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N° 1321

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 18 décembre 2003

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

en application de l'article 29 du Règlement,

au nom des délégués de l'Assemblée nationale à

l'Assemblée parlementaire de l'Organisation pour la Sécurité

et la Coopération en Europe (O.S.C.E.)

sur la Conférence sur la liberté religieuse et le Forum parlementaire

sur la Méditerranée

(Rome : 9 - 12 octobre 2003)

par M. MICHEL VOISIN,

Député

ET PRÉSENTÉ A LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

S O M M A I R E

Pages

Introduction 5

La Conférence sur la liberté religieuse 7

Le premier forum parlementaire sur la Méditerranée 11

ANNEXES

Interventions des députés, membres de la délégation 19

Communication de Mme Basdevant-Gaudemet, professeur à 27

la Faculté Jean Monnet de l'Université de Paris-XI :

Développement de la législation et des droits nationaux sur la

liberté religieuse et les religions

Discours du Pape Jean-Paul II aux participants à l'Assemblée 43

parlementaire de l'OSCE

Au début du mois d'octobre 2003, Rome accueillait au palais Montecitorio, siège de la Chambre des députés italienne, un double événement sous le patronage de l'Assemblée parlementaire de l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) : la conférence sur la liberté religieuse et le premier forum parlementaire sur la Méditerranée.

La réunion de ces deux rencontres internationales, au-delà de motivations matérielles, a produit, comme il fallait s'y attendre, une certaine dynamique de débat encore renforcée par l'évolution de la situation dans la zone de l'OSCE et à sa périphérie immédiate.

Tout s'est passé en effet comme si fondements anciens et préoccupations nouvelles de la recherche d'une sécurité collective se rejoignaient pour inviter les membres de l'Assemblée parlementaire à une nouvelle dynamique, au moment où la stabilisation de l'Europe orientale, désormais englobée pour une large part dans l'Union européenne, fait naître parfois des interrogations sur l'actualité et la mission de l'OSCE. Fondements anciens, car la progression de la liberté d'opinion et de conscience dans les pays de l'ex-bloc soviétique, à travers un dialogue persévérant, a été l'une des intuitions les plus fortes et les plus fécondes de l'esprit d'Helsinki : nul ne niera que le statut sous tutelle des confessions religieuses n'ait été considéré, dans le dernier quart du vingtième siècle, comme l'emblème du mépris des droits élémentaires de l'homme. Mais préoccupations nouvelles, car la recherche de la coopération en vue d'assurer une vie internationale stable et pacifique trouve désormais de nouveaux terrains où s'exercer, avec les multiples sources de conflit qui affectent le bassin méditerranéen.

De même que l'on prouve le mouvement en marchant, de même l'OSCE affirmera d'autant mieux sa raison d'être et son avenir qu'elle transportera ses préoccupations de base - illustrées par les trois « corbeilles » d'Helsinki, politique, économique et droits de l'homme - là où les valeurs communes qu'elle défend se trouveront particulièrement menacées, ou du moins là où elles sont concrètement remises en question à travers les conflits entre les Etats et la division des sensibilités politiques, philosophiques et religieuses.

C'est bien pourquoi, à juste titre, l'Assemblée parlementaire entretient des rapports suivis avec les assemblées des Etats partenaires pour la coopération riverains de la Méditerranée. C'est aussi pourquoi il est indispensable que la situation en Méditerranée fasse l'objet dans le cadre et au service de la dynamique propre de l'OSCE d'un examen systématique dont le forum parlementaire tenu à Rome a permis de vérifier la nécessité. Quant à la conférence sur la liberté religieuse, si sa formule est beaucoup plus classique et laisse la part principale, dans l'introduction des débats, aux experts, elle a mis en perspective les débats politiques du forum selon une combinaison sans doute exceptionnelle mais riche d'enseignements.

La conférence sur la liberté religieuse (9-10 octobre 2003)

La conférence sur la liberté religieuse avait été bâtie de manière à tenter une réponse à trois questions : quel est le traitement législatif et politique de la liberté religieuse ? qu'est-ce que la tolérance religieuse dans des sociétés pluralistes ? comment sont articulés les rapports entre la liberté religieuse et la démocratie (à partir d'expériences concrètes) ? Il s'agissait donc de décrire les différents modèles de rapports entre l'Etat et les confessions religieuses existant dans l'espace OSCE, d'exposer les législations par lesquelles étaient organisés ces rapports (on remarquera que l'intitulé de la séance consacrée à ce sujet affirmait haut une option libérale) et d'échanger sur les pratiques.

Introduisant le premier débat, le professeur Silvio Ferrari, de l'Université de Milan, souligne l'importance des traditions culturelles et politiques nationales pour la détermination du mode de relation entre Eglises et Etat. Il relève l'inquiétude croissante que suscite le risque de contagion d'un conflit religieux au-delà des frontières de l'Etat qui l'a vu apparaître. Cette crainte peut, selon lui, conduire à faire prévaloir fâcheusement l'impératif de sécurité sur le souci de garantir la liberté religieuse.

Notre collègue Pierre Fauchon, sénateur du Loir-et-Cher, est intervenu, à titre personnel, pour poser un problème souvent évoqué et encore ravivé par les dramatiques évènements du Proche-Orient : les religions sont-elles vraiment un facteur de paix ou, par leur existence même, sont-elles une source potentielle permanente de conflits ? De la réponse donnée à cette question, dit-il, dépendra la conception que l'on se fera des rapports entre les responsables politiques et religieux et plus encore la part que l'on acceptera de laisser au religieux dans la sphère publique.

Le deuxième débat était ouvert par une contribution de Mme Catherine Cookson, de l'Université de Virginie. Mme Cookson, reprenant en cela le fil directeur de l'analyse du Pr. Ferrari, souligne la place fondamentale de la question de l'ordre public dans la détermination de toute législation en matière religieuse, et propose d'établir dès lors une distinction entre la liberté de croyance, qui doit être absolument protégée, et les comportements individuels à fondement religieux nuisibles pour autrui, qui ne doivent jamais l'être. Elle insiste longuement sur la nécessité d'éviter, dans l'élaboration et l'application du droit, toute discrimination entre les religions.

Notre compatriote Mme Brigitte Basdevant-Gaudemet, professeur à la Faculté Jean Monnet de l'Université de Paris-XI, sut ensuite décrire dans une synthèse stimulante les questions posées à la régulation des rapports juridiques entre l'Etat et les confessions religieuses et les orientations possibles des réponses apportées par les législations nationales à ces questions1. Notre collègue M. René Rouquet présenta, pour sa part, une défense argumentée des origines et des principes directeurs de la laïcité dans la tradition républicaine française, que l'on trouvera reproduite ci-après.

Le troisième débat recherchait une confrontation pacifique des expériences entre personnalités de confessions et de nationalités différentes, se situant toutes, cependant, dans le domaine des traditions monothéistes.

Ouvrant la table ronde, M. Marcello Pacini fit part des craintes que lui inspirait le risque de confusion entre identité religieuse et identité nationale dans les Etats membres de l'OSCE qui viennent d'accéder à l'indépendance. Ce risque, pour lui, conduit au développement de formes d'action terroriste à fondement religieux.

L'Ambassadeur Babacar Ba, représentant le secrétaire général de la Conférence islamique, mit en relief la tradition de tolérance et de liberté promue par l'islam, y compris dans ses relations avec les autres religions, comme en fait foi toute son histoire. Assignant aux principes démocratiques des pays occidentaux une origine philosophique et non religieuse, il donna l'assurance que le monde islamique s'efforce lui aussi de mettre en œuvre la séparation des religions et de l'Etat.

Le professeur Amnon Rubinstein, universitaire israélien, après avoir énuméré les dispositions du droit israélien garantissant la liberté religieuse, appelle l'attention sur les revendications exprimées par des groupes de personnes qui ne veulent pas ou plus être soumis à la législation religieuse : les juifs laïcs face aux tribunaux rabbiniques, des femmes arabes contestant la compétence des autorités religieuses en droit de la famille.

Enfin, M. Christopher Smith, chef de la délégation des Etats-Unis à l'Assemblée parlementaire de l'OSCE, a expliqué les raisons qui ont conduit le législateur américain à édicter des normes impliquant une surveillance des conditions dans lesquelles la liberté religieuse est respectée dans les pays étrangers.

La conférence a été immédiatement suivie par l'audience particulière accordée par le Pape Jean-Paul II à l'ensemble des participants, dans la salle Clémentine du Palais du Vatican 2.

Le premier forum parlementaire sur la Méditerranée (11 octobre 2003)

Demandé depuis de nombreuses années par les délégations des pays riverains de la Méditerranée, mais aussi par d'autres parlementaires convaincus de l'importance de créer un espace de débat entre responsables politiques sur ce sujet au sein de l'Assemblée parlementaire, préparé par le séminaire de Limassol et accepté de haute lutte à la commission permanente de Madrid en octobre 2002, le premier forum parlementaire sur la Méditerranée a, je crois, répondu aux attentes politiques qui l'avaient suscité, dans toute la mesure permise par la conjoncture internationale.

Comme je l'avais souhaité et demandé au président de la délégation italienne, M. Marcello Pacini, l'ensemble des pays riverains de la Méditerranée, y compris les pays non membres ou partenaires de l'OSCE, avait été convié à participer au forum. Malheureusement des incidents, dont la nature n'a pas été clairement expliquée au moment du débat, ont empêché la participation de la délégation palestinienne, dont la présence avait pourtant été acceptée par les partenaires israéliens ; la Libye, où je m'étais rendu au printemps pour sensibiliser les parlementaires du pays à la démarche méditerranéenne de l'OSCE, n'était pas représentée. Mais les obstacles révélés par ces absences devraient être surmontés, c'est en tout cas mon espérance, pour la prochaine réunion du forum parlementaire, en octobre 2004.

Sous ces réserves, les débats du forum parlementaire ont permis, comme je l'espérais, une expression claire des positions en présence. Ils étaient articulés en deux sessions : le renforcement de la sécurité en Méditerranée et le développement de la dimension méditerranéenne de l'OSCE.

M. Franco Frattini, ministre italien des affaires étrangères, est parti de l'exemple du processus euro-méditerranéen, dit « processus de Barcelone », pour illustrer les préoccupations italiennes d'amélioration de la sécurité et de la coopération entre les deux rives de la Méditerranée. Il a fait l'éloge du concept de sécurité globale, propre à l'OSCE, comme instrument de traitement des conflits en Méditerranée.

Dans la seconde partie de la première session, consacrée au processus de paix au Moyen-Orient, M. Christian Jouret, conseiller diplomatique du représentant de l'Union européenne pour le Moyen-Orient, s'est étendu longuement sur les difficultés rencontrées par le processus de paix dans la région, qu'il impute à l'attitude obstinément peu coopérative du gouvernement israélien.

Dans le débat, notre collègue Pierre Fauchon, tout en indiquant qu'il s'exprimait à titre strictement personnel, a souhaité prendre, sur la politique américaine au Proche-Orient et notamment en Irak, une position beaucoup moins critique, à ses yeux, que la ligne officielle défendue par la France, notamment en ce qui concerne la réalité de la menace et la nécessité de l'intervention américaine pour répondre à cette menace.

Présidant les débats de la seconde session, j'ai rappelé les raisons qui imposaient à l'Assemblée parlementaire de l'OSCE de se préoccuper plus activement que par le passé de la dimension méditerranéenne.

Intervenant dans la discussion, notre collègue Alain Néri a émis les plus grandes réserves sur les conséquences de la politique américaine au Proche-Orient et a mis en cause la responsabilité des dirigeants israéliens dans l'aggravation actuelle des tensions.

Si les débats n'ont pas apporté d'éléments de fond nouveaux sur les positions politiques des uns et des autres, ils ont permis cependant de mettre l'accent, au fil des interventions, sur des perceptions politiques qu'il peut être utile de souligner : la volonté du Gouvernement italien, par-delà le soutien de principe à la ligne politique de la diplomatie américaine, de maintenir une disponibilité au dialogue avec toutes les parties impliquées dans les conflits du Proche-Orient, l'appel à une meilleure compréhension des réactions dans le monde arabe lancé par le représentant du secrétaire général de la conférence islamique, et la description à la fois franche et digne des difficultés quotidiennes de sa mission au service de la paix faite par M. Jouret.

Au total, par ses confrontations comme par les lacunes de sa participation, le premier forum de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE a rempli sa fonction d'information et d'échange politique que j'avais souhaité, dès l'origine, lui donner, en accord avec les parlementaires et les délégations qui en soutenaient la création.

La réunion de Rome, dans ses deux moments successifs, a été une réussite et un encouragement.

- Une réussite, parce qu'elle a confirmé l'efficacité de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE comme lieu de confrontation et de débat. Le dialogue évite les malentendus nés de l'ignorance réciproque, même s'il ne supprime pas magiquement les divergences. A ce titre, le débat de Rome sur la question méditerranéenne, avec ses conventions et ses limites, est porteur d'espérance.

- Un encouragement à la démarche de coopération, raison d'être de l'OSCE depuis l'origine. Avec les pays partenaires et les autres pays riverains de la Méditerranée, la coopération ne fait que commencer. La délégation française souhaite que l'expérience acquise à Rome soit mise à profit de sorte que le prochain forum méditerranéen de l'automne 2004 soit véritablement l'occasion de réunir des parlementaires venant de l'ensemble des pays méditerranéens.

Ainsi, notre Assemblée parlementaire apportera-t-elle sa contribution à l'effort de paix et de compréhension mutuelle si nécessaire aujourd'hui.

A N N E X E S

Interventions des députés, membres de la délégation

Communication de Mme Basdevant-Gaudemet

Allocution du Pape Jean-Paul II

Intervention de M. Michel VOISIN

La tolérance, ressort du vivre ensemble

Je crois qu'il faut s'entendre sur le sens du mot tolérance. On peut tolérer quelque chose comme un moindre mal - c'est la tolérance passive. On peut faire de la tolérance active le ressort du vivre ensemble : c'est de cette tolérance qu'il s'agit en matière religieuse et ce n'est pas toujours facile.

Les débats de cette conférence hier l'ont rappelé, la religion, les religions sont des faits constitutifs de nos sociétés. Considérer que le progrès des sociétés politiques va nécessairement de pair avec le dépassement du fait religieux est une vision trop simple, voire dangereuse pour la liberté de tous, croyants comme non-croyants, Affirmer que dans une société politique démocratique, la décision appartient au peuple et aux représentants qu'il se choisit librement sans interférence dans le processus de décision d'une autorité religieuse, est autre chose : c'est, je crois, le ressort même de la laïcité.

Je ne veux pas dire par là que les religions n'ont pas leur mot à dire dans le débat public. Sinon ce serait présenter les croyants comme des citoyens de seconde zone, en contradiction avec le principe fondamental de l'égalité des droits.

Exclure la religion de la sphère publique est une erreur pour la mémoire collective comme pour le dialogue démocratique. Mais chacun doit rester dans son ordre.

Je ne suis pas sûr que nous serions tous, ici, prêts à tenir ce langage jusqu'à ses ultimes conséquences. La conception de la présence sociale de l'Eglise catholique comme fonction de gouvernement, les Eglises nationales dont on a parlé hier, les relations complexes, en islam, entre le droit de la cité et la parole révélée, sont autant de traditions qui mériteraient examen. Du moins cette conférence a-t-elle lancé le débat.

(Intervention à la conférence sur la liberté religieuse)

Intervention de M. René ROUQUET

Appliquer le principe fondamental de laïcité

A l'occasion de cette conférence, au travers de nos discussions et, plus encore, à la lumière du débat qui nous rassemble aujourd'hui, la question de la laïcité est au centre de notre rencontre. Elle reste, en ce début de 21ème siècle, un sujet permanent d'actualité, et interpelle tous les acteurs de notre société.

Comment, préserver la liberté religieuse au sein de nos démocraties ? Comment assurer, pour chacun, une liberté absolue de conscience ? Comment, enfin, permettre la cohabitation harmonieuse de la religion, de toutes les religions, au sein de l'espace public, en évitant les dérives hégémoniques ou prosélytes ?

La réponse est simple: il faut appliquer le principe fondamental de laïcité !

La réflexion qui s'est engagée dans le cadre de notre conférence sur la liberté religieuse est essentielle, car elle doit nous permettre de réaffirmer que laïcité et religion ne sont pas antinomiques dans l'espace social.

Durant près d'un siècle, la France a su mettre en œuvre les règles essentielles issues des grandes lois républicaines - et, notamment, la loi de 1882 sur l'enseignement, la loi de 1905 sur la séparation de l'église et de l'Etat. Ces règles ont organisé la liberté de conscience, l'égal respect des croyances, l'enseignement public, gratuit et laïque, la neutralité des services publics, ou le non-financement public des cultes.

La liberté de religion est garantie par le dispositif constitutionnel qui intègre la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789. Celle ci dispose, dans son article 10, que « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public ».

La laïcité, qui fut longtemps un sujet d'affrontement et de controverse en France, destiné au départ à consolider la République est devenue, en 100 ans, bien plus qu'une valeur partagée.

C'est aujourd'hui un véritable «patrimoine commun indissociable de la République», car elle est porteuse de progrès et de tolérance.

Cette réflexion sur la laïcité ne doit pas être perçue comme un combat contre, ou pour, telle ou telle religion. Bien au contraire !

Le seul débat qui compte, aujourd'hui, ce sont les conditions de son application et son efficacité, car la laïcité est, pour chaque citoyen, la seule arme capable de nous prémunir des comportements sectaires.

Aujourd'hui, plus que jamais, la laïcité doit s'élever comme un rempart contre la montée des individualismes et des fondamentalismes, ces nouveaux défis de notre époque.

La laïcité, parce qu'elle est garante de la liberté religieuse, parce qu'elle préserve la tolérance envers toutes les croyances, et garantit le respect de l'autre au sein de la démocratie, reste d'une grande actualité.

En d'autres termes, elle reste un combat de chaque instant pour une fraternité qui ne s'arrête pas aux différences, aux origines ou aux religions.

Enfin, et ce sera ma conclusion, la laïcité, parce qu'elle préserve à la fois la neutralité de l'Etat et garantit la liberté de tous les cultes, n'est pas une croyance comme les autres : elle est cette conviction commune qui « a plus besoin de pratiquants que de croyants », comme le rappelait voici quelques mois le grand maître du Grand Orient de France, qui rajoutait : « le fond du problème n'est pas la foi, ce qu'il faut combattre, c'est la tentative d'élimination de la foi des autres ».

(Intervention à la conférence sur la liberté religieuse)

Intervention de M. Michel VOISIN

La dynamique de l'OSCE au service de la paix en Méditerranée

Je suis heureux de présider cette séance du premier forum méditerranéen de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE. La tenue de ce forum est l'aboutissement d'efforts de plusieurs années menés en concertation avec les pays partenaires du Sud de la Méditerranée, leur participation assidue à nos débats est le gage de notre succès. Je remercie particulièrement le Président Marcello Pacini d'avoir pris l'excellente initiative d'organiser notre rencontre à Rome et d'avoir bien voulu l'élargir, au-delà de nos amis et partenaires, à l'ensemble des pays du bassin méditerranéen, qu'ils soient ou non membres de l'OSCE. Je l'avais souhaité, je suis heureux d'avoir été entendu.

De quoi s'agit-il, en effet, dans ce débat sinon de la paix et de la sécurité en Méditerranée, c'est-à-dire aussi de la paix et de la sécurité pour toute la zone OSCE ?

Nous y avons insisté dès le début de nos propositions : carrefour de multiples échanges, lieu aussi d'affrontements et de conflits à travers l'histoire, le bassin méditerranéen est plus que jamais, aujourd'hui, un enjeu essentiel pour la paix du monde. Les efforts que les pays d'Amérique du Nord, d'Europe, du Caucase et de l'Asie centrale accomplissent ensemble pour une meilleure compréhension mutuelle, pour le développement d'institutions politiques démocratiques, pour le progrès des droits de l'homme ne sont certes pas parvenus à leur terme. Mais il est sûr que cette œuvre serait compromise si la crise qui affecte présentement l'Est du bassin méditerranéen et le Moyen Orient devait perdurer.

J'ai beaucoup apprécié les paroles de M. Frattini rappelant la position constante de son pays en faveur d'une solution équilibrée garantissant l'existence de deux Etats souverains - Israël et Palestine -. On sait que cette position est depuis de longues années celle de la France que je représente ici et je me réjouis personnellement de cette convergence de vues, exemplaire de ce qui pourrait être fait dans l'avenir pour faciliter le règlement des douloureux problèmes du Proche Orient.

Car il est essentiel que se multiplient les échanges, les lieux de compréhension, d'information mutuelle. La conférence sur la liberté religieuse qui s'est tenue jeudi et vendredi a montré l'attente de nos amis du monde arabe qui souhaitent le dialogue, qui désirent faire connaître leur analyse, et qui ont le sentiment de ne pas être suffisamment et bien compris. En matière politique, en matière économique, dans les questions des droits de l'homme, il existe un patrimoine commun, une dynamique commune de l'OSCE et de son Assemblée parlementaire, qui peuvent contribuer à l'avancement et à la stabilisation de la paix et de la sécurité en Méditerranée. Devant l'évolution tragique, et qui ne réjouit personne ici, de la situation en Irak, on ne peut que regretter que ce patrimoine commun n'ait pas été mieux mis à contribution ; il aurait été, alors, plus facile de mesurer les risques que l'usage de la force fait courir à la volonté de rétablir la démocratie et les libertés.

Un psaume forme ce vœu : « Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s'embrassent ». Cette parole a, je crois, quelles que soient nos opinions philosophiques et religieuses, une particulière résonance dans la Méditerranée aujourd'hui. Je serais heureux si, illustrant l'invitation biblique, nous pouvions nous retrouver un jour prochain, dans ce même cadre du forum méditerranéen, en terre d'Israël ou en terre de Palestine pour construire ensemble notre chemin de paix.

(Intervention au forum parlementaire méditerranéen)

Intervention de M. Alain NERI

Nécessité et conditions du déblocage du processus de paix

Nous avons entendu depuis le début de nos travaux romains trois affirmations que je voudrais relever :

- la paix dans la région du Proche Orient est essentielle pour la paix et la stabilité dans la zone de l'OSCE et, par là même, pour la paix du monde ;

- les valeurs communes de l'OSCE forgées depuis l'appel d'Helsinki sont un patrimoine commun dont l'exemple peut servir de base à la solution des problèmes de la Méditerranée ;

- la situation actuelle de blocage du processus de paix et le développement des évènements en Irak ne laissent plus, compte tenu de l'état des opinions publiques, aucune marge de manœuvre aux gouvernements arabes.

Il me semble important d'insister sur le fait que le déblocage du processus de paix est la condition préalable à la poursuite et au développement de la coopération sans la zone OSCE.

Il n'est pas possible de promouvoir les valeurs démocratiques qui fondent l'OSCE tout en refusant d'admettre, ce qui est pourtant l'application simple de ces mêmes valeurs, la représentativité d'un président dont l'élection n'a pas été, en son temps, contestée.

Il n'est pas possible de conjuguer l'usage de la force et l'application d'un programme de reconstitution d'institutions démocratiques. Cela n'est pas crédible, et cela conduit, en Irak, je le constate avec regret, à l'impasse politique et à la mort d'hommes.

Que faire donc, sachant que l'OSCE n'est pas, en tant que telle, impliquée dans les négociations menées dans la zone de conflits pour proposer, le jour venu, la mise à contribution éventuelle de ses capacités ?

Il me parait nécessaire de poursuivre les échanges et les discussions entre parlementaires et au niveau gouvernemental sur les questions que nous avons abordées aujourd'hui et depuis deux jours - les rapports entre les traditions religieuses et les principes institutionnels, la lutte contre le racisme et l'antisémitisme, la démocratie et les libertés - en appuyant résolument la reprise des négociations politiques sans lesquelles tous nos efforts se perdraient.

(Intervention au forum parlementaire méditerranéen)

Développement de la législation et des droits nationaux sur la liberté religieuse et les religions

Brigitte Basdevant-Gaudemet

Droit et Sociétés religieuses

Université de Paris XI

L'intitulé de cette communication semble admettre comme une hypothèse de départ qu'il y a développement de la législation sur les questions religieuses, augmentation des lois et autres normes juridiques dans chaque État.

De fait, il me semble exact de dire que, dans de nombreux pays, la législation relative aux faits religieux préoccupe davantage. En parlant de « nombreux pays » je vise pratiquement tous les pays européens. Quant aux « faits religieux », il convient de mettre l'expression au pluriel, car ce sont les confessions religieuses, les mouvements religieux et leurs expressions multiples que la puissance publique étatique prend de plus en plus en compte.

Pourtant, cette prise en considération des religions par l'autorité publique n'est pas nouvelle, même si elle tend à s'accroître. Déjà dans l'empire romain où le christianisme apparut, de très nombreuses constitutions impériales furent consacrées à l'organisation de la nouvelle religion, mais aussi des cultes traditionnels, judaïsme ou paganisme. Les empereurs, à partir de « l'édit de Milan » pris par Constantin en 313, légiféraient abondamment sur les questions religieuses : organisation des communautés, statut des membres du clergé, du patrimoine, de la juridiction ecclésiastique, ... Une part importante de cette législation fut recueillie au Livre 16 du Code Théodosien, publié en 438 ou au Livre 1 du Code de Justinien, publié en 533. Beaucoup des questions alors abordées par la législation impériale préoccupent encore aujourd'hui les pouvoirs publics, qui les envisagent naturellement sous d'autres aspects.

Je ne m'étendrai pas sur l'histoire : le dialogue entre Église et État, instauré dans le cadre de l'Empire romain, n'a pas cessé depuis vingt siècles et il ne peut cesser. Croyances religieuses et puissance étatique s'adressent aux mêmes individus, vivant sur un même territoire, qui sont tout à la fois fidèles et citoyens ; l'ignorance n'est pas possible. Néanmoins, les relations peuvent être très diversifiées : collaborations sous diverses formes allant parfois jusqu'à la confusion des pouvoirs (un droit national possède alors comme principale caractéristique d'être un droit religieux) ; ou au contraire, opposition conduisant, dans les cas extrêmes, à des persécutions afin d'éliminer une religion, ou toutes les religions. Les options les plus diverses se sont succédées au cours des siècles, selon les pays.

Attachons-nous à la situation actuelle, issue des dernières décennies.

Les sociologues sont unanimes à constater le déclin de l'emprise sociale des grandes religions traditionnelles, dont le christianisme, à travers tout l'Occident. Certes, le degré de pratique religieuse est toujours difficile à chiffrer ; en outre, il n'est pas le seul révélateur d'un attachement à une religion. Mais, même si nous manquons de données chiffrées, il est clair que nos sociétés sont sécularisées. On peut faire remonter au XVIème siècle le début de ce processus de sécularisation, processus qui n'a pas cessé de s'accélérer depuis. Aujourd'hui, la sécularisation de nos sociétés est un fait indiscutable.

Déclin de l'emprise sociale des religions traditionnelles, sécularisation poussée des sociétés, pourtant les religions, qu'il s'agisse de celles qualifiées de traditionnelles ou de celles que l'on nomme parfois "nouvelles religions", ou "religions plus récemment implantées" sur tel ou tel territoire national, ces religions existent et rassemblent des adeptes. Le fait religieux, la vie des communautés religieuses est une réalité.

En outre, dans pratiquement tous les États, le paysage religieux est de plus en plus diversifié. Sécularisées, les sociétés sont multiconfessionnelles. La sécularisation n'est pas la disparition du fait religieux, mais c'est sa diversification.

La puissance publique ne peut ignorer les multiples facettes du paysage religieux. Le droit doit gérer les faits religieux. On constate qu'il prend effectivement en compte les religions, en formulant des principes généraux et des normes juridiques à valeur supra-nationale, mais aussi par l'élaboration de dispositions propres à chaque État.

Le régime juridique applicable aux religions répond à des principes généraux communs, reconnus au niveau supra-national. Rappelons la Convention européenne des droits de l'homme, dont l'article 9 consacre expressément la liberté de religion. L'Acte final d'Helsinki (bien connu dans cette assemblée), ou d'autres traités internationaux posent également des bases fermes et claires pour un régime juridique garantissant la liberté religieuse.

Pourtant, chaque État garde sa législation propre et plus largement son propre système juridique d'organisation des religions. Il s'agit là d'un domaine où une législation commune ne semble pas près de s'établir, ceci pour plusieurs raisons : tout d'abord les situations sont diverses selon les pays et donc les solutions juridiques à trouver ne sont pas partout identiques ; en second lieu, on est en présence de questions pour lesquelles chaque État semble vouloir garder son indépendance, se montre jaloux de sa spécificité, due à son histoire propre et ne souhaite pas un régime uniforme ; en troisième lieu, une même législation n'est peut-être pas nécessaire : seule importe l'adhésion à des principes fondamentaux communs, pour le reste, la diversité des mécanismes juridiques permettant la mise en application des principes fondamentaux ne présente pas d'inconvénient notable.

En insistant sur ces principes qu'un fort courant de la communauté internationale souhaite voir respecter à travers le monde, nous envisagerons, dans une première partie, le cadre dans lequel doit s'inscrire le développement de chacune des législations étatiques (I). Dans une seconde partie, j'évoquerai un certain nombre de questions précises, que les pouvoirs publics doivent et veulent prendre en considération et réglementer (II) dans une réglementation qui n'est pas identique partout.

I - Le cadre juridique du développement des droits nationaux

Un principe fondamental, présenté comme devant être garanti par tous les États démocratiques, est celui de la liberté religieuse (A) ; il s'accompagne parfois - mais pas toujours - de la neutralité de l'État (B) ; les procédés juridiques par lesquels sont mis en œuvre ces principes peuvent varier considérablement (C).

A - Liberté religieuse et pluralisme, des principes fondamentaux communs à tous les États démocratiques

1 - Sous la terminologie de liberté religieuse et des religions, la doctrine comprend plusieurs aspects, ou plusieurs libertés. La liberté religieuse au sens strict du terme est une liberté individuelle, comprenant, pour chaque individu, d'une part la liberté de conscience, qui est un aspect de la liberté de pensée et d'opinion, et également la liberté de manifester ses convictions, donc la liberté d'exercice public du culte. Les deux aspects sont expressément inscrits dans l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme. Ils avaient été proclamés solennellement au début de la Révolution française. La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 consacrait, dans son article 10 la liberté de conscience ; pour les constituants de 1789, il s'agissait de protéger le droit de ne pas croire, beaucoup plus que celui de croire. Deux ans plus tard, le droit au libre exercice public du culte était garanti par la Constitution de 1791, la première constitution française.

À côté de cette liberté individuelle, la doctrine parle de la liberté des religions, comme liberté collective, ou du droit à l'auto-détermination, c'est-à-dire du droit que doivent posséder les confessions religieuses de déterminer, par elles-mêmes, leurs propres croyances et leurs modalités d'organisation interne, sans que l'État ne puisse intervenir dans ce domaine.

Le respect du principe de liberté religieuse, sous son double aspect, implique automatiquement que l'État admette l'existence d'un pluralisme religieux. La liberté aboutit forcément à ce que coexistent plusieurs croyances, plusieurs confessions religieuses.

Le pluralisme n'est donc pas un principe distinct de celui de liberté ; il s'agit d'une même valeur, autrement exprimée.

2 - Juridiquement, le respect de cette liberté - et donc de ce pluralisme - peut s'accompagner de régimes juridiques très diversifiés. Dans une vue schématique, il est possible d'en distinguer trois grandes catégories :

- Une confession peut avoir, dans un pays, une place particulièrement importante : Église nationale, Église officielle, religion dominante, ... la terminologie varie et recouvre des réalités diverses elles aussi. Dans ces hypothèses, il existe une religion, à laquelle adhère généralement la grande majorité des citoyens ; les pouvoirs publics reconnaissent sa prépondérance et souvent lui accordent certaines faveurs : Église orthodoxe en Grèce, ou en Roumanie ; Église anglicane en Grande-Bretagne ; Islam dans d'autres États, etc ...

- Un second système est celui où, non pas une religion mais plusieurs cultes ont un statut particulier et sont considérés comme tels par les pouvoirs publics. Il peut s'agir de cultes reconnus, ou de religions enregistrées ; là encore, les mécanismes sont multiples. En France, Napoléon avait, en 1802 instauré un régime de "cultes reconnus" qui resta en vigueur jusqu'en 1905. Plusieurs pays européens de l'ancien bloc socialiste, dans lesquels la liberté religieuse a pu être rétablie depuis un peu plus de dix ans, organisent des mécanismes d'enregistrement des confessions, selon certains critères et certaines modalités, etc ...

- Citons enfin les régimes de séparation entre les religions et l'État. Je n'insiste pas sur la diversité des conceptions que l'on peut avoir d'un régime de séparation.

3 - Quelle que soit la solution choisie, évoquons deux questions, qui se posent dans tous les pays. On s'entend sur la nécessité de garantir la liberté religieuse, mais existe-t-il des limites à cette liberté ? D'autre part, qu'appelle-t-on "religion", ayant droit à cette liberté ? Bien souvent les deux questions recoupent une même réalité, même si nous les distinguons d'un point de vue théorique.

La réponse à la première de ces deux interrogations est aisée et ne soulève pas de grands débats doctrinaux. Certes, il existe des limites à l'exercice de la liberté religieuse, comme il en existe à l'exercice de toute liberté. Il convient de ne pas porter atteinte à l'ordre public, de ne pas porter préjudice à autrui, etc ... En cas de litiges, les tribunaux apprécient.

Répondre à la seconde question est plus délicat, car cela impliquerait de définir ce qu'est une religion. Or, dans un certain nombre de systèmes juridiques, il semble que la tradition constitutionnelle interdise à l'autorité publique de se prononcer et de qualifier un mouvement de "religion". Telle est sans doute la situation de la France, puisque l'État ne "reconnaît" aucune religion.

Le débat n'est pas seulement doctrinal, mais comporte des incidences concrètes fondamentales : dire qu'un mouvement est une religion aboutit à le faire bénéficier des garanties de liberté et bien souvent des avantages concrets accordés aux religions. Mais il existe des mouvements auxquels les pouvoirs publics peuvent souhaiter refuser ces libertés. Je veux ici parler des "mouvements religieux socialement controversés", ou des "mouvements à dérives sectaires". Certes, on s'entend sur l'opportunité qu'il y a à punir les dérives sectaires et à lutter contre la dangerosité de certains mouvements qui se disent religieux. Mais comment mener cette lutte sans porter atteinte à une liberté religieuse, que l'État doit garantir sans pourtant être compétent pour contrôler le contenu des croyances, ou l'organisation des communautés ? On sait toute la différence des conceptions dominantes, sur ce point, d'un côté ou de l'autre de l'Atlantique.

Si liberté et pluralisme sont des principes fondamentaux communs à tous les États démocratiques, d'autres principes correspondent à un choix particulier ; je me bornerai à évoquer la neutralité ou la laïcité.

B - Neutralité, laïcité, un choix de quelques-uns

1 - On mentionne souvent la laïcité comme l'une des caractéristiques essentielles du régime français. Qu'entend-on par cette expression de "laïcité à la française" ? Il s'agit d'un produit de l'histoire, d'une histoire propre à la France que je ne reprendrai pas. Disons seulement que la France a connu un "laïcisme agressif" à la fin du XIXème siècle, puis, un siècle plus tard, une "laïcité positive, ouverte", faite d'une neutralité bienveillante. Le laïcisme s'inscrivait dans le cadre d'une politique anticléricale exacerbée. Le programme des républicains des années 1880 visait à faire disparaître la religion -essentiellement l'Église catholique- de la vie sociale, de la sphère publique, pour la cantonner au domaine de la conscience individuelle, dépourvue de toute incidence sur les institutions sociales. Telle n'est certainement plus la définition donnée de la laïcité par la doctrine française actuelle. Juristes ou sociologues s'entendent pour dire que la laïcité s'analyse, aujourd'hui, comme étant une neutralité de l'État qui doit traiter toutes les confessions sur un pied d'égalité. Laïcité ouverte, elle se veut tolérante et respectueuse de toutes les confessions religieuses. Laïcité positive, elle met à la charge des pouvoirs publics un certain nombre de devoirs, missions auxquelles l'autorité étatique est tenue de satisfaire et qui visent à donner à tous les moyens d'exercer pleinement les obligations résultant de leur religion, quelle qu'elle soit. La laïcité est la neutralité des pouvoirs publics qui ne doivent accorder aucune préférence à telle ou telle religion, mais doivent les traiter sur un pied d'égalité. Ce traitement est fait de faveurs, ou du moins d'attentions, afin de donner aux fidèles et aux communautés les moyens de vivre pleinement leurs choix religieux.

2 - En fonction de cette conception, a priori, on peut penser que la laïcité implique un traitement égal des diverses religions : la neutralité impliquerait l'égalité. Mais en pratique, il arrive souvent qu'une égalité juridique n'entraîne pas une égalité de condition concrète, matérielle. Des facteurs historiques ou sociologiques expliquent ces distorsions. Une même législation peut favoriser certaines confessions et en brimer d'autres. Ainsi en France, les mêmes lois et règlements s'appliquent théoriquement à tous les cultes, quels qu'ils soient. Pourtant, la mise en œuvre des dispositions juridiques en vigueur a pour effet de favoriser certaines religions. De fait, l'Église catholique jouit d'un nombre d'avantages indéniables, financiers notamment. En revanche, l'Islam, soumis théoriquement aux mêmes lois ou règlements, demeure dans une condition plus précaire, ne serait-ce qu'en ce qui concerne la possibilité de posséder des lieux de culte décents.

Constatant cette disparité, cette inégalité de fait malgré l'égalité juridique, des voix se font entendre pour demander une discrimination positive, en faveur des cultes minoritaires ou dont la situation de fait est précaire. Cette discrimination positive, donc un traitement juridique inégal entre les religions, ne serait pas contraire à la laïcité, dès lors que son objectif serait de rétablir une certaine égalité de fait.

C - Pour mettre en œuvre ces principes fondamentaux, les pouvoirs publics disposent d'un riche arsenal de mécanismes de négociation.

À l'intérieur de chaque État, la puissance publique négocie avec les religions. Les grandes confessions possèdent une autorité, ou une instance représentative qui est un interlocuteur des pouvoirs publics (ces instances existent aussi dans le cadre européen et sont parfois plus actives que certains organismes étatiques. À ce point de vue, l'Islam demeure cependant dans une situation délicate dans beaucoup de pays. Un peu partout en Europe, la question se pose dans des termes comparables. On souhaite faire émerger, dans le pays, un organe qui serait considéré par les musulmans de ce pays comme capable de dialoguer avec les pouvoirs publics. La diversité des sensibilités et des origines des populations musulmanes rend la tâche délicate. La difficulté est en principe résolue en Belgique où existe, depuis 1999, un "Exécutif des musulmans de Belgique", dont, cependant, le fonctionnement n'apparaît pas très aisé. La difficulté est aussi en principe résolue en France où fut élu, en mai 2002, un "Conseil français du culte musulman" ; là encore, il n'est pas certain que tout puisse fonctionner parfaitement. Dans la plupart des autres États se pose la question de la constitution d'une instance représentative des musulmans du pays, qui soit acceptée tant par les diverses communautés musulmanes que par l'autorité publique.

La présence d'interlocuteurs permet le déroulement de négociations, qui peuvent aboutir à des types d'actes les plus diversifiés :

- parfois interviennent des conventions, ou accords signés par les deux parties et qui peuvent être repris par le législateur. Dès lors une loi règle les diverses questions relatives à une religion. L'Italie, ou l'Espagne, pratiquent ce système d'ententes, ou d'accords, négociés avec plusieurs confessions.

- lorsqu'il s'agit de l'Église catholique, il peut y avoir des concordats. On constate l'augmentation considérable du nombre des concordats signés à travers le monde dans ces dernières décennies, notamment depuis Vatican II, en particulier dans les pays de l'Europe de l'Est depuis une dizaine d'années.

- dans d'autres hypothèses, notamment dans les États où les religions ne sont pas officiellement reconnues, les négociations, tout aussi fréquentes, demeurent informelles et les décisions qui s'ensuivent ne sont pas des "lois". En France, par exemple, les représentants de chacune des six confessions que la doctrine désigne comme les grandes religions "connues" (et non pas "reconnues") débattent de diverses questions avec l'autorité publique. Décrets, arrêtés, circulaires ministérielles, questions de parlementaires et réponses ministérielles, jurisprudence tant du Conseil d'État que de la Cour de Cassation, constituent les véritables sources du droit applicable aux religions. Sources diverses et nombreuses, grâce auxquelles des questions ponctuelles se règlent, avec précision et souplesse.

Les droits nationaux, dont nous avons évoqué le cadre de développement, concernent de très nombreux secteurs.

II - Quelques enjeux majeurs de la législation sur les religions

Il importe qu'existe une solution juridique pour chacune des situations dans lesquelles une religion interfère dans la vie de la cité, soit qu'un groupe s'exprime collectivement en tant que communauté de croyants, soit que des fidèles, individuellement, exercent simplement leur droit à la liberté religieuse. Les domaines que les droits séculiers doivent appréhender sont de plus en plus nombreux et l'étendue des interventions du droit ne fait que croître lorsqu'une société se sécularise davantage.

En effet, les religions perdent quelque peu leur emprise sociale ; mais, pour que la liberté religieuse proclamée soit concrètement garantie, il convient de préciser et réglementer les lieux d'intervention que les confessions conservent. D'autre part, pour que le pluralisme ne demeure pas seulement un principe théorique, il faut faire leur place, suffisante, aux religions minoritaires.

Les droits étatiques doivent permettre la réalisation de ces objectifs. Ils le font et, en conséquence, ils interviennent dans des domaines si nombreux qu'il n'est pas possible de les énumérer ici. Qu'il suffise d'en évoquer quelques-uns, de signaler les sujets sur lesquels une législation existe, sans exposer, ne serait-ce que sommairement, les solutions que tel ou tel droit national met en œuvre. Je mentionnerai trois secteurs : l'élaboration des structures d'organisation générale et les questions de financement (A) ; l'enseignement, l'assistance spirituelle et la culture (B) ; des questions relatives au droit privé (C).

A - Le droit définit des structures d'organisation des religions et des modalités de financement.

Sous cette rubrique, sont compris de très nombreux aspects de la vie des religions que le législateur doit prendre en compte.

1 - Des collectivités confessionnelles s'organisent : sont-elles de simples groupements de fait ? convient-il de leur accorder un statut en leur conférant par exemple la personnalité juridique ? En Allemagne, les religions peuvent, sous certaines conditions, obtenir un statut de corporation de droit public, très spécifique ; elles ont un certain nombre d'avantages résultant de leur condition d'organismes de droit public et, cependant, les pouvoirs publics, respectueux du principe d'auto-détermination des religions, n'exercent sur ces corporations qu'une tutelle très légère.

Faut-il une législation spécifique sur les congrégations ?

2 - Pour toutes les religions, et dans tous les États, se pose la question des modalités du financement des cultes. Est-ce à l'État d'assurer leurs revenus matériels aux communautés religieuses ? doit-il le faire en reversant par exemple aux religions une partie de l'impôt sur le revenu ? quelle proportion, selon quels critères et pour financer quelles catégories de dépenses ?

L'État peut aussi s'abstenir de toute intervention ; les religions s'adressent alors directement à la générosité de leurs fidèles.

Dans certains pays, comme la France, l'État ne finance pas les cultes, mais accorde aux communautés religieuses des aides indirectes, souvent importantes, par exemple sous forme de dégrèvements fiscaux, ou de financement des écoles privées confessionnelles.

3 - La condition juridique des édifices du culte est très liée aux questions financières car, matériellement, il faut faire face aux dépenses de constructions, réparations, entretien. Dès lors, il faut statuer sur la propriété et l'affectation des édifices du culte. Quels sont les droits, mais surtout les obligations, du propriétaire d'une part et de l'affectataire d'autre part ? Lorsque l'État ou les collectivités publiques sont propriétaires des bâtiments affectés à une religion, les dépenses de construction et, généralement, celles des grosses réparations de ces édifices pèsent sur son budget.

Les édifices du culte ne sont pas les seuls lieux de culte. Citons les cimetières, par exemple. Souvent considérés comme une dépendance naturelle du bâtiment cultuel, ils appartiennent fréquemment soit à l'État soit aux communes.

À l'intérieur de ces lieux de culte, qui exerce l'autorité ? Le droit prévoit généralement que le ministre du culte affectataire détient le droit de police du culte à l'intérieur du bâtiment affecté au culte ; c'est donc à lui qu'il revient de réglementer le déroulement des célébrations religieuses, mais le droit réserve la compétence de l'autorité publique pour assurer la tranquillité et la sécurité des lieux, par exemple en cas de risque d'effondrement ou de chute de pierres.

4 - Tout aussi fondamental est le mode de désignation des ministres du culte et le statut qui leur est accordé. Aujourd'hui, on admet presque partout que la nomination des ministres d'un culte relève de la compétence des autorités de la religion concernée. Pourtant cette solution n'a pas toujours triomphé dans l'histoire, au cours de longs siècles où les pouvoirs temporels voulaient contrôler le choix des dignitaires ecclésiastiques. Actuellement encore, dans bon nombre de pays, la puissance publique souhaite avoir un droit de regard sur les désignations épiscopales, revendication qui ne semble pas en parfait accord avec le désir de l'Église catholique d'affirmer la Libertas Ecclesiae. Dans un autre domaine, les pays européens tentent, chacun pour leur compte, de contrôler l'éventuelle venue d'imans étrangers sur leur sol national.

B - Le domaine de l'enseignement et de la culture

Le domaine de l'enseignement et de la culture est un autre secteur fondamental que le droit étatique ne peut pas se permettre d'ignorer.

1 - La -ou les- religion(s) doit-elle - ou doivent-elles - être enseignée(s) dans les écoles publiques ? Cet enseignement existe partout en Europe, sauf en France. Il doit se faire dans le respect du pluralisme. En conséquence, il incombe à l'État de l'organiser pour toutes les religions licites pratiquées dans le pays. Ce principe soulève un certain nombre de difficultés concrètes et, en pratique, l'enseignement des religions minoritaires est mal assuré, par manque d'enseignants ou à cause du petit nombre d'élèves habitant une même agglomération qui seraient concernés.

Lorsqu'il veut assurer la présence des religions à l'école, le législateur doit choisir entre diverses conceptions : l'enseignement doit-il être dispensé sous forme de "catéchèse" relative à telle ou telle croyance ? ou convient-il d'organiser un enseignement de culture religieuse ? Quelle doit être la formation de l'enseignant ? Comment doit s'opérer la collaboration entre autorités religieuses et étatiques pour sa désignation ?

Le principe de liberté religieuse impose également de se préoccuper des non-croyants. Les solutions retenues sont diverses selon les États ; des "cours philosophiques" sont assurés en Belgique, où d'ailleurs des projets de réforme ont actuellement à l'étude ; l'Italie prévoit la "sortie de l'école".

2 - D'autre part, les États possèdent généralement un secteur d'enseignement privé qui, le plus souvent, est largement confessionnel. Là encore le droit intervient, réglementant les relations de ces établissements tant avec l'État qu'avec la religion concernée ; financement, recrutement et condition statutaire des enseignants, programmes, etc ...

3 - En dehors des établissements scolaires, les religions veulent être présentes par le biais des media de toutes catégories. Le droit à la liberté d'expression le leur permet dans tout État démocratique, mais une réglementation spécifique peut intervenir au moins sur deux questions distinctes :

- la liberté religieuse comprise de façon positive met à la charge de l'État le devoir de donner aux religions la possibilité de s'exprimer. En conséquence, les moyens de communication gérés sous forme de services publics doivent faire leur place aux religions. Le droit détermine les modalités d'exécution de cette obligation.

- d'un tout autre point de vue, le droit à la liberté d'expression s'arrête là où il porte atteinte à la liberté d'autrui. Il importe de veiller à ce que ce droit à la liberté d'expression ne devienne pas prosélytisme ; il importe également de garantir qu'il ne puisse pas choquer autrui dans ses propres convictions religieuses. Les tribunaux statuent sur les éventuels litiges.

4 - Citons également l'organisation des services d'assistance spirituelle dans les établissements publics tels que prisons, hôpitaux ou armées. La liberté religieuse impose que, lorsqu'un individu ne peut pas sortir d'un établissement public, l'État ait l'obligation "d'apporter" en quelque sorte la religion à l'intérieur de l'établissement. Ces services d'assistance spirituelle, d'aumôneries, existent et fonctionnent. On constate ici des difficultés assez semblables à celles rencontrées pour l'organisation de l'enseignement des religions à l'école publique : la situation des religions minoritaires reste difficile, plus souvent par manque de ministres du culte qu'en raison d'une réticence de l'administration.

C - Quelques questions de droit privé : famille, travail

Le troisième domaine que j'évoque très sommairement est relatif à diverses questions de droit privé. Dans tout État reconnaissant la liberté religieuse, le droit privé est appelé à prendre en compte le fait religieux et ses conséquences sur les comportements des citoyens. Dans certains cas, un droit national peut reprendre à son compte une règle juridique propre à une religion ; dans d'autres hypothèses, l'État s'interdit de considérer le droit interne d'une religion, mais il est néanmoins obligé de tenir compte des conséquences des choix religieux effectués par les individus.

1 - Droits séculiers et convictions religieuses interfèrent en droit de la famille.

Dans beaucoup de pays, le mariage religieux est reconnu par l'État et produit des effets civils (parmi les 15 Etats actuellement membres de l'Union européenne, cette solution est en vigueur en Espagne, Portugal, Italie, Royaume-Uni, Irlande, Grèce, Finlande, Danemark, Suède). La législation étatique peut reconnaître des effets civils au mariage conclu dans le cadre d'une seule religion, ou de diverses confessions. Dans tous les cas, le droit doit préciser les conditions de validité de ces unions, ainsi que les possibilités de rupture du lien.

Dans tout système juridique, la religion est prise en compte dans les conflits entre époux, au cours de procédures de divorce ou pour l'éducation des enfants. Ce sont les tribunaux, plus que le législateur,qui ont à statuer et leur jurisprudence est assez abondante.

2 - Les options religieuses des individus et des communautés sont également prises en considération par le droit du travail. Questions d'horaires, de jours de congé pour obligations religieuses ; questions d'actes à accomplir ou que le salarié refuse d'accomplir ; questions de l'organisation de la cantine de l'établissement, etc ...

D'autre part, le droit se préoccupe aussi de la condition du salarié au service d'un organisme à tendance confessionnelle : paroisse, mais aussi école confessionnelle, journal, hôpital, etc ... Il importe de concilier les exigences d'une religion et la protection des droits de tout travailleur.

*

* *

Dans ce bref rapport, je n'ai pu qu'évoquer quelques domaines, parmi beaucoup d'autres, où religions et croyances sont obligatoirement objet des préoccupations des juristes et législateurs. Constatons seulement qu'il y a, depuis plusieurs décennies, développement des droits nationaux en matière religieuse. La liberté religieuse elle-même a comme conséquence la diversification des questions auxquelles le droit doit répondre.

Je n'ai pas mentionné, même très sommairement, les réponses apportées à ces diverses questions par les divers droits nationaux. Les solutions sont très différentes selon les pays, les contextes religieux ou politiques, l'histoire de chaque État. Peu importe cette diversité des mécanismes juridiques. Seul compte le fait que les uns et les autres, selon leurs propres modalités, visent au respect des mêmes principes fondamentaux garantissant la liberté religieuse, principes constitutionnels fermement établis dans tout État démocratique.

Orientations bibliographiques :

- Ernest Caparros et Louis-Léon Christians (dir.), La religion en droit comparé à l'aube du 21ème siècle, actes du XV° congrès international de droit comparé tenu à Bristol, août 1998, Bruxelles, Bruylant, 2000 (rapport général par E. Capparros et 15 articles, relatifs à 15 Etats à travers le monde)

- Jos C. N. Raadschelders (dir.), Staat und Kirche in Westeuropa in verwaltungshistorischer Perspektive (19°- 20°s), Nomos, Baden-Baden, 2002

- Gerhard Robbers (dir), État et Églises dans l'Union européenne, Nomos, Baden-Baden, 1997

- Revue Conscience et liberté, revue publiée par l'Association internationale pour la défense de la liberté religieuses, dir. Maurice Verfaille , Berne.

- Travaux du Consortium européen pour l'étude des relations Églises-État, notamment :

. Publication d'un volume annuel sur un sujet spécifique, aux éditions Giuffrè, Milan ; (onze volumes entre 1992 et 2002 ; le dernier ouvrage est consacré au Statut des confession religieuses des États candidats à l'Union européenne). À partir de 2003, ces volumes paraîtront aux éditions Peeters, Leuven (deux volumes à paraître fin 2003 : l'Islam en Europe ; Les établissements d'assistance à caractère confessionnel)

. Revue européenne des relations Églises-État, dir. Rick Torfs, Peeters, Leuven (un volume annuel, vol. 8 en 2001)

DISCOURS DU PAPE JEAN-PAUL II

AUX PARTICIPANTS À L'ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE DE L'ORGANISATION POUR LA SÉCURITÉ ET

LA COOPÉRATION EN EUROPE (OSCE)3

Vendredi 10 octobre 2003


Monsieur le Président,

Illustres parlementaires,

1. Je suis reconnaissant pour les aimables paroles que M. Bruce George, Président de votre Assemblée parlementaire, m'a adressées à l'issue de la Conférence sur la Liberté de Religion promue par M. Marcello Pacini, chef de la délégation italienne. Je salue cordialement toutes les personnes présentes et je vous remercie dans le même temps de cette aimable visite.

Dès le début du processus d'Helsinki, les Etats-participants ont reconnu la dimension internationale du droit à la liberté de religion et son importance pour la sécurité et la stabilité de la communauté des Nations. L'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe poursuit son engagement pour assurer que ce droit humain fondamental, fondé sur la dignité de la personne, soit respecté de façon adéquate. D'une certaine manière, la défense de ce droit est le test décisif pour déterminer le respect de tous les autres droits humains.

2. Conscient de ces efforts, je désire aujourd'hui exprimer mon appréciation et dans le même temps vous encourager à poursuivre avec générosité cet engagement. Il est vrai que de nombreux jeunes grandissent aujourd'hui sans être conscients de l'héritage spirituel qui leur appartient. Malgré cela, la dimension religieuse ne cesse pas d'influencer de vastes groupes de citoyens.

C'est pourquoi il est important que, tout en respectant un sens raisonnable de la nature séculière de l'Etat, le rôle positif des croyants dans la vie publique soit reconnu. Cela correspond, entre autres, aux exigences d'un pluralisme sain et contribue à l'édification d'une démocratie authentique, à laquelle l'OSCE est véritablement engagée.

Lorsque les Etats sont disciplinés et équilibrés dans l'expression de leur nature séculière, le dialogue entre les divers secteurs sociaux est encouragé et, par conséquent, une coopération transparente et fréquente entre la société civile et religieuse est promue, au bénéfice du bien commun.

3. De même que la société souffre lorsque la religion est reléguée au domaine privé, ainsi, la société et les institutions civiles sont appauvries lorsque la législation - en violation avec la liberté religieuse - promeut l'indifférence religieuse, le relativisme et le syncrétisme religieux, les justifiant parfois même à travers une conception erronée de la tolérance.

Au contraire, tous les citoyens bénéficient de la reconnaissance des traditions religieuses dans lesquelles tous les peuples sont enracinés, et avec lesquelles les populations s'identifient généralement de façon particulière. La promotion de la liberté religieuse peut également avoir lieu à travers des dispositions prises pour les différentes disciplines juridiques des diverses religions, à condition que l'identité et la liberté de chaque religion soient garanties.

4. C'est pourquoi, chers législateurs, je ne peux que saluer l'engagement que vos pays ont pris au sein de l'OSCE dans le domaine de la liberté religieuse.

L'OSCE a également le mérite d'avoir reconnu l'importance institutionnelle de cette liberté : je pense en particulier au paragraphe 16 du Document final de Vienne de 1989. Une défense à un tel niveau de la liberté religieuse représente une puissante force de dissuasion contre la violation des droits humains de la part de communautés qui exploitent la religion dans des buts qui y sont étrangers. D'autre part, la juste promotion de la religion répond aux aspirations des personnes et des groupes, en les transcendant et en les conduisant à leur pleine réalisation.

Le respect de toute expression de liberté religieuse est donc considéré comme le moyen le plus efficace de garantir la sécurité et la stabilité au sein de la famille des peuples et des nations au XXIème siècle.

En vous présentant mes meilleurs vœux, j'invoque les Bénédictions de Dieu tout-puissant sur vous et sur votre travail au service de la personne humaine et de la paix.

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N° 1321 - Rapport d'information de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE sur la Conférence sur la liberté religieuse et le Forum parlementaire sur la Méditerranée (M. Michel Voisin)

1  La communication de Mme Basdevant-Gaudemet est publiée à la suite du présent compte-rendu. Elle a été reproduite dans ses propres publications par la délégation belge ; la délégation italienne en a également salué l'intérêt. Au vu de ces réactions positives, il m'a paru opportun d'en adresser le texte à l'ensemble des présidents des autres délégations nationales.

2  L'allocution du Pape Jean-Paul II, dont la version originale a été établie en langue anglaise, est publiée à la suite du présent compte-rendu.

3  Traduction française diffusée sur le site officiel du Saint-Siège : http://www.vatican.va