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mis en distribution

le 16 juillet 2003

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N° 1012

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 juillet 2003.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 888) de M. PIERRE LASBORDES, tendant à créer une commission d'enquête sur le fonctionnement des maisons de retraite et établissements de soins publics et sur la maltraitance des personnes âgées,

PAR M. Maurice GIRO,

Député.

--

Personnes âgées.

INTRODUCTION 5

I.- LA RECEVABILITÉ DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION 7

II.- L'OPPORTUNITÉ DE LA CRÉATION D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE 9

TRAVAUX DE LA COMMISSION 11

INTRODUCTION

Le 28 mai 2003, a été mise en distribution la proposition de résolution (n° 888) déposée par M. Pierre Lasbordes tendant à créer une commission d'enquête sur « le fonctionnement des maisons de retraite et établissements de soins publics et sur la maltraitance des personnes âgées ».

Selon l'usage, le rapporteur examinera la recevabilité de la proposition de résolution, avant de s'interroger sur l'opportunité de créer une telle commission d'enquête.

I.- LA RECEVABILITÉ DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION

La recevabilité des propositions de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête s'apprécie au regard des dispositions de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires  et des articles 140 et 141 du Règlement de l'Assemblée nationale.

La première exigence posée par ces textes est de déterminer avec précision, dans la proposition de résolution, les faits donnant lieu à enquête ou les services publics dont la gestion doit être examinée.

Sur ce point, il convient d'observer que la proposition qui nous est soumise vise à la fois un champ institutionnel - les maisons de retraite et établissements de soins publics - et un grave problème social, qui existe dans les établissements susvisés, mais aussi à l'extérieur, la maltraitance envers les personnes âgées. De plus, le champ institutionnel mentionné n'est pas très clairement délimité ; le qualificatif « publics » s'applique-t-il aux seuls « établissements de soins » ou aussi aux maisons de retraite : en d'autres termes, les maisons de retraite privées sont-elles concernées ? Que sont les « établissements de soins publics » : uniquement les centres hospitaliers ou services de ces centres qui sont spécialisés dans l'accueil en long séjour des personnes âgées, ou bien les hôpitaux en général dès lors qu'ils reçoivent des personnes âgées ?

La proposition de résolution gagnerait donc à être précisée. Cependant, on peut admettre qu'elle vise d'une part un ensemble de faits, celui des faits de maltraitance envers les personnes âgées, d'autre part un champ institutionnel suffisamment délimités au regard des prescriptions du Règlement.

La seconde exigence concerne la mise en œuvre du principe de séparation des pouvoirs législatif et judiciaire et interdit à l'Assemblée nationale d'enquêter sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires aussi longtemps que ces poursuites sont en cours.

Interrogé sur ce point par le Président de l'Assemblée, le garde des sceaux a indiqué, par lettre du 26 juin 2003, « qu'à sa connaissance, il existe actuellement des procédures en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition ». Toutefois, compte tenu de la généralité de l'objet que viserait une éventuelle commission d'enquête, il est vraisemblable qu'elle serait en mesure de conduire ses travaux en évitant d'évoquer les espèces qui sont l'objet de procédures judiciaires.

La présente proposition de résolution n'est donc pas irrecevable.

II.- L'OPPORTUNITÉ DE LA CRÉATION
D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE

L'opportunité de la création d'une commission d'enquête sur le fonctionnement des maisons de retraite et la maltraitance des personnes âgées est par ailleurs sujette à discussion.

En premier lieu, il convient d'observer que la commission d'enquête du Sénat sur la maltraitance envers les personnes handicapées vient d'achever ses travaux1, fondés sur des investigations poussées qui ont comporté plus d'une trentaine d'auditions. La commission sénatoriale a élaboré vingt-sept propositions permettant d'aller vers la « bientraitance » ; sans préjuger de l'opportunité de ces propositions, on peut observer qu'elles sont pour la plupart précises et directement opérationnelles ; or, il apparaît que nombre d'entre elles pourraient aisément être étendues ou transposées à la question de la maltraitance envers les personnes âgées, car ces personnes ne séjournent pas dans les mêmes établissements que les personnes handicapées, mais subissent les mêmes cas de maltraitance pour les mêmes raisons de dépendance. Par exemple, il est clair que les propositions faites en matière d'accès à des services téléphoniques d'accueil, d'ajustement des règles du secret médical, de renforcement des pouvoirs des autorités de tutelle pour fermer les établissements à problèmes, d'intégration de la question de la maltraitance dans les formations des personnels, de modification des règles de prescription pénale pour les faits de maltraitance, etc., seraient non moins valables dans le cas des personnes âgées que dans celui des personnes handicapées.

Dans ces conditions, engager des investigations sur la maltraitance envers les personnes âgées risquerait de conduire assez largement à des redondances avec les travaux du Sénat. Il appartiendra à la représentation nationale de veiller à ce que les mesures qui pourraient être prises, à la suite des travaux du Sénat, pour mettre fin aux situations de maltraitance envers les personnes handicapées soient étendues le cas échéant au bénéfice des personnes âgées.

Par ailleurs, mettre une nouvelle fois l'accent, après le Sénat, sur les questions de maltraitance ferait courir le risque d'une stigmatisation générale d'établissements dont seule une minorité sont réellement en cause.

S'agissant de l'autre point de la proposition de résolution, le « fonctionnement des maisons de retraite et établissements de soins publics », votre rapporteur observe que la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a constitué en son sein, sous la présidence de M. Pierre Morange, une mission d'information sur les établissements médico-sociaux, dont le champ d'investigation, mieux circonscrit (le secteur médico-social étant défini par la loi2) mais plus large, semble recouvrir intégralement celui que vise apparemment l'auteur de la proposition. Cette mission constituée en avril de cette année a débuté en juin ses travaux et les poursuivra cet automne ; elle ne manquera pas d'examiner l'ensemble des problèmes de fonctionnement rencontrés par les établissements médico-sociaux ; il convient donc d'attendre ses conclusions avant d'envisager, le cas échéant, une commission d'enquête.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission a examiné, sur le rapport de M. Maurice Giro, la présente proposition de résolution au cours de sa séance du 9 juillet 2003.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur, qui a conclu au rejet de la proposition de résolution.

M. Pierre Lasbordes a rappelé qu'il avait déjà déposé une proposition de résolution sur le même sujet il y a deux ans et regretté que, dans ce délai, des missions d'information aient pu être constituées sur des sujets voisins. Les sujets évoqués par cette demande sont bien réels et devront en tout état de cause être traités à un moment ou à un autre.

Mme Danièle Hoffmann-Rispal a souligné la portée réduite de la proposition de résolution, qui ne concerne que les établissements publics, alors que les situations de maltraitance existent aussi dans les établissements privés et encore plus, peut être, à domicile. Par ailleurs, la proposition de résolution semble faire l'amalgame entre les questions de maltraitance et les problèmes de fonctionnement des établissements, alors qu'il s'agit de deux questions distinctes.

La notion de maltraitance n'est pas réellement définie et bien souvent, les faits évoqués sont en réalité liés à un manque de moyen des établissements, qui laisse les personnels dans l'incapacité de s'occuper correctement des pensionnaires. A ce sujet, le report à 2006 de l'obligation de signature de conventions tripartites est une décision regrettable du gouvernement car ces documents, lorsqu'ils existent, permettent d'avoir une bonne connaissance des moyens de fonctionnement disponibles et donc des capacités d'accueil et de soin des différents établissements. De plus, ce n'est pas en gelant les crédits destinés à l'accueil des personnes âgées, comme l'a décidé le gouvernement, que l'on améliorera leur situation.

Mme Paulette Guichard-Kunstler s'est opposée pour deux raisons à la proposition de résolution. D'une part, la terminologie utilisée est obsolète : on ne parle plus de maison de retraite mais d'établissement d'hébergement des personnes âgées dépendantes. D'autre part, la présentation de cette demande est surprenante au moment même où le gouvernement réduit les crédits destinés à la prise en charge des personnes âgées dépendantes. 183 millions d'euros par an avaient été prévus par le précédent gouvernement pour financer notamment la réforme de la tarification. Une partie de ces crédits a été gelée puis, aujourd'hui, annulée.

Pour bien comprendre le retard de la prise en charge des personnes âgées dans notre pays, il faut rappeler que si, dans les établissements de soins en général, le taux d'encadrement des malades est de 2,1 agents par personne, ce taux tombe à 1,1 pour les établissement d'accueil de personnes handicapés, à 0,6 dans les établissements publics d'accueil de personnes âgées et à 0,28 pour l'ensemble des établissements de prise en charge de personnes âgées. Ce manque de moyens exprime un véritable fait de société : nous n'arrivons pas à accepter le niveau d'investissement à mettre en œuvre pour assurer une prise en charge décente des personnes âgées dépendantes. Enfin, la proposition de résolution présente l'inconvénient de stigmatiser la maltraitance des personnes âgées dans les établissements du secteur public, ce qui est très dangereux.

*

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a rejeté la proposition de résolution.

N° 1012 - Rapport de M. Maurice Giro sur la proposition de résolution : commission d'enquête sur le fonctionnement des maisons de retraite

1 Cf. rapport n° 339 du Sénat, déposé le 5 juin 2003.

2 A l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles.


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