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le 31 juillet 2002

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N° 157

--

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 30 juillet 2002.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE (N° 154), d'orientation et de programmation pour la justice,

PAR M. JEAN-LUC WARSMANN,

Député.

--

EXAMEN DES ARTICLES
(1ère partie : titres Ier à III)

Voir les numéros :

Sénat : 362, 370, 374 et T.A. 110 (2001-2002).

Assemblée nationale : 154.

Justice.


SOMMAIRE GÉNÉRAL DU RAPPORT

INTRODUCTION - AUDITIONS

EXAMEN DES ARTICLES (titres Ier à III)

SUITE DE L'EXAMEN DES ARTICLES (titres IV à VIII)

TABLEAU COMPARATIF

TEXTE DU RAPPORT ANNEXÉ - ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF - AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION - LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR


EXAMEN DES ARTICLES

Titre Ier - Dispositions de programmation

Article premier et rapport annexé : Approbation du rapport présentant les orientations et les moyens budgétaires pour la justice pour les années 2003 à 2007 

Article 2 : Programmation des crédits et des emplois sur la période 2003-2007 

Après l'article 2 

Article 3 (art.  2 de la loi n° 87-432 du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire) : Soumission des marchés de conception, de construction et d'aménagement d'établissements pénitentiaires au code des marchés publics 

Article 4 : Application de la procédure d'extrême urgence en matière d'expropriation pour la construction d'établissements pénitentiaires 

Article 5 : Mesures de protection des occupants 

Article 6 : Évaluation

Titre II - Dispositions instituant une justice de proximité  

Article 7 (livre III du code de l'organisation judiciaire [partie législative]) : Institution, compétence et fonctionnement de la juridiction de proximité 

Article 7 bis (nouveau) (art. 21 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative) : Faculté pour le juge de proximité d'enjoindre aux parties d'assister à une réunion d'information sur la conciliation 

Article 8 (article L. 811-1 du code de l'organisation judiciaire) : Service des secrétariats-greffes des juridictions de proximité 

Article 9 (Titre XXIV du livre IV du code de procédure pénale - art. 706-72 du code de procédure pénale) : Compétence de la juridiction de proximité en matière de contraventions et de composition pénale 

Après l'article 9 

Titre III - Dispositions portant réforme du droit pénal des mineurs  

Section 1 - Dispositions relatives à la responsabilité pénale des mineurs

Article 10 (art. 122-8 du code pénal) : Responsabilité pénale des mineurs 

Après l'article 10 

Article 11 (art. 2 de l'ordonnance du 2 février 1945) : Principe de la sanction éducative pour les mineurs de dix à treize ans 

Article 12 (art. 15-1 [nouveau] de l'ordonnance du 2 février 1945) : Sanctions éducatives susceptibles d'être prononcées à l'encontre d'un mineur 

Article additionnel après l'article 12 (art. 20 de l'ordonnance du 2 février 1945) : Sanctions éducatives prononcées par la cour d'assises des mineurs

Article 13 (art. 768, 769-2 et 775 du code de procédure pénale) : Coordinations

Après l'article 13 

Section 2 - Dispositions relatives à la retenue des mineurs de dix à treize ans

Article 14 (art. 4 de l'ordonnance du 2 février 1945) Conditions de retenue des mineurs de dix à treize ans 

Section 3 - Dispositions relatives au placement des mineurs dans des centres éducatifs fermés, sous contrôle judiciaire ou en détention provisoire 

Article 15 (art. 8 et 10-1 [nouveau] de l'ordonnance du 2 février 1945) : Contrôle judiciaire des mineurs

Article 16 (art 11 et 11-2 [nouveau] de l'ordonnance du 2 février 1945 :Détention provisoire des mineurs 

Section 4 - Dispositions instituant une procédure de jugement à délai rapproché 

Article 17 (art. 5, 12 et 14-2 [nouveau] de l'ordonnance du 2 février 1945) : Procédure de jugement à délai rapproché 

Section 5 - Dispositions relatives au jugement des mineurs par la juridiction de proximité

Article 18 (Art. 1er et 21 de l'ordonnance du 2 février 1945) : Jugement des contraventions par la juridiction de proximité 

Section 6 - Dispositions relatives au sursis avec mise à l'épreuve 

Article 19 : Modalités de détention des mineurs - Sursis avec mise à l'épreuve applicable aux mineurs 

Section 7 - Des centres éducatifs fermés 

Article 20 (art. 33 [nouveau] de l'ordonnance du 2 février 1945) : Centres éducatifs fermés 

Article additionnel après l'article 20 (art. 33-1 [nouveau] de l'ordonnance du 2 février 1945) : Suppression des allocation familiales en cas de placement d'un mineur dans un centre éducatif fermé 

Après l'article 20 

Section 8 - Dispositions diverses

Article 20 bis (nouveau) (art. 222-12 et 222-13 du code pénal) : Participation d'un mineur aux actes de violence 

Article 20 ter (nouveau) (art. 311-4-1 [nouveau] du code pénal) : Vol commis par un majeur avec l'aide d'un mineur

Article 20 quater (nouveau) (art. 227-17 du code pénal) : Manquement des parents à leurs obligations mettant en danger leur enfant mineur

Article 20 quinquies (nouveau) (art. 227-21 du code pénal) : Provocation d'un mineur à commettre un crime ou un délit 

Article 20 sexies (nouveau) (art. 10-1-A [nouveau] de l'ordonnance du 2 février 1945) : Possibilité de prononcer une amende civile à l'encontre des parents qui ne comparaissent pas 

Article 20 septies (nouveau) (art. 14 de l'ordonnance du 2 février 1945) : Présence de la victime à l'audience 


EXAMEN DES ARTICLES

Le projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice déposé par le Gouvernement sur le bureau du Sénat comportait huit titres respectivement consacrés : à la programmation budgétaire pour les années 2003-2007 ; à la juridiction de proximité ; à la réforme du droit pénal des mineurs ; à la simplification de la procédure pénale ; à l'amélioration du fonctionnement et de la sécurité des établissements pénitentiaires ; à la justice administrative ; à l'aide aux victimes ; à l'application outre-mer. Examinant ce texte en première lecture, le Sénat a introduit un titre VI bis comportant un article unique, relatif aux assistants de justice des juridictions judiciaires.

En outre, est annexé au projet de loi un rapport qui précise les orientations ainsi que la programmation budgétaire prévues pour la justice pour les années 2003 à 2007.

TITRE I

DISPOSITIONS DE PROGRAMMATION

Ce titre regroupe six articles qui prévoient : l'approbation du rapport annexé au projet de loi (art. 1er) ; la programmation des moyens de la justice (art. 2) ; des dispositifs destinés à faciliter ou accompagner la construction ou l'aménagement des établissements pénitentiaires (art. 3 à 5) ; une évaluation annuelle de la mise en _uvre des dispositions de la présente loi (art. 6).

Article premier et rapport annexé

Approbation du rapport présentant les orientations
et les moyens budgétaires pour la justice pour les années 2003 à 2007

Cet article a pour objet d'approuver le rapport annexé au présent projet de loi, qui, sur une vingtaine de pages, rend compte des objectifs, de la stratégie et des moyens de la politique judiciaire proposée par le Gouvernement au Parlement pour les années 2003 à 2007.

_ L'exercice n'est pas nouveau : la loi de programme n° 95-9 relative à la justice comportait une annexe précisant les orientations retenues pour l'exécution de la programmation budgétaire pour les années 1995-1999. Très récemment encore, le projet de loi de programmation et d'orientation pour la sécurité intérieure, présenté par M. Nicolas Sarkozy, a recouru à ce même procédé.

Sans doute ce rapport annexé est-il dénué de toute valeur normative. Pourtant, son approbation par le Parlement emporte plusieurs avantages. Tout d'abord, ce procédé solennise les engagements pris dans un domaine, soulignant par là même le caractère prioritaire de l'action qui s'engage. En outre, il permet d'associer les représentants de la Nation à la définition de la politique gouvernementale sur des thèmes prioritaires : à défaut, des volets entiers de cette politique, de nature réglementaires, échapperaient largement au Parlement. Enfin, la détermination de priorités claires, auxquelles correspond une programmation budgétaire pluriannuelle, évite l'éparpillement de l'action et assure sa continuité, sa prévisibilité ainsi qu'une coordination entre les moyens engagés et les réformes mises en oeuvre.

Dans le cas de la justice, l'adoption de cette loi de programme constituera donc un changement appréciable par rapport à la précédente législature. En effet, et pour s'en tenir à l'exemple le plus emblématique, il est évident que l'adoption de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes sans que des moyens matériels et humains adaptés aient été dégagés, a concouru au dysfonctionnement des institutions judiciaires, ne serait-ce qu'en raison du nombre d'audiences civiles annulées pour assurer l'application de la loi du 15 juin 2000.

Significativement, le Parlement peut amender le rapport annexé. Cependant, le Sénat, arguant de l'absence de portée normative de ce document, n'y a apporté que peu de modifications. Sur proposition de sa Commission des finances, saisie pour avis, il a utilement précisé, à plusieurs endroits du texte, la nature des dépenses visées dans le rapport annexé, en indiquant qu'il s'agit de dépenses « ordinaires ». En outre, sur amendement de M. Paul Loridant, il a complété le rapport annexé afin de préciser que le programme de construction des établissements pénitentiaires prévoira des espaces de travail de manière à ce qu'une activité professionnelle adaptée puisse être proposée à toute personne qui en fait la demande. Cet amendement est cohérent avec les amendements par ailleurs adoptés, portant articles additionnels et traitant du même sujet (cf. art. 32 bis et 32 ter [nouveaux]). Le rapporteur approuve cet ajout qui va dans le sens d'une meilleure réinsertion des détenus. Enfin, le Sénat a adopté un amendement tendant à préciser qu'une réflexion serait envisagée afin de faire du juge des enfants le juge de l'application des peines pour les mineurs.

_ Alors que le rapport annexé à la loi de programme n° 95-9 du 6 janvier 1995 relative à la justice avait présenté service par service la politique judiciaire qui serait retenue pour les années 1995-1999, le Gouvernement a retenu aujourd'hui une approche transversale, marquant ainsi plus clairement ses priorités politiques.

Pour chaque objectif, le rapport présente les grandes orientations qui seront privilégiées pour les années 2003 à 2007, les moyens budgétaires, tant en crédits qu'en effectifs, nécessaires à leur mise en _uvre et, enfin, le cas échéant, les dispositions normatives figurant dans le projet de loi. En outre, la présentation des orientations est l'occasion de constats sur les différents aspects du système judiciaire que la Parlement est invité à valider.

Le rapporteur ne reviendra pas sur chacun de ces aspects du rapport annexé, qui font l'objet de développements dans les commentaires d'articles et l'exposé général. Les moyens mis en _uvre font intervenir une large palettes de mesures, notamment : l'annonce de réformes législatives à venir, par exemple, en matière de procédure pénale ; la mise en place d'une réflexion interministérielle, par exemple en matière de transfert à l'administration pénitentiaire ; la généralisation d'expériences, par exemple en matière de guichets uniques de greffe ou de bracelet électronique ; la prévision de création de juridictions administratives ; engagement sur des revalorisations des statuts des personnels des différents services.

Le rapport comporte quatre parties qui constituent autant d'objectifs pour la justice :

L'amélioration de l'efficacité de la justice au service des citoyens : après avoir adopté un amendement du rapporteur, tendant à préciser que des efforts seront consentis pour améliorer les délais de traitements des affaires portées devant les juridictions spécialisées non pénales (amendement n° 124), la Commission a été saisie d'un amendement du rapporteur, tendant à prévoir que l'expérience professionnelle sera prise en compte pour le recrutement des juges de proximité. Ayant rappelé que des interrogations analogues en 1994 avait conduit à encadrer de façon trop restrictive le recrutement des magistrats exerçant à titre temporaire, M. Xavier de Roux a souligné la nécessité de ne pas s'arrêter aux réticences de la magistrature et d'ouvrir plus largement le recrutement des juges de proximité. Tout en rappelant que le détail des modalités de recrutement de ces juges serait examiné à l'occasion de la discussion du projet de loi organique déposé par le Gouvernement, le rapporteur a jugé utile que des personnes, telles que des fonctionnaires de justice à la retraite, qui, tout en disposant d'une solide expérience juridique, ne satisferaient pas nécessairement aux conditions de diplômes exigées dans le projet de loi organique, ainsi que des personnes disposant d'expériences professionnelles dans les secteurs économiques, tels que des cadres bancaires, puissent exercer les fonctions de juge de proximité. Le président Pascal Clément ayant indiqué que cet amendement permettrait d'élargir le vivier des candidatures, la Commission a adopté cet amendement (amendement n°125).

Elle a ensuite été saisie d'un amendement de Mme Maryse Joissains-Masini proposant d'inscrire, dans le rapport annexé, que le corps des magistrats devra être diversifié afin que seule la moitié de celui-ci soit constitué de membres de la magistrature, l'autre moitié étant constituée notamment de hauts fonctionnaires et de chefs d'entreprise, l'auteur de l'amendement ayant fait valoir que l'exercice de fonctions juridictionnelles exigeait de l'expérience, que n'avaient pas toujours les auditeurs de justice issus de l'Ecole nationale de la magistrature. M. André Vallini a vivement critiqué cet amendement, jugeant qu'il marquait une prise de position en faveur d'une « justice de classe ». Tout en souscrivant à l'objectif d'une diversification du corps de la magistrature, le rapporteur a indiqué que le statut de la magistrature prévoyait déjà plusieurs modes de recrutement parallèles ; la Commission a donc rejeté cet amendement, avant d'adopter six amendements rédactionnels présentés par le rapporteur, tendant à modifier l'intitulé de certaines subdivisions du rapport (amendements nos 126 à 131).

L'adaptation du droit pénal à l'évolution de la délinquance et le développement de l'effectivité de la réponse pénale : la Commission a adopté un amendement du rapporteur, tendant à donner une nouvelle rédaction aux dispositions relatives à la réduction de délai de jugement des affaires pénales et à y insérer une référence aux expertises pénales, le rapporteur ayant fait observer que les difficultés suscitées par la mise en _uvre de ces dernières avaient souvent été évoquées au cours des auditions auxquelles il a procédé pour l'examen du projet de loi (amendement n° 132).

De même, elle a adopté à l'unanimité un amendement du rapporteur, prévoyant que les membres du personnel de l'administration pénitentiaire seront consultés sur les caractéristiques des établissements pénitentiaires dont la construction est envisagée, le rapporteur ayant rappelé que certains établissements, dont la construction avait été uniquement conçue par les services centraux de l'administration pénitentiaire, offraient, de fait, des conditions de travail particulièrement difficiles pour les personnels (amendement n° 133).

La Commission a ensuite examiné un amendement du rapporteur, prévoyant que le Gouvernement devra présenter un projet de loi d'orientation pénitentiaire ayant pour objet de définir le sens de la peine et de préciser les missions assignées à la prison, le rapporteur ayant admis que l'examen du présent projet de loi ne permettrait pas de débattre de ces questions essentielles et jugeant souhaitable qu'elles fassent l'objet d'une loi au cours de la législature. La Commission a adopté cet amendement (amendement n° 134), ainsi qu'un amendement du rapporteur, tendant à compléter le rapport annexé afin d'y insérer des dispositions relatives au développement des structures en milieu ouvert, le rapporteur ayant souligné que ces centres destinés au milieu ouvert, malgré les difficultés inhérentes à leur fonctionnement, permettent, d'une part, aux détenus d'exercer une activité, de recevoir un enseignement ou une formation professionnelle et, d'autre part, de responsabiliser les condamnés (amendement n° 135). La Commission a ensuite adopté un amendement du rapporteur, tendant à préciser qu'une attention particulière sera apportée à la prévention et à la lutte contre la toxicomanie en détention, ainsi qu'au suivi du toxicomane après son incarcération (amendement n° 136).

Le traitement plus efficace de la délinquance des mineurs : la Commission a adopté un amendement de M. Guy Geoffroy, tendant à compléter l'intitulé de ce titre afin d'y insérer une référence à la prévention, après que l'auteur de l'amendement eut rappelé qu'elle était tout aussi importante que la répression et que le rapporteur eut indiqué que cet amendement correspondait à la philosophie du projet de loi (amendement n° 137).

La Commission a ensuite été saisie d'un amendement du rapporteur, précisant que les actions de prévention de la délinquance mentionnées dans le rapport annexé doivent être également menées au sein des établissements scolaires et mises en _uvre notamment par des psychologues et des médecins scolaires ainsi que par l'ensemble des travailleurs sociaux concernés. Observant que ces actions de prévention qui existent déjà, étaient inefficaces et coûteuses pour la collectivité, M. Christian Estrosi a souhaité que la rédaction de cet amendement soit modifiée afin de prévoir un contrôle de ces actions. Le rapporteur ayant cependant insisté sur leur importance, la Commission a adopté cet amendement (amendement n° 138), avant de rejeter un amendement de M. Guy Geoffroy, tendant à modifier la dénomination des centres éducatifs fermés pour retenir une qualification mettant en avant la dimension éducative de ces nouvelles structures.

La Commission a ensuite été saisie d'un amendement du même auteur, tendant à fixer comme objectif de favoriser au maximum la suppression des quartiers de mineurs au profit de nouveaux établissements spécialisés afin que l'incarcération, malheureusement nécessaire pour certains mineurs récidivistes et violents, ne crée pas les conditions d'une nouvelle récidive. Ayant fait observer que cet objectif serait difficilement réalisable, le rapporteur a indiqué que le projet de loi prévoyait la rénovation de cinq cents places des quartiers de mineurs ainsi que la création de quatre cents places au sein d'établissements spécialisés. En outre, il a jugé qu'une partie de l'amendement portait une appréciation excessivement négative sur les effets de la détention pour les mineurs. M. Christophe Caresche ayant souligné l'intérêt de cet amendement et précisé que s'il était retiré, il le reprendrait, M. Xavier de Roux a également approuvé cet amendement qu'il a jugé conforme aux objectifs du projet de loi mais suggéré qu'en soit ôtée toute appréciation sur les effets de la détention. M. Guy Geoffroy ayant accepté cette modification, la Commission a adopté son amendement ainsi rectifié (amendement n° 139).

La Commission a ensuite adopté huit amendements du rapporteur, les six premiers d'ordre rédactionnel (amendements nos 140 à 144 et 146), le septième tendant à faire état dans le rapport annexé de la nécessaire responsabilisation des parents des mineurs délinquants (amendement n° 145) et le dernier prévoyant que la direction de la protection judiciaire de la jeunesse devra pouvoir recruter des personnes possédant une expérience professionnelle et technique diversifiée, le rapporteur ayant souligné que cet amendement allait dans le même sens que les déclarations faites par le ministre lors de son audition par la Commission (amendement n° 147).

L'amélioration de l'accès des citoyens au droit et à la justice : la Commission a adopté un amendement du rapporteur indiquant que la victime doit également recevoir une information sur les services sociaux, médicaux et de soutien psychologique auxquels elle peut s'adresser (amendement n° 148).

Puis, elle a adopté l'article premier et le rapport annexé ainsi modifié.

Article 2

Programmation des crédits et des emplois sur la période 2003-2007

Cet article a pour objet de déterminer les moyens budgétaires qui permettront de mettre en _uvre les objectifs fixés dans le rapport annexé durant la période qui s'étendra de 2003 à 2007. Trois chiffres méritent d'être relevés : 3,65 milliards d'euros de crédits de paiement nouveaux pour dépenses ordinaires et dépenses en capital, 1,75 milliard d'euros d'autorisations de programme nouvelles et 10 100 emplois budgétaires créés. L'effort engagé est d'autant plus remarquable qu'il s'inscrit dans un période de nécessaire modération des dépenses publiques et concerne l'ensemble des secteurs - de l'administration centrale à la protection judiciaire de la jeunesse, en passant par les services judiciaires, les juridictions administratives, et l'administration pénitentiaire - et l'ensemble des catégories budgétaires, qu'il s'agisse des crédits de rémunération, de fonctionnement, d'intervention ou d'équipement.

LES MOYENS NOUVEAUX DE LA JUSTICE 2003-2007

(en millions d'euros)

Catégories
de crédits

Crédits
de paiement

Autorisations
de programme

Dépenses ordinaires (rémunérations, fonctionnement et intervention)

2 775

-

Dépenses en capital (investissement)

875

1 750

Capacité totale de paiement

3 650

-

Capacité totale d'engagement (crédits de paiement pour dépenses ordinaires + autorisations de programme)

4 525

Les moyens programmés dans le présent article atteignent des montants jamais atteints et apparaissent particulièrement importants au regard des ouvertures de crédits et des créations d'emplois effectuées ces dernières années. Leur mise en oeuvre exigera l'ouverture régulière de crédits dans les lois de finances à venir et nécessitera, pour qu'ils aient tous leurs effets, une rationalisation accrue de la gestion.

A. UNE PROGRAMMATION TRÈS SUBSTANTIELLE

Par rapport au budget voté en 2002, les crédits prévus dans le présent article permettront de quasiment doubler les crédits de paiement du ministère de la justice sur cinq ans et de plus que tripler les autorisations de programme. Les emplois budgétaires progresseront, quant à eux, de 15 % en cinq ans. À titre de comparaison, ils avaient progressé de 5,9 % à l'occasion de la première programmation 1995-1999 et de 11,8 % durant la précédente législature.

1. D'une logique de moyens à une logique d'objectifs

Conformément à la philosophie qui a guidé la rédaction de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, le présent projet de loi s'attache à organiser les crédits, non plus par nature comme cela prévaut dans la présentation budgétaire classique, mais par objectifs. Si une telle démarche avait été amorcée dans la loi de programme du 6 janvier 1995 relative à la justice avec la présentation d'une série d'objectifs par grand service, ces orientations étaient propres à chacun de ces services. Elles n'avaient pas de vocation transversale, alors même que chacune des politiques conduites par le ministère de la justice est menée par plusieurs services, à l'exemple du traitement de la délinquance des mineurs.

De la même façon que dans le projet de loi d'orientation et de programmation sur la sécurité intérieure, les crédits sont distribués, dans le rapport annexé, par objectif selon la répartition suivante :

RÉPARTITION DES CRÉDITS PRÉVUS ET DES EFFECTIFS NOUVEAUX PROGRAMMÉS PAR OBJECTIF

Objectifs

Crédits de paiement pour dépenses ordinaires

Autorisations de programme

Emplois

(en millions d'euros)

(en %)

(en millions d'euros)

(en %)

(en unités)

(en %)

Améliorer l'efficacité de la justice au service des citoyens

1 329

47,87

382

21,83

4 397 (1)

43,53

Adapter le droit pénal à l'évolution de la délinquance et développer l'effectivité de la réponse pénale

762

27,45

1 198

68,46

3 600 (2)

35,64

Traiter plus efficacement la délinquance des mineurs

423

15,24

170

9,71

1 988 (3)

19,68

Améliorer l'accès des citoyens au droit et à la justice

262

9,44

-

-

115 (4)

1,14

Total

2 775

100,00

1 750

100,00

10 100

100,00

(1) dont 180 en administration centrale, 3 737 dans les services judiciaires, 480 dans les juridictions administratives, auxquels s'ajoutent 3 300 juges de proximité.

(2) dont 410 dans les services judiciaires et 3 190 en administration pénitentiaire.

(3) dont 188 dans les services judiciaires, 550 en administration pénitentiaire et 1 250 dans les services de la protection judiciaire de la jeunesse.

(4) dans les services judiciaires.

2. Des crédits supplémentaires importants

L'ampleur de l'effort budgétaire consenti dans le présent projet de loi ne peut être mesurée que par comparaison avec les ouvertures de crédits et les créations de postes prévues dans la précédente loi de programme appliquée entre 1995 et 1999 et par comparaison avec celles intervenues lors de la précédente législature. Or, compte tenu de la présentation budgétaire adoptée durant cette période, la comparaison ne peut se faire qu'en opérant une répartition par grands services - administration centrale, services judiciaires, juridictions administratives, administration pénitentiaire, protection judiciaire de la jeunesse (ces deux derniers étant qualifiés de services chargés de l'exécution des décisions de justice) - des crédits et des effectifs inscrits dans le projet de loi de programmation.

RÉPARTITION DES CRÉDITS PRÉVUS ET DES EFFECTIFS NOUVEAUX PROGRAMMÉS PAR SERVICE

Services

Crédits de paiement pour dépenses ordinaires

Autorisations de programme

Emplois

(en millions d'euros)

(en %)

(en millions d'euros)

(en %)

(en unités)

(en %)

Administration centrale

360

12,97

45

2,57

180

1,78

Services judiciaires

1 207

43,50

277

15,83

4 450 (1)

44,06

Juridictions administratives

114

4,11

60

3,43

480

4,75

Administration pénitentiaire

801

28,86

1 313

75,03

3 740

37,03

Protection judiciaire de la jeunesse

293

10,56

55

3,14

1 250

12,38

Total

2 775

100,00

1 750

100,00

10 100

100,00

Capacité d'engagement

4 525

 

(1) dont 950 magistrats et 3 500 fonctionnaires.

Une comparaison globale, service par service, des efforts inscrits dans la loi de programme du 6 janvier 1995 et de ceux figurant dans le présent projet de loi doit tenir compte d'une différence importante : l'administration centrale n'a bénéficié d'aucun crédit nouveau ni de création d'emploi au titre de la première loi de programme. Sous cette réserve, il est possible d'établir un tableau synthétique retraçant, pour la durée de la loi de programme de 1995, pour la XIe législature et pour le présent projet de loi de programmation, les créations d'emplois.

TABLEAU COMPARATIF DES CRÉATIONS D'EMPLOIS

Services

Loi de programme
1995-1999
(1)

XIe législature
1997-2002
(2)

Projet de loi de programmation
2003-2007

Administration centrale

-

100

180

Services judiciaires

1 135

2 311

4 450

Juridictions administratives

290

379

480

Administration pénitentiaire

1 802

2 969

3 740

Protection judiciaire de la jeunesse

482

1 294

1 250

Total

3 709

7 053

10 100

(1) Créations réalisées.

(2) Données brutes, qui ne tiennent donc pas compte des mesures de transfert et des transformations d'emplois.

Sources : rapport d'exécution de la loi de programmation du 6 janvier 1995, documents budgétaires, projet de loi.

Il est également possible de dresser un tableau comparatif de l'évolution des crédits de paiement par grand secteur, à condition de prendre en compte trois éléments :

· si la loi de programme du 6 janvier 1995 ne prévoyait pas l'ouverture d'autres crédits de fonctionnement que des crédits de rémunération, contrairement au présent projet de loi de programmation, il est cependant possible de mesurer la progression des crédits pour dépenses ordinaires sur la période 1995-1999 ;

· l'évolution des rémunérations est neutralisée sur la période 2003-2007 ; l'évolution des crédits de paiement présentée ne tient donc pas compte de l'évolution future du « point fonction publique » et de l'effet « glissement-vieillesse-technicité », notions sur lesquelles nous reviendrons ;

· les crédits de paiement pour dépenses en capital susceptibles d'être ouverts pendant la durée de la programmation proposée sont, au total comme par secteur, égaux à la moitié des autorisations de programme prévues.

TABLEAU COMPARATIF DES CRÉDITS DE PAIEMENT POUR DÉPENSES ORDINAIRES ET DÉPENSES EN CAPITAL

(en millions d'euros)

Services

Loi de programme
1995-1999

XIe législature
1997-2002

Projet de loi de programmation
2003-2007

Evolution
(en millions d'euros)

Evolution
(en %)

Evolution
(en millions d'euros)

Evolution
(en %)

Evolution
(en millions d'euros)

Evolution
(en %)

Administration centrale

58,51

12,56

97,29

19,70

382,50

64,71

Services judiciaires

308,30

20,97

395,47

24,61

1 345,50

67,19

Juridictions administratives

31,42

34,13

39,27

37,77

144,00

100,52

Administration pénitentiaire

166,12

17,21

351,77

34,05

1 457,50

105,24

Protection judiciaire de la jeunesse

66,37

18,64

158,51

41,59

320,50

59,39

Total

630,72

18,83

1 042,31

28,80

3 650,00

78,30

Source : Ministère de la justice.

La comparaison des moyens engagés depuis une décennie et programmés pour les cinq ans à venir fait apparaître un effet d'hystérésis, qui n'est que le reflet de l'adaptation perpétuelle et décalée dans le temps de l'offre à une demande de justice toujours grandissante. Cette évolution est confirmée par l'analyse par service de l'affectation des moyens nouveaux.

a) L'administration centrale

L'administration centrale, qui fait figure de grande oubliée de la première loi de programme et des mesures budgétaires qui ont suivi, devrait bénéficier de la création de 180 emplois, de 360 millions d'euros en dépenses de fonctionnement, nouvelles dépenses de rémunération comprise, et de 45 millions d'euros en autorisations de programme.

Les effectifs de l'administration centrale augmenteront de 1 863 à 2 043 postes budgétaires, soit une progression de 9,7 % entre 2003 et 2007, au lieu d'une hausse de 5,7 % entre 1997 et 2002. Les nouveaux emplois offriront la possibilité d'accroître la fonction de gestion dans les services centraux, dont l'importance n'avait pas suivi l'augmentation importante des moyens intervenue depuis 1993. Ce qui est vrai pour la gestion budgétaire et celle des ressources humaines l'est tout autant pour les politiques informatique et immobilière.

Cet apport en personnel devrait également faciliter la « remise en ordre » de la gestion du personnel au sein de l'administration centrale du ministère de la justice. En effet, chaque année, les rapports budgétaires des deux assemblées soulignent le manque de transparence de cette gestion. L'administration centrale ne disposant pas du personnel nécessaire à l'exercice de ses missions se voit contrainte de recourir à des mises à disposition d'agents, « extraits » des services déconcentrés. Cette technique tend à accroître l'écart entre effectifs budgétaires et effectifs réels et à multiplier les difficultés de gestion dans les régions, à l'heure même où le champ des activités déconcentrées s'élargit.

b) Les services judiciaires

Les services judiciaires verront leurs effectifs augmenter de 4 450 emplois, dont 950 postes de magistrats et 3 500 postes de fonctionnaires, qu'il convient de comparer aux 1 284 postes de fonctionnaires créés lors de la précédente législature. Les dépenses ordinaires augmenteront de 1 207 millions d'euros et les autorisations de programme de 277 millions d'euros. Les juridictions judiciaires attirent donc le principal des créations d'emplois avec 44 % du total, une part importante des dépenses ordinaires nouvelles (43,5 %) et une fraction non négligeable des autorisations de programme (16 %). Au total, hors augmentation du « point fonction publique » et effet « glissement-vieillesse-technicité » sur les rémunérations, leurs crédits croîtront de 67 % d'ici 2007.

- Le personnel et le fonctionnement

Sur la période de programmation 1995-1999, les services judiciaires ont bénéficié de la création nette de 1 329 postes budgétaires (300 postes de magistrats et 1 029 postes de fonctionnaires), alors que la loi de programme avait prévu la création de 1 135 postes. Entre 2003 et 2007, les effectifs des services judiciaires connaîtront une progression substantielle de 16,1 %, contre 9,1 % lors de la précédente législature. Ils passeront de 27 600 à 32 051  emplois budgétaires. Il faut noter la croissance de 17,1 % du nombre de fonctionnaires de greffe.

L'essentiel des nouveaux moyens contribuera à améliorer l'efficacité de la justice au service des citoyens (4 397 postes), mais une part non négligeable sera consacrée aux autres objectifs que sont l'adaptation du droit pénal à l'évolution de la délinquance et le développement de l'effectivité de la réponse pénale (410 postes), le traitement plus efficace de la délinquance des mineurs (188 postes) et l'amélioration de l'accès des citoyens au droit et à la justice (115 postes).

S'ajouteront à la création de ces postes des crédits de vacation susceptibles de financer le recrutement de 3 300 juges de proximité, soit 330 postes équivalents temps plein. Il faut rappeler qu'en 1995 seuls 80 postes en équivalents temps plein de magistrats exerçant à titre temporaire avaient été programmés.

Pour atteindre le premier objectif, les nouveaux postes permettront d'affecter des magistrats et des greffiers à la réduction des délais de traitement et à l'augmentation du nombre des poursuites, de renforcer les services de l'exécution des peines et d'accroître le nombre de magistrats, de greffiers en chef et de greffiers placés pour pallier les vacances d'emploi. La création d'emplois soutiendra le développement des politiques publiques qui font de plus en plus appel à la participation de l'autorité judiciaire. Des revalorisations indemnitaires dans le sens d'une meilleure reconnaissance de fonctions spécifiques seront également financées. Le projet de loi de programmation prévoit, en outre, d'accompagner la création de postes budgétaires par une augmentation des moyens de fonctionnement matériel et un développement des réseaux informatiques internes et externes.

Une partie des crédits supplémentaires permettra d'accroître le nombre de maisons de justice et du droit et d'antennes de justice, mais aussi les moyens des établissements de formation, tels que l'École nationale de la magistrature ou l'École nationale des greffes, pour faire face à la hausse prévisible des recrutements. Enfin, 262 millions d'euros de dépenses ordinaires (dont le financement de 115 emplois) seront affectées à l'amélioration de l'accès au droit et à la justice, ce qui passera, en particulier, par une rémunération plus équitable des professionnels du droit qui interviennent en matière d'aide juridictionnelle et par l'attribution, sans condition de ressources, de l'aide juridictionnelles aux victimes des atteintes les plus graves à la personne ou à leurs ayants droit. Cette dernière mesure est évaluée à 4,2 millions d'euros.

- L'équipement

Les autorisations de programme serviront à rénover le parc ancien des juridictions, souvent vétuste, mais permettront aussi de le développer. La mise aux normes de sécurité et l'amélioration des accès aux bâtiments figureront parmi les priorités.

La première loi de programme avait prévu l'inscription de 686 millions d'euros d'autorisations de programme. 640 millions d'euros furent effectivement ouverts, mesures d'annulations comprises. Cette enveloppe permit de prolonger l'effort important lancé en juin 1991 avec le programme pluriannuel d'équipement judiciaire. Les services judiciaires ont absorbé ainsi la majeure partie des crédits d'équipement prévus par la loi de programme du 6 janvier 1995, ce qui permet d'expliquer que l'effort représenté par le présent projet de loi apparaisse moins important, bien que non négligeable (277 millions d'euros). L'importance des autorisations de programme et des crédits de paiement disponibles, comme le montrent les graphiques ci-après, permettra, en tout état de cause, de mener un programme d'équipement soutenu.

c) Les juridictions administratives

graphique
100 postes de magistrats et 190 emplois de greffe ont été créés dans le cadre de la première loi de programme en faveur des juridictions administratives, soit un taux de réalisation satisfaisant, puisque le texte du 6 janvier 1995 prévoyait la création de 105 postes de magistrats et de 200 fonctionnaires. Entre 1997 et 2002, ces emplois ont augmenté de 18,4 %. La période de programmation 2003-2007 enregistrera une nouvelle croissance du nombre de postes de près de 20 %, pour atteindre 2 921 emplois budgétaires en fin de période.

Les effectifs du Conseil d'État, des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel devraient, en effet, croître de 480 postes, tandis que les dépenses de fonctionnement progresseront de 114 millions d'euros et les autorisations de programme de 60 millions d'euros. Les moyens budgétaires des juridictions administratives, exprimés en crédits de paiement pour dépenses ordinaires et dépenses en capital, doubleront en cinq ans.

Les crédits de fonctionnement serviront non seulement au recrutement de magistrats et de fonctionnaires des greffes, mais aussi à celui de 230 équivalents temps plein d'assistants de justice, catégorie d'emplois jusque là réservée aux juridictions judiciaires. Ils financeront également la revalorisation de la situation du corps des tribunaux et cours administratives d'appel (augmentation de l'indemnité forfaitaire, suivi plus dynamique de la carrière des magistrats) et le développement de l'outil informatique.

De nombreux travaux de rénovation, de réhabilitation, de restructuration des locaux et d'amélioration de la sécurité ont été entrepris ces dernières années au Conseil d'État et dans les juridictions administratives, comme le montrent les graphiques ci-dessous. Plusieurs relogements sont intervenus : tribunaux de Bordeaux, de Caen, de Montpellier, de Poitiers, d'Amiens et de Clermont-Ferrand. Les juridictions de Lyon ont également été relogées. Nombre de locaux ont été agrandis. Tel fut le cas des tribunaux de Grenoble, de Rouen, de Dijon, de Nantes et de Nice. Par ailleurs, un tribunal a été créé à Melun, ainsi qu'une cour d'appel, à Marseille. Le relogement de la cour administrative d'appel de Paris a été décidé en 1994.

graphique

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Les crédits d'investissement inscrits dans la présente loi de programmation devraient permettre la réhabilitation, l'extension et le relogement de juridictions existantes, mais également la création de quatre nouvelles juridictions, dont une cour administrative d'appel en région parisienne, en sus de celles de Paris et de Versailles, et trois tribunaux administratifs. On peut rappeler qu'entre 1995 et 1999, 33 millions d'euros d'autorisations de programme avaient été effectivement ouvertes sur les 31 millions d'euros prévus dans la loi du 6 janvier 1995.

d) L'administration pénitentiaire

La commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur la situation dans les prisons françaises avait appelé de ses v_ux « une programmation des moyens financiers nécessaires à l'application des réformes décidées » (1). Le présent projet de loi propose ainsi la création de 3 740 emplois supplémentaires, l'ouverture de 801 millions d'euros en dépenses de fonctionnement et 1 313 millions d'euros en autorisations de programme. L'administration pénitentiaire attirera ainsi 37 % des créations d'emploi, 29 % des dépenses ordinaires nouvelles et, compte tenu de l'importance du programme de créations de places en établissements pénitentiaires, 75 % des autorisations de programme. Elle verra ses crédits plus que doubler en cinq ans.

- Le personnel et le fonctionnement

L'administration pénitentiaire devait bénéficier, selon la précédente loi de programme, de la création de 3 920 postes. Seuls 1 802 ont été effectivement créés sur la période 1995-1999. Si toutes les attentes n'ont pas été comblées, il faut cependant noter que ce secteur a bénéficié du plus important effort de créations d'emplois sur cette période. Entre 1997 et 2002, ses effectifs ont progressé de 12 %. Ils devraient connaître une hausse de 13,5 % entre 2003 et 2007 pour s'élever à 31 495 postes budgétaires.

3 190 créations d'emplois serviront à atteindre l'objectif d'adaptation du droit pénal à l'évolution de la délinquance et de développement de l'effectivité de la réponse pénale, tandis que 550 emplois seront consacrés au traitement plus efficace de la délinquance des mineurs. Dans les deux cas, il s'agira à la fois de garantir des conditions de fonctionnement correctes pour les établissements pénitentiaires et de doter les nouveaux établissements des personnels nécessaires. Les services d'insertion et de probation seront en outre renforcés.

Il existe cependant de réelles difficultés de recrutement du personnel de surveillance. Le nombre de candidats diminue régulièrement et le taux de candidats reçus qui n'entrent pas en formation à l'École nationale d'administration pénitentiaire atteint jusqu'à 30 %. La concurrence de services publics voisins, tels que la police, s'avère redoutable pour l'administration pénitentiaire. Pour pallier ces difficultés, il est prévu de revaloriser le statut des personnels pénitentiaires.

Une partie des dépenses ordinaires sera, par ailleurs, destinée à l'amélioration de la prise en charge socio-sanitaire des personnes âgées incarcérées.

- L'équipement

Les programmes de construction de prisons se sont succédés. En 1987, était lancé un programme destiné à créer 13 000 places nouvelles de prisons, dans vingt-cinq établissements. Entre 1995 et 1999, 418 millions d'euros d'autorisations de programme furent ouvertes sur les 457 millions d'euros prévus initialement. Six nouveaux établissements totalisant 4 000 places devraient ouvrir entre juillet 2002 et 2006, deux autres devant fermer, soit au total la création nette de 2 800 places. Se sont ajoutés à ce programme, d'une part, un « programme 1 800 » avec la construction de nouveaux établissements à Lyon, Nice et La Réunion, et, d'autre part, la rénovation des cinq plus grands établissements, que sont Fleury, Fresnes, Les Baumettes, la Santé et Loos-les-Lille. La multiplication des programmes a conduit à multiplier les ouvertures d'autorisations de programme et de crédits de paiement, mais s'est traduite par un engorgement et par des taux de consommation insatisfaisants comme le montrent les graphiques suivants.

graphique

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L'absence de loi de programme a permis au précédent Gouvernement de demander chaque année des crédits supplémentaires pour annoncer de nouvelles constructions, alors même que ces dernières n'interviendront pas avant plusieurs années. Ces effets d'annonce sont contraires à une gestion rigoureuse des crédits qui devrait se traduire d'abord par l'inscription de crédits pour les études de faisabilité puis, le moment venu, des crédits nécessaires pour la construction des établissements. L'adoption d'une nouvelle programmation permettra de mettre fin à ces aléas et d'assurer un effort à la hauteur des besoins. Selon une étude récente, le seul coût de rénovation du parc classique, constitué des 127 établissements construits en métropole avant 1990, s'élèverait à environ 488 millions d'euros.

Début juillet 2002, le nombre de détenus s'élevait à 56 000 pour un peu plus de 47 000 places disponibles. La tendance au creusement de l'écart entre ces deux chiffres se maintient depuis six mois avec un peu plus de 1 000 détenus supplémentaires par mois et cette évolution risque de perdurer, compte tenu du niveau élevé de délinquance dans notre pays. Pour accompagner cette évolution et améliorer les conditions de détention actuelles, le présent projet de loi affecte aux services pénitentiaires 75 % des autorisations de programme prévues, soit 1 313 millions d'euros. Ces nouveaux moyens financeront un programme de construction de 11 000 places, dont 4 000 en remplacement de places vétustes, soit un accroissement net du parc de 7 000 places (2) et une évolution du nombre de places disponibles de 15 %. Il est proposé de construire au moins vingt-deux nouveaux établissements, de 500 places environ chacun. Leur taille précise et leur situation seront définitivement arrêtées après les résultats de l'expertise menée par l'Agence de maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère de la justice sur plusieurs dizaines de terrains proposés. Par ailleurs, lorsqu'un certain nombre de constructions neuves seront livrées, un programme de rénovation qui pourrait porter sur 85 établissements devrait être engagé. Il faut relever que l'ouverture des autorisations de programme ne se fera pas de manière régulière. En effet, sur les cinq ans que dure en moyenne la construction d'une prison, seules les trois dernières années sont consommatrices de crédits, les premières étant consacrées aux études et à l'achat du terrain.

Une partie des crédits d'équipement ouverts sera consacrée au renforcement de la sécurité des établissements existants (miradors, filins anti-hélicoptères), une autre à la création d'unités hospitalières sécurisées psychiatriques, une autre enfin à la rénovation et à la création de places dans les quartiers de mineurs et la construction d'établissements pénitentiaires spécialisés pour l'accueil de cette catégorie de délinquants. Pourraient ainsi être construites 400 places de détention pour mineurs pour un coût total de 90 millions d'euros. La maintenance, qui, selon le ministère de la justice, connaît un déficit qui peut être évalué à 21 millions d'euros annuels, soit 320 millions d'euros pour les quinze dernières années, mériterait de faire l'objet d'un effort particulier sur le titre III. Par ailleurs, il serait judicieux d'examiner, de manière systématique, la possibilité d'établir les nouveaux centres pénitentiaires spécialisés pour mineurs, à proximité de centres pénitentiaires existants ou compris dans le « programme 11 000 », afin de permettre une diminution globale des coûts de fonctionnement.

e) La protection judiciaire de la jeunesse

Entre 2003 et 2007, les services de la protection judiciaire de la jeunesse verront leurs moyens complétés par 293 millions d'euros en dépenses de fonctionnement et 55 millions d'euros en autorisations de programme. Ce secteur représentera 12 % des créations d'emplois programmées, 11 % des dépenses ordinaires prévues et 3 % seulement des autorisations de programme. Ses moyens progresseront globalement de 60 %.

- Le personnel et le fonctionnement

Entre 1995 et 1999, 482 emplois ont été ouverts au profit de la protection judiciaire de la jeunesse, alors que la loi de programme ne prévoyait que 400 créations. Entre 1997 et 2002, 1 294 créations de postes sont intervenues, soit une hausse de 21 % des effectifs. Le présent projet de loi prévoit la création de 1 250 emplois, ce qui représentera une progression de 17 % des postes budgétaires entre 2002 et 2007.

Les moyens en emplois viendront renforcer l'encadrement des mineurs dans les établissements existants et fournir le personnel requis pour l'ouverture de nouvelles structures. Les moyens supplémentaires en fonctionnement serviront à alimenter ces structures, mais également à améliorer les capacités de gestion locales des services de la protection judiciaire de la jeunesse et à accompagner la délocalisation et la transformation du Centre national de formation et d'étude de la protection judiciaire de la jeunesse en établissement public.

- L'équipement

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Entre 1995 et 1999, 500 places d'hébergement ont été créées pour un montant total de 61 millions d'euros, conformément aux prévisions inscrites dans la loi de programme du 6 janvier 1995. Entre 1997 et 2002, 75 millions d'euros ont été ouverts en autorisations de programme et 53,7 millions d'euros en crédits de paiement. Les taux de consommation ont eu tendance à diminuer au cours de la période 1995-2001, accroissant les crédits disponibles, ainsi que le montrent les graphiques suivants.

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Les crédits d'équipement supplémentaires prévus dans le présent projet de loi (55 millions d'euros en autorisations de programme) serviront à renforcer les capacités d'accueil des centres éducatifs renforcés et à mettre en place des centres éducatifs fermés, dont la liste devrait être présentée en Conseil des ministres en septembre prochain et la construction engagée dès 2003 (3). 600 places nouvelles y seront créées.

B.  UNE RÉALISATION ÉCHELONNÉE

1. Les conditions de réalisation de la programmation

a) L'ouverture régulière de crédits dans les lois de finances à venir

L'article 34 de la Constitution dispose que « des lois de programme déterminent les objectifs de l'action économique et sociale de l'État ». Aux termes du dernier alinéa de l'article premier de l'ordonnance n° 89-2 du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances, qui reste en vigueur jusqu'au 31 décembre 2005, « les plans approuvés par le Parlement, définissant des objectifs à long terme, ne peuvent donner lieu à des engagements de l'État que dans les limites déterminées par des autorisations de programme votées dans les conditions fixées par la présente ordonnance », c'est-à-dire votées dans une loi de finances. Le même texte précise : « les autorisations de programme peuvent être groupées dans des lois dites " lois de programme" ». La dernière phrase du cinquième alinéa de l'article 2 indique, en outre, que « les lois de programme ne peuvent permettre d'engager l'État à l'égard des tiers que dans les limites des autorisations de programme contenues dans la loi de finances de l'année ». C'est dans ce double cadre constitutionnel et organique que le présent article s'inscrit.

Cette programmation appellera donc, chaque année, la vigilance du Parlement qui devra veiller, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances initiale, à ce que les crédits programmés soient régulièrement ouverts et affectés conformément aux orientations fixées. À partir du 1er janvier 2006, date à laquelle entrera en vigueur la plupart des dispositions de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, les autorisations de programme deviendront des autorisations d'engagement sans que ce changement terminologique n'ait, en ce qui concerne les dépenses d'équipement, de conséquence sur le régime juridique applicable.

b) Une base de calcul à préciser

Dans le projet de loi initial, selon le présent article, les moyens inscrits dans la loi de programmation n'interviendront qu'en complément des crédits ouverts en 2002, tant en engagement qu'en paiement, et de ceux ouverts au titre de l'évolution du point fonction publique et des effets du « glissement-vieillesse-technicité » sur le coût des rémunérations. Il s'agit donc bien d'entreprendre un effort qui porte au-delà du seul mouvement « naturel » du budget de la justice.

Il reste que la base d'évolution ne connaît pas une parfaite stabilité et qu'il est difficile, en conséquence, de mesurer l'évolution réelle que connaîtra le budget de la justice durant la période de programmation. En effet, à l'heure où le projet de loi de programmation est examiné, on ne connaît pas l'ampleur des crédits qui seront « ouverts sur l'exercice 2002 », pour reprendre la formulation employée dans le présent article. Cette expression est ambiguë, car elle laisse penser que seront pris pour base de référence les moyens disponibles en gestion, ce qui inclurait les éventuelles annulations et mises en réserve de crédits. Pour lever toute ambivalence, il convient de reprendre la rédaction de l'article similaire adopté par l'Assemblée nationale en première lecture dans le projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure et de faire référence explicitement aux « crédits ouverts dans la loi de finances initiale pour 2002 ». Ainsi, sur la base des crédits votés en 2002 (4,69 milliards d'euros en crédits de paiement et 0,78 milliard d'euros d'autorisations de programme), les crédits programmés dans le présent projet de loi permettront, toutes choses étant égales par ailleurs (4), une croissance de 78 % des crédits de paiement et de 224 % des autorisations de programme, soit une multiplication par 3,2 de ces dernières sur cinq ans.

ÉVOLUTION DU BUDGET DE LA JUSTICE 2002-2007

(en millions d'euros)

Montants

Crédits
de paiement

Autorisations
de programme

Montants adoptés en 2002

4 687

782

Montants programmés sur 2002-2007

3 650

1 750

Montants cumulés en 2007

8 337

2 532

Taux d'évolution (en %)

78

224

Source : documents budgétaires, projet de loi.

Multiplié par la masse indiciaire, constituée elle-même par la multiplication du nombre d'emplois de chaque catégorie par l'indice moyen de chaque catégorie, le « point fonction publique » permet de déterminer la masse salariale que devra supporter le ministère pour une année donnée. Cette expression « point fonction publique » est équivalente au centième de la valeur annuelle du traitement et de la solde afférents à l'indice 100 majoré, telle que fixée par le décret n° 85-1148 modifié du 24 octobre 1985 relatif à la rémunération des personnels civils et militaires de l'État, des personnels des collectivités territoriales et des personnels des établissements publics d'hospitalisation. En 2002, les revalorisations de cet indice décidées en 2000 et 2001 ont eu pour incidence d'accroître les crédits du ministère de la justice de 33,7 millions d'euros. Il faut rappeler, à ce stade, que la dernière revalorisation a été opérée par le décret n° 2002-203 en date du 14 février 2002, faisant passer la valeur du point de 51,82 euros à 52,13 euros. C'est sur cette base qu'ont été évalués les crédits de rémunération programmés dans le présent article.

L'effet « glissement-vieillesse-technicité », dit « GVT solde » permet de mesurer à la fois l'effet des avancements d'échelons et des promotions de grades ou de corps et les effets entrées-sorties des effectifs. Il prend en compte l'évolution structurelle de la fonction publique. Ce phénomène trouve sa traduction, chaque année, dans la loi de finances, dans des mesures désignées par l'expression suivante : « ajustement des crédits de rémunérations et de charges sociales pour tenir compte de la situation réelle des personnels ». En 2002, ces mesures atteignent un total négatif de 50,76 millions d'euros. Ce résultat négatif résulte principalement de l'importance des recrutements effectués : les fonctionnaires recrutés sont, par hypothèse, moins anciens que ceux qui partent à la retraite et le coût de leur rémunération est donc moins élevé à niveau de qualification équivalente.

Outre trois amendements rédactionnels, le Sénat, pour lever toute ambiguïté sur la détermination de la base de référence pour l'imputation des crédits programmés, a adopté, avec l'avis favorable du Gouvernement, un amendement tendant :

· à préciser que cette base est constituée par les crédits ouverts dans la loi de finances initiale pour 2002 ;

· à remplacer la référence faite à l'évolution du « point fonction publique » par une référence aux « mesures générales d'augmentation », qui incluent non seulement l'évolution de la valeur annuelle du traitement et de la solde afférents à l'indice 100 majoré, mais également des mesures telles que l'éventuelle attribution, de manière non hiérarchisée, à chaque fonctionnaire de points d'indices supplémentaires ou encore de primes uniformes ;

· et à remplacer l'expression « glissement-vieillesse-technicité » par l'expression utilisée dans les documents budgétaires : « ajustements pour tenir compte de la situation réelle des personnels ».

2. La nécessaire rationalisation de la gestion

Envisager la programmation dans l'unique logique de l'augmentation des moyens constituerait une erreur. C'est pourquoi, le projet de loi contient diverses mesures destinées à assurer un effort de réorganisation et de rationalisation de la gestion.

a) Une meilleure organisation des moyens de fonctionnement

À l'inverse de ce qui avait été prévu dans la première loi de programme relative à la justice du 6 janvier 1995 et de ce qui s'est passé depuis 1997, la présente loi de programmation organise l'augmentation des moyens de fonctionnement liée à la création d'emplois et ne se contente pas d'annoncer la création de postes budgétaires. Ce principe de bonne gestion permet de mettre fin au trompe-l'_il jusqu'alors pratiqué.

La mise en place à la Chancellerie d'un service centralisé traitant l'ensemble des requêtes des particuliers pourrait s'apparenter à la création d'une forme adaptée de « service clients », dont la fonction serait, comme dans une entreprise commerciale, de faire remonter les informations susceptibles d'améliorer le fonctionnement des services et donc de limiter l'emploi inadéquat de moyens. Selon la même logique, il convient d'accueillir très favorablement le renforcement des fonctions de gestion au sein de l'administration centrale.

La première loi de programme relative à la justice du 6 janvier 1995 avait opéré une véritable révolution culturelle dans les juridictions judiciaires en promouvant la création de services administratifs régionaux (SAR) dans chaque cour d'appel. L'introduction de la gestion dans les palais a permis d'accroître la productivité et d'améliorer l'environnement de travail de l'ensemble des magistrats et des greffiers. Elle a permis de concilier rationalisation des moyens, contrepartie de l'effort budgétaire consenti par la Nation, et autonomie des juridictions.

Ce mouvement de rationalisation de la gestion dans les services judiciaires sera poursuivi avec le renforcement des SAR, mais également avec la généralisation de la politique de contractualisation par objectifs dans les juridictions, initiée dans le domaine de la résorption de stocks dans les cours d'appel, deux séries de mesures qui ont été préconisées par la récente mission d'information du Sénat sur l'évolution des métiers de la justice (5). Le rapporteur ne serait pas hostile à ce que cette pratique soit également généralisée au sein des juridictions administratives. À terme, l'objectif de mutualisation des ressources humaines et des moyens budgétaires dans le cadre d'un futur « tribunal de première instance » ne pourra que favoriser cet impératif de rationalisation. La généralisation des guichets uniques de greffe concourra à ce même but, comme le rapporteur a eu l'occasion de le souligner à l'occasion de l'examen de l'article premier. Ces mesures peuvent permettre une adaptation de la carte judiciaire évitant les fermetures abruptes de tribunaux parfois mal vécues.

L'accompagnement du processus de déconcentration de la gestion dans les services de la protection judiciaire de la jeunesse permettra, en outre, d'améliorer l'efficacité des moyens consacrés à cette action, qui a été souvent délaissée de ce point de vue. Le développement au sein des structures régionales de l'expertise et des capacités de conduite de projets immobiliers participe de cet indispensable effort de rationalisation de la gestion.

b) Une plus grande efficacité des opérations d'équipement

Avec le lancement de grands programmes de construction et l'accroissement considérable des moyens affectés à ces opérations, la conduite des politiques immobilières au sein du ministère de la justice a entraîné des difficultés qui se traduisent par des problèmes de consommation des crédits et de retard dans la livraison des ouvrages.

Pour les juridictions judiciaires, la protection judiciaire de la jeunesse et l'administration pénitentiaire, les difficultés à consommer les crédits ouverts sont patentes. Ainsi, selon les annexes au projet de loi de règlement définitif du budget 2001, sur les 400 millions d'euros ouverts au titre du chapitre 57-60 - Équipement, seuls 250 millions avaient été consommés, soit un taux de consommation de 62 %. La protection judiciaire de la jeunesse n'a utilisé en 2001 que 21 % des crédits de paiement disponibles, correspondant aux retards pris dans ses programmes d'ouvertures de centres. Le tableau ci-après montre que le problème est particulièrement aigu pour les services pénitentiaires.

CRÉDITS D'ÉQUIPEMENT DES SERVICES PÉNITENTIAIRES

(en millions d'euros)

 

 

Années

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002(1)

Crédits de paiement

Loi de finances initiale (2)

53,4

78,7

44,1

42,4

66,8

90,4

65,2

102,3

Disponibles

83,5

87,4

62,9

55,2

122,3

167,4

181,4

161,7

Consommation

75,7

37,2

55,7

36,7

46,2

65,0

118,5

87,5

Taux de consommation (en %)

90,6

42,6

88,4

65,3

37,8

38,8

65,33

54,11

Autorisations de programme

Loi de finances initiale (2)

47,0

52

50,0

156,1

139,0

90,0

281,0

257,2

Disponibles

50,4

63,9

65,0

199,3

314,3

267,1

490,0

572,8

Consommation

43,4

51,5

33,0

56,3

260,9

59,9

174,0

47,8

Taux de consommation (en %)

86,1

80,6

50,3

28,3

83,0

22,43

35,6

8,3

(1) au 30 juin 2002.

(2)  budget voté.

Source : d'après le ministère de la justice.

Il existe également des réserves de crédits de paiement importantes pour les juridictions administratives, puisqu'en 2001, sur 11,1 millions d'euros de crédits de paiement ouverts, seuls 6,44 millions d'euros avaient été consommés, ce qui permettait un report de crédits sur la gestion de 2002 de près de 4,73 millions d'euros, soit 42 % des crédits ouverts. La Cour des comptes, dans son Rapport sur l'exécution des lois de finances pour l'année 2001, a pu ainsi souligner que « face à l'augmentation des besoins d'investissement, le ministère de la justice, avec l'accord de la direction du budget, a accumulé plus de moyens qu'il n'est capable d'en dépenser annuellement. Cette pratique a déjà été critiquée par la Cour. La mise en place en 2002 d'un établissement public chargé de la maîtrise d'ouvrage des grands programmes du ministère en matière immobilière, reprenant dans une large partie les missions de la délégation générale au programme pluriannuel d'équipement, est présentée comme devant accélérer la consommation des autorisations de programmes et de crédits de paiements. » Elle ajoutait : « Seul l'examen des budgets des années futures permettra de confirmer l'efficacité de la nouvelle organisation ».

Cette réorganisation a trouvé sa traduction dans la création récente, par le décret n ° 2001-798 du 31 août 2001, de l'Agence de maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère de la justice (AMOTMJ), selon un processus similaire à celui qui a abouti, pour le ministère de la culture, à la création de l'Établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels. Il s'agit d'un établissement public administratif qui s'est substitué, à partir du 1er janvier 2002, à la délégation générale au programme pluriannuel d'équipement, et a vocation à gérer un important programme de travaux concernant aussi bien les services judiciaires que l'administration pénitentiaire. Il a pour mission d'assurer, à la demande de l'État ou avec son accord, les opérations de construction, d'aménagement, de réhabilitation, de restauration ou de réutilisation d'immeubles de l'État ou d'autres personnes publiques, destinés au service public de la justice. Il agit en qualité de mandataire du maître d'ouvrage, qui est le ministère de la justice. Des conventions de mandat seront passées entre la Chancellerie et l'Agence dans les limites fixées par la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage public.

Par ailleurs, la création d'un secrétaire d'État aux programmes immobiliers du ministère la justice, premier constructeur de l'État, a marqué la volonté d'accélérer la mise en _uvre des crédits d'équipement. Il faut souligner à ce titre que près de 500 millions d'euros d'autorisations de programme et de 155 millions de crédits de paiement restaient disponibles à la fin de la gestion 2001.

Pour poursuivre cet effort et lui donner une nouvelle dimension, le projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, prévoit, d'ores et déjà, dans son article 3, diverses mesures destinées à faciliter, par le recours à des sources de préfinancement extérieures, privées ou publiques locales, la réalisation d'opérations d'équipement au bénéfice du ministère de la justice :

· L'État pourra conclure avec le titulaire d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public un bail portant sur des bâtiments à construire par le titulaire pour les besoins de la justice ; une option permettra à l'État d'acquérir, avant le terme fixé par l'autorisation d'occupation, les installations édifiées (article L. 34-3-1 nouveau du code du domaine de l'État) ;

· Il pourra également avoir recours à un contrat de crédit-bail, en vertu duquel il pourra charger, directement ou par le biais d'une entreprise privée, un organisme spécialisé en crédit-bail de la construction de bâtiments affectés au service public de la justice (article L. 34-7-1 nouveau du code du domaine de l'État) ;

· Une collectivité territoriale pourra conclure un bail emphytéotique avec une personne publique ou privée pour la réalisation, dans des conditions de financement plus favorables, d'une opération liée aux besoins de la justice, et ce jusqu'au 31 décembre 2007 ; l'État pourra ainsi louer à cette collectivité les bâtiments réalisés dans ce cadre, par exemple, pour y installer des centres préventifs fermés pour mineurs délinquants (nouvelle rédaction du premier alinéa de l'article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales) ;

· Une collectivité territoriale, mais aussi les établissements publics de coopération intercommunale, pourront, jusqu'au 31 décembre 2007, construire, acquérir ou rénover des bâtiments qui seraient mis à la disposition du ministère de la justice. Ces opérations pourront faire l'objet d'un financement par le biais d'un crédit-bail (article L. 1311-4-1 nouveau du code général des collectivités territoriales).

Le présent projet de loi de programmation prévoit plusieurs mesures susceptibles de favoriser une meilleure gestion des crédits d'équipement, parmi lesquelles on relève : le renforcement des fonctions immobilières en administration centrale, l'extension des services administratifs et le recours à des techniciens de haut niveau dans les cours d'appel, mais surtout la diversification des modes de construction et de gestion des établissements pénitentiaires. Par ailleurs, pour assurer la pertinence des choix et la qualité des opérations, le rapporteur souligne l'utilité d'associer les parlementaires à la définition du programme de construction des établissements pénitentiaires et la nécessité d'associer les personnels à la détermination du contenu des cahiers des charges. En outre, il estime indispensable de garantir, pour la réception des travaux, la présence de personnels compétents et spécialisés, appartenant, par exemple, aux corps techniques de l'administration pénitentiaire.

La Commission a adopté l'article 2 sans modification.

Après l'article 2

La Commission a examiné l'amendement n° 11 présenté par M. Christian Estrosi, tendant à imposer au juge des enfants de consulter les services du conseil général ainsi que le parquet, préalablement à toute mesure de placement d'un mineur. Jugeant que la rédaction de cet amendement n'était pas entièrement satisfaisante, M. Xavier de Roux a cependant reconnu les difficultés que pouvaient rencontrer les responsables des foyers dépendant du conseil général face à une décision de placement d'un mineur délinquant imposée par le juge des enfants sans concertation préalable et sans que la structure des foyers soit adaptée à l'accueil d'un tel mineur. Rejoignant les propos de M. de Roux, M. Christophe Caresche a estimé nécessaire de conduire une concertation avec les conseils généraux et a souhaité que le Gouvernement prenne position sur cette question. Se déclarant défavorable à l'amendement, le rapporteur a rappelé que le garde des sceaux avait, au cours de son audition par la Commission, précisé qu'un groupe de travail associant représentants des conseils généraux et représentants du ministère de la justice serait mis en place pour étudier une amélioration du dispositif actuel. La Commission a rejeté cet amendement.

Article 3

(art. 2 de la loi n° 87-432 du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire)

Soumission des marchés de conception, de construction et d'aménagement d'établissements pénitentiaires au code des marchés publics

Cet article qui propose une nouvelle rédaction de l'article 2 de la loi n° 87-432 du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire et qui a été , adopté sans modification par le Sénat, inaugure une série de trois articles qui doivent contribuer à l'accélération de la mise en _uvre des crédits supplémentaires programmés en faveur de l'administration pénitentiaire, notamment en permettant à des investisseurs privés de mobiliser des fonds pour construire et gérer partiellement des établissements pénitentiaires.

L'expérience menée depuis 1987 a donné de bons résultats. Les méthodes se sont affinées et perfectionnées. Pour parvenir rapidement à construire 11 000 nouvelles places de prison et pour diminuer le coût de gestion, il semble opportun d'utiliser à nouveau les possibilités offertes par la loi du 22 juin 1987, tout en la modernisant.

1. Le principe de participation de personnes privées au service public pénitentiaire

Il apparaît indispensable d'opposer un démenti à ceux qui, avec plus ou moins de bonne foi, dénoncent une fantasmagorique « privatisation » des prisons, tout en répondant à ceux qui voudraient interdire aux personnes privées de participer au service public pénitentiaire.

En accompagnement du programme de construction de 13 000 nouvelles places de prisons, la loi du 22 juin 1987 précitée a fourni un cadre juridique permettant de recourir au secteur privé pour financer et gérer de nouveaux établissements pénitentiaires ; le texte a permis de trouver rapidement, pour l'investissement initial, un relais extérieur au budget de l'État, la rémunération du cocontractant étant prise en charge ensuite par l'État sur la base d'un forfait fixé par le cahier des charges, selon un système de prix de journée. La convention habilitait la personne privée à assurer l'exécution de tout ou partie des prestations permettant d'assurer le service public pénitentiaire : conception, construction, financement, aménagement et prise en charge du fonctionnement courant, à l'exception de la garde et de la détention des personnes incarcérées et de la direction des établissements. Le secteur privé finance ainsi la réalisation des établissements, l'État restant cependant propriétaire de ceux-ci.

Les avantages escomptés du recours au secteur privé sont de plusieurs ordres : absence d'investissement initial de la part de l'État pour la construction de nouveaux établissements, meilleure gestion des établissements et création d'une émulation entre les établissements gérés par l'État et ceux dont une partie des prestations est assurée par des personnes privées, construction à prix de revient inférieur à ceux constatés pour les établissements construits par l'État (6), réduction du coût d'exploitation des prisons grâce à une meilleure conception et aux innovations techniques permettant de réduire le taux d'encadrement des détenus, rapidité d'exécution. Tirant le bilan de l'opération lancée en 1987, son initiateur, M. Albin Chalandon, interrogé par la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les prisons (7), relevant ainsi qu'il a été « très rapide à mettre en _uvre. Réaliser ce programme initialement de 15 000 places ramenées à 13 000 places en moins de trois ans aurait pris douze ans s'il avait été engagé par l'administration pénitentiaire », tandis que la « diminution du coût de construction était de l'ordre du tiers et celle de la gestion d'environ 20 % ». Interrogé par la même commission d'enquête, la directrice de l'administration pénitentiaire faisait observer, de surcroît, qu'« il s'agit d'établissements conçus avec une grande rationalité » et qu'ils « sont globalement économes en termes de personnels ».

Rien ne s'oppose juridiquement à ce que l'exécution du service public pénitentiaire soit confiée à une personne morale de droit privé. Il n'est pas utile de revenir sur les débats qui ont eu cours lors de l'examen de la loi sur le service public pénitentiaire de 1987. En effet, si le service public de la justice auquel il est implicitement fait référence dans plusieurs articles de la Constitution (articles 64, 65, 66) constitue, sans conteste, un service public pour lequel, conformément à des principes de valeur constitutionnelle, l'État ne saurait abandonner sa responsabilité, l'exécution des peines prononcées par les tribunaux est indépendante du service de la justice et par nature distincte de celui-ci. Le Conseil constitutionnel l'a affirmé de manière constante (décision du 22 novembre 1978, décision des 19 et 20 janvier 1981, décision du 3 septembre 1986). L'application des mesures prononcées par les juges des enfants peut ainsi être confiée à des établissements privés habilités. La même solution s'applique au service pénitentiaire. Le présent article n'a pas pour objet de transférer un service public au secteur privé, mais de permettre à des personnes privées de participer à l'exécution de ce qui demeurera un service public national. Les établissements pénitentiaires construits par des personnes privées seront dès leur réalisation intégrés au domaine public de l'État.

2. La conception, la construction et l'aménagement d'établissements pénitentiaires

a) L'unification des missions de conception, de construction et d'aménagement

Dans sa rédaction actuelle, l'article 2 de la loi du 22 juin 1987 précitée permet de confier à une personne morale de droit privé ou de droit public une mission portant à la fois sur la conception, la construction et l'aménagement (mobilier) d'établissements pénitentiaires. Il offre la possibilité de s'affranchir des contraintes de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'_uvre privée, notamment dans ses articles 7 et 18.

L'article 7 dispose que, pour la réalisation de l'ouvrage, la mission de maître d'_uvre doit être distincte de celle de l'entrepreneur. Elle ne permet donc pas l'association de l'entrepreneur aux études de l'ouvrage dans un couple concepteur-constructeur. Or, la complexité représentée par la construction d'un ou plusieurs établissements pénitentiaires et l'efficacité recherchée dans la conduite de ces opérations exigent que ces deux fonctions soient réunies au sein d'une même structure.

Une dérogation est cependant apportée par l'article 18 qui prévoit que « le maître de l'ouvrage peut confier par contrat à un groupement de personnes de droit privé ou, pour les seuls ouvrages d'infrastructure, à une personne de droit privé, une mission portant à la fois sur l'établissement des études et l'exécution des travaux, lorsque des motifs d'ordre technique rendent nécessaire l'association de l'entrepreneur aux études de l'ouvrage ». Cette dérogation est cependant limitée, d'un triple point de vue. En premier lieu, sa mise en _uvre est soumise à la présence de motifs d'ordre technique, dont le contenu est précisé dans l'article premier du décret n° 93-1270 du 29 novembre 1993 portant application de l'article 18 : « Sont concernées des opérations dont la finalité majeure est une production dont le processus conditionne la conception, la réalisation et la mise en _uvre ainsi que des opérations dont les caractéristiques intrinsèques (dimensions exceptionnelles, difficultés techniques particulières) appellent une exécution dépendant des moyens et de la technicité des entreprises. » En deuxième lieu, cette exception n'intéresse que les groupements ou personnes de droit privé, alors que l'article 2 de la loi du 22 juin 1987 englobe également les personnes publiques. Enfin, l'article 18 ne concerne pas les opérations d'aménagement visées par l'article 2 de la loi relative au service public pénitentiaire. Compte tenu de cette triple contrainte, il convient, pour faciliter la construction d'établissements pénitentiaires, d'y déroger.

C'est donc très logiquement que le présent article vient préciser explicitement ce que la rédaction en vigueur de l'article 2 ne fait que sous-entendre : le dispositif déroge aux articles 7 et 18 de la loi du 12 juillet 1985. Certains ouvrages étaient, d'ores et déjà, en dehors du champ d'application de la loi sur la maîtrise d'ouvrage publique, à l'exemple des ouvrages réalisés dans le cadre des zones d'aménagement concerté ou les ouvrages industriels. En outre, la possibilité de confier à un seul cocontractant l'ensemble des phases de construction d'un établissement pénitentiaire permet de raccourcir des délais qui, comme l'a récemment indiqué le secrétaire d'État aux programmes immobiliers de la justice, peuvent facilement atteindre cinq ou six ans (8).

b) La soumission au code de marchés publics

Par ailleurs, dans sa rédaction actuelle, l'article 2 de la loi du 22 juin 1987 précise que l'exécution de la mission de conception, de construction et d'aménagement « résulte d'une convention passée entre l'État et la personne ou le groupement de personnes selon un cahier des charges approuvé par décret en Conseil d'État ». Cette personne ou ce groupement de personnes sont désignés à l'issue d'un appel d'offres avec concours. Dans cette procédure, la commission d'appel d'offres cède la place à un jury de concours constitué sur le modèle du jury d'architecture. Sur ce fondement, et en vertu du décret du 31 juillet 1987 portant approbation du cahier des charges, la construction de vingt-cinq établissements répartis en quatre zones géographiques a été confiée à quatre groupements différents.

Le présent article élargit le champ des procédures utilisables en précisant que la convention entre l'État et la personne ou le groupement de personnes doit être un marché passé selon les procédures prévues par le code des marchés publics, sans en désigner aucune en particulier. Le texte proposé ne prévoit plus, comme c'est le cas dans la rédaction actuelle de l'article 2, l'approbation d'un cahier des charges approuvé par décret en Conseil d'État et allège, de ce point de vue, la procédure, ce qui permettra de gagner entre six et neuf mois. Compte tenu de l'expérience acquise, il apparaît en effet judicieux de ne plus imposer une telle contrainte. Si le marché est supérieur au seuil de 130 000 euros, la procédure de l'appel d'offres avec publicité communautaire (article 33 du code des marchés publics) s'imposera. Pourra être utilisée la voie du concours (9), qui permet, après mise en concurrence et avis d'un jury, de choisir un plan ou un projet avant d'attribuer, à l'un des lauréats du concours, un marché, mais également la voie de l'appel d'offres sur performances réservée aux marchés de conception-réalisation (article 37 dudit code).

L'allotissement, c'est-à-dire la division du marché en différents lots, n'interdira pas que les offres portant simultanément sur plusieurs lots fassent l'objet d'un jugement global et non lot par lot, ce qui est favorable à l'équilibre économique de l'ensemble de l'opération. Ainsi, les termes de l'article 10 du code des marchés publics en vertu duquel « les offres sont examinées lot par lot. Pour un marché ayant à la fois pour objet la construction et l'exploitation ou la maintenance d'un ouvrage, la construction fait obligatoirement l'objet d'un lot séparé » ne pourront être opposés à une telle opération.

En outre, cet article, dans son quatrième alinéa, interdit de recourir pour ces opérations globales de conception-réalisation-aménagement à des financements privés, tels que le bail emphytéotique (article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales), la location avec option d'achat ou encore le crédit-bail (articles L. 34-3-1 et L. 34-7-1 nouveaux insérés, dans le code du domaine de l'État, par le projet de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure). Ainsi sera empêchée la constitution de droits réels au profit d'un opérateur privé qui serait chargé de l'ensemble des opérations de conception, construction et aménagement et qui, notamment, souhaiterait pour garantir son emprunt hypothéquer l'ouvrage qu'il a réalisé. Il s'agit de réaffirmer le caractère public du financement des opérations, ce qui peut se déduire, par ailleurs, du recours au code des marchés publics.

3. La gestion des établissements pénitentiaires

Dans sa rédaction actuelle, l'article 2 de la loi du 22 juin 1987 autorise l'intervention d'une personne privée dans les établissements pénitentiaires pour des activités telles que la maintenance, le transport, la restauration, la blanchisserie, les activités socio-éducatives, l'organisation du travail, la formation professionnelle, la santé... Avant même l'intervention de cette loi, il était déjà fait appel à des intervenants extérieurs pour assurer une partie de ces activités : soins médicaux, animation, etc. En revanche, la délégation à une personne privée des fonctions de direction et de surveillance reste impossible. L'autorité publique se manifeste dans trois domaines qui relèvent de la souveraineté de l'État : la discipline, le pouvoir de coercition et le droit de détenir des armes. Ces missions relevant du chef d'établissement, la direction des établissements doit être systématiquement confiée à un fonctionnaire de l'État. Cette solution s'étend à l'ensemble des fonctions d'encadrement et de surveillance, ainsi qu'aux personnels qui exercent un service de garde en dehors des bâtiments de détention et qui sont les seuls à être armés.

Parmi les vingt-cinq établissements construits dans le cadre du « programme 13 000 », vingt-et-un ont fait l'objet, en 1989, de marchés de fonctionnement, tandis que quatre étaient repris en charge directement et entièrement par l'administration pénitentiaire, ce qui autorise, dans une certaine mesure, une appréciation des performances comparées des deux systèmes. Ces marchés, valables dix ans, auraient dû normalement s'achever en mars 2001, mais, par avenant, ont été prorogés jusqu'au 31 décembre 2001. Engagée en 2000, une nouvelle procédure d'appel d'offres, concernant cette fois-ci cinq zones géographiques et six établissements supplémentaires, a abouti à la conclusion de nouveaux marchés valables huit ans. Les incompatibilités nées de l'adoption de la loi du 18 janvier 1994 ont conduit à exclure des nouveaux marchés, à partir de 2001, la possibilité de déléguer la prise en charge de la santé des détenus.

Le présent article reprend les termes en vigueur de l'article 2 de la loi du 22 juin 1987, tout en précisant que la procédure de choix des cocontractants peut être soumise au code des marchés publics, et non plus seulement à « un appel d'offres avec concours », selon un schéma identique à celui proposé pour les fonctions de conception, réalisation et aménagement des établissements.

Le Commission a adopté l'article 3 sans modification.

Article 4

Application de la procédure d'extrême urgence en matière d'expropriation pour la construction d'établissements pénitentiaires

Afin d'accélérer le processus de construction ou d'extension d'établissements pénitentiaires, le présent article, adopté sans modification par le Sénat, étend la procédure d'expropriation dite « d'extrême urgence » prévue par l'article L. 15-9 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique aux terrains susceptibles d'accueillir ce type d'opérations.

1. L'expropriation d'extrême urgence

À la différence de la procédure d'urgence simple, qui concerne seulement la phase indemnitaire de l'expropriation, la procédure d'extrême urgence, telle que fixée par les articles L. 15-6 à L. 15-9 du code de l'expropriation, se rapporte au déroulement de toute la procédure d'expropriation, de la phase administrative à la prise de possession. Prévue à l'origine pour les seuls travaux intéressant la défense nationale, cette technique a peu à peu débordé le cadre des expropriations militaires pour être étendue à des travaux civils, avec ou sans intérêt stratégique : autoroutes, voies de chemin de fer, oléoducs, réorganisation de la région parisienne, préparation des jeux olympiques de 1968 et 1992 et de la coupe du monde de football en 1998, mesures de sauvegarde des populations exposées à un risque naturel dans le cadre de la loi du 2 février 1995, aménagement de l'itinéraire à très grand gabarit Bordeaux-Toulouse.

Organisée par l'article L. 15-7 du code précité, la procédure prévue par l'article L. 15-9 peut être utilisée lorsque l'exécution de travaux régulièrement déclarés d'utilité publique risque d'être retardée par des difficultés tenant à la prise de possession d'un ou plusieurs terrains. Elle ne s'applique qu'aux terrains non bâtis. Elle ne comprend pas d'enquête préalable et suit le cours suivant : l'administration intéressée soumet au Conseil d'État un projet motivé accompagné d'un plan indiquant la commune où sont situés les terrains qu'elle se propose d'occuper et la description générale des ouvrages projetés ; l'autorisation de prise de possession est donnée à l'État maître de l'_uvre par un décret spécial en Conseil d'État.

Dans les vingt-quatre heures de la réception de ce décret, le préfet prend des arrêtés autorisant l'administration intéressée à prendre possession des terrains, selon des modalités fixées par les articles 1er, 4, 5 et 7 de la loi du 29 décembre 1892 sur l'occupation temporaire nécessaire à l'exécution des travaux publics. Ces dispositions imposent la notification au propriétaire de la mesure et la rédaction d'un procès-verbal de prise de possession en présence du propriétaire. Les agents de l'administration peuvent alors pénétrer dans les propriétés privées. Si la demande en est présentée par le propriétaire ou par les autres intéressés, l'administration paie ou, en cas d'obstacle au paiement, consigne, dans les quinze jours, une indemnité provisionnelle égale à l'évaluation réalisée par l'administration des domaines ou d'un montant au moins égal à l'offre de l'expropriant si celle-ci est supérieure à l'évaluation opérée par les services fiscaux. À défaut pour elle de payer ou de consigner cette provision, l'autorisation d'occuper les terrains cesse d'être valable.

L'administration est tenue dans le mois qui suit la prise de possession de poursuivre la procédure d'expropriation. Si elle ne poursuit pas, comme le dernier alinéa de l'article L. 15-7 le lui impose, la procédure d'expropriation dans le mois qui suit la prise de possession, le propriétaire a la faculté de saisir le juge afin que ce dernier prononce le transfert de propriété s'il n'a pas encore été ordonné et, « en tout état de cause, fixe le prix du terrain et éventuellement l'indemnité spéciale prévue à l'alinéa 1er de l'article L. 15-8 ». Le juge de l'expropriation peut donc attribuer, le cas échéant, une indemnité spéciale aux intéressés qui justifient d'un préjudice causé par la rapidité de la procédure.

On peut rappeler que le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 89-256 DC du 25 juillet 1989 sur la loi portant diverses dispositions diverses en matière d'urbanisme et d'agglomérations nouvelles, a validé le dispositif de la procédure d'expropriation d'extrême urgence. Il l'a déclaré conforme à l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen en vertu duquel « La propriété étant un droit inaliénable et sacré, nul ne peut en être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ». Il a également estimé que « n'est pas méconnue l'importance des attributions conférées à l'autorité judiciaires en matière de protection de la propriété immobilière par les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République », dès lors que la procédure de l'article 15-9 ne fait nullement échec à l'intervention du juge judiciaire pour la fixation définitive du montant de l'indemnité. Il a estimé, enfin, que « les règles de procédures fixées (par cet article), qui sont justifiées par des motifs impérieux d'intérêt général et sont assorties de garanties au profit des propriétaires intéressés, ne portent pas atteinte au principe d'égalité ». Il reste que cette déclaration de conformité portait sur une procédure d'expropriation de terrains non bâtis.

2. Son extension au profit de la construction et de l'extension d'établissements pénitentiaires

Le présent article fait application de ce dispositif aux opérations de construction et d'extension de prisons. Il l'étend dans son champ d'application, d'une part, et le limite dans le temps, d'autre part.

En effet, il précise que, contrairement aux dispositions de l'article L. 15-9 dont l'application se limite aux terrains non bâtis, les terrains susceptibles de faire l'objet d'une expropriation en vue de la construction ou de l'extension de prisons peuvent être non bâtis ou bâtis. La question de savoir si l'inclusion de terrains bâtis dans une procédure d'extrême urgence n'excède pas l'exception au regard de l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme tolérée par le Conseil constitutionnel reste posée. En effet, aucune des cinq lois (10) qui ont prévu la possibilité d'appliquer à des terrains bâtis l'article L. 15-9 du code de l'expropriation, n'a été déférée au Conseil.

En tout état de cause, tout comme la protection des occupants telle que prévue par l'article suivant, la limitation au 30 juin 2007 de la possibilité d'adopter des décrets sur avis conforme du Conseil d'État en vue de conduire des expropriations d'extrême urgence permet de limiter, dans une certaine mesure, le champ de cette procédure d'exception. Au terme de cette période, le dispositif institué fera l'objet d'une évaluation en vue d'une éventuelle pérennisation.

La Commission a adopté l'article 4 sans modification.

Article 5

Mesures de protection des occupants

Cet article, adopté sans modification par le Sénat, prévoit que les occupants d'un terrain faisant l'objet d'une expropriation au titre de la construction ou de l'extension d'un établissement pénitentiaire bénéficient, le cas échéant, de la protection prévue par les articles L. 314-1 à L. 314-8 du code de l'urbanisme.

Ces dispositions, dont l'objectif initial est d'éviter que d'incontournables opérations d'aménagement n'aboutissent à des spéculations, dont les victimes sont toujours les occupants les plus âgés et les plus démunis, et à la disparition du tissu commercial et artisanal des quartiers concernés, affirment le droit au relogement des occupants de locaux à usage d'habitation, professionnel ou mixte, situés sur un terrain faisant l'objet d'une expropriation (article L. 314-1).

En vertu de l'article L. 314-2, si l'éviction est définitive, tous les occupants doivent se voir proposer au moins deux solutions de relogement. Tous les occupants, les propriétaires comme les locataires, de locaux d'habitation comme de locaux professionnels ou mixtes, bénéficient des droits de priorité et de préférence définis aux articles L. 14-1 et L. 14-2 du code de l'expropriation et normalement limités, dans ces articles, aux seuls propriétaires de locaux d'habitation. Selon le premier droit, les propriétaires ou locataires expropriés sont, sous condition de ressources, prioritaires, soit pour obtenir un nouveau logement dans un local soumis à la législation sur les habitations à loyer modéré, soit pour bénéficier d'un prêt d'accession à la propriété. En vertu du droit de préférence, les propriétaires ou locataires expropriés se voient accorder, de manière préférentielle, des prêts spéciaux au titre de l'aide à la construction et proposer l'acquisition de terrains, l'acquisition ou la location de locaux mis en vente ou loués dans les zones à urbaniser en priorité et dans les périmètres de rénovation.

En l'espèce, il paraît logique d'écarter la disposition de l'article L. 314-2 qui permet aux propriétaires ou locataires de terrains faisant l'objet d'une expropriation de bénéficier d'un droit de priorité pour l'attribution ou l'acquisition d'un local dans les immeubles compris dans l'opération qui a justifié l'expropriation. En effet, on voit mal comment lesdits propriétaires pourraient être logés dans l'enceinte de l'établissement pénitentiaire, à moins que le programme n'ait prévu, à proximité de cet établissement, la construction de locaux susceptibles d'accueillir les anciens occupants du terrain.

On peut également s'interroger sur l'application au cas des établissements pénitentiaires des dispositions de l'article L. 314-3 du code de l'urbanisme qui règlent la question de l'éviction provisoire des occupants. En effet, est-il possible d'envisager que le ministère de la justice procède à l'expropriation d'un terrain pour construire ou étendre une prison avant de le rétrocéder dans un délai inférieur à trois ans, délai au-delà duquel l'expropriation est considérée comme définitive ? De la même façon, est-il nécessaire d'appliquer au cas qui nous occupe les dispositions de l'article L. 314-4 qui prévoient le cas du maintien sur place des occupants pendant les travaux, ou encore celles de l'article L. 314-5 qui attribuent aux commerçants, artisans et industriels, à l'exclusion d'un droit de préférence, un droit de priorité pour la réinstallation dans les locaux construits sur le terrain exproprié ? Enfin, pour des raisons identiques, il conviendrait d'écarter l'application de l'article L. 314-8, qui permet à un commerçant, un artisan ou un industriel, qui se réinstalle dans les locaux qu'il a le droit de réintégrer après travaux, d'être autorisé à changer la nature de son commerce lorsque des dispositions législatives ou réglementaires s'opposent à l'exercice de son ancienne activité.

En revanche, trouve pleinement à s'appliquer l'article L. 314-6 du code de l'urbanisme qui prévoit l'indemnisation des commerçants et artisans à raison de l'activité qu'ils exercent dans un immeuble devant être exproprié en vue de sa démolition. Cette indemnisation doit intervenir avec l'acte portant transfert de propriété. Pour en bénéficier, l'intéressé doit justifier d'un préjudice causé par la réduction progressive des facteurs locaux de commercialité et s'engager à cesser son activité et, s'il est locataire, à quitter les lieux dès le versement de l'indemnité.

L'application de l'article L. 314-7 qui impose une notification, six mois à l'avance, de toute offre de relogement à l'occupant, ce dernier devant se prononcer dans un délai de deux mois, ne peut être raisonnablement envisagée que dans le cas d'une expropriation conduite dans les conditions du droit commun et non dans celles prévues à l'article 4 du présent projet de loi (procédure d'extrême urgence).

Pour éviter toute ambiguïté, le rapporteur estime nécessaire de ne viser que les dispositions susceptibles de s'appliquer au cas de construction ou d'extension d'un établissement pénitentiaire.

En conséquence, la Commission a adopté un amendement du rapporteur précisant que seuls les articles L. 314-1, L. 314-2 et L. 314-6 du code de l'urbanisme peuvent s'appliquer aux occupants expropriés d'un terrain devant accueillir un établissement pénitentiaire (amendement n° 149).

Puis, elle a adopté l'article 5 ainsi modifié.

Article 6

Évaluation

Cet article prévoit l'évaluation précise, sur un rythme annuel, des résultats des orientations et de la programmation fixées par le présent projet de loi.

1. Une préoccupation de plus en plus forte

Si on exclut l'expérience de la rationalisation des choix budgétaires dans les années 1970, la politique d'évaluation des politiques publiques apparaît relativement récente. Relancée depuis un peu plus d'une dizaine d'années avec la création du Conseil scientifique de l'évaluation, devenu en 1998 le Conseil national d'évaluation (11), cette politique a trouvé ses premières traductions législatives dans la loi du 1er décembre 1988 sur le revenu minimum d'insertion (article 52) et dans la loi du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme dite « loi Évin » (article 13), lois qui prévoyaient leur propre mécanisme d'évaluation. Plus récemment, la loi sur la sécurité quotidienne du 15 novembre 2001 (article 22), la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 (article 146) ou encore la loi du 22 janvier relative à la Corse (article 12) prévoyaient un rapport d'évaluation pour certaines de leurs dispositions.

L'objectif appliqué aux politiques encadrées par ces lois est de « mesurer les effets qu'elles engendrent » et de « chercher si les moyens juridiques administratifs et financiers mis en _uvre produisent les effets qu'on en attend » pour reprendre les termes du décret du 22 janvier 1990 ou encore d'apprécier « l'efficacité des politiques (...) en comparant leurs résultats aux objectifs assignés et aux moyens mis en _uvre » pour reprendre ceux du décret du 18 novembre 1998.

Ce type de démarche connaît une nouvelle dimension depuis la réforme de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 et l'adoption de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances. Le domaine budgétaire a servi de terrain à de nombreuses expérimentations. Ainsi, la réalisation d'agrégats, préfiguration des futurs programmes visés par ladite loi organique (article 7) (12), s'est accompagnée de la définition d'indicateurs de résultats. À propos de ces indicateurs, la Cour des comptes a rappelé, dans son Rapport sur l'exécution des lois de finances pour l'année 2001 que « pour pouvoir devenir exploitables, leur définition doit être constante, c'est-à-dire que les chiffres qu'ils contiennent doivent être disponibles au cours du temps dans les mêmes conditions. Ils doivent en conséquence être lisibles, interprétables et en rapport direct avec l'objectif qu'ils illustrent. » Elle ajoute, par ailleurs, qu'« en pratique, les indicateurs évaluant les résultats ou les performances obtenues sont encore rares. L'obtention éventuelle de " résultat " en termes de service rendu ne renseigne d'ailleurs pas toujours sur le caractère proportionné ou non des dépenses publiques avec lesquelles ce résultat est supposé avoir un rapport. » Prévu pour être généralisé en 2003, selon le comité interministériel à la réforme de l'État du 12 octobre 2000, le processus n'en est aujourd'hui qu'à son ébauche, d'où la vigilance que le Parlement devra exercer.

Dans ce cadre, pour le budget de la justice, a progressivement été définie une série d'outils permettant de suivre l'évolution de ce secteur. On peut évoquer, par exemple, pour les services judiciaires : l'évolution des modes alternatifs de règlement des contentieux mesurée par le taux de saisine des conciliateurs de justice, le taux de réponse pénale sur les infractions poursuivables, le taux de classement consécutif à des procédures alternatives aux poursuites ou de classement sans suite sur les infractions poursuivables, la durée moyenne des procédures civiles et pénales. L'activité des juridictions administratives peut être mesurée par le biais, notamment, de l'évolution des délais d'élimination des stocks d'affaires, du taux de pourvoi en cassation ou du nombre d'affaires réglées par magistrat.

En matière pénitentiaire, plusieurs indicateurs de résultats sont d'ores et déjà en place : évolution de la durée et du taux de détention provisoire, rapport entre peines de substitution à l'emprisonnement et condamnations prononcées, évolution des frais de structure des établissements pénitentiaire à gestion publique et à gestion mixte, évolution du nombre d'évasions, de suicides, de voies de fait entre détenus, d'agression des personnels, ou encore taux moyen d'occupation dans les maisons d'arrêt, taux moyen d'occupation dans les établissements pénitentiaires, nombre moyen de détenus par agent au contact de la population pénale. L'activité des services de la protection judiciaire de la jeunesse peut être appréhendée, par exemple, par l'intermédiaire des variations du rapport entre mesures en attente et mesures en cours, du nombre des places dans les classes relais ou encore de la part des dépenses consacrées à la fonction éducative.

2. La nécessité d'une mise en _uvre attentive

Avec le présent article, le présent projet de loi, tout comme le projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, s'inscrivent très logiquement dans ce mouvement. Lors de la présentation en deuxième lecture du projet de loi de programme relative à la justice de 1995, le ministre chargé des relations avec le Parlement avait insisté sur la nécessité que l'exécution soit « assurée dans la transparence et sous le contrôle du Parlement ».

Cet article donne une solution précise à ce problème, en confiant à une instance extérieure, qui pourrait être le Conseil national de l'évaluation, voire des organismes privés, le soin d'effectuer une évaluation annuelle.

Dans sa rédaction initiale, le présent article fixait une liste non exhaustive de points précis qui devaient être pris en compte par l'évaluation :

· l'instauration d'une justice de proximité ;

· les délais de traitement des affaires civiles et pénales et la résorption du stock des affaires à juger ;

· l'efficacité de la réponse pénale à la délinquance et en particulier celle des mineurs ;

· l'effectivité de la mise à exécution des décisions de justice ;

· le développement de l'aide aux victimes ;

· l'amélioration du fonctionnement et de la sécurité des établissements pénitentiaires.

Le rythme annuel d'évaluation prévu dans le présent article constitue un délai raisonnable, comme la plupart des bilans des politiques d'évaluation l'ont montré. Il devra être calé, si l'on veut que le dialogue avec le Parlement soit optimal, sur celui de l'examen du projet de la loi de finances. Et, pour que ce dialogue soit réel, il conviendrait de prévoir la transmission du rapport annuel d'évaluation aux deux assemblées, comme cela a été prévu dans le projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.

Pour assurer la transmission du rapport d'évaluation au Parlement et s'inscrire dans la logique de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, le Sénat a adopté, avec l'avis favorable du Gouvernement, un amendement offrant une nouvelle rédaction de cet article, qui ne comporte plus de liste des orientations à évaluer, mais fait référence au rapport annexé. Par ailleurs, le présent article prévoit que la première évaluation aura lieu en 2004.

Il s'agira de mettre en regard les intentions inscrites dans la loi, leur mise en _uvre et les résultats. Plusieurs des indicateurs de résultats d'ores et déjà en place pourront être réutilisés dans cette évaluation. Ils devront être affinés et adaptés aux orientations fixées dans le rapport annexé. À cette fin, le rapporteur suggère de maintenir la liste prévue dans le texte initial en l'enrichissant. Il faudra construire, notamment, un indicateur qui permettra de suivre les conséquences sur les services de justice de l'augmentation de l'activité des forces de sécurité intérieure, en liaison avec la progression très importante des moyens mis à leur disposition et avec leur réorganisation inscrites dans le projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure. Il suggère également d'inclure dans l'évaluation prévue par cet article l'évolution des délais de traitement des affaires relevant du contentieux prud'homal, du contentieux administratif, ainsi que du contentieux général de sécurité sociale.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à inclure une liste, non exhaustive mais enrichie par rapport au texte initial du projet de loi, d'objectifs qui devront faire l'objet d'une évaluation précise (amendement n° 150). Le rapporteur ayant rappelé qu'il existait déjà un Office parlementaire d'évaluation de la législation et que la commission des Finances pouvait constituer une mission d'évaluation et de contrôle associant des membres d'autres commissions sur les problèmes de justice, elle a rejeté l'amendement n° 11 présenté par M. Pierre Albertini tendant à créer un office parlementaire de la justice.

La Commission a adopté l'article 6 ainsi modifié.

TITRE II

DISPOSITIONS INSTITUANT UNE JUSTICE DE PROXIMITÉ

Ce titre du projet de loi comporte trois articles qui modifient le code de l'organisation judiciaire et le code de procédure pénale, afin de définir les compétences des nouvelles juridictions de proximité en matière civile et pénale et de préciser les modalités de leur organisation et de leur fonctionnement.

La création d'une nouvelle juridiction dite « de proximité » est conforme aux orientations définies dans le rapport annexé (cf. art. 1er). Elle procède du double souci de mettre l'institution judiciaire en mesure d'apporter une réponse aux petits litiges de la vie quotidienne et d'accroître la participation des citoyens à son fonctionnement.

_  Au sein des juridictions de première instance de droit commun (13) que sont les tribunaux de grande instance et les tribunaux d'instance, ce sont ces derniers qui font aujourd'hui figure de justice de proximité. Leurs origines historiques y sont pour beaucoup : institués par l'ordonnance n° 58-1275 du 22 décembre 1958, ils ont succédé aux justices de paix cantonales (14) mais en ont gardé bien des caractéristiques, malgré le changement de dénomination, l'élargissement de leur ressort et l'unification du statut des magistrats. Leur proximité avec le justiciable tient à plusieurs facteurs.

Leur implantation territoriale : les tribunaux d'instance ont un ressort qui correspond le plus généralement à la circonscription administrative de l'arrondissement ou, exceptionnellement, de plusieurs cantons ne couvrant pas tout un arrondissement. La France compte actuellement 473 tribunaux d'instance (15), répartis dans le ressort des 35 cours d'appel, cinq d'entre elles comprenant plus de vingt tribunaux d'instance et six d'entre elles en comptant moins de dix (16).

La nature du contentieux qui leur est soumis : en application de l'article R. 321-1 du code l'organisation judiciaire, il connaît, en matière civile, de « toutes actions personnelles ou mobilières, en dernier ressort, jusqu'à la valeur de 3 800 € et à charge d'appel jusqu'à la valeur de 7 600 € ». En outre, ces juridictions se sont vu reconnaître des compétences dans certains domaines, tels que les actions en bornage, les actions en matière de loyers à usage d'habitation et professionnels, les saisies mobilières. Elles connaissent également des procédures d'injonction de faire et de payer qui permettent, en l'absence du défendeur, d'obtenir dans des délais très brefs une décision de justice (17). Ce sont donc le plus souvent des litiges de la vie quotidienne qui sont portées devant ces juridictions.

La simplicité des procédures applicables : contrairement au tribunal de grande instance, le ministère d'un avocat n'est pas obligatoire (art. 827 et 828 du nouveau code de procédure civile). La procédure est orale (art. 843 du nouveau code de procédure civile), une simple déclaration faite à l'audience pouvant donc permettre de saisir le juge non seulement des moyens utilisés par les parties à l'appui de leurs demandes, mais aussi de véritables prétentions. En outre, le juge d'instance peut être saisi par simple déclaration au greffe lorsque le montant de la demande n'excède pas le taux de compétence en dernier ressort (art. 847-1 du nouveau code de procédure civile) et la demande d'une conciliation préalable peut être formée verbalement ou par lettre simple au secrétariat-greffe (art. 830 du nouveau code de procédure civile).

La large part faite à la conciliation des parties : si la conciliation des parties entre naturellement dans la mission du juge (18), elle joue un rôle déterminant au tribunal d'instance (19). En effet, alors que l'article 768 du nouveau code procédure civile prévoit que le juge de grande instance « peut constater » la conciliation des parties, il revient, en revanche, au juge d'instance de « s'efforcer de concilier les parties », quelle que soit la procédure retenue (art. 840, 847 et 847-3 du nouveau code de procédure civile). En outre, le nouveau code de procédure civile organise devant cette juridiction une procédure spéciale permettant au demandeur de provoquer, avant l'assignation, une tentative préalable de conciliation (art. 830 à 835). Au total, en 2000, les tribunaux d'instance ont procédé à plus de 9 008 tentatives préalables de conciliation et prononcé 5 620 décisions de conciliation des parties, soit 80 % de plus qu'en 1996.

Leur formation de jugement : les 775 magistrats des tribunaux d'instance statuent à juge unique, conformément à l'article L. 321-4 du code de l'organisation judiciaire. Privé de la froideur de la collégialité, clairement identifié par le justiciable, le juge d'instance est donc, par là même, susceptible de mieux remplir la mission de conciliation qui lui est impartie.

La rapidité de traitement des affaires, de l'ordre de 5,1 mois en 2000, contre 8,9 mois pour les tribunaux de grande instance.

Proche du justiciable, appréciée par ce dernier - au point que, comme le précise la mission d'information de la commission des Lois du Sénat dans son rapport sur les métiers de la justice, les parties acceptent parfois de rabattre leurs prétentions pour que leurs affaires soient jugées par le tribunal d'instance -, cette juridiction ne suffit cependant plus à apporter une réponse judiciaire satisfaisante à tous les litiges de la vie quotidienne. L'extension progressive des compétences juridictionnelles des tribunaux d'instance les a éloignés de leur vocation première de juridiction de proximité. Par ailleurs, comme le souligne le Gouvernement dans l'exposé des motifs du présent projet de loi, « bon nombre de petits litiges de la vie quotidienne ne sont pas soumis à l'institution judiciaire pour des raisons de coût, de démarches jugées trop complexes ou de délais estimés trop importants ». En effet, la lourdeur de certains mécanismes est parfois disproportionnée par rapport aux intérêts en jeu et conduit donc nos concitoyens à se détourner de l'institution judiciaire. Tel est particulièrement le cas des actions indéterminées, c'est-à-dire des actions qui ne sont pas chiffrées dans leur montant, dont ne peuvent aujourd'hui connaître les tribunaux d'instance. Ainsi, un particulier qui achète un bien de 1 000 €, qui se rend compte qu'il comporte un vice caché et veut donc en obtenir le remboursement, doit introduire une action en résolution de la vente pour vice caché ; cette action étant indéterminée, l'affaire devra être portée devant le tribunal de grande instance où le ministère d'avocat est obligatoire, la procédure plus complexe et les délais de traitement des affaires plus longs.

_  La création d'une nouvelle juridiction de proximité tend donc à remédier à ces difficultés. Elle est également inspirée par le souci de permettre une plus grande implication des citoyens dans le fonctionnement de la justice.

En effet, les magistrats siégeant dans ces juridictions ne seront pas des magistrats professionnels mais « des personnes disposant d'une compétence et d'une expérience professionnelle les qualifiant tout particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires ». Pour des raisons de technique législative, les dispositions relatives au statut des magistrats susceptibles de siéger dans ces juridictions ont été disjointes, le Conseil d'Etat ayant considéré que ces dispositions étaient de nature organique. Conformément à ses engagements, le Gouvernement a déposé sur le bureau du Sénat un projet de loi organique relatif aux juges de proximité, qui devra être soumis à l'examen du Parlement dans les prochains mois ; il détermine les règles statutaires applicables aux juges de proximité en matière de recrutement, nomination, formation, incompatibilités et discipline.

Sans procéder à des modifications de fond du titre II du projet de loi, le Sénat y a toutefois introduit un article tendant à donner au juge la faculté d'enjoindre aux parties de recevoir une information sur la conciliation (cf. art. 7 bis).

Article 7

(livre III du code de l'organisation judiciaire [partie législative])

Institution, compétence et fonctionnement de la juridiction de proximité

Cet article est constitué de deux paragraphes.

- Le premier paragraphe modifie l'intitulé du livre troisième du code de l'organisation judiciaire dans sa partie législative, actuellement consacré aux tribunaux de grande instance et d'instance, afin d'y inclure les dispositions relatives à la nouvelle juridiction de proximité. Le regroupement, dans une même partie du code, des dispositions relatives à ces trois juridictions est significatif : la nouvelle juridiction de proximité n'est pas assimilable aux juridictions spécialisées telles que les tribunaux de commerce ou les conseils de prud'hommes, qui figurent dans le livre IV du code de l'organisation judiciaire, mais trouve pleinement sa place parmi les juridictions de première instance instituées dans le ressort des cours d'appel.

- Le second paragraphe introduit dans ce livre du code de l'organisation judiciaire, un nouveau titre - le titre III - rassemblant l'ensemble des dispositions relatives à cette nouvelle juridiction. Ce titre comporte un chapitre unique, portant dispositions générales sur les juridictions de proximité ; il est constitué de deux sections, consacrées, d'une part, à l'institution, à la compétence et au fonctionnement des juridictions de proximité (art. L. 331-1 à L. 331-5) et, d'autre part, à leur organisation (art. L. 331-6 à L. 331-9).

Article L. 331-1 du code de l'organisation judiciaire

Institution des juridictions de proximité

L'objet de cet article est de créer une nouvelle juridiction : « la juridiction de proximité ». Un instant envisagé, le terme de « justice de paix », évocateur d'une justice proche des justiciables et pacificatrice, n'a finalement pas été retenue, le garde des sceaux ayant indiqué qu'il avait souhaité éviter toute confusion avec les anciennes justices de paix et ayant fait valoir que la dénomination retenue dans le projet de loi correspondait davantage à l'esprit de la réforme proposée par le Gouvernement (20).

Calqué sur la rédaction des articles L. 311-1 et L. 321-1 du code de l'organisation judiciaire, qui prévoient l'institution, d'une part, des tribunaux de grande instance et, d'autre part, des tribunaux d'instance, cet article précise que ces juridictions sont implantées dans le ressort de chaque cour d'appel. D'après l'exposé des motifs, des ressorts identiques seront retenus pour cette nouvelle juridiction et le tribunal d'instance.

Le présent article précise qu'il s'agit de juridiction « de première instance ». Ces juridictions seront donc, dans la hiérarchie judiciaire, au même niveau que les tribunaux de grande instance et d'instance auxquels les articles L 311-1 et L. 321-1 du code de l'organisation judiciaire donnent la même qualification. Conformément à l'esprit du présent projet de loi qui s'efforce de rendre les procédures judiciaires plus simples et plus rapides, on relèvera donc qu'il ne s'agit pas d'instituer un nouveau degré de juridiction mais de diversifier l'offre judiciaire au stade de la première instance. Les justiciables saisiront donc, en première instance, selon la nature et la valeur du contentieux, le tribunal de grande instance, le tribunal d'instance ou, désormais, la juridiction de proximité. A moyen terme et comme la lecture du rapport annexé au présent projet de loi le laisse entendre, ces trois juridictions devraient voir leurs ressources humaines et budgétaires mutualisées dans le cadre d'un « futur tribunal de première instance ».

La Commission a rejeté l'amendement n° 22 présenté par M. Pierre Albertini, prévoyant que le juge de proximité doit statuer dans un délai de deux mois.

Article L. 331-2 du code de l'organisation judiciaire

Compétence de la juridiction de proximité en matière civile

Le présent article fixe les compétences des juridictions de proximité en matière civile. Leur description atteste du souci d'instituer une juridiction apte à régler les litiges de la vie quotidienne.

_  Tout d'abord, la juridiction de proximité ne pourra connaître que des demandes présentées par des personnes physiques. Les personnes morales telles que les associations ou les bailleurs institutionnels continueront donc de saisir le seul tribunal d'instance, y compris dans le cadre de demandes reconventionnelles. Cette limitation de compétence, qu'on ne retrouve pas dans les dispositions applicables aux tribunaux de grande instance ou d'instance, marque par là même la forte spécificité de cette nouvelle juridiction, dont l'esprit est d'être proche des justiciables.

_  La compétence matérielle de la juridiction de proximité obéit à plusieurs critères cumulatifs : elle dépend tout à la fois de la nature de l'affaire et de l'importance de l'intérêt en cause.

- Susceptible de n'être présentée que par une personne physique, les affaires portées devant la juridiction de proximité devront être relatives « aux besoins de sa vie non professionnelle » : les litiges relatifs à la vie professionnelle relèvent, en effet, de la compétence d'autres juridictions de première instance, telles que les conseils de prud'hommes (21) ou les tribunaux administratifs, s'il s'agit d'un fonctionnaire. De même, dès lors qu'il s'agit d'un véritable contentieux civil, les tribunaux d'instance demeureront compétents pour les actions personnelles et mobilières entrant dans la sphère professionnelle des artisans ou des travailleurs indépendants.

- Les juridictions de proximité ne pourront connaître que des actions relatives à des affaires d'une valeur inférieure ou égale à 1500 €. La détermination de l'évaluation du litige se fait selon les règles de droit commun fixées dans le code de procédure civile et précisées par la jurisprudence : c'est le « montant de la demande », tel qu'il résulte des dernières conclusions (art. 34 du nouveau code de procédure civile) qui est pris en compte ; seul le principal de la demande est pris en compte (22). La Commission a rejeté l'amendement n° 19 de M. Pierre Albertini, prévoyant que le juge de proximité peut connaître des litiges portant sur des sommes inférieures ou égales à 2 500 €.

- Seules les « affaires personnelles mobilières » pourront être portées devant les juridictions de proximité. Par souci de concision, le Sénat a modifié la rédaction, afin de viser les « actions » personnelles mobilières.

Cette définition de la compétence matérielle de la nouvelle juridiction de proximité fait ainsi référence à la classification des actions en justice en fonction de la matière litigieuse. La distinction entre actions mobilières et immobilières est fondée sur l'objet du droit en litige, tandis que la distinction entre actions réelles et personnelles est fondée sur la nature du droit exercé, selon qu'il s'agit d'un droit réel (23) ou d'un droit personnel (24). Dans la plupart des cas, l'action réelle est immobilière et l'action personnelle est mobilière.

La compétence des juridictions dépend de la distinction de ces différentes actions civiles : alors que, aux termes de l'article R. 321-1 du code de l'organisation judiciaire, le tribunal d'instance connaît de « toutes actions personnelles ou mobilières », le juge de proximité, pour sa part, sera compétent pour connaître, des actions par lesquelles s'exerce un droit personnel portant sur un bien meuble.

De fait, la saisine du juge de proximité sera fréquente. En effet, si les actions réelles sont relativement limitées, les actions personnelles sont innombrables, en raison des diverses sources d'obligations - il peut s'agir d'une créance résultant d'un contrat ou d'un délit ou quasi-délit - et du principe de liberté des conventions lorsque la source de l'obligation est conventionnelle. Les actions personnelles mobilières sont, de très loin, les plus nombreuses, ne serait-ce que parce que les créances sont toujours réputées meubles en droit civil. De plus, certaines choses immeubles sont considérées comme meubles par anticipation de leur état futur, telle que l'action en délivrance d'une maison vendue à démolir. Et, comme le relève M. Jean Barrège dans son analyse de la compétence d'attribution du tribunal d'instance (25), peu importe qu'un immeuble soit l'occasion d'une créance, dès lors que l'action a un objet mobilier, par exemple une action en contribution de frais d'entretien ou de réparation d'un mur mitoyen.

A titre d'exemple, pourront donc être portées devant les juridictions de proximité : les actions en paiement de dommages et intérêts en réparation d'un petit préjudice causée par une faute contractuelle, les actions en paiement d'une créance exigible et certaine ou les actions en exécution d'une obligation de faire, telles que la réalisation de travaux ou la livraison d'une chose commandée.

A l'inverse, échapperont à la connaissance des juges de proximité : les actions réelles mobilières, telles que l'action en revendication contre un possesseur d'un meuble perdu ou les actions réelles immobilières ou mixtes, notamment celles qui entrent dans la compétence matérielle d'attribution du tribunal d'instance, telles que les actions en bornage, l'élagage des arbres,...

- Tenant compte des nombreux cas dans lesquelles la valeur de la demande est indéterminée, le texte prévoit que la juridiction sera, dans cette hypothèse, compétente pour les actions ayant pour origine l'exécution d'une obligation dont le montant n'excède pas 1 500 €. Aujourd'hui, comme le rapporteur a eu l'occasion de le préciser plus haut, ces actions indéterminées sont nécessairement renvoyées devant le tribunal de grande instance, ce qui a pour effet de décourager les particuliers qui se voient contraints à constituer avocat, alors que les sommes en jeu sont parfois faibles.

En outre, les juridictions de proximité seront également compétentes pour connaître des procédures d'injonction de faire ou de payer, à condition qu'elles concernent des personnes physiques pour les besoins de leur vie non professionnelle et dans le respect du taux de compétence de 1 500 €. Le Sénat a apporté une modification rédactionnelle afin de préciser que ces procédures, qui sont souvent captées par les créanciers institutionnels, s'exerceront bien dans les mêmes conditions que les actions personnelles mobilières et non pas seulement dans les mêmes limites financières.

L'injonction de payer et l'injonction de faire tendent à protéger le créancier contre l'inertie de son débiteur en lui permettant d'exercer, en l'absence du défendeur, une procédure rapide et peu coûteuse, articulée autour d'une première phase non contradictoire, suivie, le cas échéant, d'une seconde phase contradictoire, provoquée par la réaction du débiteur auquel le juge a enjoint d'exécuter son obligation. Conformément à l'article R. 321-3 du code de l'organisation judiciaire, ces deux procédures relèvent aujourd'hui de la compétence du tribunal d'instance.

S'agissant de l'injonction de payer, le tribunal d'instance est compétent, quel que soit le montant de la demande. La demande d'injonction de payer est formée par une requête sur laquelle le juge a tout pouvoir d'appréciation, qu'il peut notamment rejeter sans motivation de son ordonnance. Lorsque le juge déclare la requête fondée, il remet au créancier une ordonnance d'injonction de payer afin qu'il la signifie au débiteur dans les six mois. Le débiteur, auquel l'ordonnance a été signifiée, peut alors soit former opposition dans le mois qui suit la signification de l'ordonnance, soit ne pas former opposition et, dans ce cas, payer. L'opposition est formée au greffe du tribunal qui a rendu l'ordonnance ; le jugement rendu sur opposition « se substitue à l'ordonnance portant injonction de payer ».

L'injonction de faire tend à contraindre le débiteur d'une obligation contractuelle de faire à exécuter sa promesse. L'objet de la demande est donc une exécution en nature, le tribunal d'instance n'étant compétent que si la valeur de la prestation n'excède pas le taux de compétence de cette juridiction. L'injonction de faire est demandée par requête. Le juge examine la demande : il peut la rejeter ou rendre une ordonnance portant une injonction de faire qui fixe l'objet de l'obligation, les délais et les conditions dans lesquelles elle doit être exécutée, d'une part, la date et le lieu de l'audience à laquelle l'affaire sera examinée, d'autre part. Si l'injonction de faire est exécutée, l'affaire est retirée du rôle. A défaut, la procédure contentieuse se déroule selon les conditions de droit commun.

Le présent projet de loi tend donc à transférer aux juridictions de proximité ce type de contentieux dans la limite des compétences de cette nouvelle juridiction : les injonctions de payer et de faire relèveront donc de la compétence du juge de proximité, lorsque le montant de la demande ou la valeur de la prestation dont l'exécution est demandée n'excèdent pas 1 500 €. Au-delà ou si elles sont présentées par des personnes morales ou par des personnes physiques pour les besoins de leur vie professionnelle, elles relèveront de la compétence du tribunal d'instance, sans limitation de la demande lorsqu'il s'agit d'une injonction de payer et jusqu'à 7 600 € pour les injonctions de faire.

Le rapporteur tient à souligner l'intérêt du transfert de ces procédures d'injonctions qui marquent le souci de faciliter l'accès à la justice pour le traitement des petits contentieux de la vie quotidienne : si l'injonction de faire n'a pas eu le succès escompté, l'injonction de payer arrive, en revanche, largement en tête des saisines en forme simplifiée du tribunal d'instance. Comme le soulignait M. Jean-Marie Coulon dans son rapport rendu en janvier 1997, présentant des « réflexions et propositions sur la procédure civile », « elle donne pleinement satisfaction en permettant un traitement rapide, souple, peu coûteux et de surcroît définitif de l'impayé ». En effet, au cours de l'année 2000, les 473 tribunaux d'instance ont traité 657 424 procédures d'injonction de payer ; ces procédures absorbent ainsi l'essentiel - de l'ordre de 75 % - de l'activité des tribunaux d'instance et des tribunaux paritaires des baux ruraux en matière de contentieux de l'impayé. Il est, en outre, intéressant de constater que les ordonnances ne donnent lieu qu'à peu de formation d'oppositions devant les tribunaux d'instance et les tribunaux paritaires des baux ruraux, puisque celles-ci plafonnent aux environs de 5,3 %.

Enfin, afin de conforter la place du futur juge de proximité au sein des mécanismes de règlement amiable des conflits,, le Sénat a adopté un amendement tendant à préciser que la juridiction de proximité connaît dans les mêmes conditions - c'est-à-dire pour les actions personnelles et mobilières n'excédant pas le seuil de 1 500€, sous réserve qu'elles soient présentées par des personnes physiques pour les seuls besoins de leur vie non professionnelle - les demandes d'homologation du constat d'accord formée par les parties, à l'issue d'une tentative préalable de conciliation menée en application de l'article 21 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative.

_ A la lecture de ces critères, se définit donc une répartition des contentieux entre les trois juridictions de première instance que sont le tribunal de grande instance, le tribunal d'instance et la juridiction de proximité : le premier demeure la seule juridiction de droit commun, les deux autres n'ayant compétence qu'en fonction de textes particuliers. En effet, aux termes de l'article R. 311-1 du code de l'organisation judiciaire, « le tribunal de grande instance connaît, à charge d'appel, de toutes les affaires pour lesquelles compétence n'est pas attribuée expressément à une autre juridiction, en raison de la nature de l'affaire ou du montant de la demande ».

S'agissant de l'impact de la création des juridictions de proximité sur l'activité des autres juridictions, la Chancellerie n'a avancé aucune hypothèse chiffrée. Il est vrai que, en la matière, toute évaluation est difficile : s'il est évident que les juges de proximité capteront une partie des actions personnelles mobilières aujourd'hui traitées par les juges d'instance, il est, en revanche, difficile de prévoir quel volume de contentieux non porté devant les institutions judiciaires jusqu'à présent est susceptible d'apparaître.

En pratique, la répartition des contentieux civils entre les trois juridictions de première instance va s'avérer extrêmement complexe. Afin d'éviter que le justiciable ne s'égare trop dans les méandres des compétences de chacune d'entre elles, le rapporteur ne saurait que trop soutenir la proposition faite dans le rapport annexé au présent projet de loi de généraliser le guichet unique de greffe qui aidera le justiciable à s'orienter. De même, le rapport annexé au présent projet de loi prévoit que la juridiction d'instance verra ses compétences « élargies » : il paraîtrait, en effet, souhaitable, que les actions indéterminées qui entrent dans le taux de compétence des tribunaux d'instance puissent être portées devant ces juridictions. Plus généralement, il serait souhaitable que les compétences des différentes juridictions de première instance soient plus clairement identifiables.

_  S'agissant des recours ouverts contre les décisions rendues par le juge de proximité en matière civile, l'article L. 331-2 précise qu'elles seront rendues « en dernier ressort ». Ce choix n'est pas choquant : on rappellera en effet que en dessous de certains seuils - 3 800 € pour les tribunaux d'instance et de grande instance (26)- les affaires jugées ne peuvent être portées en appel.

En l'absence d'appel, les autres voies de recours demeureront ouvertes aux justiciables souhaitant contester la décision rendue par le juge de proximité : ils pourront donc se pourvoir en cassation (art. 605 du nouveau code de procédure civile) ou former un recours en révision (art. 595 du nouveau code de procédure civile) ; les tiers pourront former tierce opposition (art. 591 du nouveau code de procédure civile) ; enfin, le défendeur n'ayant pas comparu pourra former opposition si le jugement a été rendu par défaut (27) (art. 571 du nouveau code de procédure civile).



Article L. 331-3 du code de l'organisation judiciaire

Procédure applicable devant le juge de proximité

Cet article précise la procédure applicable devant le juge de proximité. Conformément à l'esprit qui préside à l'institution de ces nouvelles juridictions, le choix a été fait de privilégier une procédure simple, tant il est vrai que la proximité d'une juridiction n'est pas seulement fonction de son implantation territoriale ou de la nature du contentieux qui lui est soumis, mais également de la souplesse et de la simplicité du déroulement de la procédure.

Pour ces raisons, le présent article fait largement référence aux dispositions procédurales applicables devant les tribunaux d'instance (art. 827 à 852-1 du nouveau code de procédure civile) qui, comme le rapporteur a eu l'occasion de le préciser plus haut, sont moins formalistes et n'occasionnent que peu de frais pour les plaideurs.

_  D'une part, le présent article prévoit l'extension aux juridictions de proximité des règles de procédures applicables devant le tribunal d'instance.

Les procédures devant les juridictions de proximité seront donc orales.

En outre, l'instance pourra être introduite devant les juridictions de proximité : par assignation « à toutes fins » (28; par requête conjointe des parties ou par simple présentation volontaire des parties (29; par simple déclaration au greffe, verbale ou écrite (30). Une fois l'instance introduite, une audience de conciliation devra être tenue : la conciliation doit être faite par le juge ou, si les parties en sont d'accord, par un conciliateur de justice ; en cas de succès, le juge constate l'accord dans un procès-verbal et des extraits, valant titre exécutoire, peuvent être délivrés (31) ; en cas d'échec, le litige est alors jugé. Afin de garantir la rapidité du traitement des affaires, l'article 841 du nouveau code de procédure civile prévoit que l'affaire est jugée aussitôt après la tentative de conciliation ; si l'affaire n'est cependant pas en état d'être jugée, elle est renvoyée à une audience ultérieure.

La Commission a été saisie d'un amendement de M. Jérôme Bignon, ayant pour objet de permettre la saisine du juge de proximité par l'envoi d'une simple lettre adressée au greffe, et non selon les modalités applicables devant le juge d'instance comme le propose le projet de loi, son auteur jugeant souhaitable de simplifier la saisine de la juridiction de proximité afin qu'elle soit plus accessible aux justiciables. Mme Maryse Joissains-Masini et M. Claude Goasguen se sont prononcés en faveur du dispositif proposé. Le rapporteur a fait observer que la procédure de saisine du juge de proximité prévue par le projet, identique à celle du juge d'instance, permettait sa saisine par une simple lettre au greffe. Jugeant que cette modalité de saisine devait être la seule ouverte, à l'exclusion notamment de l'assignation, trop complexe, M. Jérôme Bignon a cependant retiré son amendement tout en faisant part de son intention d'en présenter une nouvelle rédaction dans le cadre de la réunion que la commission tiendra en application des dispositions de l'article 88 du Règlement.

Par ailleurs, la tentative préalable de conciliation, propre aux tribunaux d'instance et prévue aux articles 830 à 835 du nouveau code de procédure civile, sera également applicable devant les juridictions de proximité : avant d'assigner, le demandeur aura donc la faculté de demander une tentative préalable de conciliation qui sera menée par le juge ou un conciliateur. Les parties doivent se présenter en personne à la tentative de conciliation qui doit être organisée dans un délai maximal d'un mois, mais la mission peut être renouvelée une fois pour la même durée, à la demande du conciliateur. Celui-ci peut entendre toute personne dont l'audition lui paraît utile à condition de recueillir l'accord des parties et de ladite personne. A la demande d'une partie, du conciliateur ou d'office par le juge, il peut être mis fin prématurément à ce préliminaire de conciliation. A l'issue de cette phase, le conciliateur informe par écrit le juge de l'issue de la tentative préalable de la conciliation et, selon les cas, établit un constat d'accord, même partiel, susceptible d'être homologué par le juge. En cas d'échec, le greffe informe les parties de la faculté de saisir la juridiction aux fins de jugement. Lorsque la tentative de conciliation échoue, si elle était menée par le juge, l'affaire peut être jugée immédiatement (32).

On ne saurait trop rappeler l'intérêt de la conciliation qui permet, par la recherche d'une solution négociée, une plus grande adhésion des justiciables aux décisions judiciaires et leur garantit, par là même, une meilleure exécution. Ici encore, le rôle de conciliation impartie aux juridictions de proximité est explicitement rappelée, le premier alinéa du nouvel article L. 331-2 du code de l'organisation judiciaire prévoyant qu'elles se prononcent après avoir cherché à concilier les parties. L'accent ainsi mis sur la conciliation est conforme à l'esprit qui sous-tend l'institution des juges de proximité qui doivent privilégier l'écoute des parties mais, si la conciliation échoue, ont à trancher les différends qui leur sont soumis. La Commission a adopté un amendement du rapporteur précisant que le juge de proximité pourra confier le soin de concilier les parties à un conciliateur de justice (amendement n° 151).

_  D'autre part, l'assistance et la représentation des parties (33) devant la juridiction de proximité sont organisées de façon très souple, dans les mêmes conditions que devant le tribunal d'instance, conformément aux articles 827 et 828 du nouveau code de procédure civile. Le ministère d'avocat ne sera donc pas obligatoire (34), ce qui paraît cohérent avec le souci d'occasionner le minimum de frais pour les plaideurs et de privilégier des procédures simples. Toutefois si les parties souhaitent se faire assister ou représenter, comme le second alinéa de l'article 827 leur en laisse la possibilité, ils pourront alors confier cette mission à d'autres personnes qu'un avocat. Cependant, leur choix sera encadré : outre un avocat, ils ne pourront donner mandat de les assister ou de les représenter qu'à leur conjoint, leurs parents ou alliés en ligne directe ou aux personnes exclusivement attachées à leur service personnel ou à leur entreprise. Conformément à l'article 416 du nouveau code de procédure civile, elles devront alors justifier d'un pouvoir spécial, exception faite de l'avocat compte tenu de la nature de ses fonctions d'auxiliaire de justice.

Article L.331-4 du code de l'organisation judiciaire

Renvoi de l'affaire devant le tribunal d'instance

Comme le soulignait M. Jean-Marie Coulon dans son rapport « réflexions et propositions sur la procédure civile », « force est de rappeler que la complexité technique d'un litige n'est pas proportionnelle au montant de la demande. (...) Les critères de la simplicité du cas et de la modicité de la demande ne sont pas nécessairement réunis ». Il apparaît ainsi que les contentieux de masse qui seront soumis à la juridiction de proximité exigeront parfois l'application de règles pointues.

Sans doute ressort-il des dispositions du projet de loi organique relatif aux juges de proximité que ceux-ci devront présenter des compétences les rendant aptes à l'exercice de fonctions juridictionnelles. Aux termes de l'article  41-17 qu'il est prévu d'insérer dans l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, les personnes pouvant être nommées juges de proximité devront :

- soit être d'anciens magistrats de l'ordre judiciaire et de l'ordre administratif ;

- soit disposer, tout à la fois, d'une expérience professionnelle à caractère juridique d'au moins quatre ans et d'une formation juridique supérieure d'une durée de quatre ans ou d'un doctorat en droit ou d'un diplôme équivalent ou de la qualité d'auxiliaire de justice exerçant une profession réglementée.

Cependant, comme le précise le Gouvernement dans l'exposé des motifs du projet de loi, « ni l'économie de la réforme qui s'attache avant tout à permettre une réponse judiciaire simple et rapide, ni les conditions de recrutement du juge de proximité ne prédestinent celui-ci à trancher des litiges qui poseraient en droit des difficultés sérieuses ».

Aussi le présent article prévoit-il la possibilité pour le juge de proximité, lorsqu'il statue en matière civile, de renvoyer l'affaire au tribunal d'instance, où siègent des magistrats professionnels. Cette disposition apparaît d'autant plus utile que les juges de proximité statueront en dernier ressort sur les affaires qui leur seront soumises.

Ce renvoi est possible si le juge rencontre une difficulté juridique « sérieuse » portant sur  l'application d'une règle de droit ou l'interprétation de l'obligation liant les parties. Par souci de concision, le Sénat a adopté un amendement du rapporteur tendant à substituer au terme « obligation » celui de « contrat ».

C'est au juge de proximité que revient l'appréciation de l'opportunité de procéder à ce renvoi. En effet, il peut y procéder d'office ou à la demande de l'une des parties. Il doit « recueillir » l'avis des parties : « de l'autre », lorsque ce renvoi est demandé par une partie, ou « des deux » - selon la solution retenue par le Sénat à la suite d'un amendement rédactionnel de sa Commission des Lois - mais n'est pas lié par une demande des parties en ce sens. Une fois le renvoi fait, il est précisé que le tribunal d'instance « statue en tant que juridiction de proximité » : comme le relevaient MM. Pierre Fauchon et Jean-Pierre Schosteck dans leur rapport sur le projet de loi, il s'agit ainsi de préserver le principe d'égalité devant la justice en évitant que des affaires de même nature soient jugées par des juridictions différentes. Plus prosaïquement, cette disposition permet également de ne pas retarder le traitement de l'affaire.

La Commission a rejeté les amendements nos 6 et 20 de M. Pierre Albertini, le premier tendant à la suppression de cet article, le second prévoyant qu'en cas de difficulté sérieuse portant sur l'application d'une règle de droit ou sur l'interprétation d'un contrat, le juge de proximité peut décider de surseoir à statuer afin de poser une question préjudicielle au tribunal d'instance. Elle a, en revanche, adopté un amendement d'ordre rédactionnel présenté par le rapporteur (amendement n° 152).


Article L. 331-5 du code de l'organisation judiciaire

Compétence de la juridiction de proximité en matière pénale

Conformément au principe d'unité des juridictions, la juridiction de proximité détiendra des compétences civiles et pénales.

Le présent article, que le Sénat a modifié afin de rectifier une erreur matérielle, précise l'étendue de la compétence des juridictions de proximité en matière pénale ainsi que le rôle joué par le ministère public près cette juridiction. Pour ce faire, il se borne à renvoyer à l'article 706-72 introduit par le présent projet de loi dans le code de procédure pénale (cf. art. 9) ainsi qu'à l'article 21 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, en ce qui concerne les mineurs (cf. art.18) ; ces deux textes préciseront donc les compétences pénales du juge de proximité à l'égard des majeurs et des mineurs.



Article L. 331-6 du code de l'organisation judiciaire

Détermination du ressort et du siège de la juridiction de proximité

A l'instar des articles L. 212-1, L. 311-5 et L. 321-3 du code de l'organisation judiciaire respectivement consacrés aux cours d'appel, aux tribunaux de grande instance et aux tribunaux d'instance, le présent article - auquel le Sénat a apporté une modification rédactionnelle - renvoie à un décret en Conseil d'Etat la détermination de la localité dans laquelle la juridiction de proximité va être implantée et de la circonscription dans laquelle elle exercera sa compétence.

Dans l'exposé des motifs du projet de loi, il est indiqué que le ressort de ces nouvelles juridictions sera identique à celui des actuels tribunaux d'instance.



Article L. 331-7 du code de l'organisation judiciaire

Formation de jugement de la juridiction de proximité

Le présent article précise que la juridiction de proximité statue « à juge unique ». Elle aura donc la même formation de jugement que le tribunal d'instance (art. L. 321-4 du code de l'organisation judiciaire).

Cette disposition est conforme à l'esprit qui a présidé à l'institution de cette nouvelle juridiction de proximité : le juge sera ainsi clairement identifié par le justiciable et le dialogue avec celui-ci s'en trouvera facilité.



Article L. 331-8 du code de l'organisation judiciaire

Tenue d'audiences foraines par le juge de proximité

Afin de permettre un meilleure adaptation de la carte judiciaire aux besoins des justiciables, la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative a prévu la mise en place de mécanismes d'organisation permettant de dégager des solutions locales souples susceptibles de favoriser le maintien d'une justice de proximité. Introduisant un titre X spécifiquement consacré à ce type d'audiences dans le code de l'organisation judiciaire, elle a généralisé à l'ensemble des juridictions de l'ordre judiciaire la possibilité de tenir des audiences foraines. L'article R. 7-10-1-1 de ce même code en précise les modalités d'application : il revient au premier président de la cour d'appel, après avis du procureur général, de fixer par ordonnance, « en fonction des nécessités locales », le lieu, le jour et la nature des audiences que « peuvent tenir les juridictions du ressort en des communes de leur propre ressort autres que celles où est fixé leur siège ».

Il n'est pas tenu de statistiques régulières sur l'organisation d'audience foraines. D'après le dernier recensement - auxquelles ont répondu 28 cours d'appel - , vingt tribunaux d'instance ont indiqué avoir assuré en 1998 des audiences foraines pour les dossiers relevant de leur compétence civile et pénale.

Pour garantir la plus grande proximité possible avec les justiciables, le présent article ouvre aux juridictions de proximité la faculté de tenir des audiences foraines « en tout lieu public approprié », tels que, par exemple, les maisons de justice et du droit ou les antennes de justice. Les conditions d'application de cette disposition seront précisées dans un décret en Conseil d'Etat. Tout en admettant la nécessité d'assurer une présence judiciaire maximale, le rapporteur souhaite, à ce titre, que les dispositions d'application qui préciseront notamment ce que sont les « lieux publics appropriés » ne porte pas atteinte au minimum de solennité dont doit être empreint un jugement civil ou pénal, fût-il de proximité.



Article L. 331-9 du code de l'organisation judiciaire

Exercice des fonctions de juge de proximité
par un magistrat du tribunal d'instance

Comme le rapporteur a eu l'occasion de l'indiquer plus haut, le Gouvernement envisage de confier l'exercice des fonctions de juge de proximité à des magistrats non professionnels, recrutés temporairement et disposant d'une solide expérience juridique. Dans le rapport annexé au présent projet de loi, des crédits de fonctionnement sont prévus pour la rémunération de quelques 3 300 juges de proximité.

Afin de pallier toute difficulté d'organisation de ces nouvelles juridictions, le présent article prévoit que les fonctions de juge de proximité sont exercées par un juge du tribunal d'instance territorialement compétent, en cas d'absence, d'empêchement ou « si le nombre de juges de proximité se révèle insuffisant ».

Cette disposition est destinée à remédier aux difficultés qui peuvent notamment résulter du recrutement, pour exercer ces fonctions, de personnes rémunérées à la vacation, et susceptibles d'exercer une activité professionnelle concomitamment à leurs fonctions judiciaires. En effet, le recrutement des juges de proximité étant subordonné à l'adoption du projet de loi organique qui précise leur statut, il convient d'éviter que les juridictions de proximité ne soient des « coquilles vides » ; cette disposition est de nature à éviter tout retard dans la mise en place des juridictions de proximité ; elle permet également de tenir compte du temps nécessaire pour la montée en charge du dispositif. En outre, il convient de tenir compte des cas d'absence ou d'empêchement résultant de maladie, mais aussi liés à des engagements tenant à l'exercice d'une activité professionnelle parallèle. Enfin, cette disposition permettra de compléter ponctuellement les effectifs d'une juridiction de proximité si sa charge de travail s'avère trop importante.

Les tribunaux d'instance n'ayant pas d'effectifs propres et leur service étant assuré, en ce qui concerne les magistrats du siège, par les magistrats des tribunaux de grande instance (35), le présent article prévoit donc que c'est au président du tribunal de grande instance « territorialement compétent » - jugée inutile, cette mention a été supprimée par le Sénat - qu'incombera la désignation du juge du tribunal d'instance pour assurer les fonctions de juge de proximité. S'agissant d'une mesure d'administration judiciaire, cette désignation sera faite par ordonnance du président du tribunal conformément à l'article R. 311-15 du code de l'organisation judiciaire. Sur amendement de sa commission des Lois, le Sénat a opportunément apporté cette précision dans le texte.

La Commission a adopté l'article 7 ainsi modifié.

Article 7 bis (nouveau)

(art. 21 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions
et à la procédure civile, pénale et administrative)

Faculté pour le juge de proximité d'enjoindre aux parties
d'assister à une réunion d'information sur la conciliation

Consolidant l'assise juridique de la conciliation et de la médiation judiciaires, la loi du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, a fixé, dans ses articles 21 à 26, les conditions dans lesquelles il peut être procédé à une procédure de conciliation en cours d'instance. L'article 21 prévoit ainsi que le juge peut désigner « une tierce personne » pour procéder, soit aux tentatives préalables de conciliation prescrites par la loi, soit à une médiation, en tout état de la procédure et y compris en référé, pour tenter de parvenir à un accord entre les parties. L'article 21 précise, en outre, les conditions de fixation du montant de la provision à valoir sur la rémunération du médiateur et prévoit la caducité de la désignation du médiateur, « à défaut de consignation dans le délai et selon les modalités impartis ». La nature même de la conciliation interdisant de la rendre obligatoire aux parties, la loi du 8 février 1995 a précisé qu'elle ne peut être organisée sans l'accord des parties.

Sans remettre en cause ce principe, le présent article, introduit par le Sénat sur un amendement de M. Laurent Béteille, tend à compléter l'article 21, afin de préciser que le juge peut enjoindre aux parties, s'il n'a pas recueilli leur accord « pour procéder aux tentatives de conciliation » de rencontrer « la personne qu'il a désignée à cet effet », afin qu'il les informe « sur l'objet et le déroulement de la mesure de conciliation ». 

Il s'agit ainsi d'inciter les parties à recourir à une mesure de conciliation. En effet, de nombreux professionnels du droit soulignent l'intérêt de cette procédure qui peut conduire à l'adoption de solutions négociées, souvent mieux acceptées par les parties qu'un jugement tranchant leur différend. On relèvera que le juge dispose d'un pouvoir d'appréciation pour procéder à cette injonction, ce qui paraît empreint de sagesse puisque, dans certains litiges, les positions des parties sont tellement antagonistes, leur confrontation tellement douloureuse ou leurs relations tellement détériorées qu'aucune conciliation ne peut être utilement envisagée.

On relèvera que des mesures du même ordre ont été adoptées en matière de médiation familiale. Ainsi, l'article 373-2-10 du code civil, tel qu'il résulte de la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale, précise que : « à l'effet de faciliter la recherche par les parents d'un exercice consensuel de l'autorité parentale, le juge peut leur proposer une mesure de médiation et, après avoir recueilli leur accord, désigner un médiateur familial pour y procéder. Il peut leur enjoindre de rencontrer un médiateur familial qui les informera sur l'objet et le déroulement de cette mesure ».

Le rapporteur approuve cette disposition qui permet, au-delà de la seule médiation familiale, de donner une compétence générale au juge pour enjoindre aux parties de recevoir une information sur la conciliation.

La Commission a adopté un amendement de clarification rédactionnelle du rapporteur (amendement n° 153) puis l'article 7 bis ainsi modifié.

Article 8

(article L. 811-1 du code de l'organisation judiciaire)

Service des secrétariats-greffes des juridictions de proximité

L'article L. 811-1 du code de l'organisation judiciaire donne compétence exclusive aux fonctionnaires de l'Etat pour assurer le service des secrétariats-greffes de la Cour de cassation, des cours d'appel, des tribunaux de grande instance et d'instance, ainsi que des tribunaux d'instance ayant compétence exclusive en matière pénale (36).

Il est ici complété afin d'y inclure les juridictions de proximité.

Alors que le service des secrétariats-greffes de certaines juridictions spécialisées, telles que les tribunaux de commerce, est assuré selon des modalités différentes, cette disposition atteste bien du souci de faire des juges de proximité des juridictions de droit commun.

Compte tenu du peu de formalisme des procédures qui seront applicables devant ces nouvelles juridictions et de la possibilité qui sera ouverte aux justiciables de faire des saisines du greffe de façon verbale, le rapporteur ne peut qu'insister sur la nécessité de prévoir des effectifs suffisants compte tenu de l'importance de leurs missions pour orienter les demandes - notamment parce que l'instance peut être introduite par simple déclaration au greffe - et apporter une aide aux juges de proximité, grâce à leurs compétences juridiques.

La Commission a adopté l'article 8 sans modification.

Article 9

(Titre XXIV du livre IV du code de procédure pénale
- art. 706-72 du code de procédure pénale)

Compétence de la juridiction de proximité
en matière de contraventions et de composition pénale

En matière pénale, le tribunal d'instance - qui prend alors la dénomination de tribunal de police(37) - est compétent pour connaître des seules contraventions, conformément à l'article 521 du code de procédure pénale.

L'octroi aux juridictions de proximité de compétences pénales tend, d'une part, à remédier aux difficultés que rencontre aujourd'hui la justice pour renforcer le taux de réponse pénale (cf. exposé général) et, d'autre part, au travers d'une architecture judiciaire renouvelée, à faire en sorte de ne laisser aucune infraction impunie. Tout comme en matière civile, elle procède du souci de mieux traiter les litiges de la vie quotidienne et d'impliquer davantage les citoyens dans le fonctionnement de la justice pénale.

L'article 9 du projet de loi introduit donc dans le livre IV du code de procédure pénale rassemblant les dispositions relatives à « quelques procédures particulières » un nouveau titre - le titre XXIV (38) - consacré aux « dispositions relatives à la juridiction de proximité », composé d'un article unique - l'article 706-72.

Cet article précise les compétences du juge de proximité en matière pénale et précise les conditions d'exercice du ministère public près ces nouvelles juridictions.

Les compétences reconnues aux juges de proximité en matière pénale sont de deux ordres :

_  D'une part, la juridiction de proximité est compétente pour juger les contraventions figurant sur une liste fixée par décret en Conseil d'Etat. Le renvoi à un acte réglementaire pour la détermination des contraventions qui seront soumises aux juridictions de proximité est conforme au partage des compétences en matière pénale prévu par la Constitution (39).

D'après les informations fournies par la Chancellerie, les juridictions de proximité devraient connaître :

- de contraventions de première à la quatrième classe, commises tant par les majeurs que les mineurs (cf. art. 18) ;

- de contraventions de cinquième classe, commises par les majeurs seulement.

Contrairement à ce qui a pu parfois être dit, le projet de loi ne remet donc nullement en cause le principe de la spécialisation des magistrats et des juridictions pour enfants puisque, en application de l'article 20-1 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, seules les contraventions de la cinquième classe commises par les mineurs sont instruites par les juges des enfants et jugées par les tribunaux pour enfants, les contraventions de classes inférieures commises par les mineurs étant en revanche déférées au tribunal de police.

Les contraventions constituent les infractions les moins graves : elles sont punies d'une peine d'amende n'excédant pas 3 000 € et sont organisées en cinq classes, la première correspondant aux infractions les moins graves, la cinquième aux plus graves (40). Au sein de ces contraventions, celles des quatre premières classes représentent un contentieux important - notamment à cause des infractions de stationnement de véhicules - mais souvent répétitif et qui ne soulève guère de difficultés techniques : elles ont représenté en 2001 plus de 75,3 % de l'activité des tribunaux de police. Moins nombreuses, les affaires relatives aux contraventions de 5e classe se distinguent nettement des autres tant en raison de la gravité des infractions qu'elles sanctionnent, de la gravité de la sanction (41), que de leurs spécificités procédurales (présence du procureur de la République, possibilité d'appel, impossibilité d'appliquer l'amende forfaitaire, renvoi aux juridictions pour enfants lorsqu'elles sont commises par des mineurs).

D'après les informations fournies par la Chancellerie, relèveraient de la compétence des juridictions de proximité des contraventions « touchant au quotidien des Français », telles que le bruit et le tapage diurne ou nocturne (classe 3), les mauvais traitements infligés à un animal (classe 4), la dégradation volontaire entraînant un dommage léger ou l'intrusion dans l'enceinte d'un établissement scolaire (classe 5).

Les juges de proximité pourront donc infliger des peines d'amendes allant jusqu'à 1 500 € ou des peines privatives ou restrictives de droit prévues à l'article 131-14 du code pénal, applicables pour toutes les contraventions de cinquième classe (suspension, pour un an au plus, du permis de conduire, immobilisation de la personne condamnée, interdiction d'émission de chèques,...). De même, ils pourront prononcer les peines complémentaires prévues par les code pénal prévues à l'article 131-16 du code pénal (suspension du permis de conduire pour une durée maximale de trois ans, retrait du permis de chasser, confiscation de la chose qui a permis l'infraction, interdiction de port et de détention d'une arme soumise à autorisation,... ).

S'agissant de la procédure applicable devant les juridictions de proximité, le présent article prévoit qu'elle sera identique aux règles actuellement applicables devant les tribunaux de police, prévues aux articles 521 à 549 du code de procédurale pénale.

Le juge de proximité pourra recourir aux procédures simplifiées telles que l'ordonnance pénale : prévue aux articles 524 à 528-2 du code de procédure pénale, elle permet au ministère public de communiquer simplement le dossier de la poursuite ainsi que ses réquisitions au juge du tribunal de police, qui statue sans débat préalable par une ordonnance pénale non motivée portant relaxe ou condamnation à une amende. L'ordonnance pénale est notifiée au prévenu qui dispose de trente jours pour s'acquitter du montant de l'amende ou former opposition. En cas d'opposition, l'affaire est portée devant le tribunal selon la procédure ordinaire ; à défaut, l'amende est exigible. En 2001, 64,8 % des contraventions ont été jugées selon cette procédure.

ACTIVITÉ DES TRIBUNAUX DE POLICE

 

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Ensemble des affaires traitées

902 097

798 706

757 735

746 155

757 220

757 667

684 931

(variation annuelle)

- 27,0

- 11,5

- 5,1

- 1,5

+ 1,5

+ 0,1

- 9,6

Contraventions des 4 premières classes :

 

 

 

 

 

 

 

-  ordonnances pénales

562 699

471 436

403 686

395 629

387 862

395 456

360 686

-  jugements

239 386

207 547

209 992

199 946

195 993

185 574

155 507

Contraventions de 5e classe :

 

 

 

 

 

 

 

-  ordonnances pénales

30 082

46 926

61 039

61 488

69 830

79 868

83 745

-  jugements

69 930

72 797

83 018

89 092

103 535

96 769

84 993

Source : Cadres du parquet

 

 

 

 

 

 

 

Les dispositions relatives à l'amende ou à l'indemnité forfaitaires seront également applicables. Prévue aux articles 529 à 529-2 et 529-6 à 529-9 du code de procédure pénale, l'amende forfaitaire constitue pour certaines contraventions des quatre premières classes, notamment celles à la législation et réglementation de la circulation routière, des transports par route et des parcs nationaux, une sanction applicable sans même l'intervention du juge, suivant une procédure purement administrative. Quant à l'indemnité forfaitaire prévue aux articles 529-3 à 529-5 et applicable aux contraventions des quatre premières classes relatives à la police des services publics de transports terrestres, elle comporte la possibilité d'une transaction entre l'exploitant et le contrevenant. Dans les deux cas, le défaut de paiement dans le délai de trente jours suivant la constatation de l'infraction et l'absence de présentation d'une requête tendant à son exonération entraîne une majoration de plein droit de l'amende forfaitaire qui est recouvrée au profit du trésor public ; le juge de proximité ne statue donc qu'en cas de contestation de l'infraction ou de non-paiement de l'amende majorée ;

- Les juridictions de proximité seront saisies par citation directe, convocation par l'officier de police judiciaire ou agent de police judiciaire, ordonnance de renvoi par la juridiction de l'instruction, ou comparution volontaire et disposeront des pouvoirs d'instruction conférés aux tribunaux de police.

- Elles statueront à juge unique.

Seuls certains jugements des juridictions de proximité seront susceptibles d'appel, l'article 546 du code de procédure pénale limitant ce droit au cas où l'amende encourue est celle prévue pour les contraventions de cinquième classe, aux jugements prononçant une peine d'amende supérieure au maximum de l'amende encourue pour les contraventions de la deuxième classe, ainsi qu'aux jugements prononçant la peine complémentaire de suspension du permis de conduire. L'appel entraînera le sursis à exécution du jugement (article 506, applicable par renvoi de l'article 549 du code de procédure pénale).

De même, le présent article précise que l'exercice du ministère public s'y exercera selon les mêmes modalités que près le tribunal de police et renvoie aux articles 45 à 48 du code de procédure pénale. Le principe sera donc la compétence du commissaire de police du siège du tribunal d'instance, dès lors que les juridictions de proximité auront le même ressort que le tribunal d'instance, conformément à ce qu'a précisé le Gouvernement dans son exposé des motifs. Si plusieurs commissaires sont présents sur le ressort, il reviendra donc au procureur général de désigner celui qui remplira les fonctions du ministère public (art. 47 du code de procédure pénale). Dans le cas contraire, il lui reviendra de désigner un commissaire ou un commandant ou capitaine de police en résidence dans le ressort du tribunal de grande instance ou d'un tribunal de grande instance limitrophe situé dans le même département (art. 48 du code de procédure pénale). En outre, le commissaire pourra être remplacé par : le procureur de la République si ce dernier « le juge à propos », un ingénieur des eaux et forêts en cas d'infractions forestières (art. 45 du code de procédure pénale) ; les commissaires et les commandants ou capitaines de police résidant dans le ressort du tribunal de grande instance en cas d'empêchement ; voire même le maire « à titre exceptionnel et en cas de nécessité absolue pour la tenue de l'audience » (art. 46 du code de procédure pénale).

_  D'autre part, les juridictions seront compétentes pour valider les mesures de composition pénale.

Prévue aux articles 41-2 et 41-3 du code de procédure pénale et uniquement applicable aux personnes majeures, la composition pénale est une mesure alternative aux poursuites pénales, applicable pour certains délits non passibles de peines d'emprisonnement (violences ayant entraîné une incapacité de travail, vol simple, port illégal d'une arme, dégradations de biens,..) ou en cas de violences ou de dégradations conventionnelles. Le parquet peut proposer à l'auteur des infractions d'exécuter une ou plusieurs des mesures suivantes : versement d'une amende de composition ; dessaisissement au profit de l'Etat de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou qui en est le produit ; remise du permis de conduire ou de chasser ; réalisation, au profit de la collectivité, d'un travail non rémunéré ; réparation des dommages causés par l'infraction. Si l'auteur des faits donne son accord à la proposition, le procureur de la République saisit le président du tribunal de grande instance ou le juge d'instance selon la nature de l'infraction afin qu'il valide la composition. La décision du Président n'est pas susceptible de recours : en cas de validation, les mesures décidées sont mises à exécution et l'exécution de la composition pénale éteint l'action publique ; en cas de refus de validation, la proposition devient caduque et il revient au procureur d'apprécier les suites à donner à la procédure.

Le présent article permet au président du tribunal de grande instance de déléguer les compétences qu'il détient en matière de validation de la composition pénale au juge de proximité. Compte tenu de la lourdeur souvent décriée de la composition pénale, cette disposition permettra aux présidents de tribunaux de grande instance de se décharger de cette tâche. On relèvera, en outre, que cette disposition constitue la seule incursion du juge de proximité en matière délictuelle. Le service des tribunaux d'instance étant assuré par des magistrats des tribunaux de grande instance, il est légitime que cette faculté de délégation appartienne au seul président du tribunal de grande instance, même lorsqu'il s'agit de valider des mesures de composition pénale relevant de la compétence du juge d'instance.

La Commission a adopté l'article 9 sans modification.

Après l'article 9

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Marc-Philippe Daubresse tendant à rendre obligatoire, dans les communes ou communautés de communes de plus de 50 000 habitants, la création de maisons ou antennes de justice et du droit ; à instituer, en leur sein, des conseils de la réparation pénale chargés de mettre en place des mesures alternatives aux poursuites pour les auteurs de certaines infractions ; à créer, dans les communes précitées, des conseils locaux de prévention de la délinquance et de lutte contre l'insécurité, présidés par les maires, chargés de définir les actions à mener en matière de prévention et à assurer l'information des partenaires locaux sur l'état de la délinquance. M. Marc-Philippe Daubresse a précisé que cet amendement reprenait intégralement le texte d'une proposition de loi présentée, sous la précédente législature, par M. Jean Leonetti, et rejetée par l'Assemblée nationale le 29 novembre 2001. Il a souhaité que cette initiative permette de réaffirmer la nécessité d'une pratique de la sanction systématique et proportionnée et d'un renforcement du rôle des maires en matière de prévention et de lutte contre l'insécurité.

Le président Pascal Clément a fait part de son scepticisme à propos de la référence aux maisons de justice et du droit, observant que leur fonctionnement n'était pas toujours satisfaisant, mais a considéré que cet amendement avait une portée plus générale et que son dépôt était manifestement destiné à susciter une discussion en séance publique. M. Jacques Floch a estimé que les maisons de justice et du droit fonctionnaient de façon satisfaisante lorsque les différents partenaires concernés, et notamment les procureurs, s'impliquaient réellement dans leur activité. M. Christian Estrosi a observé que l'amendement en discussion était en partie satisfait par le projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 17 juillet dernier, ainsi que par le décret n° 2002-999 daté du même jour, qui créent des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance. M. Jean-Jack Queyranne a rappelé que la proposition de loi de M. Jean Leonetti avait reçu, sous la précédente législature, un accueil favorable de la part de la majorité d'alors, même si celle-ci n'avait pas jugé souhaitable de l'adopter en raison de la lourdeur du dispositif proposé et du caractère réglementaire de plusieurs de ses dispositions. Il a toutefois renouvelé son intérêt pour l'orientation qu'elle préconise, qui va dans le sens d'un plus large recours aux mesures alternatives aux poursuites, observant qu'elle constituait une véritable alternative au projet du Gouvernement relatif à la justice de proximité. M. Marc-Philippe Daubresse a alors retiré son amendement.

TITRE III

DISPOSITIONS PORTANT RÉFORME DU DROIT PÉNAL DES MINEURS

L'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante repose sur trois principes : la primauté de l'éducation sur la répression, la spécialisation des juridictions et l'atténuation de responsabilité.

Le projet de loi ne remet pas en cause ces principes, mais les aménage, afin de mettre en place des réponses adaptées à la délinquance des mineurs, qui se caractérise depuis quelques années par un rajeunissement des auteurs d'infractions et par une augmentation du nombre des mineurs privés de repères éducatifs ou récidivistes.

La section 1 (articles 10 à 13) aménage les conditions de la responsabilité des mineurs, en prévoyant des sanctions éducatives pour les mineurs âgés de dix à treize ans. La retenue des mineurs de dix à treize ans est facilitée par les dispositions de la section 2 (article 14), tandis que la section 3 (articles 15 et 16) autorise le placement en détention provisoire des mineurs de treize à seize ans qui n'ont pas respecté les obligations du contrôle judiciaire dans un centre éducatif fermé, dont le principe est posé à la section 7 (article 20). La section 4 (article 17) institue une procédure de jugement à délai rapproché, qui permettra le jugement dans un délai compris entre dix jours et un mois (deux mois pour les moins de seize ans) des mineurs ayant commis des infractions d'une certaine gravité. La section 5 (article 18) donne compétence au juge de proximité pour juger les contraventions de police des quatre premières classes commises par des mineurs. Enfin, la section 6 (article 19) donne la possibilité à la juridiction de jugement d'assortir une mesure de sursis avec mise à l'épreuve d'un placement dans un centre éducatif fermé.

Le Sénat a ajouté une nouvelle section 8 rassemblant diverses dispositions qui reprennent, pour certaines d'entre elles, des propositions formulées par la commission d'enquête du Sénat sur la délinquance des mineurs. Elles aggravent les peines encourues lors d'infractions impliquant un mineur (articles 20 bis et 20 ter), modifient les infractions de manquement aux obligations parentales (article 20 quater) et de provocation d'un mineur à commettre des crimes ou des délits (article 20 quinquies), autorisent le prononcé d'une amende civile à l'égard des parents qui ne défèrent pas à la convocation du juge (article 20 sexies) et autorisent la présence de la victime au procès d'un mineur (article 20 septies).

Section 1

Dispositions relatives à la responsabilité pénale des mineurs

L'ordonnance de 1945 prévoit que seuls les mineurs âgés de plus de treize ans peuvent se voir appliquer une peine. Celle-ci ne peut être supérieure à la moitié de la peine encourue par un majeur, qu'il s'agisse d'une peine privative de liberté ou d'une amende. Ce principe d'atténuation de responsabilité peut toutefois être écarté « compte tenu des circonstances de l'espèce et de la personnalité du mineur » pour les auteurs d'infractions âgés de plus de seize ans.

Cette même ordonnance n'interdit pas de déférer les mineurs de moins de treize ans devant le tribunal pour enfants, mais limite les mesures susceptibles d'être prononcées à la remise à parents ou au placement dans un établissement.

Les articles 10 à 12, tout en maintenant l'impossibilité de prononcer des peines à l'égard des mineurs de moins de treize ans, élargissent la gamme des mesures susceptibles d'être prononcées en autorisant l'application de sanctions éducatives.

Article 10

(art. 122-8 du code pénal)

Responsabilité pénale des mineurs

Le principe de la responsabilité pénale des mineurs et de la priorité des mesures éducatives est affirmé à l'article 122-8 du code pénal, qui limite également les sanctions pénales aux mineurs âgés de plus de treize ans.

Le premier alinéa de cet article dispose que les mineurs reconnus coupables d'infractions font l'objet de mesure de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation dans les conditions fixées par une loi particulière, tandis que le second alinéa précise que cette loi doit également déterminer les conditions dans lesquelles des peines peuvent être prononcées à l'encontre des mineurs âgés de plus de treize ans.

L'article 10 propose une nouvelle rédaction de cet article qui, tout en ne remettant pas en cause la priorité donnée aux mesures éducatives, affirme plus clairement le principe de la responsabilité pénale des mineurs et introduit la notion de sanctions éducatives pour les mineurs âgés de plus de dix ans.

Le premier alinéa rappelle que les mineurs capables de discernement sont pénalement responsables des crimes, délits ou contraventions dont ils ont été reconnus coupables. L'ajout de la notion de discernement permet de consacrer une jurisprudence ancienne de la Cour de cassation, qui limite la responsabilité pénale des mineurs à ceux capables de discernement. Rappelons que cette notion de discernement existe déjà dans le code civil, l'article 388-1 prévoyant l'audition par le juge du mineur « capable de discernement » qui en fait la demande. Bien qu'il soit difficile de déterminer un âge précis à partir duquel le mineur est capable de discernement, puisque cet âge varie en fonction de la personnalité du mineur concerné, on peut fixer cet âge en moyenne vers 7-8 ans. Comme actuellement, il est précisé qu'une loi particulière détermine les mesures de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation dont ces mineurs peuvent faire l'objet.

Le second alinéa de l'article 122-8 est également modifié pour indiquer que les mineurs âgés de plus de dix ans pourront faire l'objet de sanctions éducatives et rappeler, comme le nouvel article 2 de l'ordonnance de 1945 (article 11 du projet de loi), que les peines prononcées à l'égard des mineurs âgés de treize à dix-huit ans doivent tenir compte de l'atténuation de responsabilité dont ils bénéficient en raison de leur âge (réduction de moitié de la peine privative de liberté et de la peine d'amende, interdiction de prononcer certaines peines complémentaires...).

La Commission a adopté l'article 10 sans modification.

Après l'article 10

La Commission a examiné un amendement n° 31 présenté par M. Christian Estrosi prévoyant que, en matière d'infractions sexuelles, notamment lorsque celles-ci ont été commises sur des mineurs, un classement sans suite ne peut intervenir sans que le procureur de la République n'ait recueilli préalablement l'avis de la victime ou de son représentant. Le rapporteur s'est inquiété de la lourdeur de cette nouvelle procédure et a observé que le code de procédure pénale prévoyait déjà, dans cette hypothèse, que la décision de classement soit motivée. M. Christian Estrosi a fait part à la Commission de son intention de retirer cet amendement.

Article 11

(art. 2 de l'ordonnance du 2 février 1945)

Principe de la sanction éducative pour les mineurs de dix à treize ans

Le principe de primauté de l'éducation sur la répression, qui est, rappelons-le, l'un des principes fondateurs de la justice des mineurs, est affirmé dans l'article 2 de l'ordonnance de 1945.

Cet article dispose, dans son premier alinéa, que le tribunal pour enfants et la cour d'assises des mineurs prononcent à l'égard de ces derniers les mesures de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation qui leur semblent appropriées.

Le deuxième alinéa prévoit cependant une exception à ce principe pour les mineurs âgés de plus de treize ans, en indiquant que ces juridictions peuvent prononcer une condamnation pénale, lorsque les circonstances et la personnalité de l'auteur de l'infraction le justifient, conformément aux articles 20-2 à 20-5. Ces derniers articles déterminent les conditions d'application aux mineurs des peines d'emprisonnement, d'amende et de travail d'intérêt général et interdisent le prononcé de certaines peines complémentaires (interdiction du territoire, privation des droits civiques, civils et de famille...).

L'article 11 ne remet pas en cause ce principe de primauté des mesures éducatives, mais élargit la gamme des réponses susceptibles d'être données aux actes de délinquance des mineurs, en posant le principe des sanctions éducatives pour les mineurs âgés de dix à dix-huit ans. Rappelons qu'en 2001, plus de 3 000 mineurs délinquants de douze ans et moins ont comparu devant le juge des enfants.

Il réécrit pour cela le deuxième alinéa de l'article 2 de l'ordonnance, afin d'indiquer que les juridictions pour mineurs disposent désormais de deux possibilités lorsqu'elles estiment que les mesures éducatives ne sont pas adaptées aux circonstances et à la personnalité du mineur :

· lorsque le mineur a entre dix et dix-huit ans, les juridictions pour mineurs pourront prononcer l'une des sanctions éducatives prévues au nouvel article 15-1 de l'ordonnance, créé par l'article 12 du projet de loi, qui sont la confiscation du produit de l'infraction, l'interdiction de paraître dans certains lieux ou de rencontrer les victimes, une mesure d'aide ou de réparation ou l'obligation de suivre un stage de formation civique.

· lorsque le mineur a entre treize et dix-huit ans, les juridictions pour mineurs pourront, comme actuellement, prononcer une peine. La nouvelle rédaction proposée rappelle que les juridictions devront tenir compte du principe d'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs. Elle ajoute également, par souci de précision, une référence aux articles 20-6 à 20-8 de l'ordonnance, qui rappellent qu'aucune interdiction, déchéance ou incapacité ne peut résulter de plein droit d'une condamnation prononcée à l'encontre d'un mineur, définissent les modalités d'application de la dispense de peine et de l'ajournement et autorisent le placement sous surveillance électronique des mineurs, ainsi qu'une référence au nouvel article 20-9, créé par l'article 19 du projet de loi, qui permet d'assortir un sursis avec mise à l'épreuve d'une mesure de placement.

La Commission a adopté l'article 11 sans modification.

Article 12

(art. 15-1 [nouveau] de l'ordonnance du 2 février 1945)

Sanctions éducatives susceptibles d'être prononcées
à l'encontre d'un mineur

Cet article insère dans l'ordonnance de 1945, après les mesures éducatives susceptibles d'être prononcées à l'égard d'un mineur âgé de moins de treize ans (article 15), un nouvel article 15-1 qui énumère les sanctions éducatives applicables aux mineurs âgés de dix ans et plus et prévoit leurs modalités d'application.

La Commission a adopté un amendement de précision du rapporteur rappelant que les sanctions éducatives sont applicables aux mineurs âgés de dix à dix-huit ans (amendement n° 154).

Ces sanctions, qui reprennent pour certaines, en les aménageant afin de tenir compte de l'âge des mineurs concernés, les peines complémentaires définies aux articles 131-19 à 131-35 du code pénal, sont les suivantes :

· Confiscation d'un objet détenu ou appartenant au mineur et qui a servi à commettre l'infraction ou qui en est le produit. Rappelons que l'article 131-21 du code pénal prévoit que la peine de confiscation porte sur la chose qui a servi à commettre l'infraction ou qui en est le produit, à l'exception des objets susceptibles de restitution.

· Interdiction de paraître dans les lieux où l'infraction a été commise, à l'exception des lieux où le mineur réside habituellement, cette interdiction ne pouvant être prononcée que pour une durée inférieure à un an. Cette sanction est beaucoup moins sévère que la peine d'interdiction de séjour définie à l'article 131-31 du code pénal, qui n'exclut pas les lieux où l'auteur de l'infraction réside et peut être prononcée pour une durée de dix ans en cas de crime et de cinq ans en cas de délit.

· Interdiction d'entrer en relation avec la victime de l'infraction, pour une durée qui ne peut être supérieure à un an.

· Mesure d'aide ou de réparation mentionnée par l'article 12-1 de l'ordonnance.

Cet article, créé en 1993, prévoit la possibilité pour la juridiction de jugement de proposer au mineur, après avoir recueilli les observations de ce dernier et celles des titulaires de l'exercice de l'autorité parentale, une activité d'aide ou de réparation dans l'intérêt de la collectivité ou à l'égard de la victime. Dans ce dernier cas, cette mesure ne peut être ordonnée qu'avec l'accord de la victime.

La mise en _uvre de la mesure d'aide ou de réparation peut être confiée au secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse ou à une personne physique ou un établissement habilité à cet effet. A l'issue du délai fixé pour l'exécution de la mesure, la personne chargée de la mise en _uvre adresse un rapport à la juridiction de jugement à l'origine de la mesure.

· Stage de formation civique, d'une durée maximum d'un mois. Ce stage, préconisé par le récent rapport de la commission d'enquête du Sénat sur la délinquance des mineurs, a pour objet de rappeler aux mineurs « les obligations résultant de la loi ». Ses modalités d'application seront précisées par décret en Conseil d'Etat.

Les deux derniers alinéas l'article 15-1 définissent les modalités d'application de ces sanctions éducatives.

Le tribunal pour enfants devra désigner le service de la protection judiciaire de la jeunesse chargé de veiller à la bonne exécution de la sanction, ce service étant chargé de faire un rapport au juge des enfants.

Le Sénat a modifié ces dispositions, afin de prévoir expressément que le secteur associatif habilité, compétent pour exécuter les mesures éducatives, pourra également se voir confier l'exécution des sanctions éducatives.

En cas de non respect par le mineur des obligations imposées par la sanction éducative, le tribunal pour enfants pourra prononcer une mesure de placement dans un établissement.

Ces modalités d'application concerneront toutes les sanctions éducatives, y compris les mesures d'aide ou de réparation, pour lesquelles les dispositions spécifiques d'exécution prévues à l'article 12-1 ne s'appliqueront pas

Même si elles peuvent être prononcées à l'égard de tous les mineurs, ces sanctions éducatives concerneront principalement ceux âgés de dix à treize ans. En effet, les décisions à l'égard de ces derniers sont actuellement limitées aux mesures éducatives, alors que les mineurs de treize à dix-huit peuvent, en application de l'article 131-11 du code pénal, être condamnés à titre de peine principale à des peines complémentaires de confiscation ou d'interdiction proches des sanctions éducatives proposées.

La Commission a adopté l'article 12 ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 12

(art. 20 de l'ordonnance du 2 février 1945)

Sanctions éducatives prononcées par la cour d'assises des mineurs

La Commission a adopté un amendement de coordination du rapporteur rappelant la possibilité pour la cour d'assises des mineurs de prononcer des sanctions éducatives (amendement n° 155).

Article 13

(art. 768, 769-2 et 775 du code de procédure pénale)

Coordinations

Cet article procède à des coordinations au sein des articles relatifs au casier judiciaire, rendues nécessaires par la création des sanctions éducatives prévues par le nouvel article 15-1 de l'ordonnance de 1945 (article 12 du projet de loi).

Le 1° complète le 3° de l'article 768 du code de procédure pénale, qui énumère les décisions prononcées par les juridictions pour mineurs figurant au casier judiciaire : désormais seront inscrites au casier judiciaire, outre les mesures décidées par le juge des enfants (article 8 de l'ordonnance) et celles décidées par le tribunal pour enfants en application des articles 15 et 16 (remises à parents, placements) et les incidents à la liberté surveillée (article 28), les sanctions éducatives prises en application du nouvel l'article 15-1. Par ailleurs, le 1° corrige un oubli afin de prévoir explicitement l'inscription au casier judiciaire de la mise sous protection judiciaire (article 16 bis). Cette inscription était déjà implicite, puisque le 1° de l'article 769-2 du code de procédure pénale prévoit le retrait de cette mesure du casier judiciaire à la date d'expiration de la mesure ou de la majorité du mineur.

Par coordination, le 2° de l'article 13 modifie le 1° de l'article 769-2 du code de procédure pénale, qui énumère les mesures inscrites au casier judiciaire faisant l'objet d'un retrait automatique à l'expiration de la mesure ou à la majorité du mineur, afin d'y inclure les sanctions éducatives prévues par l'article 15-1.

Enfin, le 3° de l'article 13 complète le 1° de l'article 775, qui définit le contenu du bulletin n° 2 du casier judiciaire, afin d'exclure les sanctions éducatives prononcées en application de l'article 15-1. Comme le paragraphe I, il corrige un oubli en ajoutant également aux exclusions la mise sous protection judiciaire (article 16 bis). Comme toutes les mesures prononcées par le juge des enfants ou le tribunal pour enfants, les sanctions éducatives figureront au casier judiciaire, mais uniquement sur le bulletin n°1, qui ne peut être communiqué qu'aux autorités judiciaires.

La Commission a adopté l'article 13 sans modification.

Après l'article 13

La Commission a rejeté deux amendements présentés par M. Guy Tessier : l'amendement n° 36 corrigé prévoyant que des mineurs de quatorze à dix-huit ans peuvent être condamnés à des peines de travaux d'intérêt général ; l'amendement n° 37 supprimant l'article 769-2 du code de procédure pénale qui prévoit le retrait du casier judiciaire de la mention de mesures et condamnations prononcées à l'encontre des mineurs délinquants, à l'expiration d'un certain délai ou au jour de leur majorité.

La Commission a ensuite rejeté trois amendements présentés par M. Yves Nicolin : l'amendement n° 43 étendant le principe de la responsabilité pénale parentale pour les actes criminels et délictueux commis par des enfants mineurs aux cas où la défaillance des parents a eu pour effet de faciliter la commission de tels actes ; l'amendement n° 44 autorisant les maires à interdire par arrêté, dans un certain nombre de circonstances, aux mineurs de moins de treize ans non accompagnés, de circuler sur la voie publique entre 23 h et 6 h du matin, le rapporteur ayant observé qu'une telle mesure pouvait déjà être mise en _uvre dans le cadre fixé par la jurisprudence récente du Conseil d'Etat ; l'amendement de coordination n° 42 regroupant les dispositions précitées dans une nouvelle section 1 bis intitulée : « Dispositions relatives à la responsabilité parentale et à la protection des mineurs ».

Section 2

Dispositions relatives à la retenue des mineurs de dix à treize ans

Article 14

(art. 4 de l'ordonnance du 2 février 1945)

Conditions de retenue des mineurs de dix à treize ans

L'article 4 de l'ordonnance de 1945 limite les mesures de garde à vue aux mineurs âgés de plus de treize ans.

Les mineurs âgés de moins de treize ans peuvent simplement faire l'objet d'une retenue à disposition d'un officier de police judiciaire avec l'accord préalable d'un magistrat du parquet, d'un juge d'instruction spécialisé dans la protection de l'enfance ou d'un juge des enfants, pour une durée qui ne peut excéder dix heures, lorsqu'il existe des indices graves et concordants laissant présumer qu'ils ont commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'au moins sept ans d'emprisonnement.

Cette mesure de retenue est renouvelable une fois après présentation du mineur devant le magistrat, pour une durée qui ne peut également excéder dix heures.

Le tableau ci-dessous résume les principales caractéristiques de la retenue des mineurs de moins de treize ans par rapport à la garde à vue des mineurs de treize à dix-huit ans.

 

10 à 13 ans

13 à 16 ans

16 à 18 ans

Mesure possible

Retenue

Garde à vue

Garde à vue

Conditions concernant l'infraction

Indices graves et concordants laissant présumer que le mineur a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'au moins 7 ans d'emprisonnement

Indices faisant présumer que le mineur a commis ou tenté de commettre une infraction

Indices faisant présumer que le mineur a commis ou tenté de commettre une infraction

Autre condition

Accord préalable d'un magistrat

Information du procureur de la République dès le début de la garde à vue

Information du procureur de la République dès le début de la garde à vue

Durée de la mesure

10 heures

Prolongation exceptionnelle pour 10 heures maximum après présentation devant un magistrat

24 heures

Prolongation pour 24 heures maximum en cas de crime ou délit puni d'au moins 5 ans d'emprisonnement et après présentation obligatoire du mineur devant un magistrat

24 heures

Prolongation possible après présentation obligatoire du mineur devant un magistrat

Devant la progression continue du nombre de mineurs de moins de treize ans mis en cause, le Gouvernement a souhaité assouplir leurs modalités de retenue.

Le 1° de l'article 14 modifie ainsi les conditions d'application de la mesure initiale.

La retenue sera désormais possible lorsqu'il existe des indices graves ou concordants laissant présumer que le mineur a commis ou tenté de commettre une infraction. Le remplacement de la conjonction « et » par « ou » permet d'abaisser le seuil à partir duquel les indices recueillis justifient la mesure de retenue. On observera que ce seuil est identique à celui de la mise en examen, l'article 80-1 du code de procédure pénale autorisant celle-ci lorsqu'il « existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblables » la participation à l'infraction.

Le seuil d'emprisonnement encouru pour justifier la mesure de retenue est également abaissé : l'infraction en cause pourra être punie de cinq ans d'emprisonnement, au lieu de sept actuellement. Cette modification permettra de retenir des mineurs auteurs de violences ou de vol aggravés (commis en bande organisée, par exemple), d'agressions sexuelles autre que le viol ou soupçonnés de recel d'objets volés.

Enfin, la durée maximale de la retenue est allongée, passant de dix heures à douze heures, soit la moitié de la durée autorisée pour la garde à vue des mineurs âgés de treize à dix-huit ans.

Par coordination avec cette dernière modification, le 2° de l'article 14 allonge de dix à douze heures la durée maximale de la prolongation de la mesure de retenue.

La Commission a adopté l'article 14 sans modification.

Section 3

Dispositions relatives au placement des mineurs
dans des centres éducatifs fermés, sous contrôle judiciaire
ou en détention provisoire

La Commission a adopté un amendement de M. Guy Geoffroy modifiant l'intitulé de la section 3 du projet de loi afin de bien préciser que le placement des mineurs sous contrôle judiciaire est préalable au placement en détention provisoire, son auteur ayant accepté de le rectifier afin de faire référence à l'appellation exacte desdits centres, telle qu'elle figure dans le projet de loi (amendement n° 156).

L'article 11 de l'ordonnance du 2 février 1945 exclut la détention provisoire des mineurs âgés de moins de treize ans et ne l'autorise pour les mineurs âgés de treize à seize ans qu'en matière criminelle. La détention provisoire de délinquants de treize à seize ans est donc impossible en matière correctionnelle, quelle que soit la gravité du délit commis. Cette interdiction prive le contrôle judiciaire de toute efficacité, puisque le mineur sait qu'il ne sera pas sanctionné en cas de non-respect de cette mesure.

La durée de la détention provisoire est limitée à un an, prolongations comprises, pour les mineurs âgés de seize à dix-huit ans en cas de délit et à deux ans en cas de crime. Les mineurs de treize à seize ans ne peuvent être détenus en matière criminelle plus d'un an (six mois renouvelable une fois). En 2000, 1 700 mineurs ont été placés en détention provisoire.

 

Mineur soupçonné de délit

Mineur soupçonné de crime

Moins de 13 ans

Détention provisoire interdite

Détention provisoire interdite

13 à 16 ans

Détention provisoire interdite

Possibilité de détention provisoire
pour 6 mois maximum

(possibilité de prolongation pour 6 mois maximum)

16 à 18 ans

Possibilité de détention provisoire

Durée :

- 1 mois maximum, si la peine encourue est inférieure ou égale à 7 ans d'emprisonnement (possibilité de prolongation pour 1 mois maximum) ;

4 mois au maximum, si la peine encourue est supérieure à 7 ans d'emprisonnement (possibilité de prolongation une première fois pour 4 mois maximum et, une deuxième fois, pour 4 mois).

Possibilité de détention provisoire

Durée :

1 an maximum

(possibilité de prolongation pour 1 an maximum).

Les articles 15 et 16 du projet de loi conservent les grandes lignes de ce dispositif, mais autorisent le placement en détention provisoire du mineur âgé de treize à seize ans qui encourt une peine d'emprisonnement supérieure à cinq ans et n'a pas respecté les obligations du placement sous contrôle judiciaire dans un centre éducatif fermé. Ils mettent, par ailleurs, en place une procédure spécifique de placement des mineurs sous contrôle judiciaire, qui apporte à ces derniers un certain nombre de garanties que n'ont pas les délinquants majeurs.

Article 15

(art. 8 et 10-1 [nouveau] de l'ordonnance du 2 février 1945)

Contrôle judiciaire des mineurs

Cet article met en place une procédure spécifique de placement sous contrôle judiciaire applicable aux mineurs âgés de treize à dix-huit ans.

Rappelons qu'actuellement, une telle mesure est possible pour l'ensemble des mineurs délinquants, mais n'est appliquée en pratique que pour les mineurs âgés de plus de seize ans, qui seuls peuvent être placés en détention provisoire en cas de non-respect des obligations du contrôle judiciaire. En 2001, 3 186 mineurs ont été placés sous contrôle judiciaire.

a) Le contrôle judiciaire de droit commun

L'article 138 du code de procédure pénale confie au juge d'instruction ou au juge des libertés et de la détention, lorsque celui-ci est saisi, le soin de décider, par ordonnance, du placement sous contrôle judiciaire de la personne mise en examen qui encourt une peine d'emprisonnement, ce contrôle étant assorti d'un certain nombre d'obligations, choisies parmi les mesures suivantes : ne pas sortir de certaines limites territoriales, ne pas s'absenter de son domicile, ne pas se rendre dans certains lieux, informer le juge d'instruction de tout déplacement au-delà de limites déterminées, se présenter périodiquement ou répondre aux convocations des services désignés par le magistrat, remettre ses papiers d'identité ou son permis de conduire, s'abstenir de rencontrer certaines personnes, se soumettre à un traitement, fournir un cautionnement, ne pas se livrer à l'activité à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise, ne pas émettre de chèques, ne pas détenir une arme, constituer des sûretés personnelles ou réelles ou encore justifier de l'acquittement des charges de famille.

Ces obligations peuvent être à tout moment modifiées par le juge d'instruction, qui est seul compétent pour ordonner la levée du contrôle judiciaire, d'office, sur les réquisitions du procureur de la République ou à la demande de la personne après avis du procureur de la République. Dans ce dernier cas, le juge d'instruction doit statuer dans un délai de cinq jours par ordonnance motivée, faute de quoi la personne peut saisir directement le chambre de l'instruction, qui doit alors se prononcer dans les vingt jours (article 140 du code de procédure pénale).

En cas de non-respect des obligations du contrôle judiciaire, le juge d'instruction peut décerner à l'encontre de la personne concernée mandat de dépôt ou mandat d'amener ou saisir le juge des libertés et de la détention aux fins de placement en détention provisoire (article 141-2 du code de procédure pénale).

b) Les garanties supplémentaires offertes aux mineurs

L'article 15 du projet de loi réaffirme l'application aux mineurs des dispositions du code de procédure pénale relatives au contrôle judiciaire, mais prévoit une procédure spécifique pour la décision de placement, notamment lorsqu'il s'agit de mineurs âgés de moins de seize ans.

Le 2° de cet article insère pour cela dans l'ordonnance de 1945, après les dispositions relatives aux mineurs mis en examen, un nouvel article 10-1.

Le paragraphe I de l'article 10-1 pose le principe de l'application aux mineurs de treize à dix-huit ans des articles du code de procédure pénale relatifs au contrôle judiciaire, sous réserve des dispositions spécifiques prévues par les paragraphes II et III de l'article 10-1.

Le paragraphe II décrit les garanties supplémentaires apportées au placement sous contrôle judiciaire des mineurs délinquants.

Cette mesure pourra être décidée selon le cas par le juge des enfants, le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention statuant par ordonnance motivée. On observera que l'article 137-2 prévoit pour les majeurs une simple ordonnance, même si la Cour de cassation semble exiger une motivation sommaire de la décision de placement.

Le juge devra notifier oralement au mineur, en présence de son avocat et de ses représentants légaux, les obligations qui lui sont imposées. Cette notification pourra se faire hors leur présence, à condition que ceux-ci aient été dûment convoqués. Ce magistrat devra également rappeler au mineur que, en cas de non-respect des obligations du contrôle judiciaire, il pourra être placé en détention provisoire. Mention de ces notifications devra figurer au procès-verbal, qui devra être signé par le magistrat et le mineur.

Lorsque le contrôle judiciaire est décidé à l'occasion d'une remise en liberté, l'avocat du mineur sera convoqué par tout moyen et sans délai, les dispositions du deuxième alinéa de l'article 114 du code de procédure pénale, qui prévoit que l'avocat est convoqué aux interrogatoires par lettre recommandé avec avis de réception au plus tard cinq jours ouvrables avant la décision, n'étant pas applicables.

Outre les obligations prévues par l'article 138 du code de procédure pénale, le contrôle judiciaire applicable aux mineurs pourra comprendre l'une ou les deux obligations suivantes, prises par ordonnance motivée :

· Se soumettre aux mesures de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation décidées par le magistrat et confiées à un service de la protection judiciaire de la jeunesse ou un service habilité, choisi par ce dernier. L'objet de ces mesures, dont le contenu n'est pas précisé, est d'exercer une surveillance étroite du mineur concerné, sur le modèle de ce que prévoient les mesures de liberté surveillée.

· Respecter les conditions de placement dans un centre éducatif de la protection judiciaire de la jeunesse ou relevant d'un service habilité, décidé par le magistrat en application de l'article 10 de l'ordonnance. Rappelons que cet article permet au juge d'instruction ou au juge des enfants de confier provisoirement le mineur mis en examen à un foyer ou un internat. L'article 10-1 précise également que le contrôle judiciaire pourra être exécuté dans un centre éducatif fermé créé par l'article 20 du projet de loi (article 33 de l'ordonnance). Afin de ne pas mélanger mesures éducatives et mesures coercitives, la mesure de placement devra être préalable à la décision relative au contrôle judiciaire.

Dans tous les cas, ces obligations ne pourront être ordonnées par ordonnance motivée que pour une durée de six mois, renouvelable une fois.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur précisant que l'exigence de motivation s'applique également au renouvellement de ces obligations (amendement n° 157).

Le contrôle du respect de ces obligations est confié aux responsables des services ou des centres qui accueillent le mineur. En cas de non respect de ces obligations, ces responsables adresseront un rapport au juge des enfants ou au juge d'instruction saisi du dossier, copie de ce rapport étant envoyé au procureur de la République par ce magistrat.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur corrigeant une erreur matérielle (amendement n° 158).

Le paragraphe III de l'article 10-1 prévoit des dispositions spécifiques pour les mineurs âgés de treize à seize ans mis en examen pour des délits et qui ne sont pas actuellement, dans les faits, placés sous contrôle judiciaire.

Le contrôle judiciaire ne sera possible pour les moins de seize ans en matière correctionnelle qu'à deux conditions :

· Le mineur devra encourir une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à cinq ans ;

· Il devra déjà avoir fait l'objet d'une ou plusieurs mesures de placement prononcées à titre provisoire par le juge d'instruction ou le juge des enfants (articles 8 et 10 de l'ordonnance) ou par le tribunal pour enfants (articles 15, 16 et 16 bis).

Le contrôle judiciaire ne pourra, par ailleurs, se traduire que par un placement du mineur dans un centre éducatif fermé.

Souhaitant élargir l'utilisation du contrôle judiciaire, les sénateurs ont supprimé la condition selon laquelle la mesure de contrôle judiciaire ne pourra s'appliquer qu'aux mineurs ayant déjà fait l'objet d'une mesure placement.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur (amendement n° 159) restreignant le placement sous contrôle judiciaire aux seuls mineurs ayant déjà eu affaire à la justice, qu'ils aient fait l'objet d'une mesure éducative ou d'une condamnation à une sanction éducative ou à une peine, son auteur ayant fait valoir qu'il était nécessaire de limiter l'utilisation de cette procédure aux mineurs ayant déjà commis une infraction.

Les sénateurs ont également supprimé l'obligation d'effectuer ce contrôle judiciaire dans un centre éducatif fermé, faisant valoir qu'il serait paradoxal de limiter le contrôle judiciaire des mineurs âgés de treize à seize ans aux seuls centres éducatifs fermés, alors même que les mineurs de plus de seize ans pourront, eux, continuer à être placés dans un foyer classique, un centre de placement immédiat ou un centre éducatif renforcé.

Sur proposition du rapporteur, la Commission a adopté un amendement rétablissant l'obligation de placer les mineurs sous contrôle judiciaire dans les centres éducatifs fermés, seuls à même de garantir le suivi éducatif dont ces mineurs réitérants ont besoin (amendement n° 160).

Les mineurs délinquants de moins de seize ans placés sous contrôle judiciaire pourront donc, comme ceux de seize à dix-huit ans, être astreints à résider dans un foyer, mais également à respecter certaines des obligations énumérées à l'article 138 du code de procédure pénale, comme par exemple l'obligation de soins ou l'interdiction de rencontrer certaines personnes. Le non respect de ces obligations pourra se traduire par un placement en détention provisoire.

Le dernier alinéa de l'article 10-1, qui reprend dans une large mesure les garanties procédurales prévues à l'article 145 du code de procédure pénale pour le placement en détention provisoire, prévoit que le placement sous contrôle judiciaire de ces jeunes mineurs sera décidé par le juge des enfants, le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention en audience de cabinet, après un débat contradictoire au cours duquel le ministère public développera ses réquisitions, avant que le mineur et son avocat ne fassent entendre leurs observations. Il précise également que le magistrat pourra, le cas échéant, entendre le représentant du service qui a suivi le mineur.

On observera que ces dispositions ne s'appliquent qu'en matière correctionnelle, les mineurs de moins de seize ans mis en examen pour un crime et qui peuvent actuellement être placés en détention provisoire étant soumis au régime de droit commun du contrôle judiciaire applicable aux mineurs, prévu au paragraphe II de l'article 10-1.

Signalons enfin que, par coordination, le 1° de l'article 15 modifie l'article 8 de l'ordonnance, relatif au contrôle judiciaire prononcé par le juge des enfants, afin d'insérer une référence au nouvel article 10-1.

La Commission a adopté l'article 15 ainsi modifié.

Article 16

(art 11 et 11-2 [nouveau] de l'ordonnance du 2 février 1945

Détention provisoire des mineurs

Cet article modifie les dispositions de l'ordonnance de 1945 sur les conditions de placement en détention provisoire des mineurs (paragraphe 1°) et insère dans cette ordonnance un nouvel article qui limite la durée de la détention provisoire des mineurs de treize à seize ans ordonnée à la suite de la révocation d'un contrôle judiciaire (paragraphe 2°).

a) Les conditions de placement en détention provisoire des mineurs

Le premier alinéa de l'article 11 de l'ordonnance de 1945 dispose que le mineur âgé de plus de treize ans ne peut être placé en détention provisoire par le juge des libertés et de la détention, saisi par le juge d'instruction ou le juge des enfants, que s'il apparaît que cette mesure est indispensable ou s'il est impossible de prendre d'autres mesures ; il précise, en outre, que le mineur de moins de seize ne peut pas être détenu provisoirement en matière correctionnelle. Dans tous les cas, le mineur doit être retenu dans un quartier spécial et soumis, autant que possible, à l'isolement de nuit.

Le 1° de l'article 16 réécrit cet alinéa afin d'autoriser le placement en détention provisoire des mineurs de treize à seize ans qui ne respectent pas les obligations d'un contrôle judiciaire.

Il reprend la première phrase de l'actuel premier alinéa de l'article 11 en indiquant que la détention provisoire sera désormais possible pour les mineurs âgés de treize à dix-huit ans mis en examen et la complète avec un renvoi aux modalités de placement en détention provisoire définies aux articles 137 à 137-4 (saisine du juge des libertés et de la détention), 144 (motifs de placement en détention) et 145 (débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention) du code de procédure pénale. Il ajoute également aux conditions actuelles de placement en détention (caractère indispensable de la mesure, impossibilité de prendre d'autres dispositions) l'insuffisance des obligations du contrôle judiciaire, par cohérence avec les dispositions applicables aux majeurs, notamment avec l'article 137-3 du code de procédure pénale.

Le paragraphe 1° ajoute, par ailleurs, de nouvelles dispositions rappelant les conditions de placement en détention provisoire des mineurs de treize à seize ans et de seize à dix-huit ans.

Comme les majeurs, les mineurs âgés de plus de seize ans ne pourront être placés en détention provisoire que s'ils encourent une peine criminelle ou une peine correctionnelle d'une durée supérieure ou égale à trois ans d'emprisonnement (article 143-1 du code de procédure pénale modifié par l'article 22 du projet de loi) ou s'ils se sont soustraits volontairement aux obligations d'un contrôle judiciaire.

Les mineurs âgés de treize à seize ans ne pourront être placés en détention provisoire que s'ils encourent une peine criminelle ou s'ils se sont volontairement soustraits aux obligations d'un contrôle judiciaire. Rappelons que ce contrôle judiciaire ne peut être prononcé que si la peine d'emprisonnement encourue est supérieure à cinq ans et si le mineur a déjà fait l'objet de mesures de placement.

Reprenant les dispositions de l'actuel article 11, la nouvelle rédaction proposée rappelle que la détention provisoire doit être effectuée dans un quartier spécial de la maison d'arrêt et que le mineur doit, autant que possible, être soumis à l'isolement de nuit. Il précise cependant que cette détention pourra être également effectuée dans un établissement pénitentiaire spécialisé pour mineurs, dont la création est prévue dans le rapport annexé.

Le Sénat a complété ces dispositions, afin de n'autoriser la détention provisoire des mineurs âgés de treize à seize ans que dans des établissements garantissant un isolement complet avec les majeurs et prévoyant la présence d'éducateurs.

Le rapporteur approuve cet ajout, qui devrait contribuer à prévenir la récidive chez les mineurs placés en détention. Il est en effet indispensable de les isoler véritablement des majeurs, notamment en les plaçant dans les établissements pénitentiaires spécialisés dont le Gouvernement a annoncé la construction, et d'améliorer leur suivi éducatif en renforçant la présence d'éducateurs, trop souvent absents.

Enfin, le nouvel article 11 met en place un suivi des mineurs ayant fait l'objet d'un placement en détention provisoire et remis en liberté au cours de la procédure. Ces mineurs devront faire l'objet à leur sortie de prison de mesures éducatives ou de liberté surveillée adaptées à leur situation. Rappelons que cette dernière mesure consiste en un accompagnement éducatif du mineur réalisé soit dans son milieu familial, soit dans le cadre d'un placement ; un délégué à la liberté surveillée est appelé à suivre le mineur et à rendre compte au juge des difficultés qu'il rencontre.

Le juge des enfants, le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention qui aura remis le mineur en liberté pourra toutefois décider, par ordonnance motivée, qu'il n'y a pas lieu de soumettre le mineur à ces mesures de surveillance.

Signalons que le Sénat a inséré un paragraphe 1 bis procédant à une coordination rendue nécessaire par la nouvelle rédaction de l'article 11

b) La durée de la détention provisoire ordonnée à la suite de la révocation d'un contrôle judiciaire

Le paragraphe 2° de l'article 16 insère, à la suite de l'article 11-1 de l'ordonnance relatif à la durée cumulée de détention provisoire en cas de révocation du contrôle judiciaire d'un mineur antérieurement placé en détention provisoire, un nouvel article 11-2 qui limite la détention provisoire des mineurs de treize à seize ans ordonnée à la suite de la révocation d'un contrôle judiciaire.

La durée de cette détention ne pourra excéder une durée de quinze jours, renouvelable une fois, soit un mois. Lorsque l'infraction en cause est un délit puni de dix ans d'emprisonnement, elle devra être limitée à un mois, renouvelable une fois. Enfin, lorsque plusieurs révocations du contrôle judiciaire sont prononcées, la durée cumulée de la détention ne peut excéder un mois ou deux mois en cas de délit puni de dix ans d'emprisonnement.

Ces dispositions ne s'appliquent qu'en matière délictuelle et pour les mineurs de treize à seize ans. Lorsque la détention provisoire intervient en matière criminelle, sa durée est limitée à six mois, renouvelable une fois.

Pour les mineurs âgés de plus de seize ans, la détention provisoire en matière correctionnelle est actuellement limitée à deux mois si la peine d'emprisonnement est inférieure à sept ans et à un an dans les autres cas, ces durées pouvant être prolongées d'un mois lorsque la détention provisoire intervient à la suite de la révocation du contrôle judiciaire d'un mineur antérieurement placé en détention provisoire pour les mêmes faits (article 11-1 de l'ordonnance).

Le tableau suivant reprend ces nouvelles dispositions.

Mineurs âgés de 13 à 16 ans

Mineurs âgés de 16 à 18 ans

Délits punis de moins de 10 ans d'emprisonnement :

15 jours, renouvelable une fois, soit 1 mois

Délits punis d'une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à 7 ans d'emprisonnement :

1 mois, renouvelable une fois soit 2 mois + 1 mois

si la révocation intervient alors que le mineur a déjà été placé en détention provisoire
pour les mêmes faits

Délits punis de 10 ans d'emprisonnement :

1 mois, renouvelable une fois, soit 2 mois

Délits punis de plus de 7 ans d'emprisonnement :

4 mois renouvelable trois fois, soit 1 an + 1 mois

si la révocation intervient alors que le mineur a déjà été placé en détention provisoire
pour les mêmes faits

La Commission a adopté deux amendements de clarification et de précision présentés par le rapporteur (amendements nos 161 et 162).

Puis elle a adopté l'article 16 ainsi modifié.

Section 4

Dispositions instituant une procédure de jugement à délai rapproché

Article 17

(art. 5, 12 et 14-2 [nouveau] de l'ordonnance du 2 février 1945)

Procédure de jugement à délai rapproché

Cet article met en place une nouvelle procédure de jugement rapide des mineurs, appelée jugement à délai rapproché, destinée à compléter l'actuelle procédure de comparution à délai rapproché.

a) L'échec de la procédure de comparution à délai rapproché

L'article 8-2, introduit dans l'ordonnance de 1945 par la loi du 1er juillet 1996, définit les conditions de mise en _uvre de cette procédure de jugement rapide.

Lorsque la personnalité du mineur est connue et que les investigations sur les faits ne sont pas nécessaires, le procureur de la République, en matière correctionnelle, peut demander au juge des enfants la comparution du mineur devant la juridiction de jugement dans un délai compris entre un et trois mois.

Le mineur est alors présenté au juge des enfants, qui constate son identité et l'informe de son droit à l'assistance d'un avocat de son choix ou commis d'office, qui peut consulter le dossier. Le juge notifie au mineur les faits retenus contre lui et leur qualification juridique et recueille ses déclarations par procès verbal, une fois l'avocat entendu.

Si le juge des enfants fait droit aux réquisitions du procureur de la République, il notifie au mineur la date de l'audience et en avise ses représentants légaux ; le mineur peut alors faire l'objet des mesures provisoires prévues par les articles 8 et 10 (remise à parent, placement dans un établissement...) ou être placé en détention provisoire (article 11).

Lorsque le magistrat ne suit pas les réquisitions du procureur de la République, il doit statuer par ordonnance motivée. Le parquet peut alors interjeter appel au plus tard le jour suivant la notification de la décision. Cet appel est porté devant le président de la chambre spéciale des mineurs de la cour d'appel ou son remplaçant qui statue dans les quinze jours de la saisine, le mineur ou son avocat pouvant présenter toutes observations utiles par écrit.

Si le président de la chambre spéciale des mineurs ordonne la comparution du mineur devant la juridiction de jugement, le procureur de la République cite le mineur à comparaître dans le délai fixé par le président. Jusqu'à la comparution du mineur, le juge des enfants demeure compétent.

La complexité de cette procédure a été dénoncée à la fois par le rapport élaboré par Mme Christine Lazerges et M. Jean-Pierre Balduyck sur les réponses à la délinquance des mineurs et par celui de la commission d'enquête mise en place récemment par les sénateurs, qui a rapporté les propos de nombreux magistrats qualifiant cette procédure « d'usine à gaz ».

Il est néanmoins patent que la justice des mineurs souffre de la longueur des délais de jugement. D'après les chiffres cités par la commission d'enquête sénatoriale, ces délais seraient compris entre deux et dix-huit mois pour les audiences de cabinet du juge des enfants et entre six mois et trois ans pour les audiences du tribunal pour enfants. Or l'efficacité de la sanction dépend en grande partie de sa rapidité : une réponse pénale intervenant plusieurs mois, voire plusieurs années, après les faits n'a pas de signification pour le mineur.

Il apparaît donc nécessaire de mettre en place une nouvelle procédure de jugement rapide, la comparution immédiate, qui permet le jugement du délinquant le jour même et jusque dans un délai de deux mois, n'étant pas adapté à la délinquance des mineurs, puisqu'elle ne permet pas un examen, même rapide, de la situation de ceux-ci.

b) La procédure de jugement à délai rapproché

L'article 17 () insère dans l'ordonnance de 1945, dans le chapitre consacré au tribunal pour enfants, un nouvel article 14-2 qui définit les modalités de la procédure de jugement à délai rapproché.

Cette procédure est soumise à trois conditions, énumérées aux paragraphes II et VI de l'article 14-2 :

· La peine d'emprisonnement encourue devra être supérieure à trois ans d'emprisonnement en cas de flagrance et à cinq ans d'emprisonnement dans les autres cas pour les mineurs entre seize et dix-huit ans. Lorsque le mineur a entre treize et seize ans, la procédure de jugement à délai rapproché ne sera applicable que lorsque la peine encourue est comprise entre cinq et sept ans d'emprisonnement.

· Les investigations sur les faits ne devront pas être nécessaires.

· Une enquête sur la personnalité du mineur devra avoir été réalisée, le cas échéant dans le cadre d'une procédure antérieure, à condition toutefois que celle-ci date de moins de dix-huit mois.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur ramenant de dix-huit mois à un an le délai maximal de l'enquête sur la personnalité d'un mineur (amendement n° 163).

Le procureur de la République, après avoir versé au dossier de la procédure les éléments de l'enquête de personnalité, vérifiera l'identité du mineur déféré et lui notifiera les faits reprochés en présence de son avocat ou d'un avocat désigné par le bâtonnier à la demande du parquet si le mineur ou ses représentants légaux n'en n'ont pas désigné un. Dès sa désignation, l'avocat pourra consulter le dossier et communiquer librement avec le mineur.

Le procureur de la République ne pourra renvoyer le mineur devant le tribunal pour enfants et l'informer de la date de l'audience, qui devra avoir lieu dans un délai fixé entre dix jours et un mois, qu'après avoir recueilli ses observations éventuelles et celles de son avocat. Lorsque le mineur a moins de seize ans, le délai pourra être de deux mois.

Comme il est d'usage, l'ensemble de ces formalités devront faire l'objet, à peine de nullité, d'un procès-verbal. Ce dernier, dont une copie sera remise au mineur, vaudra saisie du tribunal pour enfants.

Une fois ces formalités accomplies, le procureur de la République demandera au juge des enfants de placer le mineur en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire jusqu'à l'audience de jugement. S'il s'agit d'un mineur de moins de seize ans, il pourra uniquement requérir le placement sous contrôle judiciaire. La saisine du juge des enfants sera obligatoire. La procédure de jugement à délai rapproché ne pourra donc être utilisée que lorsque le placement en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire apparaîtra nécessaire.

Le juge des enfants devra statuer en audience de cabinet par ordonnance motivée comportant l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision par référence aux articles 137-2 (contrôle judiciaire) ou 144 (détention provisoire) du code de procédure pénale. On observera que cette formulation reprend celle figurant à l'article 396 pour le placement en détention provisoire dans le cadre d'une procédure de comparution immédiate.

La Commission a adopté un amendement de précision du rapporteur (amendement n° 164).

La décision du juge des enfants ne pourra intervenir qu'à l'issue d'un débat contradictoire, au cours duquel il devra entendre le procureur de la République, ainsi que les observations du mineur ou de celles de son avocat. Il pourra également, le cas échéant, consulter le représentant du service auquel le mineur a été confié. Il convient de souligner que ces garanties procédurales sont identiques à celles prévues par le nouvel article 10-1 de l'ordonnance pour le placement sous contrôle judiciaire des mineurs de treize à seize ans.

Les représentants légaux du mineur devront être avisés par tout moyen de l'ordonnance du juge des enfants, qui pourra faire l'objet d'un appel devant la chambre de l'instruction. La procédure du référé-liberté, prévue par les articles 187-1 et 187-2 du code de procédure pénale, qui permet au président de la chambre de l'instruction de se prononcer dans un délai de trois jours, sera applicable.

Lorsqu'il ne fera pas droit aux réquisitions du procureur de la République, le juge des enfants pourra ordonner les mesures provisoires ou les mesures de placement prévues aux articles 8 et 10 de l'ordonnance jusqu'à la comparution du mineur.

Lorsqu'il sera saisi, le tribunal pour enfants devra statuer après avoir entendu le mineur, les témoins, les parents, le tuteur, le ministère public et l'avocat (premier alinéa de l'article 13 de l'ordonnance) et sans publicité des débats (article 14).

Il pourra toutefois, d'office ou à la demande des parties, lorsqu'il estimera que l'affaire n'est pas en état d'être jugé, renvoyer celle-ci à une prochaine audience dans un délai qui ne pourra être supérieur à un mois, en demandant, le cas échéant, au juge des enfants de procéder à un supplément d'information ou d'ordonner une des mesures prévues aux articles 8 et 10 de l'ordonnance. Pour le mineur placé en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire, le tribunal devra statuer par une décision spécialement motivée sur le maintien de la mesure. En cas de détention provisoire, le jugement sur le fond devra être rendu dans un délai d'un mois suivant sa première comparution devant le tribunal, le non respect de ce délai entraînant la mise en liberté du mineur. Le tribunal pour enfants pourra également, si des investigations supplémentaires sont nécessaires ou si la gravité ou la complexité des faits le justifie, renvoyer l'affaire au procureur de la République. Pour le mineur placé en détention provisoire, le tribunal pour enfants devra statuer au préalable sur le maintien de cette mesure jusqu'à la comparution devant le juge des enfants ou le juge d'instruction, qui devra avoir lieu le jour même, faute de quoi le mineur sera remis en liberté. Il convient de souligner que ces dispositions s'inspirent largement de celles figurant à l'article 397-2 du code de procédure pénale pour la procédure de comparution immédiate.

Cette nouvelle procédure comporte trois principales différences avec l'actuelle procédure de comparution à délai rapproché. Elle n'est applicable qu'aux mineurs auteurs de délits d'une certaine gravité (selon le cas, trois ans, cinq ans ou sept ans d'emprisonnement), souvent multirécidivistes. C'est le procureur de la République, et non le juge des enfants, qui est compétent pour recourir à cette procédure, ce dernier décidant uniquement du placement en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire du mineur. Enfin, le délai pour l'audience de jugement est fixé entre dix jours et un mois (deux mois pour un mineur de moins de seize ans), contre un et trois mois pour la comparution à délai rapproché.

Elle apporte, par ailleurs, beaucoup plus de garanties que la procédure de comparution immédiate puisque, outre des délais plus longs pour le jugement, il est prévu un débat contradictoire préalable à la mise en détention. En outre, la procédure de référé-liberté est applicable, ce qui n'est pas le cas pour la comparution immédiate.

La Commission a examiné deux amendements nos 7 et 8 présentés par M. Pierre Albertini portant à une échéance comprise entre un et trois mois les délais prévus pour la mise en _uvre d'une procédure de jugement à délai rapproché à l'encontre de mineurs. M. Pierre Albertini a considéré que ce délai était plus raisonnable que celui proposé par le Gouvernement et que la justice devait faire preuve d'une certaine sérénité lorsqu'il s'agit de juger un mineur. Le rapporteur a considéré qu'une telle disposition annihilerait l'efficacité du nouveau dispositif en revenant à une procédure proche de l'actuelle comparution à délai rapproché, qui ne fonctionne pas de façon satisfaisante. Il a, par ailleurs, rappelé que la procédure de jugement à délai rapproché s'appliquerait essentiellement, en pratique, à des mineurs délinquants récidivistes. La Commission a rejeté ces amendements.

Le Sénat a approuvé ces nouvelles dispositions, mais a souhaité, à juste titre, qu'elles se substituent à la procédure de comparution à délai rapproché. Il a donc inséré deux paragraphes supplémentaires (4° et 5°) qui abrogent les articles 8-2 et 8-3 de l'ordonnance du 2 février 1945 sur la comparution à délai rapproché, en maintenant toutefois la possibilité pour le procureur de la République de demander le renvoi d'un mineur devant le juge des enfants ou le tribunal pour enfants.

La nouvelle rédaction proposée pour l'article 8-2 précise donc qu'en matière correctionnelle, le procureur de la République pourra à tout moment de la procédure, lorsqu'il estimera que les investigations sur la personnalité du mineur sont suffisantes et que les investigations sur les faits ne sont pas nécessaires, requérir du juge des enfants qu'il ordonne la comparution du mineur soit devant le tribunal pour enfants, soit devant la chambre du conseil, dans un délai compris entre un et trois mois.

Si le juge des enfants ne suit pas ses réquisitions, il devra rendre une ordonnance motivée dans les cinq jours, susceptible d'appel devant le président de la chambre spéciale des mineurs de la cour d'appel ou son remplaçant ; à défaut d'ordonnance, le procureur pourra saisir directement ce magistrat (articles 82 et 185 du code de procédure pénale). Celui-ci devra statuer dans les quinze jours, le mineur, ses représentants légaux et son avocat pouvant présenter par écrit toutes observations utiles.

La Commission a adopté un amendement de clarification rédactionnelle du rapporteur (amendement n° 165).

Il semble en effet utile, tout en supprimant les dispositions les plus lourdes de la comparution à délai rapproché, notamment l'obligation pour le juge des enfants d'entendre le mineur et de son avocat avant de statuer sur les réquisitions du procureur de la République, de conserver une procédure de jugement rapide applicable lorsque le placement en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire du mineur n'apparaît pas nécessaire.

Les paragraphes 1° et 2° de l'article 17 procèdent à un certain nombre de coordinations rendues nécessaires par l'instauration de cette nouvelle procédure.

Le paragraphe 1° complète l'article 5 de l'ordonnance, qui rappelle que le procureur de la République saisit en cas de délit le juge d'instruction ou le juge des enfants et peut requérir la comparution à délai rapproché de mineur, par un alinéa indiquant qu'il peut également saisir directement le tribunal pour enfants dans le cadre de la procédure de jugement à délai rapproché.

Par coordination avec la suppression de la procédure de comparution à délai rapproché, le Sénat a adopté un amendement afin de faire disparaître la référence à cette procédure.

Le paragraphe 2° modifie le troisième alinéa de l'article 12, qui dispose que le service éducatif auprès du tribunal (SEAT) est consulté avant toute réquisition du procureur de la République tendant à l'application de la procédure prévue par les articles 8-2 et 8-3, afin d'insérer une référence à la procédure de jugement à délai rapproché. Par coordination, le Sénat a supprimé le renvoi à l'article 8-3, abrogé par le paragraphe 5°.

La Commission a adopté l'article 17 ainsi modifié.

Section 5

Dispositions relatives au jugement des mineurs par la juridiction de proximité

Article 18

(Art. 1er et 21 de l'ordonnance du 2 février 1945)

Jugement des contraventions par la juridiction de proximité

L'article 1er de l'ordonnance de 1945 pose le principe de la spécialisation des juridictions pour mineurs. Il précise que les mineurs auteurs d'un crime ou d'un délit ne sont pas renvoyés devant les juridictions pénales de droit commun, mais devant les tribunaux pour enfants ou les cours d'assises des mineurs. De même, les auteurs mineurs d'une contravention de la cinquième classe relèvent du juge des enfants.

L'article 21 de cette même ordonnance prévoit toutefois une exception à ce principe de spécialisation pour les contraventions de police des quatre premières classes : sauf s'il est fait application de la procédure de l'ordonnance pénale, prévue aux articles 524 à 530-1 du code de procédure pénale, ces infractions sont jugées par le tribunal police.

Cette juridiction doit toutefois respecter les règles de publicité prescrites par l'article 14 de l'ordonnance en matière de jugement des mineurs : seuls sont admis à assister aux débats les témoins de l'affaire, les parents ou le représentant légal du mineur, les avocats, les représentants de services ou d'institution s'occupant d'enfants et les délégués à la liberté surveillée. La publication du compte rendu des débats ou de photos du mineur est interdite, sous peine d'une amende de 6 000 €. Le jugement est rendue en audience publique et peut être publié, mais sans le nom du mineur, le non respect de cette dernière interdiction étant puni d'une amende de 3 750 €.

Le tribunal de police peut admonester le mineur ou le condamner à une peine d'amende, à condition toutefois que le mineur ait plus de treize ans. S'il estime utile une mesure de surveillance, il peut transmettre le dossier au juge des enfants, qui peut placer le mineur sous le régime de la liberté surveillée.

Les décisions du tribunal de police sont susceptibles d'appel devant la chambre spéciale des mineurs de la cour d'appel, dans les conditions prévues à l'article 546 (42).

Afin d'apporter une réponse rapide aux petites infractions pénales, le Gouvernement a souhaité confier le jugement de certaines contraventions des quatre premières classes au juge de proximité.

Le paragraphe II de l'article 18 complète donc l'article 21 de l'ordonnance par un alinéa qui confie au juge de proximité le jugement des contraventions de police des quatre premières classes visées à l'article 706-72 du code de procédure pénale. Rappelons que cet article, créé par l'article 9 du projet de loi, donne compétence à la juridiction de proximité pour juger les contraventions de police dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat. Il précise que, pour les contraventions des quatre premières classes, les fonctions du ministère public sont exercées par un officier de police judiciaire.

Contrairement à ce qu'affirment certains, la juridiction de proximité ne remet pas en cause le principe de spécialisation des juridictions pour mineurs, puisque les infractions dont elle aura à connaître relèvent déjà actuellement de la compétence du tribunal de police. En outre, comme ce dernier, elle devra respecter les règles de publicité en matière de jugement des mineurs.

Il convient également de souligner que la compétence de la juridiction de proximité se limitera, pour les mineurs, aux contraventions de police des quatre premières classes (43), soit des infractions mineures qui ne font pas l'objet d'une inscription au casier judiciaire et sont punies d'une peine d'amende maximum de 750 €. Cette juridiction pourrait être compétente, par exemple, pour juger les mineurs roulant sans casque (contravention de la quatrième classe) ou auteurs de tapage nocturne (contravention de la troisième classe).

Par coordination, le paragraphe I de l'article 18 complète l'article 1er de l'ordonnance, afin d'indiquer que les mineurs peuvent également être poursuivis devant la juridiction de proximité dans les conditions prévues à l'article 21.

Rappelant que l'article 1er ne concerne que les juridictions spécialisées pour mineurs et ne mentionne pas donc pas le tribunal de police, actuellement compétent pour juger les contraventions des quatre premières classes commises par des mineurs, le Sénat a fort justement supprimé cet ajout qui risquait d'apporter une certaine confusion.

La Commission a rejeté l'amendement n° 9 présenté par M. Pierre Albertini proposant la suppression de l'article.

Puis elle a adopté l'article 18 sans modification.

Section 6

Dispositions relatives au sursis avec mise à l'épreuve

La Commission a adopté un amendement présenté par le rapporteur modifiant l'intitulé de la section afin de le rendre plus cohérent avec le contenu de l'article 19 (amendement n° 166).

Article 19

Modalités de détention des mineurs - Sursis avec mise à l'épreuve
applicable aux mineurs

Cet article fixe les modalités de détention des mineurs condamnés (1° du paragraphe I) et précise les conditions d'applications aux mineurs du sursis avec mise à l'épreuve, en permettant notamment de combiner cette mesure avec un placement dans un centre éducatif fermé ou une mesure de liberté surveillée (2° du paragraphe II).

a) Les modalités de détention des mineurs condamnés (1° du paragraphe I)

Le dernier alinéa de l'article 20-2 de l'ordonnance de 1945 dispose que l'emprisonnement subi par les mineurs en application d'une décision du tribunal pour enfants ou de la cour d'assises des mineurs s'effectue dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat.

Les articles D. 514 à D. 519 du code de procédure pénale fixent les modalités de cette détention : les mineurs détenus doivent être séparés des adultes et soumis à un régime particulier et individualisé qui fait un large place à l'éducation et à la formation et aux activités de plein air ; ils sont, en principe, soumis à l'isolement de nuit, sauf pour motif médical ou en raison de leur personnalité ; enfin l'article D. 519 prévoit qu'un quartier particulier est aménagé pour les mineurs dans les maisons d'arrêts desservant les juridictions les plus importantes.

En pratique, les mineurs sont actuellement incarcérés dans des quartiers spécifiques des établissements pénitentiaires(44), dans des conditions relativement précaires, même si les effectifs du personnel de surveillance ont été sensiblement renforcés ces dernières années. Ces quartiers sont rarement isolés du reste de la détention, les mineurs étant ainsi amenés à côtoyer les détenus majeurs lors de leurs déplacement ou pour des activités spécifiques (unités de soin...). Les places prévues sont, par ailleurs, en nombre insuffisant pour faire face à l'augmentation du nombre de mineurs incarcérés (3 200 en 2001).

Le Gouvernement a donc décidé de lancer des opérations de rénovation de ces quartiers, d'y de créer 500 places supplémentaires et de construire de nouveaux établissements pénitentiaires spécialisés pour l'accueil de mineurs, pour une capacité totale de 400 places.

La mise en _uvre de ces orientations, qui figurent dans le rapport annexé, relève du pouvoir réglementaire. Le Gouvernement a néanmoins souhaité consacrer le principe de création d'établissements pénitentiaires autonomes pour mineurs dans l'ordonnance de 1945.

C'est pourquoi le 1° du paragraphe I de l'article 19 complète le dernier alinéa de l'article 20-2 afin de préciser que l'emprisonnement subi par les mineurs pourra s'effectuer soit dans un quartier spécial d'un établissement pénitentiaire, soit dans un établissement pénitentiaire spécialisé pour mineurs.

Rappelons que la nouvelle rédaction de l'article 11 de l'ordonnance, proposée par l'article 16 du projet de loi, prévoit des dispositions similaires pour la détention provisoire des mineurs.

b) Le sursis avec mise à l'épreuve (2° du paragraphe I)

-  Les principales modalités du sursis avec mise à l'épreuve

La juridiction qui prononce un emprisonnement d'une durée supérieure à cinq ans peut ordonner qu'il soit sursis à son exécution, la personne condamnée étant placée sous le régime de la mise à l'épreuve (article 132-41 du code pénal). Le délai d'épreuve doit être compris entre dix-huit mois et trois ans.

Au cours du délai d'épreuve, le condamné doit se soumettre aux mesures de contrôle suivantes : répondre aux convocations du juge de l'application des peines ou du travailleur social désigné, recevoir les visites de ce dernier, le prévenir d'éventuels changements d'emploi ou de résidence et demander l'autorisation du juge de l'application des peines pour tout déplacement à l'étranger.

La juridiction de jugement ou le juge de l'application des peines peut, en outre, imposer au condamné des obligations spécifiques, définies à l'article 132-45, comme se soumettre à un traitement, s'abstenir de conduire un véhicule, ne pas paraître dans certains lieux ou encore s'abstenir d'entrer en relation avec certaines personnes.

Le sursis avec mise à l'épreuve peut être révoqué par la juridiction de jugement lorsque le condamné commet une nouvelle infraction au cours du délai d'épreuve ou par le juge de l'application des peines lorsque le condamné n'a pas respecté les mesures de contrôle et les obligations particulières qui lui étaient imposées.

Les articles  739 à 744-1 du code de procédure pénale définissent les modalités d'application du sursis avec mise à l'épreuve.

Ils confient au juge de l'application des peines dans le ressort duquel le condamné a sa résidence habituelle le soin de contrôler l'application du sursis avec mise à l'épreuve. Ils rappellent également que ce magistrat peut, à tout moment, aménager, supprimer ou imposer de nouvelles obligations particulières au condamné. Ce dernier peut, toutefois, soumettre la décision du juge au tribunal correctionnel, qui peut la valider, la rapporter ou la modifier.

Lorsque le condamné ne se soumet pas aux mesures de contrôle ou aux obligations particulières, le juge de l'application des peines peut, après l'avoir entendu, décider par ordonnance motivée rendue sur les réquisitions du ministère public que le condamné sera provisoirement incarcéré. Le tribunal correctionnel doit alors statuer dans les cinq jours sur une éventuelle prolongation du délai d'épreuve ou sur la révocation totale ou partielle du sursis.

Si, en revanche, le condamné satisfait aux mesures de contrôle et aux obligations particulières et que son reclassement paraît acquis, il peut saisir le tribunal correctionnel afin que celui-ci déclare la condamnation non avenue.

Enfin, l'article 744-2 du code de procédure pénale précise que, lorsque cette mesure concerne un mineur, le juge des enfants et le tribunal pour enfants dans le ressort duquel le mineur a sa résidence habituelle exercent les attributions dévolues au juge de l'application des peines et au tribunal correctionnel jusqu'à l'expiration du délai d'épreuve.

-  Le dispositif applicable aux mineurs

Le 2° du paragraphe I de l'article 19 insère dans l'ordonnance de 1945, après les dispositions relatives au bracelet électronique, un nouvel article 20-9 qui définit les modalités d'application aux mineurs du sursis avec mise à l'épreuve.

Reprenant le contenu de l'actuel article 744-2 du code de procédure pénale, le premier alinéa de l'article 20-9 dispose qu'en cas de condamnation d'un mineur de plus de treize ans à une peine d'emprisonnement assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve par le tribunal pour enfants ou la cour d'assises des mineurs, le juge des enfants et le tribunal pour enfants dans le ressort duquel le mineur a sa résidence habituelle exercent les attributions dévolues au juge de l'application des peines et au tribunal correctionnel par le code de procédure pénale jusqu'à l'expiration du délai d'épreuve.

Le Sénat a complété ces dispositions afin de donner compétence au juge des enfants, au lieu du tribunal pour enfants, pour révoquer le sursis avec mise à l'épreuve lorsque le mineur ne respecte pas les mesures de contrôle ou les obligations imposées.

Cette modification, qui rejoint celle tendant à faire du juge des enfants le juge de l'application des peines en milieu fermé, a pour objet de permettre à ce magistrat de mieux suivre le mineur après le jugement.

La Commission a adopté un amendement présenté par le rapporteur (amendement n° 167) clarifiant les pouvoirs du juge des enfants en cas de révocation du sursis avec mise à l'épreuve, afin de lui confier l'ensemble des compétences dévolues pour cette procédure au tribunal correctionnel.

Par coordination, le paragraphe II de l'article 19 abroge l'article 744-2.

Le deuxième alinéa de l'article 20-9 autorise la juridiction de jugement, lorsque la personnalité du mineur le justifie, à combiner ce sursis avec mise à l'épreuve avec une mesure de placement dans un établissement (article 16 de l'ordonnance), qui pourra être un centre éducatif fermé (article 33) ou de placement sous le régime de la liberté surveillée (articles 19 et 27).

Le Sénat a supprimé la référence à l'article 27 de l'ordonnance, inutile puisqu'elle concerne la révision des mesures de liberté surveillée.

Il s'agit, en fait, d'une simple précision. L'article R. 60 du code de procédure pénale autorise, en effet, actuellement le juge des enfants qui exerce les attributions du juge de l'application des peines, lorsqu'il l'estime opportun, à combiner une mesure de sursis avec mise à l'épreuve avec les mesures prévues aux articles 15 à 19, 27 et 28 de l'ordonnance.

La juridiction de jugement pourra astreindre le condamné à respecter ces conditions de placement ou la mesure de liberté surveillée, le non-respect de cette obligation pouvant alors entraîner la révocation du sursis avec mise à l'épreuve et la mise à exécution de la peine d'emprisonnement (troisième alinéa).

Comme pour le contrôle judiciaire, le responsable du service qui contrôle l'exécution de ces mesures devra faire un rapport au procureur de la République et au juge des enfants en cas de non respect par le mineur de ses obligations (quatrième alinéa).

La Commission a rejeté, par coordination avec les amendements précédents, un amendement de M. Guy Geoffroy sur les centres de protection éducative fermés.

Puis la Commission a adopté l'article 19 ainsi modifié.

Section 7

Des centres éducatifs fermés

Par coordination, la Commission a rejeté un amendement de M. Guy Geoffroy proposant l'appellation des centres de protection éducative fermés pour les centres éducatifs fermés.

Article 20

(art. 33 [nouveau] de l'ordonnance du 2 février 1945)

Centres éducatifs fermés

Les mineurs délinquants peuvent actuellement être placés dans trois types d'établissements.

· Les centres de placement immédiat accueillent environ dix mineurs dans l'urgence. Ces centres ont pour mission de réaliser un travail d'évaluation et d'observation de la situation personnelle, familiale, scolaire ou professionnelle du mineur pendant un délai d'un à trois mois, avant de proposer au juge une orientation. En pratique, il semble que les 43 centres existant hébergent principalement des délinquants réitérants, qui sortent souvent de prison. Entre septembre 1999 et mai 2001, 1 041 mineurs ont été pris en charge par ces centres.

· Les foyers et internats accueillent les mineurs sur une plus longue durée, qui peut aller jusqu'à deux ans. Ils ont pour mission de rescolariser les mineurs ou de les faire accéder à une formation professionnelle. Il existe 87 foyers du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse et 672 foyers ou internats gérés par le secteur associatif habilité, dont une partie accueille des mineurs délinquants.

· Les 54 centres éducatifs renforcés accueillent cinq à six délinquants multirécidivistes pour un séjour de rupture. Créés en 1996 par l'actuelle majorité, ils se caractérisent par un fort taux d'encadrement destiné à assurer un accompagnement permanent des jeunes délinquants pour des sessions d'environ trois mois. Par un programme d'activité intensif, ils cherchent à favoriser la réinsertion sociale des jeunes en voie de marginalisation. En 2001, 520 mineurs ont été accueillis dans ces centres.

Tout en prévoyant d'augmenter les capacités d'accueil des centres éducatifs renforcés, le Gouvernement, s'inspirant des exemples européens, a souhaité créer une nouvelle catégorie d'établissement permettant de répondre aux insuffisances actuelles de la prise en charge des mineurs de treize à seize ans. Comme le souligne l'exposé des motifs, « l'institution judiciaire ne dispose d'aucun moyen de contrainte lorsque ces mineurs ne respectent pas les conditions du placement et qu'ils font échec aux mesures éducatives entreprises, en premier lieu en refusant de résider dans le lieu du placement ».

L'article 20 du projet de loi insère donc dans l'ordonnance de 1945, au début du chapitre consacré aux dispositions diverses, un nouvel article 33 qui pose le principe de la création de centres éducatifs fermés, les modalités de fonctionnement de ces établissements relevant du pouvoir réglementaire.

Ces centres éducatifs fermés pourront être soit des établissements publics, soit des établissements privés habilités. Dans ce dernier cas, il est précisé que l'habilitation ne pourra être délivrée qu'aux établissements offrant une éducation et une sécurité adaptées à la mission de ces centres et permettant d'assurer la continuité du service.

Ils accueilleront les mineurs placés avant jugement sous contrôle judiciaire (article 10-1 de l'ordonnance créé par l'article 15 du projet de loi) ou après jugement dans le cadre d'un sursis avec mise à l'épreuve (article 20-9 créé par l'article 19).

L'article 33 met l'accent sur l'étroite association entre surveillance et éducation en indiquant que les mineurs accueillis feront l'objet de « mesures de surveillance et de contrôle permettant d'assurer un suivi éducatif et pédagogique renforcé et adapté à leur personnalité ». Ainsi, les sorties à l'extérieur du centre, notamment pour les activités sportives ou de formation, devront être autorisées par le chef d'établissement. Le programme d'enseignement et d'insertion devrait être élaboré en étroite concertation avec les autres départements ministériels concernés, notamment le ministère de l'éducation nationale. Le non respect par les mineurs des obligations imposées dans ces centres pourra entraîner le placement en détention provisoire ou la mise à exécution de la peine d'emprisonnement.

L'article 33 précise également que le juge des enfants devra veiller à la continuité de la prise en charge éducative du mineur à l'issue du placement en centre éducatif fermé et à la fin de la détention effectuée après la révocation du contrôle judiciaire ou du sursis avec mise à l'épreuve. Ces dispositions sont à rapprocher de celles de l'article 11 (article 16 du projet de loi), qui prévoient que les mineurs placés en détention provisoire et remis en liberté au cours de la procédure doivent faire l'objet dès leur libération de mesures éducatives ou de liberté surveillée, sauf si le juge des enfants, le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention en décide autrement par ordonnance motivée.

Le rapport annexé prévoit la création d'environ six cent places dans les centres éducatifs fermés. Les premiers centres, dont l'ouverture est prévue pour la fin de l'année 2002, pourraient être des bâtiments loués aux collectivités locales. D'après les informations fournies au rapporteur, ces centres devraient être des structures de petite taille, destinées à accueillir une dizaine de jeunes. Il ne s'agit pas d'établissements pénitentiaires, mais de structures éducatives placées sous la responsabilité de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse, avec pour la vocation principale la réinsertion. Leur mode de fonctionnement pourrait s'apparenter à celui des centres éducatifs renforcés, avec un encadrement continu sur l'année et une sanction possible (la détention) lorsque le mineur ne respecte pas les obligations qui lui sont imposées et fugue. La fermeture serait donc purement juridique, les mineurs pouvant, en pratique, sortir du centre éducatif.

Après avoir rejeté un amendement de M. Guy Geoffroy sur l'appellation des centres éducatifs fermés, la Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 168).

La Commission a adopté l'article 20 ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 20

(art. 33-1 [nouveau] de l'ordonnance du 2 février 1945)

Suppression des allocation familiales en cas de placement
d'un mineur dans un centre éducatif fermé

La Commission a été saisie de l'amendement n° 12 présenté par M. Christian Estrosi prévoyant la suspension des allocations familiales en cas de placement d'un mineur dans un centre éducatif fermé, pour la seule part représentée par le mineur dans le calcul de ces allocations. Rappelant qu'il existait déjà un dispositif de mise sous tutelle des allocations familiales, le rapporteur s'est déclaré défavorable à l'amendement et ajouté, en outre, que le dispositif prévu était discriminatoire dans la mesure où il ne concernait que le placement en centre éducatif fermé. M. André Vallini a dénoncé une mesure qu'il a jugée à la fois inefficace et démagogique. La Commission a adopté l'amendement n° 12 de M. Christian Estrosi.

Après l'article 20

La Commission a été saisie d'un amendement présenté par M. Michel Hunault ayant pour objet de créer un corps d'observateurs et de contrôleurs des centres éducatifs fermés, chargé notamment d'adresser un rapport à la Chancellerie sur le fonctionnement des centres. Évoquant les conclusions très sévères du rapport de la Cour des comptes sur la protection judiciaire de la jeunesse, M. Christian Estrosi a jugé nécessaire de pouvoir mettre en place un contrôle extérieur des centres fermés. Tout en émettant des réserves sur la recevabilité financière d'un tel dispositif, le rapporteur a rappelé que l'article 6 prévoyait déjà une évaluation de la loi ; répondant ensuite à une interrogation conjointe de M. Xavier de Roux et de M. Michel Hunault, le rapporteur a annoncé qu'un amendement permettant aux parlementaires de visiter à tout instant les centres éducatifs fermés, à l'instar de ce qui existait déjà pour les établissements pénitentiaires, les locaux de garde à vue, les centres de rétention et les zones d'attente, était en cours de préparation. Au terme de cette discussion, M. Michel Hunault a retiré son amendement.

La Commission a ensuite été saisie de l'amendement n° 32 de M. Christian Estrosi, permettant à la chambre d'instruction, en cas d'irrégularité de la procédure, d'inviter le juge d'instruction à procéder aux régularisations nécessaires. Tout en reconnaissant que l'annulation des procédures dans des affaires où les personnes sont manifestement coupables soulevait de réelles difficultés, le rapporteur a observé que le dispositif proposé était vraisemblablement inconstitutionnel. M. Christian Estrosi a indiqué qu'il retirait son amendement.

Puis la Commission est passée à l'examen de l'amendement n° 15 du même auteur qualifiant de complicité le fait pour les parents d'avoir laissé leur enfant mineur commettre une infraction par imprudence, négligence ou manquement grave à leurs obligations. Le rapporteur a indiqué que le Sénat avait déjà, à l'article 20 quater du projet, renforcé les obligations morales des parents envers leurs enfants et instauré, à l'article 20 sexies, une amende civile pour les parents ne déférant pas aux convocations du juge. Il a estimé, en conséquence, que le projet contenait déjà des mesures permettant de responsabiliser les parents et s'est déclaré défavorable à l'amendement. M. Christian Estrosi ayant indiqué son intention de retirer l'amendement n° 15, la Commission a alors rejeté l'amendement n° 27 du même auteur réprimant les incitations à la consommation de stupéfiants pour les mineurs. Elle a ensuite été saisie de l'amendement n° 28 également présenté par M. Christian Estrosi punissant de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende le fait d'inciter un mineur à la violence ou à la rébellion envers des représentants de l'Etat ou envers toute personne ayant autorité sur un domaine public ou privé. Après des interventions conjointes du Président de la commission, de M. Claude Goasguen et de M. Xavier de Roux jugeant trop vague la formulation utilisée, M. Georges Fenech a observé qu'une telle infraction était déjà prévue par les textes. La Commission a rejeté l'amendement n° 28.

Elle a également rejeté l'amendement n° 29 de M. Christian Estrosi créant une infraction de complicité de recel à l'encontre des personnes ayant autorité sur un mineur qui se livrerait manifestement à des trafics et recels divers, au motif qu'il était déjà satisfait par la législation existant en matière de recel. Puis elle a examiné l'amendement n° 33 du même auteur visant à punir d'une peine de travaux d'intérêt général les auteurs de tags et de graffitis, en complément ou en substitution de la peine d'amende déjà prévue par le code pénal. Le rapporteur ayant mis en avant des difficultés d'ordre rédactionnel, tout en jugeant la proposition intéressante, M. Christian Estrosi a fait part de son intention de retirer son amendement. La Commission a ensuite rejeté l'amendement n° 30 du même auteur, après que le rapporteur eut fait valoir que la dégradation du bien d'autrui - en l'occurrence d'un véhicule - par incendie était d'ores et déjà sanctionnée, plus lourdement même que ne le proposait l'amendement, ajoutant que l'auteur d'une telle infraction pourrait en outre désormais être jugé en comparution immédiate. De même, l'amendement n° 13 de M. Christian Estrosi a été rejeté par la commission, au motif que le fait de détériorer ou dégrader des véhicules en groupe était d'ores et déjà sanctionné dans le droit existant. M. Christian Estrosi a ensuite fait part de son intention de retirer l'amendement n° 14 (2e rectification) visant à suspendre le versement des allocations familiales aux parents dont l'enfant se soustrairait à l'obligation d'assiduité scolaire, après que le rapporteur eut fait valoir que ce problème, certes réel, relevait de la circulaire, et non de la loi.

Section 8

Dispositions diverses

Article 20 bis (nouveau)

(art. 222-12 et 222-13 du code pénal)

Participation d'un mineur aux actes de violence

L'article 222-12 du code pénal énumère les circonstances aggravantes pour les violences ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours.

Ces violences sont punies de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende lorsqu'elles sont commises sur un mineur de quinze ans ou une personne particulièrement vulnérable, sur un ascendant, sur une personne dépositaire de l'autorité publique, sur un témoin ou une victime, par un conjoint, par une personne dépositaire de l'autorité publique, par plusieurs personnes, avec préméditation, avec usage d'une arme ou à l'intérieur d'un établissement scolaire.

Les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et 100 000 € d'amende lorsque l'infraction est commise avec deux circonstances aggravantes et à dix ans d'emprisonnement et 150 000 € d'amende lorsqu'elle est commise avec trois circonstances aggravantes.

L'article 222-13 prévoit des dispositions similaires lorsque les violences ont entraîné une incapacité de travail inférieure à huit jours ou aucune incapacité de travail. Les peines encourues sont alors de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende. Ces peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 € d'amende lorsque l'infraction a entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours et qu'elle a été commise avec deux circonstances aggravantes et à sept ans d'emprisonnement et 100 000 € d'amende avec trois circonstances aggravantes.

Afin de lutter contre l'exploitation des mineurs par les adultes, l'article 20 bis ajoute une nouvelle circonstance aggravante, le fait, pour un majeur, de se livrer à des violences avec l'aide ou l'assistance d'un mineur.

Les violences ayant entraîné une incapacité de travail perpétrées par des majeurs et des mineurs seront donc désormais punies de sept ou cinq ans d'emprisonnement, selon la durée de l'incapacité de travail, puisqu'elles auront été à la fois commises par plusieurs personnes et avec un mineur, soit deux circonstances aggravantes.

La Commission a adopté deux amendements de coordination du rapporteur (amendements nos 169 et 170).

La Commission a adopté l'article 20 bis ainsi modifié.

Article 20 ter (nouveau)

(art. 311-4-1 [nouveau] du code pénal)

Vol commis par un majeur avec l'aide d'un mineur

Dans le même esprit que l'article 20 bis, cet article, adopté sur proposition du sénateur Jean-Claude Carle, prévoit des sanctions aggravées pour les vols commis par des majeurs avec l'aide de mineurs. Il ne complète pas la liste des circonstances aggravantes du vol, énumérées à l'article 311-4 du code pénal, mais crée une infraction spécifique.

L'article 311-4-1 sanctionne donc de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 € d'amende le vol commis par un majeur avec l'aide de plusieurs mineurs agissant comme auteurs ou complice, ces peines étant portées à dix ans d'emprisonnement et 150 000 € d'amende lorsque le ou les mineurs ont moins de treize ans. Rappelons qu'actuellement, le vol est puni de sept ans d'emprisonnement lorsqu'il est commis avec deux circonstances aggravantes et de dix ans d'emprisonnement avec trois circonstances aggravantes.

La Commission a adopté l'article 20 ter sans modification.

Article 20 quater (nouveau)

(Art. 227-17 du code pénal)

Manquement des parents à leurs obligations
mettant en danger leur enfant mineur

L'article 227-17 du code pénal prévoit une sanction de deux ans d'emprisonnement et 30 000 € d'amende pour les parents qui se soustraient, sans motif légitime, à leurs obligations légales et compromettent ainsi gravement la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation de leur enfant mineur.

Ces dispositions, qui pourraient permettre de sanctionner les parents qui encouragent le comportement délinquant de leur enfant, sont très rarement appliquées. En 2000, seules 132 condamnations ont été prononcées sur la base l'article 227-17.

Soucieux de responsabiliser davantage les parents défaillants, le Sénat a souhaité élargir le champ d'application de l'infraction, en supprimant l'adverbe « gravement ». Désormais, le seul fait de mettre en danger la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation d'un mineur permettra de mettre en jeu la responsabilité des parents sur le fondement de l'article 227-17.

La Commission a adopté l'article 20 quater sans modification.

Article 20 quinquies (nouveau)

(Art. 227-21 du code pénal)

Provocation d'un mineur à commettre un crime ou un délit

L'article 227-21 punit de cinq ans d'emprisonnement et de 150 000 € d'amende le fait de provoquer directement un mineur à commettre habituellement des crimes et des délits.

Ces peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et 150 000 € d'amende lorsqu'il s'agit d'un mineur de moins de quinze ans ou que les faits sont commis à l'intérieur ou aux abords d'un établissement scolaire.

Le Sénat a estimé, à juste titre, que cette condition d'habitude était trop restrictive et ne permettait pas de sanctionner efficacement les majeurs incitant de manière ponctuelle des mineurs à commettre une infraction. Il a également fait valoir que le recours à la notion de complicité ne permettait de poursuivre les majeurs que si l'infraction avait été effectivement commise.

C'est pourquoi, sur proposition de sa commission des lois, il a modifié ces dispositions afin de supprimer la condition d'habitude de l'infraction de base (1° de l'article 20 quinquies) et de faire de celle-ci une circonstance aggravante punie de sept ans d'emprisonnement (2° de l'article).

La Commission a adopté l'article 20 quinquies sans modification.

Article 20 sexies (nouveau)

(art. 10-1-A [nouveau] de l'ordonnance du 2 février 1945)

Possibilité de prononcer une amende civile à l'encontre
des parents qui ne comparaissent pas

Le deuxième alinéa de l'article 10 de l'ordonnance du 2 février 1945 dispose que, dans toutes les procédures, le mineur, les parents, le tuteur ou la personne qui en a la garde sont convoqués pour être entendus par le juge et sont tenus informés de l'évolution de la procédure.

En pratique, aucune mesure ne permet d'obliger les parents à se rendre aux convocations de juge.

Conscient de la nécessité de mieux impliquer les parents dans les mesures prononcées à l'égard de leur enfant, le rapport élaboré par Mme Christine Lazerges et M. Jean-Pierre Balduyck sur les réponses à la délinquance des mineurs proposait déjà de « créer une amende civile dont seraient redevables les parents cités en qualité de civilement responsables et qui ne défèrent pas à une convocation des juridictions pénales pour mineurs ». Cette proposition a également été formulée par la commission d'enquête sénatoriale sur la délinquance des mineurs.

L'article 20 sexies reprend ces propositions en insérant dans l'ordonnance de 1945 un nouvel article  10-1-A, qui punit d'une amende civile, dont le montant maximum est fixé à 3 750 €, les représentants légaux d'un mineur poursuivi qui ne défèrent pas à une convocation du juge des enfants, du juge d'instruction, du tribunal pour enfants ou de la cour d'assises des mineurs.

Cette amende pourra toutefois être rapportée par le magistrat ou la juridiction qui l'a prononcée si les représentants légaux se rendent ultérieurement à la convocation.

En tout état de cause, les personnes condamnées à l'amende pourront former opposition de cette condamnation devant le tribunal correctionnel dans les dix jours à compter de sa signification.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur substituant la notification à la signification de la condamnation à l'amende civile (amendement n° 171).

La Commission a adopté l'article 20 sexies ainsi modifié.

Article 20 septies (nouveau)

(art. 14 de l'ordonnance du 2 février 1945)

Présence de la victime à l'audience

Le deuxième alinéa de l'article 14 de l'ordonnance de1945 énumère la liste des personnes autorisées à assister aux débats devant le tribunal pour enfants : ce sont les témoins de l'affaire, les proches parents, le tuteur ou le représentant légal du mineur, les avocats, les représentants des sociétés de patronage et les services ou institutions s'occupant des enfants et enfin les délégués à la liberté surveillée. Ces dispositions sont également applicables devant la cour d'assises des mineurs, devant le tribunal de police et devant la juridiction de proximité (article 18 du projet de loi).

La victime n'est donc pas expressément mentionnée parmi les personnes autorisées à assister à l'audience, même si la Cour de cassation l'a assimilé à un témoin et a donc autorisé sa présence lors des débats, qu'elle se soit ou non constituée partie civile (Cass. Crim 15 déc. 1993).

Le Sénat a voulu clarifier le droit applicable et a donc modifié l'article 14 de l'ordonnance, afin de faire figurer expressément la victime, qu'elle se soit ou non constituée partie civile, parmi les personnes autorisées à assister à l'audience.

La Commission a adopté l'article 20 septies sans modification.

 

N° 0157 -  Rapport de M. Jean-Luc Warsmann sur le projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice (Sénat, 1ère lecture)

1 () M. Louis Mermaz, Président, et M. Jacques Floch, Rapporteur, Rapport sur la situation dans les prisons françaises, Assemblée nationale, XIe législature, n° 2521, 28 juin 2000.

2 () La commission d'enquête de l'Assemblée nationale précitée, en 2000, évaluait à 12 500 places le déficit de places de détention pour satisfaire la norme d'encellulement individuel. La construction de ces places était alors évaluée à 950 millions d'euros.

3 () Selon un entretien réalisé avec le secrétaire d'État aux programmes immobiliers de la justice publié dans Les Échos, 17 juillet 2002.

4 () C'est-à-dire hors mesures relatives aux rémunérations, hors effet « glissement-vieillesse-technicité » et hors changement éventuel de périmètre.

5 () M. Christian Cointat, Rapport d'information sur l'évolution des métiers de la justice, Sénat, 2001-2002, n° 345, 3 juillet 2002.

6 () Selon un bilan effectué par la Cour des comptes en 1994, le coût de revient d'une place du « programme 13 000 » s'élevait à 51 000 euros au lieu de 68 000 euros dans un établissement public, soit 25 % de moins.

7 () M. Louis Mermaz, Président, et M. Jacques Floch, Rapporteur, Rapport sur la situation dans les prisons françaises, Assemblée nationale, tome 2 Auditions, XIe législature, n° 2521, 28 juin 2000.

8 () Entretien publié dans Les Échos, 17 juillet 2002.

9 () Le nouveau code des marchés publics, entré en vigueur le 9 septembre 2001, a réalisé, dans son article 38, la fusion de l'ancienne procédure d'appel d'offres avec concours (dit « concours d'idée » ) au sein d'un régime général applicable à tous les concours.

10 () Réalisation des aménagements nécessaires aux jeux olympiques de Grenoble (loi n° 65-496 du 29 juin 1965) ; réalisation de la ligne expérimentale de l'aérotrain (loi n° 66-1065 du 31 décembre 1996) ; réalisation des aménagements nécessaires aux jeux olympiques d'Albertville (loi n° 87-1132 du 31 décembre 1987) ; construction du Stade de France à Saint-Denis (loi n° 93-1435 du 31 décembre 1993) ; aménagement de l'itinéraire à très grand gabarit Bordeaux-Toulouse (loi n° 2001-454 du 29 mai 2001).

11 () Décret n° 98-1048 du 18 novembre 1998.

12 () « Un programme regroupe les crédits destinés à mettre en _uvre une action ou un ensemble cohérent d'actions relevant d'un même ministère et auquel sont associés des objectifs précis, définis en fonction de finalités d'intérêt général, ainsi que des résultats attendus et faisant l'objet d'une évaluation. »

13 () Par opposition aux juridictions de première instance spécialisées telles que les tribunaux de commerce, les tribunaux paritaires des baux ruraux, les conseils de prud'hommes, les juridictions de sécurité sociale,...

14 () Créés par les assemblées révolutionnaires afin de procurer aux justiciables une justice prompte et économique, les juges de paix, initialement élus au suffrage universel, statuaient à juge unique et étaient non seulement des juges mais des conciliateurs. L'élargissement progressif de leurs compétences, notamment par la loi du 12 juillet 1905, en a fait peu à peu un juge de droit commun du premier degré ; des règles de recrutement ont par conséquent été posées, rendant par là même de plus en plus anormale l'existence de deux corps distincts de magistrats, les juges de paix d'une part, les magistrats des cours et tribunaux civils d'autre part.

15 () Ce chiffre inclut les territoires d'outre-mer et les collectivités territoriales.

16 () A titre d'exemple, on rappellera que la cour d'appel de Paris compte 52 tribunaux d'instance, Rennes 25 et Chambéry 9.

17 () Pour les injonctions de payer, le tribunal d'instance est compétent même si le montant de la demande est supérieur au taux de sa compétence d'attribution ; tel n'est pas le cas des injonctions de faire.

18 () Conformément à l'article 21 du nouveau code de procédure civile. Par ailleurs, les articles 127 à 131 de ce code précisent les modalités de la conciliation tout au long de l'instance entre les parties.

19 () L'article 829 du nouveau code de procédure civile précise ainsi que « la demande en justice est formée par assignation à fin de conciliation et, à défaut, de jugement, sauf la faculté pour le demandeur de provoquer une tentative préalable avant d'assigner ».

20 () Audition de M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, et de M. Pierre Bédier, secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice, Bulletin des commissions du Sénat, n° 26.

21 () Dans un arrêt du 15 mai 1974, la Cour de cassation a considéré que « les conseils de prud'hommes ont été institués pour terminer par voie de conciliation les différends pouvant s'élever, notamment à l'occasion du contrat de travail entre patrons et employés et qu'ils sont seuls compétents pour connaître en premier ressort de ces différends, peu important leur connexité avec un autre litige non susceptible de leur être soumis ».

22 () Les intérêts échus pendant l'instance ou des dépens tels que les frais d'expertise en sont exclus.

23 () On qualifie de droit réel un droit qui porte directement sur une chose et procure à son titulaire tout ou partie de l'utilité économique de cette chose (propriété, usufruit, servitude, droit d'usage par exemple).

24 () On qualifie de droit personnel le droit pour le créancier d'exiger du débiteur l'exécution de son engagement.

25 () Juris-classeur de procédure civile, fascicule 307.

26 () Art. R. 311-2 et R. 321-1 du code de l'organisation judiciaire.

27 () L'article 473 du nouveau code de procédure civile précise que « lorsque le défendeur ne comparaît pas, le jugement est rendu par défaut si la décision est en dernier ressort et si la citation n'a pas été délivrée à personne ».

28 () Cette assignation est ainsi qualifiée parce que, en application de l'article 829 du nouveau code de procédure civile, l'assignation est délivrée « à fin de conciliation et, à défaut, de jugement ».

29 () La saisine résulte alors de la signature d'un procès-verbal constatant que les parties se présentent volontairement pour faire juger leurs prétentions (art. 846 du nouveau code de procédure civile).

30 () Art. 847-1 du nouveau code de procédure civile.

31 () Art. 129 à 131 du nouveau code de procédure civile.

32 () Dans ce cas, il est procédé selon les modalités de la présentation volontaire.

33 () Aux termes de l'article 411 du nouveau code de procédure civile, « le mandat de représentation en justice emporte pouvoir et devoir d'accomplir au nom du mandant les actes de la procédure » alors que, conformément à l'article 412 de ce même code, « la mission d'assistance en justice emporte pouvoir et devoir de conseiller la partie et de présenter sa défense sans l'obliger ». En application de l'article 413, « le mandat de représentation emporte mission d'assistance, sauf disposition ou convention contraire ».

34 () Le premier alinéa de l'article 827 du nouveau code de procédure civile prévoit que « les parties se défendent elles-mêmes ».

35 () Conformément à l'article L. 321-5 du code de l'organisation judiciaire.

36 () Aux termes de l'article L. 623-2 du code de l'organisation judiciaire, il est possible d'instituer par décret des tribunaux d'instance ayant exclusivement compétence en matière pénale. Actuellement, il en existe trois, à Paris, Lyon et Marseille.

37 () L'article 523 du code de procédure pénale précise que « le tribunal de police est constitué par le juge du tribunal d'instance, un officier du ministère public (...) et un greffier ».

38 () Les titres XI à XIII, respectivement consacrés à la protection des témoins, à la saisine pour avis de la Cour de cassation et à l'utilisation des moyens de télécommunication au cours de la procédure ont été introduits par la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne.

39 () L'article 34 précise que la détermination des crimes et des délits ainsi que des peines qui leur sont applicables relève de la compétence législative.

40 () En application de l'article 131-13 du code pénal, le montant de l'amende est le suivant :

1° 38 euros au plus pour les contraventions de la 1re classe ;

2° 150 euros au plus pour les contraventions de la 2e classe ;

3° 450 euros au plus pour les contraventions de la 3e classe ;

4° 750 euros au plus pour les contraventions de la 4e classe ;

5° 1 500 euros au plus pour les contraventions de la 5e classe, montant qui peut être porté à 3 000 euros en cas de récidive lorsque le règlement le prévoit.

41 () Comme les délits, elles peuvent donner lieu à des peines alternatives (art. 131-12 et 131-13 du code pénal) ; le nombre de peines complémentaires pouvant être prononcées est plus important (art. 131-14 et 131-43 du code pénal) ; les conditions d'existence de l'état de récidive et les conditions d'aggravation de la peine sont plus sévères (art. 132-11 et 132-15 du code pénal).

42 () La peine d'amende prononcée doit être supérieure au maximum de l'amende encourue pour les contraventions de la deuxième classe, soit 150 €.

43 () La juridiction de proximité sera compétente pour juger les infractions de la cinquième classe commises par des majeurs.

44 () Il existe actuellement 53 quartiers pour mineurs.


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