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le 20 janvier 2003

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N° 529

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 15 janvier 2003

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ECONOMIQUES, DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (N° 243) DE M. JEAN-CLAUDE LEFORT sur l'approche de l'Union européenne en vue du « cycle du développement » à l'Organisation mondiale du commerce (COM [1999] 331 final/n° E1285)

PAR M. FRÉDÉRIC SOULIER,

Député.

--

Organisations internationales.

INTRODUCTION 5

I. - PRÉSENTATION DE LA COMMUNICATION DE LA COMMISSION EUROPÉENNE EXAMINÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE 7

II. - LES NÉGOCIATIONS COMMERCIALES EN COURS SONT FAVORABLES AU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE DE TOUS LES PARTENAIRES 8

A. LA LIBÉRALISATION DES ÉCHANGES EST UN FACTEUR DE CROISSANCE RECONNU SUR LE LONG TERME 8

B. L'UNION EUROPÉENNE EST À LA RECHERCHE DE NOUVELLES OUVERTURES CHEZ SES PARTENAIRES POUR CONQUÉRIR DES MARCHÉS SUPPLÉMENTAIRES 9

C. L'APPROCHE RETENUE POUR LES PAYS LES MOINS AVANCÉS PREND CORRECTEMENT EN COMPTE LEURS DIFFICULTÉS DE DÉVELOPPEMENT 10

III. - L'OUVERTURE À LA CONCURRENCE DES SERVICES ÉCONOMIQUES PERMET D'AMÉLIORER LA QUALITÉ DU SERVICE RENDU AUX USAGERS 11

A. L'INTERVENTION D'ACTEURS PRIVÉS FAVORISE L'ÉMERGENCE D'UNE CULTURE DE L'EFFICIENCE DANS CES SERVICES 11

B. LES EXPÉRIENCES ÉTRANGÈRES D'OUVERTURE À LA CONCURRENCE ONT SOUVENT DÉBOUCHÉ SUR UN MEILLEUR SERVICE 12

1. Les services postaux 12

2. Les services énergétiques 13

a) Le gaz 13

b) L'électricité 15

3. Les services de télécommunications 17

4. Les transports collectifs 18

C. LA FORMULE DE LA GESTION DÉLÉGUÉE PERMET DE MAINTENIR UN ENCADREMENT JURIDIQUE ET D'ÉVITER CERTAINES DÉRIVES 19

IV. - LES NÉGOCIATIONS PORTENT ESSENTIELLEMENT SUR DES SERVICES À CARACTÈRE ÉCONOMIQUE 20

A. LES SERVICES FOURNIS DANS L'EXERCICE DU POUVOIR GOUVERNEMENTAL SONT CLAIREMENT EXCLUS 20

B. DES PRÉCAUTIONS PARTICULIÈRES DOIVENT ÊTRE MAINTENUES POUR LES SERVICES ÉDUCATIFS, SANITAIRES ET CULTURELS 20

V. - LA POSITION DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION N° 243 21

EXAMEN EN COMMISSION 23

Mesdames, Messieurs,

L'Organisation mondiale du commerce (OMC), instance permanente de négociation et de règlement des différends commerciaux mise en place en 1995 à l'issue de l'Uruguay Round, est aujourd'hui le principal moyen à la disposition des nations pour combattre les attitudes protectionnistes et assurer la libre circulation internationale de biens, mais aussi des services. Aussi l'OMC constitue-t-il naturellement le cadre dans lequel est discuté, depuis le 1er janvier 2000, la libéralisation progressive des services entre les différents partenaires, sur la base de l'Accord général sur le commerce des services (AGCS) du 15 avril 1994.

Or, la perspective d'une ouverture à la concurrence de certains de ces services est parfois considérée comme une grave menace, en France, pour les services publics, et, plus largement, pour le développement des pays les plus pauvres. Cette analyse est celle de la proposition de résolution n° 243 déposée le 8 octobre 2002 par M. Jean-Claude Lefort sur l'approche de l'Union européenne en vue du « cycle de développement » à l'OMC. Votre rapporteur s'attachera à démontrer les limites et les incohérences de cette position, en s'appuyant notamment sur la communication de la Commission européenne de 1999 visé par cette proposition.

Il convient, en premier lieu, de mesurer l'impact économique favorable de tout processus de libéralisation des échanges. L'Union européenne, dont les Etats membres sont représentés dans ces négociations par la Commission européenne, peut obtenir l'ouverture de nombreux marchés, pour les entreprises françaises notamment, ce qui permettra d'y renforcer l'emploi. En période de croissance réduite, un tel rôle ne peut être négligé pour dynamiser l'activité économique de notre pays. Ces négociations, qui fonctionnent sur la base de propositions volontaires de libéralisation, ne contraindront pas les pays les plus démunis à ouvrir des marchés de services contre leur gré ; il s'agit pour eux d'acquérir de nouvelles techniques et d'accroître leur compétitivité dans quelques secteurs, l'Union européenne souhaitant en outre qu'ils bénéficient de mesures spécifiques en raison de leur situation sociale.

Par ailleurs, les services économiques dont l'Union européenne pourrait proposer l'ouverture à la concurrence sont, par leur nature, pleinement compatibles avec la recherche d'efficience qui caractérise les acteurs privés. Le service rendu à l'usager peut être fortement amélioré dans les secteurs concernés, en termes de diversité, de souplesse et surtout de prix, comme en attestent de nombreux exemples étrangers. Il convient également de rappeler que la formule de la gestion déléguée de service public permet de concilier la présence d'opérateurs privés à la recherche de rentabilité avec le respect des principes juridiques qui régissent traditionnellement ces services.

Enfin, contrairement à ce que la proposition soumise à la représentation nationale laisse entendre, le champ des négociations en cours à l'OMC sur les services est bel et bien limité et exclut clairement l'ensemble des services à caractère régalien. En outre, des précautions particulières sont prises par la Commission européenne en matière éducative, sanitaire et culturelle pour éviter qu'il ne soit porté atteinte aux droits fondamentaux de citoyens et à la diversité culturelle mondiale.

En conséquence, votre rapporteur vous appellera à rejeter la proposition de résolution soumise à la représentation nationale, exagérément alarmiste et défensive.

I. - PRÉSENTATION DE LA COMMUNICATION DE LA COMMISSION EUROPÉENNE EXAMINÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

La communication COM (99) 331 final / E 1285 de la Commission européenne au Conseil et au Parlement européen relative à l'approche de l'Union européenne en vue du cycle du millénaire de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), reçue à la Présidence de l'Assemblée nationale le 28 juillet 1999, fixe à l'Union européenne un programme pour ce cycle. Il convient de rappeler les principaux développements consacrés aux services dans ce document, sur lequel s'est appuyée la proposition de résolution que votre rapporteur est chargé d'étudier en application de l'article 151-2 de notre règlement.

Dans sa communication, la Commission européenne estime que la négociation à l'OMC devrait permettre d'aborder les problèmes de libéralisation et de réglementation dans les secteurs de l'agriculture et des services, ainsi que l'évolution des droits sur les produits non agricoles, les investissements, la concurrence. Le cycle de développement devrait enfin faciliter le commerce et la prise en compte de l'environnement.

En ce qui concerne les services, le texte affirme que l'Union européenne devrait chercher, avec une approche globale et horizontale, à obtenir de ses partenaires commerciaux de nouveaux engagements en termes d'accès au marché et de traitement national. Pour ce faire, le document souhaite certes une « libéralisation plus poussée » mais invite aussi l'Union européenne à « tenir compte des aspects sensibles des secteurs spécifiques ».

Par ailleurs, le texte propose de renforcer la sécurité juridique en mettant en place une réglementation transparente et prévisible, de façon à améliorer le fonctionnement concurrentiel des marchés. La communication invite l'Union européenne à obtenir que soient inclus dans le nouveau cycle de négociation « tous les points encore en suspens », tels que les mesures de sauvegarde, les subventions et les marchés publics.

Enfin, le document de la Commission européenne évoque spécifiquement les conditions des libéralisations dans les pays en voie de développement. Ainsi, il préconise pour ces nations une plus forte participation à la libéralisation des échanges afin de les aider à attirer des investissements stables. L'insertion dans les échanges internationaux est en effet traditionnellement considérée, pour ces nations, comme le moyen le plus efficace pour rattraper leur retard de développement (voir infra). Toutefois, pour éviter que cette insertion ne conduise à des échanges trop inégaux, avec un coût social trop élevé, la communication précise que la participation de ces Etats aux négociations doit tenir « dûment compte de leur niveau de développement » et de leurs objectifs de politique nationale, ce qui ouvrirait probablement la voie à des assouplissements et des dérogations à certaines règles pour ces Etats.

II. - LES NÉGOCIATIONS COMMERCIALES EN COURS SONT FAVORABLES AU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE DE TOUS LES PARTENAIRES

A. LA LIBÉRALISATION DES ÉCHANGES EST UN FACTEUR DE CROISSANCE RECONNU SUR LE LONG TERME

La théorie économique enseigne que l'ouverture des marchés à la concurrence est un facteur déterminant de prospérité économique sur le long terme, par delà les aléas conjoncturels. Ainsi, le « modèle de Solow » formalisé en 1956 a mis en évidence un lien entre croissance du produit intérieur brut et concurrence pure et parfaite. De même, la théorie de l'organisation industrielle présentée par l'économiste Tirole en 1988 a confirmé que les marchés librement organisés étaient les plus à même de permettre une allocation optimale des ressources et facteurs de production. Ce surcroît d'efficience de l'ouverture à la concurrence, s'il est valable pour un marché donné, est bien entendu applicable aux échanges entre les nations, le marché étant alors de dimension mondiale.

Certaines études reconnues portant plus spécifiquement sur le commerce international ont confirmé la validité de cette approche. Ainsi, une étude réalisée en 1995 par Sachs et Warner a montré que le taux de croissance moyen, entre 1970 et 1989, a été supérieur dans les pays à économie ouverte par rapport aux autres pays, et a estimé à 2,5 % le supplément de croissance engendré par le passage d'une économie ouverte à une économie fermée. Par ailleurs, on observe généralement un parallélisme entre l'évolution du taux de croissance et l'évolution du volume des échanges internationaux. Les mesures protectionnistes mises en place à la fin des années 1920, notamment aux Etats-Unis avec les tarifs Hawley-Smoot, ont conduit à un effondrement du volume des échanges qui a coïncidé avec une période de récession forte et durable. A l'inverse, depuis 1950, la multiplication par 16 du volume des échanges a coïncidé avec le quintuplement du produit intérieur brut mondial.

L'insertion dans les échanges internationaux, loin d'être défavorable aux pays en voie de développement (PVD) et de conforter les avantages acquis par les pays les plus riches, constitue au contraire le moyen le plus efficace de rattraper les niveaux de développement, comme en atteste la croissance spectaculaire (avoisinant 7 ou 8 % chaque année) enregistrée, au cours des années 1980 et 1990, par les « Dragons » (Corée du Sud, Taiwan, Hong-Kong, Singapour) puis les « Tigres » (Thaïlande, Viet-Nam, Indonésie) en Asie. La concurrence internationale conduit en effet à la fois à une allocation optimale des ressources (chaque pays se spécialisant dans la production pour laquelle il est le plus compétitif) et à la diffusion du progrès technique (propice au rattrapage).

B. L'UNION EUROPÉENNE EST À LA RECHERCHE DE NOUVELLES OUVERTURES CHEZ SES PARTENAIRES POUR CONQUÉRIR DES MARCHÉS SUPPLÉMENTAIRES

L'organisation mondiale du commerce (OMC), mise en place en 1995 à l'issue des accords de l'Uruguay Round, offre un cadre adapté pour permettre à toutes les parties prenantes de commercer le plus librement possible. Les libéralisations qui y sont négociées peuvent être progressives et maîtrisées, limitées dans leur étendue et assorties de conditions. Le rôle économique positif de cette instance de coopération entre les Etats n'est plus véritablement contesté par les gouvernements, comme en atteste la volonté de la République populaire de Chine (RPC) de rejoindre l'organisation, décision qui émane, dans ce pays, du parti communiste lui-même.

La France a déjà largement bénéficié des libéralisations du commerce international effectuées, puisque, depuis 1978, l'ouverture internationale a contribué à hauteur de 18 % à son enrichissement. Les exportations de biens et services assurent aujourd'hui l'emploi de près du quart des travailleurs français et 28 % du PIB de notre pays. Il convient de rappeler que les échanges de l'Union européenne avec l'étranger représentent plus de 2 600 milliards d'euros en 2001, dont plus de 600 milliards d'euros au titre des services. En outre, les services européens représentent presque 25 % des exportations mondiales de services, deux tiers des emplois européens et deux tiers du PIB européen. L'intérêt économique de la France, comme de l'ensemble des Etats de l'Union européenne au nom desquels la Commission européenne négocie, est d'obtenir les accords les plus avantageux possibles en termes d'accès à de nouveaux marchés, en particulier aux Etats-Unis, au Japon ou en Chine.

Il convient à cet égard de rappeler que l'Union européenne est avantagée dans les discussions en cours par l'action de libéralisation de nombreux services déjà entreprise au plan communautaire sous l'impulsion de la Commission européenne : à titre d'exemple, les services financiers et bancaires, les services d'eau et d'assainissement, ou encore les services de télécommunication y sont plus largement ouverts à la concurrence que chez nombre de ses partenaires commerciaux. Il s'agit là d'éléments offensifs pour les négociations en cours à l'OMC sur la libéralisation des services.

La possibilité pour les entreprises françaises et européennes de proposer leurs services dans des zones plus étendues et selon des procédures allégées leur permettra d'augmenter leur chiffre d'affaires et leur production, ce qui y développera l'emploi et les bénéfices. La France a tout à gagner à pouvoir exporter plus facilement son savoir-faire ; il convient également de rappeler la position de force dans laquelle se trouve notre pays, qui est le cinquième exportateur mondial de services et se caractérise par un taux d'ouverture de 21,5 % (contre seulement 12 % pour les Etats-Unis).

Pour faire face à cet enjeu de taille qu'est l'amélioration de l'ouverture à la concurrence des services dans le monde, la France dispose d'une représentation efficace et crédible à travers la Commission européenne, qui a un poids suffisant pour établir un rapport de forces équilibré avec les Etats-Unis. Les négociations s'effectuant sur une base volontaire, toutes les parties à l'OMC décident librement du contenu des libéralisations qu'elles proposent. Dès lors, le mandat de négociation fixé à la Commission européenne permet de contrôler le processus de négociation et de préserver les intérêts de chaque Etat membre.

C. L'APPROCHE RETENUE POUR LES PAYS LES MOINS AVANCÉS PREND CORRECTEMENT EN COMPTE LEURS DIFFICULTÉS DE DÉVELOPPEMENT

Le risque d'une aggravation des écarts de richesse entre pays développés et pays en voie de développement (PVD) est l'un des arguments les plus fréquemment invoqués par les pays réticents à ouvrir leurs marchés à la concurrence. Bien que cette opinion ne repose pas sur une analyse économique solide des expériences passées, comme votre rapporteur l'a précédemment montré, il est nécessaire de prendre en compte le coût social des efforts de rattrapage, en particulier pour les pays les moins avancés (PMA).

Ces derniers doivent naturellement participer aux échanges internationaux et ouvrir leurs marchés de services pour acquérir un plus grand savoir-faire, ce qui nécessite un investissement soutenu des pays de l'OCDE. En effet, la triade économique mondiale (Etats-Unis, Union européenne, Japon) représente aujourd'hui à elle seule 90 % du commerce mondial et 60 % du stock d'investissements directs étrangers, ce qui ne correspond pas à une allocation optimale des ressources et ne permet pas de mettre en valeur les nombreuses potentialités existantes dans des régions du monde moins développées. Selon les chiffres fournis par le commissaire européen Pascal Lamy, la libéralisation des services dans les PVD pourrait y générer 6 000 milliards de dollars de recettes supplémentaires d'ici 2015.

Toutefois, il est également nécessaire, en raison de la fragilité économique et de la misère sociale des PMA, de prévoir dans les négociations un certain nombre d'assouplissements et d'aménagements en faveur de ces pays. C'est pourquoi le gouvernement français a déployé des efforts considérables, malgré l'hostilité persistante des Etats-Unis, pour obtenir un accord facilitant l'accès aux médicaments de base (principes actifs et tests de dépistage) dans ces pays, où la situation sanitaire est très dégradée.

De même, les 109 demandes de libéralisation déposées le 30 juin 2002 par l'Union européenne auprès de ses partenaires à l'OMC varient fortement dans leur étendue en fonction de la richesse des pays concernés. Pour les 25 pays dont le PIB est le plus élevé, les demandes d'ouverture à la concurrence concernent une très large palette de services (la quasi-totalité des secteurs), tandis que, pour les PMA, la Commission européenne n'a demandé l'ouverture que de deux ou trois secteurs (infrastructures et télécommunications essentiellement), l'étendue des demandes de libéralisation adressées aux PVD étant intermédiaire. Il ne s'agit donc pas de forcer la main des pays les plus pauvres mais au contraire de créer les conditions de leur développement progressif.

III. - L'OUVERTURE À LA CONCURRENCE DES SERVICES ÉCONOMIQUES PERMET D'AMÉLIORER LA QUALITÉ DU SERVICE RENDU AUX USAGERS

A. L'INTERVENTION D'ACTEURS PRIVÉS FAVORISE L'ÉMERGENCE D'UNE CULTURE DE L'EFFICIENCE DANS CES SERVICES

Le recours à la gestion privée permet, dans les services à caractère économique, de mettre au premier plan la satisfaction de l'usager, puisque l'existence d'opérateurs concurrents peut conduire celui-ci à changer d'entreprise. Pour conserver ses parts de marché, l'entreprise devra nécessairement proposer les meilleurs services possibles au plus bas coût ; elle y parviendra généralement en augmentant sa compétitivité grâce à une organisation plus flexible et une diversification des services proposés.

A l'inverse, l'absence d'efficience des monopoles a été mise en évidence par les économistes constitutionnalistes, tels que Tullock, dont la théorie du « rent seeking » affirme que les restrictions accordées à la concurrence par l'Etat sont destinées à satisfaire des groupes de pression à la recherche de rentes. D'une manière générale, la supériorité des marchés concurrentiels sur les marchés monopolistiques se manifeste surtout en termes de prix : l'entreprise en situation de monopole ne subit pas un prix imposé de l'extérieur mais le détermine librement, ce qui lui permet de proposer ses produits et services à un prix plus élevé que son coût marginal de production.

Dans cette configuration, la logique d'économie de marché conduit à une allocation optimale des ressources et des facteurs de production.

Ainsi, l'entreprise propose en principe à chacun de ses employés le poste pour lequel il est le plus compétent et productif ; cela conduit à encourager la créativité, les initiatives et le sens des responsabilités, tout en valorisant le savoir-faire et l'efficacité. Ces qualités deviennent les critères de référence pour le déroulement de la carrière des employés, ce qui permet d'éviter l'indifférence et le découragement auxquels conduit trop souvent, dans les services actuellement confiés à des monopoles publics, le système d'avancement à l'ancienneté. En outre, le recours à une gestion privée ouvre des perspectives novatrices en terme d'intéressement et de participation des salariés au capital de leur entreprise : le fait d'associer directement les employés aux profits rend plus concrète la nécessité de la réussite collective. Le dialogue social sera également facilité par l'existence d'une pluralité d'opérateurs, qui, par leur souplesse de fonctionnement, permettront de surmonter d'éventuels conflits sociaux : loin de constituer une menace, le jeu de la concurrence facilitera la mise en _uvre du principe de continuité dans les services concernés.

De même, l'usager a tout à gagner à l'introduction d'une concurrence régulée dans les services à caractère économique, dans la mesure où la baisse des prix pratiqués par les opérateurs s'accompagne presque toujours d'un enrichissement du panel de services proposés. Le secteur des télécommunications, où la libéralisation a été mise en _uvre avec succès dans l'Union européenne, fournit un exemple particulièrement expressif de diversification et d'amélioration des services, pour la téléphonie mobile notamment - l'augmentation massive du taux d'équipement des ménages en témoigne.

Si le maintien d'un contrôle exercé par une autorité de régulation indépendante reste nécessaire pour obliger les opérateurs à respecter certaines exigences sociales et territoriales, le modèle communautaire de mise en concurrence de services à caractère économique a d'ores et déjà fait ses preuves. Cette méthode de libéralisation progressive et encadrée peut, par conséquent, être étendue à de nouveaux secteurs, sans remettre en cause le dialogue social ni creuser les inégalités territoriales. A cet égard, votre rapporteur tient à préciser que les négociations commerciales visant à libéraliser de nouveaux secteurs ne remettent nullement en cause l'existence de mécanisme de péréquation tarifaire : il est toujours possible d'exiger des opérateurs qu'un égal accès au service soit accordé à tous les usagers, même dans les régions les plus reculées.

B. LES EXPÉRIENCES ÉTRANGÈRES D'OUVERTURE À LA CONCURRENCE ONT SOUVENT DÉBOUCHÉ SUR UN MEILLEUR SERVICE

Avant d'examiner quelques exemples sectoriels d'ouverture à la concurrence de services à caractère économique, il convient de rappeler que la concurrence pure et parfaite, qui permet en principe une allocation optimale des ressources, constitue une référence théorique difficile à atteindre. Toutefois, même lorsque la concurrence n'est pas tout à fait parfaite, le consommateur peut tirer profit de gains de productivité : selon la théorie des « marchés contestables » présentée en 1982 par Baumol, l'essentiel est que l'entrée libre de nouveaux concurrents sur le marché soit possible (pas de barrière à l'entrée, pas de coûts irrécupérables à la sortie), cette concurrence potentielle poussant alors les opérateurs déjà en place à réduire leurs marges.

1. Les services postaux

Aux Pays-Bas, où le domaine réservé ne représente plus que 27 % du marché des services postaux (contre 90 % en France), l'ouverture à la concurrence ne s'est accompagnée d'aucun des dysfonctionnements habituellement évoqués par les adversaires de la libéralisation : le prix des lettres est resté stable pendant dix ans, le nombre d'emplois a fortement augmenté grâce à la croissance du secteur (le licenciement de 8 000 personnes a été plus que compensé par de nouvelles embauches), et la qualité comme la diversité des services proposés ont progressé. En outre, la cohésion territoriale du pays n'a pas été amoindrie, puisque le nombre de points de vente et de bureaux a lui aussi augmenté, avec une localisation adaptée aux besoins des consommateurs. D'une manière générale, la forte croissance d'un secteur postal compétitif permet aux nouveaux entrants de prendre des parts de marché sans menacer la santé économique des opérateurs traditionnels.

En Allemagne, le secteur postal, qui emploie environ 1,7 million de personnes, a été considéré jusqu'au début des années 1990 comme un monopole naturel devant inévitablement appartenir à l'Etat. Toutefois, depuis 1994, la Constitution allemande stipule que les services postaux sont fournis par une pluralité de prestataires privés. Cette concurrence reste en réalité largement théorique, puisque l'Allemagne n'a libéralisé que 25 % du marché des services postaux, les concurrents ne disposant, encore aujourd'hui, que de 2 % de parts de marché. La concurrence reste donc assez marginale pour permettre à l'opérateur d'origine d'exercer un monopole de fait et de décider librement de la fixation des prix, ce qui n'est pas conforme à l'intérêt des usagers.

Enfin, la Grande-Bretagne n'est pas restée à l'écart de ce mouvement de libéralisation, puisqu'une loi du 28 juillet 2000 a fait perdre son monopole au Post office pour le courrier léger.

2. Les services énergétiques

D'une manière générale, l'introduction de la concurrence conduit les entreprises à baisser leurs prix pour conserver leur part de marché, même lorsque la concurrence n'est que latente (menace crédible d'entrée d'une nouvelle entreprise sur le marché). Par ailleurs, la création d'un véritable marché intérieur de l'énergie dans l'Union européenne doit conduire à une harmonisation progressive des prix pratiqués dans les différents Etats membres.

a) Le gaz

En Grande-Bretagne, la libéralisation du marché du gaz a conduit à un accroissement de la part du gaz dans la capacité énergétique du pays, au détriment de celle du charbon, qui est passé de 67 à 31 %. L'ouverture à la concurrence a donc eu un impact positif sur l'environnement, le gaz étant une source d'énergie moins polluante. Plus généralement, la concurrence a débouché sur une plus grande flexibilité et une meilleure gestion. La satisfaction des attentes des clients devenant primordiale, la diversité des services proposés et la compétitivité de la politique tarifaire se sont améliorées.

L'Espagne fournit un autre exemple de l'impact positif d'une libéralisation sur le plan tarifaire, puisque le prix moyen du gaz a baissé de 30 % depuis 5 ans dans ce pays.

Au niveau européen, le secteur du gaz se caractérise par un taux de croissance de l'ordre de 3 % par an, et la part du gaz dans la capacité énergétique globale a progressé, pour atteindre aujourd'hui 23 %. Si les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont été des précurseurs en ouvrant leur marché à la concurrence depuis, respectivement, une vingtaine et une dizaine d'années, aujourd'hui l'ensemble des Etats européens souhaite introduire davantage de compétition dans ce secteur. De nouveaux acteurs sont apparus et concurrencent sur ce marché les opérateurs historiques, une autorité de régulation ayant presque toujours été instituée pour veiller au respect des règles de concurrence. L'expérience montre que la libéralisation conduit les opérateurs à rechercher une plus grande internationalisation pour atteindre une taille critique, ainsi qu'à multiplier les opérations de court terme pour assurer la fluidité du marché.

En France, Gaz de France a ouvert, en août 2000, son réseau de transport aux clients consommant plus de 25 millions de mètres cubes de gaz par an, ce qui représente une ouverture de 20 % de l'ensemble du marché français. La concurrence devrait être effective, dans la mesure où cette première ouverture limitée du marché a d'ores et déjà conduit entre 10 et 20 % des consommateurs concernés à changer de fournisseur.

Ces proportions semblent identiques à celles observées aux Pays-Bas, pays plus avancé dans la démarche de libéralisation (l'ouverture de 45 % du marché du gaz a conduit un peu plus de 30 % des grands consommateurs industriels à changer de fournisseur).

Elles traduisent un début d'ouverture à la concurrence plus effectif qu'en Irlande, où l'ouverture de 75 % du marché a conduit à un changement de fournisseur pour seulement 20 à 30 % des grands consommateurs industriels, et surtout bien plus concluant qu'en Allemagne, où l'ouverture totale du marché n'a conduit à un changement de fournisseur que moins de 5 % des grandes entreprises et moins de 1 % des petites entreprises et ménages.

En revanche, la Grande Bretagne reste très en avance en terme d'effectivité de la concurrence, puisque l'ouverture totale du marché a conduit 90 % des grandes entreprises et 45 % des petites entreprises et des ménages à changer de fournisseur (qui sont au nombre de quinze). Enfin, l'ouverture à la concurrence n'a pas encore porté tous ses fruits en Italie et en Espagne, mais les marchés y évoluent très rapidement.

Enfin, il est instructif d'observer que, pour assurer l'accès de nouveaux opérateurs au marché, certains Etats européens (Grande-Bretagne, Espagne et Italie) ont mis en place des programmes de cession dans le cadre desquels le plus gros importateur de gaz du pays est obligé de vendre un volume donné de gaz importé.

En ce qui concerne l'évolution des prix, l'ouverture à la concurrence conduit inévitablement à une meilleure compétitivité, ce qui profite non seulement aux gros consommateurs mais aussi aux ménages. Ainsi, en juillet 2001, les trois Etats européens dans lesquels le prix du gaz est le plus bas pour les ménages sont la Grande-Bretagne, l'Irlande et les Pays-Bas, pays ayant clairement opté pour une libéralisation étendue de leur marché gazier. L'écart de prix entre ces Etats et les autres, qui s'élève à environ 30 %, montre bien que, contrairement à une idée répandue, la concurrence ne favorise pas les gros consommateurs au détriment des ménages. Ainsi, entre 1990 et 1999, les prix moyens du gaz en Grande-Bretagne ont certes chuté de 45 % pour les consommateurs industriels, mais ont aussi diminué de 20 % pour les ménages.

Par ailleurs, la libéralisation semble amener les opérateurs à répercuter moins vite à leurs clients les éventuelles hausses de coûts. Ainsi, alors que la hausse des cours du pétrole a entraîné, dans la plupart des Etats européens, une hausse des prix du gaz dès juillet 1999, cette hausse n'a débuté qu'un an plus tard au Royaume-Uni pour les gros consommateurs comme pour les ménages, tandis qu'en Irlande et aux Pays-Bas la hausse a été plus faible et plus tardive pour les ménages.

b) L'électricité

· Il convient tout d'abord de rappeler brièvement le cadre communautaire dans lequel est menée le processus de libéralisation.

Dans l'Union européenne, les consommateurs éligibles choisissent librement leur fournisseur et les producteurs s'installent librement, les réseaux de transport et de distribution étant gérés impartialement, avec un prix indépendant de la distance (ce qui permet de faire pleinement jouer la concurrence sur une vaste zone). Enfin, un régulateur indépendant supervise, dans presque tous les Etats membres, le fonctionnement du marché et garantit le droit d'accès au réseau électrique. La surveillance de l'ensemble est assurée par les services de la Commission européenne, mais une instance spécifique de réglementation pourrait être créée au niveau européen, afin de garantir un accès non discriminatoire au réseau électrique et, plus généralement, une concurrence effective. Il convient de rappeler que les instances de réglementation sont compétentes pour fixer ou approuver la tarification des réseaux et intervenir ex ante sur le marché, ce que ne peuvent faire les autorités chargées de superviser la concurrence ex post.

En pratique, l'ouverture communautaire des marchés nationaux d'électricité semble encore ralentie par des lourdeurs procédurales ainsi que par le manque de transparence et de souplesse de la vente aux enchères. Il convient d'ajouter que le niveau peu élevé des seuils d'éligibilité a aussi fortement limité l'ampleur de cette ouverture. Ces entraves expliquent que le volume total de flux physiques transfrontaliers ne représente aujourd'hui que 7 à 8 % de la consommation électrique totale de l'Union européenne.

· Les bénéfices attendus de l'ouverture à la concurrence du marché électrique, en France comme ailleurs, dépendront de la répartition des parts de marché entre les différents opérateurs. Le fait que certains producteurs dominent trop nettement le marché ne favorise pas, en effet, l'implantation de nouvelles entreprises, et, du même coup, réduit la pression exercée sur les producteurs pour qu'ils réduisent leurs prix. Pour éviter ce type de dysfonctionnements et assurer une concurrence loyale et effective, de nombreux Etats ont mis en place une surveillance étroite du marché électrique, allant parfois jusqu'à organiser la cession d'une partie de la capacité de production des plus gros fournisseurs à d'autres entreprises. Ainsi, au Royaume-Uni, le Central Electricity Generating Board a été scindé en trois lors de sa privatisation, tandis qu'en Italie le groupe ENEL doit vendre 15 000 MW avant 2003.

Dans ce secteur comme dans celui du gaz, la proportion de clients ayant changé de fournisseur reste l'un des indicateurs les plus fiables et les plus objectifs pour juger de l'effectivité de la concurrence.

En effet, l'ouverture théorique du marché n'exclut pas l'apparition de comportements prédateurs de la part des entreprises déjà installées sur le marché : ces dernières peuvent retenir leurs clients en négociant un nouveau contrat à un prix plus avantageux, ce qui ne constitue pour le consommateur qu'un gain fragile et peut être le résultat, dans un marché partiellement ouvert, de subventions croisées venant de la partie du marché qui est fermée.

Si l'on considère la part de marché des trois plus gros producteurs et celle des trois plus gros fournisseurs au détail, les pays européens les plus avancés sur la voie d'une concurrence effective sur le marché électrique sont l'Allemagne (63 % et 62 %), la Suède (77 % et 52 %), le Danemark (75 % et 32 %) et surtout le Royaume-Uni (44 % et 37 %).

Toutefois, si l'on observe le pourcentage de grands consommateurs industriels et de petites consommateurs ayant changé de fournisseur, on constate que l'Allemagne occupe une position nettement moins avancée (10-20 % et moins de 5 %) que la Suède (100 % et 15 %) et le Royaume-Uni (80 % et plus de 30 %). Il faut ajouter qu'il n'existe pas de vente transfrontalière d'électricité auprès des consommateurs allemands.

La France reste, de loin, le pays européen dont le marché électrique est le moins ouvert, puisque les trois plus gros producteurs y détiennent 98 % des parts de marché, et les trois plus gros fournisseurs au détail 96 %, tandis que le pourcentage de gros consommateurs industriels ayant changé de fournisseur est compris entre 5 % et 10 %.

Le nombre de clients ayant changé de fournisseur est généralement d'autant plus élevé que l'ouverture du marché a commencé tôt, comme en témoignent les cas finlandais (environ 20 % de changements) et surtout suédois et britannique (chaque consommateur industriel a en moyenne changé une fois de fournisseur depuis 1996).

· En ce qui concerne l'évolution des prix de l'électricité ces dernières années dans l'Union européenne, l'analyse des statistique met en évidence une baisse progressive mais presque générale des tarifs appliqués aux gros consommateurs (depuis 1999) et aux petites entreprises (depuis 2000), et une quasi-stabilité des prix pour les ménages, qui n'ont encore que rarement été confrontés à la concurrence. D'autres phénomènes, de grande ampleur, sont plus surprenants : entre juillet 1999 et juillet 2001, en Italie, le prix de l'électricité a augmenté de plus de 50 % pour les gros consommateurs mais diminué du tiers pour les petites entreprises. Dans la même période, le prix de l'électricité facturé aux petites entreprises a baissé de 40 % en Autriche.

Les baisses de prix constatées sont généralement d'autant plus importantes que le pays a ouvert son marché précocement, en devançant les exigences communautaires et en assurant une concurrence effective, notamment vis-à-vis des pays étrangers. Ainsi, au Royaume-Uni, premier pays à avoir libéralisé son marché de l'électricité, les prix ont baissé en moyenne de 35 % pour les consommateurs industriels depuis 1990, contre 25 % en moyenne dans l'Union européenne. Ces prix ont également diminué d'environ 20 % en Finlande depuis 1995, 15 % en Suède depuis 1996, et 25 % en Allemagne entre mars 1998 et août 2000.

Les pays scandinaves, malgré une légère augmentation au cours d'une période récente, (Danemark, Suède, Finlande) restent, au sein de l'Union européenne, les Etats dans lesquels l'électricité est la moins chère, pour les entreprises comme pour les ménages. En revanche, dans les pays où la concurrence effective est faible, comme l'Allemagne ou le Portugal, l'électricité est toujours plus chère qu'ailleurs en Europe.

Même si les réductions tarifaires ont surtout avantagé l'industrie, les baisses de prix ont également concerné les ménages, d'autant plus fortement qu'ils peuvent facilement changer de fournisseur. Ainsi, depuis 1998, les prix moyens pour les particuliers ont diminué de 13 % en Finlande et de 16 % en Suède.

· Enfin, il n'est pas inutile de revenir sur le cas spécifique de l'Allemagne, qui illustre bien les ambiguïtés de certaines libéralisations formelles.

Contrairement à la France qui n'a ouvert à la concurrence que 30 % de sa consommation intérieure d'électricité, l'Allemagne a, en principe, procédé en 1998 à une libéralisation totale, allant jusqu'à confier à des sociétés privées la gestion du réseau de transport (assurée, en France, par un service d'EDF). Entre 1998 et 2001, le prix de l'électricité a diminué de 20 % environ pour les industriels et de 10 % environ pour les usagers domestiques, ce qui a pu être obtenu moyennant une réduction de la masse salariale dans la plupart des entreprises concernées ;

Toutefois, l'ouverture totale du marché allemand est largement factice. Ainsi, les sociétés assurant la gestion du réseau de transport d'électricité sont toutes des filiales à 100 % des producteurs allemands et, dans la pratique, les tracasseries administratives et techniques découragent les consommateurs qui voudraient acheter leur électricité à l'étranger. Enfin, ces derniers ne peuvent adresser leurs éventuelles protestations à une autorité régulatrice, contrairement à la pratique existant dans les autres Etats de l'Union européenne.

En somme, il n'existe pas de lien direct, sur le marché électrique, entre libéralisation et concurrence effective, ce qui explique que le taux effectif d'ouverture du marché allemand ne s'élève qu'à environ 0,5 %, loin des 100 % officiellement annoncés, tandis que celui de la France atteint 8,3 %, malgré une application minimaliste des obligations communautaires d'ouverture du marché.

3. Les services de télécommunications

Les libéralisations effectuées en Grande-Bretagne, en Allemagne et en Suède ont débouché sur un développement effectif de la concurrence, qui, dans ce secteur comme dans les autres, permet d'obtenir une baisse sensible des prix en faisant courir à chaque opérateur le risque de perdre un client.

Au Royaume-Uni, le marché de la téléphonie fixe, dont la libéralisation a débuté dès 1981 avec le British Telecom Act, est aujourd'hui l'un des plus concurrentiels d'Europe. En effet, en mars 2001, l'opérateur historique, British Telecom, ne réalisait plus que 67,5 % du chiffre d'affaire sur le marché global (contre 74 % deux ans plus tôt) et n'acheminait plus que 60 % du volume des communications. La part de marché de cet opérateur s'élève encore à 67,1 % sur le marché résidentiel, mais est tombée sous le seuil de 50 % sur le marché des entreprises, ce qui démontre qu'il est possible de mettre en place une concurrence effective sur un tel marché.

Le marché de la téléphonie mobile, libéralisé depuis le Telecommunications Act de 1981, est encore plus concurrentiel au Royaume-Uni, puisque les quatre opérateurs y disposent chacun d'une part de marché comprise entre 20 et 30 % (29,1 % pour Vodafone, 25,6 % pour Cellnet, 24,5 % pour Orange, 20,8 % pour One-2-one). Par ailleurs, cinq licences UMTS ont été attribuées en avril 2000 moyennant le versement au gouvernement britannique de 38,4 milliards d'euros et l'engagement des opérateurs d'assurer la couverture de 80 % de la population avant la fin de l'année 2007.

Enfin, le marché de l'accès à Internet est très compétitif, puisqu'en juin 2001 on comptait près de 400 fournisseurs d'accès, trois compagnies émergeant et disposant chacune d'une part de marché comprise entre 15 et 30 % (Freeserve, AOL et British Telecom). Les connexions Internet à haut débit sont en revanche assurées dans un cadre encore peu concurrentiel : pour la technologie DSL, British Telecom occupe de facto une position ultra dominante, tandis que le marché du câble a connu une importante concentration au profit de deux opérateurs (NTL et Telewest), qui proposent d'ailleurs des offres communes.

4. Les transports collectifs

Au sein de l'Union européenne, 11 Etats ont procédé à une ouverture à la concurrence de ces services, ce qui témoigne d'un vaste mouvement de libéralisation. Dans ces conditions, il semble difficile pour la France de rester à l'écart de cette démarche, dont les usagers des transports collectifs peuvent attendre de nombreux bénéfices, notamment en terme de flexibilité et de tarification.

Il convient toutefois de définir rigoureusement, dans ce secteur plus encore que dans les autres, les modalités de fonctionnement du marché. La libéralisation du marché peut en effet revêtir deux formes : une distinction doit être établie entre, d'une part, la déréglementation sans contrôle, telle qu'elle a été pratiquée en Grande-Bretagne sans résultats probants, et, d'autre part, la concurrence régulée, mise en _uvre dans la plupart des Etats européens. Cette dernière formule semble permettre, en tempérant la liberté économique des opérateurs par un contrôle public indépendant, de limiter l'ampleur d'éventuels dysfonctionnements, et a été mise en _uvre sans difficulté en Allemagne.

Dès lors, le cas britannique, dont il est vrai qu'il ne constitue pas un modèle d'efficacité en terme d'organisation et de sécurité, ne peut être valablement invoqué pour refuser par principe toute ouverture à la concurrence dans le secteur des transports collectifs.

C. LA FORMULE DE LA GESTION DÉLÉGUÉE PERMET DE MAINTENIR UN ENCADREMENT JURIDIQUE ET D'ÉVITER CERTAINES DÉRIVES

Le droit français propose depuis longtemps une formule originale pour confier à des entreprises privées la gestion de services publics sans renoncer à en faire respecter les principes juridiques : il s'agit de la délégation de service public, soumise à la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, ainsi qu'à un certain nombre de règles jurisprudentielles.

Parmi ces dernières, les principes d'égalité, de continuité, de mutabilité et de neutralité ont été dégagés depuis le début du siècle et s'appliquent à l'ensemble des services publics. Le principe d'égalité permet d'éviter les discriminations entre usagers placés dans une situation identique au regard du service, tandis que celui de continuité impose que le service soit proposé de manière permanente aux usagers, seul l'usage du droit de grève pouvant y faire obstacle. Le fait de confier la gestion du service à des entreprises privées ou à un monopole public n'a pas d'incidence sur ces obligations juridiques traditionnelles, qui constituent pour les usagers une garantie essentielle contre les dérives qu'une pure logique de rentabilité financière pourrait entraîner.

L'application de ces principes aux délégations de service public a conduit à apporter un certain nombre de précisions. Ainsi, une théorie de l'imprévision a été élaborée pour faire respecter le principe de continuité : lorsqu'un grand déséquilibre économique frappe temporairement le contrat, du fait de circonstances imprévisibles et extérieures aux parties, l'opérateur doit continuer à assurer le service mais reçoit en contrepartie une indemnité (arrêt CE Compagnie générale d'éclairage de Bordeaux en 1916, complété par les arrêts CE Compagnie des tramways de Cherbourg et Société Propétrol en 1932 et 1992). De même, le contenu normatif du principe d'égalité des usagers devant le service public a du être précisé. D'une manière plus globale, l'intérêt général permet à la personne publique délégante d'imposer des prescriptions particulières à l'opérateur et de résilier unilatéralement le contrat, en contrepartie d'une indemnisation.

Aujourd'hui, la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes elle-même impose, dans ces services, la prise en compte prioritaire de l'intérêt général (arrêt CJCE Deutsche Post du 11 février 2000), qui, à ses yeux, ne semble plus se limiter à la défense de la santé publique (arrêt CJCE Franzen en 1997) ou de la sécurité publique (arrêt CJCE Corsica Ferries France SA en 1998). Enfin, suite à la signature en 1997 du traité d'Amsterdam, l'article 16 du traité instituant la Communauté européenne fait désormais référence au rôle que jouent les services d'intérêt économique général en matière de « cohésion sociale et territoriale », rôle qui figure parmi les « valeurs communes » de l'Union européenne.

Dès lors, la France et l'Union européenne disposent, sur le plan juridique, de tous les outils adaptés et de toutes les garanties nécessaires pour procéder sereinement à de nouvelles libéralisations de services à caractère économique. En conséquence, les nouvelles ouvertures à la concurrence qui pourraient être décidées, dans le cadre des négociations en cours à l'OMC, ne risquent pas de porter atteinte aux spécificités fondamentales du service public français.

IV. - LES NÉGOCIATIONS PORTENT ESSENTIELLEMENT SUR DES SERVICES À CARACTÈRE ÉCONOMIQUE

A. LES SERVICES FOURNIS DANS L'EXERCICE DU POUVOIR GOUVERNEMENTAL SONT CLAIREMENT EXCLUS

L'article 1er de l'Accord général sur le commerce des services de 1994 (AGCS), qui constitue toujours la base des discussions en cours à l'OMC, dispose que le champ d'application de l'accord et des négociations s'y référant comprend « tous les services de tous les secteurs, à l'exception des services fournis dans l'exercice du pouvoir gouvernemental ». Il s'agit de services non commerciaux fournis par un opérateur en situation monopolistique, ce qui exclut clairement l'ensemble des services publics « régaliens », tels que la diplomatie, l'armée, la police ou la justice.

Cette règle apporte une précision qui ne peut être considérée comme superflue, puisque les fonctions policières sont parfois, de fait, assurées concurremment par la puissance publique et par des opérateurs privés dans les pays en développement (notamment en Amérique du Sud ou en Afrique australe). Or, une telle évolution ne doit pas être recherchée pour l'Union européenne car la sûreté est un bien public fondamental. En outre, une libéralisation des services de police, comme de tout autre service régalien, ne correspondrait pas au modèle social européen.

Aussi votre rapporteur se réjouit-il de la garantie apportée sur cette question par l'AGCS, garantie qui constitue une protection utile et efficace pour l'avenir.

B. DES PRÉCAUTIONS PARTICULIÈRES DOIVENT ÊTRE MAINTENUES POUR LES SERVICES ÉDUCATIFS, SANITAIRES ET CULTURELS

Les modalités auxquelles obéissent les négociations en cours à l'OMC sur les services ont été précisées dans l'AGCS et permettent aux différents partenaires, a travers le système des « listes positives », de ne proposer une libéralisation que pour les secteurs de leur choix. En conséquence, l'Union européenne ne saurait être contrainte de procéder à des ouvertures à la concurrence dans des domaines qu'elle souhaiterait y soustraire.

Or, bien que l'éducation, la santé ou la culture figurent parmi les secteurs concernés par les négociations, aucun changement majeur n'est envisagé dans ces domaines. Les demandes d'engagements formulées par l'Union européenne concernent avant tout des services à caractère économique dans des secteurs tels que les télécommunications, les transports, les services postaux, environnementaux ou énergétiques. Dans ces secteurs, le processus d'ouverture à la concurrence est d'ailleurs largement engagé dans l'Union européenne, comme votre rapporteur l'a précédemment évoqué.

En ce qui concerne l'éducation et la santé, l'ouverture à la concurrence est déjà partiellement réalisée, qu'il s'agisse par exemple des établissements scolaires privés, des établissements de soins privés ou encore des assurances complémentaires. Il est en revanche essentiel que subsistent, à côté de ces acteurs concurrentiels, un secteur public éducatif et un secteur public sanitaire de qualité. En effet, la nature de ces services n'est pas purement marchande et met en jeu les droits fondamentaux des citoyens. Selon les informations fournies à votre rapporteur, la Commission européenne n'engagera aucune négociation conduisant à une modification de cette situation.

Surtout, il a été confirmé à votre rapporteur qu'une très grande vigilance était exercée par la Commission européenne, à la demande de la France notamment, à l'égard des demandes touchant au domaine culturel. La Commission européenne s'opposera en particulier à toute libéralisation des activités audiovisuelles. Le maintien de la diversité culturelle mondiale et le rayonnement de la culture française et européenne exigent en effet un soutien spécifique, dans un cadre qui ne peut être purement commercial.

V. - LA POSITION DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION N° 243

La proposition de résolution n° 243 présentée par M. Jean-Claude Lefort sur l'approche de l'Union européenne en vue du « cycle de développement » de l'OMC manifeste à l'égard des négociations en cours sur les services des craintes excessives et infondées.

L'analyse qui fonde la résolution contient une première erreur quant au champ des négociations en cours. En effet, l'exposé des motifs évoque un « principe selon lequel aucun secteur ne sera exclu a priori des négociations », ce qui laisse à penser que la libéralisation de tout service aujourd'hui assuré par la puissance publique pourrait être décidée. Or, l'article 1er de l'Accord général sur le commerce des services (AGCS) de 1994 exclut expressément du champ des négociations les « services fournis dans l'exercice du pouvoir gouvernemental », ce qui vise les services publics régaliens tels que l'armée, la police, la justice ou la diplomatie, comme votre rapporteur l'a précédemment exposé.

Plus généralement, le texte de la résolution proposée fait de la « défense des services publics », qu'elle croit menacés dans leur existence même, la clef de voûte de ses demandes. Comme il a été exposé, la libéralisation des services à caractère économique permettra à la France à la fois d'obtenir, chez ses partenaires, de nouvelles perspectives d'expansion économique, et d'améliorer, au niveau national, l'efficience des services proposés aux usagers, sans remettre en cause les garanties spécifiques attachées à la notion juridique de service public. Dès lors, exiger un « moratoire sur le déroulement des négociations de l'OMC » serait non seulement inutile, mais contreproductif : le gel du processus d'ouvertures réciproques des services à la concurrence conduirait à la sclérose des services concernés et contribuerait à l'isolement commercial de notre pays.

Comme le rappelait le commissaire européen Pascal Lamy dans un courrier adressé à l'Assemblée nationale le 9 décembre 2002, les négociations commerciales en cause « concernent uniquement les services marchands » et les Etats membres de l'Union européenne, représentés dans les négociations par la Commission européenne, sont « libres de choisir ceux qu'[ils veulent] ouvrir à la concurrence ». Le commissaire ajoute dans ce même texte que « l'Europe a exclu volontairement du champ des négociations les services de l'éducation, de la santé ou de l'audiovisuel » et que les Etats membres restent «  libres de décider du statut, public ou privé, des gestionnaires de ces services ».

Enfin, le mandat de négociation donné le 26 octobre 1999 à la Commission européenne par le Conseil des ministres de l'Union européenne, avec le soutien du précédent gouvernement, prévoit naturellement que la Commission européenne rende compte au Parlement européen de l'avancée des négociations. Il est donc inutile de l'exiger à nouveau comme le propose la résolution.

La représentation nationale ne peut négliger l'intérêt de l'ouverture réciproque à la concurrence de services à caractère économique tant en termes de rayonnement économique international qu'en termes d'amélioration du service rendu à l'usager. Enfin, il convient de rappeler que la délégation de services publics à des entreprises privées ne remet pas en cause l'applicabilité à ces services des principes traditionnels de continuité, d'égalité et de mutabilité, et ne menace nullement l'existence de ces services.

En conséquence, votre rapporteur vous appelle à rejeter cette proposition de résolution qui ne tient compte ni du champ réel des négociations actuelles, ni de l'intérêt économique de la France et de l'Union européenne.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du 15 janvier 2003, la Commission a examiné, sur le rapport de M. Frédéric Soulier, la proposition de résolution de M. Jean-Claude Lefort (n° 243) sur l'approche de l'Union européenne en vue du « cycle du développement » à l'Organisation mondiale du commerce (COM[1999] 331 final/ n° E1285).

Après que M. Frédéric Soulier, rapporteur, ait présenté ses conclusions, M. Patrick Hoguet, s'exprimant au nom du groupe UMP, a indiqué qu'il partageait pleinement les analyses du rapporteur, notamment en ce qu'elles soulignaient les potentialités économiques importantes de la libéralisation des échanges, et la nécessité que l'Union européenne conserve sa cohésion interne lors des négociations internationales. Il a par ailleurs signalé que des précautions avaient déjà été prises par l'Union européenne dans le cadre de l'Accord de Marrakech, notamment l'agenda incorporé concernant l'agriculture et les services, puisqu'elle avait obtenu que soient exclus des négociations les secteurs de l'éducation, de la santé et de l'audiovisuel, tout en conservant pour ces secteurs la possibilité de les gérer indifféremment par des établissements de statut public ou privé. Par ailleurs, il a rappelé que le traité signé à Nice le 26 février 2001 avait modifié l'article 133 du traité instituant la Communauté européenne, rédigeant ainsi le début du deuxième alinéa du paragraphe 6 : « A cet égard, par dérogation au paragraphe 5, premier alinéa, les accords dans le domaine du commerce des services culturels et audiovisuels, des services d'éducation, ainsi que des services sociaux et de santé humaine relèvent de la compétence partagée entre la Communauté et ses Etats membres. Dès lors, leur négociation requiert, outre une décision communautaire prise conformément aux dispositions pertinentes de l'article 300, le commun accord des Etats membres. ». Il en a déduit que, la Commission ne pouvant avoir sur les sujets en question une position divergente de celle de l'ensemble des Etats membres, la procédure de contrôle prévue par la proposition de résolution était inutile. Il a donc estimé qu'il convenait effectivement de rejeter la proposition de résolution.

Mme Perrin-Gaillard, intervenant au nom du groupe socialiste, s'est déclarée en désaccord avec les arguments fournis par le rapporteur, ainsi d'ailleurs qu'avec ceux donnés par le ministre lors de la séance de questions au Gouvernement dans l'après-midi. Elle a précisé que ce désaccord concernait aussi bien la forme que le fond. S'agissant de la forme, elle a jugé que le Gouvernement ne faisait guère preuve de transparence quant à la façon dont il abordait la négociation sur les services à l'OMC, la lettre envoyée par M. Pascal Lamy n'ayant par ailleurs guère contribué à lever cette impression d'opacité. S'agissant du fond, elle a indiqué qu'il était exact que certains services publics étaient exclus du champ de l'Accord général sur le commerce des services (AGCS), mais que l'article premier, paragraphe 3, alinéa C de cet accord définissait ces services publics, appelés les « services fournis dans l'exercice du pouvoir gouvernemental », comme « tout service qui n'est fourni ni sur une base commerciale, ni en concurrence avec un ou plusieurs fournisseurs de services ». Elle a estimé que cette définition était problématique, car elle ne comprenait pas les secteurs de la santé et de l'éducation, où coexistent offre privée et offre publique, et faisait peser du même coup, à terme, une forte menace de privatisation sur ces secteurs. Elle a ensuite dénoncé l'oubli, dans l'argumentation du rapporteur, de la situation des services publics privatisés au Royaume-Uni, et a contesté qu'une stabilité des prix des services postaux pendant dix ans aux Pays-Bas fût en soi la garantie d'une stabilité de même durée en France. Enfin, elle a souligné l'incohérence de la position de la Commission européenne, qui défendrait l'exclusion des services publics du champ de la négociation pour ses Etats membres, alors qu'elle a réclamé la libéralisation de services publics dans vingt-neuf pays tiers. En conclusion, elle a annoncé qu'elle voterait la proposition de résolution, afin qu'un moratoire puisse être obtenu sur les négociations de libéralisation des services. Elle a en effet estimé qu'un tel moratoire pourrait être mis à profit pour obtenir des explications plus précises sur les limites dans lesquelles ces négociations seraient contenues.

M. Daniel Paul, après avoir annoncé qu'il voterait pour la proposition de résolution, a déploré le plaidoyer du rapporteur en faveur de l'ouverture des marchés de services. Il a noté que ce dernier n'avait d'ailleurs évoqué que l'ouverture des marchés étrangers et non celle du marché domestique, en faisant valoir les profits qu'en retireraient les entreprises françaises. Ayant regretté qu'après la libéralisation de services marchands, les services publics eux-mêmes soient désormais concernés, il s'est inquiété des pressions probables auxquelles pourraient être soumis certains pays en difficulté, comme les pays en voie de développement mais aussi l'Argentine ; il a notamment craint que des institutions telles que la Banque mondiale ou le Fonds monétaire international n'accordent des aides à de tels pays qu'en échange de l'ouverture de leurs marchés de services. Jugeant que l'Europe pourrait difficilement refuser d'ouvrir ses marchés de services publics alors qu'elle plaide en faveur d'un tel processus dans les autres pays, il a déploré que les parlements nationaux n'aient aucune information sur les négociations en cours et les services susceptibles d'être soumis à concurrence. Il a fait part de son inquiétude quant à une éventuelle ouverture, à moyen terme, des marchés de l'éducation et de la santé, dans lesquels sont déjà présents des intervenants privés.

Notant que le rapporteur avait dressé un bilan positif de l'ouverture des marchés, même en Grande-Bretagne, il a jugé qu'il conviendrait d'examiner de plus près les résultats de cette libéralisation, notamment dans le domaine de l'énergie, pourtant présenté comme performant, ou encore dans le domaine ferroviaire. Il a donc insisté sur la nécessité de faire le point, secteur par secteur, sur le résultat des accords existants avant d'aller plus loin et a soutenu la proposition de M. Jean-Claude Lefort d'instaurer un moratoire avant toute prise de décision lors des négociations.

Puis, M. François Brottes s'est déclaré déçu par les propos du rapporteur, qu'il a jugés hors sujet. Il a en effet estimé que la proposition de résolution visait seulement à renforcer la concertation et la transparence des négociations afin d'étudier leur impact sur les services publics, et non à mettre en cause le commerce extérieur, dont dépend un quart des emplois français. Relevant que le rapporteur avait précisé que les secteurs de l'éducation et de la santé n'étaient pas visés par les négociations, il a souligné que le champ des services public, bien plus large, couvrait également l'énergie, les transports, la sécurité ou encore la justice. Il a en outre observé que, dans un cadre totalement libéralisé, l'absence de marché sur certains territoires tels que certaines zones de montagne pouvait aboutir à la disparition des services. Par ailleurs, notant que le rapporteur avait évoqué la question de l'audiovisuel, il a estimé que ces propos étaient lénifiants, le réel problème de ce secteur résidant non dans la diffusion mais dans la création, aujourd'hui largement assurée par les Etats-Unis. Il s'est également étonné que le rapporteur ait mentionné la baisse des prix moyens en situation de concurrence, notion selon lui peu pertinente car elle recouvre deux tendances opposées : une baisse des prix en zones urbaines et une augmentation en zones rurales. Il a en outre souligné que l'ouverture du secteur des télécommunications en France s'était certes traduite par une baisse des prix à court terme mais a noté qu'avait pu être observée, dans un second temps, une augmentation des tarifs pratiqués.

En conclusion, après avoir souligné que la proposition de résolution n'avait nullement pour objet d'opposer économie ouverte et économie fermée, il a déclaré la soutenir pleinement et a regretté que le rapporteur n'ait pas présenté d'arguments plus précis à l'encontre d'une interpellation des instances communautaires par le Parlement.

En réponse aux différents intervenants, M. Frédéric Soulier, rapporteur, s'est étonné des propos de M. François Brottes et a rappelé que le précédent gouvernement n'avait jamais souhaité modifier le mandat donné en 1999 à la Commission européenne pour ces négociations. Il a par ailleurs estimé que le rapport qu'il avait présenté avait mis en évidence l'absence de menaces pesant sur les services publics, ce qui répondait à l'inquiétude sous-tendant la proposition de résolution.

La Commission est ensuite passée à l'examen de l'article unique de la proposition de résolution.

· Article unique

La Commission a d'abord examiné un amendement présenté par M. Yves Cochet ayant pour objet de prescrire la publication par l'Union européenne d'un rapport évaluant les conséquences environnementales de l'application de 1'AGCS.

M. Yves Cochet a précisé que son amendement visait à compléter l'initiative de M. Jean-Claude Lefort en y adjoignant un troisième alinéa, ayant pour objet de demander à l'Union européenne un rapport sur les conséquences de l'application de l'AGCS en matière de développement durable. Il a estimé que cet objet était conforme à la vigilance demandée récemment par le Président de la République, ainsi qu'aux objectifs fixés en 1992 au sommet de Rio, avant même la création de l'OMC. Par ailleurs, il a ajouté que le sommet de Johannesburg avait récemment confirmé la dégradation générale, en l'espace de dix ans, de la protection de l'environnement sur l'ensemble de la planète.

Il a enfin jugé que la relation, existant dans certains pays, entre la libéralisation des services et la faible promotion du développement durable impliquait qu'il soit procédé, avant toute nouvelle vague de libéralisation, à une évaluation de l'impact social et environnemental des mesures mises en oeuvres par le biais de l'OMC depuis 1995.

Après que M. Frédéric Soulier, rapporteur, ait émis un avis défavorable sur cet amendement, par cohérence avec sa position à l'égard de l'ensemble de la proposition de résolution, la Commission a rejeté l'amendement de M. Yves Cochet.

Conformément aux conclusions de M. Frédéric Soulier, rapporteur, elle a ensuite rejeté la proposition de résolution de M. Jean-Claude Lefort (n° 243).

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N° 0529 - Rapport sur la proposition de résolution  sur l'approche de l'Union européenne en vue du « cycle du développement » à l'Organisation mondiale du commerce (M. Frédéric Soulier)


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