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le 17 mars 2003

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N° 687

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 mars 2003.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 526) de M. Dominique PAILLÉ,
tendant à la création d'une commission d'enquête concernant les pratiques frauduleuses
dans l'attribution des pensions d'invalidité et les dysfonctionnements
du
Service de santé des armées,

PAR M. Christian MÉNARD,

Député.

--

Défense.

S O M M A I R E

_____

Pages

INTRODUCTION 4

I. -  SUR LA RECEVABILITÉ DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION 5

II. - SUR L'OPPORTUNITÉ DE LA CRÉATION D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE 6

1. LE DIAGNOSTIC PRÉOCCUPANT D'UN MALADE DÉJÀ AUSCULTÉ 6

2. DES CONTRÔLES EXISTANTS ET MIS EN œUVRE 9

3. UNE PROPOSITION INADAPTÉE 11

TRAVAUX DE LA COMMISSION 13

INTRODUCTION

Le 15 janvier 2003, M. Dominique Paillé a déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale une proposition de résolution (n°526) tendant à la création d'une commission d'enquête sur les pratiques frauduleuses et les dysfonctionnements du service de santé des armées (SSA).

Cette commission devrait établir une transparence totale sur les conditions d'octroi des pensions d'invalidité pour accident du travail, des congés statutaires et des retraites anticipées pour invalidité par le SSA et, d'une façon plus générale, évaluer les dysfonctionnements de ce service et en proposer une réforme profonde. Ces pratiques douteuses, fondées sur des certificats médicaux de complaisance établis en échange de faveurs financées sur des fonds publics, ne seraient que les symptômes d'un mal plus profond, l'organisation même du SSA et ses déficiences ayant rendu possible ce genre de malversations.

L'auteur, qui a déjà déposé sans succès le 15 juillet 2000 une première proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur le contrôle des modalités d'attribution des pensions d'invalidité, sans viser alors le SSA, se fait l'écho de dysfonctionnements constatés à l'hôpital d'instruction des armées Laveran de Marseille. Il s'appuie également sur l'affaire Adam, concernant un médecin militaire démissionnaire poursuivi pour désertion, reprise avec d'autres témoignages dans un livre qu'il a co-rédigé avec deux médecins militaires, « Le service de santé des armées : la face cachée ».

En application de l'article 140 du Règlement, il revient à la commission saisie de se prononcer sur la recevabilité et sur l'opportunité de la constitution de cette commission d'enquête.

I. -  SUR LA RECEVABILITÉ DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION

La recevabilité des propositions de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête s'apprécie au regard des dispositions de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et des articles 140 et 141 du Règlement de l'Assemblée nationale.

La première exigence posée par ces textes est relative à la définition précise, soit des faits qui donnent lieu à enquête, soit des services publics ou des entreprises nationales dont la commission doit examiner la gestion. En l'occurrence, le champ d'investigation de cette proposition apparaît suffisamment précis, cette première condition de recevabilité étant remplie à double titre. En effet, sont visés à la fois des faits très précis, les conditions d'octroi de pensions d'invalidité par le service de santé des armées, et le fonctionnement général d'un service du ministère de la défense qui, outre sa mission prioritaire de soutien sanitaire des forces, concourt au service public hospitalier.

La seconde condition de recevabilité concerne la mise en œuvre du principe de séparation des pouvoirs législatif et judiciaire et interdit à l'Assemblée nationale d'enquêter sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires, aussi longtemps que ces poursuites sont en cours. Or, curieusement, oubliant ce principe constitutionnel, l'auteur de la proposition de résolution fait référence à des procédures judiciaires en cours dans son exposé des motifs. Reprenant la réponse à sa question écrite n°68757, il indique ainsi qu'une procédure pour trafic d'influence est toujours en cours concernant les pratiques douteuses de l'hôpital Laveran. Il cite également le recours déposé devant la Cour européenne des droits de l'homme par M. Christophe Adam. En tout cas, par lettre en date du 17 février 2003, le garde des sceaux a fait savoir qu'au moins une information judiciaire était actuellement en cours au tribunal de grande instance de Marseille sur des faits ayant motivé le dépôt de cette proposition.

Dans ces conditions, la proposition de résolution est manifestement irrecevable.

II. - SUR L'OPPORTUNITÉ DE LA CRÉATION D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE

Ne souhaitant pas toutefois proposer le rejet de cette proposition de résolution seulement pour des raisons de recevabilité, le rapporteur estime nécessaire de préciser pourquoi il ne lui semble en tout état de cause pas opportun de créer une commission d'enquête sur les dysfonctionnements du service de santé.

1. LE DIAGNOSTIC PRÉOCCUPANT D'UN MALADE DÉJÀ AUSCULTÉ

L'auteur de la proposition de résolution propose « d'ouvrir une enquête sur le fonctionnement du service de santé des armées et de proposer une réforme profonde de ce dernier ». Or, c'est bien cette analyse poussée qui a été menée par la mission d'information sur le service de santé des armées, dont le rapport (1) a été présenté devant la commission le 29 octobre 2002.

Service interarmées, le SSA joue un rôle essentiel dans la capacité de projection de nos forces, grâce à la mise en œuvre d'un soutien médical et chirurgical au plus près des combattants. Ayant dû faire face à la fois à la professionnalisation et à la réforme générale de la santé publique, il a été profondément réorganisé avec la fermeture de la moitié de son dispositif hospitalier. Dans un contexte de multiplication des opérations extérieures et de décroissance de la population médicale française, il doit faire face, en dépit de moyens budgétaires convenables, à une érosion de ses effectifs qui se répercute logiquement sur son activité.

L'auteur de la proposition de résolution s'interroge sur les 304 postes de médecins vacants au sein du service de santé des armées au 1er juin 2002. Les raisons de ce sous-effectif, non anticipé, sont pourtant connues et mises en avant par le rapport d'information :

- la diminution de moitié des recrutements imposée au service de 1982 à 1996, en raison de l'existence d'un sureffectif conjoncturel ;

- l'allongement de la durée des études médicales de 14 à 18 semestres ;

- la professionnalisation qui, en raison de la perte de l'apport considérable des appelés pourvus d'une formation médicale, a conduit à la création de 126 postes budgétaires à pourvoir ;

- une accélération des départs depuis 1999 (5,6 % en 2000, 7,4 % en 2001), due à la fois à des facteurs endogènes (vieillissement du corps et départ à la retraite de promotions nombreuses) et exogènes (opportunités plus nombreuses pour entreprendre une seconde carrière dans le secteur civil liées à la démographie médicale actuelle). Un médecin des armées peut en effet obtenir la jouissance immédiate de sa retraite au bout de 25 ans de services, durée de ses études comprise, et ne doit à l'Etat que dix ans de services à l'issue de ses études. Dans ces conditions, les démissions ne sont pas rares.

Il est certain que ces départs anticipés ne sont pas étrangers à une dégradation des conditions de travail des médecins des armées, qui assurent depuis la disparition des appelés l'essentiel des gardes et des permanences, malgré le recours récent à des vacataires civils dans les hôpitaux d'instruction des armées (HIA). Gardes qui, de surcroît, n'ont longtemps pas été rémunérées et ne le sont que partiellement depuis 2001 sous la forme d'une indemnité forfaitaire. De plus, la pénurie d'effectifs, conjuguée à la multiplication des opérations extérieures, ne manque pas de créer des situations tendues dans la gestion des ressources humaines, notamment à l'occasion des mutations.

Consciente de ce malaise, la direction centrale du service de santé des armées a d'ailleurs pris l'initiative de lancer dès la fin 2001 et jusqu'en mars 2002 une convention du service, vaste consultation qui a donné lieu à un plan d'action, issu des propositions de 45 groupes de réflexion, auxquels ont participé massivement des personnels de toutes les catégories. Tous les six mois, un bilan sera établi par la direction centrale sur l'état d'avancement des projets.

En vue de limiter les départs, un plan de fidélisation a en outre été mis en place en 2001 et poursuivi en 2002 et 2003 : amélioration de l'avancement au grade de médecin principal en début de carrière, revalorisation des primes spéciale et de qualification des officiers du SSA, repyramidage planifié de 2003 à 2005 en vue d'améliorer l'avancement en fin de carrière et notamment l'accès au grade de médecin en chef hors échelle (lettre A) pour les généralistes. L'amélioration de l'avancement des généralistes en fin de carrière doit notamment être une priorité, car le déficit actuel se concentre principalement au sein des forces. Il est encore trop tôt pour mesurer l'impact de ces mesures, même si la tendance au départ a semblé légèrement s'infléchir en 2002.

En raison de la durée des études médicales, le déficit évoqué devrait néanmoins continuer à se creuser, dans l'attente des effets du renforcement du recrutement initial opéré dès 1997, et pourrait atteindre, à conditions inchangées, les 500 postes en 2007. Le succès du concours d'entrée aux écoles du SSA n'est pas en cause et le taux d'attrition en cours de scolarité devrait être réduit, avec la mise en place du numerus clausus flottant en 2001 et la parution récente du décret ramenant le délai de réflexion des élèves de 2 ans à 6 mois.

Crucial pour la réussite de la transition vers un service entièrement professionnalisé, le recrutement complémentaire de médecins déjà diplômés a donné des résultats décevants. On observe cependant un léger frémissement pour les recrutements sous contrat, à la suite d'une politique de communication menée auprès du conseil de l'ordre, des universités et de revues médicales. Le SSA ne pourra cependant faire l'économie d'une réflexion sur l'aménagement des conditions de rémunération et de limite d'âge de ces contrats.

Ne se limitant pas aux seuls médecins, le rapport d'information a également examiné la situation, elle aussi préoccupante, d'autres officiers du SSA et des personnels paramédicaux et civils. S'agissant du corps récent des chirurgiens-dentistes, il s'est prononcé clairement en faveur d'un recrutement élargi qui ne se limite pas à l'intégration des anciens officiers de réserve servant en situation d'activité (ORSA) et au reclassement interne des élèves échouant au concours de médecine, mais reçus en dentaire. Le rapport fait également le point sur les mesures prises récemment par le SSA en réaction à la diminution des candidatures à l'engagement sous statut MITHA (militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées) et à l'augmentation des départs : décentralisation du recrutement, garantie d'une stabilité d'affectation de cinq ans pour les nouveaux candidats, pré-recrutement dès la troisième année d'études en institut de formation en soins infirmiers. La transposition des mesures Kouchner de la fonction publique hospitalière permettra également de fidéliser ces personnels. Ces mesures semblent encourageantes, car les emplois budgétaires étaient réalisés à 96 % au 1er juillet 2002. L'effort de recrutement engagé en 2002 et poursuivi par la loi de programmation militaire en 2003 et 2004 devrait permettre de renforcer le taux d'encadrement au lit du malade. Cependant, le rapport déplore l'absence de rétribution des gardes de nuit des MITHA, question essentielle pour un corps très largement féminisé et chargé de famille, et l'absence d'un statut unifié pour l'ensemble des paramédicaux au sein des armées et du SSA. Cette étanchéité des statuts empêche ainsi le recrutement par le SSA avec reprise de leur ancienneté des infirmiers des forces, à l'issue de leur engagement avec leur armée d'appartenance. Il convient en outre d'évoluer vers une meilleure reconnaissance des qualifications particulières ou des responsabilités parfois tenues par des paramédicaux, en leur facilitant l'accès au statut d'officier. La résorption du déficit en personnel civil (817 postes en 2002) se heurte quant à elle aux contraintes liées au recrutement d'ouvriers et de fonctionnaires, à la pénurie démographique de certaines professions et à un défaut d'attractivité par rapport au secteur libéral. L'acceptation des postes devrait néanmoins être facilitée à l'avenir par un recrutement déconcentré et le SSA envisage la réintégration de masseurs-kinésithérapeutes sous statut militaire, plus adéquat et répondant aux besoins des forces, suggérée par le rapport d'information.

Les répercussions sur le fonctionnement du service de cette pénurie de personnel sont très fortes : réduction d'activité, fermeture de lits, voire de services, dans les HIA. A partir de ce constat, le rapport d'information a analysé les moyens permettant d'améliorer la gestion des ressources et leurs limites : recours accru à la réserve, mutualisation des services médicaux d'unité, développement de la coopération dans le cadre de l'Europe de la défense, notamment à travers la mise en oeuvre d'alertes alternatives.

Pour l'auteur de la proposition de résolution, une réforme du SSA s'impose, en vue de parvenir « à une restructuration d'une partie des hôpitaux militaires » et de « concentrer les effectifs sur les terrains de conflit ». Le rapport d'information a souligné les dangers d'une telle restructuration, sous la forme d'hôpitaux mixtes ou d'un recours à l'externalisation. L'intégration de médecins des armées dans les hôpitaux civils en vue d'alléger le dispositif de soins militaires n'est pas envisageable, car elle n'offre aucune garantie de réactivité pour la mise à disposition des personnels lors des départs en opérations extérieures ni de continuité du service public hospitalier pour la clientèle civile. En outre, elle ne pourrait que conduire à un affaiblissement de la culture militaire et accélérer les départs vers le secteur civil, en raison de la facilité des comparaisons et des « démarchages ». Le Royaume-Uni qui a fait le choix d'un recours exclusif au secteur hospitalier civil, est devenu dépendant de ses alliés en matière de soutien sanitaire et le recentrage de son service de santé des armées au sein des forces n'a pas permis d'éviter un déficit global en médecins de 63 %, sans dimension commune à celui constaté en France.

Pour autant, ne doit pas être perdu de vue l'objectif premier des hôpitaux militaires en temps de paix, qui est de maintenir un vivier de compétences en vue des missions au profit des forces sur les théâtres d'opérations extérieures. Le rapport d'information a donc mis en garde le SSA contre toute séparation accrue entre hospitaliers et médecins généralistes des forces, induite par l'actuelle réforme des études médicales. En particulier, la suppression des trois ans passés en unités suscite de graves interrogations quant à la culture militaire des futurs spécialistes, leur capacité à effectuer des tâches d'aptitude en dernier ressort et surtout leur bonne intégration dans les formations sanitaires de campagne. Creusant le fossé entre médecins d'unités et hospitaliers, la création de fait de deux filières distinctes dès l'origine ne donne aucune garantie sur la clé de répartition entre généralistes et spécialistes. Qu'adviendra-t-il si la filière généraliste est boudée par les élèves au profit des spécialités hospitalières, jugées plus « nobles » selon un modèle emprunté au secteur civil ? Le soutien des forces doit rester la raison d'être du SSA. Dans le même état d'esprit, il est suggéré de systématiser dans un souci de formation continue les gardes dans les HIA, et notamment dans leurs services d'urgences, pour les engagés volontaires de l'armée de terre (EVAT) titulaires du certificat pratique de brancardier secouriste et les paramédicaux des forces.

Si une restructuration des hôpitaux ne paraît pas envisageable, il est en revanche souhaitable de développer une coopération plus importante avec les acteurs du système de santé publique. Cette dernière, insuffisamment explorée malgré l'existence du décret n°74-431 du 14 mai 1974 fixant les conditions de la coopération du SSA et du service public hospitalier, pourrait prendre un nouvel essor avec les décrets d'application de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 dite de modernisation sociale.Un premier pas dans la mise en œuvre de cette proposition va être engagé dès cette année, car, comme l'indique la ministre de la défense dans sa réponse à la question écrite n° 8187 de M. André Berthol, les projets de textes réglementaires fixant les conditions de prise en charge financière des internes civils par le SSA sont en cours d'examen et leur publication devrait permettre d'accueillir dès 2003 en stage de formation 45 internes et résidents, 90 étudiants hospitaliers en médecine, 6 étudiants en pharmacie et 4 étudiants en odontologie. De même, un décret d'application de la loi du 17 janvier 2002 actuellement à l'étude pourrait prévoir la possibilité de détacher de façon plus durable des personnels de la fonction publique hospitalière auprès des HIA.

2. DES CONTRÔLES EXISTANTS ET MIS EN œUVRE

L'auteur de la proposition de résolution s'insurge contre l'absence d'une instance de contrôle qui ne soit pas à la fois juge et partie. S'il est vrai que l'instance morale du service de santé est représentée par un médecin, l'inspecteur général du service de santé des armées, qui préside notamment le conseil de déontologie médicale des armées, ce dernier est subordonné directement au ministre de la défense et non à la direction centrale. Par ailleurs, à l'occasion de la mise en place du mécanisme de financement par dotation globale des hôpitaux militaires, le ministre de la défense a nommé en 2001 auprès du directeur central du SSA un délégué financier, inspecteur des finances, chargé de l'application des exigences de la comptabilité publique à l'activité spécifique du service. De plus, depuis 2001, les HIA sont soumis, comme leurs homologues des secteurs public et privé, à la procédure d'accréditation par l'agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé. Le ministère de la défense envisage d'ailleurs d'élargir prochainement cette démarche aux services médicaux des unités.

Le fait même que des procédures judiciaires aient été mises en œuvre prouve l'existence de recours possibles, qu'il s'agisse du juge pénal, des juridictions financières ou des juridictions administratives, ou même du tribunal aux armées de Paris pour les infractions commises par des militaires opérant hors du territoire français.

S'agissant de décisions individuelles, les voies de recours sont les mêmes que pour tout personnel militaire : recours hiérarchique, saisine de l'inspecteur général, recours devant un tribunal administratif. Les tribunaux administratifs sont notamment compétents pour se prononcer sur les problèmes de mutations et de sanctions déguisées. Une procédure judiciaire présente, certes, un caractère lourd pour ne pas dire traumatisant, pour un militaire, qui peut craindre des répercussions durables pour son avancement. C'est pourquoi, un rapport d'information présenté à la commission au cours de la précédente législature avait envisagé l'instauration d'un médiateur du personnel militaire, qui aurait la nature d'une autorité administrative indépendante (2).

Le service de santé a également fait l'objet d'un contrôle approfondi de la part de la Cour des comptes pendant près de deux ans. La participation des hôpitaux militaires à l'offre de soins de l'ensemble du secteur sanitaire public a ainsi donné lieu à une insertion au rapport public 2002 sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale. L'exercice par le service de santé des armées de ses missions régaliennes a quant à lui fait l'objet d'observations dans le rapport public 2002, qui viennent conforter le constat du rapport d'information et compléter ses conclusions.

Sur un plan financier, la Cour des comptes émet notamment des réserves sur l'absence d'un système comptable unifié dans les hôpitaux militaires, capable de donner à la fois une image synthétique de l'activité dite « à charge » rattachée aux missions régaliennes du SSA et de l'activité « remboursable » financée par dotation globale, compatible avec les procédures utilisées dans le secteur civil de la santé. Remarquant l'existence de procédures dérogatoires aux règles de la comptabilité publique, utilisées notamment au centre hospitalier Bouffard à Djibouti, elle met également en avant la nécessité de les réformer afin d'améliorer le recouvrement de certaines créances. Plus généralement, l'efficacité du SSA diminue, car, si son activité baisse significativement, ses charges restent identiques. Sur un plan organisationnel, la Cour suggère un redéploiement au sein des unités opérationnelles des médecins affectés à des postes de gestion, soit 10 % du corps, un regroupement des écoles sur le site de Lyon et l'adoption d'une logique de chaîne de service qui redonnerait au service l'entière responsabilité des affectations. Relevant des dysfonctionnements dans la passation des marchés et la gestion des stocks de l'approvisionnement, elle suggère enfin l'externalisation du ravitaillement sanitaire. Tout en écartant cette réforme radicale, le SSA a lancé à l'automne 2002 un audit, afin d'achever la rationalisation de ce dispositif.

3. UNE PROPOSITION INADAPTÉE

Sauf à ne pas tenir compte des travaux et propositions de la Cour, il est donc urgent d'attendre les suites données à ses recommandations, qui ne manqueront pas d'être mentionnées dans un prochain rapport. Il en va de même de la mise en œuvre des conclusions du rapport d'information présenté par la commission.

En outre, comme il a été indiqué ci-dessus, le service de santé traverse actuellement une phase de transition, ses efforts de recrutement ne pouvant, en raison de la durée des études médicales, se concrétiser qu'à l'horizon 2008-2009. Bon nombre de mesures mises en places sont encore trop récentes pour en mesurer valablement l'impact : plan de fidélisation des médecins, politique de communication menée pour le recrutement de médecins sous contrat. D'autres ne sont encore qu'en passe d'être adoptées ou réalisées : plan d'action issu de la convention, regroupement des directions régionales dans un cadre interarmées en 2005, décentralisation du recrutement du personnel civil, décrets d'application de la loi de modernisation sociale...

Il revient au Parlement de se prononcer chaque année, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances, sur les crédits budgétaires du service de santé des armées. C'est dans ce cadre qu'il appartiendra au rapporteur pour avis des crédits des services communs du ministère de la défense de réaliser un suivi des propositions de réformes formulées par le rapport d'information de notre commission et par la Cour des comptes. De même, la participation du service de santé au service public hospitalier, qui se formalise désormais par un financement sous forme de dotation globale des dépenses des HIA prises en compte dans l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, doit retenir l'attention des rapporteurs du projet de loi de financement de la sécurité sociale. En revanche, les investigations menées par une commission d'enquête ne pourraient quant à elles avoir qu'un caractère ponctuel.

Enfin, une telle démarche, qui pourrait discréditer durablement cet élément essentiel de la capacité de projection de nos forces, n'est sans doute pas le meilleur moyen pour enrayer l'érosion de ses effectifs et susciter de nouvelles vocations.

Au bénéfice de l'ensemble de ces observations, le rapporteur conclut au rejet de la proposition de résolution n°526 .

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission de la défense nationale et des forces armées a examiné la présente proposition de résolution au cours de sa réunion du mercredi 12 mars 2003.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

Le président Guy Teissier a estimé que, dans la mesure où le service de santé des armées rencontrait actuellement de graves difficultés et n'avait pas achevé sa mutation, la création d'une commission d'enquête parlementaire serait particulièrement inopportune.

Les faits de nature délictueuse concernant l'hôpital Laveran de Marseille, évoqués par M. Dominique Paillé, sont de notoriété publique : des pensions d'invalidité auraient été octroyées un peu trop facilement et à des taux surévalués sur la base de certificats médicaux de complaisance. La justice en est saisie et dès lors, le Parlement ne saurait intervenir. Par ailleurs, le rapport d'information présenté cet automne par M.Christian Ménard fait apparaître que si le service de santé des armées connaît des difficultés, liées notamment à la professionnalisation des armées et aux tentations plus fortes d'entreprendre une carrière dans le secteur civil, en raison de la baisse de la densité médicale en France, les mesures à prendre sont d'une autre nature que celles proposées par la proposition de résolution. Le fait que les emplois budgétaires de militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées (MITHA) soient désormais pourvus à 96 % montre que le redressement est en cours.

Ces constatations n'empêchent pas la prise d'initiatives par la commission de la défense ; ainsi, dans le cadre de la réforme du statut général des militaires, pourraient être étudiées à la demande de la commission les possibilités d'accès aux grades d'officiers subalternes pour les paramédicaux des forces en fin de carrière. En tout état de cause, le statut militaire des personnels intervenant dans le soutien sanitaire de nos forces doit être conservé. Le Royaume-Uni, qui a fermé la totalité de ses hôpitaux militaires et largement externalisé son service de santé des armées, est aujourd'hui dépendant de ses alliés pour son soutien sanitaire en opérations extérieures. La proposition d'intégrer des personnels médicaux militaires au sein des services hospitaliers civils n'est donc pas bonne, il faut au contraire ouvrir les hôpitaux militaires aux civils.

M. Charles Cova a précisé que la proposition d'instituer un médiateur formulée dans le rapport d'information qu'il avait présenté avec M. Bernard Grasset ne concernait pas le seul service de santé des armées, mais l'ensemble des armées. Il s'agissait de créer, pour le personnel militaire, une institution du même type que le médiateur de la République, confiée à une personne extérieure aux armées, chargée d'étudier les litiges individuels de façon neutre, et de proposer au ministre des solutions, voire des réformes. Cette proposition, qui a suscité une hostilité très vive des inspecteurs généraux des armées, a finalement été rejetée par le ministre de la défense.

Au demeurant le service de santé des armées souffre déjà de façon considérable de l'affaire de Marseille et il ne serait pas opportun d'y ajouter la création d'une commission d'enquête parlementaire.

Le président Guy Teissier a ajouté que la Cour des comptes, dans son rapport public pour 2002, avait consacré une analyse approfondie au service de santé des armées et qu'une commission d'enquête serait donc redondante.

M. Pierre Lang a fait valoir qu'une comparaison entre les situations britannique et française n'était pas pertinente, dans la mesure où les densités médicales ne sont pas comparables. Alors que les médecins représentent 3,3 0/00 de la population française, ils ne représentent qu' 1,8 0/00 de la population britannique.

Le rapporteur a fait observer que la situation du service de santé britannique, avec 63 % de postes vacants, était dramatique. Lors d'une rencontre avec Lord Jenkin, le Secrétaire d'Etat à la Défense du cabinet fantôme, qui s'enquérait auprès de lui de remèdes possibles à ce déficit, il avait répondu que le premier devrait consister à soigner le secteur médical civil. Cette situation souligne les dangers de s'appuyer exclusivement sur un secteur civil, qui peut lui-même être défaillant.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a rejeté la proposition de résolution.

N° 0687 - Rapport sur la proposition de résolution  créant une commission d'enquête sur les pratiques frauduleuses dans l'attribution des pensions d'invalidité des armées (M. Christian Ménard)

1 () « Le service de santé des armées : une décennie de transition », par M.  Christian Ménard, (n° 335).

2 () « La professionnalisation des armées : espoirs et inquiétudes des personnels » par MM. Charles Cova et Bernard Grasset (n° 2490, XIème législature).


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