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N°1617

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 26 mai 2004

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RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA MISSION D'INFORMATION(1)

SUR LA PROBLÉMATIQUE DE L'ASSURANCE MALADIE 

Président et Rapporteur

M. Jean-Louis DEBRÉ,

Président de l'Assemblée nationale

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TOME 1

RAPPORT

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

La mission d'information sur la problématique de l'assurance maladie , est composée de : M. Jean-Louis Debré, Président et Rapporteur ; MM. Philippe Auberger, Gérard Bapt, Mmes Martine Billard, Maryvonne Briot, MM. Yves Bur, Alain Claeys, Paul-Henri Cugnenc, Jacques Domergue, Jean-Pierre Door, Jean-Michel Dubernard, Gérard Dubrac, Claude Evin, Mmes Jacqueline Fraysse, Cécile Gallez, Catherine Génisson, M. Maxime Gremetz, Mmes Elizabeth Guigou, Paulette Guinchard-Kunstler, MM. Edouard Landrain, Jean-Marie Le Guen, Richard Mallié, Hervé Mariton, Pierre Méhaignerie, Pierre Morange, Hervé Morin, Jean-Luc Préel, Jean-Marie Rolland, Jean-Sébastien Vialatte, Alain Vidalies, Philippe Vitel.

S O M M A I R E

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Pages

INTRODUCTION 11

première partie : un constat unanime : l'attachement aux principes fondateurs de l'assurance maladie 19

I.- L'Egalité d'accès aux soins 19

A. Les mêmes soins pour tous les assurés 19

B. Un haut niveau de prise en charge 20

C. Une offre de soins diversifiée et équilibrée 21

D. La gratuité des soins, une question plus complexe 22

II.- Un système dont le fonctionnement repose sur la Solidarité 23

A. Un financement assis sur la solidarité contributive 23

B. Une unité de la couverture assurée par la solidarité budgétaire et financière 24

C. Un attachement fort à la solidarité sous toutes ses formes 25

III.- Un système qui permet l'accès à des soins de Qualité 31

Deuxième partie : un diagnostic partagé : L'assurance maladie, un patient gravement affaibli 33

I.- Un symptôme alarmant : le déficit croissant 33

A. Un état chronique allant en s'aggravant 33

B. Une dégradation affectant tous les postes de dépenses 37

C. Une évolution insoutenable 45

II.- L'inefficacité des plans de redressement et des outils de maîtrise 50

A. Les « plans de sauvetage » adoptés depuis le milieu des années 1970 ont eu une visée essentiellement conjoncturelle 50

B. Le report de la dette accumulée tend à se perpétuer 51

C.  Les mesures de maîtrise de l'offre de soins ont échoué 52

D. Les mécanismes conventionnels sont en crise permanente 55

E. Les lois de financement de la Sécurité sociale se sont révélées inadaptées à leur objet 56

F. La prise de conscience du coût de la santé est insuffisante chez les usagers de l'assurance maladie 57

III.- Des sources d'économies structurelles insuffisamment exploitées 59

A. Les imperfections dans l'organisation du système de soins 59

B. Les insuffisances du contrôle et de l'évaluation 65

IV.- Les racines du mal : une absence totale de cohérence 68

A. Un système de santé sans pilotage « politique » 68

B. Une extrême confusion dans la gestion 70

C. Une offre de soins et une prise en charge éclatées 73

troisième partie : des thérapeutiques diverses - soins intensifs pour le financement, chirurgie réparatrice pour l'Organisation 77

I.− Un traitement prioritaire et prometteur : la mise en œuvre d'une meilleure gouvernance 77

A. Vers une architecture simplifiée et cohérente de l'ensemble du système 80

B. Des marges de progression en matière de qualité de notre système de soins, gages d'efficacité et d'efficience 96

II.- Les moyens d'action sur les dépenses : l'indispensable responsabilisation de tous les acteurs 105

A. Le dossier médical partagé sera un paramètre essentiel de la réforme 105

B. Les professions de santé et les établissements devront prendre toute leur part dans la rationalisation des dépenses 106

c. En contribuant à la maîtrise des dépenses, les patients seront pleinement acteurs de la réforme 113

I.- Positions exprimées par les organisations syndicales représentatives des salariés 124

II.- Positions exprimées par les organisations représentatives des employeurs 182

III.- Les moyens d'action sur les recettes : une prescription délicate 210

A. La CRDS : des interrogations fortes 210

B. la csg : Une solution qui ne peut être envisagée d'emblée 212

C. Les cotisations sociales : une piste évoquée mais ne recueillant pas un assentiment majoritaire 217

D. Des pistes de recettes plus consensuelles oeuvrant à la clarification du financement 221

I.- Positions exprimées par les organisations syndicales représentatives des salariés 231

II.- Positions exprimées par les organisations représentatives des employeurs 233

synthèse du rapport 235

I - unanimité sur la pérennité des principes fondateurs de l'assurance maladie 236

II - Le diagnostic est partagé : L'assurance maladie est un patient aujourd'hui affaibli 237

EXAMEN DU RAPPORT 247

Contributions 249

PROPOSITIONS 291

Titre I : POUR UNE POLITIQUE DE SANTé PUBLIQUE ET DE PRéVENTION AMBITIEUSE ET EFFICACE 291

Titre II : etendre la prise en charge des soins par l'assurance maladie pour garantir l'égalité de tous a la santé 295

Titre III : réformer la politique du médicament 299

Titre IV : moderniser et développer le service public hospitalier 302

Titre V : Répondre au défi de la pénurie de professionnels de santé 304

Titre VI : moderniser le financement de la protection sociale pour conjuguer solidarité, justice sociale et développement économique dans le respect des principes fondateurs du financement de la Sécurité sociale 307

Titre ViI :une nouvelle gestion démocratique de la Sécurité sociale 310

En guise de conclusion 312

Remarques préliminaires : 315

Nos propositions 316

1. Une politique de santé en amont d'une politique de soins 317

2. Quelle organisation pour quelle démocratie sanitaire (la « gouvernance ») ? 320

3. Actions sur les dépenses 321

4. Action sur les recettes : 328

En conclusion 330

INTRODUCTION

La France reconnaît et met en œuvre un droit à la santé pour tous.

Le préambule de la Constitution précise que « la nation garantit à tous la protection de la santé ». Les institutions de l'assurance maladie veillent à la mise en œuvre effective de ce droit. Grâce aux principes même qui le fondent, de solidarité, d'égalité et de qualité, notre système de santé rend aujourd'hui accessible à tous nos concitoyens un ensemble de prestations, de produits et de services au meilleur niveau actuel des connaissances et des technologies. En termes de réussite sanitaire, de justice sociale, d'efficacité économique, notre système a été reconnu comme l'un des meilleurs du monde.

Cependant, ce système connaît aujourd'hui de graves difficultés comme en atteste l'explosion des besoins de financement de l'assurance maladie. Cette crise n'est certes pas la première depuis les origines de la sécurité sociale, mais son ampleur et sa durée sont aujourd'hui préoccupantes. Elle appelle donc une réflexion collective sur ses causes et une détermination courageuse sur les solutions à mettre en œuvre pour la surmonter.

L'histoire de la Sécurité sociale, et particulièrement de l'assurance maladie est marquée, depuis 1945, tout à la fois par les étapes de sa généralisation à tous les Français et par les tentatives diverses, régulières et plus ou moins réussies de résoudre les difficultés financières auxquelles elle a rapidement été confrontée. Il n'est sans doute pas inutile, en exergue de ce rapport, de les remettre en lumière pour jauger le chemin parcouru, prendre la mesure du changement des esprits et peut-être proposer, pour résoudre les très graves déficits actuels, des solutions propres à conforter durablement notre système de santé.

Le Conseil National de la Résistance, dans son programme adopté en mai 1944, avait prévu pour l'après-guerre « un plan complet de Sécurité sociale visant à assurer à tous les citoyens des moyens d'existence dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des assurés et de l'Etat ». La Sécurité sociale sera de fait un élément essentiel des réformes engagées après-guerre.

Le modèle issu des ordonnances des 4 et 19 octobre 1945, puis de la loi du 22 mai 1946 est dès l'origine très spécifique. Tout en se rapprochant du système universel de protection sociale mis en œuvre au Royaume-Uni sous l'impulsion de Lord Beveridge, il maintient pour partie le schéma des assurances sociales de l'entre deux guerres, lui-même inspiré du plan mis en place en Allemagne par le chancelier Bismarck à la fin du XIXème siècle. D'un côté sont affirmées les règles d'universalité d'application des législations sur la sécurité locale - il s'agit de garantir les mêmes soins pour tous les assurés - et le principe de la caisse d'affiliation unique. De l'autre, s'organise la gestion de ce service public nouveau par les partenaires sociaux, de façon logique puisque son financement provient des cotisations sur les seuls salaires.

La généralisation progressive des bénéfices de l'assurance maladie à l'ensemble de la population active s'est essentiellement réalisée de 1945 à 1975, sans pour autant aboutir à un système homogène. C'est ainsi qu'après le maintien des régimes spéciaux, la spécificité du régime agricole est réaffirmée. Quelques années plus tard, une assurance maladie-maternité particulière est instituée au profit des professions non salariées.

Plusieurs textes tentent cependant d'harmoniser les régimes
- c'est sans doute pour l'assurance maladie que les différences sont les moindres- et des transferts financiers sont organisés pour tenir compte des évolutions démographiques de certaines catégories socio-professionnelles.

Pendant les années 1970, des réformes visent à accélérer le rapprochement entre les caisses, mais aussi à protéger la population « interstitielle » non prise en charge. C'est ainsi que la loi du 2 janvier 1978 procède à un élargissement supplémentaire du champ d'application des régimes et institue une assurance personnelle facultative.

Cette marche vers la généralisation est parachevée par la loi du 27 juillet 1999 mettant en place la couverture maladie universelle, qui garantit, sur simple critère de résidence, une prise en charge des soins par un régime d'assurance maladie et, aux personnes dont les revenus sont les plus faibles, le droit à une protection complémentaire. La « carte vitale » constitue en quelque sorte le symbole populaire de cette généralisation de l'accès aux soins.

Mais la volonté, conforme à l'esprit de la Libération, d'assurer à tous le bénéfice de l'assurance maladie s'est écartée de la logique initiale d'affiliation purement professionnelle du régime ; cela a accru par la suite les problèmes de financement et a également posé la question du mode de gestion.

Les difficultés financières apparaissent très vite après la guerre et si elles se sont accentuées dans les périodes de crise économique, leur persistance en démontre le caractère structurel.

Il faut tout d'abord observer que le régime ne s'accompagne à l'origine que de peu de contraintes, tant du côté de l'usager que des professionnels de santé. Très vite, recettes et dépenses n'évoluent pas au même rythme et l'histoire de l'assurance maladie peut aussi malheureusement se résumer aux plans de redressement financier qui l'ont jalonnée.

Les instruments mis en œuvre vont d'abord jouer sur les dépenses en instituant des déremboursements ou des systèmes de franchise. Les recettes vont être accrues, dans un premier temps par un relèvement et un déplafonnement des cotisations, puis par l'affectation à l'assurance maladie de prélèvements nouveaux. L'échec de ces mesures et la prise en compte de la diversité de l'offre aboutiront à des dispositifs de maîtrise des dépenses visant à réguler l'activité des professionnels de santé et l'accès des usagers au système de soins. Périodiquement aussi, les modes de gestion de l'assurance maladie sont remodelés dans le but de donner à leurs responsables des moyens accrus pour contrôler le régime.

La première réforme d'envergure est sans doute celle de 1967. Les quatre ordonnances du 21 août procèdent à la séparation des risques pour une meilleure lisibilité des comptes et à une recomposition des conseils d'administration des caisses. A la prédominance des représentants élus des salariés est substitué un paritarisme strict réunissant représentants des employeurs et des salariés, désormais désignés par les organisations représentatives. En 1971, les rapports entre les principaux régimes et le corps médical sont aménagés sur des bases nouvelles, définies par une convention nationale.

Avec la crise économique dans laquelle entre notre pays dans la deuxième partie des années 1970, débutent les plans de redressement proprement dits et de rationalisation des dépenses. On en compte une quinzaine sur une douzaine d'années.

La période 1988-1993 apporte des changements déterminants au régime. La création de la contribution sociale généralisée (CSG) par la loi de finances pour 1991 met fin à son financement exclusif par les cotisations sociales et accentue encore sa complexité.

Par ailleurs, la volonté, de plus en plus affirmée, de maîtrise médicalisée des dépenses a donné naissance à la création de nouveaux instruments d'action : les références médicales opposables, l'objectif prévisionnel des dépenses médicales, le codage des actes, des prescriptions et des pathologies, la création d'un dossier de suivi médical et d'un carnet médical. Par suite, seront mises en place les conférences nationales et régionales de santé, l'expérimentation des filières et réseaux de soins, la carte de professionnel de santé.

La réforme de 1996 a ouvert au Parlement la possibilité d'intervenir désormais chaque année sur l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM), par le biais de l'examen des projets de lois de financement de la Sécurité sociale. L'Etat et les caisses nationales doivent signer tous les trois ans des conventions d'objectifs et de gestion. Par ailleurs, au plan financier, la dette sociale accumulée sera apurée par la création de la CADES et d'une nouvelle contribution, la CRDS.

On observera enfin que l'hôpital, même s'il a été traité de façon spécifique, a également connu de profondes mutations depuis 1945. Les ordonnances des 11 et 30 décembre 1958 veulent faire des établissements hospitaliers des pôles d'excellence, volonté qui se traduit notamment par la création des centres hospitalo-universitaires, déterminants pour la recherche. La loi du 31 décembre 1970 institue le service public hospitalier et la carte sanitaire, celle du 19 janvier 1983 instaure la notion de budget global. La planification sanitaire et la réforme des structures internes seront engagées par la loi du 31 juillet 1991. Enfin, le plan de 1995 aboutit à la création d'agences régionales de l'hospitalisation et de l'agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé.

Malgré toutes ces réformes, l'assurance maladie se trouve, sans interruption depuis 1989, dans une situation de déficit durable et, aujourd'hui, ce déficit - 12,9 milliards d'euros annoncés pour 2004 - n'est plus supportable. Sa réduction est la condition même de la survie du système.

Cette crise n'est pas celle de l'adaptation ou de l'inadaptation des principes fondamentaux du système aux besoins de la société actuelle. Cette crise structurelle et profonde résulte du choc entre deux tendances opposées : d'une part, la hausse continue des dépenses sur un rythme plus élevé que celui de la croissance de la richesse nationale sous l'effet du progrès technique, de la sophistication des nouvelles thérapeutiques et, d'autre part, les difficultés économiques auxquelles est confronté notre pays qui voit sa compétitivité soumise à une concurrence internationale accrue, ses comptes publics sociaux alourdis par les effets d'un chômage endémique et ses capacités supplémentaires de financement réduites à l'extrême. La mauvaise conjoncture économique et l'affaiblissement de la croissance ont bien évidemment joué un rôle dans la récente aggravation de la situation. Une reprise de la croissance devrait certes induire une hausse des recettes (rentrée de cotisations ou de CSG), mais on notera avec préoccupation que, même pendant les années de croissance soutenue de la deuxième moitié des années 1990, le déficit n'avait pas disparu.

La nécessité d'une réforme profonde se fait d'autant plus sentir que les facteurs structurels pèsent et pèseront de plus en plus lourd sur les dépenses. La France vieillit et le drame épouvantable de la canicule de l'été 2003 est venu rappeler la nécessité de soins renforcés et mieux adaptés pour les personnes âgées.

Il est de fait que le système français apparaît essoufflé. Il a donné le meilleur, mais la structure même de l'offre de soins est en cause, l'insuffisance des contraintes du côté des professionnels comme des patients le fragilise. Par ailleurs, l'absence de gouvernance, de pilotage, affaiblit la légitimité des décisions prises. Du fait de l'intervention croissante de l'Etat, le paritarisme fonctionne moins bien, les partenaires sociaux ne pouvant, ou ne souhaitant pas assumer pleinement leur rôle de gestionnaires. Cette situation s'est bien évidemment trouvée aggravée par le départ du MEDEF des instances de l'assurance maladie à l'automne 2001.

Difficultés financières, enchevêtrement des compétences, démotivation des acteurs, inefficacité de l'intervention annuelle du Parlement notamment sur la fixation d'objectifs de dépenses constamment dépassés, la détérioration est telle aujourd'hui qu'elle exige dans un premier temps une forte prise de conscience de chacun, puis une responsabilisation de tous, seuls gages d'une réforme pérenne.

Si les difficultés actuelles ne sont pas résolues, une des institutions auxquelles les Français sont le plus attachés pourrait être mise à mal et les principes qui la fondent seraient eux-mêmes menacés.

Mais, comment maintenir les principes rappelés par le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie et notamment l'universalité de couverture, un niveau de prise en charge élevé, quand les ressources sont à ce point insuffisantes, les dépenses à ce point incontrôlées ?

J'ai donc souhaité que la représentation nationale soit partie prenante à la réflexion en organisant cette mission d'information.

Les auditions des partenaires sociaux, des ministres concernés, des professionnels de santé, d'experts - près de 19 auditions et tables rondes se sont tenues en l'espace de trois semaines -, se sont déroulées selon une thématique en trois étapes :

- Quels sont les principes qui doivent continuer à régir l'assurance maladie ?

- Le diagnostic des difficultés actuelles est-il partagé ?

- Quelles sont les solutions pour une réforme pérenne ?

Les échanges de vues entre les membres de la mission ont été organisés de la même façon.

Incontestablement, des prises de conscience ont eu lieu, les esprits ont évolué. Nous pouvons envisager aujourd'hui des réformes jugées impossibles il y a encore quelques années.

Les membres de la mission, après les intervenants auditionnés, se sont d'ailleurs facilement accordés sur les principes qui doivent continuer à demeurer le fondement de notre système d'assurance maladie: ceux de solidarité nationale d'assurance, d'universalité et d'égalité d'accès au système de soins, enfin de qualité des prestations offertes. Ces principes font partie des éléments constitutifs de notre cohésion sociale et de notre pacte républicain.

Le diagnostic est également partagé sur la gravité du constat de la situation actuelle même si des appréciations différentes ont été portées sur les causes du déficit et sur certains dysfonctionnements du système.

En revanche, il reste beaucoup de chemin à parcourir pour que les solutions proposées par les uns et les autres fassent l'unanimité.

Nous n'avons pu que constater les différences profondes entre les préférences qu'ont avancées les uns et les autres des intervenants auditionnés s'agissant par exemple de la gestion de l'assurance maladie, ou de l'étendue de la délégation à confier aux caisses.

De même, est évident le désaccord entre les assureurs complémentaires sur la nature même de la santé. N'est-elle vraiment qu'un élément comme un autre du marché, qui par là même peut échapper à la volonté de régulation des pouvoirs publics dès lors qu'il y a une demande? Est-elle au contraire un bien « supérieur » à défendre mais aussi à soumettre à certaines règles pour l'assurer au plus grand nombre de nos concitoyens, quels que soient leurs revenus par exemple ?

Ces nuances, ces divergences, ces oppositions, parfois très nettes, nous ont fait clairement mesurer l'ampleur de la tâche des pouvoirs publics pour proposer à la Nation, non pas une énième réforme, mais des thérapeutiques véritablement efficaces et durables.

Les membres de la mission n'ont pu aboutir à un consensus complet. Ce n'était d'ailleurs pas l'objectif recherché. Il me semble cependant que les députés membres de la mission se sont accordés sur la nécessité de refonder une gouvernance plus légitime pour assurer une cohérence et un contrôle plus serré du système, sur le souhait de rendre plus efficace l'organisation des soins et plus économe la gestion des dépenses. Il a paru à la mission qu'avant de demander un effort financier supplémentaire à la nation, il fallait améliorer la productivité globale d'un système de soins qui absorbe près de 10 % de la richesse nationale ce qui constitue une des proportions les plus élevées au monde.

Cela étant, comment la représentation nationale aurait-elle pu s'entendre sur tous les points alors que les options au sein de la société civile sont à ce point divergentes ? Mais je tiens ici à rendre hommage à tous ses membres qui, de la majorité comme de l'opposition, ont été très présents et actifs. Ils ont su faire montre tout au long des travaux de leur capacité de dialogue et d'écoute. Au bout du compte, le résultat honore, me semble-t-il, l'Assemblée nationale : elle a commencé à prendre sa part dans le débat, contribuant ainsi, comme je le souhaitais, à éclairer les choix qui seront à faire au moment de la discussion du prochain projet de loi où elle entend tenir toute sa place.

Jean-Louis DEBRÉ

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Bâti selon la même trame que les auditions, le rapport rappelle dans sa première partie les principes de l'assurance maladie qui doivent être réaffirmés et confortés par la réforme.

La seconde partie propose un diagnostic sur les difficultés actuelles, en analysant leurs causes, en prenant en compte les mesures déjà intervenues pour redresser la situation, en détaillant les insuffisances des modes de gestion.

La dernière partie dresse une liste des thérapeutiques à envisager du côté de la gouvernance, des dépenses et des recettes, en précisant les positions prises par les personnalités entendues et celles des membres de la mission.

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PREMIÈRE PARTIE : UN CONSTAT UNANIME : L'ATTACHEMENT AUX PRINCIPES FONDATEURS DE L'ASSURANCE MALADIE

La mission a souhaité interroger l'ensemble des personnes auditionnées pour vérifier la validité du constat fait par le Haut Conseil sur l'avenir de l'assurance maladie d'un attachement unanime aux principes fondateurs du système de soins français. On rappellera les cinq principes pris en compte par le Haut Conseil : l'universalité de la couverture, son caractère unitaire, des conditions de prise en charge indépendantes de la situation du malade et de la situation familiale, un niveau de prise en charge élevé, une contribution au financement du système proportionnelle au revenu de l'assuré (indépendamment de l'existence d'ayants-droit).

La mission a pu constater l'existence d'un réel consensus autour de ces principes, consensus qui s'est également manifesté en son sein. La santé, de l'avis de l'ensemble des acteurs, ne constitue pas un bien comme les autres. Les développements qui suivent n'auront donc pour objet que de présenter les principes devant régir la réforme et leurs conséquences concrètes dans le système actuel ainsi que la validité de certaines pistes de réforme.

I.- L'EGALITÉ D'ACCÈS AUX SOINS

A. LES MÊMES SOINS POUR TOUS LES ASSURÉS

Le système de santé français assure les mêmes soins pour tous les assurés sans distinction fondée par l'exemple sur l'âge, le revenu ou l'état de santé. Ce qui nous apparaît parfois comme une évidence n'en est pourtant pas une dans d'autres pays. Ainsi, le système américain se démarque t-il sur trois principes régissant le nôtre. En termes d'égalité des soins, la couverture médicale n'est pas la même aux Etats-Unis selon les revenus de l'assuré et l'assurance à laquelle il est affilié. Le système américain n'est pas non plus solidaire, puisque la prime d'assurance varie selon l'individu. Enfin, n'étant pas universel, il n'offre pas à tous les soins de meilleure qualité.

Dans une logique purement assurancielle, l'accès à la couverture maladie peut être lié à la capacité financière de l'individu, l'accès aux soins à l'existence d'une telle couverture et l'offre de soins peut être différente selon la couverture dont bénéficie l'individu. De même, l'accès à la couverture maladie est généralement plus coûteux pour les plus âgés dont le facteur « risque » est plus élevé. Il en va de même pour les assurés présentant une pathologie susceptible d'entraîner des coûts (cancers, affections cardio-vasculaires ou infection par le VIH ...). Les défenseurs d'un tel système justifient sa supériorité par le fait qu'il permettrait une allocation plus rationnelle des ressources et assure une plus grande coïncidence entre l'effort demandé et le retour attendu du système.

Parmi les acteurs du système de santé auditionnés, seul le MEDEF a exprimé sa préférence pour un tel modèle. Encore admet-il aujourd'hui que - théoriquement plus satisfaisant - il est en décalage trop profond avec les aspirations de la société française pour être envisagé. Il est a contrario frappant de constater que les organisations syndicales représentant les médecins libéraux affirment sans aucune ambiguïté leur profond attachement à ce principe de l'égalité de soins entre assurés.

Les membres de la mission sont quant à eux également farouchement attachés au maintien de ce principe qu'ils considèrent comme le cœur du système de santé et une condition essentielle de l'égalité.

B. UN HAUT NIVEAU DE PRISE EN CHARGE

Cette égalité dans l'accès aux soins ne se fait pas au surplus à un niveau minimal. Le système socialisé de l'assurance maladie assure au contraire une prise en charge des dépenses de santé à un niveau particulièrement élevé. En effet, le taux de remboursement global - par les régimes de base et les assurances complémentaires - des dépenses de santé était en moyenne de 88,3 % en 2001 et oscillait entre 74 % pour les dépenses de pharmacie et 97,7 % pour les dépenses en établissements. En moyenne, chaque Français perçoit 2 000 euros par an de l'assurance maladie. On rappellera que les dépenses en soins et biens médicaux s'élèvent à 2 220 euros par habitant.

Ce niveau de prise en charge a d'ailleurs sensiblement progressé sur la période récente en dépit des difficultés financières régulièrement rencontrées par l'assurance maladie. Les membres de la mission s'en réjouissent et confirment leur souhait du maintien d'un degré élevé de prise en charge.

Cette situation résulte tout d'abord de l'étendue de la couverture de base. A l'origine fondé sur l'activité professionnelle de l'assuré - et couvrant d'emblée non seulement celui-ci mais sa famille par la notion d'ayant droit - le système a progressivement évolué vers un objectif d'universalité de la couverture maladie. Il s'en est fortement rapproché avec les mesures de généralisation adoptées progressivement. La mise en place de la couverture maladie universelle (CMU) en 1999 a complété le processus en permettant l'affiliation à l'assurance maladie de base des quelque dizaines de milliers de personnes qui ne relevaient jusque là d'aucun régime. L'universalité de la couverture de base est désormais une réalité et un acquis incontesté.

Elle résulte également de l'extension progressive de la couverture complémentaire des dépenses de santé. Il convient de rappeler que cette couverture diffère sensiblement de la couverture de base, notamment par son lien plus étroit avec le revenu de l'assuré et son caractère éventuellement individuel. Elle s'inscrit dans une logique plus assurancielle. La proportion de Français couverts par une telle assurance - non compris ceux bénéficiant des dispositifs de solidarité que constituent l'aide médicale d'Etat et la CMU complémentaire - était de 31 % en 1960. Elle a atteint 69 % en 1980, connu un palier à 83 % entre 1990 et 1995 avant de culminer à 86 % en 2000. A l'instar de l'assurance de base, la couverture complémentaire tend à l'universalité : elle s'en est rapprochée avec la mise en place en 2000 de la CMU complémentaire1 qui a permis de porter le taux de couverture de la population française par une assurance complémentaire à 92 %. La mission a à plusieurs reprises rappelé la nécessité de garder présent à l'esprit le fait que 8 % des Français sont donc dépourvus d'une telle couverture, par exemple dans une éventuelle modification de la répartition de la prise en charge entre régimes de base et complémentaires. Elle s'est également interrogée sur le coût qu'appellerait l'achèvement de la généralisation de la couverture complémentaire.

Enfin, ce degré élevé résulte des conditions mêmes de la prise en charge. L'admission au remboursement ne repose pas sur une logique purement financière fondée sur l'idée d'un niveau acceptable de dépenses à la charge de l'assuré, mais sur des règles de droit régies par des instances administratives liées par des procédures qui fondent l'admission sur des critères de sécurité, d'utilité, d'efficacité et enfin d'efficience.

C. UNE OFFRE DE SOINS DIVERSIFIÉE ET ÉQUILIBRÉE

Le système de santé français se caractérise par la liberté qu'il offre. Ainsi, la médecine libérale repose-t-elle de façon classique sur cinq principes ancrés dans la loi : libre choix du médecin par le malade, liberté de prescription du médecin, secret médical, paiement direct des honoraires et liberté d'installation du médecin.

La liberté de choix du patient trouve à s'exercer grâce à une offre nombreuse et diversifiée. Si la densité de l'offre médicale est comparable à celle de l'Allemagne, de l'Espagne ou de la Suisse, elle est très nettement supérieure à celle observable au Royaume-Uni, au Canada ou au Japon. La France comptait ainsi 196 000 médecins au 1er janvier 2001, soit 329 médecins pour 100 000 habitants, répartis à peu près pour moitié entre généralistes et spécialistes. Elle compte également 10  lits d'hôpital pour 1 000 habitants. La mission ne peut qu'approuver les propos tenus par M. Pierre Costes, président de MG France, selon lequel cette abondance et cette diversité de l'offre ont formidablement contribué à l'amélioration des résultats sanitaires et favorisé le développement d'une médecine de proximité, mais cette affirmation a aujourd'hui atteint ses limites. Même si la mission s'est montrée unanime dans sa volonté de ne pas remettre en cause le principe du libre choix du médecin par le patient, elle s'est longuement interrogée sur l'opportunité d'influer sur ce choix afin qu'il s'exerce de façon plus rationnelle, pour à la fois éviter les abus liés au nomadisme médical et favoriser la mise en œuvre de parcours de soins plus cohérents et médicalement plus efficaces.

Tout aussi attachée aux autres principes, la mission s'est également interrogée sur l'opportunité de les adapter aux évolutions de notre système de santé afin de garantir la réalité de leur application. Par exemple, la liberté d'installation du médecin et le libre choix de celui-ci par le patient ne sont véritablement respectés que lorsqu'il y a adéquation entre les besoins des uns et l'offre des autres, par exemple par une répartition géographique adaptée de l'offre médicale. La mission a également affirmé son attachement à la permanence des soins.

Une fois encore, il convient d'y insister, ces principes et l'attachement à l'exercice libéral de la médecine n'ont été contestés par aucun des intervenants devant la mission ni par aucun de ses membres mais tous ont rappelé la nécessité de concilier de façon harmonieuse la diversité et l'équilibre de l'offre de soins.

D. LA GRATUITÉ DES SOINS, UNE QUESTION PLUS COMPLEXE

Les membres de la mission s'accordent sur un point essentiel : la nécessité d'une prise en charge maximale par l'assurance maladie - et les assurances complémentaires - des soins les plus coûteux. Si le reste à charge du traitement d'un rhume peut généralement être assumé par les individus, on ne conçoit pas par exemple une proportion identique de dépenses restant à charge du malade traité pour un cancer. D'une certaine façon, plus les soins sont coûteux, plus ils doivent être gratuits.

La mission est unanimement attachée au principe selon lequel la capacité financière des individus ne doit pas entraver leur accès aux soins.

Elle est plus partagée - de même que les personnes auditionnées - sur la gratuité totale des soins. Ainsi, les mécanismes de dispense d'avance de frais sont reconnus comme un acquis social, en particulier pour les patients les plus modestes et ceux dont les soins sont les plus coûteux. Certains considèrent cependant que le sentiment d'une gratuité totale - lié au développement de la couverture, notamment complémentaire - peut induire des comportements de gaspillage et une forme de déresponsabilisation pour des dépenses de soins courantes.

II.- UN SYSTÈME DONT LE FONCTIONNEMENT REPOSE SUR LA SOLIDARITÉ

A. UN FINANCEMENT ASSIS SUR LA SOLIDARITÉ CONTRIBUTIVE

Le financement de l'assurance maladie est très largement assis sur la solidarité contributive puisque la quasi-totalité des recettes provient des cotisations - salariales et patronales - et de la contribution sociale généralisée. Ces prélèvements ont une assiette portant environ pour 4/5e sur les revenus de l'activité professionnelle.

Autrement dit, ce mode de financement crée des transferts financiers entre diverses catégories puisqu'elles ne contribuent pas toutes pour le même montant mais qu'il n'y a pas, a priori de raisons pour qu'elles bénéficient de remboursements de dépenses de santé d'un montant différent. Ceci est dû à la très nette prédominance - plus de 90 % des dépenses de l'assurance maladie - des prestations en nature (remboursements de soins indépendants du revenu) par rapport aux prestations en espèces (essentiellement les indemnités journalières, revenus de remplacement).

Indépendamment du niveau même du revenu sur lequel est assis le financement, certaines catégories bénéficient de modalités d'assujettissement qui renforcent le mécanisme de transfert.

Ce financement opère tout d'abord un transfert entre les différentes catégories de cotisants. Il y a ainsi transfert entre les salariés eux-mêmes : le déplafonnement des cotisations maladie, puis la création de la CSG (avec une part non déductible) ont renforcé l'effet redistributif du prélèvement. Ainsi un salarié percevant un revenu brut de 1 300 euros par mois s'acquitte d'un prélèvement annuel de 2 891 euros tandis qu'un salarié percevant un revenu de 3 000 euros s'acquitte d'un prélèvement de 6 673 euros par an. En théorie, chacun d'entre eux bénéficie pourtant, comme on l'a dit, d'un remboursement de l'assurance maladie identique de 2 000 euros par an. Il y également transfert des salariés vers les retraités, les pensions étant exonérées de cotisations, ainsi que de CSG pour les plus modestes. De la même façon, il y a transfert entre actifs et chômeurs ou inactifs (ceux-ci étant assujettis à une CSG à moindre taux)2. Enfin, il y a transfert des détenteurs de patrimoine vers les autres du fait de la CSG.

Il y a par ailleurs transfert des cotisants vers les non cotisants : d'une part, par le biais des ayant droit de l'assuré, celui-ci cotisant à titre personnel et ouvrant droit à prestations pour l'ensemble de ses ayant droit ; d'autre part, par l'exercice de la solidarité nationale par le biais des dispositifs de l'aide médicale et de la CMU.

Enfin, il y a transferts des personnes seules vers les familles, en particulier les familles nombreuses.

Il existe un consensus total sur la nécessité d'une telle solidarité contributive. Elle est au cœur du système de santé socialisé qui ne peut fonctionner sur l'idée d'un juste retour.

B. UNE UNITÉ DE LA COUVERTURE ASSURÉE PAR LA SOLIDARITÉ BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE

Cette solidarité s'exerce dans les diverses sources de financement de la prise en charge des dépenses de santé.

Elle est particulièrement visible dans le financement de et par l'assurance maladie, que ce soit par le biais des cotisations sociales ou de l'impôt via notamment la contribution sociale généralisée (cf. supra le point 1). On rappellera que celle-ci crée un financement solidaire d'une rare ampleur puisque son assiette inclut les revenus d'activité, les revenus de remplacement, les revenus du patrimoine et des produits de placement ainsi que les gains des jeux. La solidarité financière s'exerce aussi par d'autres recettes de nature fiscale telles une partie des droits sur le tabac. On observera en outre qu'elle joue également entre les différents régimes de base de l'assurance maladie : concrétisée par la mutualisation de certaines actions de la CNAM-TS, de la CCMSA et de la CANAM via l'ACOSS et l'UCANSS, elle prend également la forme de compensations financières entre ces régimes dont les prestations ont par ailleurs été harmonisées.

La solidarité financière n'est pas absente du financement de la couverture complémentaire. Particulièrement évidente dans le fonctionnement des mutuelles puisque celles-ci n'ont pas de but lucratif et que les cotisations sont intégralement affectées à la couverture - actuelle ou future - des prestations, elle se traduit dans l'ensemble de la couverture complémentaire par la mise en œuvre fréquente de contrats collectifs dont l'effet de levier joue un rôle considérable en faveur de l'accès des plus modestes à cette couverture complémentaire.

Enfin, la participation de l'Etat au financement d'une partie de la prise en charge des dépenses de santé des plus modestes par l'aide médicale ou la CMU met en jeu la solidarité budgétaire.

Au final, seule la part restant à la charge des ménages échappe durablement à ce financement solidaire. Il convient de rappeler que sa part est inférieure à 12 % du total de la dépense et que l'amélioration de la couverture complémentaire lui a permis de reculer de 1,5 point depuis dix ans.

La mission estime qu'il ne faut en aucune façon porter atteinte au caractère solidaire du financement des dépenses de santé.

C. UN ATTACHEMENT FORT À LA SOLIDARITÉ SOUS TOUTES SES FORMES

La mission a souhaité réaffirmer solennellement son attachement à la solidarité entre bénéficiaires sous toutes ses formes.

A ainsi été abordée à plusieurs reprises la question de la solidarité des plus jeunes vers les plus âgés. Si certains évoquent parfois, avec un humour empreint de cynisme, comme solution unique au problème de l'assurance maladie la suppression de la dernière année de vie, la mission assume parfaitement - et estime que la Nation le doit également - le fait que l'on consomme davantage de soins lorsque l'on vieillit. Cette évidence est mesurable même si les résultats suivants résultent d'une enquête jugée statistiquement imparfaite par ses auteurs.

La population de plus de 80 ans consomme 14 % des dépenses alors qu'elle ne représente que 4 % de la population globale. Cela représente en 2003 environ 17 milliards d'euros de dépenses. La population de plus de 60 ans consomme quant à elle environ la moitié des dépenses de santé, alors qu'elle ne représente que 21 % de la population totale.

Part des dépenses

Part de la population

Intensité de la consommation (1)

0 - 9 ans

5,4%

12,2%

0,44

10 - 19 ans

7,3%

13,1%

0,56

20 - 29 ans

5,6%

13,3%

0,42

30 - 39 ans

9,9%

14,5%

0,68

40 - 49 ans

11,5%

14,3%

0,80

50 - 59 ans

12,4%

11,4%

1,09

60 - 69 ans

14,9%

9,3%

1,60

70 - 79 ans

18,9%

7,9%

2,39

80 ans et +

14,2%

4,0%

3,58

Total

100,0%

100,0%

1,00

Source : ministère de la santé

En réponse aux interrogations renouvelées de certains membres de la mission, notamment de Mme Paulette Guinchard-Kunstler, la mission a confirmé qu'elle ne souhaitait pas voir les dépenses de soins en faveur des personnes âgées sortir du champ de l'assurance maladie.

Cette solidarité entre générations ne s'exerce pas à sens unique. Le tableau montre d'ailleurs bien que d'autres âges pèsent plus que proportionnellement dans les dépenses de santé. Les débats sur la prolongation éventuelle de la CRDS et/ou l'augmentation de son taux ont par ailleurs débouché sur le rappel par de nombreux membres de la mission de la nécessité de ne pas transférer sur les générations futures le poids des dépenses actuelles de santé et des déficits qu'elles engendrent. La réaffirmation des principes régissant l'assurance maladie et la recherche de solutions pour sa réforme ne constituent-elles pas la meilleure preuve que la solidarité intergénérationelle joue également en faveur de ces générations futures ?

Fondamentalement, la solidarité au sein de l'assurance maladie s'exerce avant tout entre les bien-portants et les malades. Aujourd'hui 5 % des malades concentrent 60 % de la dépense. La mission estime que cette concentration des dépenses n'est en rien contestable, en dépit du débat qu'elle a pu avoir parfois sur l'opportunité de renforcer le contrôle des admissions en affections de longue durée (ALD).

Enfin, la solidarité s'exerce en faveur des familles. Outre les transferts liés à l'existence d'ayant droit, on rappellera que l'assurance maladie inclut l'assurance invalidité et l'assurance maternité.

Aucune voix ne s'est exprimée - ni devant la mission ni en son sein - pour contester ces transferts qui sont la traduction du principe de solidarité lui-même.

III.- UN SYSTÈME QUI PERMET L'ACCÈS À DES SOINS DE QUALITÉ

L'énoncé de ce principe est important car il ne découle pas automatiquement des deux précédents (solidarité et égalité d'accès). L'assurance maladie s'efforce d'inclure dans sa nomenclature de prise en charge les biens et services de santé au meilleur niveau actuel des connaissances et des technologies. Les meilleurs médecins, les meilleurs laboratoires, les hôpitaux les plus modernes, les médicaments les plus performants sont dans le périmètre pris en charge par la Sécurité sociale.

Notre système dispose d'atouts essentiels. Parmi ceux-ci figure au premier rang la qualité de la formation initiale : celle-ci assure traditionnellement la formation de professionnels compétents, en nombre suffisant et couvrant à peu près les besoins des différentes spécialités. L'activité médicale s'appuie également sur une recherche et une capacité d'innovation de grande qualité : on peut ainsi penser aux succès rencontrés en matière de greffes d'organes ou de chirurgie cardiaque. La qualité des professionnels sert celle des pratiques et l'on doit par exemple noter l'excellente réputation de nos conférences de consensus. Les soins sont également servis par la mise à disposition des techniques et des médicaments les plus performants, la qualité des équipements et des bâtiments et le maintien à un bas niveau des accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales. Enfin, les principes régissant l'assurance maladie imprègnent la qualité de l'accueil des patients et la France s'illustre par exemple par son action dans la lutte contre la douleur.

Toutefois, cette recherche de la qualité est un exercice permanent. Plusieurs des acteurs entendus par la mission ont souligné la difficulté de maintenir un tel niveau de qualité, en particulier dans un système qui pêche par son organisation.

C'est la combinaison de ces trois principes, d'égalité, de solidarité et de qualité, qui fait du système de santé français l'un des meilleurs du monde comme l'a reconnu récemment l'Organisation mondiale de la santé. Comme l'ont rappelé certaines des personnalités auditionnées, ces principes constituent les éléments déterminants de la cohésion sociale et citoyenne et, à ce titre, font partie de notre pacte républicain.

En conclusion, l'attachement unanime de la mission aux principes fondateurs de l'assurance maladie ne peut que nous réjouir. A titre personnel, son Président se félicite que cet accord réel ait laissé place à des débats qui - sans remettre en cause les principes - ont permis de réfléchir à leur pertinence et à leur adéquation aux évolutions de notre système de santé. Ces débats attestent de la réalité de cet attachement qui ne saurait être confondu avec une adhésion formelle à une liste de vœux pieux et servira utilement de fil conducteur à la réforme.

1 Même s'il convient de rappeler qu'une majorité des bénéficiaires de la mesure bénéficiait auparavant de l'aide médicale gratuite

2 7,5 % sur les revenus d'activité et 6,2 % sur les revenus de remplacement