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le  20 mai 2003

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N° 856

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 mai 2003.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (N° 784), portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

PAR M. Jean-Luc WARSMANN,

Député.

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TOME I : RAPPORT

(2ème partie)

Droit pénal.

1ère partie du rapport

2ème partie du rapport

Chapitre III Dispositions renforçant la lutte contre les infractions en matière économique et financière, de santé publique ou de pollution maritime 9

I. - LA SPÉCIALISATION, RÉPONSE À L'ADAPTATION DES STRUCTURES JUDICIAIRES AUX NOUVELLES FORMES DE CRIMINALITÉ 9

A. LA NOTION DE PÔLE SPÉCIALISÉ : DERRIÈRE UN LABEL UNIFICATEUR, UNE RÉALITÉ DIVERSIFIÉE 11

B. DES PÔLES SPÉCIALISÉS INSUFFISAMMENT UTILISÉS COMME VECTEURS D'EFFICACITÉ ET DE MODERNISATION DE L'INSTITUTION JUDICIAIRE 12

II. - LA NÉCESSAIRE RELANCE DE LA JUSTICE SPÉCIALISÉE : LE PROJET DE LOI OU LE CHOIX DE LA COHÉRENCE 13

A. UNE APPROCHE GLOBALE DE LA SPÉCIALISATION 13

B. UNE JUSTICE SPÉCIALISÉE RENFORCÉE 14

Section 1 Dispositions relatives aux infractions en matière économique et financière 16

Article 7 (art. 704, 705-1 et 705-2 [nouveaux], 706 et 706-1 du code de procédure pénale) Des pôles spécialisés en matière économique et financière 16

Article 704 du code de procédure pénale Extension de la compétence des juridictions spécialisées en matière économique et financière 17

Article 705-1 et 705-2 [nouveaux] du code de procédure pénale Procédure de dessaisissement du juge non spécialisé au profit des juridictions spécialisées en matière économique et financière 20

Article 706 du code de procédure pénale Fonctions et attributions des assistants spécialisés 21

Article 706-1 du code de procédure pénale Procédure de dessaisissement au profit du tribunal de grande instance de Paris 27

Section 2 Dispositions relatives aux infractions en matière de santé publique 29

Article 8 (art. 706-2 du code de procédure pénale) De la compétence et des moyens dévolus aux juridictions spécialisées en matière de santé publique 30

Section 3 Dispositions relatives aux infractions en matière de pollution des eaux maritimes par rejets des navires 32

I. - LA PÉNALISATION DU DROIT DE L'ENVIRONNEMENT : UN DÉBAT RÉCENT... 32

A. CRIMINALISER LE DROIT DE L'ENVIRONNEMENT : DES OBSTACLES NOMBREUX 32

B. L'EUROPE AUX AVANT-POSTES : L'ERIKA OU LA PRISE DE CONSCIENCE ENVIRONNEMENTALE 34

II. - LE PROJET DE LOI OU LE VOLONTARISME NATIONAL ENTRE DYNAMIQUES EUROPÉENNES ET ATTENTISME INTERNATIONAL 36

A. LES CONSÉQUENCES DE LA CATASTROPHE DU PRESTIGE : VERS UN DROIT PÉNAL EUROPÉEN DE L'ENVIRONNEMENT 36

B. LE PROJET DE LOI : JETER LES BASES D'UNE RÉPRESSION EFFICACE DES INFRACTIONS DANS LES EAUX MARITIMES 39

Article 9 (art. 706-102, 706-103, 706-104, 706-105 et 706-106 [nouveaux] du code de procédure pénale) De la procédure applicable en cas de pollution des eaux maritimes par rejets des navires 42

Article 706-102 du code de procédure pénale Compétence des juridictions spécialisées en matière de pollution maritime 42

Article 706-103 du code de procédure pénale Compétence du tribunal de grande instance de Paris en matière de pollution maritime 46

Article 706-104 du code de procédure pénale Compétence concurrente des juridictions spécialisées en matière de pollution maritime 47

Articles 706-105 et 706-106 du code de procédure pénale Procédure de dessaisissement du juge non spécialisé au profit des juridictions spécialisées en matière de pollution maritime 48

Article 10 (art. L. 218-10, L. 218-22, L. 218-24, L. 218-25 et L. 218-29 du code de l'environnement) Aggravation de la répression des infractions en matière de pollution maritime 48

Section 4 Dispositions relatives aux infractions en matière douanière 51

Article 11 (art. 28-1 du code de procédure pénale, art. 67 bis et 343-3 du code des douanes, art. L. 235 du livre des procédures fiscales et art. L. 152-4 du code monétaire et financier) Amélioration de l'efficacité de la douane judiciaire et de la douane administrative 51

b) Aligner le régime des livraisons surveillées et contrôlées sur les procédures désormais ouvertes à la police judiciaire en matière de criminalité organisée 63

Après l'article 11 73

chapitre IV Dispositions concernant la lutte contre les discriminations 73

a) Rappels relatifs à la législation contre le racisme 73

b) Les mesures proposées 75

Section 1 Dispositions relatives à la répression des discriminations et des atteintes aux personnes ou aux biens présentant un caractère raciste 76

Article additionnel avant l'article 12 (art. 132-76 du code pénal) Définition de la circonstance aggravante de racisme 76

Articles 12 et 13 (art. 222-18-1 [nouveau], 311-4 et 312-2 du code pénal) Extension de la circonstance aggravante des infractions à caractère raciste ou discriminatoire 76

Article 14 (art. 225-2 et 432-7 du code pénal) Renforcement de la répression à l'encontre des infractions à caractère raciste ou discriminatoire 78

Article 15 (art. 2-1 du code de procédure pénale) Constitution de partie civile par certaines associations 79

Section 2 Dispositions procédurales relatives à la répression des messages racistes ou xénophobes 79

Article 16 (art. 65-3 [nouveau] de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse) Modification du délai de prescription pour les infractions à caractère raciste ou discriminatoire commises par voie de presse 79

Après l'article 16 81

TITRE II DISPOSITIONS RELATIVES A L'ACTION PUBLIQUE, AUX ENQUÊTES, A L'INSTRUCTION, AU JUGEMENT ET A L'APPLICATION DES PEINES 81

chapitre premier Dispositions relatives à l'action publique 81

Section 1 Dispositions générales 81

Article 17 (art. 30 du code de procédure pénale) Attributions du ministre de la justice en matière de politique pénale 81

Article 18 (art. 35 du code de procédure pénale) Rôle des procureurs généraux en matière de politique pénale 83

Article 19 (art. 37 du code de procédure pénale) Injonction des procureurs généraux en matière d'engagement des poursuites 84

Article additionnel après l'article 19 (art. 40 du code de procédure pénale) Information du procureur de la République des juridictions spécialisées 86

Article 20 (art. 40-3 [nouveau] du code de procédure pénale) Coordination 86

Article 21 (art. 40-1 et 40-2 [nouveaux] du code de procédure pénale) Principe de la réponse judiciaire systématique 86

Après l'article 21 88

Section 2 Dispositions relatives à la composition pénale et aux autres procédures alternatives aux poursuites 88

Article 22 (art. 41-1 du code de procédure pénale) Engagement de poursuites en cas d'échec d'une mesure alternative aux poursuites 88

Article 23 (art. 41-2 et 41-3 du code de procédure pénale) Amélioration et élargissement de la composition pénale 89

Section 3 Dispositions diverses et de coordination 92

Article additionnel avant l'article 24 (art. 706-53-1 du code de procédure pénale) Allongement du délai de prescription des infractions de nature sexuelle commises contre des mineurs 92

Article 24 (art. 2211-2 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) Rappel de certaines dispositions relatives aux échanges d'informations relatifs à des crimes ou délits entre les maires et les parquets 92

Article 25 (art. 40 du code de procédure pénale) Coordination 94

chapitre II Dispositions relatives aux enquêtes 94

a) L'enquête de flagrance 94

b) L'enquête préliminaire 96

Section 1 Dispositions concernant le dépôt de plainte, la durée ou l'objet des enquêtes 97

Avant l'article 26 97

Article 26 (art. 15-3, 53 et 74 du code de procédure pénale) Dispositions relatives au dépôt de plainte, à la durée de l'enquête de flagrance et à la procédure de recherche des causes de la mort 97

1. Le dépôt de plainte 97

2. La durée des enquêtes de flagrance 99

3. L'enquête pour recherche des causes de la mort 100

Section 2 Dispositions concernant les perquisitions et les réquisitions 100

Article 27 (art. 56 du code de procédure pénale) Présence des témoins durant les perquisitions 100

1. Les perquisitions 101

2. La mesure proposée 101

Après l'article 27 102

Article 28 (art. 60-2 et 77-1-2 [nouveaux] du code de procédure pénale) Extension des réquisitions judiciaires 102

Section 3 Dispositions relatives aux personnes convoquées, recherchées ou gardées à vue au cours de l'enquête 104

Avant l'article 29 104

Articles additionnels avant l'article 29 (art. 75-2 du code de procédure pénale) Information du procureur de la République dans le cadre d'une enquête préliminaire 105

(art. 77-3 du code de procédure pénale) Demande d'information d'une personne gardée à vue sur les suites données à la procédure 105

Article 29 (art. 62, 63-4 et 78 du code de procédure pénale) Comparution des personnes convoquées et intervention de l'avocat dans le cadre de la garde à vue 105

1. La comparution par la force publique 105

2. L'intervention de l'avocat dans le cadre de la garde à vue 107

Après l'article 29 108

Articles additionnels après l'article 29 (art. 77 du code de procédure pénale) Information du procureur de la République lors du placement en garde à vue 108

(art. 63 et 77 du code de procédure pénale) Légalisation de la rétention de la personne dont la garde à vue est achevée mais qui doit être présentée à un magistrat 109

(art. 63-1 du code de procédure pénale) Notification des droits à la personne gardée à vue 109

(art. 63-4 du code de procédure pénale) Modalités d'intervention de l'avocat dans le cadre de la garde à vue 109

Article 30 (art. 70 et 77-4 du code de procédure pénale) Mise en place du mandat de recherche 109

Après l'article 30 111

Article 31 (art. 74-2 du code de procédure pénale) Recherche des personnes en fuite 111

Après l'article 31 113

3ème partie du rapport

1ère partie du rapport

Chapitre III

Dispositions renforçant la lutte contre les infractions en matière économique
et financière, de santé publique ou de pollution maritime

En cohérence avec les règles procédurales régissant les nouvelles juridictions spécialisées en matière de grande criminalité, le présent chapitre unifie les règles procédurales qui s'appliquent aux pôles d'ores et déjà créés, en matière économique et financière (article 7), de santé publique (article 8) et de pollution maritime (articles 9 et 10). Le dernier article de ce chapitre concerne les infractions douanières (article 11).

I. - LA SPÉCIALISATION, RÉPONSE À L'ADAPTATION DES STRUCTURES JUDICIAIRES AUX NOUVELLES FORMES DE CRIMINALITÉ

Les juridictions spécialisées ne sont pas une nouveauté dans l'organisation judiciaire française : la carte judiciaire est ainsi couverte de juridictions à la compétence exclusive et à l'organisation originale, telles que les conseils de prud'hommes, les tribunaux de commerce (qui datent de 1563) ou les tribunaux pour enfants, pour ne citer qu'un nombre limité d'exemples. En réalité, il s'agit davantage de juridictions spéciales que de juridictions spécialisées : elles sont totalement autonomes, au contraire des juridictions que nous qualifions de « spécialisées » dans ce rapport. Celles-ci s'insèrent dans le tissu judiciaire de droit commun - elles ont bien souvent les mêmes locaux et un personnel commun - et s'analysent davantage en termes de concentration des moyens au sein de juridictions classiques. En outre, elles disposent, en règle générale, d'une compétence concurrente et non exclusive.

Il n'existe pas de définition de la notion de juridiction spécialisée, a fortiori encore moins de « pôle spécialisé », vocable courant depuis quelques années pour désigner ce type de juridiction. Et pour cause : le développement de ces juridictions n'est pas la résultante d'une réflexion théorique, mais le fruit d'un constat pratique. L'autorité judiciaire étant de plus en plus fréquemment saisie de procédures d'une grande complexité, nécessitant l'apport de compétences spécialisées et diversifiées, il est apparu nécessaire de concentrer des moyens dans certaines juridictions, afin de leur donner la possibilité de mener des investigations particulièrement lourdes. C'est donc un objectif d'efficacité qui est au cœur du mouvement de spécialisation de la justice, et non, comme certaines critiques tendraient à le soutenir, la volonté de ressusciter ce qui serait un avatar contemporain des juridictions d'exception qui ont pu exister dans le passé.

Pour appréhender la réalité qui se cache derrière le label unificateur de juridiction ou de pôle spécialisé, il faut donc raisonner en termes de moyens : au-delà des textes, l'existence effective, sur le terrain, de moyens, humains ou matériels, spécifiques peut être considérée comme un « signe extérieur » de spécialisation. Loin d'une logique d'affichage, la spécialisation juridictionnelle relève donc, in fine, bien plutôt d'une logique de moyens et de compétences.

Le pôle économique et financier de Paris en 2002 (1)

Le pôle économique et financier de Paris, qui est le plus important, comptait à la mi-2002 27 juges d'instruction, pour un effectif théorique de 30 magistrats. Les magistrats sont regroupés en deux sections, l'une chargée de la délinquance astucieuse, l'autre de la délinquance financière. Chaque juge du pôle est constamment en charge, en moyenne, de 60 dossiers. La division économique et financière du parquet du tribunal de grande instance de Paris est divisée en plusieurs sections :

- la section de la lutte contre la délinquance astucieuse (F1), qui traite les affaires de faux et d'escroquerie et enregistre 600 à 700 affaires nouvelles par mois ;

- la section financière (F2), qui s'occupe des dossiers de droit pénal des sociétés, de droit pénal boursier, de droit pénal fiscal et de lutte contre le blanchiment, et enregistre 60 à 70 affaires nouvelles par mois, bien plus complexes que celles de la section F1 ;

- la section économique et sociale (F3), qui est chargée des dossiers liés au droit du travail, au droit de l'environnement, au droit de l'urbanisme et de la construction, au droit de la consommation (contrefaçons notamment) et à la pollution maritime (affaire de l'Erika notamment), et qui est saisie d'environ 400 dossiers par mois ;

- ainsi que la section commerciale (F4) installée au tribunal de commerce.

Outre le procureur adjoint, elle comprend en théorie 30 magistrats (12 dans la section F1, 10 dans la section F2, 5 dans la section F3 et 4 dans la section F4). Les personnels des greffes sont au nombre de 54. Chaque année, le parquet du pôle économique et financier de Paris traite 17 000 affaires nouvelles, établit 1 100 réquisitoires introductifs (80 % des réquisitoires introductifs sont établis à la suite de plaintes avec constitution de partie civile), 2 200 citations directes et 150 convocations par officier de police judiciaire ou procès verbal.

Cette évidence mérite d'être rappelée car elle ne s'est pas toujours vérifiée, ce qui a pu être à l'origine d'incompréhensions et de malaises dans les juridictions concernées, et mettre parfois à mal la pertinence même de la spécialisation. Le bilan de la législature précédente en la matière traduit ainsi la prééminence d'une logique d'affichage, les juridictions spécialisées ayant été trop souvent, au cours de cette période, utilisées comme la vitrine d'une politique de la justice dépourvue de moyens véritables : la mise en place de pôles spécialisés a résulté de choix plus ponctuels que stratégiques. D'où la déception d'un grand nombre de magistrats, qui ont pu, à juste titre, voir de la « la poudre aux yeux » dans la création de pôles spécialisés, tant fut grand l'écart entre les promesses et les réalisations. Nul besoin, par exemple, de rappeler la médiatisation qui avait présidé à l'installation du pôle économique et financier du TGI de Paris et les annonces qui avaient été faites à cette occasion, notamment sur le renfort apporté par trente assistants spécialisés...

Témoigne d'ailleurs de cette politique d'affichage, au coup par coup, le fait que les pôles spécialisés en matière de santé publique aient été créés au détour d'un amendement présenté par le Gouvernement, lors de la discussion en séance publique de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 renforçant les droits des malades. De même, les pôles compétents en matière de pollution maritime ont été créés par la loi du 3 mai 2001, issue d'une proposition de loi visant à répondre ponctuellement aux scandales de la pollution causée par les navires poubelles. Quant aux assistants spécialisés, ils sont nés, là encore, au détour d'un amendement au cours de la discussion sur la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998, portant diverses dispositions d'ordre économique et financier.

Il est temps d'en revenir aujourd'hui au cœur de la problématique de la spécialisation : rendre l'institution judiciaire plus efficace dans le traitement de formes modernes de la criminalité. Tel est bien l'un des objectifs du projet de loi.

A. LA NOTION DE PÔLE SPÉCIALISÉ : DERRIÈRE UN LABEL UNIFICATEUR, UNE RÉALITÉ DIVERSIFIÉE

Le label généraliste et unique de « pôle spécialisé » ne doit pas induire en erreur : il masque une réalité marquée par une grande diversité de situations.

En premier lieu, la rédaction des articles instituant les différentes juridictions spécialisées ne doit pas tromper : si les textes prévoient que, dans le ressort de chaque cour d'appel pour les pôles économiques et financiers, d'une ou de plusieurs cours d'appel s'agissant des pôles santé public et environnement, un tribunal de grande instance peut être doté d'une compétence spécifique, la carte de la justice spécialisée n'est cependant que virtuelle. Il faut, en effet, bien souligner que c'est une faculté, non une obligation, qui a été donnée au ministère de la Justice par le législateur : en l'absence d'affectation des moyens afférents, les pôles définis par le code de procédure pénale ne sont que des pôles de papier. Cette remarque vaut notamment pour les juridictions spécialisées en matière économique et financière qui, virtuellement créées dès 1975, n'ont jamais vraiment fonctionné, ou alors de manière extrêmement ponctuelle pendant une vingtaine d'années. C'est à 1994 qu'il faut véritablement faire remonter l'acte de naissance de ces juridictions, avec l'intervention du décret n° 94-259 du 25 mars 1994 fixant la liste et le ressort des tribunaux spécialisés en matière économique et financière. En vertu du critère de « signe extérieur » de spécialisation, la meilleure date serait même 1999, avec la publication du décret du 5 février pris en application de la loi du 2 juillet 1998 qui avait créé les assistants spécialisés et marqué le début de la phase active du recrutement de ces agents, même si, comme il a été rappelé précédemment, les réalisations n'ont pas toujours suivi les promesses.

En deuxième lieu, au sein des juridictions spécialisées effectivement créées, il convient de distinguer celles qui, bénéficiant de locaux spécifiques, de moyens informatiques adaptés et d'assistants spécialisés, méritent à ce titre le label de « pôle », des tribunaux auxquels sont affectés des assistants spécialisés, sans qu'existe pour autant un véritable pôle de compétence. Par exemple, les juridictions spécialisées de Bordeaux, Fort-de-France et Nanterre, bien que ne constituant pas des « pôles financiers », ont été néanmoins dotés de moyens humains supplémentaires par l'affectation d'assistants spécialisés. En cela, c'est dans le domaine économique et financier qu'ont été créés la plupart des entités méritant le label de « pôle spécialisé ». En matière de santé publique et de pollution maritime, il n'existe de véritable pôle qu'au sein du tribunal de grande instance de Paris. Ce contraste s'explique fort logiquement par l'ancienneté de la législation existant en matière économique et financière, alors que l'organisation judiciaire a pris quelque retard par rapport à la sensibilité croissante de la société aux questions de santé publique et de pollution maritime.

En dernier lieu, au sein même des pôles véritablement constitués, il existe des écarts d'activité importants, qui reflètent généralement l'ampleur des moyens accordés à ces juridictions et, quelquefois, leur capacité à s'insérer dans le tissu judiciaire local. A cet égard, les pôles économiques et financiers mis en place depuis 1999-2000 (Paris, Lyon, Bastia et Marseille) présentent un bilan d'activité contrasté. En l'occurrence, ce résultat s'explique par le fait que seul le TGI de Marseille a bénéficié de l'extension de sa compétence dans le ressort de la cour d'appel : ainsi, depuis le mois de juin 2000, quarante et une procédures relatives à des faits commis sur d'autres ressorts de TGI de la cour d'appel d'Aix-en-Provence que celui de Marseille ont été traitées par ce pôle.

B. DES PÔLES SPÉCIALISÉS INSUFFISAMMENT UTILISÉS COMME VECTEURS D'EFFICACITÉ ET DE MODERNISATION DE L'INSTITUTION JUDICIAIRE

La mise en place laborieuse des juridictions spécialisées entre 1999 et 2002 ne doit pas faire oublier cette évidence : la lutte contre les formes modernes de délinquance passe par une adaptation en profondeur des moyens de la justice, et notamment par une spécialisation qui fasse contrepoids à l'extrême sophistication des nouvelles formes de délinquance.

La spécialisation juridictionnelle, c'est-à-dire la définition de règles de droit et de procédure particulières, est une nécessité pour prendre en compte la spécificité des formes nouvelles de la criminalité, qui, aussi bien dans les domaines économiques et financiers que de criminalité organisée, de santé publique ou de pollution maritime, ont pour point commun une grande complexité. Pour reprendre les mots d'un magistrat entendu par le rapporteur, il s'agit de se donner les moyens de neutraliser la « délinquance professionnelle de "suradaptation", qui utilise les structures sociales, économiques et financières les plus sophistiquées pour commettre des atteintes majeures à l'ordre social, même si l'on peut avoir parfois l'impression trompeuse que c'est une délinquance sans victime ». De fait, nous sommes loin de « la délinquance d'"inadaptation", celle de l'exclusion et de la marginalité sociales », pour laquelle nos structures judiciaires classiques ont été instituées.

La nouvelle dynamique insufflée aux pôles spécialisés s'analyse également comme une méthode moderne de gestion de la chose publique. Dans la logique d'objectif, et non de moyen, qui doit inspirer la réforme de l'État, il est nécessaire d'adopter une ligne cohérente d'affectation et de gestion des moyens. Or, les compétences spécialisées sont nombreuses et de grande qualité au sein de la magistrature : dans un contexte d'amélioration de l'efficacité de la dépense publique, l'adaptation entre l'affectation et la compétence s'impose donc, sans compter la stimulation que représente, pour un magistrat particulièrement versé dans une matière complexe, l'affectation dans une juridiction spécialisée. Il faut inverser la logique qui a prévalu jusqu'alors, faisant de la spécialisation le résultat de l'affectation, quand c'est au contraire l'affectation qui devrait découler de la compétence particulière.

Incidemment, la spécialisation judiciaire, par la rationalisation territoriale qu'elle représente, permet d'aborder ponctuellement, mais de manière constructive, la question délicate de la carte judiciaire, sans qu'il s'agisse, par ce moyen, de procéder à une réforme d'ampleur en la matière. Sur ce point, votre rapporteur tient à apaiser les inquiétudes dont ont pu lui faire part certains de ses interlocuteurs. Il n'en reste pas moins que l'institution judiciaire est, à ce jour, insuffisamment structurée pour traiter de manière adéquate les formes extrêmement spécialisées et professionnelles de délinquance. Non que les pôles spécialisés existants soient inadaptés : mais, à l'évidence, leur champ d'action est trop local et leur visibilité des phénomènes trop parcellaire pour certaines affaires dont le traitement efficace est nécessaire au vu de la violation massive des principes de notre droit qu'elles révèlent.

Cette insuffisance frappe d'autant plus que les partenaires de l'institution judiciaire ont, pour leur part, adapté leurs structures pour répondre à l'ampleur des nouvelles délinquances. Ainsi, en matière économique et financière, la police dispose, outre des outils « classiques » que sont les services régionaux de police judiciaire (SRPJ) et les offices centraux, des neuf directions interrégionales et des deux directions régionales créées par le décret du 23 avril 2003 en application de la loi n° 2002-1094 du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure. De même, l'administration des douanes est dotée de directions interrégionales, tout comme la direction générale des impôts dispose de directions interrégionales du contrôle fiscal (DIRCOFI).

En regard, l'institution judiciaire travaille souvent « de manière artisanale et individuelle », comme l'a fait remarquer un magistrat spécialisé auditionné par le rapporteur, rappelant à cet égard le « mythe du magistrat généraliste et omniscient, capable a priori de tout traiter ». De même, il ne fait pas de doute que la culture individualiste qui prévaut dans l'institution judiciaire ne favorise pas le développement de méthodes de travail en équipe et en réseau. Pour cette raison sans doute, les tribunaux spécialisés existants aujourd'hui ressortissent davantage d'une logique de mobilisation plus rapide de l'institution judiciaire, d'optimisation des moyens, voire de simple coordination de services territoriaux, qu'elle ne revêt une dimension opérationnelle similaire à celle des autres services administratifs cités.

II. - LA NÉCESSAIRE RELANCE DE LA JUSTICE SPÉCIALISÉE : LE PROJET DE LOI OU LE CHOIX DE LA COHÉRENCE

A. UNE APPROCHE GLOBALE DE LA SPÉCIALISATION

Il est temps d'en finir avec les pôles de papier - « pôles immobiliers » pour certains... -, créés au gré des textes, sans vision cohérente ni logique de moyens et de compétences afférente. Les difficultés rencontrées par quelques pôles ne sauraient en effet masquer une évidence : en ce qu'ils s'inscrivent dans une logique de rationalisation et de renforcement de moyens dédiés à la résolution d'affaires techniquement complexes et s'adaptent mal aux critères habituels de compétence géographique, les pôles spécialisés représentent une réelle modernisation de la justice. Certes, le mouvement peut paraître contradictoire, entre une demande de proximité de la part de nos concitoyens et la mise en place de pôles dont le ressort correspondra à celui de plusieurs cours d'appel. Le paradoxe n'est toutefois qu'apparent : dans toutes les affaires, simples et de voisinage, ou complexes et d'ampleur nationale - voire internationale en matière de pollution par exemple -, nos concitoyens attendent avant tout que la justice réponde et ne donne pas l'impression de renoncer à trouver une solution. D'autant qu'en matière de délinquance économique et financière par exemple, les mafias à l'œuvre sont aussi celles qui inondent certains quartiers en produits stupéfiants, favorisant de ce fait la persistance d'une petite délinquance.

L'approche globale adoptée par le projet de loi se traduit par l'harmonisation des dispositions permettant d'étendre la compétence d'un tribunal au ressort d'une ou de plusieurs cours d'appel. Notons toutefois que, même harmonisée, la rédaction laisse au pouvoir réglementaire une large latitude et que, du fait des spécificités propres à certains domaines, il n'existera pas une, mais plusieurs cartes judiciaires des juridictions spécialisées :

- en matière de criminalité organisée et de délinquance économique et financière, les ressorts des pôles interrégionaux devraient être identiques. Dans les deux cas en effet, il est prévu de disposer de cinq à dix pôles, par exemple à Lille, Rennes, Bordeaux, Strasbourg, Lyon, Marseille et Paris, dans le courant de l'année 2004. Il s'agirait donc de pôles multicompétences.

Précisons cependant que les juridictions, voire les pôles spécialisés, d'ores et déjà existants dans le ressort d'une seule cour d'appel en matière économique et financière ne sont pas supprimées, puisqu'elles restent compétentes pour les affaires d'une grande complexité, là où les structures interrégionales auront à connaître de celles qui sont d'une très grande complexité. Ce double niveau n'existe que pour les pôles économiques et financiers ;

- en matière de santé publique, la carte judiciaire spécialisée est simple, avec Paris, dont le ressort est étendu aux trois-quarts du territoire national, et Marseille pour le reste (2) ;

- enfin, s'agissant de la pollution maritime, la carte judiciaire est calquée sur celle des préfectures maritimes, avec, en métropole, trois tribunaux compétents au Havre, à Brest et à Marseille, et trois tribunaux compétents outre-mer, dans leur zone respective. Paris dispose d'une compétence résiduelle pour la haute mer.

B. UNE JUSTICE SPÉCIALISÉE RENFORCÉE

La relance de la justice spécialisée passe par trois lignes d'action :

- l'affectation de moyens ad hoc ;

- la clarification de son champ d'intervention ;

- une meilleure insertion de ces structures dans le tissu judiciaire local.

Les moyens, enjeu crucial de la réforme

La question des moyens mis au service des objectifs d'efficacité de la réponse pénale ne peut plus être éludée comme elle l'a trop souvent été par le passé. Cette question n'est certes pas du ressort du présent projet de loi, qui y répond toutefois indirectement en précisant le statut des assistants spécialisés dont tous les interlocuteurs de votre rapporteur ont souligné le rôle essentiel au fonctionnement des pôles.

Aux termes de l'étude d'impact jointe au projet de loi, les dispositions relatives aux juridictions spécialisées n'auront pas « d'impact budgétaire spécifique ». Cette affirmation peut surprendre de prime abord : les interlocuteurs entendus par le rapporteur ont tous souligné la nécessité d'un renforcement des moyens existants, la création de juridictions spécialisées sous la précédente législature s'étant faite à moyens constants, sans aucune réforme de structure qui plus est. Tel n'est assurément plus le cas depuis 2002, avec l'intervention de la loi du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice. En outre, la présente réforme doit être envisagée dans l'optique d'une rationalisation des moyens, c'est-à-dire d'une meilleure affectation des compétences : comme le note l'étude d'impact, « si la création des juridictions interrégionales spécialisées a en première analyse un impact budgétaire, avec notamment l'emploi d'assistants spécialisés, la rationalisation des moyens opérée par ce projet de loi permettra au final un impact budgétaire modéré ». Selon ce même document, le recours aux assistants spécialisés devra permettre de réduire significativement le recours aux « sachants » ou experts et donc de réaliser des économies substantielles sur le budget des frais de justice criminelle.

Un champ d'intervention élargi

Traditionnellement, la compétence des juridictions spécialisées est définie par énumération des infractions qu'elles auront à traiter plutôt que par une définition générale de la forme de criminalité concernée. Telle est l'approche pragmatique adoptée en 1975 pour la création des premières juridictions spécialisées, en matière économique et financière, approche systématiquement adoptée, par exemple en matière de terrorisme (article 706-16 du code de procédure pénale créé par la loi n° 86-1020 du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme) ou de santé publique (article 706-2 du code de procédure pénale créé par la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades). Le présent projet de loi s'inscrit d'ailleurs dans cette tradition juridique, comme le montre l'article 1er du présent projet de loi.

Les dispositions du chapitre III renforcent le rôle des juridictions spécialisées en étendant encore leur champ de compétence. D'une part, celui-ci, limité aujourd'hui à la poursuite, l'instruction et, s'il s'agit de délits, au jugement, est étendu à l'enquête sur les infractions relevant des juridictions spécialisées en matière économique et financière, de santé publique et de pollution maritime. D'autre part, l'éventail des infractions qu'elles sont susceptibles de traiter est tout à la fois étendu et modernisé : c'est le cas pour les pôles économiques et financiers ainsi que pour les tribunaux spécialisés en matière de pollution maritime.

L'insertion des juridictions spécialisées dans le tissu judiciaire local

Enfin, afin de renforcer la légitimité des juridictions spécialisées et de leur donner les moyens de pouvoir fonctionner avec un flux d'affaires régulier, le projet de loi prévoit une procédure de dessaisissement harmonisée au profit des juridictions spécialisées. Il ne fixe pas, toutefois, un principe de compétence exclusive, qui serait source de nullités très préjudiciables à l'efficacité recherchée par la création de ces nouvelles structures.

Il est, par ailleurs, prévu de faciliter l'information des pôles interrégionaux, via une circulaire qui préciserait les modalités de transmission aux parquets spécialisés des procédures dont les parquets « naturels » sont destinataires. Ce dernier point pose la question plus large de la diffusion de l'information, par les administrations extérieures à l'institution judiciaire, également spécialisées en matière économique et financière extérieures, aux juridictions qui devraient être leur interlocuteur naturel. Il n'est pas certain, selon votre rapporteur, qu'il revienne à un texte réglementaire de régler cette question essentielle.

Section 1

Dispositions relatives aux infractions en matière économique et financière

Article 7

(art. 704, 705-1 et 705-2 [nouveaux], 706 et 706-1 du code de procédure pénale)


Des pôles spécialisés en matière économique et financière

Le constat fait par la circulaire du 19 février 1999 relative à la mise en place des pôles économiques et financiers dans certaines juridictions spécialisées reste valide en 2003 : la délinquance économique et financière tend à se développer de façon importante, non seulement en France, mais aussi à l'étranger. En premier lieu, les formes classiques de la délinquance économique et financière sont en augmentation, qu'il s'agisse des abus de biens sociaux, faux, escroqueries, fraudes fiscales, ou encore des infractions liées au travail clandestin et à la consommation. La délinquance économique et financière connaît en deuxième lieu une internationalisation croissante (blanchiment, contrefaçon, fraude communautaire...). Enfin, on note l'émergence d'une troisième forme de délinquance, liée au maniement des fonds publics, notamment dans le cadre de la gestion des collectivités locales. Ces comportements délictueux contribuent à la rupture du pacte républicain et introduisent des distorsions dans le fonctionnement de l'économie - concurrence faussée, surcroît de charges et pertes de ressources pour État, mauvaise allocation des ressources. Or, faut-il rappeler l'évidence selon laquelle l'exigence de transparence et d'équité dans la vie économique et financière, qu'elle soit publique ou privée, s'impose à tous ?

Il est, par conséquent, du devoir de la justice de s'adapter à la diversification croissante de la délinquance économique et financière. Tel est l'objectif qui a présidé, en 1999, à la mise en place - ou du moins à l'annonce... - de juridictions économiques et financières spécialisées.

En la matière, il s'agit avant tout d'instaurer de nouvelles méthodes de travail par la concentration de moyens logistiques modernes et la création d'équipes pluridisciplinaires mis à la disposition des tribunaux spécialisés. Pour reprendre le critère énoncé précédemment, il y a présomption de spécialisation économique et financière d'une juridiction, dès lors qu'elle est dotée des moyens suivants :

- locaux et véhicules spécifiquement affectés (pour les pôles) ;

- présence d'assistants spécialisés ;

- moyens informatiques spécifiques, et notamment logiciel d'instruction assistée par ordinateur et systèmes de traitement des données recueillies. A cet égard, il serait nécessaire que les juridictions spécialisées dans ces domaines aient accès à un certain nombre de bases de données, dont, par exemple, infogreffe, le stic ou encore les fichiers de l'administration douanière.

L'article 7 du projet de loi, qui vise à favoriser l'efficacité des juridictions économiques et financières, se compose de quatre paragraphes, qui modifient respectivement les articles 704, 706 et 706-1 du code de procédure pénale et y introduisent deux articles 705-1 et 705-2 nouveaux.

La Commission a introduit un paragraphe supplémentaire, précédant les quatre proposés à l'article 7. En effet, dans la mesure où il est proposé, au a) du paragraphe I de cet article, d'étendre la compétence de ces juridictions à l'enquête, il convient, en cohérence avec ce choix, de modifier le titre XIII du livre IV du code de procédure pénale, qui fait actuellement référence à « la poursuite, l'instruction et [au] jugement des infractions en matière économique et financière ». La Commission a donc adopté un amendement du rapporteur tirant, dans cet intitulé, la conséquence de l'extension de la compétence des juridictions spécialisées en matière économique et financière à l'enquête sur les infractions relevant de leur compétence (amendement n° 104).

Article 704 du code de procédure pénale

Extension de la compétence des juridictions spécialisées
en matière économique et financière

L'article 7 du projet de loi modifie, dans un premier paragraphe, l'article 704 du code de procédure pénale relatif à la compétence des tribunaux d'instance spécialisés en matière économique et financière.

· La loi n° 94-89 du 1er février 1994, qui a modifié le système antérieur établi par la loi du 6 août 1975, a prévu, pour toutes les infractions énumérées à l'article 704 du code de procédure pénale, une compétence territoriale concurrente entre la juridiction correctionnelle de droit commun et une juridiction correctionnelle spécialisée en matière économique et financière (dont l'existence est prévue par l'article 705 du code de procédure pénale), en matière de poursuite, d'instruction et, s'il s'agit de délits, de jugement de ces infractions.

Comme il a été précisé ci-dessus, il est proposé, au a) de ce premier paragraphe, d'étendre la compétence de ces juridictions à l'enquête, afin de renforcer la cohérence de l'action des pôles et de clarifier leur insertion dans la procédure pénale.

· Par ailleurs, l'article 704 du code de procédure pénale dresse une liste des délits relevant de la compétence des tribunaux correctionnels spécialisés en matière économique et financière.

Sept codes sont aujourd'hui visés, totalement ou partiellement, par cette liste. Il s'agit du :

- code pénal (1°), pour les infractions définies aux articles 222-38 (délit de blanchiment), 313-1 (escroquerie) et -2 (aggravation des peines quand cette infraction est commise par certaines personnes), 313-6 (infraction voisine de l'escroquerie en matière d'adjudication publique), 314-1 (abus de confiance) et
-2 (aggravation des peines quand ce délit est commis par certaines personnes), 324-1 et -2 ( blanchiment simple et aggravé), 432-10 à 432-15 (concussion, corruption passive et trafic d'influence commis sur personne exerçant une fonction publique, prise illégale d'intérêts, pour un agent public, atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics et délégations de service public, soustraction et détournement de biens), 433-1 (corruption active et trafic actif d'influence) et -2 (aggravation des peines quand la cible est une autorité ou une administration publique), 434-9 (corruption passive de magistrat) et, enfin, 435-1 et -2  (corruption passive et active des fonctionnaires des communautés européennes et des États-membres de l'Union européenne ;

- code général des impôts (6°), pour les délits prévus aux articles 1741 à 1753 bis (fraude fiscale, faux en écriture, etc.) ;

- codes de la construction et de l'habitation (4°), de la propriété intellectuelle (5°), des douanes (7°), de l'urbanisme (8°) et de la consommation (9°).

Par ailleurs, la liste établie à l'article 704 du code de procédure pénale se réfère aux délits prévus par sept lois : loi nº 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales (2°), loi nº 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises (3°), loi nº 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit (10°), loi nº 83-628 du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard (12°), loi du 28 mars 1885 sur les marchés à terme (13°), loi nº 88-1201 du 23 décembre 1988 relative aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières et portant création des fonds communs de créances (14°) et loi nº 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse (15°).

Enfin, sont visés les délits prévus par les ordonnances nº 67-833 du 28 septembre 1967 instituant une commission des opérations de bourse et relative à l'information des porteurs de valeurs mobilières et à la publicité de certaines opérations de bourse (11°) et nº 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence (16°).

Il est proposé, par les b), et c) du présent article, de modifier cet article afin :

- d'actualiser la liste des infractions relevant de ces juridictions, en y ajoutant l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de faiblesse (article 223-15-2 du code pénal), les atteintes aux fichiers informatiques (articles 323-1 à 323-4) et le faux monnayage (articles 442-1 à 442-8) ;

- de tirer les conséquences des codifications récemment intervenues. Sont désormais ainsi visés non plus seulement certains délits, mais, au 2°, le code de commerce et, au 3°, le code monétaire et financier, de même que sont aujourd'hui visés dans cet article les codes des douanes, de l'urbanisme, de la consommation et de la propriété intellectuelle, par exemple. Par coordination, les 10°, 11°, 14° et 16° sont supprimés.

Sur proposition du rapporteur, la Commission a complété cette liste en adoptant un amendement étendant la compétence de ces juridictions aux faits incriminés par l'article 450-2-1 du code pénal. Il s'agit de viser les personnes qui ne peuvent justifier de ressources correspondant à leur train de vie, tout en étant en relations habituelles avec une ou plusieurs personnes participant à une association de malfaiteurs (amendement n° 105).

· Enfin, au d) du paragraphe I, l'article 7 instaure la faculté, pour le ministère de la Justice, de mettre en place, en plus des pôles existants dont la compétence s'étend sur le ressort d'une cour d'appel, des pôles compétents sur le ressort de plusieurs cours d'appel. La création de ce nouvel échelon de juridiction spécialisée est justifiée, dans l'étude d'impact, par le fait que « l'échelon de la cour d'appel pouvait s'avérer insuffisant pour les affaires d'une très grande complexité ».

Le critère de délimitation de compétence entre les pôles économiques et financiers « classiques » et ces nouveaux pôles interrégionaux est celui du degré de complexité : alors que le premier alinéa de l'article 704 du code de procédure pénale dispose que le ou les tribunaux de grande instance spécialisés sont compétents « dans les affaires qui sont ou apparaîtraient d'une grande complexité », les pôles interrégionaux connaîtraient, aux termes du présent article, des « affaires qui sont ou apparaîtraient d'une très grande complexité ». Cette notion fait l'objet d'une définition non exhaustive : seraient ainsi « notamment » visées les affaires dans lesquelles existent un « grand nombre d'auteurs, de complices ou de victimes ». Comme pour les pôles instaurés en 1975, la compétence des juridictions mentionnées s'étend aux infractions connexes et il revient au pouvoir réglementaire de fixer « la liste et le ressort de ces juridictions, qui comprennent une section du parquet et des formations d'instruction et de jugement spécialisées pour connaître de ces infractions ».

L'introduction d'un critère aussi subjectif n'a pas manqué de susciter une certaine perplexité chez un certain nombre de professionnels auditionnés par le rapporteur, certains allant même jusqu'à mettre en doute l'intérêt d'instaurer un système à trois étages, comprenant d'abord la juridiction à la compétence « naturelle », qui, par une lecture a contrario, aurait compétence sur les affaires complexes, ensuite l'actuel pôle financier, pour les affaires d'une grande complexité, enfin le nouveau pôle interrégional pour les affaires d'une très grande complexité. Système à trois étages qui, il est vrai, n'existe dans aucun des quatre autres champs de la délinquance couverts par les juridictions spécialisées.

Le projet de loi a, en quelque sorte, prévenu les critiques en précisant la notion de très grande complexité. Il faut néanmoins se demander si le caractère non exhaustif des cas visés, dont témoigne le « notamment », n'affaiblit pas cette précision, d'autant plus que certaines affaires, même si elles concernent un grand nombre de personnes, à titre soit d'auteur, de complice ou de victime, ne sont pas pour autant d'une grande complexité technique... En pratique, il semble que le projet de loi vise, par ce qualificatif, les affaires du type fraude aux intérêts financiers de l'Union européenne, blanchiment, les actes commis par des organisations criminelles de type mafieux ou encore les faits revêtant une dimension interrégionale ou nationale. Sans prétendre à plus d'exhaustivité, il serait souhaitable d'ajouter à cette liste un critère géographique. La Commission a suivi cette suggestion du rapporteur en adoptant l'amendement qu'il a proposé, visant à préciser en ce sens les critères de la « très grande complexité » (amendement n° 106).

Article 705-1 et 705-2 [nouveaux] du code de procédure pénale

Procédure de dessaisissement du juge non spécialisé au profit
des juridictions spécialisées en matière économique et financière

Dans un deuxième paragraphe, l'article 7 introduit deux articles nouveaux au titre XIII du code de procédure pénale, visant à préciser la procédure de dessaisissement au profit des juridictions spécialisées définies à l'article 704. Aucune disposition spécifique ne régit en effet, à ce jour, la compétence de la juridiction spécialisée, alors même qu'en vertu de l'article 705 du code de procédure pénale, les juridictions spécialisées exercent une compétence concurrente de celle qui résulte de l'application des règles de compétence de droit commun (articles 43, 52, 382, 663 (second alinéa) et 706-42 du code de procédure pénale).

En l'absence de texte, chaque pôle spécialisé a mis en place une procédure empirique pour pouvoir se saisir des affaires sur lesquelles il s'estimait mieux outillé que le magistrat « naturel ». L'exemple du pôle économique et financier de Marseille fournit un exemple intéressant en ce qu'il révèle in concreto les difficultés auxquelles sont confrontées ces structures nouvelles dans leur insertion au sein du tissu judiciaire local. Au tout début de la mise en place du pôle, un mode consensuel de saisine du pôle économique et financier a été défini : les parquets des tribunaux de grande instance autres que Marseille étaient invités à lui signaler les procédures pouvant relever de la compétence concurrente du pôle, des critères ayant été définis à cette fin ; la saisine du pôle procédait ensuite d'un accord entre ces parquets, le parquet général d'Aix-en-Provence ayant théoriquement à trancher les divergences d'approche. Ce dispositif n'a pas donné de résultats satisfaisants : au-delà des faibles moyens mis à la disposition du pôle économique et financier de Marseille qui ont pu obérer sa capacité de saisine, les parquets « naturels » ont fait montre d'une réticence à se dessaisir de procédures jugées intéressantes... et d'une propension symétrique à renvoyer au pôle spécialisé les procédures peu intéressantes ou engagées de telle façon qu'elles étaient condamnées à rester lettre morte. Une nouvelle politique de saisine a donc été définie par le pôle économique et financier de Marseille, consistant à établir un réseau de contacts réguliers avec les services pourvoyeurs d'information, à savoir TRACFIN, la chambre régionale des comptes, la direction interrégionale des douanes, la DIRCOFI ou encore le siège et les antennes du SRPJ de Marseille. Dans un tel cadre, l'acquisition de l'information par les parquets est essentielle. C'est d'ailleurs à cette fin que des magistrats exerçant auprès de juridictions spécialisée souhaiteraient voir instaurer un « article 40 spécialisé » du code de procédure pénale, obligeant les fonctionnaires et les agents de l'administration, au-delà de la transmission de l'avis sur tout crime ou délit dont ils ont connaissance, à en aviser le parquet spécialisé (3).

Le projet de loi fait le choix, en la matière, d'une solution de droit alternative. Pour remédier à l'état de fait peu satisfaisant qui prévaut en matière de saisine du pôle spécialisé et donner aux pôles économiques et financiers les moyens d'asseoir véritablement leur légitimité, les articles 705-1 et 2 nouveaux du code de procédure pénale définissent le régime de dessaisissement au profit de la juridiction spécialisée, en des termes exactement similaires à ce qui est prévu pour les nouveaux pôles compétents en matière de criminalité organisée, à l'article 706-76 nouveau commenté ci-dessus (4). En cohérence avec l'amendement de précision qu'elle avait adoptée à cet article, la Commission a d'ailleurs adopté un amendement identique à l'article 705-2 nouveau (amendement n° 107).

Article 706 du code de procédure pénale

Fonctions et attributions des assistants spécialisés

Dans un troisième paragraphe, l'article 7 traite du problème des assistants spécialisés, dont la présence est une condition cruciale du succès des juridictions spécialisées, ainsi que l'ont souligné toutes les personnes auditionnées qui ont abordé ce sujet.

· L'assistant spécialisé, un auxiliaire de justice de création récente

L'objectif : la constitution d'équipe pluridisciplinaire autour du magistrat spécialisé

La fonction d'assistant spécialisé a été créée par l'article 91-1 de la loi n_ 98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, codifié à l'article 706 du code de procédure pénale. Dans l'esprit du législateur, il n'a jamais été question de faire de ces personnes des acteurs de la procédure pénale. En revanche, il s'agissait de mettre à la disposition des magistrats chargés des procédures économiques et financières les plus lourdes une équipe de collaborateurs de haut niveau, afin de leur permettre d'exercer plus efficacement leurs pouvoirs en suscitant un travail en équipe. L'objectif du ministère de la Justice était, plus précisément, de recourir aux services des fonctionnaires de catégorie A et B mis à disposition par le ministère de l'Économie, des finances et de l'industrie ainsi qu'à des agents de la Banque de France. Comme l'indique la circulaire du ministère de la justice du 19 février 1999 relative à la mise en place de pôles économiques et financiers dans certaines juridictions spécialisées, les premiers assistants spécialisés devaient être « des agents de la Banque de France, des inspecteurs des impôts, des douanes et droits indirects, de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ». Ce même texte précisait par ailleurs, s'agissant du recrutement comme agents contractuels de personnes provenant du secteur privé, comme des experts comptables, qu'il pourrait « être éventuellement étudié dans l'avenir ». Au total, les pôles économiques et financiers comprendraient ainsi des magistrats du parquet et de l'instruction, de nouveaux collaborateurs pluridisciplinaires (les assistants spécialisés), des fonctionnaires des services judiciaires et des assistants de justice.

Ces assistants ne doivent pas être confondus avec les assistants de justice dont le recrutement avait été prévu par la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative. Pour mémoire, les assistants de justice sont des collaborateurs, ayant, certes, une formation juridique de haut niveau, chargés par les magistrats de toute juridiction de travaux préparatoires (recherches documentaires, rédaction de projets de décisions sur les instructions...), mais dont les fonctions ne requièrent généralement pas une expérience professionnelle antérieure. De fait, leur profil est donc très différent de celui des assistants spécialisés, puisqu'il s'agit, non de fonctionnaires expérimentés en matière douanière, fiscale ou économique, mais généralement de personnes ayant terminé leur formation universitaire et se destinant, soit à la magistrature, soit à des professions juridiques, comme celle d'avocat. La fonction d'assistant de justice s'exerce d'ailleurs à temps partiel, ce qui leur laisse, le cas échéant, le temps de préparer concours et examen, alors que l'assistant spécialisé travaille auprès des magistrats et OPJ à temps complet. C'est dans cette logique que la Commission a rejeté un amendement de M. Thierry Mariani ouvrant aux assistants de justice exerçant depuis au moins deux ans la possibilité de remplir des fonctions d'assistant spécialisé auprès de certaines juridictions en matière économique et financière.

L'actuelle rédaction de l'article 706 du code de procédure pénale reste très vague sur les fonctions des assistants spécialisés : aux termes de cet article, « les assistants spécialisés assistent, dans le déroulement de la procédure, les magistrats sous la direction desquels ils sont placés, sans pouvoir procéder par eux-mêmes à aucun acte » et « ont accès au dossier de la procédure pour l'exécution des tâches qui leur sont confiées et sont soumis au secret professionnel sous les peines prévues à l'article 226-13 du code pénal ». Cette formulation avait été retenue en ce qu'elle autorisait, pensait-on, une grande souplesse dans la détermination et l'accomplissement des tâches confiées aux assistants spécialisés, comme dans l'organisation concrète de leur travail. De fait, les assistants spécialisés remplissent des tâches variées : analyse des documents comptables, des états périodiques adressés au parquet par les mandataires de justice, des rapports établis au cours de l'exécution du plan de redressement ou des opérations de liquidation judiciaire, ou des conditions de dévolution d'un marché public, analyse de budgets, décryptage des montages financiers destinés à permettre la dissimulation de mouvements de fonds d'origine frauduleuse ou assistance aux audiences des tribunaux de commerce. En contrepartie, les assistants spécialisés sont soumis au secret professionnel et prêtent serment devant les cours d'appel au sein desquelles ils sont affectés.

Les assistants spécialisés ne peuvent cependant accomplir aucun acte de procédure tels qu'interrogatoires, auditions, perquisitions, saisies. Ils ne peuvent qu'y assister sans y intervenir. Ils n'ont en effet aucun des pouvoirs attribués par le code de procédure pénale aux magistrats du siège ou du parquet ou aux officiers de police judiciaire.

Les modalités de recrutement des assistants spécialisés

Le décret n° 99-95 du 5 février 1999, relatif à l'exercice des fonctions d'assistant spécialisé, a précisé les conditions de recrutement des assistants spécialisés ainsi que les modalités d'exercice de leur fonction.

Deux catégories de personnes différentes peuvent exercer les fonctions d'assistant spécialisé :

- Les fonctionnaires

Il s'agit de fonctionnaires de catégorie A ou B. Aucune condition d'ancienneté n'est fixée par la loi mais il va de soi qu'une certaine expérience est, toutefois, considérée comme opportune. Compte tenu de l'expression très générale de la loi, les fonctionnaires en question peuvent appartenir à l'une quelconque des trois fonctions publiques d'État, territoriale et hospitalière. Le décret n° 99-75 du 5 février 1999 permet tant la mise à disposition que le détachement.

- Les agents contractuels

Des personnes qui n'appartiennent pas à la fonction publique peuvent être recrutées en tant qu'agent contractuel de État. Elles doivent remplir les conditions d'accès à la fonction publique et sont soumises aux dispositions du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents non titulaires de l'État. Ces personnes doivent justifier d'une double condition de diplôme et d'expérience professionnelle. Elles doivent être titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation économique, financière, juridique, sociale ou fiscale d'une durée au moins égale à quatre années d'études supérieures après le baccalauréat. L'expérience professionnelle requise est d'un minimum de quatre ans. L'efficacité attendue des services des assistants spécialisés suppose que cette expérience soit proche des réalités actuelles du monde économique, financier ou social. Jusqu'alors, notons qu'aucun assistant spécialisé extérieur à la fonction publique n'a été recruté.

Les assistants spécialisés sont nommés pour une durée de trois ans renouvelable. L'arrêté de mise à disposition ou de détachement des fonctionnaires, ou le contrat des agents contractuels, précise la cour d'appel dans le ressort de laquelle l'assistant spécialisé exerce ses fonctions à titre principal.

S'agissant ensuite des modalités de recrutement, tout candidat aux fonctions d'assistant spécialisé en formule la demande au ministre de la justice. Pour les fonctionnaires, cette demande est transmise par la voie hiérarchique au sein de leur administration d'origine qui assure la communication des dossiers au ministère de la Justice. Dans l'hypothèse où des demandes parviendraient directement aux juridictions, il appartient à celles-ci de les transmettre à la chancellerie et d'en informer les personnes concernées. Les fonctionnaires devront être informés qu'une demande officielle doit être transmise par l'intermédiaire de leur hiérarchie.

Le processus de sélection des candidats retenu est, en l'état, le suivant :

-  la chancellerie vérifie si les demandes transmises par les administrations d'où sont originaires les fonctionnaires ou par les candidats n'appartenant pas à la fonction publique correspondent bien aux critères légaux et réglementaires ;

-  toutes les candidatures qui répondent à ces critères sont ensuite soumises, sans exception, pour avis aux chefs de cour et, par leur intermédiaire, aux chefs de juridiction du lieu principal d'exercice des fonctions ; des entretiens sont organisés avec les candidats ;

-  les chefs de cour portent à la connaissance du garde des Sceaux, par avis motivé, le nom des personnes qui leur paraissent aptes à remplir les fonctions, en classant les dossiers par ordre de mérite ;

-  l'arrêté désignant les fonctionnaires est pris ultérieurement par le ou les ministres compétents ; le contrat de recrutement concernant les agents contractuels est également établi au niveau de l'administration centrale.

· Un statut à parfaire

« La demande d'assistants spécialisés est actuellement très forte de la part des tribunaux de grande instance » : c'est afin de satisfaire cette demande légitime, rappelée par l'étude d'impact annexée au projet de loi, que celui-ci modifie le code de procédure pénale pour clarifier le rôle des assistants spécialisés.

Au-delà de la question cruciale des moyens...

Force est de constater aujourd'hui que la mobilisation des moyens annoncée en 1998, lors de la création des assistants spécialisés, est largement restée lettre morte. Aux termes de la circulaire du 19 février précitée, il était prévu que neuf assistants spécialisés seraient affectés à Paris, deux à Marseille, trois à Bastia, deux à Lyon, un à Bordeaux, un à Fort-de-France et un à Nanterre et que, « d'ici la fin 2000, quarante-cinq assistants spécialisés [seraient] répartis sur l'ensemble du territoire ».

En 2002, les moyens des juridictions spécialisées en assistants spécialisés, et plus généralement en effectifs, étaient les suivants (5) :

Magistrats

Fonctionnaires

Assistants
spécialisés1

Assistants
de justice

Total

Parquet

Instruction

Parquet

Instruction

Paris

31

27

34

60

9

19

180

Marseille2

4

3

6

3

2

5

23

Lyon2

4

3

13

2

4

26

Bastia

1

2

2

3

1

9

TOTAL

75

118

16

29

238

Source : Chancellerie
(1)
Non compris les trois assistants spécialisés affectés dans les juridictions spécialisées non constituées en pôles financiers.Les assistants spécialisés sont issus de la direction générale des impôts (7), de la direction générale des douanes et impôts indirects (4), de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (2), de la Banque de France (2) et de la Commission des opérations de bourse (1).
(2)
À ces chiffres, les juridictions de Lyon et Marseille ajoutent les trois magistrats et le greffier de la formation correctionnelle de jugement spécialisée.

Selon les données du ministère de la Justice, au 27 février 2003, 17 assistants spécialisés étaient affectés auprès des juridictions de l'article 704, étant précisé qu'à cette date, deux agents de la banque de France et un inspecteur des douanes n'avaient pas été remplacés.

L'étude d'impact associée au projet de loi ne traite pas spécifiquement des assistants spécialisés dédiés aux nouveaux pôles interrégionaux économiques et financiers, ne faisant référence qu'aux postes d'assistants spécialisés à créer dans les nouvelles juridictions interrégionales spécialisées en matière de criminalité organisée, qui devraient pouvoir disposer chacune de cinq assistants spécialisés (quinze pour Paris). Il est toutefois intéressant de relever que, contrairement à la pratique actuelle, « ces assistants spécialisés devront être financés par le budget de la Justice car la solution actuelle de la mise à disposition de fonctionnaires d'autres administrations ne pourra pas perdurer en raison de la réticence des administrations d'origine de ces assistants spécialisés ». Jusqu'alors en effet, les assistants spécialisés originaires de la direction générale des impôts, de la direction générale des douanes ou de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ont été placés en situation de mise à disposition. Il s'agirait donc de les placer en situation de détachement par rapport à leur administration d'origine. Cette recommandation s'inspire des conclusions du groupe de suivi des pôles économiques et financiers remises au garde des Sceaux en 2001.

S'agissant des recrutements à venir, d'après le ministère de la Justice, un apport de 23 fonctionnaires et agents supplémentaires a été demandé en 2002 au ministère de l'Économie et des finances ainsi qu'à la Banque de France, qui seraient affectés de la manière suivante : six à Paris, quatre à Lille, trois à Nanterre et à Marseille, deux à Lyon et un à Bastia, Fort-de-France, Toulouse, Bordeaux et Rouen.

La nécessaire redéfinition de l'affectation et des missions des assistants spécialisés

L'absence de précision dans la loi quant aux missions pouvant être confiées aux assistants spécialisés a conduit à des interrogations et à des contentieux sur les modalités de leurs interventions. C'est pourquoi il est apparu nécessaire de préciser leurs missions dans la loi, afin principalement de les faire apparaître en procédure. Ainsi, le paragraphe III de l'article 7 substitue aux deux alinéas traitant, dans l'article 706 du code de procédure pénale, du recrutement et des missions des assistants spécialisés, de nouvelles dispositions visant à adapter le système actuel à la création des pôles interrégionaux et à en corriger les faiblesses.

À cette fin, la nouvelle rédaction de l'article 706 précité limite en premier lieu l'affectation des assistants spécialisés à un tribunal de grande instance, là où le droit actuel prévoit que ces fonctions peuvent être exercées auprès d'une ou plusieurs cours d'appel ou d'un ou de plusieurs tribunaux de grande instance spécialisés.

Par ailleurs, le projet de loi précise les attributions des assistants spécialisés sur le modèle de ce qui existe pour les auditeurs de justice. Le flou qui entoure la définition des missions des assistants spécialisés nuit en effet, d'une part, à leur légitimité au sein de l'institution judiciaire, d'autre part à l'attractivité de la fonction. Le projet de loi se propose par conséquent de les préciser, sans pour autant revenir sur les postulats de base qui ont présidé à la création des assistants spécialisés : ils ne peuvent accomplir aucun acte de procédure et ne disposent d'aucun pouvoir juridictionnel. Ils ne peuvent en aucune façon se substituer aux magistrats auprès desquels ils effectuent leurs travaux, ni se voir déléguer aucun pouvoir de signature. Auprès d'une juridiction d'instruction, ils ne peuvent notamment délivrer de mandats, de commissions rogatoires, d'ordonnances d'expertise ou autres, ni procéder à des interrogatoires ou à des auditions de témoins, ni effectuer des perquisitions ou ordonner des gardes à vue ou les prolonger. Auprès des membres du parquet, ils ne peuvent notamment pas ordonner d'enquête, de quelque nature qu'elle soit, ni signer de réquisitoire ou procéder à une citation directe, ni requérir à l'audience, ni autoriser une garde à vue ou en délivrer des autorisations de prolongation, ni assurer des permanences ou donner quelque instruction que ce soit aux services d'enquête, ni procéder aux auditions de personnes présentées au parquet.

La nouvelle rédaction de l'article 706 du code de procédure pénale se contente donc de préciser le rôle d'assistance prêtée aux magistrats par les assistants spécialisés. Il s'agit de participer « aux procédures sous la responsabilité des magistrats, sans pouvoir toutefois recevoir délégation de signature ». Cette dernière précision est d'importance, un certain nombre des personnes auditionnées par le rapporteur ayant souhaité, au contraire, voir reconnaître un tel pouvoir aux assistants spécialisés.

Le projet de loi fournit ensuite une liste non exhaustive de que recouvre le terme de participation, en mettant en valeur la multiplicité des affectations de l'assistant spécialisé : il s'agit d'assister aussi bien le juge d'instruction dans les actes d'information que les magistrats du ministère public dans l'exercice de l'action publique ou encore les OPJ agissant sur délégation des magistrats. Précisons qu'aux termes de la circulaire du 19 février précitée, cette participation, laissée à l'appréciation du magistrat, doit être mentionnée dans les actes de procédure.

Les tâches qui peuvent être confiées aux assistants spécialisés couvrent donc un large domaine dont seule la pratique quotidienne permettra au fil du temps de déterminer les contours avec plus de précision. Au nombre des tâches susceptibles d'être confiées par le magistrat, on peut néanmoins mentionner l'étude des faits susceptibles de qualification pénale portés à la connaissance des autorités judiciaires ou faisant l'objet d'une information judiciaire (plaintes, dénonciations, enquêtes, révélations des commissaires aux comptes, des administrations...) ou encore l'exploitation de documents dont sont destinataires les magistrats, comme, par exemple, l'examen des états périodiques des administrateurs et des mandataires liquidateurs aux fins de vérifier la régularité de leur gestion. Les assistants spécialisés élaborent également des documents de synthèses, éventuellement versés au dossier de la procédure, et non pas systématiquement, comme semble l'indiquer le texte du projet de loi. Sur proposition du rapporteur, la Commission a donc adopté un amendement du rapporteur supprimant l'obligation de verser au dossier de la procédure les documents de synthèse ou d'analyse réalisés par les assistants spécialisés, au profit d'une faculté (amendement n° 110). Elle a ensuite rejeté un amendement de M. Thierry Mariani ayant le même objet et, par conséquent, satisfait.

L'apport du projet de loi dans la définition des fonctions dévolues aux assistants spécialisés est indéniable, mais insuffisant : votre rapporteur propose donc, sans revenir sur le principe général de non-délégation de signature, de prévoir, sur ce point, une exception en matière de réquisitions. Exception qui se justifie d'autant plus que, dans la pratique, elles sont souvent rédigées par les assistants. Outre un amendement de précision des fonctions de l'assistant spécialisé auprès du magistrat (amendement n° 109), la Commission a donc adopté un autre amendement du rapporteur autorisant les assistants spécialisés à signer, sur délégation du magistrat, les réquisitions prévues par les articles 60-1, 60-2 (enquête de flagrance), 77-1-1, 77-1-2 (enquête de flagrance), 99-3 (instruction), et 151-1-1 (commission rogatoire) du code de procédure pénale (amendement n° 108).

Article 706-1 du code de procédure pénale

Procédure de dessaisissement
au profit du tribunal de grande instance de Paris

L'article 7 modifie enfin, dans son paragraphe IV, l'article 706-1 du code de procédure pénale, relatif à la compétence du procureur et des juridictions de Paris, en matière de corruption active d'agents publics étrangers, introduit par la loi n° 2000-595 du 30 juin 2000 modifiant le code pénal et le code de procédure pénale et relative à la lutte contre la corruption. Cette loi avait en effet inscrit de nouveaux délits dans notre droit, dont celui, défini aux articles 435-3 et 435-4 du code pénal, de corruption active de personnes relevant d'États étrangers autres que les États membres de l'Union européenne et d'organisations internationales publiques autres que les institutions des communautés européennes.

Considérant en effet que « malgré le développement récent de quelques pôles économiques et financiers, peu de juridictions paraissent aujourd'hui dotées des moyens nécessaires pour lutter efficacement contre des infractions financières d'une grande complexité » (6), le Sénat avait proposé de prévoir une compétence concurrente de la juridiction parisienne et de la juridiction territorialement compétente pour traiter de la corruption dans le commerce international. L'objectif de cette attribution de compétence spécifique était notamment que l'action publique soit exercée de manière cohérente sur l'ensemble du territoire. C'est, à l'évidence, le modèle de la juridiction spécialisée dans les affaires de terrorisme qui a servi de modèle à ce système destiné à connaître des problèmes de corruption internationale.

Le présent article ne revient pas sur ce dispositif mais le complète, en y introduisant une référence aux nouvelles règles uniformisées de dessaisissement désormais applicables à l'ensemble des juridictions spécialisées. Il revient en l'occurrence au procureur de la République près un tribunal de grande instance autre que celui de Paris de requérir le juge d'instruction « naturel » de se dessaisir au profit de Paris, selon la procédure définie aux articles 705-1 et 2.

La Commission a adopté l'article 7 ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 7

(art. 3, 4, 5, 6, 7 bis [nouveau] de la loi du 21 mai 1836,
et art. 1er de la loi n° 83-628 du 12 juillet 1983)


Clarification de la législation sur les loteries

La Commission a adopté un amendement de M. Thierry Mariani regroupant et clarifiant différentes dispositions relatives à la législation sur les loteries et facilitant le recours à ces jeux par des associations souhaitant ainsi financer leurs activités, le rapporteur y étant favorable, tout en s'interrogeant sur sa place et sur certains aspects du dispositif proposé (amendement n° 111).

Section 2

Dispositions relatives aux infractions en matière de santé publique

« Le droit pénal a été un outil de gestion des fléaux sanitaires ; il est devenu un moyen de manifester les valeurs qui doivent modeler la société » (7). Comme il a été indiqué précédemment, la possibilité donnée au pouvoir réglementaire de spécialiser certaines juridictions en matière de santé publique est de création récente, puisque c'est une disposition introduite par un amendement du Gouvernement lors de la discussion de la loi n° 2002-303 du 3 mars 2003, relative aux droits des malades, qui en est à l'origine.

La question s'était posée, à l'époque, de l'étendue de la compétence de ces nouveaux « pôles interrégionaux », un an après la création des pôles compétents en matière de pollution maritime. Fallait-il, sur le modèle de la juridiction spécialisée dans les affaires de terrorisme, prévoir une juridiction à compétence nationale, ou s'inspirer des pôles interrégionaux compétents pour la pollution maritime ?

Justifiant le choix du gouvernement de l'époque en faveur de cette dernière option, le garde des Sceaux avait estimé que, si l'implantation d'une telle juridiction spécialisée à Paris allait de soi, « compte tenu de l'implantation de nombreux sièges sociaux de sociétés commerciales, industrielles ou pharmaceutiques, d'établissements publics et d'autorités administratives et sanitaires », « certains contentieux liés à des phénomènes de santé publique, tels la listériose ou les trafics de produits dopants ou à la sécurité sanitaire en matière d'élevage, d'abattage ou de vente d'animaux, ont tout autant vocation à être traités par des juridictions spécialisées interrégionales, par exemple dans l'ouest ou le sud de la France » (8).

Dans la foulée de la loi, un décret (9) avait été pris, qui désigne les tribunaux compétents ainsi que leur ressort : en vertu de ce texte, les juridictions de Marseille et de Paris sont désignées pour exercer une compétence spécifique en ce domaine, respectivement dans le ressort des cours d'appel d'Aix-en-Provence, Bastia, Chambéry, Grenoble, Lyon, Nîmes et Montpellier, d'une part, et dans celui des cours d'Agen, Amiens, Angers, Besançon, Bordeaux, Bourges, Caen, Colmar, Dijon, Douai, Limoges, Metz, Orléans, Paris, Pau, Poitiers, Reims, Rennes, Riom, Rouen, Toulouse, Versailles, Basse-Terre, Fort-de-France et Saint-Denis de la Réunion, d'autre part. La compétence du TGI de Paris s'étend, on le voit, à près de 75 % du territoire national, ce qui fait de ces pôles de santé un cas assez particulier : on peut avoir le sentiment que la compétence donnée à Marseille ne vise en réalité qu'à décharger le pôle de Paris, seul à compter véritablement dans ce domaine.

Il n'est pas prévu à ce jour de multiplier les « pôles » interrégionaux intervenant dans ce domaine au-delà de trois ou quatre à terme. Les deux pôles créés législativement et réglementairement sont, de toute façon, encore en phase de construction : un assistant spécialisé est actuellement en cours de recrutement à Paris. Ajoutons qu'à ce jour, un seul magistrat est affecté à Paris, chargé de gérer aussi bien le dossier du sang contaminé, que celui du nuage de Tchernobyl, ce qui représente plus de trois cents parties civiles... Inutile de préciser combien le renforcement de cette juridiction serait souhaitable.

Article 8

(art. 706-2 du code de procédure pénale)


De la compétence et des moyens dévolus aux juridictions spécialisées
en matière de santé publique

L'article 8 du projet de loi modifie l'article 706-2 du code de procédure pénale relatif aux juridictions spécialisées en matière de santé publique, afin de faciliter plus encore le traitement judiciaire des procédures relatives au champ de la santé publique. Rappelons qu'en vertu de cet article, sont visées les infractions d'une grande complexité qui, du fait d'un produit de santé ou d'un produit destiné à l'alimentation de l'homme ou de l'animal :

- portent atteinte à la personne humaine, au sens du code pénal ;

- sont prévues par les codes de la santé publique, rural et de la consommation.

Compétentes pour les procédures pénales complexes relatives à un produit alimentaire ou à un produit sanitaire, ces juridictions n'ont aucune compétence particulière en matière de sécurité environnementale : ainsi, elles ne connaissent pas des procédures relatives à l'amiante, au plomb, au mercure ou aux produits chimiques. Pourtant, les procédures liées aux questions de « santé - environnement » sont souvent complexes, notamment en raison du nombre de victimes concernées, et requièrent une expertise technique particulière. Par cohérence, qui plus est, avec la logique de développement durable mise en œuvre par le Gouvernement, notamment par le ministère de la santé, en lien avec ceux de l'écologie et du développement durable d'une part, du travail et des affaires sociales d'autre part, le rapporteur a proposé à la Commission d'élargir la compétence de ces juridictions aux affaires de « santé - environnement ». La Commission a donc adopté deux amendements en ce sens (amendements nos 113 et 114).

· L'article 706-2 du code de procédure pénale relatif aux juridictions spécialisées en matière de poursuite, d'instruction et de jugement des infractions en matière sanitaire est modifié, afin d'aligner le régime des pôles en matière sanitaire sur celui des pôles en matière économique et financière. Ainsi, la compétence de ces juridictions est étendue à l'enquête, de manière similaire à ce qui prévu à l'article 704 en matière économique et financière (a). Par parallélisme, il convient d'ailleurs de modifier en conséquence l'intitulé du titre XIII bis : sur proposition du rapporteur, et à l'instar de la modification qu'elle a apportée à l'intitulé du titre relatif aux juridictions économiques et financières, la Commission a donc adopté un amendement du rapporteur modifiant l'intitulé du titre XIII bis du livre IV du code de procédure pénale, afin de tirer la conséquence de l'extension de la compétence des juridictions spécialisées en matière sanitaire à l'enquête sur les infractions relevant de leur compétence (amendement n° 112).

Cette disposition revêt une importance particulière en matière de santé publique, dans la mesure où « les procédures emblématiques touchant à la santé publique ont été initiées depuis quinze ans par la voie de plaintes avec constitution de partie civile, c'est-à-dire que les parquets n'ont en ces occasions pris aucune initiative, mais que c'est par le soin de quelques victimes et de leurs conseils que ces dossiers ont été ouverts dans les cabinets d'instruction » (10). Or, comme le note le magistrat auteur de ces propos, plutôt que de voir ce type d'affaires exposé seulement dans la presse, « un effort de réflexion prospective, une timide audace à lancer une enquête préliminaire, aurait hâté l'avancement des choses, et un scrupuleux respect du principe de secret des enquêtes (posé par l'article 11 du code de procédure pénale) aurait permis au travail judiciaire de se développer dans la sérénité des cabinets de parquetiers puis de juges d'instruction » (11).

Telle est bien cette possibilité de veille sanitaire qu'ouvre la présente disposition du projet de loi, qui postule une « direction dynamique de l'action publique, attentive aux signaux que les milieux de santé et les citoyens peuvent lui adresser, et animée par des citoyens sensibilisés aux spécificités de ces contentieux » (12).

· Par ailleurs, sont instaurées des règles de dessaisissement exactement similaires à celles qui sont prévues par l'article 7 pour les juridictions économiques et financières (b).

· Enfin, le c) modifie la rédaction du II de l'article 706-2 du code de procédure pénale afin de préciser les fonctions et attributions des assistants spécialisés des pôles sanitaires, comme le fait l'article 7 pour les assistants spécialisés des pôles économiques et financiers. Les conditions d'accès aux fonctions d'assistants spécialisés des pôles sanitaires sont à la fois assouplies et élargies pour faciliter un plus large recrutement. En cohérence avec sa décision sur le même sujet à l'article précédent, la Commission a rejeté un amendement de M. Thierry Mariani permettant aux tribunaux spécialisés en matière sanitaire de pouvoir recruter certains assistants de justice en tant qu'assistants.

La Commission a adopté l'article 8 ainsi modifié.

Section 3

Dispositions relatives aux infractions en matière de pollution
des eaux maritimes par rejets des navires

Erika, Prestige... Ces noms de sinistre mémoire, dont l'actualité la plus récente rappelle qu'ils ne doivent pas être déclinés au passé, représentent deux symboles d'un scandale dénoncé dans les termes les plus vifs par le Président de la République. De fait, « nous ne pouvons pas nous résigner aux vagues de pollutions successives qui souillent notre littoral atlantique », d'autant que ni la catastrophe de l'Erika ni celle du Prestige ne sont « la conséquence inévitable d'un événement de mer imprévisible. C'est bien le fruit de la négligence, du vide juridique et d'une quête effrénée du profit où les risques écologiques et humains sont systématiquement ignorés » (13). Autant de comportements qu'il faut se donner les moyens de réprimer.

I. - LA PÉNALISATION DU DROIT DE L'ENVIRONNEMENT : UN DÉBAT RÉCENT...

A. CRIMINALISER LE DROIT DE L'ENVIRONNEMENT : DES OBSTACLES NOMBREUX

Sanctionner pénalement les atteintes à l'environnement maritime : assurément, la tâche n'est pas aisée. En la matière, en effet, les règles classiques de notre procédure pénale ne sauraient s'appliquer en l'état. D'abord parce qu'un navire bouge, parfois très vite ; ensuite parce qu'il évolue dans un milieu réglementé par des règles de droit international public, qui distingue notamment les eaux territoriales de la zone économique exclusive (ZEE) et des eaux internationales : quelles règles de compétence faut-il dès lors appliquer, en cas d'infractions commises par ce navire, qui plus est quand il est sous pavillon étranger ?

Dans ce contexte, toute approche étroitement nationale est vouée à l'échec, ce qui nécessite, en conséquence, l'adoption de règles à tout le moins européennes, sinon internationales.

Or, telle n'est pas du tout la tradition du droit international public. La criminalisation des actes portant atteinte - ou risquant de porter atteinte - à l'environnement est, en effet, une préoccupation récente : on a longtemps estimé que le droit pénal, solution de dernier recours, était un instrument inapproprié en matière d'environnement. Certes, la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination demande à ses signataires de prendre des mesures appropriées de droit national et d'imposer des sanctions. D'autres traités, tels que la Convention sur le commerce international des espèces menacées d'extinction (CITES), prévoient des sanctions pour les signataires qui ne respecteraient pas les engagements pris. L'usage veut, toutefois, qu'on sanctionne ce type d'infractions par des mesures administratives ou de droit civil.

Principes du droit international maritime

Selon la convention des Nations Unies dite de Montego Bay (1982) sur le droit de la mer, il convient de distinguer :

- les eaux territoriales qui s'étendent jusqu'à douze milles marins et sont définies comme la zone de mer adjacente sur laquelle s'exerce la souveraineté de l'État côtier au-delà de son territoire et de ses eaux intérieures (eaux situées en deçà des « lignes de bases » des eaux territoriales). Dans les eaux territoriales, les navires de commerce bénéficient du principe de libre navigation, dès lors qu'ils les traversent sans se rendre dans les eaux intérieures ou pour entrer ou sortir des eaux intérieures. Sous réserve de ces principes généraux sur la liberté de navigation, tout État est, rappelons-le, entièrement souverain dans ses eaux territoriales (pêche, protection contre les pollutions...) ;

- la zone contiguë, qui s'étend sur une largeur maximale de 24 milles, dans laquelle l'État côtier peut exercer certains contrôles (douaniers, fiscaux...) ainsi qu'un droit de poursuite pour réprimer les infractions à ses règles nationales ;

- la zone économique exclusive, d'une largeur maximale 200 milles marins, dans laquelle l'État côtier jouit de droits souverains et exclusifs sur les ressources vivantes et minérales des eaux, du sol et du sous-sol et dispose de droits de juridiction dans le domaine de la pollution des mers et en matière de recherche scientifique. Selon la règle du « libre passage inoffensif », la navigation maritime y est libre ;

- la haute mer, laquelle ne reconnaît que la loi du pavillon.

La France dispose d'une zone économique dans l'Atlantique, dans la Manche et outre-mer ; elle occupe le troisième rang mondial quant à la surface couverte à cet égard.

Les règles du droit international public ne permettent donc pas de réprimer par des sanctions pénales les responsables de pollution maritime. Cette disposition fondamentale est posée par la « charte » internationale du droit de la mer qu'est la convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982, dite de Montego Bay. Aux termes de l'article 230, « seules des peines pécuniaires peuvent être infligées en cas d'infraction aux lois et règlements nationaux ou aux règles et normes applicables visant à prévenir, réduire et maîtriser la pollution du milieu marin, qui ont été commises par des navires étrangers au-delà de la mer territoriale ». Précisons que le principe vaut également pour les eaux territoriales, sauf s'il s'agit d'un acte délibéré et grave de pollution.

A l'évidence, cette disposition apparaît dépassée et doit être renégociée. Dans l'attente d'une telle évolution, une question cruciale se pose : comment concilier le temps, nécessairement long, de la négociation internationale - plus encore lorsque ses participants peuvent avoir des intérêts, commerciaux notamment, qui font parfois écran avec les questions environnementales - et le temps, dramatiquement contraint, de ces catastrophes écologiques scandaleuses que sont les pollutions maritimes de grande ampleur ? L'Erika en avait fourni la démonstration éclatante, même s'il a fallu la catastrophe du Prestige pour que cette distorsion apparaisse aux yeux de tous les pays d'Europe.

B. L'EUROPE AUX AVANT-POSTES : L'ERIKA OU LA PRISE DE CONSCIENCE ENVIRONNEMENTALE

Sans doute parce qu'elle a été la principale touchée par les catastrophes maritimes au cours des années récentes, l'Europe est de loin la zone géographique où la sensibilité collective aux pollutions maritimes est la plus aiguisée.

Sans doute ce qu'il n'est pas exagéré de qualifier de prise de conscience environnementale n'est-il pas nouveau. Ainsi, dès 1991, le comité des ministres du Conseil de l'Europe avait mis en place un nouveau comité d'experts restreint, intitulé « Groupe de spécialistes sur la protection de l'environnement par le droit pénal ». Entré en fonction en octobre 1991, ce groupe d'experts avait terminé ses travaux en décembre 1995, après avoir tenu sept réunions plénières et dix réunions au niveau des groupes de travail. Le 16 novembre 1998, sept pays ont signé la convention du Conseil de l'Europe sur la protection de l'environnement par le droit pénal, ouverte à la signature le 4 novembre 1998. Cette convention est importante, car c'est le premier traité international qui criminalise les actes portant atteinte, ou risquant de porter atteinte, à l'environnement. En vertu de l'article 6 de cette convention, les pays signataires doivent notamment prévoir, non seulement des sanctions pécuniaires, mais également des peines d'emprisonnement.

Pour novateur qu'il soit, ce texte ne vise toutefois pas spécifiquement la pollution maritime, sans compter qu'il n'est pas adossé à une organisation internationale dotée de pouvoirs, sinon coercitifs, du moins incitatifs. Avec le naufrage de l'Erika et la prise en main de ces questions par l'Union européenne, renforcée après la catastrophe du Prestige, la donne est radicalement changée.

La première de ces crises, qui avait touché la France, s'est déjà traduite par des avancées importantes. L'Europe communautaire s'est en effet dotée d'instruments de protection spécifiques contre les pollutions, et singulièrement les pollutions par hydrocarbures, via les « paquets Erika » I et II.

Le contenu de ces « paquets » frappe par l'absence de toute référence au traitement pénal de la pollution maritime. Des travaux communautaires en la matière étaient pourtant d'ores et déjà engagés en la matière. Ainsi, le Conseil européen de Tampere en date des 15 et 16 octobre 1999 avait demandé que des efforts soient faits pour adopter des définitions, incriminations et sanctions communes portant sur un nombre limité de secteurs revêtant une importance particulière, tels que la criminalité au détriment de l'environnement. Le 11 février 2000, le Danemark avait présenté au Conseil européen une initiative visant à instaurer une coopération policière et judiciaire pour lutter contre les infractions graves au détriment de l'environnement, sur laquelle le Parlement européen avait adopté, le 7 juillet 2000, un avis favorable.

Les « paquets Erika » I et II

Dans ce qu'il est courant d'appeler les « paquets Erika », il convient ainsi de distinguer le « paquet Erika » I, adopté définitivement en décembre 2000 et entré en vigueur en juin 2002 du « paquet Erika » II, adopté en mars 2002 - il s'agit donc, en fait, d'un paquet « Erika - Prestige » - et qui doit entrer en vigueur en 2003.

· Le « paquet I » comprend essentiellement trois volets :

- interdiction des pétroliers à simple coque au plus tard en 2015, selon un calendrier d'élimination progressive ;

- amélioration du contrôle des activités des sociétés de classification, via l'introduction de règles telles que l'exigence préalable de bonnes performances en matière de sécurité et de prévention des pollutions avant l'octroi de l'agrément communautaire ou encore la suspension, temporaire ou définitive, de cet agrément ;

- renforcement des contrôles dans les ports, ce qui inclut le bannissement et le refus d'accès aux ports de l'Union pour les bâtiments immobilisés à plusieurs reprises pour leur mauvaise condition et battant pavillon de complaisance, sur la base d'une liste noire publiée par la commission européenne, l'inspection annuelle renforcée obligatoire pour les navires à risque (évalué selon divers critère tels que l'âge et la catégorie du navire ainsi que son « coefficient de ciblage », outil de mesure du risque potentiel que pose un navire).

Précisons à cet égard que, dans ce cadre et grâce aux mesures décidées par le Gouvernement français après le naufrage du Prestige, le taux de contrôle des navires dans les ports français est remonté en décembre 2002 à 30 % et à 36 % en janvier. Quant au taux de contrôle des pétroliers les plus dangereux, il s'élève désormais à 95 % !

· Le « paquet II » prévoit :

- l'amélioration du signalement et du suivi des navires, avec, notamment, la présence de boîtes noires similaires à ce qui peut exister pour les avions et de systèmes d'identification automatique ;

- la révision des régimes de responsabilité et de compensation des dommages de pollution en vigueur et la création d'un fonds de compensation des dommages de pollution ;

- la mise en place d'une agence européenne de sécurité maritime, destinée à soutenir l'action de la commission, des États membres et des États candidats à l'adhésion. Celle-ci est, en fait, déjà installée, la première réunion du conseil d'administration ayant eu lieu au mois de décembre 2002, même si aucune décision n'a encore été prise sur son siège définitif - la France a proposé la candidature de Nantes -, dans l'attente d'une décision générale sur la localisation des différentes agences européennes.

Dans ces conditions, il peut paraître étonnant qu'aucune initiative communautaire ne soit intervenue après l'Erika. La compétence de la Commission en matière de pénalisation du droit de l'environnement n'allait, en réalité, pas de soi : la Communauté ne dispose pas en tant que telle d'une compétence matérielle dans le domaine pénal. Toutefois, dans la mesure où cela est nécessaire pour atteindre des objectifs communautaires, la Communauté peut obliger les États membres à prévoir des sanctions pénales. En l'occurrence, assurer la sécurité du transport maritime et protéger les eaux communautaires de la pollution causée par les navires sont assurément des objectifs incontestés de la Communauté, qui doivent être poursuivis par la politique communautaire selon le Titre V du traité, et notamment son article 80, paragraphe 2. En outre, même lorsque le droit communautaire ne prévoit pas expressément de sanctions (ou de sanctions pénales), les États membres peuvent être obligés à prendre des mesures appropriées pour faire respecter la législation communautaire : en effet, si le droit pénal est l'unique moyen de garantir que le droit communautaire est appliqué efficacement, les États membres peuvent être obligés à prévoir des sanctions pénales.

Il aura fallu attendre la catastrophe du Prestige pour que l'Union mette sa compétence en œuvre et que la question de la mise en cause pénale des contrevenants en matière pollution maritime vienne au premier rang de l'ordre du jour communautaire.

II. - LE PROJET DE LOI OU LE VOLONTARISME NATIONAL ENTRE DYNAMIQUES EUROPÉENNES ET ATTENTISME INTERNATIONAL

A. LES CONSÉQUENCES DE LA CATASTROPHE DU PRESTIGE : VERS UN DROIT PÉNAL EUROPÉEN DE L'ENVIRONNEMENT

Lors du Sommet du Conseil européen tenu à Copenhague le 13 décembre 2002, les chefs d'État ou de gouvernement de tous les États membres de l'Union européenne ont exprimé leur grande préoccupation en ce qui concerne l'accident du pétrolier Prestige et ont particulièrement évoqué la nécessité de prendre de nouvelles mesures spécifiques se rapportant à la responsabilité et aux sanctions correspondantes. Pour sa part, le Conseil « Justice et affaires intérieures » du 19 décembre 2002 a convenu que des mesures complémentaires devraient être envisagées pour « renforcer la protection de l'environnement, en particulier les mers, au moyen du droit pénal ». Dans l'esprit de ces déclarations, à l'initiative du Président de la République, la France, l'Espagne et le Portugal ont écrit, le 7 février 2003, une lettre au Premier ministre grec, président du Conseil européen, pour rappeler leur volonté de voir des décisions rapides et concrètes prises en la matière au niveau européen. Notamment, les trois auteurs demandaient « que des avancées soient rapidement obtenues pour mieux responsabiliser tous les opérateurs du transport maritime » ainsi que « l'examen rapide au niveau européen d'une proposition de la commission comportant des sanctions pénales ».

Allant au-delà de cette demande, le collège des commissaires européens a adopté, le 5 mars 2003, une proposition de directive prévoyant d'infliger des sanctions pénales allant jusqu'à l'application de peines de prison aux responsables d'une pollution maritime, tant dans les eaux territoriales de l'Union qu'en haute mer. Ces sanctions pourraient s'appliquer à la société de classification et à toute personne, y compris le capitaine, le propriétaire, l'exploitant et l'affréteur d'un navire, reconnue coupable d'avoir causé ou contribué à causer une pollution, intentionnellement ou par négligence grave. L'exposé des motifs de ce texte est particulièrement éclairant quant à la révolution copernicienne qui est en train de s'opérer dans l'Europe communautaire sur la responsabilité pénale des pollueurs sévissant dans les eaux maritimes : « En conformité avec sa politique sur les infractions liées à la criminalité environnementale, la Commission considère que seules des sanctions pénales seront suffisamment efficaces pour assurer les effets projetés des règles en matière de pollution causée par les navires. Une mesure de nature pénale permettra d'appliquer à l'échelle communautaire une sanction dissuasive pour tous ceux qui sont concernés par le transport maritime de marchandises polluantes. Des effets suffisamment dissuasifs ne seront obtenus qu'en établissant que les rejets illégaux constituent une infraction pénale, ce qui reflète une désapprobation de la société qualitativement différente de celle manifestée par le biais d'une indemnisation au civil ou de mesures administratives. Cela transmet donc un message fort aux délinquants potentiels, avec un effet plus dissuasif ».

Et la commission de pointer fort justement le doigt sur les insuffisances du droit international en la matière : « Indépendamment de ces considérations, toutefois, il y a une autre caractéristique importante du droit maritime existant qui rend particulièrement nécessaires des mesures pénales en matière de pollution par les navires. De fait, les effets dissuasifs des régimes internationaux de responsabilité civile qui régissent les événements de pollution provenant des navires sont insuffisants ».

En effet, l'indemnisation de la pollution par les hydrocarbures est actuellement réglementée au niveau international par la convention internationale sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (CLC) et la convention internationale portant création d'un fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (convention FIPOL), modifiées par leurs protocoles de 1992, auxquelles tous les États membres côtiers sont parties. Ces deux conventions instituent un système à deux niveaux de responsabilité, reposant sur une responsabilité objective - mais dans pratiquement tous les cas limitée - pour le propriétaire du navire et sur un fonds, alimenté collectivement par les entités réceptionnant des hydrocarbures, qui fournit aux victimes de dommages par pollution par les hydrocarbures une indemnisation complémentaire lorsqu'elles ne peuvent pas être indemnisées complètement par le propriétaire.

Ainsi, comme le rappelle la proposition de directive du 5 mars dernier, « le régime international en matière de pollution par les hydrocarbures (et de pollution par d'autres substances nocives et potentiellement dangereuses, qui est réglementée par une convention qui doit encore entrer en vigueur) porte principalement sur l'indemnisation des victimes. La responsabilité du véritable pollueur est un point considérablement moins important dans ces régimes, car la responsabilité personnelle du pollueur est diluée par un droit presque inaliénable du propriétaire de limiter la responsabilité et par la compensation collective par les entités qui reçoivent les cargaisons, par l'intermédiaire des fonds, indépendamment de leur rôle réel dans l'accident en question. Le régime de responsabilité et d'indemnisation en cas de pollution maritime tel qu'il est comporte donc peu d'éléments dissuasifs pour décourager ceux qui sont concernés par le transport maritime de marchandises dangereuses ou polluantes d'agir négligemment ; il a par conséquent une valeur limitée pour aider à éviter des accidents ».

Et pourtant, en raison des contraintes juridiques internationales, ce régime international de responsabilité ne peut pas être modifié au moyen d'une législation communautaire. Ce constat est d'autant plus regrettable que, dans la réalité, les amendes, - seule peine, rappelons-le, à laquelle les responsables de pollution maritime peuvent être condamnés, sauf pollution volontaire et grave des eaux territoriales -, ne sont pas recouvrées, faute de dispositifs juridiques internationaux adéquats. Ainsi, pour prendre l'exemple français, aucune des onze peines d'amendes prononcées par le tribunal de grande instance (TGI) de Paris en 2002, pour des rejets volontaires effectués par des navires étrangers dans la ZEE française, n'a pu être recouvrée : les tentatives de recouvrement amiables mises en oeuvre par le Trésor sont restées lettre morte, faute de convention bilatérale avec les États dont les condamnés sont ressortissants. Aucun d'entre eux n'était en effet, monégasque, seul État avec lequel la France dispose d'une telle convention... Le tableau ci-dessous dresse l'état des lieux en la matière pour 2002. Notons au passage que le non-recouvrement qui vient d'être évoqué est d'autant plus choquant que la juridiction concernée n'hésite pourtant pas à condamner lourdement les contrevenants, ainsi que le montre le tableau suivant.

LES PEINES D'AMENDES PRONONCÉES EN 2002 PAR LE TGI DE PARIS
EN MATIÈRE DE REJETS VOLONTAIRES PAR LES NAVIRES

AFFAIRE

DÉCISION

KUTSAROV Krasimir - STONE GATE

75 000 €

WAN KEUN Kwon - HYUNDAI CONTINENTAL
CR : MUKYO HYUNDAI BUILDING

150 000 € à concurrence de 120 000 € à charge de l'armateur - Publication

STATHAKIS Sotirios - THILISIS

80 000 € dont 70 000 € à charge de l'armateur

HAQUE Habibul Islam - GREAT CENTURY

100 000 € dont 80 000 € à charge de l'armateur - Publication

MIHAILOVS Vladimir - CAGE PALMAS

150 000 € dont 12 000 € à charge de la société - Publication

TOMPOT Benito
SEAARLAND SHIPPING MANAGEMENT

60 000 €
hors de cause

TADACARU Dumitru
MASTROGIOGIS SHIPPING

75 000 € ; amende supportée à hauteur de 80 % par l'armateur

PALVOL Oleg

90 000 € à la charge de l'armateur - publication

RAO KANCHI Venugopal

100 000 dont 90 000 € à la charge de la Société Shipping - Publication

GOTOVKIN Yiriy
ABC MARITIME AG

30 000 € dont les 2/3 à la charge de l'armateur

WILK Klaus Hermann

15 000 dont ½ à la charge de la société Dextramar

KAZI Riyaz
COASCOL MARINE CORP.

Relaxe
Relaxe

Votre rapporteur estime que la non-application des peines en matière de pollution maritime est tout aussi inadmissible que celle qui peut exister sur un plan strictement national. La renégociation de la convention de Montego Bay s'impose, sur ce point, comme une évidence : il existe aujourd'hui une sensibilité collective aux questions environnementales qui impose de réviser une disposition qui, bien que vieille de vingt ans seulement, semble appartenir à un autre âge. A cet égard, il faut espérer qu'outre la détermination du Gouvernement français, réaffirmée avec force par le garde des Sceaux lors de son audition par la commission des Lois le 6 mai 2003, les évolutions européennes en cours seront de nature à favoriser la renégociation de l'article 230 de la convention précitée. L'intégration prochaine de nouveaux États membres par l'Union européenne, notamment de Malte et de Chypre, devrait d'ailleurs concourir à renforcer la voix de l'Union européenne dans les enceintes internationales, notamment au sein de l'organisation maritime internationale, et à lui permettre de peser sur la renégociation nécessaire du droit de la responsabilité internationale en matière de pollution maritime. A terme, la mise en place d'un réseau de juridictions spécialisées internationales en la matière, puis la création d'une cour internationale, pourraient enfin faire du droit pénal un outil efficace de la protection de l'environnement et permettre de lutter contre l'impunité de fait dont bénéficient notamment les navires sous pavillon de complaisance. Rappelons à cet égard que, comme l'Erika ou l'Amoco Cadiz, le Prestige faisait partie de cette catégorie, à l'instar d'ailleurs de 60 °% de la flotte mondiale, contre 9 °% dans les années cinquante (14).

B. LE PROJET DE LOI : JETER LES BASES D'UNE RÉPRESSION EFFICACE DES INFRACTIONS DANS LES EAUX MARITIMES

Reste déjà à s'assurer qu'en France, les atteintes à l'environnement dans les eaux fluviales et maritimes soient réprimées autant qu'il est possible au regard des règles actuelles du droit international public. Tel est l'objet du projet de loi qui, outre qu'il prévoit une aggravation et une diversification des sanctions en matière de pollution maritime, aborde le problème des règles de compétence applicables en la matière, en vue d'une meilleure efficacité des procédures.

· C'est, dans la foulée de la convention de Montego Bay de 1982, la loi n° 83-583 du 5 juillet 1983 réprimant la pollution par les navires, qui a, la première, fixé les règles de compétence juridictionnelle en matière de pollution maritime par rejets des navires. Aux termes de l'article 12 de cette loi, trois critères alternatifs, de nature géographique, étaient prévus, le premier, similaire aux critères de droit commun défini à l'article du code de procédure pénale, les deux autres liés aux spécificités du milieu maritime :

- soit le lieu de l'infraction ;

- soit le lieu d'attachement en douanes pour les navires étrangers ou d'immatriculation pour les bâtiments français ;

- soit le lieu où peut être trouvé le bâtiment, s'il est étranger.

Lorsque ces lieux ne correspondaient au ressort d'aucun tribunal, ce qui est le cas pour la ZEE et les eaux internationales, l'article 12 prévoyait la compétence du tgi de Paris. C'est en vertu de cette disposition, codifiée depuis 2000 à l'article L. 218-29 du code l'environnement, que ce tribunal a été chargé d'instruire et de juger l'affaire de l'Erika.

· Ces règles ont fait l'objet de modifications avec l'adoption, en 2001, de la loi relative à la répression des rejets polluants des navires (15). Cette loi a en effet introduit une novation importante, en créant des tribunaux du littoral maritime spécialisés, au ressort identique à celui des préfectures maritimes et aux compétences spécifiques. Ainsi, l'article 6 de cette loi attribue à un tribunal de grande instance du littoral maritime spécialisé, éventuellement compétent sur les ressorts de plusieurs cours d'appel :

- une compétence concurrente avec les juridictions « naturelles » pour la poursuite et l'instruction des pollutions survenues par déballastage ou dégazage volontaire (articles L. 218-10 à L. 218-20 du code de l'environnement) ou à la suite d'une imprudence ou d'une négligence (article L. 218-22), dans les eaux territoriales, eaux intérieures et voies navigables françaises (paragraphe III de l'article L. 218-29 du code de l'environnement après modification par la loi de 2001) ;

- une compétence exclusive pour le jugement des infractions susvisées (paragraphe I de l'article L. 218-29 du code de l'environnement après modification par la loi de 2001).

Dès lors que ces infractions sont commises, par tout navire, en ZEE française ou, par un navire français (16), en haute mer, la loi du 3 mars 2001 a prévu que serait compétent le TGI de Paris. Concurrente en matière de poursuite et d'instruction, cette compétence est, aux termes de l'article 6 de cette loi, exclusive en matière de jugement.

les règles de compétence applicables en matière de pollution maritime definies
par la loi du 3 mars 2001

Lieu de commission de l'infraction

eaux territoriales

zone économique exclusive

haute mer

Poursuite

tgi littoral

tgi Paris

tgi Paris

Instruction

tgi littoral

tgi Paris

tgi Paris

Jugement

tgi littoral

tgi Paris

tgi Paris

Par rapport au droit antérieur, la loi de 2001 a donc introduit deux innovations importantes. En premier lieu, elle a permis la création, par le décret n° 2002-196 du 11 février 2002, de six tribunaux spécialisés, dont trois en métropole (17), au Havre pour la zone de la Manche (18), à Brest pour la zone Atlantique (19) et à Marseille, pour la zone Méditerranée (20). En deuxième lieu, elle a substitué aux critères de compétence précédents d'autres critères, décalqués des règles du droit international public.

· Cependant, la loi du 3 mars 2001 est, à bien des égards, restée au milieu du gué. Notamment, elle a introduit une complexité peu justifiée, en mêlant compétence concurrente (pour la poursuite et l'instruction) et compétence exclusive (pour le jugement) par rapport aux juridictions « naturelles ».

A l'occasion de l'examen de la loi n° 2003-346 du 15 avril 2003 relative à la création d'une zone de protection écologique (ZPE) au large des côtes du territoire de la République - en Méditerranée en l'occurrence -, le législateur a donc modifié les dispositions introduites par cette loi à l'article L. 218-29 du code de l'environnement. Ainsi, dans la mesure où cette loi donne compétence au tribunal spécialisé de Marseille pour les infractions précitées commises dans la ZPE, il a considéré, par analogie, qu'il convenait de confier aux tribunaux du littoral nouvellement créés la compétence des mêmes infractions, dès lors qu'elles sont commises dans la ZEE.

En l'état actuel du droit par conséquent, les règles de compétence pour la poursuite, l'instruction et le jugement des rejets polluants, volontaires ou accidentels, sont les suivantes.

les règles de compétence applicables en matière de pollution maritime
depuis la loi du 15 avril 2003

Lieu de commission de l'infraction

eaux territoriales

zone économique exclusive

haute mer

Poursuite

tgi littoral

tgi littoral

tgi Paris

Instruction

tgi littoral

tgi littoral

tgi Paris

Jugement

tgi littoral

tgi littoral

tgi Paris

· Aux termes de l'exposé des motifs, l'article 9 du projet de loi vise à insérer dans le code de procédure pénale les dispositions sur les tribunaux spécialisés du littoral maritime créés par la loi n° 2001-380 du 3 mai 2001 et prévus par l'article L. 218-29 du code de l'environnement. Cette insertion ne se fait pas à droit constant. Sont notamment modifiées :

- les règles régissant la compétence de ces juridictions au regard de la compétence des juridictions « généralistes » ;

- l'étendue de leur compétence matérielle ;

- les règles de compétence juridictionnelle, par l'adjonction de critères supplétifs par rapport au droit commun ;

- les règles de compétence territoriale ou géographique, les infractions commises en zone économique exclusive française relevant désormais des juridictions spécialisées.

Sur ce dernier point, contrairement à ce qu'indique l'exposé des motifs, le projet de loi intervient à droit constant, du fait de l'intervention de la loi du 15 avril 2003 précitée. Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 avril 2003, le présent projet ne pouvait, par définition, préjuger d'une loi avant sa promulgation.

Article 9

(art. 706-102, 706-103, 706-104, 706-105 et 706-106 [nouveaux]
du code de procédure pénale)


De la procédure applicable en cas de pollution des eaux maritimes
par rejets des navires

L'article 9 du projet de loi crée un nouveau titre dans le livre quatrième du code de procédure pénale, relatif aux procédures particulières. Ce livre XXVI, intitulé « De la procédure applicable en cas de pollution des eaux maritimes par rejets des navires » vient s'insérer après le nouveau titre XXV traitant de la procédure applicable à la criminalité organisée, créé par l'article 1er du présent projet. L'insertion de règles relevant du droit pénal spécial de l'environnement dans le code de procédure pénale est une nouveauté qui s'inscrit dans le choix de rationalisation et de clarification des procédures particulières à certains types d'infractions affirmé par le projet de loi. Les deux révisions récentes des règles de compétence juridictionnelle applicables en matière de pollution maritime avaient été, en effet, seulement insérées dans le code de l'environnement.

Ce nouveau titre comprend cinq articles.

Article 706-102 du code de procédure pénale

Compétence des juridictions spécialisées en matière de pollution maritime

En écho aux articles 704 (domaine économique et financier), 706-2 (santé publique) et 706-75 (criminalité organisée), l'article 706-102 confie au pouvoir réglementaire la possibilité d'étendre la compétence d'un tribunal de grande instance au ressort d'une ou plusieurs cours d'appel pour connaître des infractions de pollution maritime commises dans les eaux territoriales, les eaux intérieures, les voies navigables et la zone économique exclusive.

Comme il a été indiqué précédemment, il ne s'agit pas ici de créer ces juridictions, qui l'ont d'ores et déjà été par un décret de février 2002 pris en application de l'article L. 218-29 du code de l'environnement modifié par la loi du 3 mars 2001, mais de consacrer leur existence dans le code de procédure pénale. Constatons d'ailleurs, sur un plan strictement rédactionnel, que l'article 706-102 nouveau ne reprend pas telles quelles les dispositions du code de l'environnement, mais est harmonisé avec les dispositions similaires du code de procédure pénale : le premier alinéa de l'article 706-102 nouveau consacre le principe de l'extension, tandis que le deuxième alinéa précise que cette compétence s'étend aux infractions connexes et que le troisième renvoie au décret pour fixer la liste et le ressort de ces juridictions, dont il est précisé qu'elles comprennent une section du parquet et des formations d'instruction et de jugement spécialisées. Par ailleurs, cette harmonisation conduit à la disparition de la terminologie de « tribunal de grande instance du littoral maritime spécialisé », qui est d'ailleurs également effacée de l'article L. 218-29 du code de l'environnement, réécrit par l'article 10 du projet de loi, commenté ci-après.

Si, comme il a été dit, l'article 706-102 nouveau du code de procédure pénale ne revient pas sur les choix opérés par la loi du 15 avril 2003 précitée en matière de compétence juridictionnelle, il modifie le droit existant sur deux points :

- tout d'abord, à l'instar de ce qui est prévu pour les juridictions économiques et financières et de santé publique, la compétence de ces juridictions s'étend à l'enquête sur les infractions dont elles ont à connaître ;

- ensuite, le champ de ces infractions est étendu à l'ensemble des infractions en matière de pollution des eaux marines et des voies ouvertes à la navigation maritime prévues et réprimées par le chapitre VIII du titre I du livre 2 du code de l'environnement. Cette disposition signifie que, au-delà des seuls rejets polluants des navires, accidentels ou volontaires, les juridictions spécialisées en matière de pollution maritime auront également à connaître de la pollution due aux opérations d'exploration ou d'exploitation du fond de la mer ou de son sous-sol et de la pollution par les opérations d'immersion ou d'incinération.

Votre rapporteur s'interroge sur le choix opéré par le législateur dans la récente loi n° 2003-346 du 15 avril 2003, qui retire au tgi de Paris la compétence sur les affaires de pollution maritime survenues dans la ZEE - soit 75 % des faits de pollution, et la quasi-totalité des grandes marées noires -, pour la confier aux six tribunaux spécialisés des façades maritimes.

La question est simple : voulons-nous véritablement nous doter des moyens de punir les responsables des grandes catastrophes maritimes ? Lors de son audition par la commission des Lois, le garde des Sceaux a très clairement affirmé la volonté du Président de la République et du Gouvernement de doter la France et l'Union européenne des moyens adaptés à cette criminalité qui, dans sa brutalité et dans son mépris total des lois et conventions, n'a rien à envier aux organisations criminelles organisées. Il est ainsi prévu de doter les tribunaux spécialisés des façades maritimes de moyens considérablement renforcés.

Votre rapporteur ne peut que se féliciter de cette volonté politique sans faille. Il se demande toutefois si, dans l'attente du renforcement effectif des moyens de ces tribunaux, il ne serait pas plus sage de maintenir la compétence du tgi de Paris pour l'enquête, l'instruction et le jugement des infractions les plus graves commises dans la ZEE.

Tout d'abord, l'expérience passée et présente plaide en faveur de cette mesure de sagesse : l'instruction de l'Erika, exemplaire, en témoigne. Nulle autre juridiction n'aurait été en mesure de mener à bien l'instruction de cette affaire, qui sera vraisemblablement achevée dans l'année, soit dans des délais tout à fait normaux au regard de l'extrême complexité du dossier. Notamment, et c'est là un point essentiel que votre rapporteur souhaite mettre en lumière, la synergie positive que représente la double spécialisation du tgi de Paris, en matière d'environnement d'une part, d'affaires économiques et financières d'autre part, joue un rôle essentiel dans l'efficacité du traitement de ce type d'affaires. Ne nous y trompons pas, en effet : la légitime indignation que suscitent les marées noires, symbole du mépris total de l'environnement par toute une frange des acteurs du commerce maritime international, ne doit pas faire oublier que nous sommes aussi face à des affaires financières. Les atteintes à l'environnement maritime sont aussi, voire surtout, des affaires financières, comme l'ont rappelé systématiquement toutes les personnes auditionnées par le rapporteur sur ce sujet. Le Président de la République ne disait pas autre chose, lorsqu'il affirmait, le 3 janvier dernier que « la France et l'Europe ne laisseront pas des hommes d'affaires véreux, des voyous des mers profiter cyniquement du manque de transparence du système actuel ». En l'occurrence, s'agissant de l'Erika, la juridiction spécialisée de Paris en matière d'environnement a pu s'appuyer sur la logistique du pôle financier et remonter ainsi les filières et les montages financiers internationaux, pour démêler cet écheveau dans lequel le capitaine et l'équipage étaient indiens, le propriétaire de la société de gestion italien, l'affréteur suisse, le pavillon maltais et le propriétaire de la cargaison, une société française intervenant avec quatre filiales dont deux étaient situées aux Bermudes et à Panama... Ajoutons d'ailleurs que ce cas précis illustre à merveille la pertinence du choix opéré par le présent projet de loi, de concentration et de mutualisation de moyens spécialisés au sein de juridictions spécifiques.

Cette mesure de sagesse est aussi une mesure de précaution : qui peut garantir que demain, avant même que les tribunaux spécialisés des façades maritimes aient été dotées de tous les moyens nécessaires, une nouvelle catastrophe maritime ne surviendra pas ? De fait, catastrophes écologiques et financières, les marées noires sont aussi des catastrophes judiciaires, au sens où elles perturbent le service normal d'une juridiction, voire le déséquilibrent. Un chiffre parle de lui-même : celui des soixante-six tomes de procédure établis par le tgi de Paris sur le dossier de l'Erika... La succession des affaires de l'Erika, qui a pollué les eaux de la zone économique française avant de souiller nos côtes, et du Prestige, qui a touché cette fois la zone économique espagnole, devenant ainsi un véritable Erika bis pour l'Espagne, doit donc nous inciter à la prudence. Sans doute des décisions importantes ont-elles été prises depuis lors, au niveau national comme au niveau européen, pour prévenir ces catastrophes mais le fait est que les navires poubelles sont toujours une réalité (21)... et que c'est toujours la convention de Montego Bay, avec toutes ses insuffisances en matière de répression, qui prévaut au niveau international. Il ne fait pas de doute que l'intégration prochaine de Malte et Chypre dans l'Union européenne, deux pays dotés de flottes importantes, ne pourra que renforcer l'Union européenne au sein de l'OMI et permettre éventuellement l'adoption de règles internationales véritablement contraignantes en matière de transports de matières polluantes et de déchets. Mais ces hypothèses s'inscrivent dans le moyen, voire dans le long terme.

Qui plus est, l'affaire du Prestige montre que des pollutions touchant les eaux territoriales, et non la ZEE comme dans le cas de l'Erika, peuvent être des dossiers d'une grande complexité. Dans le cas du Prestige en effet, ce sont les règles de compétence régissant les infractions commises dans les eaux territoriales qui ont été appliquées : dans la mesure où la ZEE française n'a pas été touchée - seule la zone espagnole l'a été -, la France n'a pu ouvrir de procédure judiciaire qu'au moment où ses côtes ont été souillées, en application de l'article L. 218-20 du code de l'environnement. C'est pourquoi c'est le tribunal de Brest qui est aujourd'hui compétent sur ce dossier. Sans préjuger nullement de la qualité et des compétences de ce tribunal, qui peut douter que, dans ce type d'affaire, il est préférable qu'une juridiction spécialisée dotée de moyens matériels conséquents et adossée à une juridiction spécialisée en matière économique et financière soit compétente ? C'est pourquoi il faut prévoir que le tgi de Paris puisse exercer, dans les affaires qui sont ou apparaissent d'une grande complexité, même survenues dans les eaux territoriales, une compétence concurrente de celle des tribunaux spécialisés des façades maritimes. S'appliqueraient les règles de dessaisissement prévues par les articles 706-105 et 706-106.

Sur proposition du rapporteur, la Commission a donc adopté deux amendements qui, tout en conservant le principe d'une extension des compétences des juridictions spécialisées du littoral maritime à certaines infractions commises en matière de pollution des eaux marines et des voies ouvertes à la navigation maritime, tendent à réserver le traitement des affaires les plus complexes au tgi de Paris. Il est ainsi proposé que :

- les juridictions spécialisées du littoral maritime restent compétentes pour connaître de toutes les infractions en matière de pollution maritime commises dans les eaux territoriales (amendement n° 115) ;

- ces juridictions soient également compétentes pour connaître des pollutions par rejets volontaires des navires (dégazages et déballastages sauvages) (22) commises dans la zone économique exclusive (ZEE) ou dans la zone de protection écologique (ZPE) récemment créée en Méditerranée (amendement n° 116) ;

- dans ces deux cas cependant, une compétence concurrente soit instaurée en faveur du tribunal de grande instance de Paris s'il s'avère que les affaires en cause présentent une grande complexité (amendement n° 116) ;

- s'agissant en revanche des pollutions accidentelles visées à l'article L. 218-22 du code de l'environnement qui interviennent dans la ZEE ou dans la ZPE, elles soient exclusivement traitées au tribunal de grande instance de Paris, déjà exclusivement compétent pour les infractions commises en haute mer en vertu du projet de loi (23).

Le président Pascal Clément a jugé qu'il était effectivement nécessaire de faire preuve de fermeté en la matière. M. Christian Decoq a approuvé le principe d'un renforcement de la répression contre les différentes formes de pollution maritime, tout en s'interrogeant sur les moyens supplémentaires qui seront consacrés à la surveillance du littoral et à l'investigation, seuls ces derniers étant susceptibles de réellement porter atteinte à l'impunité des pollueurs.

les règles de compétence applicables en matière de pollution maritime :
propositions de la commission

Lieu de commission de l'infraction

eaux territoriales

zone économique exclusive :

rejets volontaires

zone économique exclusive :

rejets accidentels

haute mer

Poursuite

tgi littoral(1)

tgi littoral(1)

tgi Paris (2)

tgi Paris (2)

Instruction

tgi littoral(1)

tgi littoral(1)

tgi Paris (2)

tgi Paris (2)

Jugement

tgi littoral(1)

tgi littoral(1)

tgi Paris (2)

tgi Paris (2)

(1) : compétence concurrente : TGI Paris si grande complexité

(2) : compétence exclusive

Article 706-103 du code de procédure pénale

Compétence du tribunal de grande instance de Paris
en matière de pollution maritime

L'article 706-103 nouveau du code de procédure pénale instaure une compétence exclusive du tgi de Paris pour l'enquête, la poursuite, l'instruction et le jugement des infractions visées à l'article précédent, lorsqu'elles sont commises dans les eaux internationales par un navire français. Cette dernière disposition rappelle un principe fondamental du droit international public maritime, selon lequel, dans les eaux internationales, la seule loi qui s'applique est celle de l'État du pavillon.

Il convient de noter que cette disposition ne reprend pas tout à fait le droit existant, qui ne consacre la compétence exclusive du tgi de Paris qu'en matière de jugement. L'extension de cette dernière, y compris à l'enquête qui, jusqu'alors, ne relevait pas, en tout état de cause, de ce tribunal, est de pure logique : l'instauration d'une compétence concurrente s'agissant d'infractions impliquant des bâtiments français, donc aisés à identifier, n'avait en l'occurrence guère de sens.

S'il importe de fixer les règles de compétence applicables aux eaux territoriales dans la loi nationale au regard de nos obligations internationales, il faut bien reconnaître que cette disposition sera, en pratique, très rarement appliquée. Les règles de sécurité des bâtiments français sont, en effet, parmi les plus sévères au monde. Ce constat ne fait que conforter votre rapporteur dans son souhait de voir revenir à Paris la compétence en matière d'infractions commises dans la ZEE : l'état actuel du droit, repris par le projet de loi, implique la disparition progressive des compétences du tgi de Paris en matière de pollution maritime, qui ne sera plus « alimenté » en affaires et perdra l'expérience pourtant précieuse acquise avec l'Erika. Une telle situation n'aurait rien d'anormal si ces compétences et cette mémoire judiciaire étaient de fait transférées dans l'un des tribunaux spécialisés, mais tel n'est pas le cas à ce jour.

C'est pourquoi, par coordination, il convient de redonner compétence au tgi de Paris pour les infractions les plus graves commises dans la ZEE. Par cohérence, votre rapporteur propose de donner compétence à cette juridiction pour les mêmes infractions, lorsqu'elles sont commises dans la zone de protection écologique créée en Méditerranée par la loi du 15 avril 2003 précitée, au détriment du tribunal spécialisé de Marseille. La notion de ZEE ne trouve en effet pas à s'appliquer dans cette zone, en raison de son exiguïté géographique notamment. La Commission a donc adopté un amendement prévoyant que les pollutions accidentelles visées à l'article L. 218-22 du code de l'environnement qui interviennent dans la ZEE ou dans la ZPE seront exclusivement traitées au tribunal de grande instance de Paris (amendement n° 117).

Article 706-104 du code de procédure pénale

Compétence concurrente des juridictions spécialisées
en matière de pollution maritime

· Au-delà des modifications ponctuelles qu'il apporte quant au champ de la compétence matérielle et aux pouvoirs d'enquête des juridictions spécialisées en matière de pollution maritime, le projet de loi modifie le droit existant sur un point supplémentaire. Le premier alinéa de l'article 706-104 supprime en effet la compétence exclusive des juridictions spécialisées, du littoral ou de Paris, en matière de jugement, au profit d'une compétence concurrente, à tous les stades de la procédure, à celle qui résulte de l'application des dispositions de droit commun du code de procédure pénale. En vertu de la même logique de rationalisation et de simplification des procédures qui le conduit à donner à ces juridictions une compétence concurrente en matière d'enquête, il unifie donc les règles de fonctionnement des juridictions spécialisées en matière de pollution maritime avec celles qui sont instaurées pour les autres tribunaux spécialisés.

· Il introduit toutefois un critère de compétence territoriale complémentaire aux règles de compétence juridictionnelle énoncées ci-dessus, en réintroduisant les deux critères liés aux spécificités de l'environnement maritime, mentionnés dans la loi de 1983 précitée. Ainsi, le projet de loi prévoit que les tribunaux spécialisés en matière de pollution maritime exercent également une compétence concurrente de celle qui résulte des critères du lieu d'immatriculation ou du lieu d'attachement en douanes du navire, de l'engin ou de la plate-forme d'une part, et du lieu où le bâtiment est ou peut être trouvé, d'autre part.

Sans doute l'introduction de multiples critères de compétence (24) peut-elle se révéler source de complexité et de ralentissement de la procédure. Mais les avantages, au nombre de deux, l'emportent largement sur les inconvénients. En premier lieu, l'introduction de critères de compétence multiples, relevant qui plus est de logiques différentes, prévient le risque de conflits de compétence négatifs. La complexité du domaine traité et le comportement sans foi ni loi des « voyous la mer » justifient l'adoption de ces règles de prudence : dans cette matière, l'objet de commission de l'infraction, « l'arme du crime » qu'est le navire, est particulièrement mobile et les intérêts en cause si puissants qu'il convient d'éviter de leur fournir des armes procédurales supplémentaires en laissant des vides dans les règles de compétence. Multiplier les compétences, c'est supprimer les causes de nullité de la procédure : en l'occurrence, l'excès de règles ne nuit pas... En second lieu, cette disposition peut être un moyen de prévenir le cas de surcharge d'une juridiction maritime spécialisée et introduit un élément de souplesse dans la gestion de ce type d'affaires.

· Le dernier alinéa fait écho aux dispositions d'ores et déjà existantes à l'article 705 du code de procédure pénale, applicables aux juridictions économiques et financières ainsi qu'aux juridictions compétentes en matière de santé publique, et créées, pour les juridictions spécialisées en criminalité organisée, par l'article 706-76 nouveau. Ce dernier prévoit en effet qu'une fois saisie, la juridiction spécialisée demeure compétente quelles que soient les incriminations retenues lors du règlement ou du jugement de l'affaire mais que, si les faits constituent une contravention, le juge d'instruction doit prononcer le renvoi devant le tribunal de police compétent. Il s'agit ni plus ni moins d'une mesure de bonne administration de la justice.

Articles 706-105 et 706-106 du code de procédure pénale

Procédure de dessaisissement du juge non spécialisé au profit
des juridictions spécialisées en matière de pollution maritime

La procédure de dessaisissement prévue par les articles 706-105 et 706-106 nouveaux du code de procédure pénale est l'exacte reprise des dispositions des articles 705-1 et 705-2 d'une part, qui valent pour les juridictions compétentes en matière économique et financière et de santé publique et 706-77, d'autre part, applicable à la criminalité organisée. La Commission a donc apporté la même précision rédactionnelle qu'aux articles précités, sur proposition de son rapporteur (amendement n° 118).

Avant d'adopter l'article 9 ainsi modifié, la Commission a également adopté un amendement du rapporteur préservant, pour le traitement des procédures en cours, la compétence des juridictions saisies avant la promulgation de la loi du 15 avril 2003 relative à la création d'une zone de protection écologique au large des côtes (amendement n° 119). Le rapporteur a expliqué qu'il s'agissait notamment de permettre au tgi de Paris de mener à son terme l'affaire de l'Erika, la compétence sur ce dossier lui ayant été retirée de facto par la loi du 15 avril 2003 précitée.

Article 10

(art. L. 218-10, L. 218-22, L. 218-24, L. 218-25
et L. 218-29 du code de l'environnement)


Aggravation de la répression des infractions en matière de pollution maritime

L'article 10 modifie le code de l'environnement :

- pour y intégrer les modifications introduites dans le code de procédure pénal quant aux règles de procédure applicable aux infractions en matière de pollution maritime, la création des tribunaux spécialisés du littoral maritime ayant été initialement insérée dans le code l'environnement (paragraphes I et VII) ;

- pour durcir la répression de ces infractions (paragraphes II à VI).

· Les paragraphes I et VII ont pour objet commun de coordonner le code de procédure pénale et le code de l'environnement.

Plutôt que de modifier ponctuellement l'article L. 218-29 relatif aux juridictions spécialisées en matière de pollution maritime, le paragraphe VII le réécrit entièrement en reproduisant explicitement les articles 706-102 à 706-106 du code de procédure pénale, selon une technique fréquente lorsque existent un « code pilote » et un « code suiveur ».

Cette insertion de la procédure applicable en matière de pollution maritime conduit à créer deux paragraphes nouveaux dans la partie du code de l'environnement relative aux infractions en matière de pollution par rejets polluants des navires, l'un relatif aux incriminations et peines, regroupant les actuels articles L. 218-10 à L. 218-25, l'autre, traitant de la procédure, incluant les articles L. 218-26 à L. 218-31.

· Dans la lignée de la loi n° 2001-380 du 3 mai 2001, qui avait d'ores et déjà durci la répression de la plupart des infractions visées ci-dessus, les paragraphes II à IV aggravent la répression des infractions en matière de pollution maritime en augmentant les seuil et quantum de peines d'une part, en introduisant des peines complémentaires d'autre part. Ainsi, il est prévu de :

- durcir les sanctions à l'encontre des capitaines de navires de gros tonnage (navires d'une jauge supérieure à 150 tonneaux pour les navires citernes et à 500 tonneaux pour les autres navires) qui se rendent coupables d'infractions aux dispositions internationales sur les rejets d'hydrocarbures en mer. Il est prévu dix ans d'emprisonnement, au lieu de quatre, et un million d'euros d'amende, au lieu de 400 000, ou bien une amende équivalente aux deux tiers de la valeur de la cargaison transportée ou du fret (paragraphe II) ;

- durcir les sanctions à l'encontre des capitaines de navires de faible tonnage (navires d'une jauge inférieure à 150 tonneaux pour les navires citernes et à 500 tonneaux pour les autres navires) qui se rendent coupables d'infractions aux dispositions internationales sur les rejets d'hydrocarbures en mer. Il est prévu cinq ans d'emprisonnement, au lieu de deux, et 500 000 euros d'amende, au lieu de 180 000 (paragraphe III) ;

- durcir les sanctions à l'encontre des personnes responsables d'un accident de mer tel que défini par la convention du 29 novembre 1969 sur l'intervention en haute mer, par imprudence, négligence ou inobservation des lois et règlements. Il est prévu cinq ans d'emprisonnement, au lieu de deux, et 500 000 euros d'amende, au lieu de 300 000, lorsque l'infraction est commise par un navire de gros tonnage ; trois ans d'emprisonnement, au lieu d'un, et 200 000 euros d'amende, au lieu de 90 000 euros d'amende, lorsque l'infraction est commise par un navire de faible tonnage (paragraphe IV). Seule une peine d'amende de 4 000 euros est prévue lorsque l'infraction est commise par d'autres navires.

· Le paragraphe V introduit quant à lui, la possibilité, pour le tribunal, de prononcer des peines complémentaires à l'encontre des personnes physiques coupables des infractions de rejets volontaires ou accidentels de produits polluants. Six types de peines sont prévus :

- l'interdiction, à titre définitif ou pour cinq ans au plus, d'exercer l'activité professionnelle à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise (1°) ;

- la fermeture, définitive ou pour une durée de cinq ans au plus, des établissements ou de l'un ou plusieurs établissements ayant servi à commettre l'infraction (2°) ;

- l'exclusion des marchés publics, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus (3°) ;

- la confiscation du navire ou de l'engin ayant servi à commettre l'infraction (4°) ;

- l'affichage ou la publication de la décision, dans les conditions de l'article 131-35 du code pénal (5°) ;

- la confiscation de tout ou partie de leurs biens, quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis (6°).

· Enfin, le paragraphe VI modifie l'article L. 218-25, qui traite des sanctions susceptibles d'être prononcées à l'encontre des personnes morales. Ainsi, la liste des peines qu'elles encourent au titre de l'article 131-39 du code pénal visé par cet article est étendue, pour que le tribunal puisse également prononcer à leur encontre des mesures de dissolution, d'interdiction, définitive ou pour cinq ans, d'exercice de leur activité professionnelle, de fermeture, définitive ou pour cinq ans, des établissements de l'entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés et de confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit. Leur sont ainsi applicables toutes les peines visées par l'article précité du code pénal, sauf le placement sous surveillance judiciaire et l'interdiction d'émettre des chèques. Par ailleurs, au-delà de ces peines et des peines d'amende, le projet de loi instaure la possibilité pour le tribunal de prononcer la confiscation de tout ou partie de leurs biens, quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis.

Seules les personnes de nationalité française sont concernées par les dispositions des paragraphes II à VI, sauf s'agissant des amendes. Au regard des faibles possibilités de recouvrement de celles-ci, il est acquis que l'affichage très volontariste de l'article 10 poursuit un but essentiellement diplomatique. Il est, pour cette seule raison, pleinement justifié, en vue de la nécessaire renégociation de l'article 230 de la convention de Montego Bay que nous devons mener et de la création de mécanismes internationaux de recouvrement des amendes. C'est-à-dire dans le seul but de faire en sorte que, comme l'a souhaité le Président de la République, le 3 janvier dernier, « les capitaines, les propriétaires, les affréteurs de bateaux-poubelles, les sociétés de qualification, de classification et les assureurs de tels navires, les sociétés gestionnaires de pavillons de complaisance [soient] poursuivis et sanctionnés pénalement de façon exemplaire ».

La Commission a adopté cet article sans modification.

Section 4

Dispositions relatives aux infractions en matière douanière

Le droit douanier tend à se judiciariser et à se rapprocher du code de procédure pénale, que ce soit en matière de retenue douanière (garde à vue) ou de visite domiciliaire (perquisition), pour citer ces seuls exemples. Le présent projet de loi accroît encore ce mouvement de judiciarisation, tout en clarifiant cependant l'articulation entre le rôle, relativement nouveau, de la douane en matière judiciaire et ses fonctions traditionnelles en matière administrative.

Considérées en relation avec les dispositions qui précèdent sur la lutte contre la criminalité organisée, les dispositions relatives au rôle des douanes s'inscrivent dans une approche transversale des formes de criminalité modernes. Notamment, l'approche combinée des articles relatif à la criminalité organisée et de l'article 11 traduit la volonté déterminée du Gouvernement de réprimer le trafic de stupéfiants, domaine par excellence transversal, qui se situe au cœur de la compétence des douanes. Celles-ci jouent en effet en France, avec un tiers des constatations et 60 à 80 % des quantités saisies, un rôle important dans la lutte contre le trafic de stupéfiants.

Article 11

(art. 28-1 du code de procédure pénale, art. 67 bis et 343-3 du code des douanes,
art. L. 235 du livre des procédures fiscales et art. L. 152-4 du code monétaire et financier)


Amélioration de l'efficacité de la douane judiciaire
et de la douane administrative

L'article 11 regroupe cinq paragraphes distincts, portant sur des objets et des codes différents :

- le paragraphe I modifie le code de procédure pénale et traite de la douane judiciaire ;

- le paragraphe II modifie le code des douanes et aligne le régime de la surveillance et de l'infiltration mises en œuvre par la douane sur celui des policiers agissant en matière de criminalité organisée ;

- le paragraphe III, qui modifie le code des douanes, articule le fonctionnement spécifique de la douane judiciaire et les modalités d'action de droit commun des douanes ;

- le paragraphe IV modifie le livre des procédures fiscales pour tirer les conséquences de l'action de la douane judiciaire ;

- le paragraphe V modifie enfin le code monétaire et financier sur un point annexe à l'objet du texte.

a) Lever les obstacles à l'intervention de la douane judiciaire

Afin d'accroître les moyens des services de police judiciaire spécialisés en matière économique et financière, le législateur a souhaité mettre à la disposition de l'autorité judiciaire des enquêteurs spécialisés issus du ministère de l'Économie, des finances et de l'industrie. Il s'inscrit en cela dans un mouvement de longue date dans lequel il habilite, par des lois spéciales, certains fonctionnaires et agents publics à constater des infractions diverses, en complément de la compétence générale reconnue aux services de police judiciaire et de gendarmerie.

C'est dans cet esprit que le nouvel article 28-1 du code de procédure pénale, résultant de la loi n° 99-515 du 23 juin 1999 renforçant l'efficacité de la procédure pénale, dispose que des agents des douanes de catégorie A et B, spécialement désignés par arrêté des ministres chargés de la justice et du budget, pourront être habilités à effectuer des enquêtes judiciaires sur réquisition du procureur de la République ou sur commission rogatoire du juge d'instruction. Le législateur a ainsi voulu tirer parti de l'expérience acquise en matière économique par les agents des douanes, en leur conférant le pouvoir de mener des enquêtes judiciaires, selon les règles du code de procédure pénale, dans des domaines qui constituent le champ habituel de leur activité : fraudes douanières, fraudes en matière de contributions indirectes, de contrefaçons de marques de fabrique, de commerce ou de service, ainsi que les infractions pénales connexes à ces faits. Sept ans après le rejet d'un amendement visant au même objet à l'Assemblée nationale (novembre 1992), la direction générale des douanes a ainsi, en 1998, obtenu des pouvoirs de police judiciaire pour certains agents des douanes dans les conditions et dans les limites de la loi. S'en est suivie la création d'un service national de douane judiciaire (SNDJ), qui constitue une nouvelle étape de réorganisation du dispositif douanier liée aux évolutions communautaires dans le domaine de la justice et des affaires intérieures.

Plus particulièrement, ce dispositif qui tend à accroître les moyens mis à la disposition de l'autorité judiciaire s'inscrit dans le prolongement de la constitution des pôles économiques et financiers, qui ont également pour objet d'améliorer le traitement des procédures économiques et financières complexes, notamment grâce au recours à des assistants spécialisés.

La douane judiciaire, une police spécialisée au service de l'institution judiciaire

La douane judiciaire représente, dans ses modalités d'action et dans son positionnement par rapport aux autres administrations, et notamment par rapport à l'institution judiciaire, un service très différent de la douane administrative. Traditionnellement, celle-ci est conduite à entrer en contact avec un magistrat dans le cadre opérationnel lorsque, par exemple, elle avise le parquet d'une retenue douanière ou lorsque ce dernier lui ordonne, à l'issue d'une procédure administrative douanière, de confier la procédure à la police judiciaire. Unité chargée exclusivement de missions de police judiciaire, agissant en vertu des prescriptions du code de procédure pénale, et non du code des douanes, la douane judiciaire s'inscrit dans un tout autre schéma : « c'est un point fondamental qu'il convient d'avoir à l'esprit afin d'éviter désormais toute confusion avec la douane administrative » (25). Certes, « la douane judiciaire demeure partie intégrante de l'administration des douanes en ce que la fraude douanière constitue le noyau de sa compétence légale », à telle enseigne qu'un service spécifique a été créé en son sein. Ainsi, « comme sa sœur administrative, elle poursuit les réseaux de fraude douanière (26) ». Néanmoins, vis-à-vis de l'institution judiciaire, elle entretient des rapports analogues à ceux de la police judiciaire ou de la gendarmerie. A ce titre notamment, elle ne peut en aucun cas transiger dans les procédures dont elle a la charge, prohibition expresse prévue par la loi qui résulte directement de la nature judiciaire de l'activité des agents. A cet égard, il existe bien une séparation radicale entre la douane administrative et la douane judiciaire.

Reste que la douane judiciaire présente une spécificité remarquable par rapport à la police judiciaire, la principale étant sa compétence d'attribution, là où la seconde bénéficie d'une compétence générale. En effet, s'ils disposent d'une compétence sur l'ensemble du territoire national pour l'exercice des missions découlant de la mise en œuvre de l'article 28-1 du code de procédure pénale, les agents des douanes habilités à effectuer des enquêtes judiciaires ne peuvent intervenir que dans les domaines strictement délimités par la loi, en vertu de l'article 28 du code de procédure pénale, qui dispose que « les fonctionnaires et agents des administrations et services publics auxquels des lois spéciales attribuent certains pouvoirs de police judiciaire exercent ces pouvoirs dans les conditions et dans les limites fixées par la loi ». C'est en cela que la douane judiciaire est souvent qualifiée de « police thématique, spécialisée » (27) - qui explique d'ailleurs son insertion dans le chapitre du projet de loi consacré aux structures spécialisées.

Une seconde spécificité tient à son organisation territoriale. Bien qu'il dispose de quelques divisions déconcentrées à Marseille ou à Nantes, par exemple, ce service national de la douane judicaire ne fonctionne pas selon une organisation similaire à celle des SRPJ à compétence territorialisée. Les procédures relevant potentiellement de la douane judiciaire ne sont en effet pas en nombre suffisant dans chaque ressort judiciaire pour justifier des divisions à compétence locale. Ce constat vaudra-t-il avec l'adoption du présent projet, qui étend ses compétences à l'escroquerie sur la taxe à la valeur ajoutée ? Le sujet n'est certes pas mince ; néanmoins, le profil de la douane judiciaire n'en est pas pour autant modifié sur le fond : ses agents restent des spécialistes et ne sont habilités à constater que des infractions qui ressortissent à leur domaine habituel de compétence.

Une large compétence d'attribution

Dans le cadre de ses missions, l'administration des douanes intervient dans les secteurs les plus variés comme celui des intérêts financiers de l'Union européenne, mais également pour protéger les intérêts économiques et financiers nationaux. Quatre cent cinquante types de contrôles différents sont ainsi exercés dans les relations avec les pays tiers à l'Union européenne, mais aussi dans les relations intracommunautaires et à l'intérieur du territoire national.

Les domaines privilégiés d'action de la douane judiciaire

Des secteurs prioritaires de contrôle pouvant donner lieu à des enquêtes judiciaires ont été définis :

1° En matière de politique agricole commune, la douane exerce des contrôles dans le cadre de la protection des intérêts financiers de l'Union européenne, notamment en ce qui concerne le FEOGA-Garantie (à titre d'exemple, le versement de restitutions pour certains produits agricoles sous réserve de leur exportation en dehors du territoire douanier de la Communauté européenne se traduit parfois par le non-respect de l'obligation d'exportation et par la revente des produits sur le marché national ou européen).

2° En matière de produits textiles, la douane contrôle les mesures de politique commerciale commune et l'application des préférences tarifaires accordées à certains pays partenaires par la Communauté européenne (à titre d'exemple, certaines entreprises de la Communauté européenne souscrivent de fausses déclarations d'origine, lors de l'importation, afin de bénéficier des dispositions plus favorables accordées à certains pays en matière de taxation ou pour contourner la mise en place d'un quota).

3° Les produits pétroliers : la douane contrôle l'ensemble de la filière pétrolière et assure la perception des impôts qui représentent une ressource importante pour le budget de l'État (à titre d'exemple, les produits pétroliers bénéficiant d'une fiscalité privilégiée dans le cadre d'utilisations spécifiques, comme le fioul domestique, peuvent être employés à d'autres fins, comme la carburation de véhicules, au détriment du budget de l'État).

4° Les biens à double usage (civil et militaire) : les agents des douanes vérifient dans les échanges intracommunautaires et dans les relations avec les pays tiers, à la circulation ou lors des formalités douanières, que ces biens sensibles ont donné lieu à l'obtention d'une licence d'exportation. L'inobservation de cette formalité constitue un délit douanier de contrebande.

5° Les stupéfiants : la douane intervient en amont lors du franchissement des frontières, mais aussi sur l'ensemble du territoire (en cette matière, les agents des douanes ne peuvent participer aux enquêtes judiciaires qu'au sein d'équipes mixtes constituées avec des OPJ).

6° Les contrefaçons : la contrefaçon constitue un délit douanier indépendamment de l'application des dispositions du code de la propriété intellectuelle (l'importation de jouets sous une marque contrefaite constitue un délit douanier spécifique, ainsi qu'une infraction pénale au titre de l'application des dispositions du code de la propriété intellectuelle).

7° Les régimes douaniers sensibles : la douane contrôle des régimes douaniers susceptibles de présenter une plus grande perméabilité à la fraude comme le régime du transit permettant le transport des marchandises en suspension des droits et taxes.

8° Le trafic par conteneur : la douane procède à de nombreuses vérifications de ce vecteur de transport qui a pris une part non négligeable dans l'activité des ports européens et qui peut masquer des trafics en tout genre (contrebande de cigarettes, trafic d'espèces protégées de la faune ou de la flore, stupéfiants).

9° La protection des consommateurs et de l'environnement : la douane vérifie le respect de la réglementation des déchets et procède à des vérifications de normes techniques (jouets, matériels électriques...) à l'occasion des importations.

10° Les droits antidumping : la douane contrôle des mesures antidumping destinées à protéger l'industrie communautaire (à titre d'exemple, des marchandises vont être déclarées originaires d'un pays non soumis à ce dispositif alors qu'elles proviennent en fait d'un pays pratiquant le dumping et soumis aux mesures communautaires visant à sauvegarder les conditions de concurrence).

11° Les contributions indirectes : la douane intervient sur les plans fiscal et économique concernant de nombreux produits réglementés.

Il s'agit pour l'essentiel des fraudes relatives au commerce international (contrebande, importation et exportation sans déclaration...), des fraudes au budget communautaire (ressources propres, feoga-Garantie) ainsi que des transferts de capitaux en provenance ou à destination de l'étranger soumis à une obligation déclarative. Les infractions en matière de contributions indirectes peuvent également faire l'objet d'enquêtes judiciaires. Il s'agit des infractions prévues par le code général des impôts (alcool et boissons alcoolisées, tabacs, spectacles, garantie des métaux précieux...) mais aussi des infractions spécifiques dans le domaine de la viticulture (ordonnance n° 59-125 du 7 janvier 1959) et des céréales (textes annexés aux décrets de codification du 24 avril 1936 et 23 novembre 1937, loi du 5 juillet 1941...). Il en va de même des contrefaçons de marques de fabrique, de commerce ou de service (sont visées les infractions prévues par les articles L. 716-9 à L. 716-11 du code de la propriété industrielle : reproduction, imitation, utilisation, apposition, suppression ou modification d'une marque en violation des droits conférés par son enregistrement, importation sous tous régimes douaniers, ou exportation de marchandises présentées sous une marque contrefaite...).

Il convient de préciser que les infractions pénales connexes à ces catégories d'infractions peuvent de même être constatées par ces agents. De nombreuses infractions de droit commun peuvent, en effet, être connexes à des infractions douanières, comme par exemple l'escroquerie et l'abus de confiance dans le cadre du détournement de l'utilisation de sommes provenant du budget communautaire, le faux et l'usage de faux dans le cadre de fausses déclarations d'origine, d'espèce ou de valeur, lors du dédouanement de marchandises. Il est heureux que, nonobstant la compétence d'attribution dévolue à la douane judiciaire, le législateur ait étendu sa compétence aux infractions connexes, le champ de la connexité étant illimité. Il en résulte en effet que les parquets ou les magistrats instructeurs peuvent saisir la douane judiciaire, même de faits appréciés sous leur expression pénale, cas fréquent, par exemple, en matière de fraudes communautaires qui sont constitutives à la fois d'infractions douanières et, au choix, d'escroquerie, de faux ou d'abus de confiance. De manière générale d'ailleurs, il est très rare que des infractions douanières ne soient pas connexes à des infractions pénales : comme le rappelle un magistrat spécialiste de la douane judiciaire, « si un trafic trans-frontière de véhicules volés peut être appréhendé sous la seule qualification de vols commis en bande organisée, une appréciation complémentaire plus financière, sous l'angle douanier, d'exportation frauduleuse peut s'avérer fructueuse » (28).

Un outil supplémentaire au service de l'institution judiciaire

Il ne va pas de soi, pour un magistrat, d'appréhender la qualification douanière d'une infraction, faute de familiarité avec la matière en question. Dans les faits, en effet, lorsqu'à l'occasion d'un signalement, d'une plainte ou d'une plainte avec constitution de partie civile, les faits sont susceptibles de relever d'une infraction douanière, il appartient, soit au parquet en l'absence d'enquête administrative douanière préalable, soit au magistrat instructeur dans tous les cas, de saisir la douane judiciaire. Or, les matières en cause sont, comme nous l'avons vu, tout à fait spécifiques, ce qui implique, pour le magistrat habitué à saisir la police judiciaire en fonction de la localisation des services ou de leur compétence professionnelle, d'envisager les faits sous l'angle de leur qualification douanière. Ainsi, « en matière de fraudes communautaires, les faits sont souvent appréciés sous la seule qualification pénale d'escroquerie mais ils peuvent tout aussi bien être qualifiés d'obtention d'avantage indu à l'exportation », en vertu de l'article 426 - 4° du code des douanes. « De la même manière, en matière viticole, les fraudes sont le plus souvent appréciées sous l'angle de la publicité trompeuse ou encore de la tromperie alors que de nombreuses infractions en matière de contributions indirectes peuvent exister » (29).

L'intérêt de cette double lecture des faits - pénale et douanière - est évident. Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, rien ne s'oppose à ce qu'un même fait soit concurremment poursuivi s'il est constitutif à la fois d'une infraction douanière et d'une infraction pénale, sous réserve toutefois que ne soient pas cumulées des peines de même nature. Sans doute, dans les matières relevant en propre de la douane judiciaire, la co-saisine des douanes et de la police sur les mêmes faits est-elle modérément goûtée par les services, en raison de la dilution des responsabilités et de la difficulté d'organiser le travail des enquêteurs sur le terrain. Mais ce qui est visé ici, c'est moins la co-saisine qu'une saisine complémentaire, née d'un changement de perspective sur une même affaire : dans ces conditions, les services n'ont pas de réticence à travailler ensemble et les exemples sont légion de saisines complémentaires de la douane judiciaire dans des dossiers gérés à titre principal par des services de la police judiciaire. Par exemple, en matière de trafics de stupéfiants, la saisine complémentaire de la douane permet bien souvent de s'intéresser à la périphérie financière des affaires concernées. En tout état de cause, eu égard à la spécialisation très pointue de la douane judiciaire, qui est un gage d'efficacité et de rapidité de l'enquête, la jurisprudence de la Cour souligne, s'il en était besoin, l'intérêt, pour le magistrat, de disposer de cette palette d'outils.

De l'agent des douanes à l'officier de douane judiciaire : un encadrement strict

L'acquisition du titre d'officier de douane judiciaire (odj) repose sur le mécanisme fondamental de l'habilitation personnelle par le procureur général près la cour d'appel du siège de ses fonctions (paragraphe IV de l'article 28-1 précité).

· En amont, pour pouvoir exécuter des enquêtes judiciaires ou des commissions rogatoires nationales ou internationales, les agents des douanes affectés au sndj doivent :

-  avoir deux ans de service effectif dans leur corps en qualité de titulaire ; en réalité, l'administration des douanes, au-delà de cette disposition formelle, privilégie une certaine ancienneté dans les recrutements, en raison de la compétence professionnelle dont elle est assortie. Ainsi, des agents ayant eu à connaître, dans leurs fonctions administratives antérieures, de secteurs très spécialisés comme les milieux bancaires ou agricoles, seront privilégiés. Sur ce point, l'odj diffère nettement du généraliste qu'est, en règle générale, l'opj.

-  avoir satisfait aux épreuves d'un examen technique, l'examen oral ayant lieu devant un jury composé de magistrats et de représentants de l'administration des douanes et présidé par un avocat général près la Cour de cassation : dès le début du processus par conséquent, le rôle prépondérant de l'administration judiciaire se vérifie.

· Aux termes de cette étape interne aux services des douanes, intervient la procédure d'habilitation évoquée ci-dessus. L'habilitation est accordée, suspendue ou retirée dans des conditions fixées par décret en Conseil État. Dans le mois qui suit la notification de la décision de suspension ou de retrait de l'habilitation, l'agent concerné peut demander au procureur général de rapporter cette décision. Le procureur général doit statuer dans un délai d'un mois. A défaut, son silence vaut rejet de la demande. Dans un délai d'un mois à partir du rejet de la demande, l'agent concerné peut former un recours devant la commission prévue à l'article 16-2 du code de procédure pénale. La procédure applicable devant cette commission est celle prévue par l'article 16-3 du même code et ses textes d'application.

·Dès lors qu'il est habilité, l'odj est placé sous la direction administrative d'un magistrat de l'ordre judiciaire selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État.

Témoigne de l'encadrement étroit des odj par un magistrat, équivalent à celui des opj, la présence d'un magistrat de l'ordre judiciaire à la tête de l'unité de douane judiciaire, ce qui représente une autre spécificité de la douane par rapport à la police judiciaire. Comme il a été indiqué précédemment, aux termes de l'article 28-1 du code de procédure pénale, les agents de la douane judiciaire ne sauraient agir en vertu des dispositions du code des douanes : cette interdiction absolue, dont la méconnaissance entraîne la nullité de toute la procédure mise en œuvre par la douane judiciaire, ne pouvait manquer de se traduire également en termes organisationnels. En effet, dans l'hypothèse où les agents de la douane judiciaire étaient restés soumis à leur hiérarchie administrative d'origine, cette dernière aurait pu se voir reprocher de cumuler procédure administrative douanière et procédure pénale ; plus largement, un tel cumul aurait pu être à l'origine de contentieux multiples mettant en cause le respect de non-cumul entre procédure douanière et procédure pénale explicitement posé par l'article 28-1. C'est dans cette optique qu'a été créé un service spécifiquement dévolu à la douane judiciaire, dirigé par un magistrat détaché, choix judicieux de l'administration des douanes « qui devrait désormais conduire les magistrats à clairement distinguer le service de douane judiciaire de tout autre service d'enquête administrative douanière » (30).

· Dans l'exercice concret de ses fonctions, l'odj est en fait largement assimilable à un opj ; les similitudes entre douane judiciaire et police judiciaire, que le présent projet vient d'ailleurs grandement renforcer, sont frappantes. Ainsi, les pouvoirs d'investigation qui lui sont reconnus par l'article 28-1 du code de procédure pénale sont identiques à ceux de la police judiciaire, ainsi qu'en témoigne le choix du législateur de renvoyer, dans cet article constitutif de la douane judiciaire, aux articles du code de procédure pénale relatifs à la garde à vue, aux perquisitions ou encore à la réquisition judiciaire. Les odj ont donc tous les pouvoirs des opj, mais limités à la constatation d'infractions délimitées : ainsi, tandis que la qualité d'opj permet de constater toutes les infractions à la loi pénale, la qualité d'odj ne permet d'en constater que certaines. À la vérité, le champ de compétence légale des odj est le fruit de discussions et de compromis, dont témoigne la rédaction quelque peu absconse de l'article 28-1 : tandis que le ministère de l'Intérieur souhaitait préserver au maximum la compétence de ses services centraux, la Chancellerie, pour sa part, a veillé en permanence à éviter tout cumul des pouvoirs entre procédure administrative douanière et procédure pénale :

-  d'où, d'une part, l'absence de compétence propre de la douane judiciaire dans un certain nombre de domaines pourtant centraux dans l'activité de la douane administrative, à commencer par les stupéfiants.

Afin de ne pas donner l'impression de remettre en cause la compétence des offices centraux de la police nationale, des modalités ont été définies pour permettre néanmoins à la douane judiciaire de mettre à profit l'expérience qui est la sienne dans ses attributions administratives. Dans un nombre limité de domaines, par conséquent, sa compétence est liée à la présence d'officiers de police judiciaire : ainsi, à l'initiative du procureur de la République ou du magistrat instructeur - dans la mesure où les services concernés en ont, au préalable, accepté le principe -, des équipes mixtes composées d'agents des douanes habilités et d'officiers de police judiciaire (policiers ou gendarmes) peuvent être constituées en vue de mener des investigations. Il s'agit des infractions en matière de trafic de stupéfiants visées aux articles 222-34 à 222-40 du code pénal, et de celles prévues par le décret-loi du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions. Ces équipes mixtes sont mises en place par le procureur de la République ou le juge d'instruction, qui désigne le chef de chaque unité qu'il constitue en fonction des caractéristiques propres à l'enquête (service à l'origine de l'information, compétences des enquêteurs...).

-  d'où, d'autre part, l'étanchéité complète de leur action au regard du code des douanes à peine de nullité.

Ainsi, dès lors qu'une enquête administrative douanière a lieu, ils ne peuvent être saisis, pour ces mêmes faits, que sur commission rogatoire. Cette disposition consignée au paragraphe III interdit par conséquent aux parquets de saisir la douane judiciaire après enquête administrative judiciaire, mais le permet au juge d'instruction si une information judiciaire est ouverte.

Une douane judiciaire plus efficace

Afin qu'une méthode de travail se crée rapidement entre l'institution judiciaire et cette nouvelle force de frappe contre la délinquance, au-delà des premiers résultats encourageants qui viennent d'être décrits, il est nécessaire de mettre fin aux obstacles qui rendent la saisine de la douane judiciaire peu attractive, voire l'empêchent. En effet, le premier bilan qui peut être dressé de l'action de la douane judiciaire témoigne de la pertinence de cette procédure. Depuis le 15 novembre 2001, ce ne sont en effet pas moins d'une cinquantaine d'agents des douanes qui ont reçu l'habilitation à effectuer des enquêtes judiciaires sur réquisition du procureur de la République ou sur commission rogatoire du juge d'instruction. Pour l'année 2002, première année de fonctionnement de la douane judiciaire, les magistrats ont confié soixante-huit enquêtes judiciaires à ce service, soit dix-sept enquêtes préliminaires et deux enquêtes de flagrance par les magistrats du parquet et quarante-neuf commissions rogatoires par les magistrats instructeurs.

Tel est l'objet des dispositions de ce premier paragraphe de l'article 11, qui, en dotant la douane judiciaire de moyens de procédure toujours plus étendus, fait de ce service, dans ses domaines d'attribution, un outil complémentaire de la police judiciaire au service de la manifestation de la vérité.

· Le 1° étend la compétence de la douane judiciaire à la recherche et à la constatation de l'escroquerie à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Est ici notamment visé le cas du carrousel de TVA. En effet, comme le notait le conseil des impôts dans le rapport qu'il a remis au Président de la République, si, en termes quantitatifs, les différentes estimations de la fraude à la TVA montrent qu'aucune dérive du montant de la fraude n'a été constatée depuis la mise en place du régime transitoire en 1993 (31), en revanche, la nature de la fraude a changé et de nouveaux montages particulièrement difficiles à combattre comme les fraudes « carrousel » se sont développés.

Au-delà de ce type de fraude spécifique, il convient de noter que la fraude à la TVA en général était d'ores et déjà traitée par la douane judiciaire lorsqu'il s'agissait d'une infraction connexe : par exemple, cette infraction, réprimée aussi bien par le code pénal (article 313-1) que par le code des douanes (article 467), apparaît fréquemment en matière d'escroquerie.

Néanmoins, eu égard à la compétence d'attribution dévolue à la douane judiciaire, celle-ci ne pouvait être habilitée à intervenir dès lors que l'infraction directe était constituée par le carrousel de TVA. Or, à l'évidence, les enquêteurs de la douane judiciaire sont particulièrement bien placés en la matière :

- s'agissant tout d'abord de la compétence technique nécessitée par la découverte de fraudes de plus en plus sophistiquées, ce service est très certainement le mieux à même d'intervenir ;

- s'agissant ensuite des moyens techniques, les enquêteurs de la douane judiciaire peuvent effectuer des recoupements sur les opérateurs économiques entre les données des bases intracommunautaires (telles que la base de recoupement des États membres (BREM) qui comprend les livraisons intracommunautaires des fournisseurs d'un État membre vers un opérateur français) et les déclarations d'acquisition de l'opérateur.

LE PRINCIPE DU « CARROUSEL » DE TVA
À L'INTÉRIEUR DE L'UNION EUROPÉENNE

Le montage de base est le suivant (sachant qu'il existe des circuits beaucoup plus complexes) :

graphique
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Supposons que la société A effectue une livraison intracommunautaire à la société B, pour un montant hors taxes de 100 000 euros. La société B (dite « taxi ») revend à la société C pour 100 000 euros TTC (soit 83 612 euros hors taxes pour un taux de TVA de 19,6 %), en facturant un montant de TVA qu'elle ne déclare pas, avant de disparaître. La société C va pouvoir imputer (ou se faire rembourser) la TVA facturée par B, soit 16 388 euros. Ayant acheté à un prix HT de 83 612 euros, C a abaissé son prix de revient de 16,4 %, et bénéficie donc d'un avantage concurrentiel qui lui permettra d'accroître ses ventes, ou sa marge.

Dans un tel montage, le bénéfice est localisé au niveau de la société C, mais c'est la société B qui joue le rôle décisif La fraude résulte directement du mécanisme de la TVA intracommunautaire, et du fait que A vend hors taxes à B. En effet, en TVA interne, B chercherait à déduire la TVA facturée par A : pour cela, il faudrait soit l'imputer sur la TVA facturée à C (ce qui oblige à verser celle-ci), soit éventuellement en demander le remboursement, ce qui éveillerait l'attention de l'administration fiscale, et ne permettrait pas une disparition immédiate de l'entreprise « taxi ». À l'inverse, en TVA intracommunautaire, B doit normalement auto-liquider la TVA sur son acquisition intracommunautaire auprès de A, et la déduire immédiatement, sans aucun mouvement de trésorerie.

La rentabilité des fraudes carrousel est très élevée, dans la mesure où chaque traversée de la frontière (on peut en rencontrer plusieurs successivement) permet de transformer un prix hors taxes en prix TTC, et donc de « gagner » le montant de la TVA sur la totalité de la valeur du bien. A titre de comparaison, on peut observer qu'une fraude résultant d'une vente sans facture sur le marché interne ne porte que sur la TVA à collecter sur la valeur ajoutée au dernier stade de production (puisque la TVA sur les intrants ne peut être déduite, dans un tel schéma) : elle est donc beaucoup moins rentable.

Selon les cas de fraudes carrousel, il arrive que les circuits de factures soient doublés de flux physiques réels ou complètement fictifs.

Source : Conseil des impôts, La taxe sur la valeur ajoutée, XIXe rapport au Président de la République, juin 2001.

· L'actuel paragraphe III de l'article 28-1 représente, plus qu'un frein, un véritable obstacle à l'intervention de la douane judiciaire dans son domaine de compétences : en vertu de cette disposition, rappelons-le, dès lors qu'il y a une enquête douanière de nature administrative, la douane judiciaire ne peut être saisie que sur commission rogatoire, c'est-à-dire par le seul juge d'instruction. Le ministre de la Justice, conscient du caractère absurde de cette disposition, dénoncée par la doctrine comme par les praticiens, souhaite revenir sur ce point et rompre ainsi avec la ligne rigide qui avait conduit à l'adoption de ce paragraphe III, lors de la discussion de la loi constitutive de la douane judiciaire, en 1999.

Tel est l'objet du 2° de ce paragraphe I de l'article 11, qui supprime ce que certains ont à juste titre considéré comme une « malfaçon législative » (32), en l'occurrence due à une demande regrettable du pouvoir exécutif en 1999. L'extension de la possibilité, pour le procureur de la République, de requérir la douane judiciaire même pour des faits constatés en application du code des douanes, se justifie à un double titre :

- en premier lieu, comment pouvait-il y avoir confusion entre les activités de la douane judiciaire d'une part, et le travail de la douane administrative d'autre part, dès lors qu'après enquête administrative, le parquet confie l'enquête à la douane judiciaire, service indépendant de la douane administrative dont les agents agissent sous la direction d'un magistrat en application des seules dispositions du code de procédure pénale ?

- en second lieu, la « distorsion » introduite par la loi entre magistrats du siège et du parquet n'offrait guère de justifications, moins encore dans la mesure où le parquet est familier des services de la douane judiciaire, dont il habilite les agents.

· Enfin, le 3°complète les deux alinéas qui forment aujourd'hui le paragraphe VI de l'article 28-1 du code de procédure pénale par deux alinéas nouveaux.

Le quatrième alinéa nouveau de ce paragraphe étend massivement le champ des procédures auxquelles les agents de la douane judiciaire peuvent recourir dans le cadre de leurs fonctions.

D'ores et déjà, en vertu du paragraphe VI de l'article 28-1, les agents des douanes qui procèdent à des enquêtes judiciaires peuvent faire application d'un certain nombre d'articles du code de procédure pénale : deuxième et troisième alinéa de l'article 54 (crime flagrant), 56 (saisie et perquisition en cas de crime flagrant), 57 à 62 (règles applicables en matière de perquisition), 63 à 67 (règles applicables en matière de garde à vue), 75 à 78 (enquête préliminaire), 706-28, 706-29 (règles spécifiques à la législation sur les stupéfiants en matière de perquisition, saisie et garde à vue) et 706-32 (surveillance et infiltration dans ce même domaine).

Aux termes du quatrième alinéa nouveau du paragraphe VI de l'article 28-1 (3°), les odj pourront en outre faire application des dispositions des articles du code de procédure pénale suivants :

- articles 100 à 100-7, relatifs aux interceptions de communications téléphoniques ;

- articles 694 à 695-3 qui, tels que modifiés ou créés par le présent projet (article 6), concernent l'entraide judiciaire internationale, notamment la transmission et l'exécution des demandes d'entraide en matière internationale (articles 694 à 694-9) et entre les membres de l'Union européenne (695 à 695-3). Notamment au travers de la référence aux articles 695-2 et 695-3, est ouverte aux agents de la douane judiciaire la possibilité de participer à des équipes communes d'enquête avec d'autres services de police judiciaire des États-membres de l'Union européenne (33) ;

- articles 706-73 à 706-101, c'est-à-dire les règles de procédure spécifiques à la délinquance et à la criminalité organisées telles qu'introduites par l'article 1er du présent projet de loi (34).

Par ailleurs, dans l'esprit du projet de loi qui procède à un renforcement des compétences rassemblées autour des pôles spécialisés, ce nouvel alinéa ajouté au paragraphe VI de l'article 28-1 du code de procédure pénale précise que les agents de la douane judiciaire pourront être assistés par les « personnes mentionnées aux articles 706 et 706-2 », à savoir les assistants spécialisés dont l'existence et le rôle sont confortés par le présent projet de loi, que ce soit pour les pôles économiques et financiers (article 706 modifié par l'article 7 du projet) ou pour les pôles sanitaires (article 706-2 modifié par l'article 8). De fait, la plupart des infractions constatées dans le domaine des fraudes communautaires relèvent de la compétence des juridictions spécialisées prévues à l'article 704 du code de procédure pénale, ce qui explique d'ailleurs que certains assistants spécialisés affectés dans un pôle économique et financier proviennent de la direction nationale des douanes. Ajoutons que cette précision plaide, s'il en était besoin, en faveur d'un recours accru aux assistants spécialisés du ministère de l'Économie, des finances et de l'industrie dans les pôles économiques et financiers.

Le cinquième alinéa nouveau de ce paragraphe vise à améliorer les modalités d'exercice de l'action fiscale par le ministère public. Il prévoit ainsi que, par dérogation à la règle fixée par l'article 343 2° du code des douanes, l'action pour l'application des sanctions fiscales peut être exercée par le ministère public, en vue de l'application des dispositions de l'article 28-1. Cette disposition vise à lever une ambiguïté du régime actuel de recouvrement des sanctions pénales fiscales, l'article 343 2° du code des douanes interdisant explicitement au procureur d'ordonner l'action en recouvrement de ces sommes.

Au total, les apports de ce paragraphe I de l'article 11 sont multiples. Ils poursuivent néanmoins un objectif commun : faire en sorte que la douane judiciaire, « petit poucet » dans « ce paysage familier des magistrats » (35) constitué par la police nationale ou la gendarmerie, prenne la place qui est la sienne, eu égard à ses réelles compétences techniques. Il ne s'agit nullement, par conséquent, de remettre en cause le rôle des services du ministère de l'Intérieur ou de la Défense, mais de donner à la magistrature un outil supplémentaire « dans la voie où elle s'est engagée d'une rationalisation des portefeuilles d'enquêtes » (36).

b) Aligner le régime des livraisons surveillées et contrôlées sur les procédures désormais ouvertes à la police judiciaire en matière de criminalité organisée

Dans l'esprit des modifications apportées par le paragraphe I au régime de la douane judiciaire, qui rapprochent le mode opérationnel des officiers de douane judiciaire de celui des officiers de police judiciaire, le paragraphe II calque les procédures de surveillance et d'infiltration mises en œuvre par la douane administrative sur le régime défini en la matière, pour les officiers de police judiciaire par les articles 706-80 à 706-87 nouveaux du code de procédure pénale (37). Il modifie à cette fin l'article 67 bis du code des douanes, relatif aux livraisons surveillées et contrôlées en matière de trafic de stupéfiants.

Les livraisons surveillées et contrôlées en matière de trafic de stupéfiants : un régime trop flou

Les douaniers sont d'ores et déjà habilités à procéder à des opérations de livraisons surveillées et contrôlées, qui ressortissent grosso modo à la surveillance et à l'infiltration. Ainsi, aux termes de l'article 67 bis du code des douanes, inséré par la loi n° 91-1264 du 19 décembre 1991 relative au renforcement de la lutte contre le trafic de stupéfiants, les agents des douanes habilités par le ministre chargé des douanes peuvent procéder à la surveillance de l'acheminement de ces substances ou plantes, dans le but de :

- constater les infractions douanières d'importation, d'exportation ou de détention de substances ou plantes classées comme stupéfiants ou utilisées pour la fabrication illicite des produits stupéfiants, ainsi que des matériels servant à cette fabrication ;

- d'identifier les auteurs et complices de ces infractions ainsi que ceux qui y ont participé comme intéressés au sens de l'article 399 ;

- d'effectuer les saisies prévues par le code des douanes.

Si la procédure s'effectue sous le contrôle du procureur de la République, l'administration des douanes est, en revanche, maîtresse du déclenchement de celle-ci, n'étant tenue qu'à une obligation d'information de la même autorité judiciaire.

Aux termes du deuxième alinéa de cet article, les agents des douanes peuvent également, aux mêmes fins, acquérir, détenir, transporter ou livrer ces substances ou plantes, ou mettre à la disposition des personnes les détenant ou se livrant aux infractions douanières mentionnées à l'alinéa précédent des moyens de caractère juridique, ainsi que des moyens de transport, de dépôt et de communication. A la différence de la procédure de livraison surveillée évoquée au paragraphe précédent, la livraison contrôlée doit être autorisée par le procureur de la République, l'autorisation ne pouvant être donnée que pour des actes ne déterminant pas la commission des infractions visées au premier alinéa, et effectuée sous son contrôle.

Le même article exonère les agents de toute responsabilité pénale, non seulement pour les actes visés aux paragraphes ci-dessus, mais également lorsque ces actes sont accomplis en ce qui concerne les fonds sur lesquels porte l'infraction prévue par l'article 415 (opération financière portant sur des fonds connus par l'auteur comme provenant d'un délit douanier ou d'une infraction à la législation sur les stupéfiants) et pour la constatation de celle-ci.

Les remarques formulées par votre rapporteur sur l'actuel article 706-32 du code de procédure pénale valent tout autant pour l'article 67 bis du code des douanes. Le régime actuel frappe en effet par son caractère lacunaire : qu'en est-il de l'insertion de ces actes dans la procédure ? Quelles mesures permettent de préserver la sécurité de l'agent, notamment en matière de livraisons contrôlées ? Les services des douanes, auditionnés par votre rapporteur, ont également mis en avant les ombres du texte actuel s'agissant, par exemple, du degré de précision de l'autorisation donnée par le procureur en matière de livraison contrôlée ou même de sa forme, aucune disposition ne requérant qu'elle soit écrite. De même, les douanes ont, à plusieurs reprises, été confrontées à la demande des avocats, intervenant pour le compte des personnes mises en cause suite à ce type d'opérations, de faire témoigner l'agent infiltré.

Pour toutes ces raisons, la procédure de l'article 67 bis du code des douanes a pu être délaissée au profit d'infiltrations dites fermées, la constatation des infractions étant, pour le dossier de procédure, présentée comme résultant de circonstances fortuites.

La surveillance et l'infiltration introduite par le projet de loi dans le code des douanes : une procédure clarifiée et étendue

Le projet de loi met fin à ces procédures aussi peu satisfaisantes sur le plan des principes juridiques qu'inadaptées à l'ampleur de la délinquance concernée et, à l'instar de ce qui est prévu à l'article 1er pour la police judiciaire, inscrit dans la loi les procédures de surveillance et d'infiltration ouverte. La comparaison entre le présent article et les dispositions introduites à l'article 1er montre que, si le champ des infractions visées diffère, en revanche, les procédures en cause sont totalement décalquées sur celles qui prévalent en matière de criminalité organisée.

· En matière de surveillance (paragraphe I), le champ des infractions dont la constatation peut être faite par cette procédure fait l'objet d'une large extension : alors qu'étaient jusqu'à présent visées les seules infractions douanières liées au trafic de stupéfiants, sont désormais visés tous les délits douaniers pour lesquels la peine encourue est égale ou supérieure à deux ans d'emprisonnement. Sont concernées, par exemple, l'importation et l'exportation non déclarées de marchandise prohibée ou fortement taxée (trois ans, six ans en cas de récidive), la contrebande de ce type de marchandises (mêmes peines), la réalisation non autorisée d'opération financière entre la France et l'étranger (cinq ans) ou encore la réalisation d'opération financière entre la France et l'étranger sur des fonds provenant d'un délit douanier ou d'infraction à la législation sur les stupéfiants (dix ans).

Il est à noter que les personnes visées par la procédure de surveillance sont non seulement les personnes pour lesquelles « il existe une ou plusieurs raisons plausibles de les soupçonner d'être les auteurs d'un délit douanier », mais également celles soupçonnées d'en être complices ou d'être intéressées à la fraude en vertu de l'article 399 du code des douanes, les peines encourues étant, dans cette dernière hypothèse, similaires à celles auxquelles s'exposent les auteurs de l'infraction eux-mêmes. Sont visés par cette disposition :

- les entrepreneurs, membres d'entreprise, assureurs, assurés, bailleurs de fonds, propriétaires de marchandises, et, en général, ceux qui ont un intérêt direct à la fraude ;

- ceux qui ont coopéré d'une manière quelconque à un ensemble d'actes accomplis par un certain nombre d'individus agissant de concert, d'après un plan de fraude arrêté pour assurer le résultat poursuivi en commun ;

- ceux qui ont, sciemment, soit couvert les agissements des fraudeurs ou tenté de leur procurer l'impunité, soit acheté ou détenu, même en dehors du rayon, des marchandises provenant d'un délit de contrebande ou d'importation sans déclaration.

Si cette définition des personnes susceptibles de faire l'objet d'une surveillance est reprise de la rédaction de l'actuel article 67 bis, elle se distingue en revanche de ce qui est prévu pour la criminalité organisée, seules les personnes soupçonnées d'être les auteurs des infractions en cause pouvant être mises sous surveillance.

En revanche, à l'instar des opj, les agents des douanes bénéficient d'une extension de leur compétence sur l'ensemble du territoire national lorsqu'il leur faut, dans le cadre d'une opération de surveillance, acheminer ou transporter les biens, objets ou produits tirés de la commission des infractions douanières ou servant à les commettre. Il s'agit là d'une précision bienvenue s'agissant d'un service qui opère certes dans les zones frontalières, mais également sur l'ensemble du territoire, notamment sur les grands axes autoroutiers.

Les conditions de forme conditionnant la validité de l'opération de surveillance sont inchangées par rapport au régime existant de l'article 67 bis, d'ailleurs repris en matière de criminalité organisée : seule l'information préalable du procureur de la République est requise, le silence de ce dernier, qui est en droit de s'opposer à l'opération, valant consentement. Les modalités d'exercice de cette formalité procédurale sont néanmoins précisées, contrepartie sans doute nécessaire eu égard à l'extension importante de la faculté donnée aux douaniers de mettre en place des opérations de surveillance. Le dernier alinéa du paragraphe I dispose ainsi que cette information doit être donnée « par tout moyen », mention qui souligne le caractère nécessaire de cette formalité autant qu'elle en affiche la souplesse. Quant au magistrat du parquet destinataire de l'information, il s'agit soit du procureur de la République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel les opérations de surveillance sont susceptibles de débuter soit, le cas échéant, de celui appartenant à la juridiction spécialisée en matière de grande criminalité saisie de ces faits.

· En matière d'infiltration (paragraphes I à IX), les dispositions nouvelles introduites à l'article 67 bis du code des douanes sont, là encore, largement similaires à ce qui est prévu pour les opj (et odj) intervenant pour la constatation des infractions relevant de la criminalité organisée. L'analyse développée à l'article 1er, à laquelle votre rapporteur renvoie, vaut donc très largement pour le présent article.

Sous réserve des adaptations justifiées par la matière douanière, la définition de ce type d'opération est identique à celle que donne l'article 706-81 nouveau du code de procédure pénale. Ainsi, aux termes du paragraphe II de l'article 67 bis, l'infiltration « consiste, pour un agent des douanes spécialement habilité dans des conditions fixées par décret, agissant sous la responsabilité d'un agent de catégorie A chargé de coordonner l'opération, à surveiller des personnes suspectées de commettre un délit douanier en se faisant passer, auprès de ces personnes, comme un de leurs coauteurs, complices ou intéressés à la fraude ». Quant aux objectifs visés par l'infiltration, ils sont au nombre de trois : la constatation de l'infraction, l'identification des auteurs et complices de l'infraction ainsi que de ceux qui y ont participé comme intéressés et la saisie éventuelle des produits concernés.

A cette définition « positive » de l'infiltration, il faut ajouter un élément qui en délimite le contour, par la négative en quelque sorte : le principe de prohibition de la provocation, dont la réaffirmation répond à une jurisprudence éprouvée de la Cour de cassation qui, dans le cas des douanes, a pu se traduire par la nullité d'un certain nombre de procédures (38). L'infiltration ne saurait ainsi fournir un moyen d'inciter quiconque à commettre une infraction, à peine de nullité.

S'agissant ensuite de la nature de la procédure, elle est strictement délimitée, aussi bien dans sa fréquence - elle n'intervient qu'à « titre exceptionnel » - que dans son champ d'application. Sont ainsi visées les « infractions douanières d'importation, d'exportation ou de détention de substances ou plantes classées comme stupéfiants, de contrebande de tabacs manufacturés, d'alcool et spiritueux, ainsi que celles prévues à l'article 415 » précité. Il convient de remarquer qu'au regard du droit actuel en matière de livraison contrôlée, le champ de l'infiltration est plus étendue, ne se limitant pas à la seule constatation des infractions liées au trafic de stupéfiants. À l'instar de la modification apportée à l'article 706-81, la Commission a adopté un amendement supprimant le caractère exceptionnel de l'infiltration (amendement n° 120).

De même, la procédure d'infiltration est encadrée par de strictes garanties formelles, au cœur desquelles se trouve le procureur de la République. A cet égard, il faut noter que, contrairement à ce qui est prévu en matière de surveillance, rien n'est dit du parquet compétent, question qui suscite pourtant des interrogations aujourd'hui s'agissant des dispositions applicables en matière de stupéfiants, par les policiers comme par les douaniers. La doctrine s'accorde cependant sur le fait que sont concernés par l'octroi de cette autorisation les parquets sur le ressort desquels les enquêteurs pourront être amenés à intervenir. Ce qui signifie que tous les procureurs dans le ressort duquel ces agents passeront devront accorder leur autorisation : si cette solution n'est pas sans susciter des difficultés pratiques - limitées par la création de pôles interrégionaux spécialisés - elle est, en droit, la seule valide (39).

Autorité de décision du déclenchement de la procédure, le procureur en contrôle le déroulement. Si l'actuel article 67 bis est muet quant aux modalités d'exercice du pouvoir d'encadrement reconnu au procureur, la jurisprudence, de même que les travaux préparatoires qui avaient présidé à l'adoption de la loi de 1991 précitée qui avait créé la procédure de livraison contrôlée, éclairent le laconisme du texte. En premier lieu, le magistrat du parquet doit, pour donner son autorisation, « recueillir tous les renseignements nécessaires à son appréciation » (40) : le magistrat devra donc exiger de l'agent habilité qu'il lui donne les informations détaillées relatives à l'opération envisagée. L'autorité judiciaire doit d'ailleurs, selon la Cour de cassation, vérifier les conditions de l'exercice, par les douaniers, de la livraison contrôlée, pour s'assurer qu'ils n'ont commis aucun excès de pouvoir (41).

Sans reprendre ces dispositions, le présent projet apporte néanmoins des précisions quant au contenu et à la forme de l'autorisation du procureur prévue au paragraphe II. Ainsi, aux termes du paragraphe IV, elle doit être écrite et spécialement motivée, à peine de nullité de la procédure. Les mentions relatives à l'agent infiltré ainsi que les règles prévalant en matière de durée sont strictement identiques à ce qui est prévu pour l'article 706-83 nouveau du code de procédure pénale. A l'instar de ce qu'elle a modifié à l'article 706-83, la Commission a adopté un amendement supprimant la mention de l'identité d'emprunt dans l'autorisation d'infiltration (amendement n° 123).

De même, l'article 67 bis reprend, dans son paragraphe III les règles relatives à la permission de la loi qui sont insérées à l'article 706-82 nouveau du code précité, en les adaptant légèrement : ainsi, seuls sont visés les substances, biens, produits, documents ou informations tirés de la commission des infractions et non servant à leur commission. S'agissant en revanche des dispositions relatives à l'exonération de responsabilité des personnes requises par les agents des douanes, elles sont reprises à l'identique : par conséquent, comme à l'article 706-82, la Commission a adopté un amendement renforçant la sécurité des agents infiltrés en permettant que ces personnes puissent être requises par d'autres officiers ou agents de police que ceux participant à l'infiltration (amendement n° 122).

Les dispositions relatives à l'identité d'emprunt (paragraphe V) reprennent strictement les dispositions de l'article 706-84 nouveau. Notons que lors de leur audition par le rapporteur le 29 avril 2003, les services des douanes se sont particulièrement félicités de cette disposition : en l'occurrence en effet, la solution alternative, inspirée de la législation en vigueur aux États-Unis, eût été de faire témoigner l'agent infiltré sous sa véritable identité, ce qui interdit d'y recourir dans d'autres procédures d'infiltration. A l'évidence, une telle solution n'était pas souhaitable en France, d'abord par manque de ressources humaines, mais aussi en considération de la sécurité des agents infiltrés. Comme à l'article 706-84, la Commission a adopté un amendement du rapporteur étendant la portée des sanctions encourues en cas de révélation de l'identité réelle de l'agent infiltré, afin de protéger son conjoint, ses enfants et ses ascendants directs tout en distinguant les hypothèses où les violences perpétrées par les membres du réseau criminel ont provoqué des blessures ou la mort de ces personnes (amendement n° 124).

Quant aux dispositions des paragraphes VI (dispositif de sortie de la procédure), VII (témoignage de l'agent infiltré et confrontation) et IX (interdiction de condamner sur le seul fondement des déclarations de l'agent infiltré), elles sont respectivement identiques à celles des articles 706-85, 706-86 et 706-87 nouveaux. La Commission, par cohérence avec son vote sur ces articles, a donc adopté trois amendements présentés par le rapporteur, visant à :

- prévoir que, lorsque l'agent infiltré prolonge l'opération au-delà des délais fixés par le juge afin de garantir sa sortie du réseau criminel en toute sécurité, le juge qui a autorisé cette opération doit, d'une part, en être informé dans les meilleurs délais et, d'autre part, être informé de l'achèvement de l'opération (amendement n° 125) ;

- d'interdire que les questions posées à l'agent infiltré, lors de sa confrontation avec une personne mise en cause suite à une infiltration, aient pour objet, direct ou indirect, la révélation de sa véritable identité (amendement n° 126) ;

- de supprimer le paragraphe IX, qui dispose qu'aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement des déclarations des agents infiltrés (amendement n° 127).

Ce dernier amendement satisfait notamment les préoccupations de l'administration des douanes qui, s'agissant des dispositions du paragraphe IX, a fait part au rapporteur de ses préoccupations quant aux limites à la répression de la criminalité contenues dans cette disposition. Quid, en effet, du cas où l'agent des douanes infiltré est témoin de meurtres dont ne subsiste aucun indice, pas même le corps de la victime ? Se référant à un modus operandi courant en matière de trafic de stupéfiants, les personnes auditionnées ont donné l'exemple d'un assassinat intervenant sur un bateau : dans une telle hypothèse, l'agent infiltré se retrouve en situation de conflit entre l'article 40 du code de procédure pénale, qui lui fait obligation de signaler les faits au procureur de la République - faits qui devraient d'ailleurs être consignés dans le rapport rédigé par l'agent de coordination visé au dernier alinéa du II - et le caractère dirimant de la disposition du paragraphe IX.

Enfin, le contenu du dossier de la procédure est identique à ce qui est prévu en matière d'infiltration par les opj (ou odj) pour la criminalité organisée. Ainsi, le paragraphe II de l'article 67 bis du code des douanes prévoit que l'officier de police judiciaire qui coordonne l'opération d'infiltration rédige un rapport sur celle-ci. Même si le texte est silencieux sur le sort de ce rapport dans la procédure, les dispositions du paragraphe VI laissent à penser qu'il est versé au dossier de la procédure. C'est pourquoi la Commission propose que ce rapport comprenne les éléments strictement nécessaires à la constatation des infractions et ne mettant pas en danger la sécurité de l'agent infiltré ni celle des personnes requises par lui (amendement n° 121).

Par coordination, elle a rejeté un amendement présenté par M. André Vallini et quatre amendements de M. Thierry Mariani.

En sus du décalque quasi parfait des dispositions du code de procédure pénale tel que modifié par le présent projet de loi, l'article 11 introduit, en matière d'infiltration, une disposition essentielle à la lutte contre les nouvelles formes de criminalité. En effet, le paragraphe VIII nouveau de l'article 67 bis du code des douanes définit le régime international de la surveillance et de l'infiltration douanières, ce qui, aux dires de tous les intervenants entendus par votre rapporteur, constitue un immense progrès. Les situations ubuesques obligeant l'agent étranger infiltré, utilisé, par exemple, par un réseau de trafiquants de drogue pour conduire le camion contenant la marchandise illicite, à céder la place à son collègue français le temps de traverser le territoire national, seront ainsi bientôt à ranger au rang des souvenirs.

Le premier alinéa de ce paragraphe vise l'hypothèse d'un agent français qui doit poursuivre dans un État étranger la surveillance prévue au I. En ce cas, celle-ci est autorisée par le procureur de la République chargé de l'enquête. Les procès-verbaux d'exécution de l'observation ou rapports y afférents ainsi que l'autorisation d'en poursuivre l'exécution sur le territoire d'un État étranger sont versés au dossier de la procédure.

Les trois alinéas suivants envisagent le cas de l'infiltration d'un agent étranger sur le territoire de la République. Celle-ci peut intervenir dans deux cas de figures :

- dans une première hypothèse, l'opération est demandée par un État étranger et se déroule en vue de servir une procédure qui n'est pas suscitée par les autorités nationales françaises. Une telle procédure ne peut intervenir que dans le cadre d'une demande d'entraide judiciaire au ministre de la justice, dont l'accord préalable est nécessaire. Ce dernier ne peut intervenir que si les agents étrangers sont affectés dans leur pays à un service spécialisé et exercent des missions similaires à celles des agents nationaux spécialement habilités mentionnés au II. Par ailleurs, cet accord peut être assorti de conditions. Une fois l'accord du ministre obtenu, l'opération doit ensuite être autorisée par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris, dans les conditions prévues au II ;

- dans une seconde hypothèse, l'infiltration d'un agent étranger est requise pour les besoins d'une procédure nationale. Dans ce cas, outre les dispositions prévues à l'article 67 bis, le seul accord des autorités judiciaires étrangères suffit.

c) Faciliter l'action en paiement des droits et taxes éludés et des sanctions fiscales

Les paragraphes III et IV de l'article 11 adaptent les dispositions de droit commun en matière de poursuites douanières au régime spécifique de la douane judiciaire. Si, en effet, les agents relevant de ce service n'agissent qu'en vertu du code de procédure pénale, qu'en est-il de l'application spécifique des dispositions douanières relatives au recouvrement, par l'État, des droits et taxes compromis ou éludés, dispositions certes connexes à l'infraction pénale mais qui, au vu des affaires en cause, ont des conséquences importantes pour les finances publiques ?

· Pour résoudre cette difficulté, le paragraphe III modifie l'article 343 du code des douanes, relatif à aux compétences respectives du ministère public et de l'administration des douanes en matière de sanctions. Actuellement, aux termes des 1° et 2° de cet article, si le premier est compétent pour l'application des peines, c'est à la seconde qu'il revient d'exercer l'application des sanctions fiscales, le ministère public n'ayant en la matière qu'une compétence accessoire. Lors de l'adoption des dispositions sur la douane judiciaire dans la loi n° 99-515 du 23 juin 1999, le législateur avait, en outre, introduit un 3°, afin de traiter du cas spécifique de la douane judiciaire, le droit commun ne pouvant s'appliquer du fait de l'interdit absolu de l'application du code des douanes posé à l'article 28-1 du code de procédure pénale. Il est donc prévu que, dans les procédures dont ses agents ont été saisis en application de l'article 28-1 du code de procédure pénale, l'administration des douanes ne peut exercer l'action pour l'application des sanctions fiscales et que, dans ce cas, cette action est exercée par le ministère public.

En introduisant cette disposition, le législateur n'a cependant réglé qu'une partie du problème : au-delà des sanctions fiscales, qu'en est-il du paiement du principal, à savoir des droits et taxes compromis ou éludés ? Le paragraphe III répare cet oubli en donnant compétence à l'administration des douanes pour exercer l'action en paiement dans ce domaine, conformément aux dispositions de l'article 377 bis du code des douanes. En vertu de cet article en effet, les tribunaux ordonnent « en sus des pénalités fiscales (...) le paiement des sommes fraudées ou indûment obtenues », disposition qui vaut d'ailleurs même si aucune condamnation n'est prononcée (42).

L'introduction de cet alinéa supplémentaire dans l'article 343 3° du code des douanes rétablit le chaînon manquant entre l'intervention de la douane judiciaire et l'application des dispositions de droit commun en matière de douane administrative. Cette référence explicite au droit commun était nécessaire au regard de la séparation stricte que le législateur a entendu poser entre l'intervention de la douane judiciaire et celle de la douane administrative, qui n'est pas remise en cause. Au contraire, le fait que ce nouvel alinéa précise que l'administration des douanes doit être « informée de la date de l'audience par l'autorité judiciaire compétence » rappelle que la douane judiciaire fonctionne à part et ne saurait servir d'intermédiaire entre l'institution judiciaire et l'administration des douanes. En outre, à ce stade de la procédure, l'action de la douane judiciaire est éteinte et il serait pour le moins paradoxal que son intervention initiale, en vertu de l'article 28-1 du code de procédure pénale conduise à protéger davantage les auteurs d'une infraction douanière connexe à une infraction pénale, alors même que le code des douanes trouverait à s'appliquer si seules la douane administrative ou la police judiciaire étaient à l'origine du constat de l'infraction.

· Par coordination avec la modification apportée à l'article 343 3° du code des douanes, le paragraphe IV complète l'article L. 235 du livre des procédures fiscales qui dispose que « les infractions en matière de contributions indirectes et de législations édictant les mêmes règles en matière de procédure et de recouvrement sont poursuivies devant le tribunal correctionnel, qui prononce la condamnation. L'administration instruit et défend sur l'instance portée devant le tribunal. En cas d'infraction touchant à la fois au régime fiscal et au régime économique de l'alcool, le service désigné par décret est seul chargé des poursuites ».

En écho à la disposition susvisée du code des douanes, il rappelle, tout d'abord, la compétence du ministère public pour exercer l'action publique ainsi que l'action pour l'application des sanctions fiscales dans les affaires dans lesquelles la douane judiciaire a été requise en application de l'article 28-1 du code de procédure pénale. Afin, là encore, de bien souligner la spécificité de la douane judiciaire et de ne pas en faire un instrument de la douane administrative pour exercer son action en recouvrement des créances sur État, l'alinéa nouveau inséré à l'article L. 235 du livre des procédures fiscales exclut explicitement l'application de la procédure de transaction. En matière de contributions indirectes, celle-ci permet à l'administration, avec accord du ministère public, de transiger lorsque l'infraction est passible à la fois de sanctions fiscales et de peines ou seulement de sanctions fiscales.

Le paragraphe IV rappelle en outre, par symétrie et par coordination avec les dispositions du paragraphe III, la compétence de l'administration des douanes pour exercer l'action en paiement des droits et taxes compromis ou éludés, conformément aux dispositions de l'article L. 1804 B du code général des impôts autorisant le tribunal à ordonner le paiement des sommes fraudées ou indûment obtenues.

· Enfin, le paragraphe V réécrit l'article 152-4 du code monétaire et financier, sans véritable lien, reconnaissons-le, avec les autres dispositions du texte.

Aux termes de l'article L. 152-1 de ce code, « les personnes physiques qui transfèrent vers l'étranger ou en provenance de l'étranger des sommes, titres ou valeurs, sans l'intermédiaire d'un établissement de crédit, ou d'un organisme ou service mentionné à l'article L. 518-1 doivent en faire la déclaration dans des conditions fixées par décret. Une déclaration est établie pour chaque transfert à l'exclusion des transferts dont le montant est inférieur à 7 600 euros. » La méconnaissance de cette obligation est, d'après l'actuel article L. 152-4 de ce code, sanctionnée par la confiscation du corps du délit ou, lorsque la saisie en est impossible, d'une somme en tenant lieu et d'une amende égale au montant de la somme sur laquelle a porté l'infraction ou la tentative d'infraction. Il est par ailleurs précisé dans ce même article que, dans ce cas, la sanction ne subit pas la majoration de 40 % prévue par le code général des impôts.

Le projet de loi modifie et précise le régime de la sanction applicable en cas de méconnaissance des dispositions de l'article L. 152-1 du code monétaire et financier :

- en premier lieu, le montant de l'amende prononcée en cas de méconnaissances des obligations déclaratives énoncées ci-dessus est réduit au quart de la somme sur laquelle a porté l'infraction ou la tentative d'infraction (paragraphe I).

- en deuxième lieu, un régime spécifique est établi lorsque l'infraction est constatée par les agents des douanes. D'après l'article 453 du code des douanes en effet, sont habilités à constater de telles infractions les officiers de police judiciaire, les agents des douanes et les autres agents de l'administration ayant au moins le grade d'inspecteur.

Les agents des douanes se voient ainsi reconnaître un droit de consignation de la totalité de la somme sur laquelle a porté l'infraction ou la tentative d'infraction, valable trois mois et renouvelable, dans la limite de six mois au total, sur autorisation du procureur de la République du lieu de la direction des douanes dont dépend le service chargé de la procédure.

La consignation devient confiscation, sur décision de la juridiction compétente, si, pendant la durée de la consignation, l'auteur de l'infraction est ou a été en possession d'objets laissant présumer qu'il est l'auteur d'autres infractions prévues et réprimées par le code des douanes, voire un simple participant à la commission de ces infractions. Cette même procédure de confiscation est également applicable s'il existe des raisons plausibles de penser que cette personne a commis ou participé à la commission d'une infraction. Il est par ailleurs précisé que la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement emporte de plein droit, aux frais du Trésor, mainlevée des mesures de consignation, confiscation et saisie ordonnées. Il en est de même en cas d'extinction de l'action publique.

- enfin, le paragraphe III de l'article 152-4 précise, d'une part, que la recherche, la constatation et la poursuite des infractions mentionnées au I sont effectuées dans les conditions fixées par le code des douanes et, d'autre part, que, dans le cas où l'amende prévue au I est infligée, la majoration de 40 % mentionnée au premier alinéa de l'article 1759 du code général des impôts n'est pas appliquée, comme dans le droit actuel.

L'introduction de cette disposition quelque peu connexe à l'objet du projet de loi vise en fait à éviter à la France une condamnation par la Cour de justice des communautés européennes, saisie par la Commission, depuis le 20 décembre 2001, d'une action en manquement. En effet, suite à l'avis motivé du 25 juillet de la même année, la Commission a demandé à la France de revoir le dispositif de sanctions applicables au manquement à l'obligation déclarative des sommes, titres ou valeurs transférés en provenance ou à destination de l'étranger prévu à l'article L. 152-1 du code monétaire et financier. La Commission considère, en effet, que les dispositions actuelles (amende comprise entre le quart et la totalité de la somme non déclarée ainsi que la confiscation de cette somme) sont disproportionnées par rapport à l'objectif poursuivi et constituent, de ce fait, une violation du principe de libre circulation des capitaux. Les nouvelles dispositions de l'article L. 152-4 du code monétaire et financier règlent donc le problème.

La Commission a adopté l'article 11 ainsi modifié.

Après l'article 11

La Commission a rejeté un amendement présenté par M. Christian Estrosi renforçant les peines encourues pour usage sans droit d'un titre attaché à une profession réglementée, d'un diplôme officiel ou d'une qualité publique.

chapitre IV

Dispositions concernant la lutte contre les discriminations

La prise en compte des circonstances dans lesquelles sont commises certaines infractions doit guider l'action des pouvoirs publics en matière pénale, notamment en ce qui concerne les actes à caractère raciste. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement propose, à travers les articles 12 à 16 du projet de loi, de mettre en œuvre un ensemble de mesures qui renforcent la lutte contre ce type de discriminations.

Ces dispositions confortent un cadre juridique dont il convient, au préalable, de rappeler les principaux éléments.

a) Rappels relatifs à la législation contre le racisme

Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, la communauté internationale a adopté de multiples déclarations, recommandations ou conventions, tendant à prohiber les discriminations raciales, ethniques ou religieuses. On peut se référer, notamment, à : la Charte des Nations unies du 26 juin 1945 (article 1er), la Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948 (article 2), la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (article 14), la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (article 3), la Convention internationale du 7 mars 1966 sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (préambule), le Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 (article 2) et le Traité instituant la Communauté européenne (article 13).

Comme la plupart des Etats européens, la France a inscrit ces principes dans sa Constitution et s'est dotée de textes législatifs prévenant et réprimant les discriminations. Sa législation antiraciste est même, aujourd'hui, l'une des plus avancées au monde.

S'agissant de la Constitution, la prohibition des discriminations est inscrite dans le préambule du texte adopté le 27 octobre 1946, qui déclare que : « Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d'asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés ». En 1958, une référence à cette proclamation est introduite dans le préambule de la Constitution de la Ve République. De plus, dans le contexte de la décolonisation, il est inscrit dans son article 1er que : « La France (...) assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion ».

En ce qui concerne la législation ordinaire, les phénomènes racistes et discriminatoires ont d'abord été abordés sous l'angle de la sanction des abus de la parole ou de l'écrit propagés dans le public, dans le cadre de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

En effet, il faut attendre la loi n° 72-546 du 1er juillet 1972 pour que la France se dote d'outils réprimant directement les agissements discriminatoires : un certain nombre d'actes commis à raison de « l'origine ou de l'appartenance ou de la non appartenance [d'une personne] à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée », sont alors érigés en infraction.

Depuis, le législateur a renforcé ce cadre légal à de nombreuses reprises, notamment entre 1975 et 1987. La loi n° 90-615 du 13 juillet 1990 a complété le dispositif en créant un délit de contestation de crime contre l'humanité. Le nouveau code pénal a ensuite regroupé l'ensemble des discriminations dans le Livre II, parmi les « atteintes à la dignité de la personne », et a créé de nouvelles infractions renforçant la répression des délits racistes (responsabilité des personnes morales, aggravation du délit de profanation des sépultures, incrimination des crimes contre l'humanité). Enfin, la loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations a condamné certains comportements « racistes » dans le monde du travail, en matière d'embauche notamment.

Sous la présente législature, la loi n° 2003-88 du 3 février 2003 visant à aggraver les peines punissant les infractions à caractère raciste, antisémite ou xénophobe, a permis une nouvelle avancée en faisant du mobile raciste de certains crimes ou délits une circonstance aggravante conduisant à un alourdissement des peines encourues. Sont concernés :

-  le meurtre, qui, dans cette hypothèse, est désormais passible de la réclusion criminelle à perpétuité (article 221-4), au lieu de trente années d'emprisonnement dans le régime de « droit commun » (article 221-1) ;

-  les actes de torture ou de barbarie, passibles de vingt ans de réclusion criminelle (222-3) au lieu de quinze (222-1) ;

-  les violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner, punies de vingt ans de réclusion criminelle (222-8) au lieu de quinze (222-7) ;

-  les violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente, passibles de quinze ans de réclusion criminelle (222-10) au lieu de dix (222-9) ;

-  les violences ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours, punies de cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende (222-12) au lieu de trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende (222-11) ;

-  les violences ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ayant entraîné aucune incapacité de travail, punies de trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende (222-13) ;

-  les destructions, dégradations ou détériorations de biens appartenant à autrui, punies de trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende (322-2) (43) au lieu de deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende (322-1) ;

-  les destructions, dégradations ou détériorations de biens appartenant à autrui par l'effet d'une substance explosive, d'un incendie ou de tout autre moyen de nature à créer un danger pour les personnes, punies de vingt ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende (article 322-8) au lieu de dix ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende (article 322-6).

b) Les mesures proposées

L'adoption de la loi du 3 février 2003 témoigne de la volonté du Gouvernement et de sa majorité de lutter résolument contre les actes de discrimination raciale.

De fait, la mise en place des commissions départementales d'accès à la citoyenneté (CODAC) et du « numéro vert 114 » ont révélé l'ampleur des discriminations et la diversité des besoins et des attentes de ceux qui en sont victimes (44).

Par ailleurs, la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) fait état, dans son rapport d'activité pour l'année 2002 remis, le 27 mars dernier, au Premier ministre, d'une dégradation manifeste de la situation. Certes, un récent sondage confirmait la baisse des sentiments racistes que l'on observe, en France, depuis 1995 (45). Mais la minorité qui se dit raciste s'affirme avec plus de virulence que par le passé, ce qui explique l'augmentation et la diffusion sur l'ensemble du territoire, révélée par la CNCDH, des violences et des menaces, à caractère antisémite notamment (46). En outre, ce phénomène concerne de plus en plus les jeunes, les violences racistes étant en forte progression dans les écoles (47).

Dans ce contexte, le ministre de la justice a engagé la mise en place d'une autorité administrative indépendante de lutte contre toutes les formes de discrimination, préconisée par le Haut conseil à l'intégration dès 1998 et dont la création a été annoncée par le Président de la République le 14 octobre dernier.

Le garde des sceaux a indiqué, par ailleurs, que la directive européenne relative à l'égalité de traitement des personnes ferait l'objet d'une transposition prochaine en droit français.

Le 21 mars dernier, à l'occasion de la journée pour l'élimination de la discrimination raciale, le ministre a également adressé une circulaire aux procureurs généraux allant dans le sens d'une répression sévère et systématique des actes de discrimination raciale, qui portent atteinte « à la nécessaire cohésion de la nation et au respect du pacte républicain » (48).

Enfin, la priorité donnée, en matière de politique pénale, à la lutte contre le racisme et l'antisémitisme, sous-tend les articles 12 à 16 du présent projet de loi. Les mesures proposées vont dans le sens d'une nouvelle extension du champ d'application de la circonstance aggravante créée par la loi du 3 février 2003 précitée. Elles renforcent les peines encourues en cas de discrimination par des agents publics ou des personnes chargées d'une mission de service public. Elles allongent le délai de prescription de l'action publique pour certaines infractions à caractère raciste relevant de la loi du 29 juillet 1881.

Section 1

Dispositions relatives à la répression des discriminations et des atteintes
aux personnes ou aux biens présentant un caractère raciste

Article additionnel avant l'article 12

(art. 132-76 du code pénal)


Définition de la circonstance aggravante de racisme

La Commission a adopté un amendement de précision rédactionnelle du rapporteur (amendement n° 128).

Articles 12 et 13

(art. 222-18-1 [nouveau], 311-4 et 312-2 du code pénal)


Extension de la circonstance aggravante
des infractions à caractère raciste ou discriminatoire

Les articles 12 et 13 du projet de loi étendent le caractère aggravant des infractions à caractère raciste, institué par la loi n° 2003-88 du 3 février 2003 précitée, aux menaces, aux vols et aux extorsions.

· Le paragraphe II de l'article 12 porte sur les différents types de menaces susceptibles d'être proférées. Commises « à raison de l'appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée », elles feront désormais l'objet de peines aggravées en application du nouvel article 221-18-1 qu'il est proposé d'insérer dans le code pénal. Sont concernées :

-  la menace réitérée ou matérialisée par un écrit, une image ou tout autre objet, de commettre un crime ou un délit contre les personnes, qui sera punie, dans cette circonstance, de deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende, au lieu de six mois d'emprisonnement et 7 500 euros d'amende ;

-  la menace de mort ou celle de commettre un crime ou un délit contre les personnes avec ordre de remplir une condition, qui sera punie de cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende, au lieu de trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende ;

-  la menace de mort avec ordre de remplir une condition, qui sera punie de sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende, au lieu de cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende.

Le paragraphe I procède à une mesure de coordination, consistant à déplacer, dans le code pénal, de l'article 222-18-1 à l'article 222-18-2 (nouveau), le principe de la responsabilité des personnes morales en matière de menaces.

· L'article 13 porte sur les vols et les extorsions :

-  l'article 311-4 du code pénal est complété afin de prendre en compte le mobile éventuellement raciste d'un vol : dans cette hypothèse, celui-ci sera passible de cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende, au lieu de trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende ;

-  l'article 312-2 du même code est également complété en ce qui concerne l'extorsion : l'infraction sera alors passible de dix ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende, au lieu de sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende.

Ces dispositions confortent la portée de la loi du 3 février 2003, dont le champ est par ailleurs étendu outre-mer par le paragraphe III de l'article 84 du projet de loi.

Elle vont également dans le sens d'une application plus complète de la proposition de décision-cadre du Conseil relative à la lutte contre le racisme et la xénophobie (49).

La Commission a rejeté, pour des motifs qui tiennent à la cohérence législative, un amendement de M. André Vallini insérant à l'article 222-18-1, avant le mot « race », le mot « prétendue », le président Pascal Clément ayant rappelé que le débat sur l'opportunité de faire figurer le mot « race » dans les textes législatifs avait déjà eu lieu à plusieurs reprises

Puis elle a adopté deux amendements du même auteur étendant l'aggravation des peines encourues pour certaines infractions à caractère raciste aux menaces, vols et extorsions commis à raison de l'orientation sexuelle de la victime, sous réserve d'une modification rédactionnelle et de la suppression de la référence à la « prétendue » race (amendements nos 129 et 131).

Elle a également adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 130).

La Commission a ensuite adopté les articles 12 et 13 ainsi modifiés.

Article 14

(art. 225-2 et 432-7 du code pénal)


Renforcement de la répression à l'encontre des infractions
à caractère raciste ou discriminatoire

L'article 14 du projet de loi renforce les peines prévues à l'encontre des délits de discrimination et institue une circonstance aggravante lorsque lesdites infractions sont commises dans des lieux accueillant du public.

· Le paragraphe I modifie et complète l'article 225-2 du code pénal.

-  Le a) augmente les sanctions prévues à l'encontre des faits de discrimination visés à l'article 225-2 du code pénal, qui sont portées de deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende à trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende.

On rappellera que, en application de l'article 225-1 : « Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur apparence physique, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation sexuelle, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ».

-  Le b) complète l'article 225-2 précité afin de prévoir que, lorsqu'un « refus discriminatoire » est commis dans un lieu accueillant du public ou aux fins d'en interdire l'accès, les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende.

· Par coordination, le paragraphe II procède à un renforcement des peines prévues à l'encontre des faits de discrimination commis par des personnes dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une mission de service public dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions.

La sanction est portée de trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende.

La Commission a adopté l'article 14 sans modification.

Article 15

(art. 2-1 du code de procédure pénale)


Constitution de partie civile par certaines associations

L'article 15 du projet de loi modifie les règles qui encadrent la possibilité pour les associations combattant le racisme ou assistant les victimes de discrimination d'exercer les droits reconnus à la partie civile.

-  Le 1° complète la liste des infractions pour lesquelles ce droit peut s'exercer afin que soient également visés les vols et les extorsions, par coordination avec les dispositions prévues par l'article 13 du projet de loi.

-  Le 2° précise, de manière plus générale, que, lorsque l'infraction a été commise envers une personne considérée individuellement, l'association ne sera recevable dans son action que si elle justifie avoir reçu l'accord de la personne intéressée ou, si celle-ci est mineure, du titulaire de l'autorité parentale ou du représentant légal, lorsque cet accord peut être recueilli.

Cette précision, relative à l'accord de la victime, prend en compte, à l'article 2-1 du code de procédure pénale, un principe qui s'applique de façon générale en matière de constitution de partie civile des associations : on peut se référer, à cet égard, à l'article 2-2 du code de procédure pénale ou à l'article 48-1 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Il convient de préciser, toutefois, que la règle du consentement de la victime n'est appelée à prévaloir que lorsque celle-ci est une personne physique.

La Commission a adopté un amendement rédactionnel présenté par le rapporteur (amendement n° 132).

Puis elle a adopté l'article 15 ainsi modifié.

Section 2

Dispositions procédurales relatives à la répression
des messages racistes ou xénophobes

Article 16

(art. 65-3 [nouveau] de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse)


Modification du délai de prescription pour les infractions à caractère raciste ou discriminatoire commises par voie de presse

Le présent article modifie la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse afin de prendre en compte la spécificité des infractions à caractère raciste ou discriminatoire. Il est proposé, à cet effet, de porter le délai de prescription de certaines infractions limitativement énumérées de trois mois à un an, selon les modalités présentées ci-après.

· Actuellement, l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 prévoit que : « L'action publique et l'action civile résultant des crimes, délits et contraventions prévus par la présente loi se prescriront après trois mois révolus, à compter du jour où ils auront été commis ou du jour du dernier acte d'instruction ou de poursuite s'il en a été fait ».

· L'article 16 du projet de loi insère un nouvel article, numéroté 65-3, qui porte ce délai de prescription de trois mois à un an en ce qui concerne les délits suivants commis par voie de presse ou par tout autre moyen de publication :

-  la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée (huitième alinéa de l'article 24) ;

-  la contestation de l'existence d'un ou plusieurs crimes contre l'humanité (article 24 bis) ;

-  la diffamation à caractère raciste ou discriminatoire (deuxième alinéa de l'article 32) ;

-  l'injure à caractère raciste ou discriminatoire (troisième alinéa de l'article 33).

On observe que ces délits sont tous punis de peines d'emprisonnement, à la différence de la quasi-totalité des autres infractions prévues par la loi du 29 juillet 1881, ce qui témoigne de leur gravité.

On soulignera, pour conclure, que l'intérêt de cet allongement du délai de prescription a été accru par l'évolution récente de la jurisprudence en ce qui concerne les règles applicables aux messages diffusés, souvent de façon occulte, sur le réseau Internet. A travers plusieurs arrêts rendus en 2001, la Cour de cassation a estimé, en effet, que le point de départ du délai de prescription de l'action publique prévu par l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 devait être fixé, dans cette hypothèse, à la date du « premier acte de publication », comme pour la presse traditionnelle sur un support écrit, et que celle-ci était celle à laquelle le message a été mis pour la première fois à la disposition des utilisateurs du réseau (50). La spécificité du réseau Internet (consultation continue après la première mise en ligne, publication spontanée de messages par des journalistes auto-proclamés, caractère plus ou moins confidentiel de certains sites, etc.) met donc à mal la justification même de la brièveté du délai de prescription, qui doit être allongé dans une mesure compatible avec la garantie nécessaire de la liberté de la presse.

Après avoir rejeté un amendement de suppression de l'article présenté par M. André Vallini, la Commission a adopté un amendement du rapporteur corrigeant une erreur de référence (amendement n° 133).

Puis elle a adopté l'article 16 ainsi modifié.

Après l'article 16

La Commission a été saisie de deux amendements de M. Christian Estrosi alourdissant les peines encourues en cas d'usurpation de signes réservés à l'autorité publique. Son auteur a estimé qu'il était nécessaire d'augmenter les peines prévues, de tels agissements permettant souvent de commettre plus facilement d'autres infractions. Rappelant que l'échelle des peines était actuellement très élevée, le président Pascal Clément s'est opposé à une aggravation supplémentaire des peines encourues, alors même que les condamnations prononcées sont aujourd'hui bien inférieures aux maxima prévus. Après que le rapporteur eut souligné que l'un des amendements conduisait à proposer une peine de dix ans d'emprisonnement au lieu de six mois, la Commission les a rejetés.

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES A L'ACTION PUBLIQUE, AUX ENQUÊTES,
A L'INSTRUCTION, AU JUGEMENT ET A L'APPLICATION DES PEINES

chapitre premier

Dispositions relatives à l'action publique

Section 1

Dispositions générales

Les dispositions regroupées dans la section 1 (articles 17 à 21) tendent à renforcer la cohérence et l'effectivité de la justice pénale, notamment en définissant de façon plus précise les relations entre la Chancellerie et le ministère public.

Article 17

(art. 30 du code de procédure pénale)


Attributions du ministre de la justice en matière de politique pénale

Le présent article consacre dans la loi le rôle du ministre de la justice en matière de politique pénale. A cet effet, il insère, dans le code de procédure pénale, entre les dispositions relatives à la police judiciaire et celles qui portent sur le ministère public, un nouveau chapitre intitulé : « Des attributions du garde des sceaux, ministre de la justice ». Au sein de ce chapitre, l'article 30, devenu sans objet depuis son abrogation en 1993, se voit conférer une rédaction nouvelle, qui indique que : « Le ministre de la justice veille à la cohérence de l'application de la loi pénale sur l'ensemble du territoire de la République ».

Cette mesure, déjà envisagée, sous la précédente législature, dans le cadre du projet de loi relatif à l'action publique en matière pénale (51), doit permettre au garde des sceaux de mieux assurer la cohérence de la politique pénale du Gouvernement, en complétant les outils dont il dispose pour exercer sa mission.

En effet, elle prolonge, tout d'abord, la lettre même de la Constitution, dont l'article 20 prévoit que : « Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation ». Par ailleurs, son article 64 fait du Président de la République le garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire (52), l'article 65 lui confiant la présidence du Conseil supérieur de la magistrature, dont le garde des sceaux assure la vice-présidence.

De plus, en renforçant le rôle du ministre de la justice ainsi que les principes hiérarchiques et d'indivisibilité propres à l'organisation du parquet, qui conditionnent la cohérence des interventions sur l'ensemble du territoire, elle va dans le sens d'une plus grande égalité de traitement des citoyens devant la loi. Cette orientation est d'autant plus nécessaire que les magistrats du ministère public sont appelés à jouer un rôle croissant dans de nombreuses politiques de l'État, au-delà de la politique pénale et de l'action publique, notamment à l'échelon territorial (prévention de la délinquance, de l'insécurité routière, accès à la citoyenneté, lutte contre les violences scolaires, etc.).

On observera, par ailleurs, que l'affirmation du rôle du ministre de la justice est inséparable des instruments dont il dispose, d'ores et déjà, pour remplir sa mission : les instructions et les circulaires.

· Aux termes de l'article 36 du code de procédure pénale, le garde des sceaux peut enjoindre, en effet, au procureur général, « par instructions écrites et versées au dossier de la procédure, d'engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions écrites que le ministre juge opportunes. Les instructions du ministre de la justice sont toujours écrites ». Contrairement à la pratique initiée en 1997 et aux mesures envisagées dans le cadre du projet de loi précité relatif à l'action publique, il n'est pas proposé de revenir sur cette faculté : les instructions tendant à engager des poursuites et les injonctions de requérir sont parfaitement conciliables avec la transparence et la clarté dès lors qu'elles sont, comme le prévoit la loi, écrites et versées au dossier. Elles constituent le prolongement normal des prérogatives du ministre de la justice, garant de la cohérence de l'application de la loi pénale et sous l'autorité duquel sont placés, en application de l'article 5 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, les magistrats du parquet. De fait, l'actuel garde des sceaux a indiqué, dès son entrée en fonction, qu'il ne se priverait pas de cet instrument, au demeurant défendu par le Conseil supérieur de la magistrature dans son rapport d'activité pour l'année 2001, afin d'accompagner, en tant que de besoin, l'action publique (53).

· La cohérence de l'application de la loi pénale s'exerce, également, comme par le passé, par les circulaires d'interprétation diffusées par la Chancellerie. Depuis la mise en place du Gouvernement au printemps 2002, trente circulaires relatives à l'action publique et à la politique pénale en général ont ainsi été adressées aux parquets. Le garde des sceaux a fait connaître, par exemple, les orientations et les axes de sa politique en ce qui concerne le traitement des infractions des « raves parties » (5 décembre 2002), la délinquance des mineurs (13 décembre 2002), le traitement judiciaire des infractions de nature sexuelle commises au préjudice de mineurs par le biais du réseau Internet (30 janvier 2003), les enquêtes relatives à des décès de détenus par suicide ou dans des circonstances inexpliquées (10 février 2003), la réponse à apporter aux actes à caractère raciste, antisémite ou xénophobe (21 mars 2003) et le suivi des mineurs en centre éducatif fermé (24 mars 2003). Douze circulaires dites législatives, destinées à commenter des dispositions adoptées par le Parlement, ont également été diffusées, notamment en octobre et novembre 2002 sur certains articles de la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice.

Enfin, de façon générale, la quête d'une certaine cohérence de la politique pénale au plan interne est indispensable à la recherche d'une plus grande coopération judiciaire au niveau de l'espace européen.

Dans ces conditions, il n'est pas étonnant que le Conseil supérieur de la magistrature ait défendu, dans son rapport d'activité pour l'année 2001, le principe « d'une politique pénale définie dans ses grandes orientations et ses priorités par le ministre de la justice, déclinée et adaptée au niveau régional et local par les parquets généraux et les parquets » (54). Le présent article va dans ce sens, la déclinaison, au plan local, de la politique pénale, étant également renforcée par les dispositions qui figurent aux articles 18 et suivants du projet de loi.

La Commission a rejeté deux amendements de M. André Vallini, l'un tendant à supprimer l'article, l'autre insérant dans le code de procédure pénale une disposition interdisant au garde des Sceaux d'intervenir dans les affaires individuelles.

Puis elle a adopté l'article 17 sans modification.

Article 18

(art. 35 du code de procédure pénale)


Rôle des procureurs généraux en matière de politique pénale

Le présent article, qui prolonge, comme on l'a vu, les dispositions figurant à l'article 17 du projet de loi, renforce le rôle des procureurs généraux en matière de politique pénale. Confirmant la volonté du Gouvernement de resserrer les liens hiérarchiques au sein du parquet, il modifie, à cet effet, l'article 35 du code de procédure pénale.

Actuellement, les attributions des procureurs généraux sont définies au sein de la section II du chapitre II du titre premier du livre premier du code de procédure pénale : ils représentent le ministère public auprès de la cour d'appel et de la cour d'assises instituée au siège de celle-ci (article 34) ; ils reçoivent et mettent en œuvre les instructions écrites du ministre de la justice tendant à engager des poursuites ou à saisir la juridiction compétente de certaines réquisitions (article 36) ; ils ont autorité sur tous les officiers du ministère public du ressort de la cour d'appel (article 37) ; ils surveillent les officiers et agents de la police judiciaire (article 38).

Par ailleurs, les deux premiers alinéas de l'article 35 précité ont pour objet, successivement : de confier au procureur général la charge de veiller à l'application de la loi pénale dans toute l'étendue du ressort de la cour d'appel ; de préciser qu'à cette fin, les procureurs de la République lui adressent tous les mois un état des affaires de leur ressort.

L'article 18 du projet de loi substitue à ces dernières dispositions trois nouveaux alinéas :

-  le premier complète les attributions du procureur général, qui sera chargé de veiller, désormais, non seulement à l'application de la loi pénale dans le ressort de la cour d'appel, mais, également, « au bon fonctionnement des parquets de son ressort » ;

-  le deuxième précise que, à cette fin, le procureur général anime et coordonne l'action des procureurs de la République - dont les attributions sont définies par les articles 39 et suivants du code de procédure pénale - ainsi que la conduite des politiques publiques par les parquets de son ressort ;

-  le troisième porte sur la « remontée de l'information » : au principe d'un état mensuel des affaires du ressort du procureur de la République, il substitue celui d'un rapport annuel sur l'activité et la gestion du parquet ainsi que sur l'application de la loi. Il est précisé, toutefois, que cette obligation s'exerce sans préjudice des rapports particuliers que le procureur de la République établit soit d'initiative, soit sur demande du procureur général.

Ces dispositions, qui confortent une pratique existante plus qu'elles n'innovent, sont complétées, par ailleurs, par les mesures inscrites à l'article 19 du projet de loi, modifiant l'article 37, précité, du code de procédure pénale.

La Commission a adopté l'article 18 sans modification.

Article 19

(art. 37 du code de procédure pénale)


Injonction des procureurs généraux
en matière d'engagement des poursuites

Dans le prolongement des dispositions mises en œuvre par l'article 18 du projet de loi, l'article 19 précise les modalités d'intervention du procureur général, en sa qualité de supérieur hiérarchique des procureurs de la République, dans la gestion des affaires de son ressort. Plus novateur, il complète, à cet effet, l'article 37 du code de procédure pénale.

Actuellement, cet article comporte deux alinéas :

-  le premier énonce que le procureur général a autorité sur tous les officiers du ministère public du ressort de la cour d'appel ;

-  le second précise que, à l'égard de ces magistrats, il a les mêmes prérogatives que celles qui sont reconnues au ministre de la justice à l'article 36 : dénoncer les infractions à la loi pénale dont il a connaissance ; enjoindre d'engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente de réquisitions écrites jugées opportunes.

Il est proposé de compléter ces dispositions par un nouvel alinéa qui dispose que : « Le procureur général peut notamment enjoindre au procureur de la République d'engager des poursuites à la suite d'un recours hiérarchique formé par la victime contre une décision de classement. S'il estime le recours infondé, il en informe le requérant ».

Cette disposition fait partie des mesures mises en œuvre par le projet de loi afin d'aller dans le sens d'une réponse pénale plus systématique et d'une meilleure information des plaignants et des victimes. En effet, l'article 21 prévoit explicitement que : « Lorsque l'auteur des faits est identifié mais que le procureur de la République décide de classer sans suite la procédure, il les avise [plaignants et victimes] de sa décision qui doit être motivée ». Le corollaire de cette information réside, évidemment, dans la possibilité de faire appel de la décision du procureur de la République et, le cas échéant, d'obtenir que des poursuites soient effectivement engagées.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur proposant une nouvelle rédaction du deuxième alinéa afin d'établir clairement que les instructions du procureur général au procureur de la République tendant à engager des poursuites sont écrites et versées au dossier de la procédure (amendement n° 134).

Puis elle a adopté l'article 19 ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 19

(art. 40 du code de procédure pénale)


Information du procureur de la République des juridictions spécialisées

La Commission a adopté un amendement du rapporteur prévoyant l'information du procureur de la République des juridictions spécialisées en matière économique et financière, de criminalité organisée et de terrorisme par le procureur de la République territorialement compétent lorsque les faits dont ce dernier est saisi relèvent de la compétence de ces juridictions (amendement n° 135).

Article 20

(art. 40-3 [nouveau] du code de procédure pénale)


Coordination

Le présent article déplace, dans le code de procédure pénale, les dispositions qui figurent aujourd'hui à l'article 40-1, relatives aux modalités de désignation de l'avocat de la victime d'infraction qui s'est constituée partie civile (55), dans un nouvel article, numéroté 40-3, afin de tenir compte des changements apportés par l'article 21 du projet de loi.

La Commission a adopté l'article 20 sans modification.

Article 21

(art. 40-1 et 40-2 [nouveaux] du code de procédure pénale)


Principe de la réponse judiciaire systématique

Le présent article introduit dans le code de procédure pénale des dispositions qui vont dans le sens d'une réponse judiciaire plus systématique.

On rappellera que, actuellement, l'article 40 du code de procédure pénale dispose que : « Le procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner. Il avise le plaignant du classement de l'affaire ainsi que la victime lorsque celle-ci est identifiée ».

Il est proposé d'insérer, à la suite de cette disposition, deux nouveaux articles dont le contenu est présenté ci-après.

· L'article 40-1 (nouveau) prévoit que, lorsque les faits sont constitués et l'auteur identifié, le procureur de la République territorialement compétent décide s'il est opportun :

-  d'engager des poursuites (information judiciaire, comparution volontaire, citation directe, convocation par procès-verbal, comparution immédiate ou ordonnance pénale) ;

-  de mettre en œuvre une procédure alternative aux poursuites (composition pénale ou rappel à la loi, cette dernière procédure constituant désormais la réponse pénale la plus basse) ;

-  de classer sans suite la procédure « dès lors que les circonstances particulières liées à la commission des faits le justifient », par exemple en raison de l'extrême faiblesse du trouble causé à l'ordre public ou de la situation spécifique dans laquelle se trouve l'auteur des faits.

· L'article 40-2 (nouveau) procède à la reformulation des règles en vigueur sur l'information des victimes. Le procureur de la République sera dorénavant tenu d'aviser les plaignants, les victimes et, le cas échéant, les autorités publiques ayant dénoncé des infractions, des poursuites ou des mesures alternatives aux poursuites qu'il décide ; lorsque l'auteur des faits est identifié, il les avise des décisions de classement sans suite, qui devront désormais être motivées (56).

On observera, à ce stade, que les obligations, beaucoup plus restrictives, de notification et, le cas échéant, de motivation, qui sont d'ores et déjà prévues, en cas de classement d'une affaire, par les deuxième et troisième phrases du premier alinéa de l'article 40 du code de procédure pénale, sont supprimées, par coordination, par l'article 25 du projet de loi.

Ainsi, l'article 21, loin de remettre en question le principe de l'opportunité des poursuites qui est, au contraire, consacré par la loi, tend à réduire la part des classements sans suite et donc à améliorer la réponse pénale, qui résulte d'un ensemble de données qui sont récapitulées dans le tableau présenté ci-après.

Évolution de la réponse pénale de 1998 à 2002 (*) 

1998

1999

2000

2001

2002 P

Ensemble de la réponse pénale

777 211

852 106

878 716

893 373

902 646

Part des procédures alternatives aux poursuites

21,1 %

25,1 %

28,5 %

30,2 %

31,1 %

Part des poursuites

78,9 %

74,9 %

71,5 %

69,6 %

68,3 %

Procédures alternatives aux poursuites

163 799

214 108

250 651

269 996

280 850

Classement sous condition

/

/

/

/

/

Médiation

25 972

30 334

33 991

33 484

/

Médiation-réparation mineurs

3 168

4 296

4 772

4 974

/

Injonction thérapeutique

4 254

4 183

3 606

4 038

/

Plaignant désintéressé, régularisation

33 475

34 971

37 424

38 823

/

Rappel à la loi, avertissement

62 471

95 863

116 694

129 021

/

Autres alternatives

34 459

44 461

54 164

59 656

/

Poursuites

613 412

638 000

628 065

621 866

616 810

Composition pénale

1 511

4 986

Taux de réponse pénale

65,1 %

67,5 %

67,9 %

67,3 %

67,5 %

Classements sans suite

416 841

410 840

413 876

434 475

434 933

Taux de classement sans suite

34,9 %

32,5 %

32,1 %

32,7 %

32,5 %

(*) Le tableau présenté ci-dessus ne prend en compte que les « affaires poursuivables ». Ainsi, en 2001, 3 611 141 « affaires non poursuivables » ont par ailleurs été classées, dont 324 618 pour défaut de caractérisation ou charges insuffisantes et 3 286 523 pour défaut d'élucidation. Le total des affaires traitées était ainsi de 4 938 989.

Source : cadre des parquets

De fait, les classements sans suite sont particulièrement choquants pour les victimes et pour nos concitoyens en général. Le plus souvent, ils reflètent la faiblesse des taux d'élucidation de la police et de la gendarmerie, qui appelle des réponses fortes en termes de renforcement de la capacité d'investigation des forces de sécurité (57). Mais, lorsque les auteurs des faits sont identifiés, il parait effectivement souhaitable d'exiger que seules des circonstances particulières puissent justifier un classement sans suite et de prévoir une information motivée systématique des victimes. On rappellera, par ailleurs, que, dans cette hypothèse, l'article 19 du projet de loi offrira à ces dernières la possibilité d'exercer un recours hiérarchique et, le cas échéant, d'obtenir du procureur général qu'il enjoigne le procureur de la République d'engager des poursuites.

La Commission a rejeté un amendement de M. Georges Fenech proposant une nouvelle rédaction de l'article 40-1 du code de procédure pénale qui tend à rendre plus systématique la mise en œuvre d'une réponse judiciaire.

Elle a adopté l'article 21 sans modification.

Après l'article 21

La Commission a rejeté deux amendements de M. Thierry Mariani, l'un donnant compétence au procureur de la République pour procéder à des actes en matière d'instruction, l'autre assouplissant les dispositions relatives à l'obligation pour les autorités judiciaires et les services de police et de gendarmerie d'empêcher qu'une personne menottée soit photographiée.

Section 2

Dispositions relatives à la composition pénale
et aux autres procédures alternatives aux poursuites

Article 22

(art. 41-1 du code de procédure pénale)


Engagement de poursuites en cas d'échec
d'une mesure alternative aux poursuites

Le présent article complète l'article 41-1 du code de procédure pénale, relatif aux mesures alternatives aux poursuites, par un alinéa qui dispose que, en cas de non exécution de la mesure liée au comportement de l'auteur des faits, le procureur de la République, sauf élément nouveau, met en œuvre une composition pénale ou engage des poursuites.

Cette disposition est la conséquence directe du principe de la réponse judiciaire systématique posé par l'article 21 du projet de loi. Elle favorisera une exécution plus effective des mesures alternatives aux poursuites, dont l'insuffisance explique, en partie au moins, le désintérêt croissant des magistrats pour ce type de solutions.

De fait, si l'état de l'exécution des mesures alternatives n'est pas connu avec précision, il est possible d'avancer une estimation. En 2001, comme on l'a vu, environ 270 000 mesures alternatives ont été mises en œuvre. Toutefois, une partie d'entre elles seulement, qui entraînent une « obligation de faire » (médiation, réparation, régularisation, indemnisation), est susceptible d'échouer : leur nombre s'élève à environ 80 000. D'après les informations recueillies par le rapporteur, le taux d'échec serait aujourd'hui de l'ordre de 20 % pour les classements sous condition et de 45 % en matière de médiation, le nombre total de ces deux procédures s'élevant à 24 000, soit environ 30 % des alternatives « lourdes » et 9 % du total.

S'agissant de la composition pénale, il convient également de se reporter au commentaire, ci-après, de l'article 23 du projet de loi, qui étend et améliore la procédure.

Après avoir rejeté un amendement de suppression d'article de M. André Vallini, la Commission a adopté l'article 22 sans modification.

Article 23

(art. 41-2 et 41-3 du code de procédure pénale)


Amélioration et élargissement de la composition pénale

Le présent article tend à améliorer et à étendre la procédure de composition pénale prévue par les articles 41-2 et 41-3 du code de procédure.

On rappellera que la composition pénale a été créée par la loi n° 99-515 du 23 juin 1999 renforçant l'efficacité de la procédure pénale et modifiée, en dernier lieu, par l'article 36 de la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice. Elle consiste en une ou plusieurs mesures qui sont proposées à une personne majeure reconnaissant avoir commis certains délits, limitativement énumérés, ou infractions contraventionnelles, avant la mise en mouvement de l'action publique. La composition pénale exécutée éteint l'action publique mais donne lieu à une inscription au bulletin n° 1 du casier judiciaire.

· Les paragraphes I et II du présent article modifient les articles 41-2 et 41-3 précités du code de procédure pénale. Par rapport au droit en vigueur sont apportés les changements présentés ci-après.

En premier lieu, la composition pénale est étendue à tous les délits punis de cinq ans d'emprisonnement au plus, ainsi qu'à l'ensemble des contraventions de la cinquième classe. Cette mesure aura pour effet de simplifier l'usage de la procédure et, par ailleurs, de lui ouvrir des contentieux adaptés à la composition mais qui, jusqu'à présent, ne rentraient pas dans son champ, y compris au-delà du droit pénal (droit du travail, de la concurrence, de l'environnement, etc.).

En deuxième lieu, les formules susceptibles d'être proposées seront dorénavant plus nombreuses. En effet, aux cinq mesures prévues par le droit en vigueur (amende de composition, dessaisissement de la chose ayant servi à commettre l'infraction, remise du permis de conduire ou du permis de chasser, accomplissement d'un travail non rémunéré) sont ajoutés, s'agissant des délits :

-  le suivi d'un stage ou d'une formation dans un service ou un organisme sanitaire, social ou professionnel, pour une durée qui ne peut excéder trois mois ;

-  l'interdiction d'utiliser des moyens de paiement (sous réserve de la possibilité de retirer des fonds auprès d'un établissement de crédit) pour une durée maximale de six mois ;

-  l'interdiction de paraître sur les lieux de l'infraction (durée maximale de six mois) ;

-  l'interdiction d'entrer en relation avec les victimes (durée maximale de six mois) ;

-  l'interdiction d'entrer en relation avec les co-auteurs de l'infraction (durée maximale de six mois) ;

-  l'interdiction de quitter le territoire national (durée maximale de six mois).

En matière contraventionnelle, on relève que la durée de la privation du permis de conduire ou du permis de chasser pourra aller jusqu'à trois mois, au lieu de deux actuellement. La même limitation est instaurée en ce qui concerne l'interdiction d'émettre des chèques. Les autres mesures nouvelles qui pourront être proposées dans le cadre d'une composition, et qui ont été présentées ci-dessus, ne sont pas applicables.

En troisième lieu, il est précisé que, si la personne n'accepte pas la composition pénale ou n'exécute pas les mesures ainsi décidées, le parquet devra, sauf élément nouveau, mettre en mouvement l'action publique. Cette précision prend en compte le principe de la réponse judiciaire systématique, posé par l'article 21 du projet de loi et déjà décliné, en ce qui concerne les mesures alternatives, à l'article 41-1 du code de procédure pénale par l'article 22 du projet de loi.

En quatrième lieu, il est précisé que, lorsque la partie civile saisit le tribunal correctionnel aux fins de se prononcer sur les seuls intérêts civils, ledit tribunal statue en formation restreinte, étant alors composé d'un seul magistrat exerçant les pouvoirs conférés au président. Ce principe participe du même esprit que la modification de l'article 464 du code de procédure pénale mise en œuvre par l'article 59 du projet de loi, au commentaire duquel il convient de se reporter.

Enfin, outre les mineurs, sont exclus du champ de la composition pénale les délits de presse, d'homicides involontaires ou politiques. Cette restriction est identique à celle opérée en matière de comparution immédiate par l'article 397-6 du code de procédure pénale ainsi que par l'article 61 du projet de loi pour la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (voir le commentaire de l'article 495-16 [nouveau] du code de procédure pénale).

· Le paragraphe III assure aux personnes réalisant un stage ou un travail d'intérêt général dans le cadre d'une composition pénale une couverture sociale minimale, au même titre que les détenus ou les condamnés exécutant un travail pénal ou d'intérêt général.

Au total, ces nouvelles dispositions sont effectivement de nature à accompagner la montée en puissance de la composition pénale qui, sans prétendre se développer au-delà d'un certain seuil, conserve encore une marge de progression : on rappellera que 1 511 mesures de ce type, seulement, ont été prises en 2001, et 4 986 en 2002 (voir le tableau sur l'évolution de la réponse pénale reproduit dans le cadre du commentaire de l'article 21). Elles participeront, concomitamment, au désengorgement des juridictions et à l'effectivité de la réponse judiciaire, qui fait partie des axes importants du présent projet de loi.

Après avoir rejeté un amendement de M. André Vallini tendant à la suppression de l'article, la Commission a adopté un amendement de précision du rapporteur (amendement n° 136).

Puis elle a rejeté un amendement de M. André Vallini abaissant de cinq à trois ans le seuil de la peine d'emprisonnement encourue permettant le recours à la procédure de composition pénale, ainsi qu'un amendement de M. Thierry Mariani subordonnant la mise en œuvre de cette procédure à l'engagement de l'auteur de l'infraction d'indemniser la victime, le rapporteur ayant précisé que l'obligation de réparation était déjà prévue par le droit en vigueur.

Un débat s'est engagé sur un amendement de M. Christian Estrosi imposant au procureur de la République de requérir l'assentiment de la victime avant la mise en œuvre de la composition pénale lorsque les faits incriminés sont des violences volontaires. Tout en approuvant la volonté de l'auteur de l'amendement de protéger les droits des victimes, M. Gérard Léonard s'est interrogé sur la pertinence du terme d'assentiment. Mme Brigitte Barèges et M. Jean-Pierre Blazy ont souligné la nécessité de permettre aux victimes de faire valoir leurs droits. M. Étienne Blanc s'est demandé sur quoi porterait l'assentiment de la victime, rappelant que cette dernière ne peut intervenir que sur les intérêts civils. M. Jean-Paul Garraud a estimé qu'à ce stade de la procédure, la victime ne pouvait qu'être informée de ses droits. Après que le rapporteur eut approuvé le principe de protection des droits des victimes et proposé que cette question fasse l'objet d'une réflexion plus approfondie d'ici à la réunion que la Commission tiendra au titre de l'article 88 du Règlement, M. Christian Estrosi a retiré son amendement.

La Commission a ensuite rejeté un amendement de M. André Vallini prévoyant que l'intéressé serait informé de son droit d'être assisté d'un avocat lors de l'acceptation de la proposition de composition pénale, avant d'adopter deux amendements du rapporteur, l'un d'ordre rédactionnel, l'autre introduisant l'immobilisation des véhicules dans la liste des mesures susceptibles d'être prononcées dans le cadre d'une composition pénale (amendements nos 137 et 138).

La Commission a ensuite adopté l'article 23 ainsi modifié.

Section 3

Dispositions diverses et de coordination

Article additionnel avant l'article 24

(art. 706-53-1 du code de procédure pénale)


Allongement du délai de prescription des infractions de nature sexuelle commises contre des mineurs

La Commission a été saisie de deux amendements présentés respectivement par M. Pierre Lellouche (n° 3) et par M. Gérard Léonard, tendant à modifier la prescription des infractions de nature sexuelle commises contre les mineurs.

Après avoir rappelé que cette question, évoquée lors de la discussion de la loi relative à la sécurité intérieure, avait été renvoyée au débat sur le projet de loi concernant la criminalité, M. Gérard Léonard a indiqué que les deux amendements avaient le même objet, à savoir allonger le délai de prescription des infractions de nature sexuelle commises contre les mineurs, mais différaient dans leur dispositif puisque M. Pierre Lellouche proposait de les rendre imprescriptibles, alors que son amendement portait la prescription à trente ans pour les crimes et vingt ans pour les délits. Il a souligné que le délai actuel, qui court à compter de la majorité de la victime, était trop court, puisque, dans bien des cas, les enfants victimes d'abus sexuels ne parviennent à dénoncer les faits qu'à l'âge adulte, au moment où ils envisagent l'arrivée d'un enfant.

M. Jean-Paul Garraud s'est interrogé sur l'opportunité de limiter cet allongement de la prescription aux seules infractions sexuelles commises contre les mineurs.

Après avoir rappelé que l'âge moyen de la première maternité se situait aujourd'hui aux alentours de trente ans, soit deux ans après l'expiration du délai de prescription actuel, M. Gérard Léonard a fait valoir que cette modification était justifiée par le caractère spécifique des infractions en cause.

La Commission a rejeté l'amendement n° 3 de M. Pierre Lellouche, avant d'adopter l'amendement de M. Gérard Léonard (amendement n° 139).

Article 24

(art. 2211-2 [nouveau] du code général des collectivités territoriales)


Rappel de certaines dispositions relatives aux échanges d'informations
relatifs à des crimes ou délits entre les maires et les parquets

L'article 24 complète le code général des collectivités territoriales afin de faire mention, dans celui-ci, de certains principes qui figurent dans le code de procédure pénale. Lesdits principes concernent les échanges d'informations relatifs à des crimes ou délits entre les maires et les parquets.

A cet effet, un nouvel article, numéroté 2211-2, est inséré, qui comprend trois alinéas dont le contenu est exposé ci-après :

-  le premier alinéa rappelle l'obligation de signalement au parquet qui pèse actuellement sur les maires, en application du deuxième alinéa de l'article 40 du code de procédure pénale, lorsqu'ils ont connaissance, dans l'exercice de leurs fonctions, d'un crime ou d'un délit ;

-  Le deuxième rappelle que le maire doit être avisé des suites réservées à ses signalements selon les modalités prévues par le nouvel article 40-2 du code de procédure pénale (voir le commentaire de l'article 21 du projet de loi) ;

-  le troisième prévoit que le procureur de la République peut communiquer au maire les éléments d'information sur les procédures relatives à des infractions commises sur le territoire de sa commune qu'il rend publics en application des dispositions du troisième alinéa de l'article 11 du code de procédure pénale.

On rappellera que cette dernière disposition résulte de l'article 96-1 de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 et qu'elle est destinée, notamment, à éviter la propagation d'informations parcellaires ou inexactes, ainsi qu'un éventuel trouble à l'ordre public.

La Commission a été saisie de deux amendements de M. Thierry Mariani tendant à renforcer l'information des maires sur les infractions commises sur le territoire de leur commune. Son auteur a indiqué que l'objet des amendements était notamment d'inviter les maires à afficher à la mairie les infractions les plus graves et les suites judiciaires données à ces infractions, afin de rétablir le principe d'égalité, mis à mal par le traitement trop sélectif des affaires judiciaires par les médias.

M. Jean-Paul Garraud a fait valoir que la question soulevée relevait de la communication, et non pas de la publicité des décisions de justice, qui est assurée par le caractère public des audiences et des jugements. Il a estimé que l'obligation d'information imposée au parquet serait impossible à respecter, en raison du nombre d'infractions commises chaque année. M. Gérard Léonard a rappelé que l'information des maires était déjà assurée dans le cadre des contrats locaux de sécurité et des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance. Mme Brigitte Barèges a insisté sur le fait que l'ensemble des élus locaux souhaitait être mieux informé sur l'état de la délinquance dans leur région. Le président Pascal Clément, approuvé par M. Jean-Paul Garraud, a rappelé que l'article 24 du projet de loi permettrait aux maires d'être avisés de la suite donnée aux infractions qu'ils ont dénoncées et de disposer d'éléments d'information sur les procédures en cours. Il a ajouté, comme M. Gérard Léonard, que ce problème d'information relevait d'une circulaire ministérielle. M. Jean-Pierre Blazy s'est étonné que la majorité refuse aujourd'hui ce qu'elle proposait lorsqu'elle était dans l'opposition.

Tout en rappelant que les choses avaient évolué, puisque les élus locaux disposaient maintenant de statistiques mensuelles, le rapporteur a reconnu que l'information de ceux-ci en matière de délinquance demeurait insuffisante. Il a souhaité que cette question soit évoquée en séance publique, tout en s'opposant au dispositif proposé par M. Thierry Mariani.

La Commission a rejeté les deux amendements de M. Thierry Mariani.

Puis elle a adopté l'article 24 sans modification.

Article 25

(art. 40 du code de procédure pénale)


Coordination

Le présent article met en œuvre deux mesures de coordination qui tirent les conséquences des changements introduits par l'article 21 du projet de loi.

En premier lieu, il modifie l'article 40 du code de procédure pénale, afin de faire référence aux nouvelles modalités en application desquelles le procureur de la République est désormais appelé à apprécier la suite qu'il décide de donner aux plaintes et aux dénonciations qu'il reçoit.

En second lieu, il supprime, dans ce même article 40, les références à l'avis au plaignant du classement d'une affaire et, le cas échéant, à sa motivation, ces obligations étant reprises et élargies dans le nouvel article 40-2 du code de procédure pénale.

La Commission a adopté l'article 25 sans modification.

chapitre II

Dispositions relatives aux enquêtes

Les dispositions du présent chapitre tendent à renforcer l'efficacité des procédures dans le cadre des enquêtes de flagrance ou préliminaires : on trouvera, ci-après, une présentation préalable des principaux éléments constitutifs de ces deux cadres juridiques, qui précèdent l'ouverture d'une instruction.

a) L'enquête de flagrance

· L'enquête de flagrance débute lors de la commission ou de la découverte d'un crime ou d'un délit qui, selon les termes de l'article 53 du code de procédure pénale, « se commet actuellement, ou qui vient de se commettre. Il y a aussi crime ou délit flagrant lorsque, dans un temps très voisin de l'action, la personne soupçonnée est poursuivie par la clameur publique, ou est trouvée en possession d'objets, ou présente des traces ou indices, laissant penser qu'elle a participé au crime ou au délit ». Toutefois, en application de l'article 67, cette procédure ne s'applique qu'aux seuls délits pour lesquels la loi prévoit une peine d'emprisonnement ; a fortiori est-elle exclue pour les contraventions.

· L'officier de police judiciaire (OPJ), avisé du crime ou du délit flagrant, informe immédiatement le procureur de la République, se transporte sans délai sur les lieux et procède à toutes constatations utiles (article 54 du code de procédure pénale).

Dès lors, les OPJ disposent, en application des articles 56 à 59 du code de procédure pénale, de prérogatives étendues. Ils peuvent, en particulier, sans leur assentiment, procéder à des perquisitions au domicile des personnes qui paraissent avoir participé au crime ou au délit ou détenir des pièces ou objets relatifs aux faits donnant lieu à l'enquête (article 56). Toutefois, la présence de la personne au domicile de laquelle la perquisition a lieu est requise ; elle peut aussi désigner un représentant de son choix, faute de quoi l'OPJ choisira deux témoins (article 57). De plus, les perquisitions ne peuvent être commencées, sous réserve d'un certain nombre d'exceptions prévues par la loi, avant 6 heures et après 21 heures (article 59).

S'il y a lieu de procéder à des constatations ou à des examens techniques ou scientifiques qui ne peuvent être différés, l'OPJ peut recourir à toute personne qualifiée (article 60).

Il peut défendre à toute personne de s'éloigner du lieu de l'infraction jusqu'à la clôture de ses opérations (article 61), afin d'éviter la disparition des témoins, voire la fuite des auteurs des faits.

Il peut appeler et entendre toute personne susceptible de fournir des renseignements sur les faits ou sur les objets et documents saisis (article 62).

Il peut, enfin, faire usage des dispositions prévues par les articles 63 et suivants en matière de placement en garde à vue, dont les règles prévalent également dans le cadre des enquêtes préliminaires ou de celles conduites par le juge d'instruction sur commission rogatoire.

· Compte-tenu de l'étendue des prérogatives ainsi reconnues aux enquêteurs, la durée des enquêtes de flagrance a fait l'objet de débats, voire de controverses. Longtemps, cette durée n'a pas été limitée : il était admis qu'elle était nécessairement brève, ce qui correspondait, au demeurant, à la pratique, mais la seule condition de la validité de la procédure était qu'après son engagement, l'enquête ait continué sans interruption (58). Etaient considérés comme marquant une telle interruption le déferrement au parquet de suspects, bien sûr, ou des difficultés particulières pour recueillir dans l'urgence certains éléments de preuve de l'infraction. Finalement, l'article 11 de la loi n° 99-515 du 23 juin 1999 a modifié l'article 53 du code de procédure pénale qui dispose, désormais, que : « L'enquête de flagrance menée à la suite de la constatation d'un crime ou d'un délit flagrant ne peut se poursuivre pendant plus de huit jours ». Au terme de ce délai - sous réserve de la possibilité pour le procureur de la République d'intervenir avant son achèvement pour réorienter les investigations - les enquêteurs doivent poursuivre leurs recherches dans le cadre d'une enquête préliminaire.

b) L'enquête préliminaire

L'enquête préliminaire est l'instrument de droit commun de la police judiciaire. Elle est mise en œuvre par ses agents, soit d'office, soit sur instruction du procureur de la République (article 75), pour la constatation des infractions, quelles qu'elles soient, et la recherche de leurs auteurs.

Sa définition doit essentiellement être recherchée par opposition à l'enquête de flagrance. Toutefois, la frontière entre ces deux cadres juridiques n'est pas totalement étanche, d'autant que les caractéristiques initiales de l'enquête préliminaire, à savoir la souplesse et la non coercition, qui lui viennent de l'enquête « officieuse » dont elle tire son origine, tendent à s'estomper.

· Au cours d'une enquête préliminaire, la police judiciaire accomplit des investigations variées. Le procureur de la République ou, sous son autorité, les OPJ, peuvent recourir à des personnes qualifiées pour procéder à des recherches techniques ou scientifiques (article 77-1).

· Le principe général de non coercition demeure. Alors que dans les domaines de l'enquête de flagrance et de l'information, policiers et magistrats peuvent exercer des contraintes sur les personnes et accomplir sur les choses des actes de disposition, l'enquête préliminaire ne peut se faire qu'avec le concours des intéressés. Il en va ainsi, en application de l'article 76 du code de procédure pénale, pour les perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction, qui requièrent un assentiment exprès et écrit. Ce principe s'accommode, néanmoins, de nombreuses exceptions (59).

· Le législateur a étendu à l'enquête préliminaire le droit à être jugé dans un délai raisonnable reconnu par l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : une durée est désormais fixée par le ministère public pour les investigations qu'il ordonne, et les enquêteurs doivent lui rendre compte de l'état d'avancement des enquêtes d'office qui sont commencées depuis plus de six mois (article 75-1 du code de procédure pénale). La personne qui n'a pas été poursuivie à l'expiration d'un délai de six mois à compter de la fin d'une garde à vue peut interroger le procureur sur les suites données ou susceptibles d'être données à la procédure (article 77-2) (60).

Pour le reste, on relève que les personnes convoquées par un OPJ sont soumises à la même obligation de comparaître dans le cadre d'une enquête préliminaire que dans celui d'une enquête de flagrance. Dans les deux cas, les suspects peuvent être placés en garde à vue (article 77) et des contrôles d'identité (articles 78-1 et suivants) ou des fouilles de véhicules mis en œuvre (articles 78-2-2 à 78-2-4, modifiés ou insérés par les articles 11, 12 et 13 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure).

Pourtant, le cadre juridique actuel des enquêtes de flagrance et préliminaires ne permet plus de lutter de façon efficace contre la délinquance en général, et les réseaux à dimension internationale en particulier. Trop étroit, dépassé en ce qui concerne le recours aux technologies de la télécommunication et de l'informatique, il devait être adapté. Au demeurant, dans le cadre de la loi n° 2002-1094 du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, le Gouvernement s'était engagé à « donner plus d'efficacité aux investigations des officiers de police judiciaire, notamment pendant la phase de flagrant délit et d'enquête préliminaire » (extrait de l'annexe I).

Les mesures nécessaires sont mises en œuvre par les articles 26 et suivants du projet de loi, présentés ci-après. Certaines d'entre elles trouvent un prolongement, au stade de l'instruction, dans le cadre du chapitre III.

Section 1

Dispositions concernant le dépôt de plainte, la durée ou l'objet des enquêtes

Avant l'article 26

La Commission a rejeté un amendement de M. Thierry Mariani portant à quinze jours la durée de l'enquête de flagrance, le rapporteur ayant fait valoir qu'il proposerait un dispositif similaire dans un amendement ultérieur.

Article 26

(art. 15-3, 53 et 74 du code de procédure pénale)


Dispositions relatives au dépôt de plainte, à la durée de l'enquête
de flagrance et à la procédure de recherche des causes de la mort

Le présent article modifie les dispositions du code de procédure pénale relatives au dépôt de plainte et à la durée ou à l'objet des enquêtes.

1. Le dépôt de plainte

Les victimes ont des droits : elles doivent être écoutées, respectées, et peuvent attendre de l'État protection, accompagnement et réparation. Elles sont, évidemment, au cœur de la politique engagée depuis un an par le Gouvernement pour rétablir l'ordre et la sécurité : le présent projet de loi comporte, à cet égard, plusieurs dispositions qui vont dans le sens de leurs préoccupations.

De ce point de vue, le dépôt d'une plainte dans un poste de police ou de gendarmerie est souvent le premier acte qu'elles accomplissent ; ses modalités revêtent, à ce titre, une grande importance.

L'article 114 de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 a déjà inséré, dans le code de procédure pénale, un article 15-3 qui prévoit que : « La police judiciaire est tenue de recevoir les plaintes déposées par les victimes d'infractions à la loi pénale et de les transmettre, le cas échéant, au service ou à l'unité de police judiciaire territorialement compétent ». La circulaire d'application précise que : « Cette disposition fait obligation à la police judiciaire de recevoir les plaintes des victimes d'infractions, y compris lorsque ces plaintes sont déposées dans un service territorialement incompétent, celui-ci étant alors tenu de les transmettre au service compétent. Il s'agit là de l'institution d'une forme de "guichet unique" en matière de dépôt de plainte dont l'objet principal est de simplifier les démarches de victimes, spécialement de celles qui ont été victimes d'infractions courantes, comme par exemple les vols » (61).

Par la suite, le Gouvernement a prévu, toujours par voie de circulaire, que : « Il convient, ainsi que cela est généralement d'ores et déjà pratiqué, qu'à la demande de la victime lui soit remis un récépissé de dépôt de plainte » (62).

Pourtant, les pratiques ne sont pas toujours conformes à la lettre et à l'esprit des dispositions précitées. Afin d'établir sans ambiguïté le droit des victimes à obtenir une copie de leur plainte ainsi que les conditions dans lesquelles elles sont informées des classements sans suite, le paragraphe I du présent article modifie l'article 15-3 précité du code de procédure pénale.

· Il est précisé, en premier lieu, que : « Le dépôt de plainte fait l'objet d'un procès-verbal dont une copie est immédiatement remise à la victime si elle en fait la demande ».

Cette prescription est un progrès, bien que l'on puisse s'interroger sur la nécessité de subordonner la remise d'un document aussi important que le procès-verbal d'un dépôt de plainte à une demande de la victime : celle-ci peut, en effet, ignorer ce droit ou ne pas être en capacité d'en faire usage.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur prévoyant la remise systématique d'une copie du procès-verbal du dépôt de plainte, même lorsque la victime n'en fait pas expressément la demande (amendement n° 140). L'amendement de M. André Vallini ayant un objet similaire a alors été considéré comme satisfait.

· Il est indiqué, en second lieu, que : « Lorsque la plainte est déposée contre une personne dont l'identité n'est pas connue, la victime est avisée qu'elle ne sera informée par le procureur de la République de la suite réservée à sa plainte que dans le cas où l'auteur des faits serait identifié ». Cette précision vient compléter les dispositions inscrites à l'article 40-2 du code de procédure pénale par l'article 21 du projet de loi, relatives à l'information des victimes sur les suites réservées à leurs plaintes lorsque l'auteur des faits est identifié.

2. La durée des enquêtes de flagrance

Le paragraphe II du présent article porte sur la durée des enquêtes de flagrance. Comme on l'a vu, celle-ci n'était pas limitée jusqu'en 1999 : la seule restriction, sous le contrôle du juge, était que l'enquête se poursuive sans interruption (63). Puis l'article 11 de la loi n° 99-515 du 23 juin 1999 (article 53 du code de procédure pénale) a limité cette durée à huit jours.

A cette règle, le présent article apporte deux changements.

· Il est proposé, en premier lieu, de faire figurer dans la loi la règle selon laquelle une enquête de flagrance ne peut se dérouler que « sans discontinuer », ce qui suppose que les enquêteurs accomplissent des actes qui attestent de la poursuite de leurs investigations.

· Surtout, le Gouvernement propose de porter de huit à quinze jours la durée des enquêtes de flagrance pour les crimes ou délits relevant de la délinquance ou de la criminalité organisées, c'est-à-dire les infractions définies par les articles 706-73 ou 706-74 du code de procédure pénale introduits par l'article 1er du projet de loi.

De fait, cette mesure répond à la complexité des investigations rendues nécessaires par ce type d'infractions car, comme on l'a vu, les enquêteurs disposent, dans le cadre d'une enquête de flagrance, de prérogatives élargies, notamment en matière de perquisitions et de saisies documentaires. Elle est un gage d'efficacité et de souplesse.

A ce stade, on peut se demander, néanmoins, s'il est véritablement opportun de consacrer dans la loi une double durée en matière de flagrance : huit jours dans le droit commun, quinze jours en matière de criminalité organisée ? Le rapporteur estime que la simplicité des procédures plaide en faveur d'une durée unique. La généralisation d'une flagrance de quinze jours ne soulève pas de difficulté. En effet, le juge exerce un contrôle étroit sur l'existence d'indices apparents d'un comportement délictueux : la remise en cause de la réalité de la flagrance entraîne la nullité des procédures engagées et, notamment, des perquisitions et saisies effectuées sans l'assentiment des personnes concernées (64). De plus, cet encadrement sera renforcé par l'inscription dans la loi du principe de continuité de l'enquête. Enfin, on rappellera que la procédure se déroule sous le contrôle de l'autorité judiciaire, le procureur de la République conservant la possibilité d'ordonner à tout moment que les investigations se poursuivent en enquête préliminaire ou de requérir l'ouverture d'une information.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur portant dans tous les cas la durée de l'enquête de flagrance à quinze jours (amendement n° 141). Elle a donc rejeté un amendement de M. André Vallini supprimant cet allongement du délai de flagrance.

3. L'enquête pour recherche des causes de la mort

Le paragraphe III du présent article concerne un autre type d'enquête, très spécifique, codifié par l'article 74 du code de procédure pénale, consécutif à la découverte du cadavre d'une personne dont la cause du décès est inconnue.

Dans une telle circonstance, l'officier de police judiciaire avisé doit se rendre immédiatement sur place et procéder aux premières constatations. Débute alors une sorte de procédure préalable, qui précède l'enquête de flagrance ou préliminaire, voire l'ouverture d'une information, et qui est strictement limitée à des démarches immédiates visant à déterminer l'origine de la mort. Si celle-ci apparaît criminelle ou délictueuse, l'enquête proprement dite peut alors débuter.

Il est proposé que ces dispositions soient également applicables en cas de découverte d'une personne grièvement blessée, lorsque la cause des blessures est inconnue ou suspecte.

Cette extension comble une lacune juridique certaine. En effet, il arrive que des personnes soient trouvées inanimées ou grièvement blessées sur la voie publique, par exemple dans le comas ou amnésique : en l'absence de délit avéré, la police n'est pas tenue de rechercher, dans une telle hypothèse, des indices éventuels permettant de savoir ce qui s'est réellement passé. Or, l'absence des premières constatations peut porter préjudice à l'aboutissement des investigations judiciaires ultérieures.

De fait, à la suite d'une affaire récente, plusieurs parlementaires s'étaient prononcés en faveur d'un élargissement des règles actuellement fixées par les trois premiers alinéas de l'article 74 du code de procédure pénale (65).

La Commission a adopté l'article 26 ainsi modifié.

Section 2

Dispositions concernant les perquisitions et les réquisitions

Article 27

(art. 56 du code de procédure pénale)


Présence des témoins durant les perquisitions

Le présent article tend à conforter le cadre juridique des perquisitions et des saisies opérées par les services de police et de gendarmerie dans le cadre des enquêtes de flagrance ou préliminaire. A cet effet, il modifie l'article 56 du code de procédure pénale.

1. Les perquisitions

L'article 56 du code de procédure pénale fixe les règles applicables aux perquisitions et aux saisies.

Comme on l'a vu, il est explicitement précisé que, en cas de crime ou de délit flagrant, l'assentiment exprès de la personne chez qui l'opération a lieu n'est pas requis. Sous réserve de cette disposition particulière, la procédure instituée par l'article 56 prévaut également, par renvoi, pour les autres types d'enquêtes (66).

Les règles ainsi définies concernent, notamment, les personnes habilitées à prendre connaissance des papiers ou documents saisis, le respect du secret professionnel, l'inventaire et le placement sous scellés des objets et documents.

Une réglementation renforcée est prévue, par ailleurs, en ce qui concerne les perquisitions et saisies dans les cabinets d'avocats (article 56-1), les entreprises de presse (article 56-2) et les cabinets médicaux (article 56-3).

L'article 57 dispose que les opérations se déroulent en présence de la personne au domicile de laquelle la perquisition a lieu. En cas d'impossibilité, l'officier de police judiciaire doit l'inviter à désigner un représentant de son choix ; à défaut, il choisit deux témoins requis à cet effet. Un procès-verbal doit être établi.

L'article 59 prévoit que, sauf réclamation faite de l'intérieur de la maison ou exceptions prévues par la loi (proxénétisme, jeux, stupéfiants, etc.), les perquisitions et visites domiciliaires ne peuvent être commencées avant 6 heures et après 21 heures (67).

2. La mesure proposée

Le régime actuel des perquisitions et des saisies est protecteur : il tend à concilier les nécessités d'une enquête et le principe constitutionnel de l'inviolabilité du domicile (68).

Pourtant, cette conciliation n'a d'intérêt que si l'opération ainsi engagée, et donc l'atteinte portée à l'inviolabilité du domicile, peut être mise en œuvre dans des conditions qui assurent effectivement l'efficacité des investigations nécessaires à la recherche des auteurs d'infractions. De ce point de vue, la possibilité de s'assurer de la présence, sur place, des témoins, apparaît comme une condition essentielle.

Il est donc proposé, dans le respect des équilibres précités, de prévoir que : « Si elles sont susceptibles de fournir des renseignements sur les objets et documents saisis, les personnes présentes lors de la perquisition peuvent être retenues sur place par l'officier de police judiciaire le temps strictement nécessaire à l'accomplissement de ces opérations ».

On observera que cette règle ne fait que transposer au stade des perquisitions la mesure déjà prévue par l'article 61 du code de procédure pénale, qui dispose que : « L'officier de police judiciaire peut défendre à toute personne de s'éloigner du lieu de l'infraction jusqu'à la clôture de ses opérations ».

Après avoir rejeté un amendement de M. Thierry Mariani relatif au temps de rétention des personnes présentes lors d'une perquisition, la Commission a adopté un amendement du rapporteur confortant l'application à l'enquête préliminaire et à l'instruction des dispositions prévues par l'article 27 du projet de loi (amendement n° 142).

Puis elle a adopté l'article 27 ainsi modifié.

Après l'article 27

La Commission a rejeté deux amendements de M. Thierry Mariani, l'un d'ordre rédactionnel, l'autre supprimant la compétence exclusive du magistrat et du bâtonnier pour prendre connaissance des documents découverts lors de perquisitions effectuées dans les cabinets d'avocats.

Article 28

(art. 60-2 et 77-1-2 [nouveaux] du code de procédure pénale)


Extension des réquisitions judiciaires

Le présent article consacre et précise le droit des enquêteurs de délivrer des réquisitions judiciaires, tant au cours de l'enquête de flagrance que de l'enquête préliminaire.

On rappellera, en préalable, que la question des réquisitions a déjà été abordée, récemment, au cours des débats relatifs à la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure : son article 18 a inséré, dans le code de procédure pénale, trois articles numérotés 60-1 (flagrance), 77-1-1 (préliminaire) et 151-1-1 (commission rogatoire), qui permettent aux officiers de police judiciaire, sous réserve d'un certain nombre d'exclusions (organismes à caractère politique, églises, informations protégées par un secret prévu par la loi), de mettre en œuvre, y compris par voie télématique ou informatique, des réquisitions ciblées sur les informations contenues dans des systèmes informatiques et de prendre toutes dispositions utiles pour la préservation de ces données.

La force de ce dispositif de « réquisition informatique » réside, bien sûr, dans son mode de transmission, en temps réel, ainsi que dans la nature des informations recherchées par les officiers de police judiciaire : ces caractéristiques justifiaient les exclusions précitées, conformes à la lettre et à l'esprit de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Il s'articule avec une possibilité de procéder à des perquisitions dans les systèmes informatiques, reconnue par l'article 17 de la loi du 18 mars 2003.

Il restait, pourtant, à reconnaître aux enquêteurs un pouvoir de réquisition de portée générale, au-delà des spécificités liées aux systèmes informatiques. On peut s'interroger, d'ailleurs, sur la chronologie de la présentation au Parlement de ces différents dispositifs, voire sur leur place dans le code de procédure pénale : le cadre général des réquisitions n'aurait-il pas dû être institué avant que ne soient consacrées des prérogatives propres aux systèmes informatiques ? Quoi qu'il en soit, le présent article met fin à ce paradoxe et parachève le dispositif.

· Le paragraphe I insère, dans le code de procédure pénale, un article 60-2 qui dote les officiers de police judiciaire, dans le cadre de la flagrance, d'un pouvoir de réquisition vis-à-vis de toute personne, tout établissement ou organisme privé ou public ou toute administration publique détenant des « documents » ou des « informations », de tous ordres, intéressant l'enquête.

Le secret professionnel ne peut être opposé aux enquêteurs.

Le fait de s'abstenir de répondre sans motif légitime à cette réquisition sera puni d'une amende de 3 750 euros, les personnes morales étant pénalement responsables dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal.

Au-delà de ces mesures de portée générale devait être envisagée la situation de certaines professions, soumises, pour des raisons évidentes, à des règles plus protectrices : tel est le cas, en particulier, des cabinets d'avocats, des entreprises de presse et des cabinets médicaux, qui bénéficient, comme on l'a vu dans le cadre du commentaire de l'article 27 du projet de loi, d'une réglementation renforcée. C'est la raison pour laquelle il est précisé que la sanction prévue en cas de refus de répondre à une réquisition ne s'applique pas dans les cas où les documents réclamés ne pourraient être saisis que dans les formes prévues par les articles 56-1 à 56-3 du code de procédure pénale. Malgré les ambiguïtés rédactionnelles de cette disposition, l'intention du Gouvernement est bien qu'une réquisition puisse être adressée à toute personne, mais que les représentants des professions précitées puissent s'abstenir de répondre lorsqu'ils le jugent nécessaire ; si les enquêteurs estiment que la recherche des documents visés justifie une perquisition, celle-ci ne pourra être mise en œuvre que dans le respect des règles qui leur sont applicables.

La Commission a rejeté un amendement de M. Rudy Salles excluant les avocats, les journalistes et les médecins du champ d'application des réquisitions des officiers de police judiciaire, avant d'adopter deux amendements du rapporteur établissant plus clairement la faculté qui leur est reconnue de s'abstenir de répondre à une éventuelle réquisition et précisant que les personnes visées par une réquisition devront y répondre dans les meilleurs délais (amendements nos 143 et 144).

La Commission a ensuite été saisie d'un amendement de M. Thierry Mariani fixant un délai de quinze jours pour répondre aux réquisitions. Le rapporteur, soutenu par M. Alain Marsaud, a observé que ce délai, relativement long, risquait d'inciter les intéressés à différer leur réponse. Il a donc proposé de rectifier, en vue de la prochaine réunion de la Commission, son précédent amendement, lequel précise que la réponse doit intervenir dans les meilleurs délais, pour y ajouter le délai maximum de quinze jours. M. Thierry Mariani a alors retiré son amendement.

La Commission a ensuite rejeté deux amendements de M. Rudy Salles excluant les professions protégées des dispositions sur les réquisitions.

· Le paragraphe II prévoit des dispositions identiques en ce qui concerne les enquêtes préliminaires, en insérant un article 77-1-2 dans le code de procédure pénale : les réquisitions sont alors mises en œuvre par le procureur de la République ou, sur autorisation de celui-ci, par un officier de police judiciaire.

On signalera, par ailleurs, que l'article 49 du projet de loi ouvre également cette faculté de réquisition aux officiers de police judiciaire pour les nécessités de l'exécution d'une commission rogatoire, sur autorisation du juge d'instruction.

La Commission a adopté l'article 28 ainsi modifié.

Section 3

Dispositions relatives aux personnes convoquées, recherchées
ou gardées à vue au cours de l'enquête

Avant l'article 29

La Commission a rejeté deux amendements de M. Thierry Mariani précisant que le procureur de la République est informé d'une mesure de garde à vue « dans les meilleurs délais » et non plus « immédiatement », le rapporteur ayant fait valoir qu'il proposerait un dispositif similaire ultérieurement, et rendant facultative l'information de la personne placée en garde à vue sur la nature de l'infraction en cause.

Elle a également rejeté un amendement du même auteur disposant que la communication des droits peut être effectuée à l'aide de formulaires, après que le rapporteur eut indiqué qu'il n'était pas hostile au principe posé par l'amendement, mais que sa rédaction nécessitait d'être revue, ainsi qu'un amendement de M. Christian Estrosi ayant le même objet.

Elle a rejeté trois autres amendements de M. Thierry Mariani : le premier relatif à l'information du procureur de la République dans le cadre d'une garde à vue ; le deuxième portant à dix-huit mois le délai à l'issue duquel une personne gardée à vue, dans le cadre d'une enquête de criminalité organisée, pourra interroger le procureur de la République sur les suites données à la procédure ; le troisième autorisant la rétention de témoins lorsque ceux-ci n'offrent pas de garantie de représentation.

Articles additionnels avant l'article 29

(art. 75-2 du code de procédure pénale)


Information du procureur de la République
dans le cadre d'une enquête préliminaire

La Commission a adopté un amendement de M. Thierry Mariani prévoyant l'information du procureur de la République dans les « meilleurs délais », et non immédiatement, lorsqu'un officier de police judiciaire identifie, dans le cadre d'une enquête préliminaire, une personne à l'encontre de laquelle il existe des indices laissant présumer qu'elle a commis une infraction (amendement n° 145).

(art. 77-3 du code de procédure pénale)

Demande d'information d'une personne gardée à vue
sur les suites données à la procédure

La Commission a adopté un amendement de M. Thierry Mariani prévoyant que la demande d'information formulée par une personne gardée à vue sur les suites données à la procédure est transmise dans les meilleurs délais, et non pas sans délai, au procureur de la République compétent (amendement n° 146).

Article 29

(art. 62, 63-4 et 78 du code de procédure pénale)


Comparution des personnes convoquées et intervention de l'avocat
dans le cadre de la garde à vue

Le présent article met en œuvre plusieurs mesures qui tendent à renforcer les possibilités de comparution par la force des personnes convoquées par un officier de police judiciaire pour les nécessités d'une enquête de flagrance ou préliminaire et à rendre plus cohérentes les dispositions qui régissent l'intervention des avocats dans le cadre des gardes à vue.

1. La comparution par la force publique

Les modalités de recours à la force publique sont simplifiées pour la comparution des personnes présentes sur les lieux d'une infraction ou citées à comparaître.

· En premier lieu, le paragraphe I modifie l'article 62 du code de procédure pénale afin d'autoriser les officiers de police judiciaire à contraindre par la force le témoin d'un crime ou d'un délit flagrant à comparaître dans leurs locaux pour être auditionné. Cette disposition est destinée à mettre fin, de ce point de vue, à l'incohérence du droit en vigueur.

En effet, l'article 61 du code de procédure pénale permet déjà aux officiers de police judiciaire de défendre aux témoins d'un crime ou d'un délit de s'éloigner du lieu où les faits ont été commis. Par ailleurs, le dernier alinéa de l'article 62 les autorise, dans le cadre de la flagrance, à retenir les témoins « le temps nécessaire à leur audition », cette possibilité étant également prévue en enquête préliminaire (article 78) ainsi que dans le cadre d'une instruction (premier alinéa de l'article 153) (69).

Cependant, le fait de pouvoir retenir un témoin ne signifie pas qu'il soit également possible de le contraindre à suivre les enquêteurs jusqu'au lieu de son audition, comme le rappelle la circulaire CRIM 00-13 F1 du 4 décembre 2000.

Certes, en application du deuxième alinéa de l'article 62 (ou de l'article 78 dans le cadre des enquêtes préliminaires), le témoin qui refuse de comparaître peut y être contraint par la force publique sur instruction du procureur de la République préalablement avisé de ce refus. Mais cette disposition n'est guère adaptée à des situations d'urgence, même si les instructions du procureur peuvent être sollicitées par tout moyen, y compris par téléphone.

La mesure proposée vise à mettre fin à cette situation, inconfortable sur le plan pratique et véritablement préjudiciable à l'efficacité des enquêtes depuis que l'article 5 de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 a réduit le champ de la garde à vue aux personnes à l'encontre desquelles il existe des raisons de soupçonner qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction (article 63 du code de procédure pénale).

Il est donc proposé de prévoir, à l'article 62 du code de procédure pénale, que l'opj peut, d'autorité, contraindre à comparaître par la force publique une personne visée à l'article 61, c'est-à-dire présente sur les lieux d'une infraction.

· Concomitamment, les paragraphes I et III précisent les possibilités de comparution forcée sur autorisation préalable du procureur de la République, dans le cadre des enquêtes de flagrance et préliminaires.

Actuellement, comme on l'a vu, les articles 62 et 78 du code de procédure pénale prévoient que les personnes convoquées par un opj sont tenues de comparaître et que, si elles ne satisfont pas à cette obligation, avis en est donné au procureur de la République qui peut les y contraindre par la force publique.

L'inconvénient de ce dispositif réside dans le fait que l'autorisation du procureur est subordonnée à une convocation préalable de la personne dont l'audition est souhaitée, et à un refus de celle-ci de comparaître : un tel mécanisme peut favoriser la fuite de certains individus.

Il est donc proposé de compléter la procédure en vigueur en permettant au procureur de la République de délivrer préalablement une autorisation d'user de la force publique pour obliger une personne à comparaître, dès lors qu'il existe un risque qu'elle refuse d'y satisfaire.

2. L'intervention de l'avocat dans le cadre de la garde à vue

Le paragraphe II du présent article concerne les modalités d'intervention des avocats dans le cadre de la garde à vue.

Actuellement, dans le régime de droit commun, l'avocat peut intervenir, en application de l'article 63-4 du code de procédure pénale, dès le début de la garde à vue, puis à l'issue de la vingtième heure (premier alinéa). Lorsque la garde à vue fait l'objet d'une prolongation au-delà du délai normal de vingt-quatre heures, la personne peut demander de nouveau à s'entretenir avec un avocat à l'issue de la douzième heure de cette prolongation (sixième alinéa).

Ce régime manque de cohérence. En effet, dans le cadre d'une simple garde à vue, le droit des personnes de s'entretenir avec un avocat à la vingtième heure n'est guère opérant : de nombreuses mesures prennent fin avant cette échéance dès lors que les quatre dernières heures de détention sont en partie obérées par l'intervention du conseil. A contrario, en cas de prolongation de la mesure, le gardé à vue ne peut s'entretenir avec son avocat que douze heures après que la décision lui ait été notifiée ; en toute hypothèse, les gardes à vue prolongées cessent souvent à la trente-sixième heure.

C'est la raison pour laquelle il est proposé, sans revenir sur le principe d'une intervention de l'avocat dès le début de la garde à vue, de reporter sa seconde visite au début de la prolongation éventuelle de celle-ci, c'est-à-dire à la vingt-quatrième heure. Corrélativement, les interventions prévues à la vingtième puis à la trente-sixième heure perdent toute signification et sont donc supprimées.

Ces dispositions n'affectent pas les droits des personnes gardées à vue. Au contraire, on relève que le Gouvernement a récemment engagé « une politique de modernisation des pratiques professionnelles et des moyens consacrés à la garde à vue, conforme à l'évolution du droit, afin de garantir la dignité des personnes placées en garde à vue » (70).

Cela étant, les nouvelles dispositions introduites, dans le chapitre Ier du titre Ier du projet de loi, en matière de délinquance et de criminalité organisées (71), imposent de repenser, de façon plus générale, le régime de la garde à vue, ne serait-ce que pour s'assurer de l'articulation des différents cadres juridiques ainsi institués. Dans le même temps, il convient de s'interroger sur certaines diligences qui pèsent sur les enquêteurs dans le cadre de la garde à vue, notamment en ce qui concerne l'avis au parquet et le recours à l'avocat.

La Commission a rejeté un amendement de M. André Vallini excluant le recours à la force publique à l'encontre des personnes susceptibles de ne pas répondre à la convocation de l'officier de police judiciaire, avant d'adopter un amendement du rapporteur supprimant les dispositions sur la garde à vue, reprises dans un article distinct (amendement n° 147).

Elle a ensuite rejeté un amendement de M. André Vallini maintenant l'intervention de l'avocat à la vingtième et à la trente-sixième heure de la garde à vue, ainsi qu'un amendement de M. Thierry Mariani précisant que l'entretien avec l'avocat n'est possible qu'à l'issue des opérations en cours lorsque celles-ci ont lieu en dehors des locaux de garde à vue.

La Commission a ensuite adopté l'article 29 ainsi modifié.

Après l'article 29

La Commission a été saisie d'un amendement de M. Xavier de Roux prévoyant que les actes de la procédure sont nuls lorsqu'il a été gravement porté atteinte à la dignité de la personne dans le cadre de la garde à vue. M. Alain Marsaud a expliqué que cet amendement avait pour objet d'appeler l'attention sur les dérapages qui peuvent se produire lors de la garde à vue. Le président Pascal Clément a observé que cet amendement, aux conséquences excessives, exprimait le souhait d'un changement de comportements sur lesquels la loi avait peu de prise. Après que le rapporteur eut exprimé à son tour le souhait que les conditions matérielles de la garde à vue soient améliorées et rappelé que le ministre de l'intérieur venait de diffuser, le 11 mars dernier, une circulaire en ce sens, il a souligné qu'il lui semblait inopportun d'introduire une nouvelle cause de nullité des procédures. Suivant l'avis de son rapporteur, la Commission a rejeté cet amendement.

Elle a également rejeté deux amendements de M. Christian Estrosi prévoyant que, pour toutes les infractions relevant de la criminalité organisée au sens du projet de loi, ainsi que pour les infractions d'extorsion de fonds aggravée ou de destruction d'un bien commise en bande organisée, la prolongation exceptionnelle de la durée de la garde à vue est de 48 heures, à l'instar du régime applicable aux infractions terroristes, et non de deux fois 24 heures comme le prévoit le projet de loi, et l'entretien avec un avocat intervient à l'issue de la 72e heure de la garde à vue.

Elle a rejeté deux amendements de M. Rudy Salles, satisfaits par un amendement du rapporteur précédemment adopté, concernant le régime juridique de la rétention de la personne dont la garde à vue vient à expirer et qui doit être présentée devant un magistrat.

Articles additionnels après l'article 29

(art. 77 du code de procédure pénale)


Information du procureur de la République
lors du placement en garde à vue

La Commission a adopté un amendement du rapporteur prévoyant que le procureur de la République est informé du placement en garde à vue d'une personne « dans les meilleurs délais », sauf en cas de circonstances insurmontables, et non « dès le début » de cette mesure comme le prévoit le droit en vigueur issu de la loi du 15 juin 2000 (amendement n° 148).


(art. 63 et 77 du code de procédure pénale)


Légalisation de la rétention de la personne dont la garde à vue
est achevée mais qui doit être présentée à un magistrat

La Commission a été saisie d'un amendement du rapporteur prévoyant que la personne dont la garde à vue est achevée et qui doit être présentée devant un magistrat, peut être retenue à cette fin pendant une période supplémentaire de 20 heures.

Après que son auteur ait expliqué que cet amendement comblait un vide juridique dans notre droit puisque les personnes retenues au-delà de la période de la garde à vue le sont sans titre juridique spécifique, la Commission a adopté cet amendement (amendement n° 149).


(art. 63-1 du code de procédure pénale)


Notification des droits à la personne gardée à vue

La Commission a adopté un amendement du rapporteur prévoyant que la notification à la personne gardée à vue du droit de s'entretenir avec un avocat doit intervenir « dans les meilleurs délais » et non « dès le début » de la garde à vue comme le prévoit le droit en vigueur (amendement n° 150).


(art. 63-4 du code de procédure pénale)


Modalités d'intervention de l'avocat dans le cadre de la garde à vue

La Commission a adopté un amendement du rapporteur reprenant les dispositions relatives à la garde à vue qui figuraient précédemment à l'article 29 et, par coordination avec son vote à l'article premier, simplifiant le nombre des régimes applicables et les modalités d'intervention de l'avocat pour les infractions relevant de la criminalité organisée (amendement n° 151).

Article 30

(art. 70 et 77-4 du code de procédure pénale)


Mise en place du mandat de recherche

Le présent article propose de renforcer l'efficacité de la recherche des personnes suspectées d'avoir commis une infraction en substituant, dans le cadre des enquêtes de flagrance ou préliminaire, au « mandat d'amener », décerné par le procureur de la République, un « mandat de recherche » fondé sur une nouvelle procédure.

De fait, la recherche des personnes suspectées et des malfaiteurs en fuite, de façon générale, est une priorité. Elle conditionne l'autorité des agents de l'État et l'efficacité du dispositif de lutte contre la délinquance.

Au demeurant, cette question a déjà été abordée dans le cadre de la loi n° 2002-1094 du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure : « De trop nombreux délinquants sont recherchés sans succès dans le cadre d'une enquête, d'une instruction ou pour exécuter une peine. Il paraît évident que la crédibilité de notre système répressif dépend notamment de notre capacité à faire exécuter ses décisions » (extrait de l'annexe I). C'est pourquoi il a été décidé de confier à un office central la mission de rechercher activement les criminels et délinquants en fuite : le décret officialisant la mise en place de cette nouvelle structure devrait être publié prochainement. Ce choix est évidemment pertinent, la centralisation des recherches étant essentielle en la matière.

On relève, également, que l'article 23 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure a prévu l'inscription obligatoire au fichier des personnes recherchées des individus interdits de séjour, ayant fait l'objet d'une peine d'interdiction de pénétrer dans une enceinte sportive ou sous le coup d'un contrôle judiciaire.

Au-delà, il importait de mettre en place les instruments juridiques nécessaires à la recherche des suspects et des personnes condamnées en fuite, en amont comme en aval de la décision de jugement. Or, il est apparu que le mandat d'amener, prévu par l'article 70 du code de procédure pénale, était incomplet et peu contraignant.

· En conséquence, dans le cadre de la flagrance, le paragraphe I du présent article substitue aux dispositions précitées un nouveau régime : celui du mandat de recherche, dont l'économie est présentée ci-après.

-  Le mandat de recherche peut être délivré par le procureur de la République à l'encontre de toute personne soupçonnée d'avoir commis ou tenté de commettre un crime ou un délit flagrant puni d'au moins trois ans d'emprisonnement.

-  Les dispositions de l'article 134 sont applicables : ainsi, l'exécution d'un mandat n'autorise pas à s'introduire dans le domicile d'un citoyen avant 6 heures ni après 21 heures.

-  La personne découverte en vertu du mandat est placée en garde à vue par l'OPJ du lieu de la découverte, qui peut procéder à son audition sans préjudice des dispositions relatives à la compétence du procureur de la République (article 43 du code de procédure pénale) et de la possibilité pour les enquêteurs déjà saisis de se rendre sur place pour y procéder eux-mêmes, le cas échéant après avoir bénéficié d'une extension de compétence (article 18 du code de procédure pénale). Le procureur de la République du lieu où la personne a été découverte, ainsi que celui ayant délivré le mandat de recherche, sont avisés du placement en garde à vue, « dès le début de la mesure » pour le premier, « dans les meilleurs délais » pour le second ; ce dernier peut ordonner que la personne gardée à vue soit conduite dans les locaux du service d'enquête saisi des faits. Ces dispositions sont les plus novatrices par rapport au régime actuel du mandat d'amener.

-  Si la personne recherchée n'est pas appréhendée, le procureur de la République peut ouvrir une information contre personne non dénommée : le mandat de recherche reste alors valable pour le déroulement de l'information, sauf s'il est rapporté par le juge d'instruction.

· Le paragraphe II étend ce dispositif à l'enquête préliminaire, sous réserve des adaptations nécessaires : dans cette hypothèse, en application du nouvel article 77-4 inséré dans le code de procédure pénale, le mandat de recherche sera décerné par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance, à la requête du procureur de la République.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant l'intervention du juge des libertés et de la détention en matière de délivrance d'un mandat de recherche au cours de l'enquête préliminaire (amendement n° 152).

Ces dispositions s'articulent avec celles de l'article 31 du projet de loi, qui renforcent les pouvoirs des enquêteurs pour la recherche des personnes faisant l'objet d'un mandat d'arrêt après la clôture de l'information.

La Commission a adopté l'article 30 ainsi modifié.

Après l'article 30

La Commission a rejeté deux amendements de M. Thierry Mariani, le premier tendant à exclure les infractions relevant de la criminalité organisée du champ d'application de l'article 77-2 du code de procédure pénale, relatif à l'interrogation du procureur de la République par la personne gardée à vue 6 mois auparavant, le second prévoyant que le procureur de la République peut ne pas répondre à la demande de la personne dès lorsque les informations communiquées risquent d'entraver le bon déroulement de l'enquête.

Article 31

(art. 74-2 du code de procédure pénale)


Recherche des personnes en fuite

Le présent article tend à mettre en place un cadre d'enquête permettant de rechercher activement une personne faisant l'objet d'un mandat d'arrêt après la clôture de l'information. De ce point de vue, il participe de la recherche des personnes suspectées et des malfaiteurs en fuite : ces nouvelles dispositions s'articulent donc avec celles de l'article 30, bien que leur mise en œuvre soit appelée à intervenir plus en aval de la procédure.

Les mesures proposées sont destinées à appuyer l'action du futur office central de recherche des criminels et délinquants en fuite, déjà évoqué, ainsi que l'élargissement récent du fichier des personnes recherchées.

A cet effet, il est inséré dans le code de procédure pénale un nouvel article numéroté 74-2, dont le contenu est présenté ci-après.

· Dans le prolongement des dispositions prévues par l'article 66 de la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice (article 74-1 du code de procédure pénale) pour la recherche des mineurs ou des majeurs protégés disparus, il est proposé que les officiers de police judiciaire, assistés, le cas échéant, des agents de police judiciaire, puissent, sur instructions du procureur de la République, procéder aux actes prévus par les articles 56 à 62 (auditions, perquisitions et saisies, constatations ou examens techniques ou scientifiques, etc.) afin de rechercher et découvrir une personne en fuite, faisant l'objet d'un mandat d'arrêt ou ayant été condamnée à une peine privative de liberté sans sursis, exécutoire ou passée en force de chose jugée, supérieure ou égale à un an.

· Sur autorisation et sous le contrôle du juge des libertés et de la détention délivrée à la requête du procureur de la République, il sera également possible de procéder à des « interceptions de correspondances émises par la voie des télécommunications », selon les modalités prévues par les articles 100 et suivants du code de procédure pénale.

On rappellera que les articles précités du code de procédure pénale définissent quelles sont les personnes qui peuvent faire l'objet d'écoutes téléphoniques, les conditions d'établissement des procès-verbaux et la communication ou la destruction des enregistrements : la Cour européenne des droits de l'homme a estimé que ces règles, dont elle avait regretté l'absence dans un premier temps (72), étaient « claires et détaillées » et qu'elles répondaient donc aux exigences de l'article 8 de la Convention (73).

Encore faut-il, naturellement, que l'ingérence soit nécessaire pour atteindre les objectifs que sont la recherche de la vérité et la défense de l'ordre dans une société démocratique, condition évidemment remplie dans le cadre des procédures qui constituent l'objet du présent article.

En l'occurrence, les interceptions seront autorisées pour une durée maximale de deux mois, renouvelable dans les mêmes conditions de forme et de durée.

La Commission a été saisie d'un amendement du président Pascal Clément limitant à un mois renouvelable une fois la durée des écoutes téléphoniques que le procureur de la République peut ordonner dans le cadre d'une enquête tendant à la recherche d'une personne en fuite. Après que son auteur eut expliqué qu'il s'agissait de renforcer l'encadrement juridique des écoutes pour éviter tout usage abusif de celles-ci, la Commission a adopté cet amendement (amendement n° 153).

On observera, à cet égard, que les possibilités d'interception de correspondances par la voie des télécommunications sont également élargies par les nouvelles dispositions prévues en matière de lutte contre la délinquance et la criminalité organisées (section 5 du chapitre II du titre XXV insérée dans le code de procédure pénale par l'article 1er du projet de loi), déjà commentées par le rapporteur.

Après avoir rejeté un amendement de suppression de cet article présenté par M. André Vallini, la Commission a adopté un amendement de M. Thierry Mariani prévoyant que le juge des libertés et de la détention est informé « dans les meilleurs délais » et non « sans délai » des opérations menées par les officiers de police judiciaire et, plus particulièrement, des perquisitions conduites afin de découvrir une personne en fuite (amendement n° 154).

Elle a adopté l'article 31 ainsi modifié.

Après l'article 31

La Commission a rejeté un amendement de M. Christian Estrosi tendant à supprimer l'article 75-1 du code de procédure pénale qui dispose que le procureur de la République doit fixer le délai d'achèvement de l'enquête préliminaire dont il confie la conduite aux officiers de police judiciaire.

3ème partie du rapport

N° 0856 - Rapport sur le projet de loi adaptation de la justice aux évolution de la criminalité (M. Jean-Luc Warsmann) (tome I)

1 () Source : rapport Sénat n° 345, « L'évolution des métiers de la justice », établi par M. Christian Cointat au nom de la commission des Lois, 3 juillet 2002, pp. 243-244.

2 () Cf. examen de l'article 8.

3 () Cf. à cet égard l'article additionnel après l'article 19 introduit par un amendement de la Commission.

4 () Pour le commentaire de cette disposition, cf. commentaire sous l'article 706-76 nouveau créé à l'article 1er.

5 () Rapport Sénat n° 345, « L'évolution des métiers de la justice », établi par M. Christian Cointat au nom de la commission des Lois, 3 juillet 2002, p. 242.

6 () Rapport Sénat n° 42 (1999-2000) de M. José Balarello fait au nom de la commission des Lois, 3 novembre 1999.

7 () François Gosselin, « Action pénale et santé publique », Gazette du Palais, 8-9 mars 2002.

8 () Réponse du ministre de la Justice à une question écrite, JO Sénat du 28 mars 2002, p. 934.

9 () Décret n° 2002-599 du 22 avril 2002 fixant la liste et le ressort des tribunaux spécialisés en matière sanitaire.

10 () François Gosselin, op. cit.

11 () Ibid.

12 () Ibid.

13 () Discours du Président de la République aux assises de l'environnement à Nantes, 29 janvier 2003.

14 () Source : « Les pavillons de complaisance tiennent la mer », La Croix, 7 février 2003.

15 () Loi n° 2001-380 du 3 mai 2001 relative à la répression des rejets polluants des navires.

16 () Les infractions commises en haute mer sont réprimées selon le droit de l'État du pavillon... c'est-à-dire impunies lorsqu'il s'agit d'un pavillon de complaisance.

17 () Outre-mer, il existe un tribunal à Fort-de-France, dont la compétence territoriale s'étend aux ressorts des cours d'appel de Fort-de-France et de Basse-Terre, un à Saint-Denis de la Réunion et un à Saint-Pierre-et-Miquelon.

18 () Compétence territoriale s'étendant aux ressorts des cours d'appel de Douai, Amiens, Rouen et Caen.

19 () Compétence territoriale s'étendant aux ressorts des cours d'appel de Rennes, Poitiers, Bordeaux et Pau.

20 () Compétence territoriale s'étendant aux ressorts des cours d'appel d'Aix-en-Provence, Nîmes, Montpellier et Bastia.

21 () Selon Christian Buchet, « Sur les 40 000 grosses unités sillonnant les mers, plus du tiers sont en deçà des normes ; 5 000 sont des "navires poubelles" ». In « Un cri pour les mers », Le Monde, 23 novembre 2002.

22 () D'après Christian Buchet, la pollution des mers par naufrage, même si elle est sans doute la plus visible, représente dix fois moins que les dégazages sauvages (150 000 tonnes annuelles contre 1,5 million de tonnes annuelles).

23 () Cf. amendement n° 117 à l'article 706-103.

24 () Compétence de droit commun en vertu des articles 43, 52, 382, 663 (deuxième alinéa) et 706-42 du code de procédure pénale, compétence juridictionnelle spécifiquement définie par la loi sur la base de concepts juridiques qui se rattachent aux règles du droit international public, en vertu des articles 706-102 et 706-103, et, enfin, compétence ratione loci adaptée aux spécificités du milieu marin.

25 () Michel Dobkine « La douane judiciaire, premier bilan d'une police thématique », Dalloz, n° 44, 19 décembre 2002, p. 3284-3287.

26 () Ibid.

27 () Ibid.

28 () Michel Dobkine « La douane judiciaire, premier bilan d'une police thématique », Dalloz, n° 44, 19 décembre 2002, p. 3284-3287.

29 () Michel Dobkine, art. cit.

30 () Michel Dobkine, art. cit.

31 () En France, un rapport réalisé en 1997 par l'inspection générale des finances a estimé l'écart entre la TVA effectivement perçue et celle qui aurait dû l'être à 80 milliards de francs environ en 1995. Il a doublé de 1988 à 1992 pour se stabiliser depuis, sans effet marqué de la suppression des frontières fiscales en 1993.

32 () Art. cit.

33 () Cf. examen de l'article 6 du projet de loi.

34 () Cf. examen de l'article 1er.

35 () Michel Dobkine, art. cit.

36 ()Ibid.

37 () Il convient de rappeler à cet égard, que les agents de la douane judiciaire pourront également user de ces nouvelles facultés de procédure en vertu du 3° du paragraphe I.

38 () Citons, par exemple, l'arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 5 mai 1999 dans lequel la Cour précise que « la provocation à l'infraction par un agent de l'autorité publique exonère le prévenu de sa responsabilité pénale ».

39 () J. Pradel, Trafic de drogue, provocation délictueuse des agents de l'autorité et permission de la loi, Dalloz, 1992, n° 13, p. 229.

40 () D. Cacheux, JOAN CR, 20 novembre 1991, p. 6306.

41 () Cass. crim. 26 septembre 1995.

42 () Cass. Crim., 28 mars 1994 : Bull. crim, n° 116, 20 mars 1995 : Bull. crim, n° 113, 6 août 1996 : Bull. crim, n° 304.

43 () Cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende lorsque les faits sont commis à l'encontre d'un lieu de culte, d'un établissement scolaire, éducatif ou de loisirs ou d'un véhicule transportant des enfants.

44 () Du 16 mai 2000 au 30 septembre 2002, 50 984 personnes ont été mises en communication avec les écoutants du 114 et 12 092 fiches de signalement ont été transmises aux secrétariats des CODAC. Voir la réponse à la question écrite n° 2182 de M. Michel Françaix publiée au Journal officiel le 25 novembre 2002 (page 4441).

45 () Sondage CSA/Le Figaro réalisé par téléphone le 2 avril 2003, Le Figaro, 9 avril 2003.

46 () Rapport d'activité 2002, La Documentation Française.

47 () J.O. Questions Assemblée nationale, 2e séance du mardi 1er avril 2003.

48 () Circulaire du garde des sceaux, ministre de la justice, aux procureurs généraux près les cours d'appel, 21 mars 2003, CRIM-AP N° 00-1500-A13-A4 : « Réponses judiciaires aux actes à caractère raciste, antisémite ou xénophobe ».

49 () COM (01) 664 final du 28 novembre 2001. Il convient de signaler, néanmoins, que l'adoption de ce texte se heurte encore à des difficultés importantes : on pourra se référer, à cet égard, aux travaux du Conseil Justice et affaires intérieures des 27 et 28 février 2003, qui n'est pas parvenu à un accord politique. La position de la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne a été récemment exprimée : voir le rapport n° 512 présenté par MM. Pierre Lequiller et Christian Philip (19 décembre 2002).

50 () Cass. Crim., 30 janvier, 16 octobre et 27 novembre 2001.

51 () L'examen de ce projet de loi avait été interrompu du fait de l'ajournement, en janvier 2000, de la révision constitutionnelle relative au Conseil supérieur de la magistrature.

52 () On rappellera que l'autorité judiciaire, au sens de l'article 64 de la Constitution, comprend à la fois les magistrats du siège et ceux du parquet (Conseil constitutionnel, décision n° 23-326 DC du 11 août 1993).

53 () Lors de son audition par la commission des Lois le 6 mai 2003, le garde des Sceaux a cité plusieurs affaires dans lesquelles il a fait usage de la prérogative que lui confère ainsi l'article 36 du code de procédure pénale, mettant en cause une secte, en matière de haine raciale ou liées au naufrage du Prestige.

54 () Conseil supérieur de la magistrature, rapport d'activité 2001, page 43.

55 () Disposition introduite par l'article 64 de la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice.

56 () Ainsi, le principe de l'information des plaignants et des victimes sur les suites réservées à leurs plaintes ne connaît qu'une exception, lorsque l'auteur des faits n'est pas identifié. Cette règle devra néanmoins être notifiée dès le dépôt de plainte, en application des nouvelles dispositions introduites par le paragraphe I de l'article 26 du projet de loi.

57 () Voir, sur la question de la faiblesse des taux d'élucidation et du renforcement nécessaire de l'investigation policière, le rapport de M. Gérard Léonard n° 261 (10 octobre 2002) sur les crédits de la sécurité intérieure dans le projet de loi de finances pour 2003.

58 () Cass. Crim., 22 janvier 1932.

59 () Ces exceptions concernent les maisons de jeu clandestins ou de débauche, le proxénétisme, les délits liés au terrorisme et, depuis l'article 24 de la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne (article 76-1 du code de procédure pénale), les armes et les stupéfiants. Elles sont élargies par le présent projet de loi à la délinquance et à la criminalité organisées.

60 () La loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 avait institué, dans cette hypothèse, une procédure d'autorisation du juge des libertés et de la détention pour la prolongation de l'enquête. Cette disposition a été supprimée par l'article 34 de la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice.

61 () Circulaire CRIM 00-13 F1 du 4 décembre 2000, présentant les dispositions de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes concernant la garde à vue et l'enquête de police judiciaire.

62 () Circulaire CRIM 01-07 F1 du 14 mai 2001, présentant les dispositions de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes relatives aux victimes.

63 () Cass. Crim., 22 janvier 1932. Cette jurisprudence, ancienne, a été constamment reprise par la suite : « Si une enquête de flagrance peut se poursuivre plusieurs jours, c'est à la condition que les officiers de police judiciaire procèdent sans désemparer et que leurs diligences ne soient jamais interrompues, ce qui suppose la continuité dans le déroulement des opérations et dans la succession des procès-verbaux » (Cass. Crim., 11 février 1992). Voir, également, dans le même sens : Cass. Crim., 20 décembre 1994.

64 () Voir, par exemple : Cass. Crim., 30 mai 1980.

65 () Voir les questions écrites de MM. Thierry Mariani (n° 5098, publiée au Journal officiel le 21 octobre 2002) et Jean-Christophe Lagarde (n° 5314, publiée au Journal officiel le 28 octobre 2002).

66 () Comme on l'a vu, la possibilité de procéder à des perquisitions sans l'assentiment de la personne concernée, initialement propre à la flagrance, est étendue aux autres types d'enquêtes dans certaines situations : terrorisme, armes, stupéfiants, mais également délinquance et criminalité organisées sur le fondement du présent projet de loi.

67 () On rappellera que la liste des régimes particuliers en matière de perquisitions de nuit est étendue dans le cadre du chapitre Ier du titre Ier du projet de loi, en ce qui concerne les infractions dites « de délinquance et de criminalité organisée ».

68 () « Considérant que la recherche des auteurs d'infractions est nécessaire à la sauvegarde de principes et droits de valeur constitutionnelle ; qu'il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre cet objectif de valeur constitutionnelle et l'exercice des libertés publiques constitutionnellement garanties au nombre desquelles figurent la liberté individuelle et notamment l'inviolabilité du domicile » (Décision n° 96-377 DC du 16 juillet 1996).

69 () La circulaire CRIM 00-13 F1 du 4 décembre 2000 précise que : « En pratique, on peut considérer qu'il est souhaitable que l'audition d'un témoin retenu en application des dispositions de l'article 62 (ou de celles de l'article 78) n'excède pas quatre heures, par comparaison avec la durée prévue pour les vérifications d'identité par l'article 78-3 du CPP ».

70 () Extrait de la circulaire adressée, le 11 mars 2003, par le ministre de l'intérieur aux directeurs généraux de la police nationale et de la gendarmerie ainsi qu'au préfet de police de Paris, sur « la garantie de la dignité des personnes placées en garde à vue ».

71 () Il est prévu que de telles infractions puissent donner lieu à deux prolongations supplémentaires de vingt-quatre heures chacune, soit quatre-vingt seize heures de garde à vue au total, comme en matière de terrorisme.

72 () Cour européenne des droits de l'homme, 24 avril 1990, Huvig c/ France.

73 () Cour européenne des droits de l'homme, 24 août 1998, Lambert c/ France.


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