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le 9 décembre 2002

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N° 454

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 4 décembre 2002.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 334) de M. Noël MAMÈRE, tendant à créer une commission d'enquête relative à l'origine des fonds du groupe algérien Khalifa et sur leur utilisation en France,

PAR M. François GOULARD,

Député.

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Entreprises.

INTRODUCTION

La parution d'articles de presse a motivé le dépôt, par M. Noël Mamère, de la présente proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête « relative à l'origine des fonds du groupe algérien Khalifa et sur leur utilisation en France ». C'est sans doute à juste titre que l'attention de l'auteur de cette proposition a été retenue par le développement récent, de façon ouvertement médiatique, des activités d'un holding devenu, en moins de dix ans, le plus important groupe privé d'Algérie. Cet intérêt mû en curiosité se conçoit d'autant plus que le groupe en question a pris son essor en ayant à sa tête un homme de 36 ans, qui se trouve être le fils d'un ministre du premier gouvernement de l'Algérie après l'indépendance de 1962, lequel, de surcroît, avait été chargé par Ahmed Ben Bella de la mise en place des services secrets. Au passage, votre Rapporteur s'étonne de ce que l'enquête pourtant approfondie de l'hebdomadaire Le Point, dans son numéro du 16 novembre 2001, n'ait pas connu pareil écho. Peut-être a-t-il alors manqué le catalyseur qu'a été, cette fois-ci, le différend public qu'a provoqué l'auteur de la présente proposition en s'en prenant nommément au dirigeant du groupe Khalifa.

Ce dernier point met en lumière toute l'ambiguïté de la proposition de résolution, qui tient à la fois du journalisme, de la prise de position politique à l'encontre d'un gouvernement étranger, et du contentieux personnel, sans que toutefois les interrogations soulevées puissent être disqualifiées d'emblée. Différentes administrations ont eu d'ailleurs à en connaître, à des degrés divers.

Comme il est d'usage pour un tel exercice, votre Rapporteur entend tout d'abord se pencher sur la recevabilité de la proposition de résolution, avant d'examiner l'opportunité de la création d'une commission d'enquête.

Laisser cette page blanche sans numérotation.

I.- LA RECEVABILITÉ DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION N'APPARAÎT PAS ÉVIDENTE

A.- LES CONDITIONS DE RECEVABILITÉ SONT PRÉCISES

L'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et les articles 140 et suivants du Règlement de l'Assemblée nationale posent deux conditions à la recevabilité d'une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête :

- d'une part, « cette proposition doit déterminer avec précision, soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services publics ou les entreprises nationales dont la commission doit examiner la gestion » (1) ;

- d'autre part, « Si le garde des sceaux fait connaître que des poursuites judiciaires sont en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition, celle-ci ne peut être mise en discussion » (2).

Sur ce dernier point, évidemment capital, votre Rapporteur n'a pas, à ce jour, reçu la réponse de la Chancellerie. Cet obstacle éventuel est donc provisoirement levé.

En conséquence, c'est sur le premier point que votre Rapporteur fondera son argumentation. Ce seul aspect suffit d'ailleurs à rendre douteuse la recevabilité de la proposition de résolution.

B.- LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION PROCÈDE PAR INSINUATIONS

De faits précis, il n'est que très peu question dans la présente proposition de résolution. L'exposé des motifs ne consiste qu'en une succession de citations d'articles de presse, au conditionnel. Quant au texte même de la proposition, il n'est pas exempt d'imprécisions.

a) L'exposé des motifs est une collection de citations de presse

La simple lecture de l'exposé des motifs indique sans ambiguïté la source quasi exclusive des faits allégués, et l'auteur de la proposition n'en fait d'ailleurs pas mystère : il s'agit d'un article paru dans le Canard enchaîné du 23 octobre dernier. Tout juste est-il fait référence à une autre source journalistique, Marseille Hebdo, ainsi qu'à un prétendu blocage d'agrément par la Commission bancaire. Cette dernière information est d'ailleurs en partie erronée, comme votre Rapporteur l'indique infra.

Si l'on y ajoute la mention de « différents rapports », dont l'imprécision laisse perplexe, il ressort de l'ensemble de l'exposé des motifs une impression générale de colportage de on-dit, un simple écho des interrogations soulevées dans une presse dont la réputation suffirait à donner valeur de preuve aux allégations énoncées. Votre Rapporteur estime que sur ces bases fragiles, il n'y a pas lieu d'échafauder la structure d'une commission d'enquête, faute de quoi n'importe quelles « révélations » de la presse dite d'investigation devraient, elles aussi, déboucher sur la création d'une telle commission ; les parlementaires n'ont pas à remplir un rôle de journalistes.

Au-delà, il faut ajouter qu'ils ne disposent pas d'un droit d'ingérence dans les affaires intérieures d'un État étranger. Or l'exposé des motifs de la présente proposition de résolution vise expressément ce but lorsqu'il fait allusion à la situation politique algérienne et aux liens qu'entretiendraient les dirigeants du groupe Khalifa avec le pouvoir algérien. Dixit la presse, une fois encore.

Enfin, puisque le journal cité ne fait que reprendre, à le lire, une note émanant de la Direction générale de la sécurité extérieure, il n'est pas besoin d'investigations très poussées pour comprendre que la vérification de ces informations auprès de leurs auteurs aurait de fortes chances de se voir opposer un refus fondé sur leur « caractère secret et concernant la défense nationale, les affaires étrangères, la sécurité intérieure ou extérieure de l'État », pour reprendre les termes du deuxième alinéa du paragraphe II de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 précitée bornant le champ des commissions d'enquête.

b) Le texte de la proposition de résolution comporte des imprécisions

Au risque de verser dans un excès de pointillisme juridique, l'on pourrait critiquer la rédaction même de la proposition de résolution qui, dans son alinéa trois, évoque « ces sociétés » sans qu'elles aient été nommément désignées. Fonder le rejet de la proposition sur ce seul argument confinerait peut-être à une certaine forme d'obstruction délibérée, mais il est l'indice d'un vice plus profond : l'insuffisante précision dans la définition des faits à examiner.

Ainsi, l'auteur mentionne expressément des investigations à mener auprès du Groupe d'action financière sur le blanchiment des capitaux. Créé au sommet du G 7 à Paris en 1989, en réponse à des préoccupations croissantes au sujet du blanchiment, ce que l'on dénomme couramment le GAFI rassemble des représentants des États membres du G 7, de la Commission européenne et de huit autres pays. Il s'agit d'un organisme intergouvernemental qui a pour objectif de concevoir et de promouvoir, aussi bien à l'échelon national qu'international, des stratégies de lutte contre le blanchiment de capitaux, en s'efforçant de susciter la volonté politique nécessaire pour réformer au plan national les lois et réglementations.

Le GAFI surveille les progrès réalisés par ses membres dans la mise en _uvre des mesures anti-blanchiment, examine les techniques et contre-mesures du blanchiment de capitaux, et encourage l'adoption et la mise en _uvre des mesures de lutte contre le blanchiment au niveau mondial. Dans l'exercice de ces activités, le GAFI collabore avec d'autres organismes internationaux engagés dans cette même lutte. Mais il n'a ni structure précisément définie, ni durée de vie illimitée. Le Groupe d'action réexamine régulièrement sa mission, tous les cinq ans. Il a été convenu qu'il poursuive ses travaux jusqu'en 2004. Il ne continuera d'exister et d'exercer sa fonction après cette date que si les gouvernements membres l'estiment nécessaire.

Ce groupe n'a donc aucunement vocation à suivre au jour le jour des cas concrets qui auraient fait l'objet de déclarations de soupçon. Cette activité relève des différents services nationaux, et en France, de TRACFIN, service administratif dépendant du ministère de l'Économie, des finances et de l'industrie, créé par un décret du 9 mai 1990, et dont les missions ont été également définies par la loi n° 90-614 du 12 juillet 1990 modifiée relative à la participation des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment des capitaux provenant du trafic des stupéfiants.

Or, précisément, les services auxquels il incombe de lutter contre le blanchiment ou d'obtenir des renseignements n'ont pas attendu les articles de la presse nationale pour se pencher sur les activités du groupe Khalifa s'ils estimaient que des investigations étaient nécessaires. Et les travaux d'une commission d'enquête n'apparaissent pas des plus appropriés pour faciliter la tâche de ces services. Un amendement corrigeant les termes de la présente proposition de résolution présenterait certes l'avantage de la rendre plus cohérente sur la forme, mais c'est bien une objection de fond qui constitue le motif le plus évident de rejet de la proposition.

II.- DE NOMBREUX ÉLÉMENTS DÉMONTRENT LE CARACTÈRE INOPPORTUN DE LA CRÉATION D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE

A.- DES INTERROGATIONS EXISTENT CERTES QUANT AU FONCTIONNEMENT DU GROUPE PRIVÉ ALGÉRIEN...

Sans vouloir tomber dans les mêmes travers que l'auteur de la présente proposition de résolution, votre Rapporteur méconnaîtrait son rôle s'il ne se penchait sur les questions que soulève le développement des activités du groupe Khalifa sur notre territoire. Mais c'est pour aussitôt constater l'inadéquation de l'outil que constitue la commission d'enquête aux buts fixés dans la proposition de résolution.

Le groupe dirigé par M. Rafik Abdelmoumène Khalifa, ressortissant algérien, poursuit une stratégie active de développement, notamment en France, dans des domaines d'activité divers : transport aérien, banque, télévision, industrie pharmaceutique et parrainage sportif. Votre Rapporteur rappellera pour mémoire que ce groupe a pris son essor à partir d'une officine pharmaceutique familiale de la banlieue ouest d'Alger, puis d'une entreprise fondée en 1990 pour produire des médicaments génériques, avant que ne soit entamée une diversification dans la banque en 1998, le transport aérien en 1999, puis en 2001 dans les services informatiques, la restauration et la location de véhicules. Cette même année, au mois de juin, la conclusion d'un contrat de parrainage avec le club de football de l'Olympique de Marseille, pour 75 millions de francs (11,43 millions d'euros) sur cinq ans, accompagne un début de pénétration du marché français par d'autres activités du groupe. Les estimations invérifiables qui circulent dans la presse font état d'un chiffre d'affaires consolidé de 850 millions à 1 milliard de dollars, pour un total de 9 à 15.000 employés.

À proprement parler, ce ne sont pas les investissements effectués en France qui sont en cause, et l'on voit mal d'ailleurs au nom de quoi ils pourraient l'être. L'accent est plutôt mis sur la viabilité économique de ces activités, avec l'intention avouée de mettre au jour des circuits financiers qui, soit tomberaient sous le coup de la loi, soit seraient révélateurs de liens étroits entre M. Khalifa et les autorités algériennes au pouvoir. Dans le premier cas, c'est le rôle du procureur de la République et du juge que de connaître de délits éventuels, avec d'ailleurs une capacité d'action bien différente selon que les faits examinés trouveraient leur origine sur le territoire français ou à l'étranger. Dans le second cas, il n'est pas certain qu'une commission d'enquête puisse mener un travail substantiel.

Quant au suivi des activités du groupe algérien en France - activités dont on peut douter qu'elles constituent véritablement des « faits précis » justifiant une demande de création de commission d'enquête -, il incombe aux différents services de l'État qui ont à en connaître dans l'exercice normal de leurs compétences, ainsi qu'il est exposé infra. Il semble même que certains services de renseignement dont ce n'est pas la mission première aient décidé de mener leur enquête, avec des moyens dont ne disposerait pas une commission parlementaire.

B.- ... MAIS UNE COMMISSION D'ENQUÊTE NE SERAIT PAS DE NATURE À APPORTER LES RÉPONSES APPROPRIÉES

1.- De nombreux services de l'État se sont déjà acquittés de la mission de contrôle qui leur incombe

La présente proposition de résolution reprend les informations parues dans des journaux nationaux ou locaux pour étayer les soupçons jetés sur les diverses activités en France du groupe Khalifa. Si l'on reprend la liste des thèmes abordés, il apparaît que les insinuations reproduites ne motivent en rien la création d'une commission d'enquête ; une telle structure pourrait même, à certains égards, se révéler contre-productive.

S'agissant des activités de parrainage sportif, aucun texte spécifique ne les régit, puisqu'elles s'établissent sur un mode purement contractuel. Il est donc difficile de soutenir qu'une commission d'enquête parlementaire doive s'immiscer dans les rapports entre deux parties à un contrat de droit privé, sauf à considérer que cette commission ait à se substituer au juge... Au demeurant, en sa qualité de maire de la commune de Bègles, l'auteur de la présente proposition de résolution est certainement en mesure d'obtenir quelques précisions sur l'un des deux clubs sportifs cités, à savoir le Club athlétique Bègles Bordeaux Gironde.

La proposition de résolution fait allusion à l'émission sans autorisation de programmes télévisés par la société Khalifa TV depuis la région parisienne. Or à la date du dépôt de la proposition de résolution, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) avait déjà rendue publique sa décision enjoignant aux responsables de la chaîne de cesser leurs émissions tant qu'ils n'auraient pas conclu de convention avec le CSA.

La Direction générale de l'aviation civile aurait, selon l'article de presse cité par l'auteur de la proposition, annulé des vols programmés par Khalifa Airways dans le cadre d'un accord commercial avec la compagnie française AirLib. Il est exact que, dans le cadre des contrôles techniques obligatoires effectués sur tout appareil devant voler sous pavillon français, comme c'était le cas pour les avions de Khalifa Airways devant être affrétés par AirLib, l'appréciation portée au regard des normes françaises s'est révélée négative. Cette décision n'a absolument aucun rapport avec de quelconques soupçons sur la viabilité économique de la compagnie Khalifa Airways, et la Direction générale de l'aviation civile n'a d'ailleurs pas qualité pour l'apprécier. En effet, cette dernière est liée, selon les principes édictés au sein de l'Organisation de l'aviation civile internationale, par la licence d'exploitation et le certificat de transport aérien délivrés par les autorités algériennes. Celles-ci ont, depuis quatre ans, autorisé la compagnie à effectuer des vols vers la France, et Khalifa Airways a donc vu, depuis cette date, ses programmes de vols semestriels autorisés en France, comme transporteur charter, entre l'Algérie et des villes de province. Si des investigations de nature économique devaient être entreprises à l'endroit de cette compagnie, elles ne pourraient avoir lieu qu'auprès des autorités algériennes, avec le but affiché de mettre en doute la validité des décisions que celles-ci ont prises. On mesure l'inadéquation que représente la création d'une commission d'enquête face à ces interrogations.

La présente proposition de résolution évoque le « blocage », par la Commission bancaire, de la création en France d'une succursale de la Khalifa Bank. Cette assertion est doublement erronée. D'une part, l'autorité compétente pour l'instruction d'une telle demande est le Comité des établissements de crédits et des entreprises d'investissement ; d'autre part, la seule velléité d'implantation en France connue des services de la Banque de France qui assurent le secrétariat du Comité concerne un bureau de représentation, structure dépourvue de toute activité bancaire et soumise à simple notification (3). Il semble que l'absence d'accomplissement de ces formalités élémentaires ait conduit le groupe Khalifa à ne pas s'engager plus avant dans l'ouverture de son bureau de représentation.

Concernant l'implication de la cellule TRACFIN précitée dans des recherches sur la provenance des fonds du groupe Khalifa, elle est subordonnée aux déclarations de soupçon transmises par les établissements bancaires. Ainsi, un éventuel délit de blanchiment, tel que celui évoqué dans la proposition de résolution, ne pourrait être constitué que si un délit dit « primaire », celui qui aurait permis l'obtention des capitaux à « blanchir », était identifié. Si tel devait être le cas, il est fort probable que ce délit serait commis en Algérie, ce qui amoindrirait considérablement les possibilités d'investigation d'une commission d'enquête. Quant à l'éventualité de la constitution du délit de blanchiment ou du délit primaire en France, elle entraînerait aussitôt la saisine du procureur de la République, et par voie de conséquence la suspension des travaux de l'éventuelle commission d'enquête portant sur les faits en cause. Il n'apparaît pas que TRACFIN ait, à ce stade, été saisi des faits allégués dans la proposition de résolution.

2.- Les motivations de l'auteur de la proposition sont elles-mêmes sujettes à caution

Sans vouloir intenter aucun procès d'intention, votre Rapporteur doit à la vérité de dire que la présente proposition de résolution ne saurait s'analyser hors du contexte de son dépôt et de la personnalité de son unique auteur.

Puisque de nombreux articles de presse ont été cités par ce dernier, il n'est pas inintéressant de mentionner ceux qui, dans des médias algériens et français, relatent l'incident survenu à l'occasion d'un match de rugby entre le club de Bègles, commune dont M. Noël Mamère est le maire, et l'équipe du Stade français. Refusant d'assister à la rencontre au motif qu'il ne souhaitait pas rencontrer M. Rafik Khalifa, qui devait être présent dans les tribunes en tant que soutien financier du Club athlétique Bègles Bordeaux Gironde, M. Noël Mamère a invoqué des « raisons politiques » en même temps que des doutes sur l'origine des fonds du groupe Khalifa. Ce sont ces arguments, étayés par de seules coupures de presse, qui ont été repris quelques semaines plus tard dans la présente proposition de résolution.

Comment, dès lors, ne pas s'étonner que l'auteur de cette proposition n'utilise pas, avant de demander la création d'une structure aussi importante qu'une Commission d'enquête, les pouvoirs dont il dispose en tant que maire, c'est-à-dire, aux termes de l'article 16 du Code de procédure pénale, en sa qualité d'officier de police judiciaire ? En poursuivant ce raisonnement, on en arrive d'ailleurs à la conclusion logique que M. Noël Mamère, non seulement « autorité constituée » au sens de l'article 40 du même code, mais encore « officier de police judiciaire local » au sens de son article D.3, a le devoir, s'il acquiert la connaissance de faits criminels ou délictueux, d'en informer sans délai le procureur de la République.

Ainsi, de deux choses l'une : soit les faits ne sont pas suffisamment caractérisés pour qu'un telle démarche ait été entreprise par l'auteur de la proposition de résolution, soit celui-ci a omis de se conformer à ses obligations légales. Convaincu que la première branche de l'alternative est celle qui correspond à la réalité des faits, votre Rapporteur ne peut par conséquent qu'inciter votre Commission des finances à rejeter la présente proposition de résolution.

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LAISSER CETTE PAGE BLANCHE SANS NUMEROTATION

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa séance du 4 décembre 2002, la Commission des finances, de l'économie générale et du plan a examiné la présente proposition de résolution.

Votre Rapporteur a rappelé les deux conditions posées par le Règlement de l'Assemblée nationale quant à la recevabilité d'une telle proposition de résolution. Celle qui ferait obstacle à la mise en discussion de la proposition, si le Garde des sceaux fait connaître que des poursuites judiciaires sont en cours sur les faits ayant motivé son dépôt, est remplie à ce jour, en l'absence de réponse positive de la Chancellerie. L'autre condition, qui prévoit que la proposition détermine avec précision les faits devant donner lieu à enquête, pose problème.

En effet, l'exposé des motifs de la proposition de résolution ne brille pas par sa précision. Il s'agit d'une collection de citations d'articles de presse qui soulèvent des interrogations sur le groupe algérien Khalifa. Sans contester la réalité de ces interrogations, celles-ci ne sauraient pallier les approximations contenues dans le texte même de la proposition. Son auteur mentionne par exemple « ces sociétés », sans les avoir préalablement désignées, et propose la saisine du Groupe d'action financière sur le blanchiment des capitaux (GAFI), alors que cette organisation internationale n'a pas vocation à traiter ce genre de cas particuliers.

Votre Rapporteur est convenu que l'origine des fonds du groupe Khalifa n'est pas toujours précise, ce que lui ont confirmé oralement les services du ministère de la Défense, compétents en matière de renseignement. Mais cet état de faits ne présente pas pour autant en lui-même un danger pour notre pays. Les capitaux du groupe, qui s'est constitué récemment et touche des domaines d'activités très divers, proviendraient essentiellement de fonds transmis par héritage par M. Khalifa père, dont l'enrichissement pourrait s'expliquer par les hautes fonctions qu'il a exercées dans son pays. Si faits répréhensibles il devait y avoir, enquêter à leur sujet relèverait sur ce point d'une ingérence caractérisée dans les affaires d'un État étranger. Quant aux activités exercées en France, elles donnent ou ont donné lieu de la part de diverses autorités administratives, à l'exercice normal de leurs compétences. Ainsi, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a enjoint aux dirigeants de Khalifa TV de cesser leurs émissions, pour défaut de respect des règles en vigueur, la Direction générale de l'aviation civile s'est acquittée de sa mission de contrôle à l'occasion d'un projet de partenariat dans le cadre des activités de transport aérien du groupe Khalifa, et les services du Comité des établissements de crédits et des entreprises d'investissement - et non de la Commission bancaire comme indiqué par erreur dans le texte de la proposition de résolution - ont effectivement constaté de la part du groupe Khalifa, à l'occasion de l'éventuelle installation en France d'un bureau de représentation, l'absence de conformité avec les textes en vigueur. Enfin et surtout, il semble que la motivation essentielle de l'auteur de la proposition réside dans un contentieux local et personnel ayant trait au parrainage financier accordé par le groupe algérien au club de rugby de Bègles. La Commission n'a évidemment pas vocation à entrer dans ce genre de considérations. Ceci s'ajoute au manque de consistance des faits censés donner lieu à enquête pour justifier un rejet de la proposition de résolution.

M. Jean-Louis Dumont a salué le sérieux du travail de votre rapporteur et s'est étonné de certains aspects de la proposition de M. Noël Mamère. Certes, la liste est longue des investissements étrangers dont la provenance suscite des interrogations, mais lorsque l'on prône la rigueur à ce sujet, il faut à tout le moins proposer un texte lui-même rigoureux. En outre, si M. Khalifa et le groupe qu'il dirige ont été l'objet de nombreux articles de presse, élogieux ou critiques, cela ne suffit pas en soi à justifier la création d'une commission d'enquête. Les éléments concrets et concordants font défaut ; seuls existent des ragots et des suppositions, faute de quoi c'est la justice qui aurait dû être saisie. Il a estimé que votre Rapporteur emportait la conviction.

M. Marc Laffineur a lui aussi souscrit aux conclusions éloquentes et étayées de votre Rapporteur.

La Commission a alors rejeté, sur proposition de votre Rapporteur, la proposition de résolution.

N° 0454 - Rapport sur la proposition d'enquête sur le groupe algérien Khalifa (M. François Goulard)

1 () article 140, alinéa 1er.

2 () article 141, alinéa 2.

3 () en vertu de l'article L. 511-19 du code monétaire et financier, et de la circulaire du 22 février 1990 modifiée relative à l'ouverture et aux conditions de fonctionnement d'un bureau de représentation d'un établissement de crédit.


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