compensation est de 17,154 millions d'euros. La différence est d'un peu plus de 5 millions d'euros, mais il y a, dans ces 5 millions, la part d'insertion que le département assumait avant. Il reste donc à compenser 2,5 millions d'euros environ. Cela correspond à ce que l'État devrait normalement nous reverser. Il nous restera donc la part d'insertion que nous faisions avant la décentralisation, à moins que l'État nous fasse un cadeau.

M. le Président : Il y aura donc 2,5 millions d'euros qui seront compensés début 2006.

M. Jean-Pierre GORGES : Conformément aux engagements pris !

M. le Président : Si ce qui est annoncé maintenant l'avait été trois mois plus tôt, peut-être les choses auraient-elles été différentes... Certains engagements sont donc tenus, mais pas tous : vous avez entendu ce qui a été dit sur les SDIS.

M. le Rapporteur : Il faut avoir confiance !

M. Bernard DEROSIER : Notre confiance a trop longtemps été trompée.

M. le Président : En tout cas nous progressons, et peut-être notre Commission y est-elle pour quelque chose...

M. Alain GEST : Il faut distinguer entre les conséquences des lois de décentralisation et celles des mesures sociales supplémentaires prises dans le cadre de compétences que nous avions déjà. Dans le cas des sapeurs-pompiers, par exemple, il n'y a pas de décentralisation nouvelle, il y a une amélioration de la situation des sapeurs-pompiers, ce qui est tout à fait différent. C'est une mesure sociale nouvelle, certes non compensée, mais qui n'a rien à voir avec la décentralisation.

M. Maurice LEROY : Je n'ai pas bien compris, il va falloir que je vienne en stage dans l'Orne... On nous dit que les 35 heures n'y ont pas provoqué d'embauches, mais les effectifs ont tout de même augmenté de 18 %. J'aimerais comprendre. Je ne vois pas, par exemple, comment un département peut, sans embaucher, passer de moins de 2 000 bénéficiaires de la PSD à 6 000 bénéficiaires de l'APA : même avec le meilleur des logiciels, il doit prendre du retard dans le traitement des dossiers ! N'y a-t-il vraiment pas eu de charges supplémentaires de personnel liées aux 35 heures et à l'APA ?

M. Bernard DEROSIER : Avez-vous signé un accord-cadre avec les syndicats sur les 35 heures ? Si oui, nous aimerions en avoir connaissance.

M. Gérard BUREL : Il y a eu des discussions. J'ai signé l'accord-cadre, mais pas eux... Ils étaient libres de signer ou non, comme je l'étais moi-même d'appliquer ce que je trouvais juste. Je vous enverrai le texte de l'accord, qui ne porte donc que ma signature.

Pour répondre à M. Maurice Leroy, les dépenses de personnel sont une chose, mais il y a des majorations tous les ans du fait du GVT. Nous avons embauché des personnels, non pas à cause des 35 heures, mais du fait d'actions nouvelles, par exemple dans les laboratoires.

M. Jean-Pierre GORGES : Vous avez donc fait « fondre votre gras » pour financer ces nouvelles opérations...

M. Alain GEST : Votre barème de PSD devait être très élevé, ce qui explique que le différentiel ait été extrêmement faible.

M. le Président : Vous faites également état d'un petit différentiel sur le Fonds social du logement, que vous réclamez à l'État. Ai-je bien compris ?

M. Gérard BUREL : C'est exact. Les discussions sont en cours.

M. le Président : Avez-vous observé, depuis 2002, une baisse du Fonds national des adductions d'eau ? Et cela a-t-il gêné le département rural que vous êtes ?

M. Gérard BUREL : Cela m'aurait beaucoup gêné si le département n'était pas déjà équipé à 99 % pour l'adduction d'eau.

M. le Président : Il n'y a donc pas eu de conséquences pour vous ? Il y a tout de même eu d'abord une réduction de moitié, puis un basculement vers les agences de l'eau.

M. Gérard BUREL : Pour les adductions d'eau, il n'y a pas eu de conséquences, ou très peu. Il y en a eu davantage pour l'assainissement, c'est vrai.

M. le Président : J'ai vu dans la presse que vous aviez équipé votre département en Wimax. Certains vous demanderont pourquoi vous avez dépassé vos compétences, mais ce n'est pas moi qui vous le reprocherai. Je voudrais simplement savoir comment il faut faire...

M. Gérard BUREL : L'Orne, pour son malheur, a manqué son désenclavement routier. Notre première autoroute, l'A28 entre Alençon et Rouen, 125 km d'un seul coup, va être inaugurée fin octobre, et nous entamons les travaux de l'A88 entre Alençon et Caen par Sées. Cela nous a servi de leçon. La première fois que j'ai parlé à mes conseillers généraux des « autoroutes de l'information », comme on disait à l'époque, ils m'ont d'abord regardé avec des yeux ronds. Je leur ai expliqué qu'il ne fallait pas que nous manquions, après le désenclavement routier, le désenclavement numérique, qui est un facteur d'attractivité pour les entreprises. Je suis revenu à la charge six mois plus tard, entre-temps certains s'étaient documentés et m'ont dit : il faut y aller.

C'était plus facile à dire qu'à faire, car on ne savait ni combien ça coûtait, ni quelle technique choisir. On nous proposait de couvrir le département en fibre optique, comme dans le Rhône, mais M. Michel Mercier avait les moyens, et moi je ne les avais pas. Je savais, par contre, que l'opérateur historique avait déployé de la fibre optique dans le département. J'ai donc été voir le directeur pour lui demander très poliment la carte, qu'il a refusé de me donner. Je suis revenu deux ou trois fois à la charge, et de guerre lasse il me l'a communiquée, en me faisant jurer sur l'honneur que c'était seulement pour mon information. En fait, l'opérateur historique attendait de pied ferme les autres opérateurs, pour leur imposer d'en passer par ses fibres à lui, mais ils ne se précipitaient pas.

Comme nous sommes un petit département, avec peu de moyens, il fallait trouver une autre formule. Il était alors question de la boucle locale radio. La législation ne le permettait pas, mais j'ai pris le risque, tout comme mon collègue et voisin de l'Eure, M. Jean-Louis Destans. Il a eu l'opérateur historique sur le dos en pleine campagne électorale, mais quand il a eu fini de déployer sa fibre optique en doublant ce qu'avait fait France Télécom, il était maître de sa fibre, ce qui lui a permis de faire baisser les tarifs en organisant une concurrence. Je suis parti tout seul, sur une autre technique, J'étais vétérinaire, donc bien éloigné des NTIC et de toutes ces choses, et je me demandais si nous avions fait le bon choix. Il est toujours risqué de choisir une technique, sans être sûr qu'elle soit bonne, qu'elle soit performante, et qu'elle permette des évolutions ultérieures.

Pour trouver les financements, il n'était sans doute pas très indiqué de s'adresser à l'État quand on est à la limite de la légalité. J'ai donc demandé à la région et à l'Europe, et nous avons réussi à rassembler 8 millions d'euros, dont 4,9 pour le département, 2 pour la région et 1 pour l'Europe. Nous avons lancé l'appel d'offres, et j'ai eu deux réponses : de France Télécom qui nous proposait l'ADSL avec les performances que l'on lui connaît, et d'une entreprise du nom d'Altitude Télécom, qui proposait de couvrir tout le département, ce à quoi je tenais beaucoup. Mais je voulais d'abord faire une expérience grandeur nature sur l'agglomération d'Alençon. L'émetteur couvrait 5 km de rayon seulement, avec 8 ou 9 mégabits, ce qui suffit bien pour la plupart des usages industriels - en tout cas pour l'instant car dans quatre ou cinq ans ce ne sera sans doute plus assez. Comme ça a marché, on a équipé une deuxième ville, puis on s'est aperçu qu'il y avait un petit problème avec une zone industrielle à 10 kilomètres de là, à Tinchebray. Notre partenaire nous a proposé de nous installer le WiFi, d'une portée très courte, mais qui la couvrait parfaitement. On a vu que ça marchait, on y est allés sans état d'âme. Ils ont installé 17 pylônes, en utilisant aussi les réservoirs d'eau, et mon département est désormais intégralement couvert, pour le coût que j'ai dit. En plus, la portée des pylônes est maintenant de 25 km.

M. le Président : Et quel est le coût pour l'usager ?

M. Gérard BUREL : L'ADSL est proposé dans l'Orne à 27 euros par mois, le Wimax à 39 euros. J'avais des doutes au départ, mais on sait maintenant que le système Wimax va devenir le standard. Le choix que nous avions fait était donc le bon.

M. le Président : Merci de cette consultation. Merci aussi de cette démonstration qu'un département n'est pas forcé de se limiter à ses compétences et peut faire beaucoup pour le développement économique, même si cela coûte un peu et oblige parfois à augmenter les impôts.

M. le Rapporteur : Nous y voilà !

M. le Président : En tout cas, M. Gérard Burel ne l'a pas fait.

M. Gérard BUREL : J'ajoute que, lorsque l'opérateur historique a proposé une convention des départements innovants, j'ai refusé les deux premières moutures, mais que j'ai eu l'honneur de signer la troisième, qui me convenait parfaitement, avec M. Thierry Breton, qui était alors à la tête de l'entreprise. L'effet a été très positif, car fin 2005, France Télécom aura amené l'ADSL partout où c'est possible, à partir de ses sous-répartiteurs. Bien sûr, il aura une partie de la clientèle des particuliers, mais j'ai obtenu de mon opérateur pour la boucle locale radio, au terme d'une rude négociation, que les agriculteurs soient traités comme les particuliers, étant donné qu'ils ne font pas un usage permanent du Wimax. Je suis très satisfait car je sais qu'on pourra demain, si le besoin s'en fait sentir, augmenter les débits et les portées.

Reste la question de savoir comment évacuer toutes les données numériques. Si j'avais eu les mêmes moyens que M. Michel Mercier dans le Rhône, j'aurais tiré une fibre optique depuis Alençon jusqu'à Rouen. Comme je ne les avais pas, je me suis contenté de faire poser un tuyau sur les bas-côtés de l'autoroute, ce qui me permettra d'en tirer une le moment venu. Voilà : vous savez tout.

M. le Président : Je vous remercie de toutes ces réponses et de toutes ces précisions.

Audition de M. Michel MERCIER,
Président du conseil général du Rhône


(Extrait du procès-verbal de la séance du 10 mai 2005)

Présidence de M. Augustin BONREPAUX, Président

M. Michel Mercier est introduit

M. le Président : Mes chers collègues, nous accueillons maintenant M. Michel Mercier, Président du conseil général du Rhône.

Nous poursuivons avec vous nos auditions de présidents de conseils généraux représentant des départements variés et des sensibilités politiques différentes. Membre de l'UDF, vous êtes un spécialiste reconnu des finances locales, mais aussi le président d'un conseil général qui affiche une politique d'évolution soutenue de sa fiscalité directe, même si les taux restent modestes. Par ailleurs, vous venez de présenter devant l'Observatoire de la décentralisation un rapport assez critique sur le financement du RMI. Nous souhaitons donc entendre vos explications sur ces choix et ces appréciations.

M. le Président rappelle à M. Michel Mercier que les dispositions législatives relatives aux commissions d'enquête leur ont été communiquées. À l'invitation du Président, celui-ci prête serment.

M. Michel MERCIER : Je m'efforcerai d'être le plus bref possible, car votre Commission sait déjà beaucoup de choses. Il est exact que le département du Rhône a augmenté ses impôts ces dernières années et va le faire encore dans les années qui viennent. Mais s'en tenir à cet aspect n'a pas beaucoup de sens. Tout dépend du niveau d'où l'on part. Nous sommes le cinquième département le moins imposé de France. D'autre part, notamment en matière sociale, c'est l'État qui fixe la quotité des dépenses, dépenses dont nous ne sommes que les gestionnaires, ce qui conduit naturellement les départements à se situer à un niveau de fiscalité à peu près équivalent.

Comme nous étions peu imposés, nous étions très endettés, sans doute étions-nous, et sommes-nous encore, le département le plus endetté de France. Il y a eu, dans le département, un événement un peu particulier. Lyon étant considérée comme une ville riche, elle reçoit peu d'aides. Il est toujours difficile de bousculer les idées reçues, notamment chez les plus riches que nous, comme la Haute-Savoie, département qui est de loin le plus riche de Rhône-Alpes, et qui veut cacher sa richesse... Quand M. Michel Noir était maire de Lyon, nous avions décidé ensemble de construire un périphérique, car Lyon était la seule grande ville de France à ne pas en avoir. Nous avons cherché qui pouvait nous aider. L'Europe, pas question ! Paris non plus, arguant que c'était un projet local : on sait que personne ne passe par Lyon, surtout pour aller du nord au sud... Quant à la région, elle a dit aussi que c'était purement local, alors même qu'elle payait dès qu'il y avait quelque chose à faire à Valence, à Saint-Chamond, à Annecy, partout sauf dans le Rhône ! Nous avons donc fait face tout seuls, communauté urbaine et département. Nous avons concédé pour trouver 15 milliards de francs, mais le Conseil d'État a annulé la concession. En une semaine, il a fallu payer le concessionnaire, et le département a dû faire immédiatement un emprunt de 1,2 milliard de francs, ce qui nous a lourdement et durablement endettés, même si nous avons mené depuis une politique active qui nous a permis de nous désendetter de 900 millions de francs.

L'impôt, donc, est plutôt faible, la dette plutôt lourde, et les nouvelles compétences pèsent très fortement sur le budget du département. Les dépenses sociales sont devenues le premier poste. Notre budget est d'environ 1,450 milliard d'euros, ce qui est plutôt faible pour un département comptant 1,6 million d'habitants. Le social représente 53 % du budget total, et 75 % du budget de fonctionnement.

Que peut-on remarquer sur ces dernières années ? Il y a eu certes des augmentations dues à notre propre action, comme pour le périphérique de Lyon, dont le péage ne nous rembourse que le milliard de francs que nous avons emprunté sur les 6 milliards de francs du coût total, mais il y a eu aussi d'autres événements qui nous ont poussés à augmenter sensiblement les impôts : la prise en charge des SDIS, des personnes âgées, des handicapés, l'insertion au sens RMI du terme...

Pour les sapeurs-pompiers, par exemple, les dépenses sont passées de 4 millions d'euros par an à 90 millions d'euros entre 1996 et 2005. Aujourd'hui, nous avons un corps qui est un des premiers de France, sinon le premier, avec 4 000 volontaires. Nous avons créé 2 000 postes de volontaires pour remplacer des professionnels, bien qu'on nous ait dit à l'époque que ça ne pouvait pas marcher en ville, plus 1 500 professionnels, et tout ce qu'il faut comme colonels et autres officiers. Tout cela pèse très lourd, en termes de capacité d'intervention, compte tenu des industries chimiques autour de Lyon et de la nécessité d'avoir des équipements spéciaux pour faire face au risque chimique, aussi bien à Lyon que dans toute la France. Nous avons aussi à répondre au risque d'attentats, et nous avons donc équipé spécialement 400 sapeurs-pompiers pour y répondre. Ce sont des dépenses très spécifiques, qui expliquent que le poids des sapeurs-pompiers soit extrêmement lourd.

S'agissant des grands postes de dépenses, ils sont tous de l'ordre du milliard de francs. Le RMI, tout compris, allocations et insertion, nous a coûté l'an dernier 150 millions d'euros. Nous sommes passés de 29 000 à 31 000 bénéficiaires, les allocations nous ont coûté environ 123 millions d'euros, l'insertion 17 autres millions d'euros, nous avons reçu de l'État 107 millions d'euros, il a donc manqué 15,5 millions d'euros, que nous avons pris, comme les autres départements, sur notre trésorerie. Lorsqu'il a fallu fixer les impôts pour 2005, je n'ai pas tenu compte de ce qui nous a manqué sur les allocations du RMI : compte tenu de la parole du Gouvernement, j'ai considéré que c'était fait. Mais sur l'année 2005, il nous manque déjà 9,6 millions d'euros entre ce que nous avons versé et ce que nous avons reçu au titre de la TIPP.

Dans le communiqué de Bercy sur les recettes fiscales de l'année, tout augmente, sauf la TIPP qui baisse de 1,4 %. La TIPP n'a rien à voir avec le RMI, et si on choisit une recette qui baisse pour financer une dépense qui monte, on peut toujours courir ! Pour que ça s'équilibre, il faut trouver autre chose, et il faut que les collectivités puissent en discuter avec l'État. Nous avons un engagement du Premier ministre, il n'y a pas de raison de ne pas lui faire confiance. Quand on aura réglé 2004, on aura réglé 2005, ou alors c'est que le Gouvernement sort du système qu'il a lui-même fixé, et aussi de la Constitution, qui oblige à compenser par une recette fiscale. Un demi-milliard d'euros, ça ne se trouve pas comme ça, La seule chose que puisse faire l'État, c'est augmenter la part départementale de la TIPP pour 2004, ou bien choisir un autre impôt. Et une fois qu'il l'aura augmentée, cela m'étonnerait que quelqu'un monte à la tribune du Parlement pour annoncer qu'il va la diminuer, de sorte que l'acquis 2004 se reproduira automatiquement en 2005, mais on restera dans une situation qui n'est pas bonne. Quand il y a un impôt affecté, un seul impôt pour financer une seule dépense, la même question se repose tous les ans, ça ne risque pas de marcher, et c'est la négation même de l'idée d'impôt multiple, dont les éléments varient pour faire face à une masse de dépenses. Il faut absolument qu'on en sorte.

Dans mon département, il a manqué 15,5 millions d'euros l'an dernier, et déjà 9,6 millions d'euros cette année, soit plus de 25 millions d'euros au total. Qu'est-ce qu'on fait dans ces cas-là ? Un emprunt de trésorerie, tous les jours. Comment ? C'est très simple. Le matin, on regarde ce qu'on a à payer, on examine avec le payeur ce qui va rentrer et on veille à ce qu'il ne reste rien en caisse le soir. Le matin, à 11 heures 20 - car j'ai remarqué qu'avant, la paierie ne paie jamais, il faut attendre qu'ils soient prêts et qu'ils aient fini de trier tous leurs papiers - à 11 heures 20 donc, je fais débloquer les lignes de trésorerie, et à 15 heures 50, on arrête les lignes de trésorerie pour faire rentrer tout ce qui reste. À cette heure-là on ne paie plus, ils commencent à ranger leurs dossiers ; on se met d'accord avec le payeur sur l'ordre de priorité des mandats qu'on va payer dans la journée, on veille à ce qu'il reste zéro en caisse le soir, car ce n'est pas la peine de laisser de l'argent qui coûte et dont personne ne se sert. Et on recommence le même système le lendemain, de façon à avoir le moins de frais financiers possible.

Une dépense dont on ne parle jamais, et qui coûte très cher, c'est même la première mais les handicapés vont certainement passer devant, c'est l'enfance en difficulté. Dans un département comme le nôtre, il y a 5 700 enfants qui relèvent de l'aide sociale à l'enfance. Mais chez nous, il y a une vieille tradition, c'est que les juges appliquent non pas le code mais une décision de la Cour de cassation, et pratiquent le placement direct sans consulter nos services. Nous avons un schéma départemental - on en est au quatrième -, mais le juge dit : « je suis libre, je suis indépendant, je fais ce que je veux », il place les enfants n'importe où et nous, on court derrière pour payer. C'est un vrai problème, car nous avons dépensé 900 millions de francs.

Nous avons 31 000 allocataires du RMI, 5 700 enfants placés, 18 700 personnes âgées qui bénéficient de l'APA, cette APA qui a été à la fois un coup et un coût pour le département. Et comme plus personne, parmi les hautes autorités respectées de la République, ne parle de cette chose un peu bizarre qui s'appelle péréquation, le Gouvernement s'est laissé aller, il nous a donné 4 millions d'euros de moins en 2005 par rapport à 2004 pour financer l'APA, alors qu'il y a 1 000 bénéficiaires de plus. Cela nous a coûté un point de fiscalité. La péréquation, dans le Rhône c'est mal vu parce que c'est considéré comme synonyme de grande inflation fiscale. La péréquation, c'est très bien, mais il ne faudrait pas qu'elle soit faite comme ça. Si l'État veut faire des cadeaux, c'est son affaire, mais le problème c'est qu'il nous enlève à nous pour donner à des gens qui sont plus riches que nous dans la mesure où ils ont moins de dépenses, notamment sociales, même s'ils ont moins de recettes...

Quant aux personnes âgées, il faut bien voir qu'en trois mois nous avons reçu 27 000 dossiers de demande d'APA. La masse de travail a été énorme pour nos fonctionnaires. Heureusement, nous avions territorialisé nos services depuis longtemps, avec au moins une maison du département par canton. L'an dernier, nous avons pu ainsi recevoir 70 000 familles, une sur dix, dans les maisons du département. Cela nous a permis de monter très vite les dossiers, et aussi de faire des plans d'aide un peu surdimensionnés, car l'un de nos problèmes, c'est d'avoir prévu les choses de façon juste mais généreuse, avec un montant d'allocation élevé pour payer des heures de service. En effet, les associations d'aide à domicile sont un peu malthusiennes, on n'arrive pas à leur faire embaucher des gens qui sont au RMI, et qu'on pourrait pourtant former. Si bien qu'on donne de l'argent à des personnes âgées qui ne trouvent pas de services à acheter et qu'on leur en reprend donc une partie l'année suivante, tandis que d'un autre côté on verse des allocations à des gens qui n'ont pas de travail. Nous voudrions trouver des synergies entre les deux, mais ça ne marche pas. On voit là les limites du système associatif. Nous allons essayer de faire autrement si nous n'arrivons pas à les convaincre d'aller plus loin car, pour nous, c'est la clé. Si seulement on pouvait mettre 5 000 personnes, sur les 31 000 qui sont au RMI, en face des 18 000 personnes âgées qui cherchent quelqu'un pour s'occuper d'eux, ce serait déjà bien. C'est quelque chose de très important pour nous, et j'espère bien trouver un moyen, si possible avec les associations, sinon sans elles. S'il y a bien une chose qui ne se délocalisera jamais, ce sont les services à la personne. On répondrait à un vrai besoin, en créant de vrais emplois, de vraies entreprises, avec de vrais bénéfices, et peu de risques financiers. Et c'est peut-être le seul moyen, pour les départements, de sortir de la spirale de la dépense supplémentaire obligatoire.

Pour les handicapés, nous approchons du milliard de francs, le nombre de places a beaucoup augmenté du fait qu'il y a un schéma, nous avons dépensé 130 millions d'euros l'an dernier, ce sera sans doute 135 cette année, mais pour l'an prochain je crains le pire, que nous dépassions les 150 millions d'euros. Compte tenu de la façon dont la nouvelle loi organise la compensation par l'État et l'octroi de l'allocation de compensation, les demandeurs étant membres de la commission qui organise les choses, ça va être un sacré chantier, peut-être le plus difficile, car le côté affectif est bien plus lourd encore que pour les personnes âgées ou exclues. S'il y a un vrai souci pour demain, c'est celui-là.

Même si nous sommes spécialisés dans le domaine social, nous faisons beaucoup d'autres choses aussi. Ainsi, c'est le département qui réalise le tramway reliant l'aéroport au centre de Lyon,et qui paie la moitié des transports urbains de la communauté urbaine, aussi bien en fonctionnement qu'en investissement. Nous avons conservé toute notre action en direction des 293 communes du département, de la plus petite à la plus grande. Mais le département reste aussi une collectivité territoriale de plein exercice, avec une compétence générale, même s'il a des compétences particulières dans le domaine social, qu'elle assume parfaitement. Il est probable que nous devrons encore augmenter les impôts directs locaux, ne serait-ce que pour arriver au niveau moyen, car nous avons les mêmes dépenses que les autres. Quand le RMI et l'APA sont fixés par décret ministériel, ce n'est pas la peine d'essayer de voir comment payer moins.

J'ai fait procéder à une vérification sur 6 000 bénéficiaires du RMI, ça s'est très bien passé. J'ai naturellement eu droit à des manifestations d'ATTAC et d'Agir contre le chômage, ce que je comprends très bien, c'est leur rôle. Mais tout s'est très bien passé : les directeurs généraux étaient sur le pont, je suis allé faire des permanences moi aussi, nous avons convoqué les gens, et certains nous ont dit : « je suis au RMI depuis quatre ans, ou depuis six ans, mais c'est la première fois que je vois quelqu'un, que quelqu'un s'occupe de savoir où on en est ». Mon but est qu'à la fin de l'année, chacun des 31 000 bénéficiaires ait un référent et un contrat d'insertion - je ne dis pas forcément un emploi. C'est une forme de respect. Croire qu'on peut s'en tirer avec 385 euros par personne en moyenne, c'est se donner bonne conscience. Ce que je veux, c'est qu'on ait un vrai dialogue avec tous les bénéficiaires.

Voilà les raisons qui nous ont poussés à augmenter les impôts cette année. Sur cinq points, il y en a un pour la péréquation ressources, un pour l'APA, un pour les sapeurs-pompiers - et ça va continuer, car l'an prochain il faudra changer tous les uniformes, ce qui coûtera 7 millions d'euros, soit encore deux points de fiscalité, et changer aussi toutes les radios des véhicules - et enfin deux points pour les handicapés. Et pour le RMI il manque déjà 26 millions. Il y a un engagement du Premier ministre, mais il faudra trouver un meilleur système afin de ne pas devoir rejouer la même pièce tous les ans. On ne peut pas financer une dépense qui augmente avec un impôt unique dont le produit baisse.

Voilà. Je m'excuse d'avoir été un peu long...

M. le Rapporteur : Sur l'homogénéisation des dépenses, j'ai bien entendu votre raisonnement qui conduit à augmenter l'impôt là où il est faible, mais conduit-il aussi à ce qu'il diminue là où il est élevé ?.

M. Michel MERCIER : Comme vous l'a très bien expliqué M. Gérard Burel tout à l'heure, les départements gardent des réserves pour l'avenir. À un moment donné, ils arriveront au bout.

M. le Rapporteur : Espérez-vous de la gestion du RMI et de l'APA, au-delà de l'intelligence mise dans le système, une moindre dépense et plus d'économies ?

M. Michel MERCIER : Je crois qu'on peut faire beaucoup mieux et que c'est tout l'intérêt de la décentralisation. Aujourd'hui, sur le RMI, nous n'avons aucun pouvoir. Nous avons appris par la presse que le Gouvernement le revalorisait de 1,97 % au 1er janvier, ce qui est d'ailleurs tout à fait normal, car le Gouvernement ne peut se désintéresser du montant des minima sociaux, qui fait partie de notre système de civilisation. Quel que soit le Gouvernement, il augmentera le RMI chaque 1er janvier sans nous demander notre avis. Il va donc falloir que l'on trouve des synergies pour pouvoir économiser dans le cadre de nos compétences. Quand on gère à la fois les personnes âgées dépendantes qui ont besoin de personnel et les allocataires du RMI qui n'ont pas de travail, cela met en colère d'entendre les associations dire qu'elles ne peuvent pas prendre de RMIstes pour l'aide à domicile. C'est une vaste foutaise ! On peut former les gens, en direct, sur nos crédits d'insertion, ça ne durerait tout de même pas cinq ans, et tout le monde serait gagnant. Actuellement, on donne de l'argent, des dizaines de milliers de francs, à des personnes âgées, et on leur en reprend une partie l'année d'après parce qu'elles n'ont pas pu le dépenser. L'an dernier, ce sont 6 millions d'euros que nous avons dû récupérer ! Et c'est inhumain, parce qu'on sait qu'elles en ont besoin.

M. le Président : Sur les contrats d'avenir, que proposez-vous ? De faire embaucher les RMIstes par des entreprises, ou par des associations ?

M. Michel MERCIER : Je n'ai pas de choix philosophique. Les associations sont là. Je voudrais vraiment qu'elles s'ouvrent à l'idée qu'il faut qu'elles embauchent, et qu'elles embauchent des gens qui sont au RMI. Si elles ne veulent vraiment pas, nous essaierons de faire créer des entreprises.

M. le Rapporteur : Quelles sont, s'agissant des TOS, les marges de gestion, d'efficacité, de productivité ?

M. Michel MERCIER : Il faut distinguer au sein des TOS. Par exemple, il est tout à fait normal qu'il y ait des fonctionnaires qui assurent une présence permanente dans un établissement. J'ai dit clairement que dans tous les collèges, désormais, il y aurait quelqu'un 365 jours par an. L'an dernier, il y a des collèges où on a mis le feu, et où personne n'a pu entrer parce que c'était fermé. Ça, c'est fini ! Il y aura en permanence quelqu'un.

Il y a aussi la restauration. Je vais passer des accords, notamment avec les communes rurales, afin que le restaurant scolaire fonctionne bien. Pareil si la commune fait appel à une société de restauration. Je vais essayer de faire jouer toutes les synergies locales. Le Rhône compte 1,6 million d'habitants, il y a des cantons de 4 000 habitants, des communes de 1 000 habitants qui ont un collège, il faut un restaurant scolaire, sans doute le même pour le collège et pour l'école, ce qui permettra en plus de réduire le hiatus pour l'élève de CM2 et celui de sixième. Nous avons ouvert des négociations. Le maire de Lyon a créé il y a plusieurs années une cuisine centrale gérée par des sociétés. Pour qu'il puisse bénéficier de meilleurs prix, je vais traiter avec lui. Je n'ai pas la même philosophie que lui sur tous les sujets, mais on peut tout de même s'entendre quand il s'agit du bien public...

M. le Rapporteur : De combien est le temps de travail des TOS ? De 1 600 heures ?

M. Michel MERCIER : J'ai pris une délibération pour l'ensemble des fonctionnaires. Il est de 1 607 heures par an. Les sapeurs-pompiers se sont mis en grève, c'est normal, et c'est leur droit constitutionnel. Si le temps de travail baisse dans la loi, il baissera aussi pour eux, mais pour l'instant, c'est 1 607 heures. On peut les répartir comme on veut, je suis ouvert sur les rythmes, il faut que les gens puissent prendre des vacances, mais les TOS travailleront le même nombre d'heures que les autres fonctionnaires.

M. le Rapporteur : Il y a manifestement une certaine confusion sur le sujet. Tout à l'heure, nous avons eu beaucoup de mal à obtenir une réponse du Directeur général des collectivités locales.

M. Michel MERCIER : Je connais bien la réponse : en principe c'est tant, mais en pratique on s'arrange... Les TOS ne sont pas une catégorie à part. Ce sont des fonctionnaires locaux. Dans une commune, le personnel de l'école fait le même nombre d'heures que les autres. On ne va pas créer des sous-catégories. Un des grands problèmes, c'est de donner à tout le monde le même statut et le même temps de travail. J'y suis arrivé, j'ai mis au moins dix ans, et ce n'est pas une nouvelle catégorie qui me fera changer. Tout le monde fera 1 607 heures.

M. le Rapporteur : Vous dites que le RMI vous a coûté 123 millions d'euros en allocations et que vous en avez reçu 107 de l'État.

M. Michel MERCIER : Et je ne compte pas les 17 millions d'euros de l'insertion.

M. le Rapporteur : Je les laisse de côté. Il reste donc une différence de 15,5 millions.

M. Michel MERCIER : Le Premier ministre est arrivé à un total de 450 millions d'euros pour toute la France. Avec l'Observatoire de la décentralisation, je suis arrivé à 430, plus ou moins 10 millions car certains départements n'ont pas encore adopté leur compte administratif.

M. Alain GEST : Pour le SDIS, vous êtes passés, en dix ans, de 4 à 90 millions d'euros par an. C'est bien cela ?

M. Michel MERCIER : Oui, entre 1996 et 2005. Avant, nous ne payions pas tout, seulement l'équipement. Maintenant, nous payons tout, et nous avons les professionnels. Quand j'ai pris le service, les élus avaient beaucoup démissionné devant les pompiers, qui sont très populaires, qui ont des casques et des camions rouges, qui font pimpon... Ils avaient obtenu de la communauté urbaine une délibération sensationnelle, garantissant le maintien de l'âge moyen du corps ! Comme les sapeurs-pompiers sont 1 100 et vieillissent, chose curieuse, d'un an chaque année, il fallait embaucher beaucoup pour faire redescendre la moyenne... C'était une vraie pétaudière, ça m'a pris jusqu'au tiers de mon temps, j'ai eu six mois de grève. J'ai commencé par interdire les graffiti « pompiers en grève » sur les camions, en leur disant que les camions ne leur appartenaient pas, et comme ils ont désobéi, j'ai mis 221 sanctions, et naturellement j'ai eu une grève. Je n'avais pas un très fort soutien du préfet, jusqu'au jour où ils ont eu l'idée lumineuse de balancer des extincteurs en métal sur les CRS, dont trois se sont retrouvés à l'hôpital. Le soutien a tout de suite été meilleur... Maintenant, on s'entend bien avec les syndicats. Quand on est d'accord, on le dit. Quand on n'est pas d'accord, on ne le dit pas. On se voit tous les deux mois, on fait le point. Je leur ai dit clairement : il n'y a pas un sou de plus, d'accord pour une indemnité cette année, mais alors pas d'embauches, et des heures supplémentaires pour les jeunes qui veulent en faire. Evidemment, tous ont choisi d'en faire....

M. Alain GEST : Combien de jours par an les sapeurs-pompiers travaillent-ils ?

M. Michel MERCIER : C'est très simple. Je leur ai dit, et ça a été aussi la raison de la grève, qu'ils devaient faire autant d'heures que les autres. Ils avaient inventé un système de cycles, de 24 ou de 36 heures, et leur emploi du temps était fixé trois ans à l'avance. J'ai dit un jour au colonel, un excellent colonel d'ailleurs, le meilleur de France, qui a mis dix ans à devenir directeur parce qu'il avait les syndicats contre lui : « regardons les choses en face, on n'a pas besoin des pompiers de la même façon 24 heures sur 24. » J'ai fait faire un graphique, dont il ressortait que les pointes se situaient entre six heures et dix heures le matin, un petit peu à midi, de nouveau en fin d'après-midi, tandis qu'après 21 heures c'était très calme. J'ai donc supprimé les cycles de 24 et de 36 heures pour les remplacer par des cycles 12 heures, et j'ai dit : 1 600 heures pour tout le monde - 1 607 maintenant. Comme, pendant les vacances scolaires, il y a beaucoup moins d'accidents, on peut affecter les pompiers pendant 12 heures quand on en a besoin, et on les met en congé quand on en a moins besoin. La gestion est un peu compliquée, mais on économise de l'argent. Sinon, nous serions à bien plus de 90 millions d'euros.

M. Alain GEST : On m'a dit qu'ils travaillaient 95 à 105 jours par an...

M. Michel MERCIER : C'est vrai dans les systèmes où les gens n'ont pas fait les réformes, où ils font encore des cycles de 24 heures, et ça, c'est ingérable. Je connais bien la question, ça fait vingt-huit ans que je m'occupe des pompiers. Comme ils ne savaient pas quoi faire la nuit, ils avaient demandé des casernes avec des chambres individuelles privées, où il fallait bien qu'ils s'occupent... Ils habitent à Marseille, ou en Haute-Loire - qui est tout de même un pays de cocagne -, et ils venaient une fois par semaine à Lyon. Ils avaient leur maison là-bas et un appartement payé à Lyon. Maintenant, il n'y a plus que des chambres de garde : on ne va pas leur donner des chambres individuelles pour 12 heures. Grâce à cela, on a pu récupérer des appartements pour loger gratuitement 250 jeunes sapeurs-pompiers qui débutent dans le métier et qui ne gagnent pas assez. Même quand les choses sont très réglementées, on peut toujours réformer. Après, ils vont se plaindre à la direction de la défense et de la sécurité civiles place Beauvau, où les choses sont toujours gérées par un préfet et par beaucoup d'autres pompiers. Ils se gèrent eux-mêmes, mais on peut gérer aussi si on veut. Cela demande beaucoup d'implication, beaucoup de temps, et c'est parfois un peu rude.

M. Alain GEST : Est-ce qu'on peut dire, s'agissant des handicapés, que le point de fiscalité supplémentaire qui leur est lié provient bien d'un choix du schéma départemental, et que d'autre part, s'agissant de l'insertion, le différentiel entre 107 et 123 millions d'euros est la conséquence de l'augmentation du nombre des allocataires du RMI ?

M. Michel MERCIER : Bien sûr, on peut même être plus clair encore. Le département a bénéficié de la garantie donnée par le Conseil constitutionnel sur la loi de finances pour 2004, puisque le produit de la TIPP affectée était inférieur à ce que l'État avait lui-même dépensé pour le RMI en 2003. Nous avons eu ainsi 1,95 million d'euros de plus par la mise en œuvre de cette garantie, mais nous avons eu aussi beaucoup plus d'allocataires, J'ajoute que ceux-ci viennent plus nombreux et plus vite, suite à la réforme de l'assurance-chômage - et non pas à la réforme de l'ASS, comme nous l'avions tous pensé au départ, puisque le Président de la République l'a interrompue avant qu'elle entre en vigueur. Mais quand l'assurance-chômage ne paie plus, c'est le département qui paie.

M. le Président : Vous n'avez pas parlé des contrats d'avenir. Vous en faites beaucoup ? Est-ce que cela entraîne un surcoût ?

M. Michel MERCIER : Je vois l'ironie de votre question... Pour l'instant, non.

M. le Président : Vous n'avez pas signé de convention ?

M. Michel MERCIER : Nous allons en signer une.

M. le Président : L'Ariège est en avance sur vous...

M. Michel MERCIER : Je n'en ai jamais douté que l'Ariège soit toujours en avance... Nous allons signer, car nous avons besoin de tous les systèmes possibles, quelque imparfaits qu'ils soient, pour sortir du RMI. Cela va coûter plus cher, bien sûr, puisque la part du RMI payée par le département n'est qu'un montant objectif, alors que dans la réalité le RMI n'est qu'une allocation différentielle. Il y aura donc un surcoût.

M. Alain GEST : Le Directeur général des collectivités locales nous a dit tout à l'heure que c'était pratiquement la même chose.

M. Michel MERCIER : Je crois que cela va coûter relativement cher, sauf si l'on choisit ceux qui ont un RMI élevé pour les mettre en contrat d'avenir et que l'on dit à ceux qui ont un RMI plus bas qu'ils n'auront pas de contrat parce que cela coûterait plus cher. On peut toujours présenter les choses de la façon qu'on veut. Dans mon département, le RMI moyen est de 385 euros. Cela coûtera donc plus cher, sauf pour ceux qui sont à 416 euros : pour eux, ce sera moins cher.

M. le Président : Il reste à voir ce que cela représente sur l'ensemble de la France.

Vous avez parlé des placements directs par les juges des enfants. Avez-vous des propositions à faire ? Avez-vous aussi des problèmes avec les décisions sur les mineurs étrangers ?

M. Michel MERCIER : Les deux questions sont très différentes. S'agissant des placements directs, il faut savoir si l'État, la justice, fait confiance ou non aux collectivités territoriales. Si oui, il n'y a pas de raison que le juge ne confie pas les enfants aux services, qui les placeront, après analyse de leur cas, dans l'établissement considéré comme le plus adéquat dans le schéma départemental. Si le juge veut faire l'assistante sociale, j'ai 200 postes vacants, je peux en embaucher quelques-uns. Le juge, selon moi, doit garder sa fonction de magistrat, même s'il a, je le sais bien, des pouvoirs particuliers dans le domaine de l'enfance. Nous avons 90 % de placements directs. Si la proportion descendait ne serait-ce qu'à 50 %, cela nous permettrait d'avoir une bien meilleure gestion des établissements. Quand on ne sait pas lequel va se trouver trop plein et lequel pas assez, il faut payer du personnel partout.

S'agissant des mineurs étrangers en situation irrégulière, le Rhône est un carrefour, et la dépense a été multipliée par douze en deux ans. J'ai une anecdote à ce sujet. Dans ma petite commune, le Crédit agricole a ouvert une nouvelle agence ultra-moderne, avec un appareil automatique très sophistiqué qui vous donne toute sorte de renseignements en lisant votre carte. Invité à l'inauguration, j'ai ainsi découvert, en introduisant la mienne, que j'étais tuteur d'au moins cent gamins étrangers en situation irrégulière. Le juge m'avait nommé, sans même que je le sache car les services avaient dû classer le courrier, et des associations avaient ouvert des comptes pour tous ces gamins, dont j'étais personnellement responsable. J'ai appelé dès le lundi le Premier président pour qu'il mette un peu d'ordre dans tout ça... Nommer tuteur le président du conseil général, très bien, mais Mercier, non !

Nous avons des dépenses de plus en plus lourdes, des cas de plus en plus nombreux. Nous avons une bonne collaboration avec les parquets, mais d'énormes difficultés. Nous faisons beaucoup de vérifications d'âge, ce qui est très compliqué.

M. le Président : Est-ce qu'il vous arrive de contester les décisions des juges ?

M. Michel MERCIER : Bien sûr. Il y en a un, en particulier, qui refuse les contrôles osseux au motif qu'on peut se tromper. Je fais appel dans ces cas-là.

M. le Président : Et pendant ce temps, que devient le jeune ?

M. Michel MERCIER : On paie. On a fixé une règle : tant par jour. Mais j'ai créé une équipe de médecins, de sages-femmes, d'infirmières, d'assistantes sociales, qui visitent les bidonvilles autour de Lyon pour vérifier l'état sanitaire des gens, faire les vaccins, les soins de base. C'est très lourd, et ce n'est pas quelque chose qui arrive beaucoup dans l'Orne.

M. le Président : Dans l'Ariège, ça arrive.

M. Michel MERCIER : C'est normal : vous êtes un département frontalier. L'autre jour, une soixantaine de Croates se sont installés sur une place du centre de Lyon, la télévision et la presse sont venues. J'ai envoyé une équipe : il y avait trente femmes enceintes ! Il a bien fallu les garder, les loger. Mais où ? Il n'y a plus d'hôtels, l'État dépense énormément pour l'accueil en hôtels, bien plus que nous, mais nous payons beaucoup aussi.

M. le Président : Une dernière question, brève, sur la couverture numérique. L'Orne, département rural, l'a réalisée parce qu'elle était enclavée. Mais vous, pourquoi l'avez-vous faite ? Pour équiper, ou pour faire baisser les prix ?

M. Michel MERCIER : Parce que nous sommes ruraux aussi. Je ne suis pas très connaisseur en matière de technologies, mais nous voulions, au nom de l'aménagement du territoire, que la partie rurale du département ait les mêmes atouts que sa partie urbaine.

M. le Président : Quelle technique avez-vous choisie ?

M. Michel MERCIER : C'est l'ancien sénateur et vice-président René Trégouët, qui est un grand spécialiste, qui a choisi la fibre optique. Nous avons été un peu brouillés, au début, avec France Télécom, mais ça s'est arrangé depuis, ils ont voulu prouver qu'ils n'étaient pas mauvais. Ils ont mis l'ADSL à haut débit sur tout le département, et les gens peuvent choisir.

M. le Président : Je vous remercie pour ces réponses et ces précisions très intéressantes.

Audition de M. Dominique ANTOINE,
Directeur des personnels, de la modernisation et de l'administration
au ministère de l'Éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche
et M. Michel DELLACASAGRANDE,
Directeur des affaires financières


(Extrait du procès-verbal de la séance du 11 mai 2005)

Présidence de M. Augustin BONREPAUX, Président

MM. Dominique Antoine et Michel Dellacasagrande sont introduits.

M. le Président : Mes chers collègues, nous accueillons aujourd'hui M. Dominique Antoine, Directeur des personnels, de la modernisation et de l'administration au ministère de l'Éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, et M. Michel Dellacasagrande, Directeur des affaires financières au même ministère.

Notre Commission a souhaité faire le point sur le transfert aux collectivités territoriales de quelque 93 000 techniciens, ouvriers et personnels de service de l'éducation nationale. Ce mouvement de grande ampleur a suscité beaucoup d'interrogations parmi les départements et les régions. Bien qu'applicable en 2006, il paraît avoir justifié quelques hausses préventives de fiscalité.

La plupart des questions en suspens doivent maintenant être en voie de règlement, comme vous avez pu l'expliquer le 4 mai dernier à la Commission consultative d'évaluation des charges.

M. le Président rappelle à MM. Dominique Antoine et Michel Dellacasagrande que les dispositions législatives relatives aux commissions d'enquête leur ont été communiquées par écrit. À l'invitation du Président, ceux-ci prêtent serment.

M. Dominique ANTOINE : M. le Président, M. le Rapporteur, Mmes, MM. les députés, mon collègue Michel Dellacasagrande et moi-même allons suivre le questionnaire que vous nous avez transmis pour faire le point sur l'application de la loi du 13 août 2004.

La première question porte sur les effectifs TOS transférés, par région et par département. Pour effectuer ce dénombrement, nous nous appuyons sur les articles 82 et 104 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004. L'article 82 mentionne la liste des compétences transférées. L'article 104 dispose que seront transférés aux collectivités territoriales ou à leurs groupements les emplois pourvus au 31 décembre de l'année précédant l'année du transfert sous réserve que leur nombre global ne soit pas inférieur à celui constaté le 31 décembre 2002.

Par emplois pourvus, nous comprenons les emplois budgétaires sur lesquels ont été affectés soit un fonctionnaire titulaire, soit un agent non titulaire. Autrement dit, il ne s'agit pas seulement des emplois budgétaires occupés par des fonctionnaires. Cependant, nous n'intégrons pas dans le périmètre les emplois budgétaires qui n'auraient pas été utilisés, qui n'auraient pas engendré de dépense effective, l'emploi étant uniquement une autorisation de dépenses.

Pour ce qui est de la date d'observation, nous l'interprétons comme devant être une date unique au niveau national. Nous prenons donc deux photographies, l'une au 31 décembre 2002, l'autre au 31 décembre 2004, et nous retenons celle qui est la plus favorable pour les collectivités territoriales prises globalement. Ce travail de dénombrement a fait l'objet d'une enquête, prévue d'ailleurs par la loi. Je pourrai vous la remettre, au moins sous forme de projet. Le chef de file interministériel est le ministère de l'intérieur qui a reçu ce projet et attend de recevoir les contributions des autres ministères concernés par la question afin d'en faire une synthèse et de transmettre ces éléments à la Commission consultative d'évaluation des charges qui est le destinataire final de cette enquête. Je rappelle que l'Assemblée nationale et le Sénat ont été destinataires, à la fin du mois de décembre dernier, d'une première enquête portant sur le rappel sur cinq ans des effectifs TOS affectés dans les collèges et les lycées, établissement par établissement. Mais c'est la deuxième enquête qui fera foi pour le transfert des moyens. Elle a abouti aux chiffres suivants : 92 273,55 TOS en équivalents temps plein au 31 décembre 2002 ; 92 997,85 TOS en équivalents temps plein au 31 décembre 2004. Nous retiendrons donc ce deuxième chiffre, puisqu'il est le plus favorable pour les collectivités territoriales.

M. le Rapporteur : La notion d'observation la plus favorable s'entend au niveau national ?

M. Dominique ANTOINE : C'est de cette façon que nous entendons appliquer l'article 104. En effet, l'État doit aux collectivités l'intégralité des moyens qu'il consacrait au 31 décembre 2004 (sous réserve que cette observation soit plus favorable que celle du 31 décembre 2002) aux compétences transférées. Si l'analyse se faisait collectivité par collectivité, au total, l'État transférerait davantage.

Je précise également que des chiffres sont contenus soit dans les conventions provisoires de mise à disposition qui ont été signées par 43 collectivités dans les délais impartis par la loi, soit dans les projets de convention qui ont été discutés et n'ont pas abouti à une signature à la même date. Nous sommes en train d'analyser les écarts éventuels entre ces chiffres (la sommation des chiffres résultant de ces conventions et projets de conventions) et les résultats de l'enquête que je viens de citer. Au total, on arrive à un écart dérisoire de 2 ETP. Mais en réalité, il faut observer les choses plus en détail, pour vérifier l'adéquation des chiffres provenant des deux sources collectivité par collectivité. Ce faisant, on arrive à des écarts parfois plus importants, qui s'expliquent par des raisons techniques. Par exemple, le personnel de telle cité mixte collège-lycée a pu être comptabilisé deux fois, dans une convention pour le collège et dans une autre pour le lycée. Nous allons procéder aux quelques redressements qui s'imposent. Lorsque la convention n'a pas été signée, nous procèderons aux corrections nécessaires dans les arrêtés qui seront pris comme substitut à la convention. Et s'agissant des conventions qui ont été signées, nous procéderons éventuellement par avenant, pour rectifier à la marge les écarts qui pourraient être constatés.

La deuxième question que vous nous avez posée porte sur les emplois supports, compris comme les emplois administratifs qui, dans les rectorats et éventuellement dans les inspections académiques, sont consacrés à la gestion des TOS. Ces emplois supports sont compris dans le champ de la compensation. Nous en avons entrepris le dénombrement, et nous arrivons à un total de 750 unités, ce qui aboutit à un ratio qui peut surprendre les élus locaux, car il est différent, voire très différent, de certains ratios mis en avant par les élus dans la gestion de leurs propres ressources humaines. Nous sommes en effet au-delà de 1 emploi support pour 120 TOS, alors qu'on nous oppose des chiffres de l'ordre de 1 pour 50 dans les collectivités territoriales. Cette différence objective s'explique de plusieurs façons. D'abord, l'État a été très économe de ses moyens. Ensuite, nous gérons de grands nombres (tous les TOS d'une région et de plusieurs départements), de manière assez concentrée dans les rectorats, d'où des économies d'échelle. De plus, nous gérons non seulement les TOS mais aussi les enseignants : il y a donc une mutualisation de la gestion des ressources humaines. J'ajoute que la gestion des ressources humaines n'est pas envisagée de la même façon par l'État et les collectivités : dans les collectivités territoriales, la gestion qualitative, individualisée est plus perfectionnée. L'État, lui, fait beaucoup de gestion collective. Enfin, une partie de la gestion des ressources humaines est assurée de fait, dans les établissements scolaires, par les intendants et les chefs d'établissement. Ce potentiel de gestion de la ressource humaine restera bien évidemment à la disposition des collectivités même si les agents qui exercent ces compétences ne sont pas transférés.

Quel est le calendrier prévisionnel ? Désormais, les conventions sont supposées avoir été signées. Nous avons transmis au ministère de l'intérieur les résultats de notre enquête statistique. Dès qu'une consolidation interministérielle pourra être faite, ce bilan sera transmis à la Commission consultative d'évaluation des charges. La procédure d'élaboration des arrêtés interministériels est en cours. Nous cheminerons ensuite vers le décret définitif de partition, que nous souhaitons faire prendre par les autorités compétentes avant la fin de l'année calendaire 2005, de façon à ce qu'il s'applique le 1er janvier 2006. L'entrée en vigueur de ce décret commandera le début de l'exercice du droit d'option par les personnels TOS. Ce droit d'option est étalé sur deux ans par la loi. Si l'objectif que je viens d'indiquer est tenu, le droit d'option s'exercera entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2007. Comme vous le savez, les TOS ont le choix entre deux possibilités : l'intégration dans la fonction publique territoriale ou le détachement, détachement qui est d'un genre un peu particulier, puisqu'il est sans limitation de durée. Si le TOS n'exerce pas son droit d'option avant le 31 décembre 2007, et il en a parfaitement le droit, sa situation de mise à disposition est prorogée tout au long de la période qui précède la date butoir d'exercice de ce droit d'option.

Nous avons, pour notre part, le choix entre deux modes de gestion possibles du transfert, compte tenu des modalités d'exercice du droit d'option. Nous pouvons choisir la technique dite « du fil de l'eau » : dès que le droit d'option est exercé, l'administration en tire les conséquences sans délai et prend l'arrêté d'intégration ou de détachement. Une deuxième possibilité consisterait à prendre connaissance, tout au long de l'année 2006, des vœux des agents et de n'en tirer les conséquences par arrêtés qu'à la fin de l'année 2006. Dans cette hypothèse, un arrêté collectif ou un ensemble d'arrêtés individuels seraient pris au 1er janvier 2007. La technique du fil de l'eau présente des inconvénients, notamment pour la fiscalité locale. En effet, à partir du moment où un agent est intégré ou détaché, c'est la collectivité d'accueil qui le prend en charge financièrement. Or, si nous choisissons la technique du « fil de l'eau », il sera très difficile de prévoir à l'avance la compensation financière due aux collectivités. En revanche, le seconde technique permettra d'éviter un effet de transfert de trésorerie vers les collectivités territoriales. Il reste à perfectionner l'analyse juridique pour savoir si la loi actuelle, telle qu'elle est rédigée, permet de retenir la deuxième option, qui est celle que le ministère de l'éducation nationale préconise.

Votre quatrième question porte sur les différentes situations statutaires des agents TOS, avant et après l'exercice du droit d'option. Je crois y avoir largement répondu par anticipation.

S'agissant de la question de la création d'un cadre d'emploi spécifique pour les TOS, je souligne que c'est le ministère de l'Intérieur qui est mandaté pour effectuer ce travail. La création d'un cadre d'emploi spécifique pour les TOS a été différée du fait des conséquences de la revalorisation du SMIC sur la catégorie C de la fonction publique de l'État et de la transposition qui s'impose en faveur de la fonction publique territoriale. En effet, la revalorisation du SMIC rend obsolète un certain nombre d'échelons inférieurs de la catégorie C. Il est possible de procéder par une indemnité différentielle, mais il est de meilleure méthode de procéder par un toilettage de l'échelonnement indiciaire des corps concernés. C'est bien l'intention du ministère de la Fonction publique. Ce toilettage constitue désormais un préalable pour la prise des cadres d'emploi d'accueil des TOS, à moins de vouloir délibérément les priver de l'avantage induit par la revalorisation du SMIC. Tout cela renvoie à l'été 2005 la parution des textes créant les nouveaux cadres d'emploi, c'est-à-dire assez tôt pour permettre aux agents TOS d'exercer leur droit d'option en connaissance de cause à compter du 1er janvier 2006. Quoi qu'il en soit, les projets de textes sont connus des organisations syndicales et ont déjà été présentés aux TOS dans les établissements scolaires.

La cinquième question que vous posez porte sur le temps de travail des TOS. Sont-ils tenus à une durée annuelle de 1 607 heures ? Comment les vacances scolaires sont-elles prises en compte ? Je tiens à la disposition de votre Commission d'enquête le texte de la circulaire ministérielle signée en 2001 par M. Jack Lang. Elle a été publiée au Bulletin officiel de l'Éducation nationale n° 4 du 7 février 2002. Je voudrais en présenter ici l'économie, et ne pas masquer les écarts que l'on peut constater entre l'obligation réglementaire de 1 600 heures, portée à 1 607 heures en raison de la journée de solidarité du 16 mai, et la pratique que reflète cette circulaire. Je sais que c'est là un point sensible dans nos relations avec les collectivités territoriales, dont je n'ai d'ailleurs pas vérifié les pratiques en matière de temps de travail.

M. Charles de COURSON : Elles sont hétérogènes.

M. Dominique ANTOINE : Je crois savoir qu'elles sont hétérogènes, en effet, mais je ne suis pas mandaté pour en faire une analyse détaillée. Je veux simplement ici vous présenter le régime effectif du temps de travail des TOS, par comparaison avec les obligations théoriques de 1 607 heures. Mes prédécesseurs ont difficilement négocié un accord sur la réduction du temps de travail, dans un contexte où le passage aux 35 heures ne conduisait peut-être pas tout le monde à bénéficier d'une diminution effective du temps de travail par rapport aux pratiques antérieures. Je mesure les contraintes qu'a dû affronter la personne chargée de ce dossier à cette époque.

Nous sommes en pratique dans un régime fondé sur un cycle de travail annuel de 1 607 heures désormais. L'application de cette quotité se fait sur la base de 9 semaines de congé, ou de 45 jours ouvrés de congé pour un agent à temps complet. La circulaire précise également que, dans les établissements publics locaux d'enseignement, en période de vacances des élèves, les obligations de service des personnes comportent un temps de travail qui ne peut excéder 25 jours par an. On comprend l'inspiration de cette disposition : s'agissant de l'entretien, le besoin d'intervention des TOS est supérieur lorsque les élèves sont présents. Jusque-là, il n'y a pas de distorsion constatée avec la quotité de 1 607 heures. Le point sensible est la prise en compte des jours fériés légaux. La circulaire prévoit que les jours fériés légaux sont comptabilisés comme du temps de travail effectif, donc validés comme du temps de travail à déduire des 1607 heures annuelles, lorsqu'ils sont précédés ou suivis d'un jour travaillé par l'agent. D'autre part, on décompte dans le temps de travail quotidien une pause de vingt minutes par jour.

M. Charles de COURSON : Combien d'heures sont effectivement travaillées ?

M. Dominique ANTOINE : Je ne veux pas fuir la question, mais le fait est que l'application de cette circulaire relève de l'échelon local. Je ne peux pas vous fournir de chiffres certains.

M. le Rapporteur : Pouvez-vous nous indiquer un ordre de grandeur ?

M. Dominique ANTOINE : Je pense que le nombre de semaines effectives de congé n'est pas de neuf mais de onze. Quant au temps de travail hebdomadaire, je ne dispose pas d'instruments de mesure me permettant de répondre finement à cette question.

J'ajoute que la durée hebdomadaire ne peut être supérieure à 40 heures, sauf pour les personnels ouvriers chargés de l'accueil. Il s'agit des personnels chargés du gardiennage à l'entrée des établissements. Ceux-ci sont soumis à un régime spécifique d'horaires dits d'équivalence car l'intensité du travail pendant leurs horaires de travail n'est pas considérée comme équivalente à celle des TOS. On aboutit ainsi à 1 730 heures pour les personnels d'accueil en poste simple logé, et à 1 910 heures pour chacun des personnels d'accueil en poste double logé, c'est-à-dire les couples de concierges d'établissement.

Le temps de déplacement entre la résidence administrative ou le lieu habituel de travail et un autre lieu de travail désigné par l'employeur est considéré comme du temps de travail effectif par la circulaire. Le régime juridique des congés bonifiés est le même que celui de la fonction publique territoriale. Quant au compte épargne-temps, il a été organisé en application du décret du 29 avril 2002 portant création d'un compte épargne-temps dans la fonction publique de l'État.

Je voudrais souligner, sur un plan sociologique et non plus juridique, que les TOS sont caractérisés par un niveau de primes et d'indemnités qui est parmi les plus faibles de la fonction publique de l'État. C'est l'indemnité d'administration et de technicité qui s'applique désormais, depuis 2002, à cette population. Cette indemnité est organisée autour d'un taux pivot qui peut être multiplié par 1, 2, 3, 4, et jusqu'à 8 selon les régimes en vigueur dans les différents ministères. Nous venons d'obtenir de haute lutte le passage du taux moyen de 1,65 à 1,95. Autrement dit, nous sommes tout à fait en bas des fourchettes interministérielles. Sociologiquement, il est clair que, dans l'esprit des TOS comme de l'institution, ces deux questions du temps de travail et du régime indemnitaire ont été, au fil des années, plus ou moins globalisées. J'appelle souvent sur ce point l'attention de mes interlocuteurs issus des collectivités territoriales, pour les inviter à tenir compte de ce fait. Dans le cadre de leur libre autonomie, ils pourront ou non prolonger ce principe, mais il est important de dire qu'à des salaires très modestes correspond un temps de travail conçu de manière souple.

Sur la question du mode de calcul du coût d'un agent TOS, je laisse à mon collègue le soin de vous apporter les précisions nécessaires.

M. Michel DELLACASAGRANDE : Le calcul du coût d'un agent TOS a été fait sur les bases suivantes. Il intègre : la rémunération principale, que nous sommes en mesure de déterminer à partir du grade de l'agent (nous disposons pour chacun des grades d'un indice moyen de rémunération du grade) ; le cas échéant, la nouvelle bonification indiciaire ; les rémunérations accessoires ; les charges patronales. Les charges patronales sont déterminées au coût qu'acquittent aujourd'hui les collectivités territoriales, soit un taux de 45,6 %. D'autres coûts existent, qui ne sont pas à proprement parler intégrés dans le coût de l'agent : il s'agit du coût des concours, de la formation et de l'action sociale. Ce sont des coûts très imbriqués entre les différentes catégories de personnel de l'éducation nationale. Nous conduisons actuellement des enquêtes visant à déterminer précisément la part de ces coûts qui relève des TOS qui seront transférés.

S'agissant des règles afférentes au financement des cotisations patronales, la compensation se fera sur la base du coût de cotisation à la charge de la collectivité employeur, soit 45,6 %, taux qui intègre notamment une cotisation retraite de 27,3 %.

M. le Rapporteur : À quel chiffre, pour l'État, ces 45,6 % sont-ils à comparer ?

M. Michel DELLACASAGRANDE : La comparaison avec l'État est difficile. Il n'y a pas de taux de cotisation retraite. Il y a, dans le budget du ministère de l'Éducation nationale, un chapitre identifié consacré aux retraites, qui représente à peu près 10 milliards d'euros, mais il est immédiatement transféré sur le budget des charges communes et géré par le ministère des Finances, puisque c'est lui qui liquide les pensions. La comparaison est donc délicate.

Cela dit, avec la loi organique relative aux lois de finances, nous aurons un taux de cotisation retraite associé à chaque rémunération. Ce taux, qui n'est pas définitivement fixé, tournerait autour de 50 %.

Vous nous avez posé une question relative à la responsabilité civile des collectivités et à l'assurance des personnels. Je ne suis pas sûr de bien comprendre cette question.

M. le Rapporteur : Lors de son audition, Mme Ségolène Royal nous a dit que le conseil régional qu'elle préside assurait d'ores et déjà des dépenses liées à l'assurance des personnels TOS.

M. Michel DELLACASAGRANDE : Je ne sais pas de quel type d'assurance on parle. Le principe selon lequel l'Etat est son propre assureur est aussi applicable, autant que je sache, aux collectivités territoriales, même si elles ont la possibilité de s'assurer également. Je mesure mal la portée de la question et le contenu de ce problème d'assurance.

S'agissant des contrats aidés, ils sont au nombre de 25 000 au ministère de l'Éducation nationale. Un peu plus de 16 000 correspondent à des fonctions assurées par des TOS. Ce chiffre provient du CNASEA, qui centralise la gestion des contrats aidés. Les crédits correspondant à la part employeur de ces contrats aidés, part actuellement prise en charge par le ministère de l'Éducation nationale, seront transférés au 1er janvier 2006. Sur les trois dernières années, la moyenne de ces crédits a été de 31,2 millions d'euros.

La comparaison entre le coût « employeur » des CES et des CEC, d'une part, et ceux des contrats d'avenir ou d'accompagnement dans l'emploi, d'autre part, est difficile à établir. Les taux peuvent varier localement, puisque, s'agissant des contrats d'accompagnement dans l'emploi, ce sont les préfets qui fixent les taux de prise en charge par le ministère de l'Emploi, et donc la part restant pour l'employeur. Aujourd'hui, pour un CES, le taux de prise en charge par le ministère de l'Éducation nationale, employeur, est de 35 %. Pour les CEC, le taux est dégressif : l'Emploi prend en charge 60 % la première année, 50 % la deuxième année, 40 % la troisième année. Un taux de prise en charge unique, de 69 %, sera appliqué aux CES devenant des contrats d'accompagnement dans l'emploi (CAE).

M. le Rapporteur : Un taux meilleur que pour un CES, donc.

M. Michel DELLACASAGRANDE : En effet, ce taux est meilleur que pour un CES.

M. Charles de COURSON : Pendant combien de temps sera-t-il appliqué ?

M. Michel DELLACASAGRANDE : Je n'ai pas l'impression que l'application de ce taux soit limitée dans le temps pour les CAE. Par contre, le taux de prise en charge par l'emploi variera pour les contrats d'avenir : 75 % la première année, 50 % la deuxième année, et 25 % la troisième année.

M. Charles de COURSON : Ces chiffres s'entendent-ils hors exonération de charges ?

M. Michel DELLACASAGRANDE : Le taux de prise en charge que j'indique correspond à la partie prise en charge par l'Emploi. Ce qui reste, c'est ce qui est pris en charge par le ministère de l'Éducation nationale aujourd'hui et sera, demain, pris en charge par la collectivité. Je ne suis pas entré dans le détail parce que, comme vous le savez, les choses sont un peu plus compliquées pour les contrats d'avenir : pour les anciens RMIstes, le département verse à l'employeur du contrat d'avenir ce qu'il versait au titre du RMI. Le taux de prise est charge dont je parlais est un taux par rapport à la partie qu'il reste à rémunérer après le versement par le département de la partie correspondant au RMI.

S'agissant des crédits de suppléance, ils seront transférés au 1er janvier 2006 sur la base de la moyenne des trois dernières années, 2002, 2003 et 2004, c'est-à-dire au total 44 millions d'euros.

Le forfait d'externat, qui est la contribution que verse l'État aux organismes de gestion de l'enseignement privé sous contrat, correspond aux personnels non enseignants : personnels de direction, personnels médico-sociaux, personnels administratifs, personnels d'éducation et de surveillance, personnels de laboratoire, enfin personnels TOS. La partie qui correspond aux TOS sera transférée aux collectivités territoriales à partir du 1er janvier 2007. Le forfait d'externat représente 800 millions d'euros. La partie qui sera transférée est de l'ordre de 255 millions d'euros, se répartissant en deux parts à peu près égales entre les régions et les départements.

M. le Rapporteur : Lorsque notre Commission s'est rendue en région Languedoc-Roussillon, le problème spécifique du lycée de Font-Romeu a été évoqué. Il l'a également été par le Vice-président du conseil régional lors de son audition. Pouvez-vous nous dire où nous en sommes ?

M. Dominique ANTOINE : Cette question est complexe. Il existe autour de ces établissements un centre d'accueil des sportifs de haut niveau, qui relève du ministère des Sports. Cet ensemble avait été maintenu dans le giron de l'État au moment des précédentes lois de décentralisation. La loi du 13 août 2004 a prévu un transfert de propriété du collège et du lycée, mais pas du centre sportif. C'est là une source de difficultés, car il est nécessaire de procéder à une partition topographique entre ce qui relève des établissements scolaires et ce qui relève du centre sportif, sachant qu'un certain nombre d'équipements sportifs sont en réalité mis en commun. Un arbitrage gouvernemental nous a conduits à dissocier la date de transfert de la propriété de la date de création des EPLE. La propriété a été transférée le 1er janvier dernier. La création des EPLE est envisagée pour la rentrée 2005. Il nous faut déterminer les périmètres pour préparer l'arrêté préfectoral créant les EPLE, de manière concertée, si possible, avec les collectivités territoriales.

M. le Rapporteur : Y a-t-il des difficultés avec le département ou la région ?

M. Dominique ANTOINE : Les deux collectivités ont manifesté dès le départ une opposition au principe même de cette décentralisation, et ne manifestent pas une coopération constante. Il faudra, dans l'intérêt du service public, que des conventions de fonctionnement se nouent entre les collectivités au moment de la création des EPLE.

M. le Président : Ce lycée accueillait des enfants venus de toute la France. Sera-ce toujours le cas, ou sera-t-il réservé aux élèves des Pyrénées-Orientales ?

M. Dominique ANTOINE : Le régime de recrutement du lycée n'est pas affecté par la loi de décentralisation.

M. le Président : Peut-on imposer à une collectivité de consentir des dépenses pour des élèves venus d'ailleurs ?

M. le Rapporteur : Les élèves du lycée du Parc ne sont pas tous Lyonnais ou Rhône-Alpins !

M. le Président : En principe, les élèves d'un collège proviennent du département, et les élèves d'un lycée proviennent de la région. N'y a-t-il pas là des charges supplémentaires qui relèvent de la solidarité nationale ?

M. Dominique ANTOINE : Dans certains lycées professionnels dont les spécialités sont rares, comme dans certains lycées comprenant des sections de BTS, le recrutement dépasse largement le cadre de la région.

M. le Président : Le département pourra-t-il faire appel aux financements des collectivités d'où proviennent les élèves ?

M. Dominique ANTOINE : Ce n'est pas prévu par la réglementation.

M. le Rapporteur : Il en va de même pour les classes préparatoires d'un grand lycée dont le recrutement est national.

M. Michel RAISON : La première décentralisation a concerné de nombreux lycées recrutant dans toute la France. Et de toute façon, il n'y a pas beaucoup de lycées qui n'ont pas d'élèves venus d'autres régions. On n'a jamais vu qu'un lycée doive accueillir exclusivement les élèves d'une région.

M. Dominique ANTOINE : Sur le plan technique, je rappelle que les dotations que l'État consacrait à ces lycées seront intégralement transférées à la collectivité qui reçoit la charge du fonctionnement.

M. Michel DELLACASAGRANDE : Je précise que, pour Font-Romeu, les crédits de fonctionnement sont de l'ordre de 370 000 euros.

M. le Président : Dans quel état sont les bâtiments de Font-Romeu, notamment sur le plan de la sécurité ?

M. Dominique ANTOINE : J'allais y venir, M. le Président. Un débat a été ouvert, dans le cas de cet établissement comme dans d'autres, sur l'état des bâtiments au moment du transfert de propriété. Le Gouvernement a pris une décision de principe, qui consiste à financer les travaux de mise en sécurité. Je ne parle pas des travaux de mise en conformité, mais de mise en sécurité. Les besoins sont en cours d'évaluation par les préfets et les recteurs, qui s'appuient très largement sur les DDE.

M. le Rapporteur : Qu'en est-il des lycées internationaux ?

M. Dominique ANTOINE : Le traitement est le même, mais les choses sont plus simples. Si un établissement regroupe un collège et un lycée, il faut procéder à une partition, mais il n'y a pas d'autres fonctions accolées. Un seul site pose des difficultés, il s'agit du centre international de Valbonne. Nous avons un collège, un lycée et une école primaire imbriqués dans un établissement public ad hoc, qui encadre leur activité mais qui héberge aussi un centre de formation d'une ampleur sans équivalent dans les EPLE, ainsi qu'un centre d'hébergement à l'année dont le potentiel est de 1 200 lits. Des élèves venus du monde entier y sont accueillis, et y restent pendant les vacances scolaires.

M. le Rapporteur : S'agissant de la propriété des lycées ou des collèges, la loi du 13 août 2004 prévoit que dès qu'il y a travaux, la collectivité de rattachement peut revendiquer la propriété immobilière du bien. L'application de cette disposition appelle-t-elle un commentaire particulier ? Aujourd'hui, les régions ou les départements ne sont pas nécessairement propriétaires des lycées ou des collèges. Le propriétaire peut être l'État, ou, très souvent, une ville. À ma connaissance, il faut une revendication explicite de la propriété.

M. Dominique ANTOINE : Il faudrait vérifier ce point, mais il me semble que l'article 79 de la loi du 13 août 2004 a modifié cette situation en transférant d'emblée la propriété à la collectivité.

M. le Rapporteur : C'est le cas lorsque le bien appartenait à l'État. Mais certains établissements appartiennent aux villes. Dans ce cas, il n'y a transfert que si la collectivité, région ou département, en revendique explicitement la propriété.

M. Dominique ANTOINE : L'article 79, dans son deuxième alinéa, dispose que les biens immobiliers des collèges appartenant à une commune ou à un groupement de communes peuvent être transférés en pleine propriété au département à titre gratuit, et sous réserve de l'accord des parties. Lorsque le département effectue sur ces biens des travaux de construction ou d'extension, le transfert est de droit, à sa demande, et ne donne lieu au versement d'aucun droit. L'application de cette disposition ne pose pas de difficulté particulière. Une disposition parallèle existe à l'égard des régions.

M. le Rapporteur : Une fois que tous les TOS dont nous parlons auront été transférés, combien en restera-t-il dans l'escarcelle de l'État, qu'il s'agisse des TOS ou des fonctions d'accompagnement ? Le chiffre sera-t-il exactement de zéro à l'issue du processus ?

M. Dominique ANTOINE : Non, parce que certains TOS entretiennent les rectorats, les inspections académiques, les centres d'information et d'orientation. Le chiffre résiduel sera de l'ordre d'un millier de TOS. Quant aux personnels administratifs, ils appartiennent à des corps qui s'occupent de la gestion des TOS mais aussi d'autres sujets. Seule une fraction minoritaire d'entre eux seront transférés.

M. le Rapporteur : S'agissant des emplois supports, j'ai bien compris qu'ils ne s'occupent pas exclusivement de la gestion des TOS. L'État paiera-t-il une part d'unités d'œuvre supérieure à ce qu'elle est aujourd'hui ?

M. Dominique ANTOINE : Les emplois supports représentent 750 ETP. L'État ne transfèrera pas exactement ces 750 emplois. En effet, les personnels détachés seront gérés à la fois par la collectivité d'accueil et par l'État, pour la partie de leur carrière qui correspond au maintien dans la fonction publique de l'État. Il faudra donc faire une réfaction sur le périmètre du transfert pour tenir compte de cette tâche qui sera maintenue du côté de l'État. La difficulté est que nous ne savons pas à l'avance combien de TOS opteront pour le détachement. Nous estimons que lorsqu'un TOS sera détaché, pour un ETP, deux tiers ont vocation à être transférés aux collectivités et un tiers à rester du côté de l'État. Mais il s'agit là d'une estimation de l'administration à ce stade, et non d'une décision. Ce n'est donc pas le potentiel de 750 ETP qui sera finalement transféré.

Supposons, cas d'école, que tous les TOS choisissent le détachement. Dans ce cas, ces 93 000 agents conserveront un dossier au rectorat. Étant détachés, ils peuvent revenir, théoriquement, dans la fonction publique de l'État à différents moments de leur carrière. Il faut bien gérer ce segment. La charge de gestion est légère, mais elle demeure.

M. le Rapporteur : La question politique est la suivante. Quelle garantie donnez-vous à la représentation nationale que l'État ne garde pas, dans les rectorats ou dans d'autres services, un nombre de personnels anormalement élevé au regard des transferts qui auront été effectués ? À supposer que la totalité des TOS choisissent l'intégration dans la fonction publique territoriale, le nombre d'emplois supports passera-t-il, à l'issue du processus, de 750 ETP à zéro ?

M. Dominique ANTOINE : Dans ce cas, oui. Il faut bien considérer que, après le calcul des ETP, la désignation des personnes, temps partiels inclus, doit aboutir à 750 ETP dans le deuxième cas d'école que vous évoquez.

Dans la période transitoire de 2005, qui a commencé, des conventions provisoires de mises à disposition ou des arrêtés interministériels lorsque ces conventions n'ont pas été signées se déduiront une liste de personnes, TOS et personnels administratifs gérant les TOS, qui feront l'objet d'un arrêté individuel de mise à disposition pour l'année transitoire.

Après le décret de partition, c'est-à-dire au début de 2006, une nouvelle liste sera dressée, qui sera évidemment proche de la précédente, mais qui tiendra compte des éventuels mouvements de personnels. Elle déterminera les personnels qui sont définitivement transférés et doivent donc opter. Nous essayons de faire en sorte que, dans l'intervalle, les ajustements dans les affectations, notamment pour les gestionnaires de TOS, permettent à des volontaires d'être au rendez-vous du 1er janvier 2006, de manière à permettre aux collectivités de travailler avec des agents motivés, et en particulier motivés pour passer d'un rectorat, généralement situé au chef-lieu de région, où sont actuellement concentrés les gestionnaires de TOS, à un chef-lieu de département. Ce passage correspond quelquefois à une mobilité géographique.

M. le Rapporteur : Le problème peut se poser en sens inverse lorsqu'il y a deux rectorats dans une région.

M. Dominique ANTOINE : Oui.

M. le Rapporteur : Ces difficultés seront-elles gérées de manière assez facile, vous semble-t-il ?

M. Dominique ANTOINE : Non, je ne dis pas d'emblée que ce sera facile. Je pense que nous surmonterons ces difficultés lorsqu'elles se présenteront.

M. le Rapporteur : À Montpellier, nous avons posé au recteur la question du temps de travail des personnels TOS. Il nous a répondu qu'il ne savait pas. Cette réponse est-elle normale ?

M. Dominique ANTOINE : Le recteur de toute académie connaît bien entendu les principes directeurs que je vous ai présentés, puisqu'il a connaissance de toutes les circulaires publiées au Bulletin officiel de l'Éducation nationale. Il est vrai que le calendrier de travail, et donc de congé, est arrêté au sein de l'établissement scolaire. C'est en pratique le chef d'établissement, en vertu de son autorité fonctionnelle sur les agents et de son autorité hiérarchique, qui arrête ce calendrier de travail. Dans beaucoup d'établissements, les agents TOS sont réunis le lundi matin pour établir les feuilles de mission. Le tout est ensuite consolidé dans le cadre d'une gestion annualisée. Le recteur a donc raison d'ignorer le détail de la mise en œuvre des textes dans chaque établissement. Il va de soi qu'il connaît, en revanche, la réglementation en vigueur.

M. le Rapporteur : Vous nous avez dit que l'allégement du temps de travail était une sorte de contrepartie de la modicité des rémunérations. En même temps, vous avez souligné la difficulté particulière qu'avait posée l'application des 35 heures. Peut-on dire que la circulaire Lang reprenait, pour faire face au problème des 35 heures, une pratique de minoration du temps de travail qui était déjà établie ?

M. Dominique ANTOINE : C'est en effet ce que j'ai voulu signifier. J'insiste sur le fait que je suis très attentif au contenu et à l'application de la réglementation, tout comme le Directeur des affaires financières est très attentif à la maîtrise de la dépense afférente à la gestion du personnel, mais je crois que je manquerais à ma mission de responsable de la gestion des ressources humaines de ces personnels si j'ignorais ces considérations sociologiques portant sur des grands nombres. Par exemple, dans la revendication d'un cadre d'emploi spécifique d'accueil, qui a été finalement satisfaite par le Gouvernement, il y a le souci des TOS de conserver la possibilité de partir en vacances au milieu du mois de juillet et de ne pas être affectés par une collectivité dans un centre aéré ou une DDE pour compléter leur service annuel.

M. le Rapporteur : Le cadre d'accueil devrait-il le prévoir ?

M. Dominique ANTOINE : Le cadre d'accueil le prévoit de manière indirecte, puisqu'il confirme l'enracinement des TOS dans la communauté éducative. Derrière cette expression, il faut comprendre qu'une collectivité ne sera pas fondée à extraire autoritairement un TOS qui ne le souhaiterait pas d'un établissement scolaire pour l'affecter à d'autres tâches. Elle sera libre de faire travailler dans un établissement scolaire un agent appartenant à un autre cadre d'emploi, mais elle ne pourra pas, de manière autoritaire, procéder à la démarche inverse.

M. le Rapporteur : Que dira le cadre d'emploi sur la quantité d'heures de travail ?

M. Dominique ANTOINE : Le cadre d'emploi confirme l'enracinement des TOS dans la communauté éducative, déjà prévu par le code de l'éducation. L'agent peut aller d'un EPLE à l'autre, mais ne peut pas travailler en dehors d'un EPLE. Par conséquent, la réglementation actuelle du temps de travail continue de s'appliquer. En tout cas, la saisonnalité liée à la présence et à l'absence des élèves tout au long de l'année s'applique.

M. le Rapporteur : La règle des 1 607 heures s'applique. La circulaire Lang s'applique-t-elle ?

M. Dominique ANTOINE : Le cadre juridique impose l'application du décret.

M. Charles de COURSON : Si l'on divise 1 607 heures par 143 jours d'ouverture des établissements, on arrive à 11 heures. Or, personne ne travaille 11 heures par jour ouvré.

M. Dominique ANTOINE : D'où vient ce chiffre de 143 jours ?

M. Charles de COURSON : C'est le nombre de jours travaillés dans un établissement. Je gère les transports scolaires dans mon département : je connais donc au jour près le nombre de jours d'ouverture des établissements. De même, dans les cantines, on travaille 143 ou 144 jours par an. On ne travaille pas pour autant 11 heures par jour.

M. Dominique ANTOINE : Comptabilisez-vous les 20 jours qui sont effectivement travaillés pendant les périodes de congé scolaire ?

M. Charles de COURSON : Vous n'allez pas faire travailler les cantines pendant les heures de congé scolaire ! Elles ne fonctionnent pas quand il n'y a pas d'élèves.

M. Dominique ANTOINE : Non, mais le grand nettoyage au début de l'été est une pratique assez répandue dans les établissements scolaires.

M. Charles de COURSON : Deux journées suffisent amplement pour cela.

M. le Président : M. Charles de Courson, vous avez demandé la parole, vous l'aurez tout à l'heure. La parole est à M. le Rapporteur.

M. le Rapporteur : Je ne comprends pas très bien la répartition des rôles entre la DGCL et vous-mêmes. Comment les choses se passent-elles dans la préparation du mouvement de décentralisation, dans la préparation des textes, dans les évaluations ? Qui fait quoi à chaque étape, organisationnelle, statutaire, financière ?

M. Dominique ANTOINE : Globalement, la DGCL est chef de file. C'est elle qui coordonne le dossier. Nous lui fournissons tous les éléments dont elle a besoin et nous collaborons en confiance. Sur le volet social, nous sommes parfois mieux placés pour avoir des contacts directs avec les organisations représentatives, mais je confirme que notre action s'inscrit dans un cadre interministériel, d'autant que la loi du 13 août, comme vous le savez, est loin de concerner seulement l'éducation nationale.

M. le Rapporteur : Que pensez-vous de la tentation de certaines régions de créer des établissements publics tampons leur évitant d'avoir à gérer de gros bataillons de personnels, socialement actifs ?

M. Dominique ANTOINE : C'est une question qui est en fait assez technique. Faut-il prendre en régie directe, si j'ose dire, la gestion administrative des TOS, ou faut-il imaginer une structure ad hoc qui les gérerait pour le compte d'une collectivité territoriale ? C'est une question technique et d'opportunité. Puisque le ministère de l'Intérieur est le chef de file, nous sommes attentifs à ses prises de position sur ce sujet. J'ai cru comprendre qu'il était défavorable à cette perspective.

M. le Rapporteur : Est-elle légalement possible ?

M. Dominique ANTOINE : Actuellement, non. Il faudrait, à ma connaissance, créer une nouvelle catégorie d'établissements publics. Ce qui est aujourd'hui possible, c'est de créer des syndicats mixtes qui permettent à plusieurs collectivités de mutualiser la gestion des TOS.

M. Charles de COURSON : S'agissant du taux de cotisations sociales, vous nous avez dit que la règle des 45,6 % serait appliquée, dont 27,3 % au titre de la retraite. Vous avez rappelé que le taux d'équilibre du régime des fonctionnaires de l'État, civils et militaires, est de l'ordre de 53 %. L'État étant son propre assureur, comment nous assurer de la stabilité dans le temps ? Quand un fonctionnaire d'État opte pour la fonction publique territoriale, ce n'est pas du tout neutre. La dérive des coûts liés à ce taux pose un vrai problème. J'ajoute que, pour le personnel de l'État détaché dans d'autres collectivités, les employeurs remboursent un taux fixé par la direction du budget, actuellement de 33 % - après avoir longtemps été de 25 % - qui est très inférieur au taux d'équilibre. Si l'on appliquait le taux d'équilibre, aucun employeur n'accepterait de recruter un personnel de l'État en détachement. Pourriez-vous nous éclairer, donc, sur la garantie dans le temps ?

Ma deuxième question porte sur la formation. Dans mon département, nous avons été très étonnés de la faiblesse des moyens destinés à former les personnels TOS. D'ailleurs, une partie d'entre eux sont peu ou pas formés. Prenez l'exemple des chauffagistes. Beaucoup n'ont jamais été formés à cette fonction. Ils se sont formés sur le tas. Pour nos fonctionnaires, nos coûts de gestion et de formation sont de 30 à 40 % supérieurs aux coûts assumés par l'Etat. J'ajoute que le rectorat n'est pas seul à gérer les personnels. L'échelon central participe aussi à la gestion : les moyens informatiques, par exemple, relèvent du niveau central. Nous voulons donc bénéficier des moyens que l'administration centrale consacre à la gestion des TOS. On nous dit que ce n'est pas prévu. Autrement dit, on refait l'erreur qui a été faite lors de la décentralisation Defferre.

M. le Rapporteur : Sur ce point, je me permets de compléter la question de M. Charles de Courson. Quel est le nombre d'emplois qui seront supprimés en administration centrale ?

M. Charles de COURSON : Supprimés, mais non transférés aux collectivités territoriales. Dans mon département, 474 TOS vont nous être transférés. Il nous manque au moins cinq personnes pour les coûts de gestion, sans même parler des coûts de formation.

S'agissant de la durée du travail, la durée effectivement travaillée, la seule qui ait un sens, ne peut pas être de 1 607 heures, à moins d'utiliser les personnels TOS à d'autres fonctions. Faites le calcul. Les personnels affectés aux cantines ne peuvent pas travailler plus de 143 jours, multipliés par sept ou huit heures. Il y a à l'évidence une sous-utilisation de la ressource humaine. Avez-vous fait des études pour connaître la durée effectivement travaillée ?

M. Michel DELLACASAGRANDE : S'agissant du taux de cotisations sociales, vous avez évoqué la situation des personnels qui opteraient pour le détachement. Il est vrai que le taux que la collectivité devrait acquitter au titre du régime de retraite serait de 33 %. En conséquence, la compensation sera faite sur la base d'un taux de cotisation vieillesse de 33 % et non pas de 27,3 %, comme ce serait le cas pour un TOS qui aurait demandé à être intégré.

M. Charles de COURSON : L'État garantira-t-il la stabilité du taux dans le temps ?

M. Michel DELLACASAGRANDE : Je ne peux pas me prononcer sur le problème de l'équilibre du régime de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL). Il ne relève pas de ma compétence. Je peux simplement vous dire qu'il existe aujourd'hui un système de compensation entre régimes, qui a été mis en place par la loi de finances de 1986. Cette loi a instauré une solidarité financière entre tous les régimes spéciaux. Je ne suis pas en mesure de vous dire si ce système fonctionne bien.

M. le Président : Y aura-t-il une compensation, une sorte de soulte versée par l'État au régime de retraite de la CNRACL au titre des cotisations des agents depuis le début de leur carrière ? Car c'est la CNRACL qui va payer leur retraite. Un transfert est-il prévu ? Et si oui, comment sera-t-il calculé ?

M. Michel DELLACASAGRANDE : C'est un sujet qui dépasse le ministère de l'Éducation nationale. C'est la DGCL qui est en mesure de répondre à cette question.

M. le Président : En Commission consultative d'évaluation des charges, on nous a renvoyés aux services de gestion. Il faudrait tout de même qu'on nous réponde un jour.

M. Michel DELLACASAGRANDE : Cela ne peut pas être un problème de gestion.

Je voudrais aussi rappeler que l'article 108 de la loi du 13 août 2004 prévoit que, chaque année, le Gouvernement remettra au Parlement un rapport évaluant les conséquences de l'intégration dans la fonction publique territoriale des personnels transférés sur l'équilibre du régime de retraite.

M. Charles de COURSON : Je n'ai pas eu de réponse à ma question. Si le personnel TOS veut rester membre de la fonction publique d'État en étant détaché, le taux de 33 % s'applique. Au moment du transfert, les moyens transférés le sont à l'euro près. Mais dans le temps, si la Direction du budget augmente de 33 % à 35 % le taux de cotisation, les collectivités territoriales auront-ils une compensation ? Un mécanisme d'ajustement est-il prévu en cas de rehaussement du taux pour les personnels détachés ?

M. Michel DELLACASAGRANDE : Il n'y a pas de mécanisme d'ajustement prévu à ce stade.

M. Charles de COURSON : Dans l'autre cas, celui de l'intégration dans la fonction publique territoriale, je me permets de faire remarquer au Président Augustin Bonrepaux que le problème est inverse. En effet, cette intégration améliore le rapport démographique de la CNRACL, au détriment du régime de la fonction publique de l'État. La question à se poser est donc de savoir si le versement d'une soulte de la CNRACL à l'État est prévu ou non.

M. le Président : Ce serait tout de même un comble !

Mme Claude DARCIAUX : La CNRACL est déjà déficitaire.

M. le Président : Le rapport démographique du régime de la CNRACL s'améliore dans l'immédiat, mais, à terme, il se dégrade.

M. le Rapporteur : Le taux de 53 % pris en compte dans la LOLF, que vous avez évoqué tout à l'heure, ne revient à aucun moment dans le calcul des transferts ?

M. Michel DELLACASAGRANDE : À aucun moment. Aujourd'hui, il n'existe pas. C'est un taux qui sera mis en place à partir du 1er janvier 2006, en lien avec la mise en oeuvre de la loi organique.

M. le Rapporteur : N'est-ce pas ce taux qui devrait être pris en compte ?

M. Charles de COURSON : Bien sûr que si. Mais si tel était le cas, plus personne ne voudrait du détachement, car qui acceptera un taux de cotisation de 53 % ? C'est bien le problème. D'où la fixation de ce taux à des niveaux bas - 25 % puis 33 %.

M. le Rapporteur : Je veux être sûr de bien comprendre. L'État, à partir du 1er janvier 2006, paiera 53 %.

M. Charles de COURSON : À lui-même !

M. le Rapporteur : Oui, à lui-même, pour le personnel en fonction. Pour le personnel qui sera détaché, qui va payer combien ?

M. Michel DELLACASAGRANDE : La collectivité va payer 33 %.

M. le Rapporteur : Et l'écart entre les deux ?

M. Charles de COURSON : C'est l'État qui devra le payer.

M. Michel DELLACASAGRANDE : C'est cela même.

M. le Rapporteur : Le détachement n'est donc pas de l'intérêt de l'État, il est moyennement de celui de la collectivité. Il est de l'intérêt du seul agent.

M. Michel DELLACASAGRANDE : Rappelons que le problème des taux de cotisation des personnels détachés n'est pas spécifique aux collectivités territoriales. Il se pose dans tous les cas de détachement des fonctionnaires de l'État. Quand un fonctionnaire de l'État est détaché dans un établissement public à caractère administratif, par exemple, cet établissement acquitte une cotisation au taux de 33 %. C'est ce taux qui sera maintenu en vigueur en 2006.

M. le Rapporteur : Ce taux pose donc à l'État une difficulté majeure pour l'ensemble de ces détachements.

Pouvez-vous répondre à la question relative à la formation des TOS, M. Antoine ?

M. Dominique ANTOINE : Je voudrais en appeler à l'indulgence de la Commission d'enquête pour que ma réponse n'apparaisse pas comme impertinente, mais nous dépensons en formation les crédits que le Parlement vote, et que le budget nous laisse après les gels et annulations divers. Vous pouvez considérer, en effet, que les crédits sont faibles. Nous aimerions, nous, pouvoir mieux former nos TOS. Je note tout de même qu'un certain nombre d'agents font l'objet d'efforts particuliers, notamment ceux qui appartiennent à des équipes mutualisées. C'est le cas des chauffagistes, par exemple.

Quant à l'imputation des dépenses administratives nationales, je voudrais souligner le niveau très élevé de déconcentration de la gestion des TOS, fort heureusement. L'administration centrale exerce essentiellement deux compétences : le détachement et la mise à disposition.

M. Charles de COURSON : Permettez-moi de contester ce point de vue. Prenons l'exemple des chaînes de traitement de la paie. Qui les élabore ? C'est le niveau central.

M. Dominique ANTOINE : Pour les algorithmes initiaux.

M. Charles de COURSON : De même, c'est le niveau central qui assume la fonction réglementaire et élabore les statuts. Ces fonctions de gestion des personnels resteront au niveau central. On a vu la même chose se produire lors de la première décentralisation.

M. Dominique ANTOINE : Je ne conteste pas ce point.

M. le Rapporteur : Au total, combien d'effectifs seront supprimés en administration centrale ?

M. Dominique ANTOINE : En administration centrale, nous supprimons chaque année un peu plus de 100 emplois, sur une base de moins de 3 500.

M. Charles de COURSON : Mon problème n'est pas celui-là. Il est que le personnel qui gère les TOS ne sera pas transféré comme il le devrait l'être aux collectivités.

M. Dominique ANTOINE : Je comprends ce que vous dites. Je voudrais simplement, pour éclairer le débat, vous donner des ordres de grandeur. L'équipe nationale qui s'occupe de la formation des 240 000 personnes dont j'ai la charge comprend sept ou huit personnes. Nous pourrions, certes, prendre un prorata de 293 000 TOS, mettons trois agents, et les répartir entre les départements et les régions. Pardon de pousser le paradoxe, mais nous pourrions même proratiser le poste budgétaire du ministre.

M. Charles de COURSON : M. le Directeur, ce sont bien les conseils généraux et régionaux qui vont devoir assurer la fonction de la paie et concevoir les chaînes informatiques. Aujourd'hui, ce sont vos services qui alimentent la paierie en informations ; ces fonctions ne sont pas transférées.

M. Dominique ANTOINE : Actuellement, l'essentiel de la gestion informatique de la paie se fait au niveau académique. Parmi les 750 ETP dont j'ai parlé, il y a un certain nombre d'informaticiens, de formateurs, de personnels relevant du service social, de la médecine du travail. Tout cela a été évalué localement. Cela dit, je comprends la question de l'imputation des charges nationales. Je souligne simplement la modestie de l'enjeu : l'ordre de grandeur est très inférieur à 1 ETP.

S'agissant de la durée du travail, on peut effectivement débattre du temps de travail effectif des cuisiniers. Ce que je constate, c'est que les organisations syndicales font, quand elles s'adressent aux collectivités territoriales, le même raisonnement globalisé que celui qu'elles font avec nous : le temps de travail doit être apprécié au regard du régime indemnitaire. Dans l'ensemble, elles ont le sentiment de ne pas perdre au change, parce que les régimes indemnitaires de beaucoup de collectivités sont bien meilleurs que ceux que nous pratiquons. S'il y a une charge supplémentaire en termes de temps de travail, elles considéreront qu'elle est compensée, dans beaucoup de cas, par les avantages indemnitaires.

Il est clair en tout cas que la circulaire Lang ne peut pas s'imposer aux collectivités.

M. le Rapporteur : Quelle est sa valeur légale ?

M. Dominique ANTOINE : Une circulaire est toujours interprétative d'un texte réglementaire.

M. le Président : Qu'est-ce qui va s'imposer aux collectivités ?

M. Dominique ANTOINE : C'est le régime de 1 607 heures.

M. le Président : Et le projet de statut que vous allez rédiger ?

M. Dominique ANTOINE : Absolument. Il y aura homologie sur les principes. Comme je l'ai dit tout à l'heure, je ne suis pas convaincu que toutes les collectivités appliquent effectivement cette durée du travail. La question sera réglée au cas par cas, selon les collectivités.

M. le Président : Le cadre d'emploi définira-t-il également le régime indemnitaire ?

M. Dominique ANTOINE : Le taux de base sera le même. Qu'il doive être multiplié par 1,5 ou 1,8 relèvera de la libre appréciation des collectivités territoriales.

Vous aurez noté que je ne m'en tiens pas strictement à une approche juridique des problèmes. En tant que gestionnaire de ressources humaines, il est des informations que je crois devoir communiquer à une commission telle que la vôtre.

M. Alain GEST : M. le Directeur, vous nous avez dit que le temps de travail était une sorte de compensation du régime indemnitaire défavorable des TOS. Par-delà la diversité des métiers concernés, pourriez-vous préciser ce que ce régime représente en termes de niveau de rémunération ?

M.  Michel DELLACASAGRANDE : S'agissant du coût moyen d'un TOS pour l'État, nous l'estimons à 20 900 euros charges comprises, avec un taux de cotisation de 15,3 %. Pour une collectivité, le coût serait de 26 393 euros, compte tenu du taux de charges sociales.

M. Alain GEST : Concrètement, quel est le salaire net ?

M. Michel DELLACASAGRANDE : Les 26 393 euros correspondent à un taux de cotisation employeur de 45,6 % ; le taux de cotisation salarié tourne autour de 12 %.

M. Dominique ANTOINE : S'agissant des métiers des TOS, environ deux tiers des agents sont des ouvriers d'entretien et d'accueil, qui n'ont pas de spécialité véritable. À peu près un quart des TOS sont des ouvriers professionnels, qui ont des spécialités de recrutement. Ils ne sont pas enfermés dans ces spécialités et peuvent être affectés à d'autres tâches, même s'il y a une prégnance forte de la spécialité de recrutement. Nous avons confié à la SOFRES une étude permettant d'identifier les facteurs qualitatifs qui manifestent l'attachement des TOS à leur fonction et à l'institution de l'éducation nationale. Trois motivations principales sont apparues : le statut ; la proximité de l'élève et la participation à l'acte éducatif ; enfin, le métier. Dans le dialogue social au moment du transfert, il sera intéressant de jouer sur ces différentes composantes. Il est bon, notamment, de montrer que la décentralisation peut être l'occasion d'un enrichissement professionnel.

M. le Rapporteur : Quel peut-il être ?

M. Dominique ANTOINE : M. Charles de Courson a évoqué l'effort de formation des collectivités, en disant qu'il était supérieur à celui de l'État. Pourquoi ne pas imaginer des regroupements. Si des actions de formation sont déjà mises en oeuvre pour des électriciens ou des chauffagistes, pourquoi ne pas y associer les TOS ?

M. le Rapporteur : Au-delà de cet exemple, quelles sont les marges de productivité et d'intelligence du service supplémentaire que vous voyez dans la décentralisation ?

M. Dominique ANTOINE : Je suis prudent en répondant à des questions de ce type. Car il ne s'agit pas pour moi de déterminer l'usage que les collectivités feront de la décentralisation. Ce serait un paradoxe et une faute de ma part. Cela dit, il me semble que deux leviers pourront être utilisés par les collectivités. Le premier est la mutualisation inter-établissements, qui pourrait être plus poussée qu'elle ne l'est actuellement.

M. le Président : Mais vous avez dit que le personnel était géré par le chef d'établissement. Qu'est-ce qui changera, avec un même chef d'établissement ?

M. Dominique ANTOINE : Pour l'instant, la mutualisation se fait dans le cadre d'équipes mobiles d'ouvriers professionnels (EMOP). Elles sont gérées par un établissement particulier, dit support, qui passe convention avec d'autres établissements pour organiser la mutualisation. La collectivité territoriale, depuis le vote de la loi de décentralisation, est compétente pour définir des politiques d'entretien des établissements. Elle devra d'ailleurs passer convention avec chacun des établissements pour lui indiquer quelles sont ses attentes et quels moyens elle met à sa disposition. Il sera également loisible aux collectivités de redistribuer des emplois, non pas pour les extraire des établissements, mais pour les faire passer d'un établissement à l'autre. Autrement dit, les collectivités ont en main des instruments de gestion puissants pour organiser une mutualisation plus développée.

Le deuxième levier - qui est sensible, mais pourquoi ne pas l'aborder ? - est le degré et le mode d'intervention d'entreprises privées en complément des fonctionnaires. Cette complémentarité existe déjà, mais elle pourra être redéfinie par les collectivités. Je n'en dis pas plus. Je ne dis pas que la décentralisation organise la privatisation. Je dis que cette complémentarité sera nécessairement revue par les élus qui seront attentifs à l'exercice de leurs compétences.

M. le Président : Cela peut déjà se faire actuellement. Ce n'est pas interdit ?

M. Dominique ANTOINE : Le parti pris politique qui a inspiré la loi de décentralisation était de considérer que la question sera mieux éclairée parce que les collectivités sont plus proches des besoins des utilisateurs.

M. le Président : Certes, mais il y aura un cadre d'emploi et une direction assurée par le même chef d'établissement. J'entends bien que des conventions pourront être passées, mais il y a actuellement une réglementation de l'État qui impose un certain nombre de choses. Je ne vois pas où sont les améliorations.

M. Alain GEST : Le chef d'établissement n'aura pas nécessairement les mêmes instructions que celles qui lui sont données actuellement.

M. le Président : Elles ne seront pas forcément meilleures.

M. Alain GEST : D'après ce que entendons depuis tout à l'heure, M. le Président, j'ai tout de même le sentiment que les agents sont loin d'être perdants dans l'opération.

M. le Président : Je n'ai pas dit qu'ils étaient perdants. L'objet de notre travail est de savoir si la décentralisation va se traduire par des coûts supplémentaires pour les collectivités. Je vois les coûts et je ne vois pas les économies, voilà tout.

M. Alain GEST : Il faut considérer les choses dans la durée...

M. Michel DIEFENBACHER : Les deux formules juridiques du transfert des personnels, l'intégration dans un cadre territorial et le détachement, ont un inconvénient : il est difficile de mesurer en début d'exercice l'impact sur le budget de la collectivité d'accueil, puisque l'on ne sait pas à quel moment le droit d'option sera exercé. Je me demande s'il n'existe pas une troisième solution qui permettrait de régler ce problème, à savoir la mise à disposition avec prise en charge à compter du 1er janvier 2006 par la collectivité d'accueil. Cette formule est très souple et permet deux modes de rémunération : par la collectivité de départ et par la collectivité d'arrivée. Attribuer aux départements et aux régions une somme globale correspondant aux dépenses antérieures de l'État permettrait d'éviter l'incertitude. Pourquoi ne pas procéder ainsi ?

Ma deuxième question porte sur les contrats aidés. La difficulté vient du fait que nous avons à prendre en compte deux préoccupations différentes, et parfois contradictoires.

La première est le maintien par l'État des prestations antérieurement consenties. Cela implique, d'une part, le financement par l'État, au bénéfice de la collectivité d'accueil, de ce qui était auparavant la part employeur. Mais d'autre part, l'État devra continuer à consentir le même effort qu'auparavant s'agissant du financement des contrats aidés.

La deuxième préoccupation est le libre choix par la collectivité d'accueil du mode de gestion. Car elle peut souhaiter avoir recours à des contrats aidés au même niveau qu'antérieurement, à un niveau supérieur ou à un niveau inférieur. Elle peut également souhaiter, dans le cadre d'une politique de résorption de l'emploi précaire, avoir plutôt recours à des emplois permanents, et donc à la titularisation d'agents auparavant recrutés dans le cadre d'un contrat emploi solidarité ou au recrutement d'agents extérieurs. Dans cette dernière hypothèse, pour financer le surcoût que représente le recrutement d'agents permanents, la collectivité pourra-t-elle utiliser des crédits qui étaient auparavant alloués au financement des CES, soit en ce qui concerne la part employeur, soit en ce qui concerne l'aide à l'emploi ?

M. Michel DELLACASAGRANDE : Nous transférerons aux collectivités les crédits correspondant à la partie des emplois aidés prise en charge sur le budget de l'Éducation nationale.

M. le Rapporteur : Quoi qu'elles en fassent ?

M. Michel DELLACASAGRANDE : Ensuite, les collectivités seront libres de leur utilisation.

M. Michel DIEFENBACHER : Oui, mais ma question porte sur l'autre partie, celle qui correspond à l'aide apportée par l'État à l'emploi.

M. Michel DELLACASAGRANDE : Cette aide n'est pas concernée par le transfert.

M. Michel DIEFENBACHER : Si. Il s'agit bien d'une prestation antérieurement consentie par l'État.

M. Michel DELLACASAGRANDE : Oui, mais en contrepartie du recrutement d'emplois aidés. Cette contrepartie reste.

M. Michel DIEFENBACHER : Cela veut dire que, pour bénéficier du même niveau de prestation qu'antérieurement, la collectivité est obligée d'avoir demain un emploi aidé. Elle ne peut pas pratiquer une politique de déprécarisation si elle le souhaite. C'est la remise en cause du maintien des prestations antérieures de l'État, et c'est une entrave à la libre administration des collectivités territoriales.

M. le Président : M. Michel Diefenbacher a raison. On nous a expliqué tout à l'heure que 16 000 emplois aidés occupaient des fonctions assurées par des TOS.

M. Dominique ANTOINE : Non.

M. le Président : Si, c'est ce qu'a dit M. Michel Dellacasagrande. Cela veut dire que si l'on supprime ces emplois aidés, 16 000 fonctions assurées par les TOS ne seront pas assurées.

M. Michel DELLACASAGRANDE : Ce que j'ai dit, ou ce que j'aurais dû dire plus clairement, c'est que 16 000 emplois aidés exercent des fonctions de même nature que celles qu'exercent les TOS.

M. le Rapporteur : Cela veut dire la même chose.

M. Michel DELLACASAGRANDE : Non. Ces 16 000 ne sont absolument pas compris dans les 93 000 ETP.

M. le Président : Si on les supprime, que se passe-t-il ?

M. Dominique ANTOINE : La première mission des titulaires de CES, c'est de s'insérer. C'est pour cela que ces contrats ont été créés. Pour les aider à s'insérer, on leur confie des tâches dans le champ des compétences des personnels TOS. Mais s'il s'agissait de TOS de substitution, le législateur aurait prévu le transfert de ces personnes au même titre que les TOS. Il ne l'a pas fait. Il a prévu le transfert du potentiel financier que représente la contribution de ces agents aux compétences transférées.

M. le Président : Supposons que l'intégration fonctionne bien, que les collectivités gèrent mieux, et que 16 000 contrats d'avenir soient passés. Que se passe-t-il dans deux ans ? Faut-il les renvoyer au RMI ou les conserver dans leur emploi ? Et qui paiera ?

M. Alain GEST : M. le Président, le problème que vous évoquez n'a rien de nouveau. Il se pose depuis la création des emplois aidés, quelle que soit leur forme. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle n'a toujours pas pris fin le scandale permanent des collectivités territoriales qui n'ont jamais embauché définitivement les personnes embauchées en CES.

M. Michel DIEFENBACHER : Je crois que je me suis mal fait comprendre. Je ne demande pas que l'Etat prenne en charge la différence du coût qui existe entre un emploi précaire et un emploi permanent. Par contre, il est important de maintenir dans la durée le volume global de la prestation financière antérieurement consentie par l'État. Or, celle-ci comportait deux parties : la partie employeur, qui est transférée à la collectivité ; l'aide à l'emploi, d'autre part.

M. le Rapporteur : Mais quand il n'y aura plus du tout de chômage en France, l'État ne s'interdit pas de supprimer ces politiques. Le jour où il n'y a plus de chômage, on n'est pas obligé de continuer à assurer l'équivalent des dépenses de politique de l'emploi sur les emplois aidés.

M. Michel DIEFENBACHER : Le raisonnement, à mon avis, n'est pas celui-là. Il s'agit de savoir si l'on applique ou pas le principe du maintien des prestations antérieures. Antérieurement, l'État consentait une aide à l'emploi. Si l'on applique le principe du maintien de la prestation, cette aide doit être maintenue, quelle que soit par ailleurs l'évolution de la politique de l'emploi.

M. le Rapporteur : Il me semble qu'il n'est pas absurde de penser qu'il y a un distinguo à faire entre ce que dépensait l'État employeur et ce qu'il dépensait au titre des politiques de l'emploi. Le jour où il n'y aura plus de chômeurs en France, il ne sera plus légitime à engager les mêmes sommes sur les politiques de l'emploi.

M. Jean-Pierre GORGES : D'après ce que nous avons entendu, nous voyons que le transfert des TOS va générer un surcoût sur une certaine période. J'aimerais avoir des précisions sur cette période durant laquelle le double statut donnera lieu à une double gestion.

À l'égard de la décentralisation, mon souci n'est pas tant la compensation que le fait que l'État continuera de grossir malgré le transfert des compétences.

D'autre part, quel est l'avantage de transférer les TOS si les collectivités ne sont pas libres de mettre en oeuvre une gestion complètement différente, par exemple en affectant les personnels à d'autres tâches. Cela pourrait d'ailleurs enrichir leurs parcours professionnel. Notre collègue Charles de Courson a montré que, de toute façon, les TOS ne travaillent pas 1 607 heures, mais beaucoup moins. Je pense qu'ils sont pratiquement utilisés à mi-temps.

Mme Claude DARCIAUX : Ces propos sont scandaleux !

M. Jean-Pierre GORGES : Pendant les vacances scolaires, en l'absence d'élèves et de professeurs, on ne nettoie pas les cours de récréation en permanence. Il ne faut pas faire croire que les personnels TOS sont utilisés sept ou huit heures par jour.

S'il n'y a pas de synergie entre les collectivités, si elles n'ont pas la possibilité de passer du travail en régie à la délégation de service public, le système pourra être complètement inefficace. Les collectivités seront-elles libres de leur gestion ?

M. le Président : M. Jean-Pierre Gorges en arrive aux mêmes conclusions que moi.

M. Alain GEST : Peut-être, mais pas du tout par le même raisonnement.

M. Dominique ANTOINE : Je ne sais pas ce qui relève de la question et ce qui relève du commentaire politique, sur lequel je n'ai pas à me prononcer.

Je n'ai jamais dit, quant à moi, que la décentralisation allait créer des surcoûts.

M. Jean-Pierre GORGES : Vous avez dit qu'une partie des 750 emplois supports resteront en activité. Il faudra gérer les doubles carrières.

M. Dominique ANTOINE : Ce n'est pas un surcoût, c'est un partage du coût.

D'autre part, en tant que responsable de la gestion des ressources humaines, je ne peux pas accepter un discours selon lequel les TOS travailleraient à mi-temps en étant payés à plein temps. Affirmer cela n'est pas respecter les personnes qui exercent ces activités.

M. Jean-Pierre GORGES : M. Charles de Courson vous a fait la démonstration que, dans des structures ouvertes 143 jours dans l'année, il faudrait travailler 11 heures par jour pour arriver à 1 607 heures.

M. Dominique ANTOINE : Je précise que, dans les équipes qui travaillent en cuisine, il y a certes des ouvriers professionnels qui ont été recrutés dans les spécialités de cuisine, mais il y en a aussi qui appartiennent à d'autres disciplines de recrutement. Beaucoup d'entre eux sont affectés à d'autres tâches lorsque la cuisine est fermée. Rien n'empêche d'ailleurs un chef d'établissement, puisque ces spécialités ne sont que des spécialités de recrutement dans lesquelles les agents ne sont pas enfermés, de les faire travailler dans d'autres spécialités.

M. le Rapporteur : Les personnels qui travaillent en cuisine sont assez rarement en dehors de la cuisine...

M. Michel RAISON : L'important, c'est qu'il existe un potentiel d'amélioration de productivité, qui peut être positif pour les collectivités.

Y a-t-il un différentiel entre les postes pourvus et non pourvus ? Si oui, quel était le chiffre en 2002 et quel est le chiffre en 2004 ? Quelles en sont les causes ?

M. le Président : Bonne question !

M. Michel DELLACASAGRANDE : Il faut définir la notion de poste non pourvu. Il y a aujourd'hui, sur le chapitre budgétaire 31-90, des emplois de titulaires. Il est exact que tous ne sont pas pourvus par des titulaires. Environ 3 300 non-titulaires occupent des emplois de titulaires qui se trouvent vacants. Mais ils sont comptés dans les 92 000.

M. le Président : Vous nous avez pourtant dit que les compensations se feront uniquement pour les postes pourvus.

M. Michel DELLACASAGRANDE : Environ 3 300 postes sont pourvus par des non-titulaires au lieu de l'être par des titulaires.

M. Michel RAISON : Ma question est la suivante : y a-t-il des postes qui ne sont pas pourvus du tout, ni par des titulaires ni par des non-titulaires ?

M. Michel DELLACASAGRANDE : Oui, à la marge, environ 400 emplois ne sont pas pourvus, pour des raisons de gestion administrative, par exemple entre un départ et un remplacement. Leur nombre dépend en partie de la période de l'année à laquelle on en fait la constatation.

M. Charles de COURSON : J'ai une question sur la gestion des remplacements. Dans la Marne, les absences sont remplacées à hauteur du tiers. Nous avons demandé si la bonne gestion des établissements permet un remplacement au tiers, et comment l'État le compensera. Il nous a été répondu que la compensation correspondra aux moyens nécessaires, à l'euro près, pour assurer un remplacement au tiers.

L'administration centrale pense-t-elle que ces normes sont satisfaisantes du point de vue du service public ? D'autre part, est-il exact que vous assurerez les remplacements jusqu'à la fin de l'année 2005 et non jusqu'à la rentrée ? Le recteur nous a indiqué que ce serait sous réserve d'une éventuelle régulation budgétaire des crédits du ministère, à la fin de l'exercice.

M. Dominique ANTOINE : Je pense que les moyens votés par la représentation nationale au titre du remplacement des TOS sont bien employés, ce d'une manière globale. La proportion d'un tiers ne me surprend pas. Nous ne transférons que cela parce que c'est cela que la loi nous invite à transférer.

Sur ce chapitre comme sur beaucoup d'autres chapitres de fonctionnement, nous sommes soumis à la régulation budgétaire. Pour l'instant, nous pensons que nous serons en mesure d'assurer les remplacements tout au long de l'année civile 2005, comme ce fut le cas en 2004.

M. le Rapporteur : Certains pensent que la pression populaire à laquelle seront soumis les nouveaux décideurs les conduira à engager des dépenses significativement supérieures et à employer un plus grand nombre de TOS ? Intuitivement, comment évaluez-vous une telle hypothèse ? Avez-vous le sentiment que les sous-effectifs soient tels que les collectivités territoriales, fût-ce au prix d'augmentations d'impôt, s'engageront dans une telle démarche ? Ou pensez-vous que cette pression supposée n'est pas si justifiée que cela, et qu'en tout cas elle serait résistible ?

M. Dominique ANTOINE : Le modeste fonctionnaire parisien d'administration centrale que je suis manque d'éléments pour répondre complètement à cette question. J'ai a priori une très grande confiance dans la capacité des collectivités territoriales à organiser rationnellement et efficacement leur gestion.

M. le Rapporteur : Plus concrètement, y a-t-il aujourd'hui des sous-effectifs patents ?

M. Dominique ANTOINE : Nous ne raisonnons jamais qu'en termes de répartition. La représentation nationale vote un certain nombre d'emplois, après quoi nous les répartissons au mieux de l'intérêt général. Si la représentation nationale fixe les emplois à un certain niveau, c'est qu'elle pense que ce niveau est approprié.

M. le Président : Vous nous avez dit que, si le transfert se faisait collectivité par collectivité, l'État transférerait davantage. D'où vient cette différence ?

M. Dominique ANTOINE : Elle s'explique mécaniquement. On observe la situation nationalement au 31 décembre 2002 et au 31 décembre 2004, et on choisit le chiffre le plus favorable, en l'occurrence le second. C'est ce chiffre qui vaut pour toutes les collectivités, y compris pour la collectivité qui, par exception, aurait vu son chiffre diminuer entre les deux dates. Si le chiffre le plus favorable était déterminé collectivité par collectivité, la sommation des moyens transférés serait, mécaniquement, supérieure.

M. le Président : C'est bien là le problème. Chaque fois qu'on a créé des établissements dans les zones urbaines - et j'ai en tête un cas particulier à Toulouse -, on a pris les personnels dans les autres établissements, lesquels souffrent en effet de sous-effectifs patents.

M. Alain GEST : Avez-vous eu connaissance de réels problèmes pour assumer les fonctions dévolues aux TOS dans l'ensemble des lycées et collèges ?

M. Dominique ANTOINE : La réalité est extrêmement diverse sur tout le territoire. Près de 100 000 personnes travaillent dans près de 8 000 établissements scolaires, sous des latitudes et des longitudes variées. Il me semble que l'État a été, ces dernières années, à la hauteur des besoins.

M. le Président : Il n'y a pas d'autres questions ?...

Je vous remercie, Messieurs, pour les réponses que vous nous avez apportées, même si elles ne nous ont pas toutes donné satisfaction.

Audition de M. Pierre MÉHAIGNERIE,
Président de la Commission des finances,
de l'économie générale et du Plan de l'Assemblée nationale


(Extrait du procès-verbal de la séance du 11 mai 2005)

Présidence de M. Augustin BONREPAUX, Président

M. Pierre Méhaignerie est introduit.

M. le Président : Mes chers collègues, nous sommes heureux d'accueillir M. Pierre Méhaignerie, Président de la Commission des finances, de l'économie générale et du Plan de l'Assemblée nationale.

M. le Président, vous êtes à l'origine de notre Commission d'enquête, puisque vous êtes le premier signataire de la proposition de résolution adoptée par l'Assemblée nationale. Vous avez déjà pu intervenir lors de la discussion de cette proposition, mais il nous a semblé utile de vous entendre aujourd'hui devant notre Commission pour que vous nous donniez votre sentiment sur l'évolution de la fiscalité locale. En effet, en tant que Président de la Commission des finances, vous êtes un observateur privilégié et engagé de l'évolution de l'ensemble des recettes et des dépenses des administrations publiques. Vous pouvez notamment nous indiquer quel est à votre avis l'état des relations financières entre le budget de l'État et les collectivités territoriales.

M. le Président rappelle à M. Pierre Méhaignerie que les dispositions législatives relatives aux commissions d'enquête lui ont été communiquées par écrit. À l'invitation du Président, celui-ci prête serment.

M. Pierre MÉHAIGNERIE : M. le Président, je vous remercie, ainsi que M. le Rapporteur, de m'avoir invité. J'attends que votre Commission d'enquête aide le Gouvernement et le Parlement, et notamment la Commission des finances de notre Assemblée, à fixer quelques repères et à proposer pour l'avenir quelques réformes.

Il convient de rappeler quel est le contexte économique et social actuel. Notre pays doit répondre à une double nécessité d'efficacité et de justice. L'efficacité exige la confiance des entreprises, la libération des initiatives, le développement des investissements. La justice doit s'entendre en termes de pouvoir d'achat et de réduction du chômage. Lors des dix prochaines années, même avec une croissance de l'ordre de 2 % à 3 % par an, nous savons que les deux tiers de cette croissance devront aller au financement des dépenses de vieillesse, de santé, au remboursement de la dette et à la réduction des déficits. À qui doit aller le dernier tiers ? Pour des raisons philosophiques et politiques, je pense qu'il doit aller essentiellement à ceux dont le salaire ne permet pas d'appartenir, comme ils l'espèrent, à la classe moyenne. Je pense surtout aux salariés du secteur privé.

Partant de là, l'État comme les collectivités territoriales doivent s'imposer une meilleure maîtrise de leurs dépenses et une amélioration de leur productivité.

La part de la fiscalité locale dans le PIB a fortement augmenté, puisqu'elle est passée de 8,5 % à 10,2 %. Et encore ce chiffre n'inclut-il pas l'évolution du poids des dégrèvements.

En effet, cette évolution n'intègre pas la part croissante de l'impôt local prise en charge par l'État sous forme d'exonérations et de dégrèvements, puisque nous parvenons presque à 35 % pour la taxe d'habitation et que nous avoisinerons progressivement les 45 % ou 50 % pour la taxe professionnelle. Très peu d'élus connaissent le niveau des dégrèvements pris en charge par l'État. La remarquable étude du sénateur Yves Fréville fait apparaître que la taxe d'habitation est devenue un impôt local progressif sur le revenu. Dans la commune de Saint-Pol-sur-Mer, cas extrême il est vrai, seuls 2,3 % des habitants paient en totalité la taxe d'habitation, tandis que 35,1 % ne sont pas imposés et que 62,6 % bénéficient de dégrèvements partiels. Les ressources de taxe d'habitation bénéficiant à la commune étaient en 2001 de 1 401 francs, une part importante, 851 francs, étant prise en charge par l'État.6

Si cette prise en charge des dégrèvements prenait en compte le niveau de revenu par habitant ou le potentiel fiscal, elle aurait une certaine justification. Mais plus vous imposez fortement, plus le niveau de vos dégrèvements est important. Comme le dit M. René Dosière, sans cette prise en charge, n'y aurait-il pas eu une révolte des contribuables, ou à tout le moins une pression des contribuables locaux sur leurs élus ? Il y a là dans notre système une forme d'anesthésiant et de déresponsabilisation, ce qui est contraire à l'intérêt général du pays. Est-il sain qu'une part de plus en plus importante de la fiscalité locale soit payée par l'impôt national ?

Certes, l'État transfère aux collectivités des responsabilités qu'il ne compense pas en totalité - c'était vrai pour les lycées et les collèges, ce sera vrai pour la voirie -, mais, d'un autre côté, entre 1990 et 2003, la croissance des dégrèvements pris en charge par l'État a représenté 10 milliards d'euros. Il a été dit devant votre Commission d'enquête que le seul impôt qui ne bénéficie d'aucune exonération ni dégrèvement, à savoir la taxe foncière sur le foncier bâti, a été multipliée par sept en vingt ans.

Voici un exemple qui illustre de manière frappante le poids de la prise en charge de la taxe professionnelle par l'État : Citroën-PSA à Rennes, avec 9 683 salariés, était soumise à une taxe professionnelle de 64 millions d'euros en 2004, mais n'a payé que 26,4 millions d'euros net, le reste étant pris en charge par l'État au titre du plafonnement. Cette taxe professionnelle de 64 millions d'euros est à comparer à une masse salariale de 240 millions d'euros. Cela signifie que la taxe professionnelle représente l'équivalent de quatre mois de salaires. Voilà qui donne à réfléchir : les délocalisations peuvent avoir plusieurs causes, la taxe professionnelle en est une.

Qu'en est-il de l'attente de pouvoir d'achat supplémentaire ? Il est absorbé par la progression de la taxe professionnelle, puisqu'un point représente pratiquement une semaine de travail pour 9 600 salariés. Entre 1994 et 1995, alors que l'entreprise a fait de lourds investissements pour la 407, la taxe professionnelle est passée en une année de 62 à 70 millions d'euros. L'élu est-il conscient des conséquences que de telles augmentations peuvent avoir pour l'industrie française ?

Quelles pistes de réflexion peuvent-elles être explorées pour l'avenir ? Nous avons d'abord, à mon sens, un devoir de vérité, que ce soit en matière de lisibilité ou de transparence. La complexité est telle qu'elle rend illisibles pour l'électeur les responsabilités de chacun. Je souhaiterais que, par la voie des trésoreries générales ou par celle des chambres régionales des comptes, soit affiché un traitement harmonisé de l'évolution des dépenses, des taux, en précisant le potentiel financier des collectivités de plus de 10 000 habitants par rapport au potentiel financier moyen. Cet effort de transparence doit aussi conduire à indiquer l'évolution des dotations de l'État.

Deuxième piste de réflexion : continuera-t-on encore longtemps à récompenser la dépense, en termes de DGF et de dégrèvements, et à pénaliser la vertu ? Là où les entreprises paient moins de 25 points de taxe professionnelle, elles doivent verser au fonds national une cotisation qui varie entre 1,6 et 3,4 points. Lors de la dernière assemblée des élus de la communauté d'agglomération de Vitré, dont j'assume la présidence, beaucoup de maires m'ont dit qu'il serait plus intéressant de garder cet argent localement, en augmentant fortement le taux de taxe professionnelle. Sans remise en cause de ces incitations à la dépense, il est vain d'espérer maîtriser la dépense publique. L'élu fait son travail, mais il est bien entendu qu'entre la satisfaction des demandes fortes de services publics et le poids de la responsabilité supporté par le contribuable, il y a un déséquilibre : lorsque vous dépensez 100 euros, vous ne demandez que 10 euros à 50 % de vos contribuables !

J'ajoute que si l'on veut trouver demain des moyens financiers pour assurer la nécessaire péréquation entre collectivités pauvres et collectivités riches, il faudrait - mais j'admets que cela demande du courage - réduire un peu le niveau élevé de dégrèvements pour des collectivités ayant un potentiel fiscal supérieur à la moyenne et un revenu par habitant nettement supérieur à la moyenne. Dans la prochaine loi de finances, nous devrons aller dans cette direction, sans quoi la dépense continuera de croître à un rythme supérieur de 3 ou 4 points à l'inflation. Je rappelle que la croissance des dépenses de personnel correspond à 30 000 emplois supplémentaires par an.

Troisième piste de réflexion : l'intercommunalité. Je suis favorable à l'intercommunalité, mais le fait est qu'elle est perçue comme un étage de plus qui accroît la superposition des responsabilités et le chevauchement des compétences. De plus, elle est potentiellement lourde de conflits dès lors que la communauté d'agglomération s'arroge la totalité de la croissance des recettes de taxe professionnelle, alors que les communes, en vertu du principe de subsidiarité, sont mieux placées pour assurer certaines compétences.

J'ajoute que les équipements publics et leur coût de fonctionnement ont tendance à croître plus vite que les revenus. Le Directeur des politiques régionales à la Commission européenne affirme que la France est, de loin, le pays où les communes investissent le plus. Lorsque Dexia dit que c'est une chance de voir les collectivités territoriales investir, je réponds que c'est vrai jusqu'à un certain point. Il y a des investissements qui ne se feraient pas s'ils n'étaient pas financés par des subventions à hauteur de 75 %, 80 %, voire 85 %.

M. le Rapporteur : C'est une chance pour Dexia !

M. Pierre MÉHAIGNERIE : Et il y a des investissements dont la rentabilité est contestable. Une affectation de ressources publiques sur d'autres investissements créateurs de richesses et d'emplois pourrait être la bienvenue. J'ajoute que ces « arrosoirs » impliquent à chaque fois des demandes faites en multiples exemplaires.

J'ai même appris récemment que le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz verse des subventions d'équipement à des centres culturels. Certains reçoivent ainsi sept subventions différentes. Je ne suis pas sûr que cela soit de la bonne gestion.

L'État, s'il veut être exigeant pour les autres, doit l'être pour lui-même. Je ne pense pas qu'il faille supprimer la taxe sur le foncier non bâti. Ce serait couper le lien de responsabilité entre les collectivités rurales et les élus.

M. Charles de COURSON : C'est décidé !

M. Pierre MÉHAIGNERIE : Non, ce n'est pas totalement décidé, je l'espère.

M. Michel RAISON : C'est au Parlement de décider !

M. Pierre MÉHAIGNERIE : Exactement.

Pour ce qui est des normes, l'exemple du SDIS est une caricature. Je suis heureux de ne pas avoir voté cette réforme proposée par le ministre de l'Intérieur de l'époque. Elle portait en germe tous les excès actuels, le ministère décidant des normes et laissant les élus, et en particulier les départements, en assumer la responsabilité financière.

Être vertueux, c'est aussi ne pas imposer des conventions collectives à tout bout de champ sans que les élus participent, du moins officiellement, à la négociation. Comme c'est agréable de dire oui aux organisations syndicales sans avoir à payer la facture !

Les réglementations et le coût des procédures sont un autre élément à prendre en considération. Entre les SCOT, les PLU, les PLH, l'Etat n'a pas toujours choisi les voies les plus faciles. Je ne parle pas des chevauchements de compétences entre ministères. Je ne parle pas non plus du non-transfert, ou du transfert seulement partiel, des postes de personnels. Nous l'avons vécu pour les lycées et les collèges. Nous pourrions de nouveau en faire l'expérience pour la voirie.

Je ne parle pas non plus de la multiplication des entrepreneurs politiques, mais il faudra bien un jour se poser le problème. Quand je vois les dépenses de communication de certaines collectivités, auxquelles s'ajoutent les lancements de télévisions locales payées par le contribuable, je suis sûr qu'il est possible d'exploiter des marges de productivité importantes.

Trois points, pour conclure. Premièrement, les collectivités territoriales restent dans une logique de moyens et non de performance. Deuxièmement, le débat politique entre l'État et les collectivités est totalement faussé. Les accusations de part et d'autre sont justifiées, mais elles sont partiales et partielles. Car c'est vrai que si l'État ne transfère pas les dotations, il a pris en charge un poids tellement important, à travers les dégrèvements et les exonérations, qu'il finance en partie les collectivités territoriales. Enfin, M. le Président, M. le Rapporteur, il y a de l'ordre à mettre dans la maison France. Cette remise en ordre bénéficierait, et à l'emploi, et au pouvoir d'achat des salariés.

M. le Rapporteur : On sent bien que certaines collectivités apprécient moyennement la démarche de notre Commission d'enquête. Nous sommes parfois un peu gênés de poser certaines questions : nous avons le sentiment de remettre en cause le principe de la décentralisation, l'autonomie des collectivités territoriales, en prenant parfois le risque de paraître donner des leçons. M. Pierre Méhaignerie, comment peut-on être porteur du message que vous venez d'indiquer tout en respectant la démarche décentralisatrice ? Comment dire certaines choses aux collectivités sans être donneur de leçons ? Le Président de la Commission des finances et de la fiscalité locale de l'Association des maires de France s'est même interrogé sur la légitimité de notre Commission d'enquête, mais aussi de la Représentation nationale, à poser des questions du type de celles que vous avez posées. Il y a là une difficulté politique considérable, qu'il ne faut pas sous-évaluer.

M. Pierre MÉHAIGNERIE : Je m'exprime ici en tant que Président de la Commission des finances de l'Assemblée nationale. Il y a une attente de transparence et de lisibilité de la part de nos compatriotes, attente à laquelle nous ne répondons pas, du fait de la complexité du système.

L'État est souvent accusé par les collectivités territoriales. Il a le devoir de répondre. J'ai beaucoup d'amitié pour mes collègues élus locaux, mais en tant qu'élus nationaux, nous avons le devoir de préparer l'avenir dans un monde qui change. Aujourd'hui, l'impératif industriel, l'attente d'emplois et de pouvoir d'achat doivent conduire les élus locaux, quelles que soient les difficultés, à rechercher toutes les voies possibles pour améliorer le rapport qualité/coût de leurs services.

M. le Rapporteur : Vous avez évoqué un traitement harmonieux de la présentation de l'évolution des dépenses, des taux, du potentiel financier. Quelles formes pourrait prendre ce traitement ?

M. Pierre MÉHAIGNERIE : Dans les grands journaux d'information, les citoyens peuvent prendre connaissance des résultats des marchés publics. On pourrait, dans les mêmes conditions, rendre obligatoire la publication dans les grands quotidiens locaux d'information de l'évolution des impositions dans l'ensemble des collectivités territoriales de plus de 10 000 habitants, de façon que le citoyen voie plus clairement la responsabilité et l'engagement de chacune des collectivités. Cela impliquerait que soit également connu le potentiel financier de la commune par rapport à la moyenne du potentiel financier des communes ayant la même population, ainsi que l'évolution des dépenses de fonctionnement et d'investissement, sans oublier l'évolution des taux des différents impôts locaux.

M. le Rapporteur : Vous avez exercé et exercez encore des responsabilités dans des exécutifs locaux. Comment votre pratique est-elle en harmonie avec ce que vous nous avez dit aujourd'hui ?

M. Pierre MÉHAIGNERIE : C'est une excellente question.

Il y a aujourd'hui en France environ 160 communautés d'agglomération. Celle que je préside regroupe 57 000 habitants. Son taux de taxe professionnelle est de 11,4 %, ce qui la situe au troisième rang des communautés d'agglomération les moins imposées.

Quant à la taxe d'habitation et à la taxe sur le foncier bâti, nous sommes autour de 13 %, soit un taux inférieur de 15 % à 20 % à la moyenne de l'imposition dans les villes comptant entre 10 000 et 20 000 habitants.

Je reconnais que c'est plus facile dans la collectivité que je gère, parce qu'elle a un potentiel financier supérieur à la moyenne nationale. Il reste que nous nous sommes fixé une discipline depuis plusieurs années. Cette discipline est aujourd'hui très difficile à tenir, parce que les communes de base voient très difficilement la justification du 1,6 point que les entreprises doivent payer au fonds national. Elles se demandent pourquoi ne pas garder cet argent en élevant le taux de la taxe professionnelle au niveau de la moyenne nationale.

M. Charles de COURSON : M. le Président de la Commission des finances, vous avez décrit un système qui, effectivement, ne récompense pas la vertu, voire la sanctionne, en même temps qu'il récompense le vice.

Vous n'avez pas évoqué la question de la réforme de notre système fiscal. Si nous en sommes arrivés là, n'est-ce pas parce que nous avons des impôts complètement obsolètes ? Quelles sont vos idées en la matière ?

Certains proposent de donner aux conseils généraux la possibilité de lever une CSG, en abaissant la CSG nationale. Cet impôt a notamment l'avantage de ne pas être facilement manipulable et d'être payé par 80 % des Français.

La taxe professionnelle est quasiment morte, de par la réforme Strauss-Kahn. Quelles solutions préconisez-vous pour aller dans le sens de la responsabilisation ?

M. Pierre MÉHAIGNERIE : On dit parfois que les vieux impôts sont les meilleurs. Sur quelle assiette pourrions-nous asseoir de nouveaux impôts, compte tenu du poids des prélèvements fiscaux ? Je suis donc extrêmement prudent. Je ne suis pas favorable à l'institution de nouveaux impôts. De toute façon, à moins de vingt-quatre mois des élections présidentielle et législatives, c'est une mission impossible.

Par contre, deux réformes peuvent être menées à bien. La première concerne le coefficient d'intégration fiscale (CIF). Il ne faudrait pas qu'il conduise à une évolution contraire au principe de subsidiarité. Nous devrions y réfléchir dans la prochaine loi de finances. La deuxième réforme concerne la péréquation. Il serait opportun de réexaminer certains dégrèvements pour des collectivités dont le potentiel fiscal et le revenu par habitant sont supérieurs à la moyenne nationale. Il y a là des marges de redéploiement.

Quant à la réforme de la taxe professionnelle, je suis, comme beaucoup d'entre vous, dans le noir presque absolu. Les marges sont faibles. Il faut progressivement assurer une diminution de l'ordre d'1 milliard d'euros sur une durée de trois ou quatre ans. Mais cela n'est possible que si l'on n'augmente pas chaque année les taux. M. Dominique Strauss-Kahn avait supprimé la part salariale de la taxe professionnelle : cela représentait l'équivalent de 6 milliards d'euros. Six ans après, il y a eu rattrapage de cette prise en charge par l'État du fait de l'augmentation des taux de taxe professionnelle.

Mme Claude DARCIAUX : Vous n'avez pas évoqué la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, qui est basée sur le foncier bâti et n'a aucune justification par rapport à l'objectif. Elle continue d'exploser, notamment en raison des normes imposées aux usines d'incinération et des collectes sélectives. Une réforme n'est-elle pas envisageable, qui pourrait introduire un peu plus de justice sociale ?

M. Pierre MÉHAIGNERIE : La question que vous posez montre que si nous n'avions pas plafonné une partie de la taxe d'habitation, nous aurions déclenché une réaction très vive du contribuable, comme le dit très bien M. René Dosière. La taxe d'enlèvement des ordures ménagères dépasse, dans certains cas, la taxe d'habitation.

M. le Rapporteur : Je précise que cette taxe ne fait l'objet d'aucun dégrèvement, d'aucune exonération, d'aucun plafonnement d'aucune sorte. C'est une taxe à l'état pur.

M. le Président : M. le Président de la Commission des finances, il me semble que la dernière loi de finances a introduit quelques améliorations visant à mieux répartir cette taxe.

M. Pierre MÉHAIGNERIE : Cela n'enlève rien au fait qu'elle continue à augmenter.

Nous avons pris une mesure en faveur de l'éco-emballage pour que les courriers non adressés participent au financement du tri. Il faut marquer une pause dans l'accroissement des normes. Les normes, c'est très bien, mais il y a un moment où il faut peser les avantages et les inconvénients. L'État doit réfléchir avant d'édicter ou d'homologuer de nouvelles normes. Dans un système très verticalisé, chaque chef de bureau n'est attentif qu'à ce qui relève de sa compétence. Nous aboutissons à des additions de coûts qui deviennent insupportables pour le contribuable, national ou local. J'ajoute que moins il y aura de ministres, plus il sera possible de marquer une pause réglementaire.

Il faudra aussi aller vers l'individualisation de la taxe, de façon que chacun comprenne qu'il paie en fonction de sa responsabilité propre.

M. Michel RAISON : Vous nous avez parlé des « arrosoirs ». Les subventions ont en effet pour effet pervers d'inciter à la dépense. Vous avez proposé d'introduire une relation entre le niveau des dégrèvements et la richesse de la collectivité. Ne serait-il pas également judicieux d'instaurer une relation entre le plafonnement des subventions et la richesse de la collectivité ? On pourrait également introduire certains critères qui éviteraient que les communes fassent n'importe quoi. Non loin de chez moi, une communauté de communes est en train d'envisager la construction d'un gymnase qui coûterait quelque 5 à 6 millions d'euros pour 3 000 habitants.

M. le Rapporteur : Pour compléter cette question, je remarque que, parmi les dizaines de responsables que nous avons auditionnés, très peu ont évoqué le décroisement des compétences. Ceux qui l'ont fait ont le plus souvent revendiqué la notion de compétence générale.

M. Pierre MÉHAIGNERIE : La clarification des compétences est une question qui devra de nouveau être posée au Parlement, dès lors qu'on aura dressé le bilan de cette décentralisation partielle. Cette clarification est attendue par les collectivités territoriales et par les électeurs.

M. le Rapporteur : Par les électeurs, sans doute. Par les collectivités, cela ne m'a pas sauté aux yeux !

M. le Président : Le Directeur général des collectivités locales nous a fait remarquer hier que la loi du 13 août 2004 permettait de revenir quelque peu sur le cloisonnement des compétences, ce qui n'est pas forcément négatif.

M. Alain GEST : Pour compléter cette question, je rappelle que la naissance d'une communauté d'agglomération doit entraîner des baisses de charges pour les communes qui ne sont pas villes centres. La loi du 13 août 2004 définit l'intérêt communautaire et nécessite que le groupement de communes prenne intégralement en charge une compétence. Cela ne va-t-il pas dans le sens que vous souhaitez ?

M. Pierre MÉHAIGNERIE : La communauté d'agglomération de Vitré a délimité nettement ses compétences. Pour éviter d'avoir une nouvelle structure administrative, elle a recruté, pour toutes ses charges administratives, des secrétaires de mairie en fonction, de façon qu'il n'y ait pas de conflit entre la communauté d'agglomération et les communes de base. C'est ainsi que le directeur de la communauté d'agglomération est le secrétaire général de la commune de Vitré. Les trois ou quatre responsables administratifs sont des secrétaires de mairie, qui travaillent au tiers temps pour la communauté.

Nos voisins européens disent que la France est suradministrée et sous-organisée. On constate que, dans les grandes entreprises françaises, on a souvent recruté des diplômés des grandes écoles d'administration afin d'obtenir plus facilement toutes les subventions possibles. Aujourd'hui, certaines collectivités recrutent des personnes chargées de préparer des dossiers afin de bénéficier de tous les « arrosoirs » financiers. Peut-être faudra-t-il un jour instituer un taux de subvention maximal, qui ne pourra pas être dépassé, sauf peut-être pour les communes très pauvres. Les entreprises et les collectivités territoriales elles-mêmes ont besoin d'oxygène plus que de subventions.

M. le Président : On ne peut par reprocher aux collectivités territoriales les dégrèvements pris en charge par l'État, car ils ont été décidés par le Parlement. Chaque fois qu'on a voulu faire une réforme de fond, on a biaisé et on a préféré un allégement pris en charge par l'État à une véritable réforme. Cela a été vrai pour la taxe d'habitation comme pour la taxe professionnelle.

Deuxièmement, je ne crois pas que la taxe professionnelle favorise les délocalisations. Un rapport de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris reconnaît que la taxe professionnelle n'a aucune influence sur les délocalisations.

Troisièmement, on nous dit qu'il faut comparer les taux. Je voudrais qu'on compare aussi les bases. Certaines collectivités ont des taux très bas parce que leurs bases sont très supérieures aux autres.

En ce qui concerne la péréquation, M. le Président de la Commission des finances, il me semble que vous n'avez pas formulé de propositions très nouvelles par rapport à ce que je vous entends dire depuis longtemps. J'estime que la véritable péréquation, c'est une meilleure répartition des ressources entre collectivités, en proportion de leurs charges.

Vous nous avez dit que l'État devait être vertueux. Soit. Mais, en deux ans, il a transféré aux départements les charges supplémentaires relatives aux services d'incendie et de secours, et a fait de même pour les handicapés et pour les assistantes maternelles. C'est l'État qui décide et ce sont les départements qui exécutent. Ce n'est quand même pas très vertueux !

Cela dit, j'apprécie votre position sur la réforme de la taxe professionnelle, qui me paraît prudente.

M. Pierre MÉHAIGNERIE : J'ai bien dit que le contexte politique me semblait imposer comme priorité la revalorisation du pouvoir d'achat. Cela exige une discipline de la dépense publique.

S'agissant des dégrèvements, vous avez raison de souligner que la responsabilité en incombe au Parlement. Vous vous rappelez très bien, M. le Président, les circonstances dans lesquelles un certain amendement avait été imposé à votre groupe dans les années 1990.

M. le Rapporteur : Pouvez-vous rappeler ces circonstances ?

M. Pierre MÉHAIGNERIE : Le groupe communiste avait déposé un amendement tendant à transférer sur le contribuable national une partie des impôts locaux, dès lors que les taux de la taxe d'habitation étaient élevés. Il y avait peut-être aussi un certain souci de justice dans le fait de faire payer au contribuable national les impôts locaux.

M. le Président : Je m'en souviens fort bien. Il y avait aussi la volonté d'enterrer la réforme de la taxe d'habitation, tendant à la faire varier selon le revenu.

M. Pierre MÉHAIGNERIE : C'est vrai. Mais aujourd'hui, la taxe d'habitation est, de fait, proportionnelle au revenu.

Ce que je souhaite, c'est que les élus locaux donnent aux citoyens toutes les informations, y compris sur le poids des dégrèvements.

Vous dites qu'il n'y a pas de lien entre la taxe professionnelle et les délocalisations. C'est parce que le plafonnement permet à l'État de prendre une partie de la différence. Sans ce plafonnement, beaucoup d'équipementiers automobiles seraient fortement tentés d'aller s'installer ailleurs en Europe.

S'agissant des dégrèvements, M. Yves Fréville a parfaitement démontré que, s'ils peuvent être justifiés, ils ne sont pas en proportion de la richesse des collectivités territoriales mais du niveau de la pression fiscale. Ils ne vont donc pas dans le sens de la justice fiscale.

Les élus font leur travail, et souvent très bien. Aujourd'hui, le niveau élevé de la dépense locale n'entraîne pas de réaction de l'électeur, dans la mesure où une partie importante de la dépense est prise en charge par l'État. Cela explique que les collectivités territoriales françaises aient beaucoup plus investi et dépensé, ces dernières années, que les collectivités des autres pays européens.

M. le Président : M. le Président de la Commission des finances, nous vous remercions de votre contribution aux travaux de notre Commission d'enquête.

Audition de M. Patrice PARISÉ,
Directeur des routes


(Extrait du procès-verbal de la séance du 11 mai 2005)

(Des documents fournis par M. PARISÉ à l'appui de son intervention sont reproduits en page 373 du tome III du présent rapport)

Présidence de M. Augustin BONREPAUX, Président

M. Patrice Parisé est introduit.

M. le Président : Nous accueillons M. Patrice Parisé, Directeur des routes au ministère de l'Équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

Les conseils généraux s'inquiètent de la charge financière que représentera le transfert des routes nationales en application de la loi du 13 août 2004 ; nous attendons donc que vous nous présentiez la mise en œuvre de ce transfert, ainsi que le mode de calcul et le montant de la compensation qui sera versée par l'État aux départements au titre du fonctionnement et de l'investissement. Dans un second temps, nous ferons le point sur l'exécution du volet routier des contrats de plan ; je vous demande de fournir à notre Commission d'enquête des éléments région par région jusqu'en 2004, en analysant les évolutions constatées.

M. le Rapporteur : Nous aborderons aussi la question du transfert des personnels, aspect important de la décentralisation.

M. le Président rappelle à M. Patrice Parisé que les dispositions législatives relatives aux commissions d'enquête lui ont été communiquées. À l'invitation du Président, celui-ci prête serment.

M. Patrice PARISÉ : Dans un premier temps, je dresserai un rapide panorama de la situation, en termes de calendrier et de conséquences financières, concernant le transfert des routes nationales aux départements dans le cadre de la loi du 13 août 2004.

Conformément à la loi, le Gouvernement a consulté l'ensemble des départements sur l'avant-projet de décret qui doit fixer la consistance du futur réseau routier national. Y sont énumérés les axes que l'État envisage de conserver, en application de la définition suivante : « le réseau routier national est un réseau cohérent de routes et d'autoroutes d'intérêt national ou européen ». Le réseau soumis à la consultation totalise environ 10 000 kilomètres de voies sur un total de 30 000 kilomètres de routes nationales et d'autoroutes non concédées. Cette consultation s'est déroulée, dans la plupart des départements, au cours du premier trimestre de cette année. Nous avons commencé à recueillir les délibérations des conseils généraux depuis fin mars et, sur cette base, nous sommes en train de préparer le projet de décret que le Gouvernement envisage de transmettre au Conseil d'État avant l'été.

Une fois ce décret publié, il appartiendra aux préfets de prendre les arrêtés transférant aux départements les routes nationales n'y figurant pas. Ces transferts deviendront effectifs le 1er janvier de l'année suivant les arrêtés préfectoraux et, en l'absence d'arrêté préfectoral, le transfert sera de droit au plus tard le 1er janvier 2008. Ainsi, si des arrêtés sont pris avant la fin de l'été 2005, les routes concernées seront transférées aux départements à compter du 1er janvier 2006.

S'agissant des modalités financières, les articles 119 et 121 de la loi du 13 août 2004 ont prévu le transfert aux départements des ressources aujourd'hui consacrées par l'État à l'entretien courant et aux grosses réparations - réhabilitations, opérations de sécurité et liées aux risques naturels - des routes transférées. Nous avons commencé à préparer le projet de décret qui doit fixer les modalités précises de cette compensation. Il a déjà été présenté une première fois à la Commission consultative d'évaluation des charges, laquelle a donné un avis de principe favorable.

S'agissant de la compensation des charges d'entretien courant, nous avons proposé de retenir et d'appliquer la même méthode de répartition que celle en vigueur pour l'entretien des routes nationales : la dotation votée par le Parlement est répartie entre les directions départementales de l'équipement (DDE) à raison des caractéristiques physiques du réseau (type de routes) ainsi que du climat (pour la viabilité hivernale), sur la base d'une circulaire annuelle.

Le deuxième type de dépenses concerne les grosses réparations et les réhabilitations d'ouvrages d'arts ou de chaussée. Les ressources correspondantes ne sont pas distribuées aux directions départementales de l'équipement sur la base de ratios, mais font l'objet d'une programmation analytique : les crédits sont alloués en fonction des besoins recensés et de l'urgence des travaux. Il serait inadapté de les reverser à l'identique d'année en année, ce qui produirait évidemment un effet d'aubaine dans certains cas et d'éviction dans d'autres. Nous avons donc proposé de globaliser ces dépenses au plan national, de calculer des ratios en fonction des linéaires de chaussée et des surfaces de pont transférés, de façon à appliquer la même méthode que pour l'entretien courant.

Qu'il s'agisse des dépenses d'entretien courant ou d'investissement au titre de la préservation du patrimoine, nous avons donc proposé de procéder par ratio en fonction de caractéristiques physiques du réseau transféré.

Les opérations de transfert de personnel ne sont pas encore engagées, puisque le périmètre définitif du futur réseau routier national n'est pas encore connu. Nous transférerons aux départements l'ensemble des personnels aujourd'hui affectés aux routes nationales transférées.

Dans les directions départementales de l'équipement, il existe pour les routes deux types d'organisation. Dans les directions organisées selon l'article 6, les personnels interviennent à la fois sur les routes nationales et sur les routes départementales ; pour ces directions, il faudra donc établir un tri en se fondant sur des bases de données et évaluer le nombre d'équivalents temps plein utilisés sur chacune des deux catégories de voies. Le partage sera plus facile à opérer pour les DDE organisées selon l'article 7, les services travaillant au profit des routes départementales et nationales y étant d'ores et déjà distincts. Il reste qu'un partage devra être effectué pour les routes qui sont actuellement nationales et vont devenir départementales ; cet exercice sera mené département par département, sur la base des rapports d'activité et des décomptes des temps de travail des personnels.

Enfin, outre les personnels techniques, les DDE emploient des personnels affectés à des tâches « support », par exemple la comptabilité ou la gestion des ressources humaines, et le partage les concernera également.

M. le Président : Selon quels critères sera-t-il effectué ?

M. Patrice PARISÉ : En fonction des volumes d'activité, évalués au cas par cas. L'exercice ne sera pas aisé mais nous devrons nous y atteler, en concertation avec les conseils généraux.

La loi n'a, en revanche, pas prévu de transfert de ressources au titre du développement du réseau. Les partenaires des contrats de plan État-régions resteront simplement tenus par leurs engagements jusqu'au terme de ces contrats, c'est-à-dire jusqu'à ce que leur volet routier soit achevé dans la limite des enveloppes fixées.

M. le Rapporteur : Si la loi n'a rien prévu, la Constitution y a pourvu...

M. Patrice PARISÉ : La loi a défini limitativement les charges d'investissement en question dans son article 121.

Face à cette situation, le Gouvernement a évoqué, durant le débat parlementaire, la solution consistant à décroiser les financements. En quoi cela consistera-t-il ? Demain, l'État n'interviendra plus financièrement sur les routes nationales qui deviendront départementales et, à l'inverse, les départements ne seront plus sollicités pour participer au financement des routes restant nationales. Nous avons cependant retenu deux hypothèses : premièrement, pour les routes nationales conservées par l'État, le maintien de la contractualisation entre l'État et les régions ; deuxièmement, l'instauration d'une contractualisation du même type entre les départements et les régions pour les axes qui vont devenir départementaux.

Quelles seraient les conséquences de ce décroisement ? Nous avons effectué une simulation fondée sur quatre hypothèses. Premièrement, nous avons retenu le réseau routier national dessiné dans le projet soumis à la consultation des départements - c'est-à-dire 10.000 kilomètres de routes conservées et 20 000 kilomètres de routes transférées. Deuxièmement, nous avons effectué notre calcul en nous référant à l'exécution du XIIème Plan : comment aurait-il été exécuté en mode décroisé ? Troisièmement, nous avons pris en compte l'éligibilité au FCTVA des fonds de concours des collectivités territoriales, prévue par la loi du 13 août 2004 à compter du 1er janvier 2005. Quatrièmement, nous avons supposé que les régions réinvestiraient dans les volets routiers des contrats de plan État-régions la TVA récupérée du fait de cette mesure nouvelle ; la neutralité financière, pour elles, serait donc totale.

Sur la base de ces hypothèses et en effectuant les calculs en montants nets, c'est-à-dire après annulation de l'effet TVA, il s'avère que, globalement, à l'échelon national, sur la durée totale du contrat de plan, il en résulterait un « gain » pour les collectivités territoriales - essentiellement les départements, mais aussi les villes, de 370 millions d'euros environ, et symétriquement une « perte » du même montant pour l'État. La notion de gain s'entend par rapport à la situation actuelle, toutes choses égales par ailleurs. Cette réalité, qui résulte d'une situation consolidée à l'échelon national, ne se décline évidemment pas de la même manière dans chaque département ; le bilan par collectivité est plus contrasté, certaines perdant des montants significatifs tandis que d'autres sont largement gagnantes, selon une courbe de distribution symétrique.

M. le Président : Merci. Peut-être pouvez-vous enchaîner sur les contrats de plan. Où en sont-ils ? Quand pensez-vous qu'ils seront réalisés ? Quelles sont vos prévisions ?

M. Patrice PARISÉ : Traditionnellement, nous mesurons l'avancement de la réalisation des contrats de plan État-régions au moyen des affectations d'autorisations de programme, lesquelles sont individualisées par opération, tandis que les crédits de paiement constituent une masse fongible. Pour la métropole, au 31 décembre 2004, les contrats de plan avaient été réalisés à hauteur de 50,6 % et, fin 2005, compte tenu des crédits aujourd'hui votés, le taux devrait monter à 64,7 %, hors mesures de régulation éventuelles.

M. le Président : Cela signifie que 14 % auront été réalisés cette année.

M. Patrice PARISÉ : Absolument : c'est l'effet de la loi de finances initiale pour 2005 et des 300 millions d'autorisations de programme votés par le Parlement en loi de finances rectificative (LFR) pour 2004.

M. le Président : Ces crédits sont-ils délégués, ou seulement portés au budget ?

M. Patrice PARISÉ : Ils sont en cours d'affectation. Nous fonctionnons selon le principe suivant : chaque opération est identifiée individuellement et les autorisations de programme sont affectées quand les dossiers sont prêts et en fonction de l'avancement des travaux. Nous classons généralement les opérations en deux tranches : les priorités, qui représentent la moitié de l'enveloppe annuelle, la seconde étant disponible pour appliquer les éventuelles mesures de régulation de façon la plus équilibrée possible. L'affectation n'est donc pas automatique, ce qui tend à compliquer le processus, mais il est important que les crédits soient autant que possible utilisés de manière fonctionnelle, selon l'avancement des opérations.

M. le Président : Vous avez parlé de 50,6 % alors que le taux qui nous a déjà été indiqué tourne plutôt autour de 56 %.

M. le Rapporteur : Le Délégué à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, dans son audition, a cité le taux de 56 %, mais avec le plan de relance routier.

M. le Président : Celui-ci ne deviendra pourtant effectif qu'en 2005.

M. Patrice PARISÉ : En effet. Il ne devient effectif que lorsque nous affectons les autorisations de programme.

M. le Président : C'est ce qui explique la différence. Mais le taux de 14 % atteint cette année inclut donc le plan de relance voté en loi de finances rectificative, les mesures adoptées dans le budget 2005 n'atteignant pas plus de 10 %.

M. le Rapporteur : Pourquoi le Président de notre Commission d'enquête feindrait-il d'ignorer l'existence de la LFR ?

M. le Président : C'est un problème de présentation. La DATAR affiche, pour 2004, un taux de réalisation de 10,56 % en tenant compte de la loi de finances rectificative, sans quoi il n'aurait été que de 8,34 %. Vous ne pouvez tout de même pas comptabiliser la loi de finances rectificative sur les deux exercices : soit vous l'imputez en 2004 et le taux de réalisation des contrats de plan, en 2005, ne progressera que de 10 %, soit vous l'imputez en 2005 et le taux de réalisation des contrats de plan, en 2004, n'a progressé que de 8,34 % !

Mais revenons au sujet qui nous intéresse : le financement des collectivités territoriales. Seront-elles amenées à engager des dépenses supplémentaires ? La Direction des routes est maître d'ouvrage. Quand appelle-t-elle la participation des départements et des régions ? Et quand lance-t-elle des travaux ?

M. Patrice PARISÉ : Chacune des opérations inscrites aux contrats de plan fait l'objet d'une convention, conclue entre l'État et la région concernée, comportant un échéancier de déroulement des travaux et de versement des fonds de concours. Ensuite, les échéanciers peuvent être révisés ou non. Certaines régions préfèrent verser les fonds de concours prévus initialement sans tenir compte de l'avancement physique des opérations, tandis que d'autres sont très attentives à adapter leurs versements à l'avancement réel des travaux ; cela se fait d'un commun accord entre les services déconcentrés de l'État et les régions. Certaines d'entre elles choisissent même parfois, pour accélérer la réalisation de telle ou telle opération, de verser leurs fonds de concours alors même que l'État n'est pas en situation de dégager des crédits de paiement.

M. le Rapporteur : Le rapporteur spécial du Sénat pour les transports terrestres, M. Gérard Miquel, dénombre six départements perdants dans l'exercice de décroisement. Votre évaluation est-elle convergente ?

M. Patrice PARISÉ : Plusieurs chiffres ont été cités. Si l'on retient strictement la valeur algébrique du bilan, le nombre de départements perdants est beaucoup plus élevé. En fait, il y a autant de départements perdants que de départements gagnants, selon une distribution symétrique. La grande masse des départements gagne peu ou perd peu. Parmi les perdants, une dizaine d'entre eux le seraient pour un montant significatif, de plusieurs millions voire de plusieurs dizaines de millions d'euros. Parmi les gagnants c'est la même chose. Il y a donc plus de six départements perdants au sens strict, mais de moins de 3 millions d'euros sur sept ans, et nous ne les avons par conséquent pas répertoriés comme tels. Du côté des gagnants, c'est à peu près symétrique, la grande masse d'entre eux gagnerait quelques centaines de milliers ou quelques millions d'euros, tandis qu'un petit nombre gagnerait plusieurs dizaines de millions d'euros.

Pour le département des Alpes-de-Haute-Provence par exemple, auquel l'État a prévu de transférer la totalité des routes nationales, le bilan ne peut être que négatif. À l'inverse, dès lors qu'est appliquée la règle du décroisement, seront gagnants les départements où, pour des raisons de constitution de réseau, l'État a prévu de garder l'ensemble du réseau routier national. C'est particulièrement vrai pour ceux qui participent significativement aux contrats de plan : les moyens qu'ils consacrent aujourd'hui aux routes nationales seront libres d'emploi, puisque celles-ci resteront nationales dans leur totalité.

M. le Rapporteur : Cela dépend aussi de l'importance des travaux prévus. Si j'ai bien compris, à intensité normale de travaux, plus le transfert est massif, plus le département est pénalisé. Cette logique ne me paraît pas très saine.

M. Patrice PARISÉ : Le décroisement n'est pas prévu par la loi ; ce n'est pas une règle mais un palliatif, qui peut conduire à pénaliser certains départements et à en favoriser d'autres. On observe cependant que, globalement, ce principe est opérant puisque le solde consolidé est positif pour les collectivités territoriales. Il ne permet toutefois pas de régler tous les cas et, pour certains départements, il est indéniable que le bilan sera négatif.

M. le Rapporteur : Notre Commission a évidemment besoin d'un dossier complet sur ce point. Comment réglerez-vous le problème des six à dix départements significativement perdants ?

M. Patrice PARISÉ : La loi ne prévoit d'obligation de compensation que pour l'entretien courant et l'investissement tel que défini par l'article 121-III de la loi du 13 août 2004. En transférant les ressources, pour ces deux postes, selon le mode de calcul que j'ai décrit tout à l'heure, l'État remplit parfaitement ses obligations.

Nous avons effectué notre simulation sur la base du réseau soumis à la consultation des départements et nous sommes en train d'analyser les observations de ces derniers pour aboutir à un nouveau projet de décret. Je ne dévoilerai pas un secret en vous disant que le futur réseau routier national comprendra un linéaire plus important que celui soumis à la consultation, certains départements ayant objecté que telle ou telle route a un intérêt national ou international et devait de ce fait être conservée par l'État.

M. le Rapporteur : Quel est l'ordre de grandeur de la différence de linéaire entre les deux versions du projet de décret ?

M. Patrice PARISÉ : Le Gouvernement devrait soumettre au Conseil d'État un projet de décret comportant de l'ordre de 10 % à 20 % de linéaire supplémentaire - mais il s'agit à ce stade d'une estimation personnelle. Le bilan, pour chaque département pris individuellement, est très sensible à l'hypothèse de réseau retenue : le gain total des départements est susceptible de s'élever de 370 à 800 millions d'euros, et d'augmenter d'autant les charges pour l'État. Le nombre de collectivités sensiblement perdantes diminue évidemment aussi dans des proportions importantes.

M. le Rapporteur : Un arbitrage entraînant un tel coût pour l'État vous paraît-il vraisemblable ? Bercy ne risque-t-il pas de s'y opposer ?

M. Patrice PARISÉ : À défaut de contrainte législative, l'État a l'obligation morale de faire en sorte qu'aucun département ne pâtisse de façon excessive de ce transfert et du décroisement envisagé. En revanche, il ne paraît pas possible de tenir compte des gains réalisés par certains d'entre eux.

M. le Rapporteur : Quelle est alors la probabilité que le transfert intervienne en 2006 ? Plus la charge pour l'État est lourde, plus le transfert risque d'être retardé, sans doute après 2007...

M. Patrice PARISÉ : L'opération ne se traduira pas par une obligation de dépenses supplémentaires pour l'État mais, à ressources équivalentes, par un ralentissement de l'aménagement du réseau routier national structurant. Il serait paradoxal que cette conséquence soit de grande ampleur.

M. le Rapporteur : Et que ferez-vous pour les quelques départements qui resteront perdants ?

M. Patrice PARISÉ : Ils seront en définitive fort peu nombreux et, pour ceux là, l'État envisage de participer à des opérations bien identifiées en vue de neutraliser, sinon en totalité, du moins en partie, la perte enregistrée par rapport à la situation précédente.

M. le Rapporteur : Ce sera donc une sorte de compensation instantanée.

M. Patrice PARISÉ : En effet.

M. le Rapporteur : Certains présidents de conseil général se plaignent que les transferts de personnel d'encadrement supérieur soient extrêmement modestes, contrairement à ceux de personnel d'exécution ou de maîtrise, manifestement plus convenables.

M. Patrice PARISÉ : Avant de vous répondre, si vous le permettez, M. le Rapporteur, j'ai encore deux précisions à apporter en ce qui concerne le décroisement.

Premièrement, la loi a prévu que les contrats de plan État-régions s'exécutent jusqu'à leur achèvement, c'est-à-dire jusqu'à épuisement de l'enveloppe fixée dans le volet routier, et non jusqu'à leur fin calendaire. Jusqu'à ce stade, rien ne changera : les opérations prévues au contrat de plan seront achevées, même au-delà des sept ans prévus, sans décroisement.

Deuxièmement, l'éligibilité des fonds de concours au FCTVA produit ses effets depuis le 1er janvier 2005, alors que le bilan que je vous ai présenté concerne la période post contrat de plan actuel. Au 31 décembre 2004, l'exécution atteignait 50,6 % en autorisations de programme, et forcément moins en crédits de paiement. Or l'éligibilité au FCTVA porte sur les paiements. Cela signifie que, sur plus de la moitié des opérations prévues, l'effet TVA sera très sensible pour les collectivités territoriales.

M. le Rapporteur : L'éligibilité des fonds de concours crée donc bien un effet d'aubaine pour les régions. Mais on ne sait pas ce qu'elles vont faire de cet argent, si elles vont le réinjecter dans les opérations liées au transfert des routes aux départements.

M. le Président : Il est tout de même normal que la TVA soit compensée pour les régions ; ce n'est pas un cadeau, car cela correspond à des transferts de charges.

M. le Rapporteur : Mais la région n'est pas maître d'ouvrage.

M. Patrice PARISÉ : Nous exécutons l'actuelle génération des contrats de plan État-régions sur la base d'un cadrage budgétaire qui était valable en 1999. L'engagement des crédits de paiement étant encore inférieur à 50 % au 1er janvier 2005, la récupération de TVA jouera, et cette ressource, qui n'est pas nécessairement injustifiée, viendra en plus car elle n'était pas prévue initialement.

M. le Rapporteur : À combien s'élèvera le montant de l'aubaine pour les régions ?

M. Patrice PARISÉ : Les montants concernés s'élèvent à 4,7 milliards d'euros pour les régions et à 2,7 milliards d'euros pour les départements, soit un total de 7,4 milliards d'euros. Le reversement devrait donc s'élever à 20 % des trois cinquièmes, ce qui représente une somme non négligeable.

M. le Rapporteur : Environ 900 millions d'euros ?

M. Patrice PARISÉ : Je vous fournirai les chiffres précis.

M. le Rapporteur : Revenons aux personnels.

M. Patrice PARISÉ : Le transfert portera sur toutes les catégories de personnel, y compris l'encadrement. Il est également prévu de transférer les personnels d'ingénierie. La seule interrogation concerne les directeurs départementaux de l'équipement et le directeur des routes !

M. le Rapporteur : Quelles sont les réorganisations de services et les réductions d'effectifs prévues en administration centrale consécutivement à ces transferts ?

M. Patrice PARISÉ : En administration centrale, pour l'instant, aucune réduction d'effectifs n'est prévue, pour deux raisons.

Premièrement, nos tâches - orientation politique, préparation budgétaire, animation des services, gestion - sont assez peu corrélées au montant des investissement gérés, puisque la partie la plus importante des études de projets est réalisée au niveau déconcentré.

Deuxièmement - et cela militerait même plutôt pour une croissance mesurée et momentanée de nos effectifs -, la réorganisation complète en cours des services déconcentrés est autrement plus compliquée et lourde à gérer que le transfert des routes nationales aux départements. La responsabilité de l'investissement et de l'entretien routiers, qui, jusqu'à présent, reposait essentiellement sur les directions départementales de l'équipement, sera confiée au niveau régional, et les directions départementales de l'équipement n'interviendront pratiquement plus sur les routes. Nous allons en effet créer deux nouveaux types de services : d'une part, des services de maîtrise d'ouvrage dans chaque direction régionale de l'équipement, chargés du pilotage des opérations d'investissement et des contrats de plan État-régions ; d'autres part, des directions interrégionales des routes, au nombre de onze, qui seront chargées de la gestion et de l'exploitation de l'ensemble du réseau. Dans le programme « Routes » au sens de la LOLF, le nombre de personnes impliquées passera d'un peu moins de 50 000 à un peu moins de 15 000, y compris les personnels du réseau scientifique et technique.

M. le Rapporteur : Nous avons posé la même question à votre collègue de l'Éducation nationale concernant le transfert des agents TOS. J'entends bien vos arguments, mais votre réponse n'est guère séduisante. Nous sommes en effet attentifs à l'impact, y compris en administration centrale, des transferts de compétences aux collectivités territoriales.

M. Patrice PARISÉ : Je comprends ce souci. Néanmoins, dans le cadre de la mise en œuvre de la LOLF et de ses programmes verticaux, la Direction des routes devra assumer des tâches nouvelles, notamment en matière de pilotage des services ou de formation.

M. le Rapporteur : À quels services incombent actuellement ces tâches ?

M. Patrice PARISÉ : Aux directions supports, comme celle du personnel.

M. le Rapporteur : Leurs effectifs vont-ils « fondre » à due mesure ?

M. Patrice PARISÉ : Je n'ai pas encore connaissance des chiffres car il est difficile, à ce stade, de se faire une idée complète des implications des réformes en cours de l'organisation du ministère, avec notamment la création d'un secrétariat général. Quoi qu'il en soit, la responsabilité d'un programme au sens de la LOLF nous conduit à assumer un ensemble de tâches nouvelles. Je viens par ailleurs de créer une équipe de projet, composée de huit personnes, pour conduire le projet de réorganisation et de transferts de services ; pour une opération concernant 30 000 personnes qui vont quitter les services de l'État, j'estime que ces moyens ne sont pas dispendieux.

Mme Claude DARCIAUX : Vous nous avez dit que l'État prendra en charge l'entretien courant. Mais un état des lieux contradictoire interviendra-t-il et l'État procédera-t-il à une remise en état préalablement aux transferts ?

Le transfert de routes nationales aux départements ne risque-t-il pas de se traduire par une baisse de la qualité des voies, au détriment des communes rurales qu'elles traversent ? Les maires sont très inquiets.

Les communes récupéreront-elles l'entretien des routes nationales traversant leur agglomération ? Comment les finances d'une commune pourront-elles supporter la charge de l'entretien d'une telle voirie ?

Que se passera-t-il si un département refuse de gérer une route ? Vous avez évoqué des arrêtés préfectoraux, mais, lorsqu'une route nationale traverse plusieurs départements, une cohérence sera-t-elle garantie sur tout son tracé ?

Sera-t-il possible d'étaler ces transferts dans le temps ?

M. le Président : Et si un département les refuse, que se passera-t-il ?

Mme Claude DARICAUX : Enfin, dans la mesure où l'État n'interviendra plus pour développer les routes transférées, il dégagera des économies. Qu'en pensez-vous ?

M. Patrice PARISÉ : La remise en état des voies ne serait pas conforme au principe constitutionnel, qui consiste à transférer la ressource antérieurement consacrée à la compétence transférée. L'État transférera aux départements la totalité des crédits qu'il consacrait à l'entretien et au fonctionnement des routes concernées, mais aucune remise à niveau n'est prévue, dans la mesure où le réseau routier répond globalement aux besoins de déplacements et sert convenablement l'économie nationale. On peut considérer qu'il pourrait être encore mieux entretenu, qu'il serait possible de faire encore plus, mais le niveau de ressources aujourd'hui alloué permet un fonctionnement normal. La loi a toutefois prévu qu'une étude exhaustive du réseau soit rendue dans un délai d'un an. Celle-ci n'a cependant pas pour objet de conduire à des remises en état, mais de permettre aux futurs gestionnaires d'assumer leurs responsabilités - le Conseil constitutionnel a d'ailleurs été appelé à se prononcer sur ce point.

M. le Rapporteur : Quand sera-t-elle rendue ?

M. Patrice PARISÉ : En principe cet été. J'espère que nous parviendrons à tenir le délai. Nous avons mobilisé tous les centres techniques de l'équipement à cet effet.

Il n'existe pas de relation entre le transfert des routes et la qualité de leur entretien ; chaque département est maître de sa politique et de l'utilisation de ses ressources. Je le répète, les départements devraient globalement disposer de davantage de moyens - cela ne règle pas la question de ceux qui resteront perdants en matière de développement du réseau mais ce problème sera finalement marginal en montant. En revanche, l'Etat devra supporter, à volume d'aménagement constant, une charge sensiblement plus élevée.

Il peut arriver qu'une route nationale actuelle ne présente pas un caractère d'intérêt national ou international mais ait une vocation communale. La loi prévoit alors que l'État la conserve, non pas dans le réseau routier national mais dans son domaine, dans la perspective d'un transfert ultérieur aux communes concernées. L'amendement sénatorial contenant cette disposition n'a cependant pas défini les modalités financières selon lesquelles le transfert en question s'opérera.

Mme Claude DARCIAUX : C'est le problème !

M. Patrice PARISÉ : Je n'ai donc pas de réponse légale à vous donner sur ce point, mais je suis d'avis que le transfert aux communes, lorsqu'il est la conséquence d'une opération générale de décentralisation, s'accompagne d'un transfert de ressources dans les mêmes conditions que pour les départements, par souci d'équité. Pour les crédits, il suffirait donc de procéder à un transfert de dotations. En revanche, la question est plus difficile pour les personnels ; peut-être faudrait-il imaginer une compensation financière. Mais je formule ces remarques sous toutes réserves car les arbitrages gouvernementaux n'ont pas encore eu lieu.

Je rappelle que l'avis demandé aux départements est simple et non pas conforme : le Gouvernement peut donc passer outre à cet avis. Un département qui refuserait le transfert d'une route se placerait ainsi dans l'illégalité.

M. le Rapporteur : Combien de départements refusent la décentralisation ?

M. Patrice PARISÉ : Très peu l'ont refusée dans son principe. 30 % à 35 % d'entre eux ont émis une tonalité clairement négative. Certains s'opposent au transfert de telle ou telle route. Ceux qui donnent un avis globalement favorable émettent parfois quelques observations ou des réserves, notamment de nature financière.

Une route ne s'arrête pas aux limites d'un département, cela n'aurait aucun sens, d'autant que la réforme en cours tend à organiser la gestion du réseau routier par grands itinéraires afin d'offrir un meilleur service aux usagers et de gagner en productivité et en homogénéité. Lorsqu'un département a émis le désir très clair de prendre à sa charge une route que le département voisin souhaiterait au contraire voir rester sous la responsabilité de l'État, il faudra donc trancher.

La loi a prévu, je le répète, un transfert au 1er janvier suivant la publication de l'arrêté préfectoral, sachant que toutes les routes d'intérêt local seront transférées de droit au 1er janvier 2008. Personnellement, je suis défavorable à un étalement supplémentaire, qui compliquerait à l'excès la mise en place des services, des personnels et des procédures de partage avec les départements. La période transitoire doit être la plus concentrée possible car elle sera très complexe à gérer.

M. le Président : Parallèlement à la décentralisation, n'assiste-t-on pas à une volonté injustifiée de reconcentration des services de l'État s'occupant des routes nationales sur les agglomérations, au détriment de l'aménagement du territoire et de la réalisation des travaux ?

La réalisation des contrats de plan est extrêmement disparate, la région Île-de-France, par exemple, en étant déjà à 62 % pour son volet routier. Des travaux avancent plus vite que d'autres, et certains ne décollent même pas du tout puisque, dans mon département, le taux de réalisation reste largement inférieur à 20 %. Quand pensez-vous que la totalité des volets routiers seront terminés ? La DATAR nous a répondu que ce ne serait sans doute pas pour 2006 ou 2007, mais plutôt pour 2008. Encore faudrait-il que le taux atteigne 12,5 % par an ; or nous en sommes loin puisque ce niveau n'a été atteint qu'en 2001 - depuis, il n'excède pas 10 %. Nous attendons une réponse pour commencer à réfléchir à nos propositions en vue des prochains contrats de plan. Et que faites-vous pour rattraper le retard pris par des opérations ne présentant pas de problèmes mais souffrant simplement d'un manque de détermination, et peut-être de crédits ?

M. Patrice PARISÉ : Il faut distinguer, parmi les services routiers, les personnels intervenant sur la route, qui constituent la plus grande partie des effectifs, des personnels d'encadrement et des bureaux d'études. Les personnels chargés de l'entretien courant resteront évidemment à proximité de leur territoire d'intervention, dans des centres d'entretien et d'intervention, comme ceux mis en place sur les autoroutes non concédées A20 ou A75, répartis tous les 60 kilomètres sur le réseau. S'agissant des moyens d'études, nous allons effectivement procéder à des regroupements, mais chacune des onze directions interrégionales conservera plusieurs implantations : nous n'allons pas tout regrouper au siège. Cela correspond à une nécessité : dans certaines de nos cent directions départementales de l'équipement, la cellule spécialiste des ouvrages d'art ne comporte que deux ou trois agents, et il suffit que l'un d'entre eux vienne à manquer pour que la structure devienne extrêmement fragile. Il est essentiel que l'État conserve un savoir-faire de haut niveau en ingénierie, pour les chaussées comme pour les ouvrages d'art, et, à cet effet, les structures doivent avoir une taille minimum.

M. le Président : Le risque est que certaines zones, éloignées des services compétents, bénéficient de moins d'attention et de moins de travaux. La DDE de l'Ariège a toujours su accomplir convenablement les études et le suivi qui lui étaient demandés. Vous me permettrez de douter que, sur les routes de l'Ariège, le service soit mieux assuré depuis Toulouse que depuis Foix. Cette démarche ne me paraît cohérente ni pour améliorer l'efficacité, ni pour réduire les coûts. Et pourquoi privilégier certains départements en y maintenant des services supprimés ailleurs ? Le raisonnement est identique pour la Banque de France, le tri postal ou l'équipement : on nous dit : « on déménage » !

M. Patrice PARISÉ : Il y a quelques années, nous avons créé un arrondissement interdépartemental des ouvrages d'art, basé à Millau, pour prendre en charge tous les travaux réalisés sur l'autoroute A75, de Clermont-Ferrand à Béziers. Ce service, qui dispose de plusieurs antennes et intervient sur plusieurs départements, est réputé pour la qualité de son travail et des réalisations qu'il a dirigées : c'est un exemple à suivre. Je puis vous assurer en revanche que, du fait de l'inadéquation de structures dont la taille devient sous-critique, nous éprouvons des difficultés à exécuter nos missions et nous perdons progressivement de la compétence technique. Je n'ai aucun doute sur le fait qu'il est indispensable de procéder à des regroupements. La structure de maîtrise d'ouvrage, qui sera basée à Toulouse, sera constituée d'une quinzaine de personnes et n'assurera que le pilotage des opérations, la passation des marchés, le suivi budgétaire, le contrôle des coûts, tandis que les travaux seront surveillés par du personnel réparti sur le territoire de la direction interrégionale. Puisque l'État doit être plus efficace, plus économe de ses moyens et plus productif, nous sommes obligés de procéder à des aménagements de structures.

S'agissant de l'exécution des contrats de plan État-régions, j'ai sous les yeux un tableau précisant les pourcentages d'avancement par région, duquel il ressort que les écarts sont extrêmement faibles.

M. le Président : Je connais ce tableau. Mais quand estimez-vous que les contrats de plan seront achevés ? En 2007, en 2008, en 2009 ? Et que comptez-vous faire pour que toutes les opérations soient menées à bien ? Dans certaines zones infrarégionales, que je connais bien, le taux de réalisation reste inférieur à 15 %.

M. Patrice PARISÉ : Vous me faites beaucoup d'honneur en me posant ces questions, car il faut être au minimum ministre de l'Économie et des finances pour pouvoir y répondre ! Je ne puis, pour ma part, que vous informer des réalités mathématiques : si le rythme actuel des moyens budgétaires mis en place est maintenu en 2006 et au-delà, nous devrions pouvoir terminer en 2008. Mais évidemment, si les moyens sont inférieurs, les délais seront plus longs.

M. le Président : Supposons que ce soit 2008. Comment faites-vous pour rattraper les opérations en retard, voire qui n'ont pas commencé ? À qui incombe la faute ? Certainement pas à la Direction de routes, qui a, paraît-il, approuvé les projets...

M. Patrice PARISÉ : Elle n'incombe pas non plus aux DDE, puisque vous avez laissé entendre, il y a un instant, qu'elles avaient les moyens...

M. le Président : Je ne cesse de dire le contraire !

M. Patrice PARISÉ : C'était une boutade !

En tout cas, sur les questions budgétaires, je ne puis vous répondre à la place du Gouvernement et du Parlement.

M. le Président : Toutes vos réponses ne m'ont pas donné satisfaction, mais je note tout de même une petite avancée en ce qui concerne les transferts de personnel : nous y voyons désormais un peu plus clair en ce qui concerne les compensations.

M. Patrice PARISÉ : Je comprends que les collectivités territoriales s'interrogent sur ces transferts, mais je crois avoir montré que l'ensemble des collectivités, régions, départements et communes, sortiront gagnantes de cette opération de décentralisation, en tout cas s'agissant des investissements, puisqu'elles auront sensiblement moins de charges qu'aujourd'hui. Cela signifie que l'État, corrélativement, devra dépenser plus pour maintenir son niveau d'intervention sur le réseau structurant, à moins qu'il n'admette de réduire ses réalisations. Il a beaucoup été dit que l'État « maltraitait » les collectivités, en ne transférant pas les crédits nécessaires ; globalement, je suis sûr du contraire, même si, c'est vrai, certains cas particuliers méritent attention.

M. le Président : L'absence de remise en état des routes dégradées, préalablement à leur transfert, entraînera un surcoût pour les collectivités territoriales. Ce n'est pas la règle de fonctionnement actuel des départements : quand ils transfèrent de la voirie aux communes, ils la remettent en état préalablement.

Mme Claude DARCIAUX : Exactement !

M. le Président : Jusqu'à présent, l'État faisait surtout payer les collectivités territoriales puisqu'il assumait seulement 25 % environ du coût des travaux routiers, TVA déduite. Il faut reconnaître qu'il rétablit un peu l'équilibre avec cet effort de 370 millions d'euros, mais c'est imputable au changement de régime de déduction de TVA.

M. Patrice PARISÉ : Vous me permettrez de contester l'assertion selon laquelle les routes transférées sont en mauvais état. Je reconnais que les réalisations effectuées par le passé l'ont été avec le concours des collectivités territoriales, sans lesquelles le réseau routier national en serait pas ce qu'il est. Sans les autoroutes à péage, le réseau autoroutier ne serait pas non plus ce qu'il est. Plutôt bien que mal, nos routes répondent aux besoins du pays. On pourrait toujours faire davantage, mettre plus d'argent, mais ce serait au détriment d'autres politiques. Au demeurant, si un département considère qu'il doit faire plus que ce que l'État faisait, c'est son droit, mais cela ne justifie pas à mon avis une compensation supplémentaire.

M. le Président : Notre Commission d'enquête est chargée d'évaluer les causes d'augmentation de la fiscalité locale. Vous nous dites que l'État, avant le transfert aux collectivités territoriales, n'était pas en mesure d'entretenir seul le réseau - c'est du reste ainsi qu'au départ nous ont été présentées les choses. C'est dire qu'il est implicitement demandé aux collectivités territoriales d'accomplir un effort supplémentaire. Il ne faut par conséquent pas les accuser d'accroître les impôts. Mais nous dépassons là le rôle du Directeur des routes ! Je vous remercie.

Audition de M. Adrien ZELLER,
Président du conseil régional d'Alsace,
accompagné de M. Jacques BIGOT, Président du Groupe socialiste,
M. Olivier LIDOYNE, Directeur des transports et déplacements,
M. Steven THÉNAULT, Directeur de l'éducation et de la formation,
et M. Albert KISTER, Directeur des lycées


(Extrait du procès-verbal de la séance du 18 mai 2005)

Présidence de M. Augustin BONREPAUX, Président

MM. Adrien Zeller, Jacques Bigot, Olivier Lidoyne, Steven Thénault et Albert Kister sont introduits.

M. le Président : Nous accueillons aujourd'hui M. Adrien Zeller, Président du conseil régional d'Alsace, accompagné de MM. Jacques Bigot, Président du Groupe socialiste du conseil régional, Olivier Lidoyne, Directeur des transports et des déplacements, Steven Thénault, Directeur de l'éducation et de la formation, et Albert Kister, Directeur des lycées.

Messieurs, je vous souhaite la bienvenue. Je vous rappelle que notre Commission d'enquête a pour objectif d'examiner l'évolution récente de la fiscalité locale, ses causes et ses conséquences, ainsi que les conditions d'une responsabilité mieux assumée de l'ensemble des décideurs. Nous souhaiterions donc connaître votre stratégie fiscale et les différents postes de dépenses qui pèsent le plus sur votre budget, notamment dans la perspective de l'acte II de la décentralisation et compte tenu du degré d'exécution des contrats de plan.

M. le Président rappelle à MM. Adrien Zeller, Jacques Bigot, Olivier Lidoyne, Steven Thénault et Albert Kister que les dispositions législatives relatives aux commissions d'enquête leur ont été communiquées. À l'invitation du Président, ceux-ci prêtent serment.

M. Adrien ZELLER : Les régions, collectivités en devenir, connaissent des situations très différentes sur l'ensemble du territoire national, et les attentes à leur égard sont aussi très diverses. En Alsace, tout est régional : nos concitoyens, face aux mutations en cours et pour être mieux reconnus, attendent beaucoup de cet échelon dans l'espace européen. C'est pourquoi notre action est si diversifiée, sans doute davantage que celle de beaucoup d'autres régions. C'est aussi une action de proximité, qui a pour ambition de répondre aux attentes fondamentales en matière d'aménagement du territoire. Ainsi, pour de grands projets comme les TGV Est et Rhin-Rhône, nous sommes une des régions les plus motrices, ce qui suppose de consentir un effort et par conséquent d'accepter certaines conséquences fiscales.

Mais notre industrie manufacturière est très importante et nous cherchons à la ménager. Or, déjà très vulnérable car exposée à la concurrence, c'est elle qui s'acquitte de la plus grande partie de la taxe professionnelle et nous voulons éviter de la surcharger. Nous avons par conséquent toujours été favorables à une part de TIPP modulable pour la région, en liaison avec nos responsabilités importantes dans le domaine des transports et nos projets de moyens de transport collectifs comme le tram-train, dont il faut financer le coût.

S'agissant de stratégie fiscale, nous voudrions inscrire notre action dans la durée : nous ne prétendons pas ne jamais augmenter les impôts, mais nous comptons pratiquer la modération fiscale et faire preuve de régularité dans les évolutions, en jouant sur plusieurs paramètres à la fois. Le danger qui nous guette est l'accroissement des frais de fonctionnement alors que nous voudrions rester une collectivité dynamique, capable d'accompagner les mutations, d'inciter et de soutenir la réalisation d'équipements, de moderniser les universités et de jouer pleinement la carte de l'ouverture européenne.

Nous regrettons que l'assiette fiscale soit si faible : en Alsace, un point de fiscalité représente 1,05 million d'euros pour les trois anciennes taxes, ou 1,4 million d'euros si l'on y ajoute la taxe sur les cartes grises.

Notre région se caractérise par l'ampleur de ses projets, en particulier de ses grands projets comme les TGV, ce qui nécessite un effort considérable et se traduit par une augmentation temporaire de notre endettement. Nous pratiquons une planification financière pluriannuelle, révisée chaque année, afin de savoir où nous allons. Nous avons choisi, sur la période de dix ans en cours, de financer nos investissements lourds à hauteur des deux tiers par l'autofinancement et du tiers restant par l'emprunt, soit une augmentation de 100 millions d'euros par an. Nous ne sommes pas non plus au bout de nos efforts en ce qui concerne les lycées, puisque la population lycéenne en Alsace augmente : cette année, elle a dû encore progresser de près de 2 % et la tendance semble devoir perdurer, en raison de la démographie dynamique et de l'allongement de la durée des études. Nous sommes aussi très actifs sur la formation professionnelle, compte tenu de la situation de l'emploi.

La question des personnels est centrale et le sera bien plus encore demain, chacun le sait. Je précise que les 35 heures n'ont pas fondamentalement déséquilibré notre budget. Mais l'Alsace est sans doute la région de France qui a lancé le plus de programmes européens. Ainsi, outre la gestion en direct des crédits du FEDER, outre INTEREG, nous conduisons d'autres programmes innovateurs importants, souvent complexes, notamment dans le domaine de l'environnement et des énergies renouvelables, dont le suivi a requis le recrutement de personnels qualifiés afin que l'intégralité des enveloppes soit consommée.

Des dépenses de personnel sont aussi liées au choix volontariste de la proximité : dans chaque bassin d'emploi, un, deux ou trois agents sont chargés d'exercer sur place les compétences de la région en matière d'action économique auprès des entreprises, d'emploi et de formation. Les services techniques s'occupant de la maintenance et des travaux dans les lycées sont pour une large part territorialisés et nous en ferons de même pour la gestion et l'encadrement des TOS. L'idée est d'être présent au plus près des acteurs économiques et réactifs, afin de pouvoir ajuster au mieux nos moyens aux besoins et d'assurer la cohésion et l'équilibre de l'ensemble des territoires de la région. Ce choix, pertinent pour répondre aux attentes de nos concitoyens, permet à la région d'être très reconnue localement.

La dispersion actuelle de nos services sur sept ou huit sites éparpillés dans Strasbourg est ingérable. La nouvelle maison de la région pourra heureusement être occupée à partir de juillet et sera sans doute inaugurée en septembre. Le bâtiment est relativement modeste, quoique joli, l'idée étant de poursuivre notre politique de territorialisation des services plutôt que de tout concentrer dans la métropole régionale et européenne.

Que faisons-nous pour conserver nos marges de manœuvre ? Le combat est permanent. L'Alsace est une petite région extrêmement sollicitée dans les domaines culturel, sportif ou environnemental, et nous devons être présents dans tout ce qui représente un intérêt pour la région, en évitant toutefois de nous occuper trop de ce qui ne nous regarde pas. À côté de nos missions fondamentales dans les domaines des transports, de l'éducation, de la formation professionnelle et maintenant du développement économique, nous avons décidé de nous efforcer de limiter à 2 % le taux de croissance de nos dépenses non obligatoires, dans les secteurs où nous n'avons pas de compétence explicite.

La taxe d'apprentissage étant plus faible en Alsace que dans les autres régions de France - 0,2 %, compte tenu de l'absence de versement hors quota -, notre budget apprentissage est relativement lourd.

Nous essayons de cantonner les frais généraux dans des limites raisonnables. Cela vaut en particulier pour notre politique de communication, très ciblée, avec le bulletin sans doute le moins cher de France. Même si, cette année, du fait de la réalisation d'un film, à l'occasion de la fin de la construction de la maison de la région, le budget communication atteint 1,3 million d'euros, il reste relativement modeste, et nous ne voulons pas entrer en concurrence avec les départements ou les communautés urbaines.

S'agissant de la compétence TER, la région Alsace, avec d'autres, était expérimentale. Nous avions déterminé que notre contribution propre destinée à couvrir les frais d'exploitation devait se situer entre 10 et 11 millions d'euros par an pendant sept ans - sans parler des programmes gares, matériels ou infrastructures. Aujourd'hui, notre contribution d'exploitation représente l'équivalent de 14 ou 15 points de fiscalité, mais le système a été dynamisé et les résultats sont assez remarquables : le trafic a progressé de plus de 50 %, avec une amélioration notable du service et aussi de la productivité du système ferroviaire régional, c'est-à-dire du prix de revient du kilomètre parcouru.

Quelles sont les conséquences financières des transferts de compétences ? Pour 2005, les règles du jeu ne sont pas appelées à changer dans nombre de domaines et l'impact financier est donc encore marginal, autour de 200 000 ou 300 000 euros, avec un ou deux recrutements. Mais nous savons que la situation changera diamétralement une fois que la pleine responsabilité des TOS nous incombera. Nous ne savons pas tout en ce qui concerne la gestion de ces personnels ; des améliorations sont attendues mais nous créons de nouvelles surfaces dans les lycées car la population lycéenne croît et notre dotation de départ en TOS est sensiblement inférieure à la moyenne nationale ; un effort doit être accompli en ce qui concerne l'alignement de leur statut sur celui des personnels des collectivités territoriales - même si nous demanderons sûrement un allongement du temps de travail pour les personnels transférés.

Nous ne savons pas encore exactement comment nous nous déploierons, ni comment la Commission consultative d'évaluation des charges travaillera, mais nous estimons que le train actuel de décentralisation, avec l'inventaire des richesses historiques et archéologiques, le secteur médico-social et les TOS, devrait entraîner une charge supplémentaire de l'ordre de deux points de fiscalité par an pendant trois ans. La fiscalité future évoluera en fonction de deux facteurs, les grands projets et les compétences transférées.

Nous souhaitons que la région Rhône-Alpes participe au projet de TGV Rhin-Rhône, dont elle tirera profit. Pour l'Alsace, ce projet devrait représenter cinq points d'impôt, en admettant qu'un emprunt spécifique sur trente ans soit souscrit et que les travaux s'étalent entre 2006 et 2010 ou 2011. Avec ce deuxième projet de TGV, nous allons vers un pic de modernisation mais nous avons résolument décidé de consentir cet effort, dans le cadre de notre planification financière pluriannuelle, pour rattraper notre retard.

L'État se désengage, il faut le reconnaître. Pas tant pour les contrats de plan, qui sont plutôt marqués par des lenteurs et un retard global de deux ans par rapport à la période initialement prévue. Mais le désengagement est patent, par exemple, pour les emplois-jeunes - lorsqu'ils étaient justifiés, nous avons dû intervenir afin de les consolider -, les congés individuels de formation ou dans le domaine de l'environnement. Nous sommes souvent sollicités par des acteurs qui pensent que nous avons vocation à nous substituer, en tout ou partie, à l'État. Nous décidons alors au cas par cas, en fonction de l'intérêt régional et des besoins réels.

S'agissant des contrats de plan, nous n'avons pas effectué d'avance de frais et nous assumons une seule maîtrise d'ouvrage, dans le cadre du programme universitaire de la Maison des sciences humaines. Pour le reste, nous ne sommes que contributeurs et les opérations ne démarrent que lorsque l'État est en mesure de financer sa part ; s'il ne l'est pas, l'opération est décalée d'un ou deux ans. Il est vrai aussi qu'un certain nombre de chantiers, notamment routiers, ont connu des difficultés d'ordre juridique et des retards, les déclarations d'utilité publique ayant été annulées. De même, plusieurs projets d'infrastructures ferroviaires se sont révélés plus complexes et plus lourds que cela n'avait été prévu initialement.

Nous supportons le coût de la mise aux normes des lycées, ainsi que des gares et des établissements touristiques pour l'accessibilité aux personnes handicapées, mais la question concerne davantage les communes que les régions.

La gestion des collectivités régionales n'est pas simple. Les régions n'ont pas encore trouvé toute leur place dans le paysage institutionnel français, notamment au regard de ce que l'on constate dans le reste de l'Europe. Je souhaite ardemment que nous percevions de nouvelles ressources, du type TIPP modulable, que nous utiliserions en liaison avec notre responsabilité importante dans les domaines des transports et du développement durable. Il n'en demeure pas moins que les régions sont des collectivités très attendues, des collectivités d'avenir, dont il faut tout faire pour préserver les capacités d'action.

M. le Rapporteur : Je remercie M. Adrien Zeller pour ses propos et je prends acte de sa modestie : chacun aura noté l'expression « maison de la région » !...

Dans la perspective de la réforme de la taxe professionnelle, n'avez-vous pas été tenté de profiter de l'effet d'aubaine en augmentant le taux, puisque l'État sera bientôt amené à payer ? Certains ont manifestement recouru à ce procédé. Est-ce bien raisonnable ?

M. Adrien ZELLER : Pour nous, ce qui compte, c'est le choix de fond, l'indication claire d'une direction. J'ai dit d'emblée que la taxe professionnelle, dans le cadre d'une économie industrialisée, devait être utilisée avec modération pour éviter les surchauffes et les chocs fiscaux, mais je m'opposerai vigoureusement à sa suppression, parfois évoquée. Comment imaginer en effet que des responsabilités nous incombent dans le domaine du développement économique, que nous soutenions le tissu productif, et que l'efficacité de notre action n'ait aucun retour en termes fiscaux ? Si par hasard la Commission des finances de l'Assemblée nationale devait persister dans cette idée, elle commettrait un contresens.

Notre stratégie fiscale est toujours mûrement réfléchie. Ce fut notamment le cas pour le budget 2005 et nous avons estimé la situation au plus près de la réalité. La première décision modificative, fin juin, intégrera cependant 8 à 10 millions d'euros de ressources supplémentaires, les recettes fiscales et les dotations, par prudence, ayant été légèrement sous-évaluées en décembre dernier.

M. le Rapporteur : Vous auriez donc pu voter huit points d'impôt de moins ?...

M. Adrien ZELLER : Non. Cela n'aurait pas été raisonnable car nous sommes confrontés à des enjeux d'avenir, comme le TGV, les trams-trains et la modernisation des infrastructures ferroviaires ou des lycées. Nous avons la volonté de financer une partie de nos investissements par l'emprunt, mais point trop n'en faut. Notre stratégie est évolutive et nous tenons à maîtriser le budget à tous points de vue.

M. le Président : Ces dernières années, avez-vous enregistré une baisse de la taxe professionnelle dans la région ?

M. Adrien ZELLER : Non, mais cela pourrait survenir si des entreprises comme Peugeot fermaient des établissements pour les délocaliser.

M. le Rapporteur : La sous-évaluation des impôts et des dotations est-elle une pratique habituelle dans les collectivités, dictée par la prudence de gestion ? N'est-ce pas une cause d'augmentation de la fiscalité locale ?

M. Adrien ZELLER : Nous n'avons sous-évalué sciemment, ni les recettes fiscales, ni les dotations, mais nous ne savions pas comment évoluerait l'économie régionale, ainsi que le nombre de constructions, donc les bases fiscales. Nous avons fait ce choix raisonné pour éviter de taper à côté.

M. le Rapporteur : Peut-on imaginer l'institution de modalités techniques pour mieux connaître les bases à temps pour le vote du budget ?

M. Adrien ZELLER : Au vu de ce que représentent les sommes inscrites aux décisions modificatives, je doute que ce soit décisif. Cela fait toujours du bien pour un budget supplémentaire !

M. le Rapporteur : Donc, l'an prochain, vous n'augmenterez pas vos impôts de 2 % ?...

M. Adrien ZELLER : Je ne l'affirme pas. Tout dépend du niveau des taux d'intérêt, des autres charges, des besoins de modernisation économique. Je puis toutefois vous assurer qu'il n'y aura pas de dérapage.

M. le Rapporteur : Certaines majorations de dotations étaient-elles liées à la décentralisation ?

M. Adrien ZELLER : Non.

M. le Rapporteur : J'ai mal compris l'idée de recherche de reconnaissance et de proximité par la région, sur laquelle vous avez beaucoup insisté. Comment cette proximité s'articule-t-elle avec l'action des autres collectivités ? La recherchez-vous dans votre propre champ de compétence ou bien provoque-t-elle des doubles emplois éventuels ? Les collectivités régionales et départementales tendant à se concentrer sur leurs missions et à diminuer leurs engagements et subventions au profit des communes, celles-ci craignent de se retrouver seules face à leurs responsabilités. Estimez-vous cette inquiétude fondée, alors que vous avez annoncé que vous comptiez maintenir un taux de croissance annuel de 2 % de vos dépenses non obligatoires ?

M. Adrien ZELLER : J'ignore la situation dans laquelle se trouvent les autres régions, mais je vais vous expliquer comment nous raisonnons. Nous recherchons la proximité dans l'exercice de nos compétences propres, notamment la formation professionnelle et l'animation du tissu économique, au plus près des entreprises, dans les bassins d'emploi, pour faire connaître les dispositifs régionaux et alerter tous les acteurs locaux sur les possibilités mises à leur disposition par la région.

M. le Rapporteur : Cette proximité, qui conduit à la création d'emplois sur le terrain, vous amène-t-elle à diminuer simultanément le nombre d'emplois à la future maison de la région ?

M. Adrien ZELLER : Absolument. Il n'y a pas de doublons et nos effectifs sont stabilisés.

Je reviens sur les subventions aux communes. Nous leur avons clairement annoncé que nous n'avons pas pour compétence générale de les soutenir. Nous n'intervenons à leur profit que sur des thèmes régionaux, pour financer des équipements culturels d'une certaine importance, des infrastructures permettant d'accomplir des économies d'énergie ou de produire des énergies renouvelables, pour valoriser le patrimoine, agir sur la trame verte ou en faveur de l'habitat. Selon nous, le tuteur des communes est le département et non la région.

M. le Rapporteur : Qu'entendez-vous par le mot « tuteur » ?

M. Adrien ZELLER : La plupart des départements, vous le savez, ont instauré des barèmes de taux modulés très généraux pour l'ensemble des équipements municipaux, tandis que, pour notre part, nous n'interférons pas de la sorte.

M. le Rapporteur : Le temps de travail des TOS est-il réellement de 1.607 heures ? Chacun commence à prendre conscience qu'on est loin du compte... Quels progrès de productivité du système imaginez-vous ? En quoi la décentralisation peut-elle constituer un progrès dans la gestion de ces personnels ? En quoi le régime des TOS va-t-il changer en Alsace ?

M. Adrien ZELLER : Nous répondrons à la question de manière progressive. D'abord, nous comptons améliorer la rémunération des TOS et, d'un autre côté, rapprocher leur temps de travail effectif des 1 586 heures en vigueur dans notre région. Ensuite, pour augmenter la motivation de ces personnels et réduire l'absentéisme, nous voudrions les faire bénéficier des gains de productivité que nous escomptons obtenir. Enfin, nous pensons établir des relations de partenariat et de confiance et solliciter les établissements, sur leur budget propre, afin de compléter les équipes. Le but est d'activer le système et d'utiliser les moyens au mieux.

M. le Rapporteur : Il semble que les TOS travaillent en moyenne vingt-cinq ou vingt-sept heures par semaine, sans compter l'absentéisme. Cet état de fait n'est-il pas de nature à créer des tensions avec les autres catégories de personnel de la région ?

M. Adrien ZELLER : Pour commencer, nous avons créé un comité technique paritaire propre pour la catégorie des TOS.

M. le Rapporteur : C'est autorisé ?

M. Adrien ZELLER : Absolument. Nous discutons avec les personnels pour établir des relations de confiance et une meilleure reconnaissance de leur rôle au sein des établissements. Nous nous sommes coordonnés avec les départements pour les collèges, notamment sur la question des équipes mobiles d'ouvriers professionnels (EMOP).

M. le Rapporteur : Vous disposerez de plus de marges que l'État, mais pourrez-vous vraiment intervenir, notamment sur l'évolution du temps de travail ?

M. Adrien ZELLER : Pour partie, avec une meilleure présence effective sur les lieux de travail. Il faudra jouer sur la responsabilisation.

M. le Président : L'État prévoit un statut pour les TOS. Le respecterez-vous ? Vous affirmez que vous allez augmenter la durée de travail, alors que ce statut fixe une durée précise.

M. Adrien ZELLER : À travail égal, salaire égal ! Les particularismes seront traités de manière spécifique, mais l'égalité du système de rémunération et de primes suppose l'égalité de la durée du travail de tous les personnels de la région.

M. le Président : Vous envisagez donc d'allonger la durée du travail des TOS en leur accordant une compensation ?

M. Adrien ZELLER : Nous ne le ferons pas d'un seul coup, d'autant que, à ce jour, nous ne connaissons pas tout de la situation, mais nous la ferons évoluer en continuant à discuter, territoire par territoire, avec ces personnels.

M. le Rapporteur : Cela signifie-t-il que des différences sont constatées d'un territoire à l'autre ?

M. Adrien ZELLER : Non. La discussion territoire par territoire permet simplement de prendre en compte tous les avis.

M. le Rapporteur : Lors de l'audition collective de la délégation de l'Association des régions de France, vous aviez déjà évoqué devant notre commission l'idée consistant à accroître la fiscalité de 2 % par an pendant trois ans. L'État, depuis lors, a tout de même précisé les conditions dans lesquelles les transferts de financement en compensation interviendront et il apparaît que leur ampleur sera plutôt supérieure à ce que nous attendions il y a encore deux ou trois mois. Pour les TOS par exemple, la part patronale des emplois aidés sera prise en compte, et d'autres précisions ont été apportées s'agissant des personnels paramédicaux. Dans ces conditions, maintenez-vous toujours cet objectif de 2 % ?

M. Adrien ZELLER : Pour l'instant, oui. Nous nous fixons cette norme pour pouvoir affronter les besoins qui apparaîtront, comme celui de la rénovation des écoles d'infirmières, qui nous échoira.

M. le Rapporteur : Ces 2 % permettront donc d'assumer les transferts de compétences et les actions supplémentaires ?

M. Adrien ZELLER : Oui. Cette ligne de conduite nous paraît raisonnable, réaliste, et nous tâcherons de la respecter. En Alsace, le nombre de TOS pour mille élèves est relativement faible et la population scolaire progresse. Nous savons d'autre part que nous devrons accorder un treizième mois de rémunération et compléter certains effectifs. Nous nous gardons de toute fantaisie mais il convient de prendre ces réalités en compte.

M. le Rapporteur : Avez-vous signé la convention avec l'État ?

M. Adrien ZELLER : Oui.

M. le Rapporteur : Cela vous donne-t-il droit à une prime ?

M. Adrien ZELLER : Je ne le pense pas. Nous avons négocié pied à pied, notamment pour ce qui concerne le personnel d'encadrement des TOS, en comparant notre situation avec celle des autres régions de France, comme nous l'avions fait avec M. Jean-Claude Gayssot lors du transfert de la responsabilité ferroviaire - mais il ne nous serait jamais venu à l'esprit de refuser de signer.

M. le Rapporteur : Que la région Alsace mette en place une aide régionale pour l'emploi des jeunes (ARPEJ), c'est votre droit le plus strict, mais il est un peu curieux que vous parliez de désengagement de l'État en matière d'emplois-jeunes, car rien n'a jamais été prévu pour la sortie du dispositif.

M. Adrien ZELLER : Le dispositif créé par M. François Fillon, alors ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a été abandonné. Notre objectif n'est pas de reprendre les 5 000 emplois-jeunes créés dans la région ; il s'agit seulement de ne pas casser les initiatives de structures associatives présentant un intérêt régional et de donner toutes ses chances à la consolidation des emplois concernés. Les choix ont donc été accomplis en fonction de nos responsabilités ; ils privilégient surtout l'éducation, l'environnement et la culture, domaines dans lesquels nous menons une politique très active.

M. Jean-Pierre GORGES : Plusieurs de vos remarques m'ont fait plaisir, notamment à propos de la limitation de la progression des dépenses non obligatoires et de l'adéquation entre les compétences des collectivités territoriales et leur fiscalité. Quant à votre souci de proximité en matière de développement économique, je le comprends, mais je note que les départements et les intercommunalités raisonnent de même. La multiplicité des donneurs d'ordre politiques sur les mêmes compétences conduit à la plus grande pagaille au niveau national, sans résultat probant - même si les pôles de compétitivité amènent un peu d'ordre. Qu'en pensez-vous ? Comment cela se passe-t-il en Alsace ?

M. Adrien ZELLER : Nous rencontrons effectivement des problèmes de cet ordre, mais peut-être moins qu'ailleurs. Même si, historiquement, les premières agences de développement économique ont été créées par les départements, la logique veut que l'échelle régionale soit chef de file sur cette compétence et aille plus loin, notamment en matière d'action internationale, mais cela ne se fait pas en un jour, d'autant que tout le monde ne voit pas notre montée en puissance d'un bon œil...

Le choix de la proximité n'implique pas uniquement la déconcentration de nos services et ne se solde pas par un doublement des structures. Nous avons ainsi aidé chaque bassin d'emploi à se doter d'une plate-forme d'initiative locale autonome, qui est une structure pour épauler les entreprises.

98 % des aides aux entreprises sont aujourd'hui le fait de la région, l'État diminuant son action et les départements intervenant très peu en la matière. Toute l'infrastructure économique, c'est-à-dire les zones d'activité et les bâtiments, relève des départements, couplés aux intercommunalités, tandis que le développement économique - filières, branches, outil de production, conseil à l'innovation, à la modernisation, à l'exportation - incombe à la région. Ce système, quoique imparfait, fonctionne assez bien depuis maintenant dix ans en Alsace. Cette vision est partagée.

Les pôles de compétitivité s'ordonnent bien. Pour l'industrie automobile, nous nous sommes appuyés sur des structures existantes, avec le concours des sous-traitants, de la région Franche-Comté, des villes et des intercommunalités concernées. En ce qui concerne les biotechnologies et les thérapies du futur, nous avons créé une nouvelle forme de gouvernance pour fédérer toutes les initiatives des agglomérations, des industries, des universités et des laboratoires.

La législation est sans doute perfectible. Pour ma part, je crois beaucoup en l'idée de chef de file pour que chaque niveau de collectivité se sente investi de missions claires et coordonne l'action sans pour autant détenir une autorité juridique sur les autres acteurs : les personnes âgées relèvent du département ; l'innovation, les filières économiques et la formation professionnelle incombent à la région. Ainsi, nous n'organiserions jamais une mission commerciale, car nous savons que les chambres consulaires détiennent une longue tradition en la matière et font mieux que nous. En revanche, lorsqu'il s'agit d'innovation et de recherche-développement, d'incubateurs, de pépinières, nous prenons nos responsabilités et les choses s'ordonnent plutôt bien.

M. Jean-Pierre GORGES : Notre Commission d'enquête constate la coexistence de deux mouvements contradictoires : la décentralisation et l'intercommunalité, chacun accusant l'autre d'être à l'origine de l'inflation fiscale. En principe, le mouvement vers le haut est plus générateur d'économies que la décentralisation mais, d'un autre côté, le besoin de proximité doit être satisfait. La cascade de structures administratives vous semble-t-elle en adéquation avec la décentralisation et la concentration intercommunale ? Ne serait-il pas possible de procéder à de l'intégration verticale sans coût supplémentaire ? À l'inverse, n'existe-t-il pas des compétences que la région pourrait transférer à des structures locales sans augmentation proportionnelle des moyens ? De grandes intercommunalités, par exemple, ne pourraient-elles pas gérer les collèges et les lycées en plus des écoles primaires ?

M. le Rapporteur : Notre Commission d'enquête s'est en effet interrogée à plusieurs reprises sur la part prise par la construction intercommunale dans l'augmentation de la fiscalité locale. L'intercommunalité, dans bien des cas, se révèle coûteuse plutôt qu'économe. Les régions, en poussant bien souvent à la reconnaissance des interlocuteurs intercommunaux, n'encouragent-elles pas un dérapage financier ?

M. Adrien ZELLER : En matière d'intercommunalité, nous nous abstenons de nous doter d'une stratégie : nous laissons fonctionner le couple département-intercommunalités. Notre niveau d'intervention, depuis les « lois Pasqua et Voynet », est le bassin d'emploi, auquel doit correspondre un pays. Les communautés de communes de base s'organisent peu ou prou à l'échelle des cantons et le département est plus qualifié que nous pour piloter ces interventions.

Notre mission consiste à assumer un ensemble de compétences aujourd'hui peu ou mal exercées par l'État, en récupérant une partie de ses services déconcentrés. Je pense à l'action industrielle, à l'environnement, aux énergies renouvelables, à la formation professionnelle ou au tourisme. Nous sommes le meilleur réceptacle pour recevoir ces compétences, implicitement abandonnées. J'ai ainsi connu un délégué au tourisme à la préfecture de région disposant de si peu de moyens d'action que ses frais de structure paraissaient démesurés. Il n'est pas impensable, en revanche, que les agglomérations s'emparent de certaines responsabilités dans les domaines du social, du logement ou de l'urbanisme, placés sous la tutelle du département. Je crois donc au couple État-région et au couple département-commune ou département-intercommunalité.

M. le Président : Le co-président de l'Institut de la décentralisation que vous êtes estime-t-il que la coopération intercommunale porte une responsabilité dans l'augmentation des impôts locaux ?

M. Adrien ZELLER : Il faut éviter de raisonner par stéréotypes. Je vois se développer, en milieu rural, nombre de structures en faveur de la petite enfance, qui n'auraient jamais vu le jour sans l'intercommunalité. Il n'y a aucun risque de doublon, car ce n'est pas une compétence de la région. Et d'autres exemples pourraient être pris, notamment dans le domaine de l'environnement. Les choix doivent être raisonnés et les échelles pertinentes.

L'Alsace, sans bénéficier forcément du soutien de la loi, a bâti une politique en direction des sous-préfectures. Ces villes possèdent un, deux, souvent trois lycées ; elles ont une fonction culturelle et une fonction hospitalière ; elles jouent un rôle central au service d'un territoire de cinq ou six cantons. Nous avons donc passé des conventions avec elles, tandis que les départements s'occupent des villes plus petites. Cette répartition des rôles et cette vision territoriale de proximité, qui garantissent l'égalité d'accès aux services publics, s'avèrent fonctionnelles et pertinentes : aucun maire, de droite ou de gauche, ne pourrait désormais se passer de la politique des villes moyennes.

M. Jean-Pierre GORGES : L'application de la notion de chef de file, sur la totalité d'une opération, ne risque-t-elle pas d'avoir un effet sur la fiscalité ?

M. Adrien ZELLER : Dès lors que le besoin est avéré, certainement pas. J'aurais aimé que la dernière loi fût plus claire en matière économique et définisse mieux l'expression « chef de file ». Une des difficultés sur lesquelles bute le plan Borloo est précisément qu'il est difficile de savoir qui doit faire quoi et en répondre. Il faut absolument identifier la collectivité la mieux placée pour exercer une compétence, la responsabiliser et la juger sur son action.

M. le Président : Vous vous êtes dit favorable à l'instauration d'une part de TIPP modulable. Continuez-vous de penser que les bases de la TIPP sont évolutives ? Savez-vous comment vous pourrez la moduler ? Seriez-vous d'accord pour remplacer la taxe professionnelle par une part de TIPP modulable ?

Vous avez déploré l'étroitesse des bases d'imposition des régions. Que proposez-vous pour les élargir ?

Quelle réforme de la taxe professionnelle préconisez-vous ? Approuvez-vous la suppression de la part régionale ?

M. Adrien ZELLER : J'y suis vigoureusement hostile, je l'ai dit. Je propose avant tout de modifier le mode de calcul de la taxe professionnelle. Il convient de moins frapper les investissements industriels et de tenir mieux compte des résultats, même si, pour les communes, cela se traduira par une variation des recettes d'une année sur l'autre, car, si on veut partager le destin économique des entreprises, il faut aussi le ressentir, le cas échéant budgétairement. Par ailleurs, je constate que certaines activités de services paient trois fois moins de taxe professionnelle par unité de valeur ajoutée créée que l'industrie, qui supporte pourtant davantage la concurrence européenne et internationale. Il s'agit là d'une contradiction majeure.

M. le Rapporteur : Vous pensez à la grande distribution ?

M. Adrien ZELLER : Pas uniquement. Je pensais à toute une série de services, comme les banques et les assurances, qui bénéficient également de l'action économique du territoire sur lesquelles ils se trouvent. Je suis favorable à des évolutions tendant vers un système plus équilibré, sans pour autant réclamer un grand soir de la fiscalité locale.

Pour revenir à la TIPP, même si les efforts de réduction de consommation du pétrole devaient porter leurs fruits, compte tenu de nos responsabilités dans le domaine de transports, je reste favorable à l'instauration d'une part de TIPP modulable. Je n'en fais pas le nec plus ultra, mais le dispositif actuellement prévu nous permettra d'exister, de favoriser le fait régional et d'être des acteurs de développement, de mutation et de soutien aux pôles de compétitivité.

À titre personnel, contrairement au Gouvernement de M. Lionel Jospin, je n'aurais pas supprimé la taxe additionnelle aux droits de mutation car j'estime qu'une partie du marché immobilier résulte du dynamisme économique régional.

Le niveau régional, comme l'Europe, se construira sur trente ans. Au stade actuel, il importe de réformer la taxe professionnelle, quitte à encadrer les changements afin d'alléger son poids pour l'industrie. Il serait par ailleurs logique, dans le souci du développement durable, d'instituer une part de TIPP modulable. Enfin, je ne serais pas hostile à une péréquation, à condition qu'elle s'appuie sur des critères tenant compte de nos responsabilités en matière économique. Je me méfie des grands soirs qui n'arrivent jamais ; je préfère des améliorations cohérentes !

M. le Rapporteur : Que pensez-vous du degré de dynamisme de la TIPP ?

M. Adrien ZELLER : Je considère que ce n'est pas un problème central. L'éco-développement ne peut pas se limiter à cet aspect des choses à partir du moment où les régions assument leurs responsabilités. Je constate que l'impôt local, utilisé avec esprit de responsabilité et souci de bonne gestion, lorsqu'il ne sert pas des promesses inconsidérées, est souvent mieux accepté que l'impôt national. C'est aussi un choix démocratique car, grâce à la proximité qui évite l'impression de versements dans un tonneau sans fond, il est plus facile d'expliquer aux citoyens à quoi sert leur argent.

M. le Rapporteur : La région envisage-t-elle d'aider les départements pour les routes nationales départementalisées ?

M. Adrien ZELLER : C'est une excellente question. Dans le cadre de la préparation de l'actuel contrat de plan, nous avons évoqué, avec l'État et les départements, une série de dossiers, soit arrivés à maturité, soit en préparation, et nous nous calerons sur les projets d'intérêt régional, qui étaient encore à étudier ou dont il faudra cofinancer les études. Je serais étonné que nous nous désengagions sur de tels projets qui ont déjà fait l'objet d'un accord moral, au moins jusqu'en 2010.

M. le Rapporteur : Irez-vous, pour la réalisation des opérations, au-delà des études prévues dans le cadre des contrats de plan ?

M. Adrien ZELLER : Oui, dans la limite de nos moyens. En tout cas, nous sommes déterminés à ne pas nous désengager brutalement de projets dont nous avons reconnu la pertinence et l'intérêt régional.

M. le Président : M. Jacques Bigot est-il du même avis que M. Adrien Zeller à propos des charges découlant de la décentralisation, par exemple le coût du transfert des TER ? Estime-t-il que le transfert de la compétence en matière de formation des infirmières entraîne un surcoût ? Pourrait-il préciser les désengagements de l'État dont a fait état M. Adrien Zeller ? Enfin, quel est son point de vue sur la réforme éventuelle de la taxe professionnelle ?

M. Jacques BIGOT : J'ai juré de dire la vérité mais, sur ces sujets, je ne vous ferai part que de ma pensée !

Il est toujours difficile, pour les élus minoritaires, de disposer de toutes les informations. Nous ignorons par exemple le coût exact des charges de personnel qu'induiront pour la région les transferts de compétences en préparation. Il est certain que, dans le budget 2005, certains engagements en personnel visent à préparer le transfert des TOS, sans participation financière de l'État. Depuis l'année dernière, la compétence de la gestion des fonds structurels européens a été transférée à titre expérimental à la région Alsace, qui a ainsi dû procéder à des recrutements sans bénéficier du transfert de la dizaine de fonctionnaires de l'État qui exerçaient cette mission auparavant. De même, je ne suis pas persuadé que le personnel des rectorats sera transféré aux régions.

En ce qui concerne la formation professionnelle, j'observe, dans le budget 2005, une augmentation de 22 % des dépenses, non compensée par une croissance parallèle de recettes : la région doit donc prélever sur ses ressources propres pour la politique qu'elle estime devoir mettre en œuvre.

En qualité de maire d'une commune membre d'une communauté urbaine, je constate une tendance des élus locaux à vouloir faire endosser par l'intercommunalité des charges qu'ils ne parviennent pas à faire supporter par leur propre commune, sans nécessairement abonder le budget intercommunal par prélèvement sur celui de la commune. Mais cela ne concerne pas la région.

Notre groupe est relativement peu favorable à l'adossement de la fiscalité régionale sur une part évolutive de la TIPP. Elle entrerait en complète contradiction avec les politiques menées par la région tendant à promouvoir le transport ferroviaire régional, dans l'idée d'offrir une alternative à l'automobile, ou à limiter le trafic de poids lourds, compte tenu des taxes mises en place en Allemagne. Le comité économique et social d'Alsace a d'ailleurs pointé ce risque de schizophrénie.

Les indications du président Adrien Zeller sont très claires : il affiche la volonté de limiter l'augmentation de la fiscalité régionale à deux points supplémentaires par an, ce qui nécessitera le recours à l'emprunt. Les investissements ne vont-ils pas s'en ressentir ? Cela ne risque-t-il pas de remettre en cause le rôle de la région, administration de mission ? Le comité économique et social d'Alsace s'en est également enquis dans son avis sur le projet de budget 2005 de la région.

M. le Président : Qu'avez-vous à dire au sujet des désengagements de l'État dont M. Adrien Zeller a fait état ?

M. Jacques BIGOT : Pour avoir assisté à des rencontres avec les personnels TOS, je crois que le souci le plus important consiste à concilier des statuts différents. Le rythme de travail des TOS est sans doute moindre, même s'il n'est pas certain qu'il ne soit que de vingt-cinq heures par semaine en Alsace car le nombre peu élevé de ces personnels dans notre région nécessite un travail plus important. De plus, la suppression du lundi de Pentecôte porte le temps de travail dans la région à 1 586 heures plus 7 heures. Les primes des personnels de la région sont supérieures à celles versées par l'Éducation nationale. Je crains que les exécutifs régionaux ne parviennent pas longtemps à justifier le maintien de deux statuts différents et il me semble que ce problème n'a pas été pris en compte dans les négociations.

Le transfert à la région de la compétence du transport ferroviaire régional a entraîné une augmentation assez conséquente des dépenses en raison de l'inflation du coût d'utilisation des infrastructures, notamment pour les arrêts en gare.

M. le Président : La communauté urbaine de Strasbourg a-t-elle reçu une subvention de l'État pour le tramway et, si oui, à quelle hauteur ?

M. Jacques BIGOT : Le désengagement bien connu de l'État en matière de transports pèse très lourdement sur les projets de la communauté urbaine. Toute l'équipe communautaire, majorité et minorités confondues, n'a cessé d'émettre des observations à ce sujet, dénonçant les promesses non tenues. Quoi qu'il en soit, le tramway, à Strasbourg, est en panne, à la suite d'une annulation de déclaration d'utilité publique.

M. Jean-Pierre GORGES : Cela aidera la collectivité à faire des économies !

M. Jacques BIGOT : J'ajoute que le désengagement de l'État se retrouve pour le projet de développement d'un tram-train qui devait pénétrer dans l'agglomération de Strasbourg et desservir l'aéroport ainsi que le Parlement européen. L'ambition du projet a dû être revue fortement à la baisse, compte tenu de ce désengagement.

M. Jean-Pierre GORGES : Votre seul exemple de désengagement de l'État a porté sur la remise à niveau du statut des TOS. Je m'inscris en faux : l'État n'est nullement responsable de cette situation ; la différence de niveau de rémunération n'est qu'un problème local.

Nous avons démontré, lors de précédentes auditions, que vos autres remarques étaient tout aussi dénuées de fondement. L'abandon d'un projet est plutôt générateur d'économies, même si le service n'est pas là. L'incidence sur la fiscalité d'un désengagement de l'État est par conséquent positive.

M. le Rapporteur : ...En vertu de l'axiome : « Une subvention est d'abord une dépense » !

M. Jean-Pierre GORGES : Exactement. Lorsque je suis devenu maire, j'ai donc commencé par arrêter des opérations coûteuses.

M. le Président : Qu'en pensez-vous, M. Jacques Bigot ?

M. Jacques BIGOT : Je ne suis pas là pour tenter de vous convaincre, mais pour répondre à vos questions.

M. le Président : M. Adrien Zeller, vous nous avez déclaré avoir signé la convention avec l'État sur les TOS, après négociation, parce que vous connaissiez le nombre de TOS et de personnels de gestion qui vous seraient transférés. Cela signifie-t-il que vous recevrez des renforts par rapport aux effectifs actuellement en fonction ? Avez-vous obtenu une réponse à propos des postes non pourvus dont on nous dit, en Commission consultative d'évaluation des charges, qu'ils n'étaient pas compensés ? Bref, quels avantages avez-vous retiré de la signature de cette convention ? Et comment avez-vous pu obtenir toutes ces informations auxquelles, en ma qualité que président de conseil général, je n'ai pas eu accès ?

M. Adrien ZELLER : Avec le préfet de région, nous avons débattu des emplois aidés, des vacataires...

M. le Président : M. le Préfet de région, à l'époque de la négociation, vous a donné des informations sur les emplois aidés ? C'est important, parce que ce n'a pas été le cas partout. Pour ma part, je n'ai reçu d'informations que par M. Dominique Antoine, le directeur d'administration centrale compétent, lors d'une audition de notre commission d'enquête.

M. Adrien ZELLER : Nous avons veillé à ce qu'un inventaire complet des emplois aidés présents dans les établissements soit effectué.

M. le Président : Cela, tout le monde l'a fait.

M. Adrien ZELLER : En outre, nous nous sommes battus avec l'administration de l'État, préfet et recteur, pour obtenir des emplois d'encadrement. Nous n'avons pas eu tout ce que nous souhaitions, mais nous avons obtenu plus que ce qui était initialement prévu.

M. le Président : Toucherez-vous la prime de 5 % censée être accordée aux signataires des conventions ?

M. Adrien ZELLER : Je ne me suis pas mêlé de cette question mais j'ai défendu pied à pied les intérêts de ma région, comme je l'aurais fait avec n'importe quel gouvernement.

J'ai vécu de bout en bout la décentralisation ferroviaire, qui, après des expertises contradictoires et des expérimentations, s'est soldée, depuis 2000, par une dizaine de points de fiscalité supplémentaires, l'État n'ayant pas compensé le matériel à la hauteur du prix d'achat. Nous avons pensé que le principal était l'intérêt des usagers et nous avons donc accepté d'assumer cette responsabilité, même avec une forme de contrepartie fiscale locale. Toutefois, nous avons ensuite veillé à accroître la productivité générale du système. C'est une règle de conduite permanente. Le rapport coût/efficacité devient meilleur. Il en sera de même pour les TOS.

M. Jean-Pierre GORGES : Et cet exemple correspond à un désengagement du gouvernement précédent !

M. le Rapporteur : En effet.

M. Jacques Bigot, quel progrès attendez-vous de la décentralisation des TOS en matière de gestion, eu égard aux moyens dont la région disposera ? Quelles sont les marges de productivité en termes d'amélioration de l'organisation ? Par ailleurs, approuvez-vous le fait que deux CTP distincts coexistent ?

M. Jacques BIGOT : La région, qui gérait essentiellement des effectifs de catégorie A et B, se voit subitement confier la responsabilité d'un nombre important de personnels techniques. J'ai toutefois rassuré les personnels TOS que j'ai rencontrés en leur indiquant qu'à mes yeux, ils n'avaient rien à perdre avec ce transfert. Après tout, les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM) travaillent bien avec le personnel de l'État depuis des années.

Le problème est le coût de ce transfert. Il faut tenir compte du coût du passage de la fonction publique d'État à la fonction publique territoriale. La région Alsace sera donc évidemment confrontée à des agents qui demanderont à conserver des avantages, tout en bénéficiant de ceux de leurs nouveaux collègues, notamment les primes.

M. le Rapporteur : Comment répondre à cette problématique ?

M. Jacques BIGOT : Cela générera nécessairement des coûts supplémentaires, mais je ne suis pas le gestionnaire de la région.

Le CTP distinct, dont je découvre l'existence aujourd'hui, permettra sans doute de travailler différemment pour assurer la gestion de ce type de personnels, à laquelle la région n'était pas habituée.

M. le Rapporteur : Selon vous, les TOS devraient-ils continuer à bénéficier de la même durée de travail hebdomadaire tout en percevant la rémunération territoriale ?

M. Jacques BIGOT : La région devra étudier, point par point, la façon dont travaillent les agents TOS transférés. Cet audit, qui aurait pu être accompli en amont, est indispensable.

M. le Rapporteur : Quel progrès d'organisation et de productivité attendez-vous de la nouvelle organisation ? Quels seront les avantages de la décentralisation ?

M. Jacques BIGOT : Il m'est difficile de répondre aujourd'hui. Je ne suis pas persuadé que la région soit outillée pour faire travailler convenablement les TOS. Les chefs d'établissement auxquels j'ai rendu visite ont exprimé de vraies interrogations sur le mode de fonctionnement futur. Notre mission est de rassurer et je l'ai fait, sans esprit de polémique, car je suis un partisan de la décentralisation. Notre rôle à nous, élus locaux, est de défendre l'intérêt de nos concitoyens. Cela dit, le transfert se fait à mon sens un peu vite, sans audit préalable, et les régions qui l'accepteront se trouveront confrontées à quelques difficultés. Mais elles les dépasseront, comme elles ont toujours su le faire.

M. Jean-Jacques DESCAMPS : Dans le même ordre d'idée, M. Adrien Zeller, vous êtes-vous livré à des comparaisons de ratios de gestion avec les autres régions ? La région Alsace a-t-elle déjà accompli davantage d'efforts d'améliorations de gestion que d'autres, ce qui signifierait que de fortes potentialités d'économies existeraient ailleurs ?

M. Adrien ZELLER : M. Albert Kister, directeur des lycées de la région, pourrait répondre en ce qui concerne les TOS.

M. le Président : J'en profite pour lui demander combien de personnels ont été mis en place par la région pour préparer le transfert.

M. Albert KISTER : Outre moi-même, directeur des lycées depuis le 3 janvier dernier, la région a recruté une chargée de mission contractuelle le 1er avril, qui venait du rectorat. Les effectifs dédiés à cette mission seront donc relativement marginaux en termes de coûts salariaux.

M. le Président : Mais quel sera votre rôle ?

M. Albert KISTER : La direction des lycées a été créée afin de mettre en œuvre les compétences dévolues à la région par la loi du 13 août 2004. Elle s'occupera de compétences incombant d'ores et déjà à la région comme les dotations aux établissements, les équipements des lycées, y compris privés et agricoles, et la vie lycéenne, compétences assumées depuis le train de décentralisation de 1986, ainsi que des missions nouvelles de gestion indirecte des personnels TOS, placés sous l'autorité fonctionnelle du chef d'établissement.

M. le Président : Combien de postes vous seront transférés par l'État pour la gestion des TOS ?

M. Albert KISTER : En vertu de la convention provisoire, 20,55 postes seront transférés du rectorat vers la région et les deux départements, les inspections académiques n'étant pas concernées. Il est évident que la région en aurait souhaité davantage...

Les quatre antennes territoriales de la direction des lycées de la région seront chargées de mettre en œuvre tout ce qui touche à la restauration, à l'accueil et surtout à la maintenance du patrimoine immobilier et des équipements.

M. le Président : Le partage de ces 20,55 postes entre la région et les départements est-il effectué ?

M. Albert KISTER : Nous ne sommes pas encore en mesure de le faire car les discussions sont en cours à propos des équipes mobiles d'ouvriers professionnels (EMOP), des cités scolaires, des titulaires remplaçants et de la restauration, beaucoup de lycéens étant hébergés dans des collèges et beaucoup de collégiens étant hébergés dans des lycées.

La convention de mise à disposition provisoire a automatiquement rattaché les TOS à la collectivité dont relevait leur établissement, eu égard aux problèmes de responsabilité.

M. le Rapporteur : Une coopération avec les départements est-elle en gestation ?

M. Albert KISTER : Il est impossible de tracer clairement un trait de séparation entre la région et les départements car toutes les EMOP interviennent indifféremment en collège et en lycée. Il s'agit de ne pas casser cet outil de travail. Les autorités politiques de la région Alsace ont la volonté de parvenir à une approche commune avec les départements sur le régime indemnitaire, le temps de travail et l'action sociale.

M. le Président : Les 20,55 emplois transférés concernent bien les postes supports, c'est-à-dire de gestion et de suivi des carrières ?

M. Albert KISTER : Tout à fait, ainsi que les agents s'occupant des examens, des concours et de la formation.

M. le Rapporteur : Quels effectifs resteront affectés au rectorat ?

M. Albert KISTER : L'effectif de départ moins 20,55 postes !

M. le Rapporteur : Mais combien de personnes resteront affectées au rectorat pour s'occuper de vos TOS ?

M. Albert KISTER : Le problème est de savoir à quel rythme les personnels ouvriers feront leur choix. En effet, suivant qu'ils opteront pour le détachement ou pour l'intégration, leur gestion administrative sera différente. Il faudra par conséquent moduler les transferts en fonction de la vitesse d'exécution de la loi, si je puis m'exprimer ainsi. Le rectorat devra donc continuer de gérer les personnels qui n'ont pas opté pour leur rattachement à une collectivité, le détachement, qui est réversible, impliquant une double gestion de carrière. Mais il faut bien anticiper ces transferts, notamment en termes de gestion informatique des personnels et de formation des personnels de gestion.

M. le Président : Si j'ai bien compris, M. Adrien Zeller, la convention que vous avez signée vous accorde davantage de TOS que ceux actuellement en fonction dans les lycées ?

M. Adrien ZELLER : Non.

M. le Président : Vous nous avez pourtant dit que vous étiez sous-dotés et que, grâce à la négociation, vous aviez obtenu davantage.

M. Adrien ZELLER : Nous avons obtenu la prise en compte de tous les emplois aidés et d'un certain nombre de vacataires, et nous nous sommes battus pour récupérer un maximum d'emplois d'encadrement, à répartir entre la région et les départements.

M. Jean-Jacques DESCAMPS : Je n'ai pas le sentiment que ma question ait obtenu une réponse satisfaisante : le nombre de TOS par rapport aux effectifs d'élèves est-il identique que partout ailleurs ou bien avez-vous déjà un meilleur ratio de gestion ?

M. Adrien ZELLER : Notre ratio de gestion est forcément meilleur, puisque nous avons moins de personnel que d'autres régions. Je note toutefois qu'il est plus facile de bien utiliser les moyens dans les régions où les établissements sont grands, ce qui est le cas de l'Alsace.

M. Jean-Jacques DESCAMPS : Le passage d'un statut à l'autre sera donc plus délicat dans votre région que dans d'autres, où un potentiel de gains de productivité existe, par des non-remplacements de départs à la retraite par exemple.

M. Adrien ZELLER : C'est possible.

M. Jean-Jacques DESCAMPS : Je crois me souvenir que, contrairement aux autres exécutifs régionaux, vous avez pris la décision politique, respectable en tant que telle, de ne pas instituer la gratuité des livres scolaires. Avez-vous estimé ce que cette mesure vous aurait coûté ?

M. Adrien ZELLER : Nous avions estimé que cela nous coûterait 2,3 fois plus cher. Mais nous avons fait le choix d'aider les familles qui acquittent moins de 750 euros d'impôt sur le revenu pas an - c'est-à-dire gagnant jusqu'à environ 2,5 fois le SMIC. Nous avons aussi mis en place un dispositif d'aide à l'achat de fournitures scolaires pour les élèves des lycées professionnels et technologiques, l'écrasante majorité de ces jeunes venant de familles modestes. Nous couvrons ainsi environ la moitié des élèves. L'obligation de s'équiper en fournitures ne doit pas être un déterminant du choix de la scolarisation, sans que nous soyons pour autant obligés d'aider des familles qui considèrent être en mesure de payer les livres scolaires.

Ce choix a été motivé par nos responsabilités et nos ressources. Ne disposant, parmi nos ressources fiscales, d'aucun impôt de répartition, nous avons pensé qu'il était socialement plus juste de concentrer l'effort sur les familles modestes que d'augmenter la taxe sur les cartes grises. Nous avons donc décidé, il y a huit jours, d'augmenter le seuil de prise en charge de 500 à 750 euros d'impôt sur le revenu payé avec deux tranches d'aide.

Au demeurant, nombre d'associations de parents d'élèves, de toutes sensibilités politiques, ont souhaité continuer d'organiser des bourses aux livres dans les lycées. Nous souhaitons consolider ce système. La centralisation de la gestion des achats de livres pose des problèmes aux petites librairies et entraîne une surcharge pour les intendants, ainsi que des frais de gestion très élevés. Notre système est donc satisfaisant, équitable et juste, même si nous pouvons encore l'améliorer.

M. Michel PIRON : Il est tout à fait possible d'imaginer que certains services rendus par les TOS soient modifiés et qu'une partie d'entre eux soient redéployés. Le service public peut externaliser certaines tâches mais aussi, inversement, intégrer des services de maintenance jusqu'à présent assurés par des prestataires extérieurs, notamment dans le domaine de l'informatique. Sur le plan des principes, êtes-vous ouvert à l'idée de recomposition, dans la durée, de l'ensemble des services, pour améliorer le service public de proximité ? Avez-vous déjà commencé à examiner cette possibilité ?

M. Adrien ZELLER : Nous allons déterminer quel est le meilleur moyen d'organiser le service public local de maintenance et de demi-pension, sans idée préconçue, mais en fonction des contraintes de la situation. Je connais, dans le Bas-Rhin, deux collèges dont la demi-pension est assurée par des prestataires privés, et cela fonctionne bien depuis vingt ans. De même, des fonctions comme l'entretien des ordinateurs ou la vérification des installations de chauffage et de climatisation sont déjà pour partie externalisées. Nous n'avons pas de plan prédéterminé mais nous réfléchissons au cas par cas, dans le respect des droits des personnes et de la qualité du service public, pour savoir s'il peut être parfois utile de créer, par exemple, des cuisines centrales.

M. le Président : Messieurs, je vous remercie.

6 Les rapports du Sénat : La taxe d'habitation est-elle encore un impôt local ? Yves Fréville, sénateur, n° 71, 19 novembre 2003.


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