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le 12 novembre 2003

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N° 1202

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 6 novembre 2003.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LES PROPOSITIONS DE RÉSOLUTION tendant a la création d'une commission d'enquête :

- n° 1103 de M. Jean-Marc AYRAULT sur les politiques d'allégement de cotisations sociales et de réduction du temps de travail et leurs effets sur la situation de l'emploi et l'organisation du travail ;

- n° 1104 de M. Hervé NOVELLI sur les conséquences des 35 heures pour l'économie et la société françaises.

PAR M. Pierre MORANGE,

Député.

--

Travail et emploi.

INTRODUCTION 5

I.- SUR LA RECEVABILITÉ DES PROPOSITIONS DE RÉSOLUTION 7

A. LA DÉTERMINATION DES FAITS POUVANT DONNER LIEU À ENQUÊTE 7

B. L'EXISTENCE DE PROCÉDURES JUDICIAIRES 7

II.- SUR L'OPPORTUNITÉ DE CRÉER UNE COMMISSION D'ENQUÊTE 9

A. LES CHAMPS D'INVESTIGATIONS PROPOSÉS 9

B. L'OPPORTUNITÉ DE CRÉER UNE COMMISSION D'ENQUÊTE 10

TRAVAUX DE LA COMMISSION 11

INTRODUCTION

Le temps de travail peut-il être partagé ? L'opinion publique l'est en tout cas sur les vertus et les vices de la réduction du temps de travail. Les trente-cinq heures ne laissent personne indifférent et sont au cœur du débat sur la place du travail dans notre société. Le Conseil économique et social lui-même dans son avis récent sur la place du travail n'a pu apporter une réponse unitaire à cette question. Dès lors, il n'est guère surprenant qu'aient été déposées sur le bureau de l'Assemblée nationale deux propositions de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête tournant autour de la réduction du temps de travail mais d'inspiration très différente :

- la première est la proposition de résolution de M. Jean-Marc Ayrault tendant à créer une commission d'enquête sur les politiques d'allégement de cotisations sociales et de réduction du temps de travail et leurs effets sur la situation de l'emploi et l'organisation du travail (n° 1103, déposée le 3 octobre 2003) ;

- la seconde est la proposition de résolution de M. Hervé Novelli visant à créer une commission d'enquête sur les conséquences des 35 heures pour l'économie et la société françaises (n° 1104, déposée le 3 octobre 2003).

Selon l'usage, le rapporteur examinera la recevabilité de ces propositions de résolution, avant de s'interroger sur l'opportunité de créer une telle commission d'enquête et sur le champ de ses investigations.

I.- SUR LA RECEVABILITÉ DES PROPOSITIONS DE RÉSOLUTION

La recevabilité des propositions de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête s'apprécie au regard des dispositions de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et des articles 140 et 141 du Règlement de l'Assemblée nationale.

A. LA DÉTERMINATION DES FAITS POUVANT DONNER LIEU À ENQUÊTE

La première exigence posée par ces textes est de déterminer avec précision, dans la proposition de résolution, les faits pouvant donner lieu à enquête.

En l'occurrence, les faits visés sont pour chacune de ces propositions formulés de façon suffisamment précise pour justifier, a priori, la création d'une commission d'enquête :

- M. Jean-Marc Ayrault met l'accent sur les deux moyens d'action, éventuellement mêlés, que constituent la politique d'allégement de charges et celle de réduction du temps de travail, et sur leurs effets en matière d'emploi (créations d'emplois, réduction du chômage) ainsi qu'en matière d'organisation du travail ;

- M. Hervé Novelli évoque, quant à lui, la nécessaire analyse des conséquences économiques des trente-cinq heures, de leurs effets sur l'emploi, sur les faillites et les délocalisations, de leurs conséquences sur le fonctionnement des entreprises et services publics, de leur coût sur les finances publiques et de l'éventuelle dégradation des conditions de travail qu'elles auraient entraînée. La commission d'enquête devrait en outre faire des propositions de réforme des trente-cinq heures.

En dépit de l'ampleur du champ d'étude proposé, les deux propositions ne peuvent donc être rejetées au motif qu'elles ne porteraient pas sur des faits précis et la première condition de recevabilité est satisfaite.

B. L'EXISTENCE DE PROCÉDURES JUDICIAIRES

La seconde exigence concerne la mise en œuvre du principe de séparation des pouvoirs législatif et judiciaire et interdit à l'Assemblée nationale d'enquêter sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires aussi longtemps que ces poursuites sont en cours.

Par lettres du 30 octobre 2003, M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, a fait savoir à M. Jean-Louis Debré, président de l'Assemblée nationale, qu'il n'y a aucune procédure judiciaire en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de ces propositions de résolution.

Les propositions de résolution sont donc recevables.

II.- SUR L'OPPORTUNITÉ DE CRÉER UNE COMMISSION D'ENQUÊTE

Si les conditions de recevabilité sont réunies, il reste à déterminer s'il convient, en opportunité, de créer ou non une commission d'enquête.

A. LES CHAMPS D'INVESTIGATIONS PROPOSÉS

Les deux propositions de résolution portent, notamment, sur la réduction du temps de travail d'où leur examen conjoint par le présent rapport, mais n'en présentent pas moins des différences dans le champ d'investigations proposé.

- La proposition de résolution de M. Jean-Marc Ayrault n° 1103 porte sur « les politiques d'allégement de cotisations sociales et de réduction du temps de travail et leurs effets sur la situation de l'emploi et l'organisation du travail ».

L'exposé des motifs précise le champ de cette analyse ; il s'agit notamment d'étudier les « effets précis en terme de maintien et de création d'emplois » des différentes aides publiques et de comparer en particulier les mérites des principaux dispositifs d'allégement selon qu'ils comportent (allégements Aubry I et II) ou non (ristourne dégressive sur les bas salaires) une contrepartie en termes d'emploi. Il ne donne en revanche pas de précisions sur le sens de la réflexion à mener sur les conséquences des trente-cinq heures quant à l'organisation du travail. Le champ proposé porte bien de façon privilégiée sur la comparaison de l'efficience de deux formes de politiques de l'emploi.

- La proposition de résolution de M. Hervé Novelli n° 1104 propose, quant à elle, au terme d'un exposé particulièrement argumenté de retenir un champ d'investigations assez sensiblement différent.

Est commune aux deux propositions la volonté d'étudier les effets réels des trente-cinq heures sur l'emploi, leur coût pour les finances publiques et leurs conséquences en termes d'organisation du travail. Toutefois, certains points évoqués dans la proposition n° 1104 lui sont spécifiques : liens éventuels entre les trente-cinq heures et la recrudescence des faillites et des délocalisations, lien entre réduction du temps de travail et désorganisation de la production et du fonctionnement des services publics.

En conclusion, on ne peut que relever le caractère tranché de chacun des champs d'investigations proposés : pour M. Ayrault, l'allégement de cotisations sociales sans contrepartie d'emploi fait d'ores et déjà l'objet d'un « constat d'échec » tandis que pour M. Novelli la commission d'enquête devra a priori « proposer des solutions pour contrecarrer les effets les plus négatifs de la réduction du temps de travail ». Le champ même des investigations traduit bien le caractère conflictuel d'un examen portant en principe sur des thèmes communs que l'on pourrait résumer dans une formule ne prêtant pas à la polémique, par exemple « les conséquences économiques et sociales de la législation sur le temps de travail ». Alors que le choix même des mots apparaît si difficile, il n'est pas certain que la formule de la commission d'enquête soit la plus adaptée à l'examen serein et objectif qu'appelle le sujet.

B. L'OPPORTUNITÉ DE CRÉER UNE COMMISSION D'ENQUÊTE

Une commission d'enquête est spécifiquement constituée pour rassembler des éléments sur des faits déterminés. Ce n'est pas le cadre idéal pour mener un travail qui s'apparente davantage à un suivi de l'application des lois et à une évaluation de leur impact. Les commissions d'enquête ne sont pas en principe des outils de prospection et de réflexion et il existe des formes de contrôle parlementaire mieux adaptées à cet objet.

On rappellera que la commission d'enquête constitue une structure lourde susceptible d'associer des parlementaires de toutes les commissions. Trois commissions permanentes sont effectivement susceptibles d'être intéressées par le sujet : la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire pour les aspects relatifs à l'impact de la réduction du temps de travail sur l'activité économique, pour les problèmes posés à tel ou tel secteur d'activité, sur les questions de faillites et de délocalisations ; la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur les aspects sociaux de la réduction du temps de travail et sur les allégements de cotisations sociales ; la commission des finances, de l'économie générale et du plan sur les aspects relatifs aux finances publiques. On ne voit guère l'intérêt qu'il y aurait à associer les autres commissions permanentes à une réflexion sur ce sujet.

La création d'une commission d'enquête soulève une troisième objection tenant au calendrier de ses travaux. Ceux-ci sont limités à une durée de six mois, ce délai ne tenant pas compte des interruptions de travaux, qui seront pourtant nombreuses dans les prochains mois. La durée de travail « utile » pourrait donc s'en trouver nettement réduite. A l'inverse, les formalités entourant le dépôt des rapports des commissions d'enquête ne permet guère de procéder à une évaluation intermédiaire des travaux et entrave la production rapide de premières analyses.

Enfin, les commissions d'enquête entraînent des obligations particulièrement contraignantes : les témoins  sont tenus de déférer à une convocation (sous peine de deux ans de prison et de 7 500 euros d'amende), témoignent sous serment et ne peuvent s'opposer à la publication du procès verbal de leur audition. On ne voit guère l'intérêt d'une telle formule.

Le rapporteur estime que le cadre de la commission d'enquête n'est pas adapté à une évaluation des trente-cinq heures. Tel a été également l'avis des présidents des trois commissions permanentes précitées qui ont décidé la mise en place d'une mission d'information commune sur « l'évaluation des conséquences économiques et sociales de la législation sur le temps de travail » dont la réunion constitutive s'est tenue mardi 28 octobre 2003. Le rapporteur ne doute pas que cette structure recueille l'approbation de M. Hervé Novelli qui en est le rapporteur et que le groupe socialiste trouvera dans cette mission au large champ de compétences un espace de nature à répondre aux interroations qu'il soulevait par sa proposition de résolution n° 1103.

Au bénéfice de ces observations, le rapporteur conclut donc au rejet des propositions de résolution nos 1103 et 1104.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission a examiné, sur le rapport de M. Pierre Morange, au cours de sa séance du jeudi 6 novembre 2003, les propositions de résolution présentées par M. Jean-Marc Ayrault tendant à créer une commission d'enquête sur les politiques d'allégement de cotisations sociales et de réduction du temps de travail et leurs effets sur la situation de l'emploi et l'organisation du travail (n° 1103) et par M. Hervé Novelli visant à créer une commission d'enquête sur les conséquences des 35 heures pour l'économie et la société françaises (n° 1104).

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a rejeté les deux propositions de résolution.

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N° 1202 : Rapport sur les proopositions de résolution créant une commisson d'enquête sur la  réduction du temps de travail et les  35 heures (M. Pierre Morange)


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