Version PDF
Retour vers le dossier législatif

graphique

N° 1091

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 24 septembre 2003.

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l'article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,

FAMILIALES ET SOCIALES

sur

la crise sanitaire et sociale déclenchée par la canicule

et présenté

par M. Denis JACQUAT,

Député.

___

TOME I

Santé et protection sociale.

INTRODUCTION 5

I.- UNE CATASTROPHE NATURELLE AUX CONSÉQUENCES D'UNE EXCEPTIONNELLE GRAVITÉ 5

A. UNE SITUATION MÉTÉOROLOGIQUE SANS PRÉCÉDENT 5

B. UN LIEN INDÉNIABLE AVEC LA SURMORTALITÉ 6

C. LA NÉCESSITÉ D'ANALYSES COMPLÉMENTAIRES 6

1. Quel bilan exact ? 7

2. Quels facteurs de surmortalité autres que la chaleur ? 7

3. Quelle efficacité pour quelles mesures ? 8

4. Élargir le champ d'investigation 9

II.- UNE CATASTROPHE style="font-family: 'Arial'; font-size: 10pt">C. L'INSTITUT DE VEILLE SANITAIRE HORS-JEU 14

D. LES EFFETS DU CLOISONNEMENT ADMINISTRATIF 15

1. Le cloisonnement entre administrations sanitaires 15

2. Une mobilisation du système sanitaire par le bas 16

3. Le « social » coupé du « sanitaire » 16

4. La mobilisation tardive de la hiérarchie des services chargés de la sécurité civile 17

E.- QUE FAIRE ? 18

1. Mettre en place des systèmes d'alerte 18

a) L'alerte météo 18

b) Le signalement sanitaire 19

c) La détection en temps réel des drames sanitaires 19

d) A terme, le suivi en temps réel de la mortalité 19

2. Anticiper : les plans locaux de solidarité 20

III.- UN DÉFI LANCÉ AU SYSTÈME SANITAIRE ET SOCIAL 21

A. UNE CAPACITÉ AVÉRÉE À FAIRE FACE À L'URGENCE SANITAIRE 21

1. La médecine de ville, une action réelle mais peu visible 21

2. Une indéniable capacité d'adaptation des structures d'urgence parvenue à sa limite 23

3. Une réflexion à mener sur l'organisation du système sanitaire 25

a) Tenir compte du vieillissement de la population dans les politiques de formation et de prévention 25

b) Élaborer le plus en amont possible les réponses du système sanitaire aux situations de crise 26

c) Gérer au mieux la capacité hospitalière, en tenant notamment compte du vieillissement de la population 26

CONTRIBUTION PRÉSENTÉE PAR M. CLAUDE EVIN, MME CATHERINE GENISSON ET MME PAULETTE GUINCHARD-KUNSTLER, MEMBRES DE LA MISSION APPARTENANT AU GROUPE SOCIALISTE 39

CONTRIBUTION PRÉSENTÉE PAR M. CLAUDE LETEURTRE, MEMBRE DE LA MISSION APPARTENANT AU GROUPE UDF 44

CONTRIBUTION PRÉSENTÉE PAR M. MAXIME GREMETZ, MEMBRE DE LA MISSION APPARTENANT AU GROUPE DES DEPUTE-E-S COMMUNISTES ET REPUBLICAINS 47

TRAVAUX DE LA COMMISSION 49

AUDITIONS

ANNEXES

INTRODUCTION

Notre pays a traversé en ce mois d'août une crise sanitaire et sociale d'autant plus grave qu'elle n'a d'abord pas été perçue comme telle, une crise sanitaire qui, faute justement d'avoir été anticipée, a entraîné un drame humain.

La mission d'information constituée par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales s'est donnée pour objectif de proposer des mesures d'urgence permettant d'éviter que ne se reproduise une telle situation.

La canicule 2003 doit être l'occasion d'une prise de conscience des évolutions de notre société, certaines inéluctables, d'autres, espérons-le, réversibles. La France vieillit, c'est une réalité, et elle ne l'assume pas pleinement. Les personnes âgées sont trop souvent invisibles, invisibles lorsqu'elles continuent à vivre plus ou moins « comme tout le monde », grâce à l'élévation des niveaux de vie et aux progrès de la médecine, mais aussi invisibles dans l'isolement, dans l'indifférence, voire dans une mort dont on ne se préoccupe guère d'élucider les causes tant qu'elle n'apparaît pas « épidémique » comme cet été. De grands défis sociaux se présentent à nous, comme la prise en charge de la perte d'autonomie ; nous avons aujourd'hui l'occasion et le devoir de les relever.

I.- UNE CATASTROPHE NATURELLE AUX CONSÉQUENCES D'UNE EXCEPTIONNELLE GRAVITÉ

A. UNE SITUATION MÉTÉOROLOGIQUE SANS PRÉCÉDENT

Selon une analyse de Météo France (présentée sur son site internet et reprise par l'Institut de veille sanitaire dans son rapport préliminaire daté du 19 août), Paris a connu en août 2003 une période de chaleur sans précédent depuis le début du recueil des données météorologiques en 1873 : le record absolu de température reste celui de 1947 (40,4°), mais le record de température minimale (nocturne) la plus haute a été atteint les 11 et 12 août 2003, avec 25,5°. En outre, la canicule 2003 se caractérise par neuf jours consécutifs de température maximale supérieure à 35°, avec sur cette période une température moyenne de 30,8°, alors qu'en 1911, record précédent, on n'avait relevé que cinq jours consécutifs avec une température dépassant 35°, la température moyenne sur la période n'étant que 27,7°. Sur l'ensemble du territoire, des températures supérieures à 35° ont été relevées dans les deux tiers des stations, supérieures à 40° dans 15 % d'entre elles.

Événement naturel exceptionnel et dramatique, la canicule de cet été peut légitimement, même si elle n'a pas &eacu INDÉNIABLE AVEC LA SURMORTALITÉ

Comme le rappelle l'Institut national de veille sanitaire (InVS) dans le rapport précité, « l'élévation de la chaleur peut être la cause initiale d'un décès par débordement des défenses naturelle du sujet, incapable de préserver son homéothermie », avec ou sans atteinte du système nerveux central. Le même document rappelle une définition (américaine) du décès par coup de chaleur : température au décès au moins égale à 40,6° ; exposition préalable à une forte chaleur du fait des conditions climatiques ; exclusion, par une vérification raisonnable, des autres causes possibles d'hyperthermie. Par ailleurs, bien évidemment, la chaleur aggrave les phénomènes de déshydratation fréquents chez les personnes âgées et peut entraîner une décompensation fatale chez des personnes atteintes de pathologies graves plus ou moins stabilisées.

Les épisodes caniculaires précédents, notamment ceux qui ont touché Marseille en 1983, Athènes en 1987, Chicago en 1995, ont été analysés par le professeur Jean-Louis San Marco et le docteur Jean-Pierre Besancenot. Ce dernier, lors d'une intervention dans un colloque organisé le 21 mars 2002 par le Conseil supérieur de la météorologie, avait indiqué que dans chacun de ces trois épisodes, on avait vu la mortalité grimper en flèche dès le début de la vague de chaleur pour culminer 24 ou 48 heures après le pic de température ; les graphiques produits à l'appui de sa démonstration (cf. actes du colloque reproduits en annexe du présent rapport : voir les documents remis par le PDG de Météo France) faisaient apparaître un décalage temporel limité, mais réel, entre élévation de la température et surmortalité. Le lien entre élévation de la température et surmortalité semble également très caractéristique lors du drame de cet été, avec peut-être un décalage un peu plus grand entre élévation de la température et de la mortalité (cf. par exemple le graphique sur la mortalité en région parisienne, p. 18 du rapport d'étape de l'InVS sur l'impact sanitaire de la vague de chaleur, dans sa version datée du 29 août). M. Lucien Abenhaïm, ancien directeur général de la santé, a souligné lors de son audition par la mission le caractère exceptionnel, d'un point de vue statistique, de la corrélation relevée.

C. LA NÉCESSITÉ D'ANALYSES COMPLÉMENTAIRES

Le lien entre la surmortalité dramatique constatée cet été et la canicule n'est donc pas contestable. Cependant, de nombreux points restent en suspens, sur lesquels il n'est pas encore possible de disposer d'analyses concluantes. Ces nombreux points d'interrogation justifient la création, proposée, d'une commission d'enquête de l'Assemblée nationale, qui disposera de six mois pour rendre ses conclusions.

1. Quel bilan exact  160;: dans la mesure où les victimes d'un épisode climatique de cette nature seraient en partie des personnes qui étaient déjà « en fin de vie », on pourrait déceler ensuite une diminution des décès, d'autant plus marquée que les victimes avaient une faible espérance de vie.

Une interrogation complémentaire concerne l'ensemble des « populations » touchées par le drame sanitaire. L'attention s'est focalisée sur les personnes âgées, légitimement puisqu'elles ont de toute évidence été en nombre les principales victimes. Cependant, d'autres classes d'âge ou catégories étaient potentiellement concernées : jeunes enfants, personnes handicapées (en particulier mentales), actifs exposés à des conditions de travail particulièrement peu adaptées aux fortes chaleurs... Au demeurant, les premiers décès par coup de chaleur signalés ont concerné des personnes relativement jeunes et selon l'enquête sommaire sur les décès par coup de chaleur réalisée par l'InVS, telle que retracée dans son rapport d'étape du 29 août, 2 % seulement des femmes, mais 10 % des hommes décédés recensés étaient âgés de moins de 60 ans ; parmi ces personnes jeunes, 41 % étaient atteintes d'une maladie mentale, 28 % d'obésité, 14 % de diabète, 45 % d'une autre pathologie.

2. Quels facteurs de surmortalité autres que la chaleur ?

Les facteurs « co-aggravants » potentiels de la surmortalité constituent un autre champ d'investigation.

La contribution de la pollution atmosphérique à la mortalité, qui a été étudiée notamment par l'InVS en 2002, est une donnée admise ; en période caniculaire, accompagnée le plus souvent - ce qui s'est vérifié cet été - d'une forte pollution atmosphérique, quelle est sa contribution à la surmortalité ? Le président-directeur général de Météo France, M. Jean-Pierre Beysson, comparant devant la mission les canicules qui ont frappé Athènes en 1987 puis 1988, a lié le bilan humain nettement moins lourd de la seconde aux mesures de restriction de la circulation et de l'activité économique qui avaient alors été prises pour limiter la pollution. La caractère aggravant de la pollution atmosphérique ne paraît guère douteux, mais pourrait être paradoxal. Ainsi Mme Michèle Froment-Védrine, directrice générale de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale, a-t-elle émis l'hypothèse que ce caractère aggravant pourrait être moindre dans des villes méditerranéennes où cette pollution a été massive et continue qu'à Paris où elle a été plus sporadique, mais où, en conséquence, les personnes y sont moins habituées (à moins que la surmortalité ne soit plus étalée, et donc moins visible, là où la pollution est plus fréquente et plus durable). En outre, dans la mesure où le niveau de pollution atteint à un endroit et un que l'on connaît leur niveau élevé de consommation chez les personnes âgées. Selon les données rassemblées par la Cour des comptes dans son rapport 2003 sur la sécurité sociale, les plus de 65 ans, soit 16 % de la population, représenteraient 39 % de la consommation de médicaments prescrits par la médecine de ville et recourraient en moyenne à 3,6 médicaments différents par jour ; la cour souligne que des risques particuliers s'attachent à la consommation médicamenteuse des personnes âgées, liées justement à la poly-médication (interaction), ainsi, notamment, qu'au non-respect fréquent des traitements (par les personnes atteintes de troubles cognitifs ou sensoriels). La cour considère que « les essais pré-AMM [autorisation de mise sur le marché] n'incluent pas assez de personnes âgées », de même d'ailleurs que les études postérieures, et regrette l'absence consécutive de préconisations spécifiques aux personnes âgées dans les répertoires et notices de médicaments.

Par ailleurs, les études épidémiologiques devront s'attacher également aux facteurs « sociaux » éventuels d'exposition à la surmortalité  : l'isolement ; le niveau social (à Chicago en 1995, il semble y avoir eu une très forte corrélation entre surmortalité et faibles revenus1) ; le type d'habitat (plusieurs intervenants ont évoqué devant la mission les morts « du dernier étage » des immeubles ou des établissements spécialisés) ; le type de prise en charge, d'établissement d'hébergement (à but lucratif ou non, signataire ou non d'une convention tripartite...). Le croisement de ces multiples facteurs est certainement très complexe. Dans un premier temps, les interlocuteurs de la mission ont surtout évoqué la grande diversité des situations, faisant apparaître qu'il n'existe pas de facteur « évident » - en dehors du facteur climatique - d'explication de la répartition de la surmortalité.

3. Quelle efficacité pour quelles mesures ?

Le défaut d'anticipation du drame sanitaire de la canicule est considéré, comme l'on y reviendra, comme une des causes de l'importance de la surmortalité constatée. Il existe toutefois au moins une exception, celle de la ville de Marseille, où, suite à l'analyse faite de la canicule de 1983, des mesures ont été prises.

Le dispositif marseillais, tel que décrit lors de son audition par M. Jean-Louis San Marco, repose sur un système d'alerte et des mesures de prévention : « (...) de la prévention et de l'éducation pour la santé au long terme : distributions de plaquettes dans les pharmacies, toutes simples, expliquant pourquoi et comment on se protège. D'autre part, une plaquette plus complète d'une trentaine de pages pour l'ensemble des médecins des Bouches-du-Rhône (...). Troisième élément, des bulletins dans le Conseil de l'ordre, répétés (...). Quatrième point, des conférences auprès des responsa Marseille, les déclarations des uns et des autres sur ce point étant contradictoires. Cette question, centrale pour l'appréciation de l'efficacité des mesures d'alerte et de prévention, devra être expertisée.

4. Élargir le champ d'investigation

La manière dont nos voisins européens ont traversé la même période devra être analysée. Le document préliminaire précité de l'InVS signale que des phénomènes de surmortalité ont été observés chez certains de nos voisins, notamment en Espagne et en Italie du nord ; dans d'autres pays, comme l'Allemagne, il n'y a pas eu de débordement du système hospitalier, mais des décès par coups de chaleurs ont été relevés. La plupart des pays européens ne semblent pas disposer de systèmes rapides de recueil des données sur les décès et il faudra attendre plusieurs mois pour disposer d'éléments de comparaison fiables. Il conviendra en outre de prendre en compte la gravité comparée des épisodes caniculaires selon les pays. Il semble à cet égard que sinon toute la France, du moins l'Île-de-France, ait connu des conditions exceptionnellement sévères par rapport à celles supportées dans le reste de l'Europe (cf. les analyses de Météo France) ; on constate d'ailleurs que, selon la carte provisoire établie par l'InVS, la surmortalité a été la plus élevée dans une vaste zone qu'on pourrait définir comme « l'intérieur » de la moitié nord de la France métropolitaine, mais que les régions côtières, les régions méridionales, mais aussi l'ensemble des régions frontalières ont été, en termes relatifs, moins touchées. Les comparaisons transfrontalières immédiates ne sont donc pas possibles.

Enfin, au-delà du caractère exceptionnel, catastrophique de ce qui s'est passé cet été, la question du lien entre le climat - et plus particulièrement la température - et la santé mérite d'être creusée, dans l'optique d'un changement climatique de plus en plus évident. Comme l'on y reviendra, l'un des facteurs qui expliquent la détection trop tardive de la catastrophe qui était en train de se produire au mois d'août tient peut-être au fait qu'il existe une surmortalité « modérée », « normale », des personnes âgées en été, que des intervenants « de terrain » ont évoquée à mots couverts devant la mission ; le passage à une situation « anormale » aurait donc été moins net. La question de la surmortalité se pose symétriquement lors des « coups de froid ». Dans un exposé devant la commission « santé-biométéorologie » du Conseil supérieur de la météorologie le 31 mars 2003, M. Jean-Pierre Besancenot a présenté un travail de croisement des courbes de température et de décès sur les années 1991-1995 et par département ; il en ressort une nette corrélation entre les unes et les autres. Actuellement, la mortalité reste en moyenne plus forte durant les mois d'hi NI PERÇUE RAPIDEMENT COMME TELLE

Le drame de cet été n'a été ni anticipé, ni détecté très rapidement, et la gravité de son bilan est liée en grande partie à cette situation. Ou plutôt, s'il a été assez vite détecté, il n'a pas été perçu immédiatement par la plupart des responsables administratifs comme une crise majeure.

Le professeur San Marco a déploré devant la mission l'absence de leçon tirée dans notre pays des épisodes caniculaires de 1976 et 1983, très largement passés inaperçus, et l'absence de tout intérêt de la presse nationale pour les avertissements qu'il s'est efforcé de faire passer. Comme plusieurs interlocuteurs de la mission l'ont observé, à commencer par le ministre de la santé, un pays, une ville, qui n'ont pas vécu et ressenti une canicule ne se dotent pas d'instruments d'alerte.

Des interlocuteurs de la mission ont évoqué une certaine indifférence aux problèmes du vieillissement, à l'analyse des causes de mortalité des personnes âgées, un déficit de l'intérêt scientifique pour ces sujets.

La mission a également relevé des dysfonctionnements, des cloisonnements administratifs, voire des contradictions qui, mettant en cause des personnes, pourraient être analysés plus au fond par la commission d'enquête à venir.

A. DES CONNAISSANCES SCIENTIFIQUES PEUT-ÊTRE INSUFFISANTES, MAIS PAS INEXISTANTES

M. Lucien Abenhaïm, directeur général de la santé démissionnaire, a expliqué à la mission qu'en 2002-2003, il avait réuni une centaine d'experts pour élaborer les objectifs nationaux de santé publique : « J'ai repris ces documents depuis cette affaire et je n'y ai pas trouvé une seule fois le mot « chaleur », alors qu'il y avait là une centaine d'experts, toutes les sociétés savantes de gériatrie, de pédiatrie, de cardiologie, de pneumologie (...). Toutes les agences de sécurité sanitaire ont été concernées : l'Institut de veille sanitaire, l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale. Dans aucun de leurs rapports, qui sont parfois très épais, nous n'avons retrouvé de référence à la chaleur. Cela faisait suite à une consultation dans toutes les régions de France. Des milliers de personnes y ont participé (...). Dans aucune de ces régions, même dans celles du sud, la chaleur n'a été mentionnée comme un objectif ou une priorité, voire simplement comme un problème de santé publique. Depuis qu'il existe, le Haut comité de la santé publique n'a jamais mentionné la chaleur comme un problème de santé publique sur lequel se pencher. Le Conseil supérieur d'hygiène publique de France, institution vénérable et plus que centenaire, n'a jamais mentionné la chaleur comme un problème de santé pu de conseils de santé et d'informations relatifs aux épisodes de canicule et de grands froids. Cette recommandation faisait suite à des travaux internes. Un colloque, précité, avait été organisé le 21 mars 2002, devant lequel le docteur Besancenot s'était exprimé. Lors d'une réunion de la commission le 30 août 1999, le docteur Coulombier, de l'InVS, avait présenté une communication sur les coups de chaleur, partant de l'expérience de la coupe du monde de football de 1998.

Il existait donc bien à l'Institut de veille sanitaire, en théorie, une connaissance des problèmes liés à la chaleur, même s'ils étaient en l'espèce abordés sous un angle très différent : non pas l'hyperthermie fatale des personnes âgées en période de canicule, mais celle, le plus souvent sans conséquences, pouvant toucher le public d'une manifestation en période estivale « normale ». Sur plus de trente membres, la commission « santé-biométéorologie » du Conseil supérieur de la météorologie ne compte certes qu'un représentant de l'InVS et un de la direction générale de la santé, dont la présence aux réunions semble inégale. Il est toutefois à noter que la représentante de la DGS a assisté (selon le compte rendu) à la réunion du 31 mars 2003 où M. Jean-Pierre Besancenot a fait un exposé sur le lien entre températures et mortalité et où le « suivi » du vœu précité adopté le 14 octobre 2002 a été évoqué.

Suite aux travaux du Conseil supérieur de la météorologie, Météo France a, par convention avec le secrétariat d'État à la lutte contre la précarité et l'exclusion, mis en place un dispositif d'alerte directe de responsables administratifs (15 DDASS et le cabinet) en cas de prévision de grands froids. En revanche, tel n'a pas été le cas, symétriquement, avec le ministère de la santé, en cas de prévision de fortes chaleurs, que cela provienne du manque de volonté du ministère, comme le président-directeur général de l'organisme l'a laissé entendre, ou de Météo France, comme l'indique un e-mail adressé le 12 août par M. Gilles Dixsaut, de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale, à M. Yves Coquin ; M. Dixsaut y rappelait que « la prévention des risques sanitaires lors des périodes de situation météorologique extrême, c'est-à-dire notamment grand froid ou canicule, est un sujet de préoccupation pour la section santé biométéorologie du Conseil supérieur de la météorologie depuis plusieurs années. Il existe une abondante littérature sur ce sujet et des propositions régulières ont été faites dans le cadre de ce conseil (...) sans succès (...) faute de moyens et faute d'une volonté du côté de Météo France. C'est ainsi que ces situations météorologiques extrêmes n'ont pas été prises en compte dans le cadre des procédures de vigilance mises en place en 2001 à la suite de la tempête de fin 1999 ».

B. UNE ALERTE QUI A CHEMINÉ BIEN LENTEMENT

Plusieurs intervenants devant la mission ont souligné le caractère insidieux de l'« épidémie caniculaire » : il y a régulièrement, dans les hôpitaux et les établissements, des décès de personnes âgées, aux causes desquels, sans doute, on ne prête pas la même attention que pour des sujets jeunes (il est à cet égard significatif que les signalements remontés de quelques DDASS vers le 6-7 août aient concerné le décès par coup de chaleur de personnes de moins de soixante ans). En outre, il est assez connu que l'été, comme l'hiver symétriquement, n'est pas une bonne période pour les personnes âgées. Un ou deux décès sporadiques par établissement n'ont pas, souvent, été perçus comme « anormaux ».

A quand remontent les premiers « signaux » ? Les représentants des médecins urgentistes, comme le docteur Patrick Pelloux, médecin urgentiste à l'hôpital Saint-Antoine et président de l'AMUHF, ont « mis la pression » sur le ministère de la santé dès le mois de juillet. Mais il s'agissait alors essentiellement d'une protestation contre l'encombrement structurel des services d'urgence en été, lié aux fermetures incontrôlées de « lits d'aval » et à l'absence de certains médecins libéraux.

Le 1er août, le communiqué de presse de Météo France n'évoquait que la « forte chaleur » à venir ; celui du 7 août, titré « poursuite de la canicule », a été beaucoup plus explicite ; le caractère exceptionnel de la situation et le risque sanitaire pour les personnes sensibles, notamment les personnes âgées, y sont mentionnés. Entre-temps, le 4 août, l'organisme a diffusé sur son site internet un ensemble de conseils très complets pour faire face aux fortes chaleurs.

En fait, des éléments concordants sont remontés assez précocement, dès les 6 et 7 août, vers deux des administrations centrales du ministère de la santé, la direction générale de la santé (DGS) et la direction de l'hospitalisation et de l'offre de soins (DHOS).

Le 6 août, la DDASS (direction départementale des affaires sanitaires et sociales) du Morbihan a signalé trois décès par hyperthermie de sujets jeunes. Le 7 août, la DDASS de Paris en aurait signalé un. Selon M. Lucien Abenhaïm, la DGS aurait immédiatement transmis ces signalements à l'InVS, ce qui ressort également de la chronologie interne élaborée par la DGS, selon laquelle l'appel provenant du Morbihan a été « réorienté » vers l'institut. Le 7 août également, le docteur Patrick Pelloux a téléphoné à la DHOS à propos de l'encombrement de son service d'urgences.

La DGS n'a pas transmis de message « DGS-Urgent » et ne s'est apparemment pas mobilisée massivement sur la question. Lors de son audition, M. Lucien Abenhaïm a justifié l'absence de DGS-Urgent par les problèmes techniques de ce système, le fait qu'il ne soit encore accessible qu'au dixième environ des professionnels et enfin par la médiatisation de la canicule, qui lui paraissait rendre inutile une « alerte » supplémentaire, argument sans doute discutable avant le 10-11 août. Le 8 août, M. Yves Coquin a certes demandé par e-mail à l'InVS de « réfléchir à la mise en place d'une surveillance » des cas de décès par coup de chaleur, mais le ton ne paraît guère impératif.

C. L'INSTITUT DE VEILLE SANITAIRE HORS-JEU

L'InVS, créé en 1998, est notamment chargé par la loi2, outre de tâches de recueil et de traitement de données épidémiologiques et de collecte de connaissances sur les risques sanitaires, « d'effectuer la surveillance et l'observation permanente de l'état de santé de la population (...), [à ce titre] de détecter tout évènement modifiant ou susceptible d'altérer l'état de santé de la population (...) ; d'alerter les pouvoirs publics (...) en cas de menace pour la santé publique, quelle qu'en soit l'origine, et de leur recommander toute mesure ou action appropriée (...) ».

Lors de la crise de cet été, l'InVS s'est mobilisé plutôt mollement. Selon son directeur général, M. Gilles Brücker, l'institut a été informé le 6 août : il s'agit en fait du signalement provenant de la DDASS du Morbihan - à travers la DGS selon celle-ci. Il y eut ensuite des « échanges » avec la DGS, puis, l'alerte étant « relayée » aux autorités sanitaires, c'est-à-dire à la DGS, par laquelle ladite alerte était précédemment remontée à l'InVS, ce dernier avait joué son rôle « d'alerte » selon son directeur général. Ultérieurement, à partir du 11 août, l'institut a lancé des travaux d'enquête et a pu, enfin, le 13 août selon M. Lucien Abenhaïm, transmettre des informations à la DGS...

« Prévoir l'imprévisible », selon la formule employée par plusieurs intervenants, n'est certes pas chose aisée. Mais, outre qu'une mortalité due à un épisode de canicule n'était peut-être pas si « imprévisible » en l'état des connaissances scientifiques, le fait est que cela fait partie des missions légales de l'institut, qui ne les a pas remplies en l'espèce. Lors de son audition, M. Gilles Brücker a indiqué que les risques climatiques n'avaient pas été inscrits dans le contrat d'objectifs et de moyens en vigueur ; l'établissement ne s'en est donc pas préoccupé. Le jugement émis dans le rapport de la mission dirigée par Mme Françoise Lalande, selon lequel l'InVS n'a pas jo ses faibles moyens.

D. LES EFFETS DU CLOISONNEMENT ADMINISTRATIF

1. Le cloisonnement entre administrations sanitaires

Le lundi 11 août, des dysfonctionnements dans les remontées d'information et dans les communications entre les directeurs d'administrations centrales du ministère de la santé et avec le cabinet du ministre se sont fait sentir.

D'un côté était rédigé par le cabinet un communiqué de presse faisant état d'une augmentation des passages aux urgences, mais sans « engorgement massif », et de « difficultés (...) comparables aux années antérieures, en dehors de cas ponctuels ». Selon la chronologie interne élaborée par la DGS et transmise par M. William Dab à la mission d'information, cette direction n'aurait pas été consultée sur la rédaction de ce communiqué qui, selon M. Lucien Abenhaïm, serait issu d'éléments provenant de la DHOS. M. Édouard Couty, directeur de l'hospitalisation et de l'offre de soins, a fourni l'éclairage suivant sur les informations, par nature incomplètes, dont il disposait le lundi 11 : « Pour nous, le 8 au soir, le phénomène est strictement cantonné à Paris, et plus précisément à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris. Aucun signal ne nous parvient d'autre part. Le 9 et le 10, donc, il y a des contacts entre la DHOS et la DGS en interne, mais toujours pas de signaux venant des établissements ou des services déconcentrés. C'est le lundi 11 au matin que nous mettons en place, après les échanges que nous avons eus avec l'AP les 8 et 9 août et avec la DGS, un dispositif de remontée systématique, un questionnaire sur l'état du fonctionnement des urgences et de la disponibilité des lits, que nous envoyons dans toutes les régions (...). C'est le 11, je crois, que nous avons commencé à voir que l'on avait des difficultés ailleurs qu'à Paris (...). Jusqu'au 11, les remontées que nous avons ne constituent pas un faisceau qui nous permettrait d'affirmer que le phénomène est généralisé et dramatique ».

Le même jour, à partir des éléments qu'il a recueillis de son côté, indépendamment, M. Yves Coquin, pour la DGS, a adressé un e-mail à Mme Anne Bolot-Gittler, directrice-adjointe du cabinet : « La DGS a reçu vendredi dernier - pour la première fois depuis le début de la vague de chaleur - des appels de DDASS signalant des décès par coup de chaleur chez des personnes hospitalisées, ou en institution. Nous avons essayé de faire le point rapidement avec le SAMU de Paris, les pompiers,... ce qui nous a confirmé que les 48 dernières heures avaient constitué un tournant, mais que la situation était maîtrisée ».

La DGS aurait eu, toujours le 11, de multiples contacts avec des opérateurs funéraires, dont elle aurait, selon M. Lucien Abenhaïm, averti la directrice-adjointe de cabinet du ministre (« A dix-sept heures, le Dr  Brücker : «  Tout s'est joué, dans l'intensité et la gravité du drame, entre le 9 et le 13 août. Notre enquête sur les décès par coup de chaleur montre que plus de 50 % des décès ont eu lieu entre le 11 et le 13 août ». L'ancien directeur général de la santé a également déclaré, à propos de l'attitude des membres du cabinet, qu'à son retour le 13 août, « le cabinet du ministre ne se rendait pas compte que nous étions dans une situation de crise, et pas simplement dans une situation de gestion d'urgence ». M. Édouard Couty a porté devant la mission une appréciation différente sur les relations de la DHOS avec la DGS et le cabinet du ministre : « Nous avons tenu le cabinet informé au fur et à mesure que nous recevions les données. Pendant ces trois premiers jours, les 8, 9 et 10, il y a relativement peu de relations avec la DGS, mais des relations intenses avec le cabinet ».

2. Une mobilisation du système sanitaire par le bas

Le système hospitalier a su répondre à la crise qu'il vivait. Il est intéressant d'observer que sa mobilisation a « cheminé » du bas vers le haut, ce qui est surprenant en période de crise, où, théoriquement, les pouvoirs publics prennent de manière coordonnée les décisions qui s'imposent. Ainsi, en Ile-de-France, les premières mesures de type « plan blanc » ont-elles été prises par la direction de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) le vendredi 8 août. C'est le lundi 11 que l'échelon supérieur, la DHOS, a constitué une cellule de crise, tandis que l'AP-HP lançait officiellement son « plan d'action chaleur extrême ». Le même jour, le plan blanc était déclenché à l'hôpital de Créteil ; le 12, le préfet l'étendra à l'ensemble du Val-de-Marne, avant qu'il ne le soit le 13 au soir à l'Ile-de-France.

Enfin, une réunion interministérielle se tiendra le 14 août, mais consacrée (exclusivement ?) aux problèmes de production énergétique (application des dérogations prévues en matière de rejets d'eau par les centrales, risques de coupures...).

3. Le « social » coupé du « sanitaire »

Le secteur « social » de l'administration centrale, représenté par M. Jean-Jacques Tregoat, directeur général de l'action sociale, a été quant à lui informé « officiellement » bien tard, restant isolé des administrations « sanitaires » et bénéficiant manifestement de peu de remontées du secteur médico-social, ce qui pose un réel problème, puisque de nombreux décès concernaient alors les pensionnaires des établissements. Dans un document remis à la mission, il a indiqué : « Les premières informations de la DGAS relatives aux conséquences de la canicule datent officiellement du dimanche 10 août quand l hiérarchie des services chargés de la sécurité civile

La mission a entendu le colonel Serge Delaigue, directeur du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Rhône, et le colonel Daniel Grangier, adjoint au commandant de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP). Le colonel Grangier a fait état d'une augmentation des secours à victimes perceptibles dès le 5-6 août, l'activité quotidienne passant de 1 000 à 1 200 interventions environ. Il a indiqué avoir pris contact avec ses seuls supérieurs hiérarchiques, à savoir le cabinet du préfet de police, le 8 août, pour recevoir des instructions, car il était sollicité par la presse. Il ressort des rapports rédigés à la suite de la canicule par le général Debarnot, commandant la BSPP, et MM. Lalande et Lieutaud, respectivement directeur de cabinet et chef de cabinet à la préfecture de police, qu'à cette occasion, puis à nouveau le dimanche 10 août, consigne lui a été donnée de ne pas évoquer le nombre de morts et de s'en tenir à des conseils préventifs et des informations « non alarmistes, plutôt apaisantes ».

Les deux responsables du cabinet du préfet de police indiquent, dans leurs rapports respectifs, que la BSPP ne les a pas alertés durant le week-end du 9-10 août et que la préfecture de police ne disposait jusqu'au 11 août d'aucun élément lui permettant de mesurer l'incidence de la canicule sur la mortalité, les rapports d'activité de la BSPP n'indiquant rien à signaler en rapport avec la canicule dans la rubrique « évènements ». Sans doute le formalisme de ces comptes rendus ne facilite-t-il pas la transmission d'une alerte fondée sur la perception diffuse d'une situation anormale. Et la BSPP n'avait pas été invitée à « communiquer »...

La mission a également procédé à l'audition des responsables du COGIC, le centre opérationnel de gestion interministérielle des crises, M. Christian de Lavernée, directeur de la défense et de la sécurité civile et deux de ses collaborateurs. Le centre dispose de moyens significatifs : une quarantaine de personnels, 500 m² de locaux. D'après son site internet, le COGIC est entouré d'un « réseau constitué d'un noyau de partenaires devenus des interlocuteurs permanents », au premier rang desquels il place Météo France, qui « transmet quotidiennement les prévisions météorologiques qui permettent d'anticiper les situations susceptibles de générer des catastrophes naturelles ». Toutefois, il ressort de cette audition que le COGIC a été informé de la situation grâce à l'intervention télévisée du docteur Patrick Pelloux le 10 août et à la suite d'une dépêche AFP. Manifestement, le centre ne s'est guère senti concerné par un évènement perçu comme « davantage une crise sanitaire qu'une crise de sécurité civile ».

D'autres signes d'une mobilisation tardive des administrations du ministère de l'intérieur et d'une communication in pour les avoir, alors que l'Institut de veille sanitaire et la DGS essayaient depuis trois jours ». C'est effectivement le 14 août que la préfecture de police a transmis au ministère de la santé des données sur les décès enregistrés par l'état civil à Paris et relatives aux interventions de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris. D'après le rapport du général Debarnot, l'InVS a demandé les statistiques de la BSPP le 11 août, mais il lui a été indiqué qu'il fallait l'accord du ministère de l'intérieur et de la préfecture de police ; ces statistiques ont été transmises au COGIC le 12 et il a fallu encore deux jours, apparemment, pour qu'elles parviennent aux administrations de santé publique. Le général Debarnot constate que la BSPP n'a été associée à aucune réunion avec les administrations gérant la crise comme l'AP-HP, mais est-ce surprenant au regard de l'attitude peu coopérative retenue ?

- Le rapport précité de M. Lalande et une synthèse établie par la préfecture de police le 17 août (voir en annexe les documents transmis par la DGS) évoquent la mise en place de patrouilles mixtes (policiers-secouristes) et d'une antenne d'appels téléphoniques pour assurer le contact avec les personnes âgées dans la capitale, mais seulement à partir du 15 août, alors même que l'épisode caniculaire s'achevait ; au demeurant, alors que ce dispositif a conduit à plus de cent visites de maisons de retraite, à plus de 1 600 contacts directs sur la voie publique et à plus de 3 500 appels téléphoniques, il n'aurait débouché que sur quatre demandes de prise en charge médicale.

E.- QUE FAIRE ?

Il ressort des travaux de la mission que la prévention des conséquences d'un épisode de canicule repose sur deux éléments obligatoires : l'alerte donnée à temps ; l'anticipation. En effet, l'alerte météo, si elle est assez sûre en la matière (la canicule correspondant à un temps très stable), n'est encore vraiment fiable qu'à trois jours ; il reste passé ce délai un à trois jours avant que la surmortalité s'installe, brutale. Quand les victimes arrivent à l'hôpital, il est très souvent trop tard. L'intervalle entre alerte et drame humain est donc trop bref pour être réellement utilisé si les mesures à prendre alors n'ont pas été anticipées.

1. Mettre en place des systèmes d'alerte

a) L'alerte météo

S'agissant de la seule canicule, l'alerte pourrait assez facilement reposer sur les services de la météorologie nationale qui, comme il a été indiqué, ont déjà mis en place un dispositif symétrique d'alerte aux pouvoirs publics en cas de grands froids, ainsi que des procédures dites de vigilance, pour d'autres évènements climatiques violents, en direction du grand public. Météo France a ou plutôt les dispositifs envisageables, doivent être à l'abri des phénomènes de cloisonnement et de chaîne hiérarchique qui ont grandement nui à l'efficacité de la transmission de l'alerte cet été.

Dans le projet de loi relatif à la politique de santé publique déposé au mois de mai, le gouvernement a su d'une certaine façon anticiper la crise en proposant l'instauration d'un principe de « signalement sanitaire », par l'ensemble des organismes publics et professionnels de santé, de toute menace imminente pour la santé. Ce dispositif intéressant pourrait être élargi et précisé.

c) La détection en temps réel des drames sanitaires

Pour détecter rapidement, plus spécifiquement, un drame sanitaire rampant, il convient de s'interroger sur le « moment » où il faut mesurer en temps réel « l'activité » dans la chaîne dramatique qui voit les victimes prises en charge par un service de secours, puis par les urgences hospitalières, puis, le cas échéant, les voit décéder.

Le professeur Abenhaïm, se fondant sur son expérience d'épidémiologiste, a considéré devant la mission qu'il était naturel que l'alerte soit venue, pour la canicule, des services d'urgences, donc de médecins ; selon lui, la grande variabilité de l'activité des services de secours rendrait difficile la mise en œuvre d'un dispositif d'alerte fondé sur la seule activité de ces services. Sur la base des statistiques4 de décès dans les hôpitaux de l'AP-HP, et de celles des pompiers de Paris sur les décès « liés directement ou indirectement » à la canicule - donc retraitées d'après les statistiques brutes d'activité, mais sommairement -, il semble pourtant a posteriori que la surmortalité massive aurait pu être détectée en région parisienne dès le 7-8 août si un système de recueil centralisé avait été en place dans quelques endroits stratégiques : grandes brigades de pompiers, principaux hôpitaux (le recueil se faisant, si l'on suit les décès, au moment de leur enregistrement administratif), SAMU... Les uns et les autres réalisent déjà, plus ou moins régulièrement, un suivi de leur activité. A propos de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, le général Debarnot, dans son rapport précité, observe qu'elle a l'avantage « d'avoir un secteur de compétence très peuplé. Son système statistique étant par ailleurs relativement fiable, cela lui donne la capacité de constater rapidement une évolution de situation anormale ». L'enjeu porte donc sur la normalisation de ces rapports d'activité et la mise en œuvre, malgré les tutelles diverses, de leur centralisation informatique en temps réel.

d) A terme, le suivi en temps réel de la mortalité

2. Anticiper : les plans locaux de solidarité

S'agissant des effets des chaleurs extrêmes et de la mort par hyperthermie, la prévention repose sur des mesures simples - et qui pour certaines ne consistent pas en gestes médicaux -, telles que l'accès des personnes fragiles à une pièce refroidie durant quelques heures par jour, mais qui impliquent que l'on se soit préalablement organisé.

L'organisation en place en ce qui concerne la prise en charge des personnes âgées laisse à désirer. La Cour des comptes, dans son rapport 2003 sur la sécurité sociale, relève « l'absence de pilotage de la coordination gérontologique » et appelle à « clarifier les rôles respectifs des CLIC (centres locaux d'information et de coordination gérontologique), des équipes APA et des réseaux de santé ».

S'organiser, cela signifie diffuser des messages de prévention localement, répertorier par avance les personnes les plus fragiles, recenser dans leur entourage les personnes susceptibles de constituer des réseaux locaux de solidarité, recenser les lieux « frais » où l'on peut les conduire pour récupérer quelques heures en cas de canicule, éventuellement prévoir les conditions d'une meilleure coopération des professions de santé et des travailleurs sociaux en précisant les possibilités pour les premiers de prescrire l'intervention des seconds quand ils rencontrent des situations le justifiant.

Cette organisation ne se conçoit qu'à l'échelon le plus local, celui des communes ou des intercommunalités, qui connaissent de fait déjà les personnes âgées de leur ressort. Il est important, afin d'éviter la dispersion critiquée par la Cour des comptes, qu'elle soit « chapeautée » par un opérateur au niveau de chaque bassin de vie, qui logiquement pourrait être le CLIC là où il existe.

III.- UN DÉFI LANCÉ AU SYSTÈME SANITAIRE ET SOCIAL

Le caractère exceptionnel de la canicule et la méconnaissance du phénomène joints aux carences du système d'alerte et à l'absence d'anticipation ont placé le système sanitaire et social dans une situation particulièrement difficile, ne lui laissant d'autre choix que de réagir dans l'urgence. On peut considérer que l'ensemble de notre système sanitaire a su faire face à cette situation, même si la crise a mis au jour certains dysfonctionnements latents ou déjà connus. Sans nul doute, chacun d'entre nous gardera présentes à l'esprit les images des services existant de désigner à la hâte des boucs émissaires. Les témoignages individuels - et ceux recueillis par la mission n'échappent pas toujours à ce travers - mettent souvent en relief la carence de tel ou tel type d'intervenant au travers d'expériences isolées : sont naturellement mises en avant les défaillances individuelles, particulièrement choquantes dans un tel drame, et non l'accomplissement de leurs obligations par la plupart jugé naturel. La mission d'information a cependant le sentiment que chaque catégorie d'acteurs du système de santé a pleinement joué son rôle dans la limite de ses moyens. Il n'en demeure pas moins que la crise a mis en exergue, notamment par la suractivité brutale du secteur sanitaire, de réels dysfonctionnements et insuffisances.

1. La médecine de ville, une action réelle mais peu visible

Les médecins généralistes ont fait l'objet de vives critiques. Ils auraient été absents, en vacances, ou présents mais n'assurant pas la permanence des soins la nuit et le week-end.

Plusieurs indices, notamment relevés par la mission de l'IGAS dirigée par Françoise Lalande, militent en faveur de cette assertion. Mme Lalande a ainsi souligné devant la mission que : « de nombreuses informations ont montré que les généralistes avaient manqué dans les services d'accueil des urgences, premièrement parce que ces derniers avaient subi un afflux de consultations non programmées qui les engorgeaient encore plus, deuxièmement parce que les personnes âgées n'avaient jamais ce mot d'accompagnement dont elles sont munies d'habitude et, troisièmement, parce les mêmes services, ainsi que les SAMU et les pompiers, ont été très sollicités pour les certificats de décès (...). La brigade des sapeurs pompiers de Paris (...) reçoit habituellement la plus grande partie de ses appels de la part des médecins généralistes mais, cette fois, ces derniers ont été pratiquement absents. Donc, non seulement il existe dans ce domaine une série de témoignages concordants, mais on peut également observer des indices probants. »

La permanence des soins constitue une obligation déontologique d'ailleurs confirmée par les textes réglementaires. Le rappel et la meilleure définition des conditions de cette permanence de soins par les décrets publiés la semaine dernière présentent une indéniable utilité. Toutefois, il convient afin d'en assurer la pleine application d'associer le plus en amont possible le Conseil national de l'ordre des médecins à la mise en œuvre de la permanence de soins dont Jean-François Mattei a rappelé qu'elle constitue « un service public ». La mission estime par ailleurs que les défaillances individuelles doivent être sanctionnées et ne peut qu'approuver les investigations actuellement menées par l'IGAS à la demande du ministre de la santé et par le Conseil national de l'ordre des médecins sur ce point. Toutefois, il lui semble nécessaire, en attendant le résultat de ces enquêtes, de relativiser la critique exprimée quant à l'attitude collective des médecins généralistes pendant la canicule désertion des généralistes. De même, on peut douter que les difficultés chroniques rencontrées dans l'organisation de la permanence des soins aient joué un grand rôle dans la canicule puisqu'elles touchent, à la différence de celle-ci, plutôt les zones rurales que les zones urbaines. Il y a là davantage matière à réflexion sur la démographie médicale que sur la permanence des soins elle-même.

Il convient plutôt de réfléchir à la spécificité de la canicule en termes de réponse médicale. La plupart des interlocuteurs souligne la rapidité de la dégradation de l'état des patients, l'absence fréquente de signes avant-coureurs de celle-ci - les personnes âgées n'ayant pas de sensation de soif et ayant traditionnellement plus froid que les sujets plus jeunes - ainsi que la difficulté pour elles de demander du secours, soit du fait de la dégradation rapide mais insensible de leur état de santé, soit du fait de leur état de dépendance ou encore de leur isolement, les trois facteurs étant souvent liés.

De fait, si les médecins généralistes ont traité de nombreux patients pour des symptômes liés à la chaleur, il s'est souvent agi d'enfants, de personnes assez jeunes souffrant d'affections comme des coliques néphrétiques ou de personnes âgées pour lesquelles le traitement - réhydratation, modification des prescriptions médicamenteuses - était simple. Comme le souligne M. Pierre Costes, président de MG France, « la société française fonctionne avec un système de médecine de ville qui soigne l'essentiel de la population, mais qui est comme la partie cachée d'un iceberg », l'attention portée à ces patients, naturelle, est passée sous silence.

Qu'en est-il des autres, des cas les plus lourds ? Pourquoi le généraliste n'a-t-il pas été impliqué dans leur prise en charge ? Certaines explications sont avancées, comme par exemple une répugnance à demander du secours, notamment dans le contexte d'un resserrement des conditions de remboursement des visites à domicile ou de façon plus profonde la transformation croissante des urgences en service de consultation de médecine générale. Au-delà de ces facteurs tenant à l'évolution des comportements, le constat est unanime : souvent les personnes étaient décédées ou dans un tel état que ceux qui les découvraient recouraient immédiatement aux services d'urgence. C'est la rapidité de la dégradation de l'état des patients qui explique le plus souvent que le médecin généraliste ait été court-circuité et que les patients aient été hospitalisés sans mot d'accompagnement.

En bref, on n'a pas le sentiment - même si certaines défaillances individuelles sont indéniables - que la profession ait failli à sa mission.

2. Une indéniable capacité d'adaptation des structures d'urgence parvenue à sa limite

Les moyens lourds d'intervention, en dépit d'un très fort accroissement de leur activité entre le 5 et le 15 août, allant jusqu'à son doublement les 7 et 8 août ainsi que les 11, 12 et 13, ont pu faire face aux demandes d'intervention au prix d'une présence accrue des personnels, du report de leurs congés et du retour spontané ou du rappel de certains d'entre eux. On notera que l'ajustement semble avoir été plus facile dans les départements non exclusivement urbains, certains effectifs étant réaffectés des zones rurales moins touchées vers les agglomérations. Cette capacité à prendre les patients en charge explique sans doute en partie que le ministère de l'intérieur n'ait pas été conscient plus rapidement de l'importance de la crise.

Le défi était tout autre pour les services d'accueil d'urgence (SAU) compte tenu des caractéristiques des patients. En effet, outre le nombre de patients en consultation extrêmement élevé, il a fallu gérer l'admission d'un très grand nombre de patients avec un taux d'admission parfois cinq fois plus élevé que la moyenne, soit un nombre de cas graves s'élevant à plusieurs dizaines de personnes par jour. Comment les urgences ont-elles fait face ?

Il convient tout d'abord de rendre hommage à leurs personnels. Multipliant les heures, écourtant leurs temps de repos, repoussant leurs congés, revenant souvent de façon spontanée au fur et à mesure que l'ampleur de la catastrophe apparaissait, les personnels des urgences ont su, dans la pire des crises qu'ils aient rencontrée depuis la guerre, se montrer à la hauteur du drame. Pourtant, on ne peut se réfugier derrière ce constat pour nier les difficultés rencontrées et le fait que l'on a approché le point de rupture.

La première de ces difficulté n'a guère été évoquée dans le grand public : on ne dira jamais assez à quel point les personnels ont été marqués par le nombre de décès auxquels ils ont été confrontés. Loin de l'image véhiculée par la télévision, la mort n'est pas si fréquente aux urgences. Il semble nécessaire de prévoir les moyens nécessaires au soutien et au suivi psychologique des personnels.

Le deuxième problème rencontré est celui de l'absence de coordination entre les différents SAU. Chacun a dû faire face à peu près seul à la crise, la découvrant isolément au travers de ses propres cas, réinventant dans son coin les mêmes solutions. Cela explique notamment le décalage dans la mobilisation des différents hôpitaux pour faire face à la crise puisque celle-ci s'étale entre le 8 et le 12 août dans la plupart des établissements. Il semble indispensable de mieux coordonner les différents SAU au sein de réseaux d'urgence.

Un autre dysfonctionnement tient à l'engorgement des services d'urgences. On ne peut leur en imputer la faute. Le service d'urgence n'a pas, par nature, vocation à accueillir des patients

Cette situation n'a pu être surmontée que par un réflexe de solidarité de l'ensemble de l'hôpital. Les urgentistes ont pu, avec plus ou moins de difficultés, convaincre leur administration et leurs collègues des autres services que leurs demandes de lits ne relevaient pas de l'antienne habituelle mais d'une absolue nécessité. Le déclenchement du plan blanc peut paraître officialiser une situation de fait mais il répond en fait au principe de précaution et permet de faciliter la sortie de la crise ; comme le rappelle le ministre de la santé devant la mission : « Afin de renforcer les équipes fatiguées, de prévenir une éventuelle recrudescence de la chaleur et d'assurer la prise en charge des hospitalisations non urgentes différées, la généralisation du « plan blanc » est décidée, sous réserve d'une appréciation locale, par les préfets, de la gravité de la situation. ».

La libération des lits nécessaires s'est donc faite de façon informelle entre le 8 et le 12 août mais, sous ce déroulement en apparence évident, les urgences ont traversé une phase particulièrement difficile du 10 au 12 août et les conditions d'accueil voire de traitement des patients en ont certainement souffert. Le rapport Lalande note ainsi : « Le fait que tous les malades aient été pris en charge grâce à une mobilisation exceptionnelle de la communauté hospitalière ne signifie pas que chaque patient, dans ce contexte, a pu bénéficier de tous les soins qu'il aurait reçus en temps normal. C'est évident pour les conditions de confort pendant le séjour souvent très long aux urgences, c'est sans doute vrai pour les soins médicaux plus techniques et pour l'accès aux services de réanimation ».

Peut-on à l'avenir continuer de s'en remettre à des solutions bricolées ?

3. Une réflexion à mener sur l'organisation du système sanitaire

La mission estime que rien ne serait plus préjudiciable que de vouloir revoir tout notre système de santé pour répondre à la catastrophe que nous venons de vivre, de le déstabiliser ainsi sans pour autant nécessairement parer aux crises non identifiées qui pourraient survenir à l'avenir. Par exemple, la mission n'a pas jugé probante l'idée selon laquelle il faudrait réformer les urgences. Pour autant, il semble opportun d'étudier des réponses à quelques-unes des questions récurrentes ou inédites posées par la crise. La canicule a notamment mis en lumière à la fois le vieillissement de notre société, la vulnérabilité particulière des personnes âgées et l'inadaptation partielle de notre système à ces évolutions ainsi qu'aux situations de crise.

Les pistes de réflexion s'articulent autour de trois axes : une politique de prévention des risques spécifiques aux personnes âgées plus active et de formation des personnels à ces questions ; une &e territoire comme l'illustrent les difficultés rencontrées dans certaines régions pour organiser la permanence des soins ; une attention particulière doit donc être portée aux effectifs de personnels médicaux mais également paramédicaux en formation initiale. Il est essentiel dans cette formation initiale mais également dans la formation continue des personnels de développer des modules de gériatrie. Les services de gériatrie de ce point de vue devraient porter la bonne parole, répandre les bonnes pratiques, en constituant des unités mobiles. La formation médicale continue des médecins devrait également inclure un tel volet.

Plus encore que la nécessité d'une réponse curative adaptée aux personnes âgées, la canicule a montré l'importance et l'insuffisance d'une politique de prévention. On peut penser que sur le sujet de la canicule, chacun des acteurs de santé sera désormais sensibilisé : la mission n'en recommande pas moins l'élaboration - par exemple sur le modèle de celles élaborées en région PACA - de plaquettes d'information à destination des professionnels de santé (médecins, pharmaciens) mais également des établissements accueillant des personnes âgées, des services de soins à domicile et du grand public ainsi que de campagnes de sensibilisation. Tout cela pourrait être fait sous l'égide de l'INPES ou/et de la CNAV. Le fait qu'un seul décès de nourrisson lié à la canicule ait été signalé montre le succès que peut avoir une politique d'éducation en la matière. Dans le même esprit, il semble opportun, compte tenu des effets de la canicule sur les personnes poly-médicamentées, de prévoir sur les médicaments concernés (diurétiques, psychotropes), des mises en garde relatives à la chaleur.

De façon plus globale, il semble nécessaire d'inclure dans la politique de santé publique une approche par populations tenant compte des risques propres à certaines catégories, propres à certains publics vulnérables, dont celui des personnes âgées. De même, une réflexion devrait être menée sur l'intégration des personnes âgées dans les procédures d'expérimentation des médicaments avant leur mise sur le marché dès lors qu'ils leur sont principalement destinés afin de cerner au mieux leur éventuelle nocivité.

b) Élaborer le plus en amont possible les réponses du système sanitaire aux situations de crise

Il est nécessaire de mieux définir les conditions de mise en œuvre des dispositifs de crise. La canicule a montré leurs insuffisances : seul un établissement, le centre hospitalier intercommunal de Créteil, a mis en œuvre le plan blanc avant l'intervention du Premier ministre, les autres ont mis en œuvre soit un mini plan blanc à l'instar de l'AP-HP avec son plan d'action chaleur extrême, soit des mesures comparables sans cadre officiel. Il importe de clarifier les conditions de mise en œuvre éventuellement graduelle du dispositif (on rappellera par exemple que l'AP-HP n'a pas souhaité recourir au plan blanc et rapp style="font-family: 'Arial'; font-size: 10pt">De cette préoccupation unanimement partagée découlent trois questions concrètes : faut-il réformer les urgences ? Comment augmenter le nombre de lits disponibles en aval des urgences ? Vers quels services orienter les personnes âgées ?

Les urgences ont-elles répondu à leur mission ? Oui. Comme le relève M. Dominique Sebbe, président du Syndicat des urgences hospitalières : «  En cas de pénurie, nous n'avons aucun moyen de limiter les flux entrant dans un service d'urgence. Nous avons compensé cet inconvénient par une grande adaptabilité de nos plannings et une grande disponibilité. Notre organisation est ce qu'elle est, compte tenu des possibilités dont nous disposons. Mais elle est optimisée. A ma connaissance, on n'a d'ailleurs jamais constaté que des services d'urgence fermaient par manque de moyens ou parce qu'on n'avait pas réussi à mobiliser les membres d'une équipe. »

Plus que d'une réforme, d'ailleurs quasiment permanente, des urgences, la France a besoin d'une meilleure reconnaissance des professionnels qui y exercent - de ce point de vue, la création d'une filière urgentiste semble une piste à étudier de près tant le métier apparaît spécifique et tant il souffre d'un manque de reconnaissance - et d'une meilleure intégration des urgences dans l'hôpital.

Il existe aujourd'hui - et la canicule l'a montré - un problème de prise en charge des personnes âgées par les urgences : les temps d'attente y sont parfois longs et les personnes âgées sont celles qui attendent le plus longtemps d'être transférées dans un autre service. Même si la thèse de la mise en place d'urgences gériatriques est parfois défendue, elle semble à écarter. L'appui éventuel par des équipes mobiles de gériatrie semble de nature à répondre aux besoins.

La vraie difficulté des urgences, c'est vrai pour tous les publics, réside d'abord dans le manque de lits d'aval. Les urgences sont encombrées parce que l'on ne trouve pas de lits pour accueillir les malades qui devraient en sortir. Cet encombrement retarde également les entrées.

On ne reviendra sur les facteurs ayant aggravé la situation cet été que pour en tirer quelques enseignements : nul ne saurait contester le droit des personnels hospitaliers à prendre des vacances en même temps que le reste des Français, encore convient-il de pouvoir en apprécier et maîtriser les conséquences. La demande du ministre de la santé de réduire le nombre de fermetures de lits pendant l'été notamment dans les services d'urgence, de réanimation et de maintenir une capacité suffisante de lits d'aval était légitime. Il est logique que la fermeture de lits concerne d'abord les activités programmables, à charge pour les personnels de ces services de venir renforcer les équipes des services maintenus en activité. Cependant, les prévisions transmises, déjà tendues parfois, par exemple 20 % à l'AP-HP, n'ont pas été respectées. Dès lors, au-delà d'une nécessaire gériatrie aiguë, d'autres craignent une « ghettoïsation » des personnes âgées. L'objectif partagé est de soigner au mieux les pathologies en évitant le risque spécifique d'une perte d'autonomie de la personne âgée hospitalisée. Ce dernier risque semble pouvoir être surmonté par une meilleure formation des personnels et une diffusion des bonnes pratiques ; dès lors, les lits de gériatrie aiguë devraient être réservés aux patients poly-pathologiques et présentant un risque manifeste de perte d'autonomie. Le vieillissement de la population plaide pour une approche par pathologies et non par âge qui induirait un remaniement permanent des structures hospitalières.

Enfin, la question de la meilleure gestion des capacités hospitalières ne saurait être abordée sans évoquer la question de la coordination entre l'hôpital public et l'ensemble des autres acteurs. L'entrée à l'hôpital et plus encore la sortie se déroulent mieux lorsque les autres intervenants sont associés. La canicule a montré l'intérêt qu'il y aurait à mieux associer les médecins de ville à la gestion de l'urgence : faute d'avoir perçu la gravité de la situation, bien des énergies sont restées inutilisées comme le souligne le docteur Brasseur de SOS Médecins : « Les généralistes étaient présents au mois d'août à Paris, seulement quand ils avaient terminé leur tournée au bout de 12 ou 13 heures de travail, ils ne savaient pas qu'il y avait encore des choses à faire. Si on avait pu avoir la liste du conseil de l'ordre, on aurait très bien pu avoir un peu de renfort pendant trois jours, cela nous suffisait, et cela aurait peut-être permis de maintenir plus de gens en vie. » Il conviendrait de mettre en place un système de mobilisation de proximité des médecins généralistes sur la base du volontariat en cas de crise sanitaire.

Cette coordination des acteurs est tout aussi essentielle dans la prévention de l'hospitalisation. Chacun gagnerait à un renforcement des liens, notamment entre centres hospitaliers et hôpitaux locaux ainsi qu'entre hôpital et structures médico-sociales et intervenants de l'aide à domicile. Prise en charge sanitaire et prise en charge sociale sont souvent indissociables chez les personnes âgées et la canicule a montré les dangers liés à l'isolement.

B. UNE CRISE AU MOINS AUTANT SOCIALE QUE SANITAIRE

Le fait que tous les corps des victimes de la canicule n'aient pas été réclamés a vivement - et à juste titre - heurté les esprits. Les membres de la mission ne sont pas moins étonnés et tout aussi choqués de voir qu'un mois après le drame, on ne sait toujours pas avec précision d'où venaient les milliers de victimes, quel était leur mode vie, quelles étaient leurs fragilités. Cette crise peut être qualifiée comme celle de l'isolement, seul facteur unanimement décrit par l'ensemble des personnes auditionnées.

Jean-François Mattei relevait lors de son audition : « cette catastroph

La mission n'a pas été en mesure de dresser un portrait des victimes. On ne sait pas avec précision quelle part d'entre elles vivait à domicile, même si les informations recueillies plaident pour un partage à peu près égal entre celles vivant en institutions et celles vivant à domicile. On rappellera qu'il y a en France 10 000 EHPAD et 73 000 places de SSIAD, ce qui donne une idée de la diversité des acteurs et des situations. Il serait d'ailleurs judicieux de prévoir un système de diffusion rapide à l'ensemble des établissements utilisable soit par la DGAS soit par la DGS.

De même, on ne sait pas encore quelle était la part de personnes dépendantes même si plusieurs indices donnent à penser qu'elles étaient prépondérantes, notamment le fait que la CNAV n'ait pas été sollicitée par les associations d'aide à domicile pour l'octroi de crédits relatifs à l'aide aux personnes en grilles GIR 5 et GIR 6, et que plusieurs témoignages aillent plutôt dans ce sens.

Les indications sont en revanche plus nettes sur la répartition géographique des décès : il s'agit d'un drame urbain même s'il est difficile de dire si cela résulte de l'habitat, ou comme l'avancent certains, d'une plus grande persistance des liens de solidarité à la campagne qu'à la ville.

Plus encore qu'en matière sanitaire, les études épidémiologiques seront de ce point de vue d'une importance essentielle. Il est essentiel que ces études soient réalisées rapidement, quand bien même elles ne porteraient que sur des zones géographiques restreintes. Il va de soi que leurs résultats seront d'une importance déterminante pour les travaux de la commission d'enquête. Pour l'heure, la mission ne peut que se fonder sur des données partielles ou des témoignages concordants.

Un seul trait commun est unanimement et constamment mis en avant : l'isolement de ces personnes. Il ne faut cependant pas verser dans la facilité qui consisterait à culpabiliser les familles : 57 corps non réclamés ne doivent pas faire oublier l'implication de millions de familles dans la prise en charge de leurs personnes âgées. Elle n'a jamais été aussi forte, en temps, en argent, en souffrance également parfois.

L'isolement tient malheureusement pour partie à l'évolution de la démographie et à la modification des structures familiales. Les docteurs Maurice et Brasseur de SOS Médecins relèvent ainsi : « On a culpabilisé les Français en disant : « Les Français partent en vacances et laissent leurs parents ». La plupart des vieillards que j'ai vus n'avaient pas de famille, et vivaient seuls suite au décès de leur conjoint. Sans enfants, ils n'ont qu'un lointain neveu ou cousin, qui vit en province mais ne s'en occupe pas. Il faut savoir qu'au mois d'août, la gardienne d'immeuble est souvent en vacances, et sa remplaçante se retrouve avec quatre ou cinq immeubles en charge, et doit sortir les poubelles et distribuer le courrier (...) Pour l'anecdote, on a même vu des gens dont les enf âgées pendant l'été mais elles ne sauraient être considérées comme une mise en garde suffisante contre une canicule comme celle que nous avons connue. On ne peut que réitérer le souhait de voir diffuser à l'ensemble des établissements des informations sur les dangers liés à la canicule et des protocoles de prise en charge des pensionnaires ainsi qu'une formation à destination des personnels.

Cette impréparation se double d'une fréquente inadéquation de l'architecture des établissements à un phénomène de canicule. En effet, la politique a été d'ouvrir le plus possible les bâtiments au soleil, à la lumière. Si cette optique est compréhensible, elle n'en a pas moins eu des effets désastreux dans le cas présent et il conviendra à l'avenir de revoir les normes architecturales applicables aux établissements.

Deuxième vicissitude de cette architecture, l'absence quasiment générale de climatisation qui, outre une prévention des personnes âgées à son encontre, se heurte également à une certaine défiance des personnels qui voient en elle une source de diffusion d'agents pathogènes. Il est pourtant acquis qu'un séjour de trois à quatre heures par jour dans une pièce climatisée suffit à faire baisser la température du corps et permet d'éviter l'hyperthermie maligne. En conséquence, il semble impératif non de climatiser l'ensemble des établissements mais au moins une pièce dans chacun d'entre eux, permettant d'accueillir pendant quelques heures par jour tous les pensionnaires par un système de rotation. Outre les crédits nécessaires à cet équipement, il conviendra également de prévoir les crédits liés à sa maintenance et à son fonctionnement. Il convient également que les établissements qui ont, de leur propre initiative, acheté sur leurs crédits des matériels destinés à lutter contre la canicule (climatiseurs, ventilateurs) en soient rapidement remboursés.

La principale difficulté rencontrée par les établissements lors de la crise réside de l'avis unanime dans les tensions sur les effectifs. Les organisations représentatives du personnel mettent en avant la faiblesse du taux d'encadrement. Il convient de nuancer ce critère dont, au demeurant, on ne sait dans quelle mesure il est ou non comparable avec ce qui est pratiqué chez nos voisins : le taux d'encadrement englobe les situations de personnels très divers. Or, le manque de personnels semble avoir posé difficulté essentiellement dans deux types de situations : en cas de forte augmentation des actes de soins (notamment pendant les quelques jours où il a fallu multiplier les perfusions) et la nuit, les deux situations pouvant se cumuler. Il semble prioritaire de renforcer la présence de personnels soignants, en particulier la nuit. Cela peut passer par un renforcement du taux d'encadrement - qui éviterait un engorgement des urgences hospitalières - mais également par l'habilitation de personnels non soignants à effectuer des actes simples dans certaines circonstances. Bien encadrée, liée à une formation adéquate, une telle mesure éviterait à ces personnels souvent extrêmement dévoués de se placer comme ils ont dû le faire cet ét&eacu patient.

3. Des services d'aide à domicile aux moyens limités

Comme le souligne M. Hermange, directeur de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, « Quand je dis que l'on n'est pas en tension sur la consommation, cela ne veut pas dire pour autant que tous les besoins d'aide ménagère sont satisfaits. Cela veut dire que les associations et les prestataires, probablement parce qu'ils sont lourdement sollicités, ont aidé en priorité les personnes les plus lourdement dépendantes et qui relèvent de l'APA. Je vous rappelle les difficultés rencontrées par ces prestataires pour trouver du personnel afin de satisfaire les besoins des personnes relevant des GIR 5 et 6. » 

De fait, les services d'aide à domicile confrontés à un manque de personnels au mois d'août comme chaque année ont procédé à un redéploiement de leurs moyens au profit des bénéficiaires les plus vulnérables, notamment les personnes âgées les plus dépendantes. Cette réorientation nécessaire ne saurait dissimuler le fait que cette rupture est mal vécue par les personnes qui bénéficient de ces services le reste de l'année, particulièrement cet été. Mme Danièle Dumas, présidente de l'UNADMR, rappelle ainsi qu'elle aurait voulu apporter à ces personnes non dépendantes « des passages plus fréquents et du réconfort, parce que - l'on s'en est rendu compte - l'isolement à la campagne ou au quatrième ou cinquième étage d'un immeuble est exactement le même. Ces personnes ont donc besoin de passages fréquents et de conseils répétés, parce qu'elles oublient. Elles ne sont pas dépendantes, mais elles oublient souvent de boire ou de réagir efficacement face à une telle canicule. »

La difficulté ne tient donc pas seulement au fait que ces structures travaillent sous enveloppe ; elles l'ont montré cet été en n'hésitant pas devant l'urgence à faire travailler leurs personnels en heures supplémentaires sans s'être préalablement assurées que ces prestations seraient acceptées par les financeurs. Il est d'ailleurs indispensable que les sommes concernées leur soient versées au plus vite par ceux-ci tout comme il est indispensable que les crédits d'aide à domicile nécessaires au retour chez elles des victimes de la canicule hospitalisées soient débloqués d'urgence. Il conviendrait également d'assouplir le système de gestion de ces enveloppes afin que les structures ne se retrouvent pas dans la situation précaire qui est la leur aujourd'hui.

L'autre problème, commun d'ailleurs avec les établissements, est la pénurie de personnels formés et désireux de travailler auprès de personnes âgées. La plus grande attractivité de ces métiers passe d'abord par leur meilleure reconnaissance : il convient de développer un programme de formation au sein des branches concernées, pouvant notamment faire appel à la validation des acquis de l'expérience. Un effort devrait également être accompli en direction des personnels bén âgées], en disant qu'elles coûtent. Mais elles ne coûtent rien ! On nous dit que les vieux sont responsables des dépenses de santé. Mais, sur une augmentation de 6 % ou 7 %, l'augmentation des dépenses de santé des vieux ne représente que 1 %. On dit que les vieux sont responsables des accidents de la route, et on va nous imposer une visite pour le permis de conduire. (...) On a créé une couche sociale sur laquelle on jette un regard terrible. Aujourd'hui, on propose de supprimer un jour férié, suscitant un conflit avec des gens qui travaillent et qui ont des ressources parfois inférieures à celle des retraités. (...) Mon inquiétude tient au regard que la société porte sur les vieux. Je pense profondément que si on avait eu un autre regard, on serait peut-être intervenu beaucoup plus à temps, on aurait porté davantage le souci de ce drame. »

Ce tableau nous rappelle à notre devoir de solidarité envers les plus vulnérables : la canicule a mis en relief l'isolement de certaines de nos personnes âgées, pas par mépris ou par indifférence, mais simplement parce que les réseaux traditionnels n'ont pas su s'adapter au vieillissement de la population. Les bonnes volontés existent. Ainsi, M. Gentilini, président de la Croix-Rouge, a rappelé les mesures mises en œuvre par celle-ci cet été et regretté de devoir rappeler que « la raison d'être de la Croix-Rouge est d'être auxiliaire des pouvoirs publics ». Il a poursuivi ainsi : « Je le rappelle souvent - les pouvoirs publics ne s'en sont pas souvenus suffisamment - ils ont à leur disposition la plus grande association caritative de France sans toujours avoir le désir de s'adresser à elle. ». De même, il devrait être possible de développer un partenariat avec les gardiens d'immeubles en zones urbaines et les facteurs en zones rurales pour que ces professions exercent une mission de veille sociale sur les personnes âgées les plus isolées. Enfin, il faut réfléchir à la possibilité d'associer et médecins et travailleurs sociaux, par exemple sous la forme, évoquée par certains intervenants, d'une « ordonnance sociale ».

Il faut également assurer la mise en place d'un maillage social sur le plan local. L'une des plus grandes surprises - et l'une des raisons majeures - du drame de cet été réside dans la méconnaissance de la situation d'isolement d'un grand nombre de personnes âgées. Comme cela a été développé supra, la mission préconise la mise en place de plans locaux de solidarité.

A cette déclinaison locale de la solidarité doit faire écho une solidarité nationale assurant un traitement égal sur l'ensemble du territoire. Après vingt ans de débats et de faux-fuyants, l'heure semble venue de mettre en place un financement pérenne de la perte d'autonomie par la sécurité sociale, de ce que l'on appelle parfois le « cinquième risque » et dont la gestion pourrait être confiée à la CNAM ou/et à la CNAV. Il est temps de faire sortir le soutien aux personnes les moins autonomes, personnes âgées en perte d'autonomie mais également personnes handicapées, du champ de la générosit 10pt">Décloisonnement, proximité, prévention, anticipation et alerte doivent être les maîtres mots des mesures d'organisation à prendre rapidement pour éviter qu'un drame comparable ne se reproduise.

Au-delà, l'état de notre système sanitaire et social appelle des réponses structurelles dont nous savons qu'elles seront coûteuses. Engager le chantier de ce qu'il est convenu d'appeler le « cinquième risque » paraît donc inévitable.

TRENTE-CINQ PISTES POUR « TIRER LES PREMIERES LEÇONS » DE LA CRISE

Mieux connaître les risques sanitaires environnementaux et les populations qui y sont exposées

1. Conduire les études épidémiologiques nécessaires sur la mortalité liée à la canicule de l'été 2003 pour, en particulier :

- connaître son bilan exact, pour les personnes âgées, mais aussi pour les autres populations potentiellement touchées (enfants, personnes handicapées, travailleurs...) ;

- identifier et quantifier les facteurs « co-aggravants » des fortes chaleurs, notamment la pollution et la prise de certains médicaments ;

- mesurer l'efficacité réelle des mesures de prévention qui pouvaient exister localement, à Marseille par exemple ;

- analyser et comparer la surmortalité connue dans les différents pays européens exposés à la canicule.

2. A moyen terme, dans l'optique du changement climatique, développer la recherche sur les liens entre climat et santé publique et introduire dans les études sur la santé publique une meilleure prise en compte des « populations » à risque, et pas seulement des pathologies, points qui pourraient utilement être explicitement mentionnés dans les missions de l'InVS telles que définies par la loi.

3. Dans la même optique de prise en compte des populations, préciser à l'article L. 1411-18 du code de la santé publique (créé par le projet de loi relatif à la politique de santé publique) que les programmes de santé publique mis en œuvre par les différents acteurs sanitaires tiennent compte, outre des difficultés particulières des personnes les plus démunies, des spécificités des populations vulnérables, telles que les personnes âgées et en perte d'autonomie.

4. Sur la base des recommandations de la Cour des comptes, modifier la réglementation afin d'obtenir une meilleure prise en compte des personnes âgées (ou handicapées) dans les essais thérapeutiques et études portant sur des médicaments dont elles constituent la cible principale.

8. Sur la base d'études à mener préalablement, rendre obligatoire l'introduction, dans les notices, de mises en garde sur l'utilisation de certains médicaments (psychotropes et diurétiques notamment) en période de fortes chaleurs.

9. Sur la base des recommandations de la Cour des comptes, modifier la réglementation afin d'imposer que les laboratoires pharmaceutiques prévoient une information spécifique des prescripteurs lorsque la cible d'un médicament est principalement constituée par les personnes âgées (ou handicapées).

Se donner les moyens d'alerter sur les risques et de suivre en temps réel la mortalité

10. Mettre en place rapidement un dispositif d'alerte météo aux « évènements extrêmes ». En première analyse, il apparaît que Météo France, qui a développé un dispositif d'alerte de responsables publics en cas de grands froids, serait bien placé pour instaurer symétriquement un dispositif « canicule » en collaboration avec la DGS et l'InVS.

11. Accélérer le déploiement du dispositif d'alerte des médecins « DGS Urgent ».

12. Instaurer un principe de « signalement sanitaire » en amendant le dispositif proposé dans le projet de loi relatif à la politique de santé publique, qui doit être élargi aux services de secours et aux pompes funèbres, s'agissant des auteurs de l'alerte, et précisé, s'agissant de l'autorité sanitaire destinataire de l'alerte.

13. Mener une réflexion sur les moyens de se doter d'un système de détection statistique des situations sanitaires « anormales », qui pourrait être fondé sur les comptes-rendus d'activité, préalablement normalisés, d'un échantillon représentatif de services de secours, de SAMU, de services hospitaliers.

14. Afin de disposer d'un suivi en temps réel de la mortalité, poser dans la loi le principe de l'informatisation des certificats de décès, en prévoyant une phase d'expérimentation et des systèmes transitoires.

15. Plus généralement, conduire une réflexion sur l'organisation administrative afin de dépasser les cloisonnements entre administrations sanitaires (direction générale de la santé/direction de l'hospitalisation et de l'offre de soins/Institut de veille sanitaire/Agence française de sécurité sanitaire environnementale), avec les administrations sociales (direction générale de l'action sanitaire et sociale), entre ministères (santé/affaires sociales/intérieur/ écologie et développement durable).

Anticiper les crises sani travailleurs sociaux en précisant les possibilités pour les premiers de prescrire l'intervention des seconds quand ils rencontrent des situations le justifiant. Les plans locaux devront être articulés avec les plans nationaux et régionaux de prévention des risques sanitaires environnementaux prévus dans le projet de loi relatif à la politique de santé publique.

Répondre aux besoins structurels du système sanitaire et social confronté au vieillissement de la population

Savoir gérer les crises sanitaires

17. Donner au « plan blanc » une base légale afin de le rendre opposable à l'ensemble des professionnels de santé (secteur hospitalier privé, médecins libéraux...), sachant que, dans cette hypothèse, cet instrument relèverait des représentants de l'État, comme M. le ministre de la santé l'a indiqué devant la mission d'information.

18. À l'échelon régional/départemental, mener une réflexion sur l'articulation entre l'autorité de planification, l'ARH, et celle de gestion des crises, le préfet, et sur l'opportunité d'instaurer un volet « situation de crise » dans les schémas d'organisation sanitaire.

19. Encourager la mise en place d'un service minimum par voie conventionnelle entre représentants des médecins libéraux, SAMU et services des urgences.

20. Mener des études et des expérimentations en vue de l'instauration d'un dossier médical commun « ville-hôpital », accessible par voie informatique, pour les patients âgés.

21. La question des lits d'aval étant centrale, mettre en place des lits de gériatrie aiguë dans l'ensemble des hôpitaux ayant un service d'accueil des urgences, grâce au redéploiement de lits de spécialités excédentaires, comme le ministre de la santé l'a indiqué devant la mission d'information.

22. Mettre en place, grâce à des redéploiements, des lits de soins de suite et de réadaptation.

23. Réformer le mode de fonctionnement interne des hôpitaux et des cliniques afin d'y promouvoir, par voie contractuelle si possible, une meilleure coordination des services et, en particulier, une programmation mieux coordonnée et mieux respectée des fermetures de lits estivales (à défaut, des mesures réglementaires s'imposeront).

24. Instituer une formation spécifique de médecine d'urgence, comme le ministre de la santé l'a indiqué devant la mission d'information.

25. En concertation avec les organisations syndicales, s'efforcer de rendre plus attractives les régions, comme l'Ile-de-France, où les services d'urgences sont en sous-effectif.

29. En matière d'aide à domicile, débloquer rapidement non seulement les crédits permettant de couvrir les heures supplémentaires effectuées durant l'été, mais aussi ceux nécessaires à l'accompagnement du retour au domicile des personnes hospitalisées durant la crise.

30. Mettre en œuvre le fonds de modernisation de l'aide à domicile.

31. Développer les lieux d'accueil temporaire, pour assouplir l'antinomie hébergement institutionnel/maintien à domicile.

32. Débloquer rapidement non seulement les crédits permettant de couvrir les dépenses supplémentaires engagées durant l'été par les établissements d'hébergement des personnes âgées, mais aussi ceux nécessaires à l'accompagnement du retour dans ces établissements des personnes hospitalisées durant la crise.

33. Inscrire dans la réglementation l'obligation, pour chaque établissement accueillant des personnes âgées (EHPAD), de disposer d'une pièce dotée de la climatisation, comme le ministre de la santé l'a indiqué devant la mission d'information. La taille de cette pièce devra permettre d'y accueillir par roulement l'ensemble des résidents. Cette obligation doit être accompagnée du financement correspondant. A plus long terme, il convient de réfléchir à une architecture adaptée à la possibilité de fortes chaleurs et au grand âge.

34. Inscrire dans la réglementation l'obligation pour les EHPAD d'organiser une permanence de nuit en personnel habilité à dispenser des soins, l'absence trop fréquente de personnel infirmier, alors qu'étaient posées de nombreuses perfusions, ayant été l'un des dysfonctionnements constatés cet été. Cette obligation doit également être accompagnée du financement correspondant.

Le financement

35. Afin d'assurer un financement suffisant et pérenne destiné à prendre en charge les coûts liés à la perte d'autonomie quel que soit l'âge des personnes concernées - et en particulier les mesures structurelles comme le renforcement des taux d'encadrement en personnels soignants dans les établissements pour personnes âgées -, engager une concertation nationale en vue de l'instauration d'une nouvelle branche de sécurité sociale, que gérerait la Caisse nationale d'assurance maladie et/ou celle d'assurance vieillesse.

CONTRIBUTION PRÉSENTÉE PAR M. CLAUDE EVIN, MME CATHERINE GENISSON ET MME PAULETTE GUINCHARD-KUNSTLER, MEMBRES DE LA MISSION APPARTENANT AU GROUPE SOCIALISTE

La mission d'information mise en place par la Commission des affaires sociales de l'Assemblée Nationale a été voulue par le président de la commission et les membres de la majo d'investigation d'une commission d'enquête et le temps laissé à chaque audition n'a pas permis d'approfondir les éléments évoqués par nos interlocuteurs. Nous n'avons pu auditionner toutes les personnes qui auraient pu apporter des éléments, éléments qui manqueront donc à notre appréciation à ce stade. C'est ainsi que, malgré la formulation de plusieurs demandes la mission n'a pas auditionné Monsieur le ministre de l'Intérieur ni le Préfet de police de la ville de Paris alors que des éclaircissements sur la manière dont ont fonctionné les services de la sécurité civile et l'identification des informations dont disposaient leurs services nous auraient été utiles pour une meilleure compréhension du déroulement des évènements.

Il ressort toutefois des premiers éléments qu'il nous a été possible de recueillir dans le cadre de ces auditions, des appréciations ou des interrogations à différents égards.

Outre les dysfonctionnements constatés dans les systèmes d'alerte, cette crise est symptomatique du dysfonctionnement de notre système de santé et notamment dans la prise en charge de la dépendance.

Cette crise a également mis en évidence le problème sociétal plus vaste de la place de nos aînés. Elle a montré l'obligation pour nous tous d'intégrer les personnes âgées dans notre société et non de les isoler.

La poursuite du dispositif de prise en charge de la dépendance mis en place par le gouvernement de Lionel Jospin sous l'impulsion de Paulette Guinchard-Kunstler et gelé en 2003 n'aurait sans doute pas permis d'éviter cette crise sanitaire mais en aurait très certainement limité les effets.

Sur le terrain, tant dans la sphère privée que dans les organisations sanitaires et sociales, la mobilisation semble avoir été à la hauteur du drame qui se déroulait. La participation des autres acteurs et notamment de la médecine libérale (médecins et infirmiers) mérite également d'être soulignée.

Le cloisonnement important au sein des différents ministères chargés de la gestion de cette crise (ministère des affaires sociales, ministère de la santé, secrétariat d'Etat chargé des personnes âgées) mais également entre ces différents ministères n'a pas permis de déclencher l'alerte suffisamment tôt.

1. Une absence totale d'anticipation des effets de la canicule sur la santé

A l'exception de quelques travaux très isolés (M. Besancenot et le Professeur San Marco) il n'existe pas de réflexion spécifiquement française conduite sur ce sujet. Ni, par exemple, le Haut comité de la santé publique5 ni les panels d'experts réunis par la Direction générale de la santé au cours de l'année 2002 afin d'identifier l style="font-family: 'Arial'; font-size: 10pt">2. Une insuffisante fiabilité de notre système de veille, d'alerte et de gestion du risque sanitaire

Si l'insuffisante culture scientifique française concernant les effets d'une forte canicule peut expliquer un temps de latence dans la réaction des pouvoirs publics, on ne peut se satisfaire de cette explication et considérer que notre système de veille, d'alerte et de gestion de crise a bien fonctionné. Certes, les premiers signes ne sont pas apparus comme lors d'une catastrophe brutale, mais, alors que des informations remontaient dans les différents services et faisaient état de situations anormales (décès avec hyperthermie, augmentation du nombre d'interventions des pompiers dans certaines grandes villes, suractivité des services d'urgences à Paris...) l'absence de centralisation, voire la rétention6 de ces informations n'a pas permis d'identifier au plus haut niveau de l'administration la survenance progressive d'une situation qui allait se révéler catastrophique. Si les missions de l'InVS sont entre autres de « détecter tout évènement modifiant ou susceptible d'altérer l'état de santé de la population »7 encore eut-il fallu que cet établissement public ait été destinataire de l'ensemble des informations en la possession des divers services concernés8. Il faut noter que le Comité nationale de la sécurité sanitaire ne s'est pas non plus réuni, ni au moment de déclenchement de la crise, ni ensuite alors que la loi prévoit9 qu' il se réunit sous la présidence du ministre chargé de la santé « immédiatement en cas de crise sanitaire ».

Le dispositif interministériel de gestion des crises (COGIC) ne s'est senti concerné par la situation que le lundi 11 août « suite au cri d'alarme lancé, la veille, par les urgentistes de Paris » parce que « il n'y avait pas, pour la sécurité civile, de saturation ». On peut se demander si le fait que les informations relatives aux interventions des pompiers de Paris ne semblent pas être bien remontées n'a pas été un obstacle au déclenchement de la procédure interministérielle.

3. Les services sanitaires se sont rapidement mobilisés

Les premiers cas de décès liés à la canicule ont été connus de la DGS et de 1'InVS le mercredi 6 août. L'alerte météo est survenue le jeudi 7 août. C'est aussi ce jour là que les urgentistes de Paris (dont le Docteur Pelloux) se manifestent auprès de la DHOS. L'AP-HP prendra diverses dispositions (réouverture de lits, report d'interventions non urgentes...) dès le vendredi 8 août afin de faire face à cette situation exceptionnelle10 et la DGS publiera le même jour un communiqué rappelant des recommandations sanitaires en cas de forte chaleur. La DHOS mettra par ailleurs en place le lundi 11 août en son sein une cellule nationale de crise, procédure assez exceptionnelle, afin d'être en relation permanente avec les ARH et les établissements de san confirmé cette présence. Lors de son audition devant la mission, Monsieur Abenhaïm nous a indiqué que la personne qui était chargée d'assurer au cabinet le suivi des questions de santé publique est passée le matin du lundi 11 août mais que Madame la directrice adjointe du cabinet lui a indiqué que rien ne justifiait qu'elle reste toute la journée. Ainsi toute la journée du lundi 11 semble11 avoir été gérée par le cabinet du ministre de la santé sans la présence de conseiller technique spécialiste de santé publique, alors qu'à la suite des températures très élevées dans la nuit du dimanche au lundi, le lundi 11 août marque une étape nouvelle dans la gravité de la situation. Ce dysfonctionnement est sans doute à l'origine de l'erreur de communication du ministre de la santé lors de son interview télévisée du lundi soir.

Cette erreur ainsi que la persistance pendant plusieurs jours de certains membres du gouvernement à considérer que les témoignages des urgentistes ou que les questions posées n'étaient que « polémique » ou « politique politicienne » n'ont pas permis de passer les messages qui s'imposaient et de prendre au niveau adéquat les décisions qui auraient éventuellement pu, au début de cette deuxième semaine d'août, limiter les effets de cette canicule. Elle n'a pas permis une communication gouvernementale suffisamment rapide et forte qui aurait sans doute mieux mobilisé l'ensemble des acteurs concernés par la prise en charge des personnes fragiles et particulièrement des personnes âgées. Il faut, à cet égard, particulièrement regretter le silence total du ministre des affaires sociales pendant cette période alors qu'il assure la tutelle du secrétariat aux personnes âgées.

5. Cette crise a révélé de grands besoins concernant la prise en charge des personnes âgées

Cette crise a sans doute mis en évidence l'insuffisante place qui est faite dans notre société aux personnes âgées. On peut s'interroger pour savoir si notre collectivité aurait eu la même attitude au cours de ces évènements si, par exemple, des enfants en avaient été les victimes ?

Dans l'état actuel, rien ne permet de culpabiliser les familles. La présidente de l'association française de gérontologie a elle-même souligné l'implication et le dévouement de la plupart d'entre elles.

Certes la solidarité à l'égard de nos anciens doit se manifester dans nos gestes quotidiens et dans l'attention permanente que l'on porte à nos proches. Le fait que des personnes décédées soient restées plusieurs jours sans que des proches se manifestent ne manque pas de nous interpeller. Mais on ne peut aussi passer sous silence les retards de notre pays concernant la prise en charge des personnes âgées. Afin de commencer à rattraper ce retard, le gouvernement précédent avait mis en place une politique ambitieuse qui a été stoppée ou réduite en 2003 : plan de médicalisation des maisons de retra que des mesures soient envisagées concernant l'organisation de l'ensemble de notre système de soins.

La tension qui s'est manifestée dans les services d'urgence ne doit pas nous amener à nous tromper sur le diagnostic. Cette tension est un symptôme d'un dysfonctionnement de notre système de santé, elle n'en n'est pas la cause. C'est parce que la prise en charge des personnes fragiles n'a pas bien fonctionné en amont que ces personnes se sont retrouvées dans les services d'urgence, et c'est parce que les hôpitaux n'avaient pas immédiatement des lits en aval qu'ils y sont parfois restés anormalement longtemps. Il ne s'agit pas uniquement d'améliorer la permanence des soins13. Ce constat nous oblige à travailler sur l'organisation des soins ambulatoires en réseaux, sur l'organisation de nos hôpitaux qui manquent autant de capacité d'adaptation dans leur gestion que de moyens financiers, et à développer la recherche dans le secteur des personnes fragiles (personnes âgées, handicapés, malades mentaux).

Cette crise nous oblige à améliorer notre dispositif de vigilance, d'alerte et de gestion de crise. Les services chargés de ces missions sont relativement récents. Ils ont besoin d'être consolidés dans les moyens et les procédures plutôt que d'être remis en cause au profit de quelque chose d'autre qu'il faudrait complètement réinventer.

En conclusion, nous voulons redire notre insatisfaction de n'avoir pas pu, compte tenu des délais de fonctionnement de la mission d'information, approfondir suffisamment les conditions dans lesquelles a été gérée cette crise sanitaire. Nous souhaitons que la commission d'enquête nous permette de réellement faire la transparence sur les responsabilités personnelles et collectives. Dans l'immédiat, l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale nous amènera à insister notamment pour que soient rétablis les financements nécessaires à la médicalisation des maisons de retraite et le retour à un meilleur dispositif d'accès à l'APA.

CONTRIBUTION PRÉSENTÉE PAR M. CLAUDE LETEURTRE, MEMBRE DE LA MISSION APPARTENANT AU GROUPE UDF

Le rôle de cette mission d'information est par définition limité, sa vocation étant le constat.

Elle n'a donc eu ni le temps de travail, ni les moyens d'une commission d'enquête parlementaire qui est apparue indispensable à tous.

Dans ces conditions, il ne nous semble pas légitime de chercher à formuler des critiques à l'égard de telle structure, de tel organisme, ou de tel dirigeant.

Seule la relation factuelle des évènements avec leur chronologie nous est autorisée en mettant en évidence les points forts et les défaillances constatées : on ne peut en effet s'ériger en juge d'un tel drame avant d'avoir eu tous les éléments, et tout spécialement les données statistiques.

- nombre exact des décès en termes de surmortalité liée à la canicule,

- et surtout spécifiquement où sont-ils survenus, en établissements privés ou publics, à domicile, ...

- état de dépendance ou non des personnes recensées, ...

Cette rigueur scientifique est fondamentale et indispensable pour alimenter le devoir de vérité.

Absence d'anticipation et incrédulité

Il n'y a pas eu d'anticipation d'une telle situation et la question fondamentale reste : pourquoi l'InVS (Institut national de Veille Sanitaire) n'a-t-il pas anticipé un tel scénario météorologique alors que les travaux des Professeurs San Marco et Besancenot sont connus. De plus, les crises de Marseille en 1983 - dont on a tiré les conséquences - d'Athènes en 1987 et de Chicago en 1995, étaient bien identifiées.

On peut s'interroger également sur l'incrédulité générale devant l'ampleur, la durée et la rigueur du phénomène météorologique. Sans oublier que s'il est admis que les prévisions météorologiques sont définitivement fiables à trois jours habituellement, en période d'été, lorsqu'un anticyclone est installé sur l'Europe, les prévisions sont globalement établies pour 10 jours.

L'explication de cette incrédulité ne réside-t-elle pas dans le fait que la France est complètement endormie voire arrêtée pendant 1 5 jours au mois d'août, notamment la France administrative, voire politique ?

A l'opposé, sur le terrain

Les professionnels ont dû et ont voulu faire face à leurs obligations :

Dans le domaine sanitaire :

Au niveau des établissements hospitaliers, il faut souligner le travail fait dans les services d'urgence dont l'honneur a été d'assumer.

La difficulté a été de dégager suffisamment de lits d'aval disponibles (problèmes chroniques bien identifiés).

Des solutions d'organisation s'imposent à l'évidence et sans surcoût par le dégagement de lits de médecine polyvalente où trouveront leurs places urgentistes et gériatres notamment, ce ne serait que juste reconnaissance pour ces professionnels.

En dehors des établissements, il faut préciser que SOS Médecin affirme avoir fait face sans défaillance aux vacances des médecins généralistes 'Arial'; font-size: 10pt">A domicile, on retrouve là tout le drame de la solitude, de l'isolement. Une place pour le bénévolat, qui amène tant de chaleur humaine, doit être trouvée.

Bien entendu, le rôle de l'APA doit être mis en avant dans un but d'évaluation et de préconisation.

Absence de coordination :

Ce qui frappe, c'est l'absence de coordination entre le sanitaire et le médico-social. Certains praticiens du terrain demandent le droit à une « ordonnance sociale » - prescription d'heures d'aide ménagère par le médecin traitant - ce qui aurait été parfois suffisante pour éviter le drame.

Il s'impose à l'évidence la nécessité d'une coordination à l'échelon local, CLIC ou structure équivalente.

A l'échelon régional, il faut poser la question du regroupement des fonctions médico-sociales sous l'autorité d'une ARH qui deviendrait une vraie ARS.

Conclusions :

Ce qui aurait pu être un si bel été est devenu un été meurtrier.

La mission d'information a voulu en mesurer l'importance et analyser les causes.

Des éléments forts s'en dégagent :

- incrédulité devant l'importance du phénomène ;

- absence totale d'anticipation par des organismes dont c'était la mission ;

- une France centralisée qui arrête de fonctionner pendant une bonne partie du mois d'août ;

- a contrario, des professionnels sur le terrain qui ont assumé leurs missions et leurs charges ;

- l'absence de coordination entre le sanitaire et le médico-social ;

- la cruauté d'un drame touchant les plus fragilisés d'entre nous et qui est sans précédent depuis 60 ans.

Il reste maintenant à corriger rapidement les dysfonctionnements pointés car ils sont bien identifiés, pas nouveaux et ce n'est pas uniquement un problème de moyens. Cela aurait dû être le rôle essentiel de la mission d'information.

CONTRIBUTION PRÉSENTÉE PAR M. MAXIME GREMETZ, MEMBRE DE LA MISSION APPARTENANT AU GROUPE DES DEPUTE-E-S COMMUNISTES ET RÉPUBLICAINS

Cette mission parlementaire, ses travaux traités dans le temps, m'ont confirmé du bien fo au coeur du dispositif d'alerte et de gestion des crises.

Les auditions réalisées, les documents remis, y compris les annexes non publiées du rapport de la mission Lalande désigné par le Ministre de la Santé, nous ont beaucoup appris en données précises sur le déroulement du drame sanitaire et social que notre pays a vécu, sur les aspects les plus criants qu'il a révélé. Mais il ne nous met pas en mesure de connaître la réalité sur bien des aspects et encore moins des enseignements définitifs nous permettant de faire des propositions concrètes, pensées et réfléchies.

C'est pourquoi, il convient d'être modeste et d'approfondir sérieusement notre connaissance, entendre toutes les propositions et suggestions, que seule la réflexion collective de tous ceux qui veulent voir notre système de santé publique, répondre aux défis humains de notre temps.

Cela doit être à mon sens la lourde tâche que doit réaliser la commission d'enquête parlementaire.

Remarques sur le rapport

Je ne conteste ni l'honnêteté, ni la qualité du rapporteur, mais deux éléments fondamentaux n'empêchent de l'approuver.

Sur la base des auditions de tous les documents (sauf celui du Général des pompiers que nous n'avons toujours pas).

Je tiens à exprimer deux désaccords majeurs :

1°/ Ce rapport minimise la responsabilité du gouvernement et des ministres principalement concernés. Le Ministre de l'Intérieur, de la santé et des personnes âgées, et du gouvernement dans son ensemble.

Or à l'écoute et à la lecture des documents y compris des annexes non publiées, contrairement à ce qui a été dit par le rapport Lalande, repris par celui de la mission, au-delà d'insuffisantes collaborations étroites et d'informations réciproques efficaces, les Cabinets des Ministres de l'Intérieur, de la Santé et de la Solidarité, ont été alertés dès le 8 août, du risque de ce drame sanitaire qui s'est concrétisé les 9, 10 et 11 août.

Le rapport Lalande a choisi comme bouc émissaire les hauts responsables de santé.

Le rapport « Jacquat » élève la responsabilité au niveau des Cabinets des Ministres. Mais comment le Ministre de l'Intérieur qui a toutes les données ne provoque t-il pas dès le 8 août une réunion interministérielle pour alerter solennellement et mettre en place une cellule de crise avec le Ministre de la Santé, avec l'ensemble du gouvernement, coordonner tous les services, prendre les mesures d'urgence qui s'imposaient.

Sans esprit polémiq à apporter à notre système de santé, de re-disposition des moyens existants.

Mais l'écoute attentive des responsables que nous avons entendus, les observations écrites, attestent que ce drame a révélé la situation explosive existante depuis plusieurs années dans les hôpitaux, les urgences, les maisons de retraites, explosive par le manque de moyens humains et de personnes reconnues et rémunérées décemment, a atteint le seuil de rupture.

C'est un constat unanime que le rapporteur ne met pas comme élément prioritaire pour une santé et un accueil digne des personnes âgées.

Telles sont les raisons pour lesquelles je ne peux approuver ce rapport. Quand aux pistes de recommandations, elles ont le mérite de susciter la réflexion, mais souffrent du même défaut majeur que le rapport : Elles ne vont pas au coeur de la problématique, en l'occurrence, le système le mieux élaboré ne sera efficace que si on met les femmes et les hommes pour le faire fonctionner.

C'est un choix de société et de civilisation qu'il faut que notre pays soit capable d'assumer.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné le rapport d'information présenté par M. Denis Jacquat sur la crise sanitaire et sociale déclenchée par la canicule au cours de sa séance du 24 septembre 2003.

Le président Jean-Michel Dubernard, a relevé la qualité des travaux de la mission d'information dont les conclusions éclaireront les débats sur le projet de loi de santé publique et le projet de loi de financement de la sécurité sociale et ne sont en rien contradictoires avec la création d'une commission d'enquête.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. Claude Evin a rappelé que la mission d'information mise en place par la commission a été voulue par son président et les membres de la majorité au prétexte de préparer l'examen de la loi relative à la politique de santé publique et de la loi de financement de la sécurité sociale. Ce n'était pas la bonne démarche Les députés socialistes regrettent qu'il n'ait pas été possible de commencer dès le mois de septembre un véritable travail d'investigation dans le cadre d'une commission d'enquête. Une réelle volonté de faire rapidement la lumière sur les conditions dans lesquelles s'est déroulée cette crise sanitaire aurait pu justifier la réunion d'une session extraordinaire afin de mettre en place cette commission d'enquête.

Il résulte de cette situation une très grande insatisfaction des députés socialistes tenant à l'impossibilité d'aborder au fond les questions qui se posent autour de cette cr font-size: 10pt">Outre les dysfonctionnements constatés dans les systèmes d'alerte, cette crise est symptomatique du dysfonctionnement de notre système de santé, notamment dans la prise en charge de la dépendance. Cette crise a également mis en évidence le problème sociétal plus vaste de la place de nos aînés. Elle a montré l'obligation pour tous d'intégrer les personnes âgées dans la société et non de les isoler. La poursuite du dispositif de prise en charge de la dépendance, mis en place par le gouvernement de Lionel Jospin et gelé en 2003, n'aurait sans doute pas permis d'éviter cette crise sanitaire mais en aurait très certainement limité les effets.

Sur le terrain, tant dans la sphère privée que dans les organisations sanitaires et sociales, la mobilisation semble avoir été à la hauteur du drame qui se déroulait. La participation des autres acteurs et notamment de la médecine libérale (médecins et infirmiers) mérite également d'être soulignée. Il y a effectivement eu un cloisonnement important au sein des différents ministères chargés de la gestion de cette crise, mais également entre ces différents ministères, qui n'a pas permis de déclencher l'alerte suffisamment tôt.

Il y a eu une absence totale d'anticipation des effets de la canicule sur la santé. Il faut, à ce stade, relever la confusion parfois opérée dans le rapport entre anticipation, d'une part, et veille, alerte et gestion du risque, d'autre part. Ce n'est pas à l'InVS de définir la politique de santé publique et de diriger la gestion des crises.

A l'exception de quelques travaux très isolés, il n'existe pas de réflexion spécifiquement française sur ce sujet. Ce point est important : il faut par exemple rappeler que les températures atteintes en France au cours de cette période sont restées en deçà des niveaux d'alerte tels que mis en oeuvre aux Etats-Unis.

Le système de veille, d'alerte et de gestion du risque sanitaire n'est pas suffisamment fiable. La culture scientifique française est insuffisante pour expliquer un temps de latence dans la réaction des pouvoirs publics. On ne peut pour autant se satisfaire de cette explication et considérer que le système de veille, d'alerte et de gestion de crise a bien fonctionné. Certes, les premiers signes ne sont pas apparus d'un coup mais par des remontées sur des situations anormales (décès avec hyperthermie, augmentation du nombre d'interventions des pompiers, suractivité des urgences...). L'absence de centralisation, voire la rétention de ces informations, n'a pas permis d'identifier cependant au plus haut niveau de l'administration la survenance progressive d'une situation qui allait se révéler catastrophique. Il faut rappeler que l'InVS n'a pas été destinataire de l'ensemble des informations en la possession des divers services concernés.

Il faut noter que le Comité national de sécurité sanitaire ne s'est pas non plus réuni, ni au moment de déclenchement de la crise, ni ensuite alors que la loi prévoit qu'il se réunit sous la présidence du ministre chargé de la santé «  mobilisation des administrations mais il a totalement passé sous silence la non-réaction des ministres eux-mêmes. Ceux-ci ne semblent pas avoir perçu à temps la gravité de la crise. Les responsabilités n'incombent donc pas seulement aux administrations. De plus, la mission d'information a eu connaissance des rapports décrivant les actions menées par l'InVS, la DHOS et la DGS mais n'a rien obtenu d'équivalent pour ce qui concerne la façon dont le cabinet du ministre de la santé a géré la crise. On sait, par exemple, qu'il n'y avait pas, le 11 août, de spécialiste des questions de santé publique au cabinet du ministre, alors qu'à la suite des températures très élevées dans la nuit du dimanche au lundi, cette journée marque une étape nouvelle dans l'aggravation de la situation. Ce dysfonctionnement est sans doute à l'origine de l'erreur de communication du ministre de la santé lors de son interview télévisée du lundi soir.

Pourquoi ne pas avoir simplement reconnu les erreurs ? La persistance pendant plusieurs jours de certains membres du gouvernement à considérer que les témoignages des urgentistes ou que les questions posées n'étaient que « polémiques » ou « politiciennes » n'ont pas permis de passer les messages qui s'imposaient et de prendre au niveau adéquat les décisions qui auraient éventuellement pu, au début de cette deuxième semaine d'août, limiter les effets de la canicule. Elle n'a pas permis une communication gouvernementale suffisamment rapide et forte qui aurait sans doute mieux mobilisé l'ensemble des acteurs concernés par la prise en charge des personnes fragiles et particulièrement des personnes âgées. Il faut, à cet égard, particulièrement regretter le silence total du ministre des affaires sociales pendant cette période alors qu'il assure la tutelle du secrétariat d'État aux personnes âgées en vertu d'un découpage de l'action gouvernementale discutable.

Enfin, cette crise a sans doute mis en évidence l'insuffisante place faite aux personnes âgées dans notre société et révélé les retards de notre pays concernant leur prise en charge. Afin de commencer à rattraper ce retard, le gouvernement précédent avait mis en place une politique ambitieuse qui a été stoppée ou réduite en 2003 : plan de médicalisation des maisons de retraites, remise en cause des critères d'attribution de l'APA, plan de soutien à la gériatrie dans les hôpitaux et aux personnes souffrant de la maladie d'Alzheimer ainsi qu'à leurs familles... Le fait que certains établissements pour personnes âgées aient du envoyer aux urgences les personnes les plus fragiles est le révélateur de cette insuffisance de moyens d'encadrement dans les établissements sociaux et médico-sociaux.

Cette crise appelle donc des mesures à des niveaux divers. Outre l'attention particulière à porter à la prise en charge des personnes âgées, des mesures doivent être envisagées concernant l'organisation de l'ensemble de notre système de soins. La tension qui s'est manifestée dans les services d'urgence est un symptôme du dysfonctionnement de notre système de santé, elle n'en est pas la cause. C'est parce que la p transparence sur les responsabilités personnelles et collectives. Dans l'immédiat, l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale permettra de présenter des amendements pour rétablir les financements nécessaires à la médicalisation des maisons de retraite et un meilleur accès à l'APA.

Tout en reconnaissant que les travaux de la mission d'information se sont bien déroulés, que les commissaires ont pu exercer leur liberté de parole et disposer de beaucoup de documentation, Mme Catherine Génisson a cependant contesté son principe même. Organisées dans l'urgence, les auditions ont été trop rapides, incomplètes et n'ont pas permis d'approfondir un certain nombre de points, comme notamment le rôle des pompiers de Paris. Elles ont en revanche confirmé la réalité de l'engagement de tous les acteurs de terrain, ainsi que des familles qu'il n'y a pas lieu de culpabiliser.

La crise de cet été est le symptôme d'un dramatique dysfonctionnement sanitaire et met en évidence les graves conséquences du coup d'arrêt donné par le gouvernement à la politique de prise en charge des personnes âgées lancée par la précédente majorité. Par ailleurs, tout le monde a pu constater le dysfonctionnement des pouvoirs publics. On ne pourra pas, sur ce sujet, se contenter des analyses partielles et imprécises du rapport d'information qui est présenté aujourd'hui, alors que la mission n'a pas pu disposer de toutes les informations sur la crise de cet été, notamment sur ses conséquences réelles en termes de mortalité et de morbidité. Le travail de la mission d'information n'a pu être que partiel et précipité. Il aurait donc été plus raisonnable d'attendre la commission d'enquête pour formuler des propositions, qui en l'état, sont de niveaux extrêmement différents, semblent peu expertisés et constituent un subterfuge.

Le président Jean-Michel Dubernard a regretté que les commissaires socialistes contestent maintenant le principe de la création de cette mission d'information, alors que leur groupe n'était pas représenté à la réunion du bureau de la commission qui s'est tenu le 26 août sur ce sujet.

Mme Catherine Génisson a expliqué que, la convocation ayant été envoyée au tout dernier moment, elle n'avait pas pu se décharger de sa garde hospitalière.

M. Bernard Accoyer a regretté que les commissaires socialistes contestent l'utilité de la mission d'information du fait de la rapidité de ses travaux. Il est du devoir des députés de savoir parfois travailler dans l'urgence.

M. Maxime Gremetz a observé que le rapporteur a présenté son rapport et ses conclusions aux membres de la mission hier à 18 h 30, ce qui leur a laissé peu de temps pour en prendre connaissance et pouvoir y réagir. La mission a travaillé pendant un temps très court à un rythme très rapide. Elle a procédé à de très nombreuses auditions mais, curieusement, pas à celle du ministre de l size: 10pt">Si la mission a pu entendre les principaux responsables des administrations concernées, certains documents n'ont jamais été fournis. En particulier, les sapeurs pompiers de Paris n'ont pas fourni à la mission les chiffres relatifs à leurs interventions et au nombre de décès qu'ils ont pu constater. Malgré les auditions réalisées et les nombreux documents fournis, les députés ne sont donc toujours pas en mesure de connaître tous les aspects de la réalité et encore moins les enseignements définitifs susceptibles de permettre de dégager des propositions concrètes et réfléchies. De même, il n'est pas acceptable que la mission n'ait pas pu entendre le ministre de l'intérieur, pourtant placé au cœur du dispositif d'alerte et de gestion des crises. C'est pourquoi il convient de rester modeste et de poursuivre les travaux. A cet égard, la commission d'enquête demeure l'instrument approprié.

Pour ce qui concerne le rapport de la mission d'information et ses conclusions, ils tendent à minimiser la responsabilité du gouvernement et des ministres concernés. En effet, les cabinets des ministres de l'intérieur, de la santé et de la solidarité ont été alertés dès le 8 août. Dans ces conditions, il est incompréhensible que le ministre de l'intérieur n'ait pas, dès le 8 août, organisé l'indispensable coordination interministérielle ni pris de mesures particulières. Cette situation a conduit les divers services concernés à fonctionner sans directives. Cette carence révèle l'incurie du gouvernement. De fait, comme l'ont souligné nombre des personnes entendues par la mission, tout aurait été différent si deux jours avaient pu être gagnés dans le déclenchement des actions à conduire.

Le rapport de la mission conduite par Mme Lalande a choisi de désigner comme boucs émissaires les hauts responsables de santé relevant de la DGS et la DGAS. Pour sa part, le rapport de M. Denis Jacquat élève la responsabilité au niveau du cabinet des ministres. Ce n'est pas encore à ce niveau qu'est la responsabilité.

Le rapport de la mission d'information parle abondamment d'organisation nouvelle, de dispositifs plus opérants à mettre en place, d'améliorations sensibles à apporter à notre système de santé ainsi que de redéploiement de moyens. Cependant, les propos tenus par les responsables entendus par la mission attestent que le drame a révélé l'existence d'une situation explosive existant depuis plusieurs années dans les hôpitaux, les services d'urgences et les maisons de retraite. Il est impératif de doter les services d'accueil de personnes âgées des moyens humains nécessaires. A cet égard, il est étonnant que le rapport n'identifie pas cet élément comme prioritaire.

Dans ces conditions, il n'est pas possible d'approuver le contenu du rapport. Pour ce qui concerne les recommandations que celui-ci contient, elles souffrent du même défaut : elles ne vont pas au cœur de la problématique.

Après avoir reconnu le contexte difficile dans lequel se sont dé des précédents. Une telle situation révèle l'impérieuse nécessité de la mise en place d'un système d'alerte en temps réel fiable.

D'autres questions sont soulevées : celle de l'organisation hospitalière, avec le problème de la médecine polyvalente, qui doit pouvoir intégrer les médecins généralistes ; celle du secteur médico-social, qui a fait face à la crise de façon inégale. En tout état de cause, c'est le manque de coordination entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social qui est le plus remarquable. A cet égard, il serait souhaitable que les ARH prennent en charge la gestion du domaine social. Il faut donc prolonger les travaux de la mission d'information dans le cadre d'une commission d'enquête.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler a tout d'abord insisté sur l'absence totale d'anticipation des pouvoirs publics et s'est interrogée sur les causes de cette carence. Pourtant, les risques liés à la chaleur pour les personnes âgées étaient connus, puisqu'une circulaire du secrétaire d'État aux personnes âgées datée de 2002 y est consacrée. Elle a ensuite fait les réflexions suivantes :

- Il est clair que les cabinets ministériels ont connu un certain nombre de dysfonctionnements.

- Il est faux de dire, comme le fait le gouvernement, que la cause de ce drame réside dans une crise de la société française car sur le terrain la mobilisation a été exemplaire. La véritable question est de savoir pourquoi il n'y a pas eu d'alerte et de mobilisation générales ; il a manqué un plan de communication national.

- Le rapport ne laisse pas suffisamment apparaître le problème fondamental de la séparation entre les secteurs sanitaire et social, qui est à l'origine de nombreux dysfonctionnements, y compris sur le terrain.

- Il est regrettable que le plan en faveur des maisons de retraite, qui a été voté dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, ait été suspendu car la mise en place de moyens en personnel dans ces établissements est particulièrement nécessaire.

- Le temps imparti à cette mission d'information était à l'évidence trop court, mais ses travaux doivent orienter ceux de la future commission d'enquête vers la prise en compte du vieillissement de la population.

M. Jean-Marie Le Guen s'est félicité que les travaux de la mission d'information participent d'une prise de conscience de la gravité d'un sujet qui suscite des attentes parmi les citoyens et ne peut être exempt de conséquences politiques. Dans cette perspective, le rapport de la mission d'information, qui ne satisfait pas le groupe socialiste, témoigne tout au moins de la prise en compte de l'intérêt général et de l'acuité de la question.

M.&# d'autres dispositifs non financés par le précédent gouvernement. Au surplus la mobilisation dans ces établissements prouve que ce ne sont pas tant les moyens qui ont fait défaut que les informations.

- Il n'y a pas eu de communication en temps réel sur l'évolution de la mortalité, ni au plan national ni de manière locale.

M. Georges Colombier a souligné que la mission d'information a le mérite d'exister et que sa durée limitée explique son caractère non exhaustif. Il convient de rappeler que la réforme de l'APA votée au mois de mars a pour objet d'assurer le financement de cette allocation pour l'année 2003. Au-delà de cette réforme, le financement de la dépendance et sa pérennité nécessitent un débat au Parlement. En tout état de cause l'analyse de la crise sanitaire liée à la canicule requiert de l'humilité de la part de tous les groupes politiques car les causes ne sont pas d'apparition récente.

M. Jean-Marie Rolland a souligné que la crise de l'été 2003 a surtout mis en lumière un problème de société, le regard porté sur le vieillissement. Il existe un autre aspect : le rôle des médias, qui a été critiqué par les intervenants devant la mission.

M. Jacques Domergue a rappelé que la crise de cet été a fait l'objet d'une mauvaise appréciation à tous les niveaux. Il est nécessaire de se garder de jugements a posteriori et de conserver à l'esprit qu'un gain de 48 heures n'était pas de nature à éviter le drame. Il est tout aussi souhaitable d'éviter les excès et les jugements corporatistes, car la crise est avant tout sociale, plutôt que sanitaire. Il est évident qu'en ce qui concerne l'hôpital, l'essentiel des moyens sont affectés aujourd'hui aux urgences aux dépens des autres services ; il n'est pas possible de réclamer toujours plus de moyens en personnel.

M. Dominique Paillé a tout d'abord salué le travail remarquable accompli par le président de la mission d'information, dans un large esprit d'ouverture et de tolérance, qui a permis d'éclaircir les conditions de la crise sanitaire de cet été.

Les conclusions du rapport appellent les trois observations suivantes :

- Une grande humilité est tout d'abord nécessaire, dans la mesure où les travaux de la mission d'information se sont déroulés sur cinq jours d'auditions et dix journées de travail. Il n'a donc pas été possible d'embrasser tous les aspects de cette question. C'est pourquoi les recommandations de la mission d'information doivent être davantage considérées comme des orientations que comme des propositions à mette en œuvre immédiatement.

- En second lieu, il convient d'éviter tout esprit polémique sur cette question, puisque les dysfonctionnements constatés par la mission d'information ne datent pas d'aujourd'hu membre de la mission d'information, il a pu, à travers l'organisation de tables rondes au niveau local, mesurer la gravité de la crise sanitaire liée à la canicule. A cet égard, la proposition de mise en place de plans locaux de solidarité constitue une avancée importante, dans la mesure où il est nécessaire de mieux associer les élus locaux, et en particulier les maires. Il s'agit là d'une mesure simple à mettre en œuvre et qui permettrait de responsabiliser davantage les élus, les professionnels de la santé et les associations de soins à domicile. Tout ne peut reposer sur l'accumulation de moyens.

Mme Henriette Martinez a tout d'abord indiqué que, pour des raisons familiales, elle s'est rendue pendant plusieurs semaines dans des cliniques et des établissements d'hospitalisation de long séjour au cours de l'été et qu'elle n'a pas constaté de situation exceptionnelle, mais la présence, au contraire, d'un personnel dévoué et compétent. Il est vrai cependant que, dans le Midi, les établissements de santé sont plus habitués à gérer de tels phénomènes.

Il serait par ailleurs souhaitable que les travaux de la commission d'enquête ne se limitent pas à la canicule et portent sur les variations climatiques en général. En effet, on a pu observer, à chaque hiver rigoureux, des augmentations des décès de personnes âgées, en particulier dans les Hautes-Alpes.

Le président Jean-Michel Dubernard a précisé que la proposition de résolution déposée par M. Jacques Barrot prévoit déjà que les travaux de la commission d'enquête portent sur les conséquences de l'ensemble des variations climatiques.

Rejoignant les propos tenus par Mme Paulette Guinchard-Kunstler, M. Jean-Luc Préel a souligné que la crise a révélé des problèmes de société majeurs concernant la prise en charge des personnes âgées. Toutefois, il serait abusif d'en attribuer la seule responsabilité aux familles, qui se sont réellement mobilisées. Nous sommes tous responsables de cette situation, car nous n'avons pas fait tout ce qu'il était possible de faire. Par exemple, des bulletins d'informations ont été régulièrement diffusés à la radio concernant la protection contre le mélanome, mais pas sur les mesures de prévention concrètes à prendre contre l'hyperthermie.

S'il est vrai qu'il ne s'agit pas uniquement d'un problème de moyens humains et financiers, il reste que les maisons de retraite ont rencontré de graves difficultés, dues notamment à un manque de formation, de personnel et de coordination. Il en est de même pour les urgences hospitalières qui, pour beaucoup, fonctionnent en flux tendus, en raison d'une insuffisance de lits, en particulier en gériatrie.

Approuvant les propos tenus par M. Jean-Luc Préel, Mme Catherine Génisson a souligné la nécessité de renforcer le personnel des maisons de retraite, qui doivent également être mieux organisées. Toutefois, il est égalemen peuvent en effet être portées. Or, cette analyse n'a pas été possible en raison des brefs délais impartis à la mission, mais également du choix des personnes auditionnées.

Outre les problèmes concernant les maisons de retraite et les hôpitaux, l'organisation de l'Etat doit également être repensée, et c'est précisément l'objet du projet de loi relatif à la politique de santé publique. On ne saurait en effet confondre, comme c'est le cas actuellement, la décentralisation des actions en matière de santé et la nécessaire centralisation des informations dans ce domaine.

Il est donc regrettable que le rapport d'information n'ait pu qu'imparfaitement remplir son rôle de préparation de la commission d'enquête, dont les travaux ne doivent pas porter uniquement sur les dysfonctionnements, mais sur une analyse objective de la crise sanitaire, afin de prendre en compte la diversité des situations.

Mme Jacqueline Fraysse a souligné que, face à cette catastrophe, il ne s'agit pas de se lancer des invectives, mais qu'il convient effectivement d'en rechercher les causes et les conditions de façon objective, afin d'éviter qu'elle ne se reproduise. Comme l'a souligné M. Jean-Luc Préel, il est également nécessaire de renforcer le personnel dans les maisons de retraite, dans la mesure où des gestes très simples auraient pu permettre d'éviter de nombreux décès. La France a connu une situation exceptionnelle ; il ne s'agit donc pas de critiquer le fait que tout n'était pas prévu, mais de souligner la nécessité d'une organisation plus efficace dans ces situations. Enfin, la création de postes dans les urgences, obtenue à l'issue des mouvements sociaux conduits avant l'été, a sans doute permis d'éviter que la crise ne soit plus grave encore.

M. Claude Evin a formulé les remarques suivantes :

- Il est important de comprendre l'ensemble des processus pour savoir où il y a eu des dysfonctionnements et proposer des modifications. Il est ainsi un peu facile de pointer la seule responsabilité de l'Institut de veille sanitaire alors qu'il y a bien d'autres services, voire des responsables politiques, qui se sont mobilisés mollement pendant la crise.

- Il faut éviter de dire que la crise était évitable ou prévisible car les événements se sont déroulés de manière très compliquée. Il importe donc d'abord de décortiquer l'ensemble des modes de fonctionnement, lesquels dépendent de situations très différentes d'une région à l'autre, voire au sein d'une même région.

M. Gérard Bapt a formulé les observations suivantes :

- Quand on étudie la situation des urgences cet été dans la région de Toulouse, on constate qu'il y a eu des problèmes d'admission aux urgences à l'hôpital de Toulouse, mais pas dans les hôpitaux locaux de la région. D'ailleurs, l' généraliser le système Sentinelle mis en place avec les médecins généralistes libéraux, qui ne fonctionne actuellement que pour la grippe en hiver, et pourrait être étendu aux gériatres et fonctionner toute l'année.

- Alors qu'on peut approuver la vingt-septième proposition du rapporteur concernant les personnels des services d'aide à domicile, il faut regretter la décision de M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, qui a retiré l'agrément d'un accord de branche des auxiliaires de vie leur accordant un certain nombre de revalorisations, par un arrêté publié au Journal officiel du 9 août.

En réponse aux intervenants, M. Denis Jacquat, président de la mission, a rappelé que le bureau de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a décidé à la fin du mois d'août la création de cette mission afin de faire le point rapidement sur la situation, car une commission d'enquête ne pouvait pas être créée, le Parlement n'étant alors pas en session, et qu'elle ne rendrait ses travaux qu'au terme de six mois. La mission s'est cependant heurtée au manque de données épidémiologiques. Pour autant, il ne faut pas considérer le drame qu'a connu la France cet été, avec des pics de surmortalité, dans un esprit polémique, mais il faut au contraire être constructif, en allant à la recherche des causes et en proposant des pistes pour mieux anticiper de telles crises par un véritable système d'alerte. Par exemple, Météo France a mis en place un dispositif d'alerte « grands froids », mais pas de dispositif symétrique « canicule ».

Le président Jean-Michel Dubernard a estimé que la qualité des interventions des nombreux orateurs souligne la pertinence de la décision de créer une mission d'information.

*

La commission a décidé le dépôt, en application de l'article 145 du Règlement, du rapport d'information en vue de sa publication.

N° 1091 - Rapport d'information sur la crise sanitaire et sociale déclenchée parla canicule (M. Denis Jacquat)

1 Cf. intervention précitée de M. Jean-Pierre Besancenot au colloque « météorologie et santé » du 21 mars 2002, organisé par le conseil supérieur de la météorologie.

2 Articles L. 1413-2 et suivants du code de la santé publique.

3 Loi du 9 mai 2001 ayant inséré dans le code de la santé publique les articles L. 1335-3-1 et suivants.

6 Si elle est avérée, comme cela semble relaté dans le rapport du général Debarnot responsable de la Brigade des sapeurs pompiers de Paris dont la mission n'a pas eu connaissance, que des consignes tendant à taire les chiffres relatifs aux interventions des pompiers et au nombre de morts constatées auraient été données par le cabinet du Préfet de police le vendredi 8 août.

7 Art. L. 1413- du code de la santé publique.

8 L'InVS s'est mobilisé dès le vendredi 8 août pour mettre en place un système d'enquête de recueil des données. Il faut noter, par exemple, que le mardi 12 août, il est nécessaire que la DGS intervienne auprès du cabinet du ministre de l'intérieur pour que les pompiers de Paris fournissent leurs données statistiques, ceux-ci n'acceptant pas jusqu'alors de le faire sans l'accord de la préfecture de police.

9 Art. L. 1413-l du code de la santé publique.

10 La directrice de 1'AP-HP écourte ses vacances et revient sur Paris le dimanche 10 août.

11 La mission n'ayant pas entendu les responsables du cabinet du ministre, ni n'ayant obtenu de note relatant l'activité du cabinet sur cette période, il ne lui a pas été possible de vérifier cette information fournie lors de ses auditions.

12 Le seul blocage de 103 millions d'Euros pour la médicalisation des maisons de retraite en 2003 a empêché ces établissements de recruter 5000 personnes qui auraient pu apporter les soins de base nécessaires.

13 Malheureusement, les décrets du 15 septembre 2003 (JO du 16 sept.) relatifs à l'organisation de la permanence des soins et modifiant l'article 77 du code de déontologie médicale risque bien de ne pas améliorer la situation actuelle. Le Conseil national de l'Ordre des médecins auditionné par la mission a confirmé nos craintes quant l'efficacité du dispositif prévu par ces décrets.

Accès aux annexes