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le  9 avril 2004

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N° 1517

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 7 avril 2004.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LA PROPOSITION DE LOI (N° 1137) tendant à supprimer les limites d'âge pour les concours de la fonction publique.

PAR M. Serge POIGNANT,

Député.

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INTRODUCTION 5

I. - UN ACCÈS À LA FONCTON PUBLIQUE LIMITÉ PAR DES CONDITIONS D'ÂGE 6

A. L'EXISTENCE DE CONDITIONS D'ÂGE POUR ENTRER DANS LA FONCTION PUBLIQUE 6

B. DES DÉROGATIONS LIMITÉES 7

1. Des conditions d'âge supprimées 7

2. Des conditions d'âge aménagées 9

II. - UN ASSOUPLISSEMENT NÉCESSAIRE 10

A. UN NOUVEAU CONTEXTE 10

B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ 11

DISCUSSION GÉNÉRALE 12

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION 15

TABLEAU COMPARATIF 17

MESDAMES, MESSIEURS,

Le marché du travail se caractérise par une plus grande mobilité. Le salarié n'effectue plus toute sa carrière dans un seul métier au sein de la même structure. La fonction publique ne saurait échapper à ce mouvement. La mobilité en son sein doit s'accroître. Elle doit également être favorisée entre le secteur privé et le secteur public. Cet enjeu est d'autant plus important que, à cause de départs à la retraite prévisibles massifs, des difficultés de recrutement pointent à l'horizon pour la fonction publique. L'Observatoire de l'emploi public l'a relevé dans son rapport d'octobre 2002, « plus que le secteur privé, les fonctions publiques seront confrontées au défi démographique ». Cela s'explique par la situation démographique particulière des fonctions publiques, par le poids important des personnels qualifiés dans les recrutements de la fonction publique de l'État et par la baisse d'attractivité des fonctions publiques quand le marché du travail s'améliore.

Pour répondre à cette plus grande mobilité des travailleurs, deux voies de réforme sont possibles. D'un côté, le Gouvernement s'est engagé à étudier la possibilité de faciliter le passage de la fonction publique au secteur privé dans un double objectif de plus grande fluidité du marché du travail et d'encouragement de l'initiative individuelle (1). De l'autre, il conviendrait de faciliter l'entrée dans la fonction publique de salariés ou de travailleurs indépendants dont l'expérience acquise dans le secteur privé pourrait bénéficier au service public.

Or, l'existence de conditions d'âge pour accéder aux concours de la fonction publique limite ce mouvement. Dès lors que l'âge du départ à la retraite dans la fonction publique a été reculé, les carrières deviennent plus longues. Ainsi, en limitant au maximum les conditions d'âge requises pour accéder par la voie externe à la fonction publique, une place plus grande pourrait être faite aux « secondes carrières » des travailleurs issus du secteur privé. Source d'enrichissement pour les administrations, ce nouveau flux aurait le double avantage d'offrir de nouvelles perspectives aux salariés du secteur privé ou aux travailleurs indépendants et de pallier certaines difficultés de recrutement à venir dans le secteur public.

Cet assouplissement s'inscrirait dans une tendance au recul des limites supérieures de l'âge permettant d'accéder à la fonction publique, voire à leur suppression.

I. -  UN ACCÈS À LA FONCTON PUBLIQUE LIMITÉ PAR DES CONDITIONS D'ÂGE

A. L'EXISTENCE DE CONDITIONS D'ÂGE POUR ENTRER DANS LA FONCTION PUBLIQUE

La loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, applicable aux trois fonctions publiques de l'État, territoriale et hospitalière, dresse une liste limitative des conditions requises pour l'accès à la fonction publique.

Ainsi, en vertu de l'article 5 de cette loi, pour être fonctionnaire, il faut posséder la nationalité française - sous réserve des aménagements nécessités par la réglementation européenne -, jouir de ses droits civiques, se trouver en position régulière au regard du code du service national, remplir les conditions d'aptitude physique exigées pour l'exercice de la fonction et ne pas avoir un casier judiciaire incompatible avec cet exercice.

Il n'est fait aucune mention d'une condition d'âge. Cette absence répond à la logique de l'égalité d'accès à la fonction publique (2). Calqué sur l'article L. 122-45 du code du travail, l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 précitée dispose ainsi, dans son deuxième alinéa, qu'« aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses, de leur origine, de leur orientation sexuelle, de leur âge (...) », principe qui s'applique également aux candidats aux concours de la fonction publique.

Pourtant, dans la plupart des concours externes, une limite d'âge supérieure existe.

Cette limitation est justifiée par la difficulté de concilier une entrée tardive dans la fonction publique et un déroulement de carrière satisfaisant, susceptible d'ouvrir un droit à pension de retraite (3). Cette difficulté est d'autant plus grande que l'emploi considéré appartient à une catégorie bénéficiant d'un âge avancé de départ à la retraite, à l'exemple de certains emplois classés en catégorie active (4) (surveillants de l'administration pénitentiaire, policiers, personnels techniques de l'équipement).

Jusqu'en 2001, aucune disposition législative générale ne limitait la possibilité d'imposer des limites d'âge supérieures pour accéder à la fonction publique. Le pouvoir réglementaire pouvait, dans chaque statut particulier ou pour telle ou telle catégorie, fixer un âge au-delà duquel il n'était pas possible de se présenter au concours d'accès à ce statut ou à cette catégorie. Le Conseil d'État a admis cette possibilité dès 1946 (5), tout en accordant à l'administration un pouvoir d'appréciation pour déroger à cette limitation d'âge en l'absence de texte (6).

La limite d'âge est située, en général, entre vingt-huit (7) et quarante ans pour les concours de catégorie A. Le décret n° 75-765 du 14 août 1975 a reporté de quarante à quarante-cinq ans l'âge limite d'accès pour le recrutement des catégories B et C pour l'ensemble des fonctionnaires soumis au statut général, nonobstant des dispositions spéciales favorables.

S'agissant de la fonction publique territoriale, l'article 1er du décret n° 85-1229 du 20 novembre 1985 relatif aux conditions générales de recrutement des agents de la fonction publique territoriale précise que « l'âge limite pour le recrutement des fonctionnaires territoriaux est fixé par chaque statut particulier ». S'il est fait peu recours à cette disposition, les limites d'âge existent néanmoins pour certains concours : ainsi, l'accès au concours externe de conservateur territorial du patrimoine est limité aux candidats ayant moins de trente ans ; la même règle s'impose aux candidats du concours externe de conservateur territorial des bibliothèques ; dans ce dernier cas, l'âge limite peut être reculé jusqu'à trente-cinq ans si le candidat est chartiste.

En 2001, le législateur, dans l'article 11 de la loi du 16 novembre (8) modifiant l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 précitée, a limité la possibilité, pour le pouvoir réglementaire, de fixer des conditions d'âge pour le recrutement de fonctionnaires aux seuls cas requis par le déroulement de leur carrière. Seule cette condition peut permettre d'établir une distinction en fonction de l'âge. Or, elle peut s'interpréter de manière très large et, de fait, ne limiter que très peu le pouvoir réglementaire.

B. DES DÉROGATIONS LIMITÉES

Deux catégories de limitation ont été progressivement apportées à la règle de la limitation de l'accès à la fonction publique selon l'âge : cette limitation a été soit supprimée pour certaines catégories de citoyens ou de concours, soit aménagée dans certaines situations.

1. Des conditions d'âge supprimées

Toutes les limites d'âge supérieures ont été supprimées pour l'accès aux corps enseignants (9) et pour les concours internes de l'administration (10). Toutefois, dans le cas des concours qui conduisent à une période de scolarité obligatoire assortie d'un engagement de servir l'État (cas de l'École nationale d'administration), les candidats doivent être en mesure d'accomplir cet engagement avant l'âge de soixante ans.

-  Mesures en faveur des travailleurs handicapés

Les limites d'âge ont été également supprimées pour faciliter l'accès des handicapés à la fonction publique. L'article 27 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État prévoit ainsi que « les personnes reconnues travailleurs handicapés par la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel prévue à l'article L. 323-11 du code du travail peuvent être recrutées en qualité d'agent contractuel dans les emplois des catégories A, B, C et D pendant une période d'un an renouvelable une fois ». Cette disposition s'applique également aux agents fonctionnaires de La Poste et de France Télécom.

Le deuxième alinéa de l'article 35 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale prévoit un dispositif similaire. Les limites d'âge supérieures, en vertu de l'article 82 de cette même loi, ne sauraient s'imposer aux agents reclassés dans un autre cadre d'emploi lorsqu'ils ont été reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions.

Un dispositif identique a été transposé à la fonction publique hospitalière par l'article 27 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière.

-  Mesures au titre de la situation familiale

L'article 8 de la loi n° 75-3 du 3 janvier 1975 portant diverses améliorations et simplifications en matière de pensions ou allocations des conjoints survivants, des mères de famille et des personnes âgées, tel que modifié par l'article 34 de la loi n° 2001-397 du 10 mai 2001 relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, a levé toute condition d'âge pour l'accès à la fonction publique des mères de trois enfants et plus, des veuves non remariées, des femmes divorcées et non remariées, des femmes séparées judiciairement et des femmes et hommes célibataires ayant au moins un enfant à charge, qui se trouvent dans l'obligation de travailler.

-  Mesures en faveur des sportifs de haut niveau

Le premier alinéa de l'article 29 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives prévoit que les limites d'âge supérieures fixées pour l'accès aux grades et emplois publics de l'État et des collectivités territoriales ne sont pas opposables aux sportifs de haut niveau figurant sur la liste proposée par la commission nationale du sport de haut niveau et fixée par le ministre chargé des sports.

-  Mesures en faveur des coopérants candidats à un emploi dans la fonction publique hospitalière

Enfin, une mesure particulière est applicable à la fonction publique hospitalière. Ainsi, selon l'article 28 de la loi du 9 janvier 1986 précitée, les limites d'âge supérieures pour l'accès aux corps ou emplois des établissements hospitaliers ne sont pas opposables aux personnels civils non titulaires qui postulent ces emplois à l'issue d'une mission de coopération culturelle, scientifique et technique effectuée auprès d'États étrangers en application de la loi n° 72-659 du 13 juillet 1972 relative à la situation du personnel civil de coopération culturelle, scientifique et technique auprès d'États étrangers.

Par ailleurs, il convient de rappeler qu'à de très rares exceptions (conservateurs territoriaux du patrimoine et des bibliothèques), les limites d'âge supérieures ont été supprimées pour l'accès aux concours de la fonction publique territoriale.

2. Des conditions d'âge aménagées

Sans être supprimées, les limites d'âges supérieures pour l'accès à la fonction publique peuvent être aménagées de manière à ne pas pénaliser certaines catégories de citoyens.

Ainsi, les candidats n'ayant plus la qualité de travailleur handicapé peuvent bénéficier d'un recul de ces limites d'âge égal à la durée des traitements et soins qu'ils ont eu à subir, sans que cette durée ne puisse excéder cinq ans. Cette disposition bénéficie aux candidats aux concours de la fonction publique de l'État (article 27 de la loi du 11 janvier 1984), de la fonction publique territoriale (article 35 de la loi du 26 janvier 1984) ou de la fonction publique hospitalière (article 27 de la loi du 9 janvier 1986).

Selon la même logique et en vertu des dispositions de la loi n° 75-376 du 20 mai 1975 codifiée à l'article L. 215-3 du code de l'action sociale et des familles, les hommes ou femmes ayant effectivement à charge un ou plusieurs enfants ou un ou plusieurs adultes handicapés peuvent demander un report de l'âge limite d'un an par enfant ou par personne à charge, donnant droit à une allocation pour handicapé ; les enfants qui ne sont plus à charge ouvrent droit aux mêmes droits à condition d'avoir été effectivement à charge pendant au moins neuf ans avant leur seizième anniversaire. Par ailleurs, sauf disposition contraire figurant dans un statut particulier, en vertu de l'article 21 de la loi n° 76-617 du 9 juillet 1976 portant diverses mesures de protection sociale de la famille, les femmes élevant ou ayant élevé un enfant peuvent bénéficier d'une limite d'âge portée à quarante-cinq ans pour les concours de la catégorie A (11).

Les anciens sportifs de haut niveau peuvent bénéficier de dispositions comparables. En vertu du second alinéa de l'article 29 de la loi du 16 juillet 1984, les candidats n'ayant plus la qualité de sportif de haut niveau peuvent bénéficier d'un recul de ces limites d'âge égal à la durée de leur inscription sur la liste des sportifs de haut niveau, sans que ce recul ne puisse excéder cinq ans.

Une série d'exceptions est prévue pour les candidats qui ont effectué leur service national ou en faveur des engagés qui ont effectué un service d'une durée supérieure à celle du service actif normal.

L'article L. 64 du code de service national dispose que, pour l'accès à un emploi public, la limite d'âge est reculée d'un temps égal à celui passé effectivement dans le service national actif, quelle que soit la forme de ce service (militaire, police, sécurité civile, aide technique et coopération, objection de conscience). Cette possibilité de recul a été étendue aux volontaires civils. En effet, en vertu de l'article L. 122-16 du même code, pour l'accès à un emploi de l'État, des collectivités territoriales, des établissements publics et des entreprises publiques dont le personnel est soumis à un statut réglementaire, la limite d'âge est reculée d'un temps égal au temps effectif du volontariat civil.

Selon l'article 96 de la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires, pour l'accès aux emplois de l'État, des collectivités locales, des établissements publics et des entreprises publiques dont le personnel est soumis à un statut réglementaire, l'engagé volontaire bénéficie du recul de la limite d'âge supérieure pour l'accès à ces emplois, dans la limite de dix années, d'un temps égal à celui qui a été passé effectivement sous les drapeaux.

II. - UN ASSOUPLISSEMENT NÉCESSAIRE

Les évolutions du marché du travail et la modification récente de la législation relative aux retraites dans la fonction publique militent pour un assouplissement des conditions d'âge imposées pour l'accès à la fonction publique.

A. UN NOUVEAU CONTEXTE

En premier lieu, le marché du travail est traversé par deux tendances lourdes. D'une part, il se caractérise par une plus grande mobilité des travailleurs, qu'elle soit géographique ou sectorielle. Un travailleur exerce de moins en moins un seul métier au cours de sa vie professionnelle. En outre, il est de plus en plus rare qu'il ne travaille que pour une seule entreprise ou une seule institution. D'autre part, il est probable que le marché du travail ne permette pas, dans l'avenir et toute chose étant égale par ailleurs, de satisfaire les besoins croissants qui se font petit à petit jour dans la fonction publique, en raison de l'accroissement, dans les toutes prochaines années, du nombre des départs à la retraite.

En second lieu, l'évolution de la législation sur la retraite dans la fonction publique impliquera des carrières plus longues, qui rendent, en conséquence, moins pertinente la fixation d'une limite d'âge supérieure pour accéder à la fonction publique. Rappelons ainsi, qu'en vertu de l'article 51 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites, progressivement jusqu'en 2008, la durée de cotisation dans la fonction publique nécessaire pour percevoir une pension de retraite à taux plein sera allongée de cent cinquante à cent soixante trimestres. À partir de 2009, sur le fondement de l'article 5 de la loi précitée, la durée d'assurance nécessaire pour bénéficier d'une pension de retraite au taux plein et la durée des services et bonifications nécessaire pour obtenir le pourcentage maximum d'une pension civile ou militaire de retraite seront majorées d'un trimestre par année pour atteindre quarante et une annuités en 2012.

B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Dans ce contexte, limiter les conditions d'âge pour accéder à la fonction publique, qu'elle relève de l'État, des collectivités territoriales ou des établissements hospitaliers, s'avère nécessaire.

Plusieurs raisons motivent cette évolution. D'abord, une tendance à la suppression ou au recul des limites supérieures d'âge pour entrer dans la fonction publique se fait de plus en plus forte depuis près de trente ans. Ensuite, le législateur, en 2001, a ouvert une nouvelle voie en posant le principe général de non-discrimination en fonction de l'âge. Par ailleurs, l'allongement des carrières rend moins pertinent la mise en place de limite d'âge. Enfin, il convient de favoriser les échanges entre secteur privé et secteur public, à l'heure où ce dernier risque de connaître des difficultés de recrutement.

Pour répondre à ces évolutions, il est proposé de n'autoriser l'édiction par le pouvoir réglementaire d'une condition d'âge pour l'accès à toutes les fonctions publiques que pour les emplois dont la nature emporte une durée de carrière plus courte, à l'exemple des emplois classés en service actif dont l'âge de départ à la retraite est avancé. Il convient également de permettre, à titre très exceptionnel et dans des conditions définies strictement par un décret en Conseil d'État, de fixer des limites d'âge dans le cas des accès à la fonction publique qui exigent une formation spécifique, afin de préserver un équilibre entre l'investissement représenté par le coût de cette formation et la durée des services susceptibles d'être effectuée par l'agent.

Par ailleurs, au-delà de l'accès à la fonction publique, pour les carrières des fonctionnaires, des conditions d'âge pourront continuées d'être fixées de manière à assurer une certaine linéarité de leur déroulement et maintenir un niveau minimal d'expérience pour la nomination dans certains emplois, des emplois d'encadrement notamment (article premier).

Enfin, pour permettre au pouvoir réglementaire de mettre en accord le droit avec les dispositions de la nouvelle loi, il est nécessaire de donner au Gouvernement un délai d'adaptation (article 2).

*

* *

Après l'exposé du rapporteur, plusieurs commissaires sont intervenus dans la discussion générale.

M. Jean-Pierre Dufau, après avoir admis le caractère séduisant que la proposition de loi pouvait présenter en première analyse et l'utilité d'harmoniser les règles entre les différentes fonctions publiques, a fait observer que cette question ne devait pas occulter celle des effectifs ni la politique du Gouvernement de non-renouvellement des départs à la retraite. Citant à l'appui de son propos la pièce L'exception est la règle de Bertolt Brecht, il s'est inquiété des conséquences d'une généralisation de l'interdiction des limites d'âge pour accéder aux concours de la fonction publique, en particulier pour les emplois de catégories B et C lesquels risquent alors d'échapper aux jeunes qui entrent sur le marché du travail au profit de travailleurs plus âgés. Il a ajouté que la suppression des limites d'âge répondait souvent à des contingences liées à des besoins ponctuels de recrutement, comme c'est le cas pour les corps enseignants. Il a enfin demandé au rapporteur s'il avait pu consulter les organisations syndicales sur sa proposition et si la suppression de toute limite d'âge signifiait la remise en cause de la subordination à une durée de quinze ans de service de l'ouverture de droits à la retraite.

M. Jérôme Lambert a estimé qu'au-delà d'un louable effort d'harmonisation des règles régissant les différentes fonctions publiques, la vraie question qui se posait aujourd'hui au secteur public était celle du manque de création de postes, en particulier dans l'enseignement et la recherche. Il a insisté sur la nécessité de conduire une autre politique en faveur de la fonction publique.

M. Guy Geoffroy, après avoir indiqué qu'il était signataire de la proposition de loi, a souligné que la question centrale qui se posait à la fonction publique était celle de ses fins et que ce texte permettait de faire accéder aux différents emplois ouverts aux concours les personnes les plus adaptées, sans distinction d'âge, et d'ouvrir, en conséquence, la fonction publique à des profils différents, susceptibles d'être enrichissants pour les administrations. Il a estimé que certaines initiatives passées, comme la création des emplois-jeunes, avait, à l'inverse du souhait exprimé par M. Dufau, précarisé la situation de nombreux jeunes entrant sur le marché de l'emploi.

M. Alain Marsaud, également signataire de la proposition, a estimé utile de se garder de tout « jeunisme » en la matière et d'offrir à certains salariés du secteur privé une deuxième chance, une nouvelle carrière, ce qui favorisera également l'ouverture d'esprit dans la fonction publique et le brassage des expériences.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

-  la proposition de loi n'a pour objet que d'élargir les conditions d'accès à la fonction publique et ne traite donc pas de la question du nombre de postes offerts ;

-  la suppression des limites d'âges pour l'accès aux corps enseignants a été décidée en 1989, nonobstant le maintien de la règle des quinze ans de service pour l'ouverture de droits à la retraite, tandis que l'affirmation du principe de non-discrimination en fonction de l'âge a été posé par le législateur en 2001 ;

-  l'évolution du marché du travail dans le sens d'une plus grande mobilité des travailleurs exige de permettre aux salariés du secteur privé, y compris aux travailleurs âgés peu qualifiés, d'accéder à la fonction publique, en particulier aux emplois de catégorie C ;

-  la réforme récente des retraites a réglé la question des « polypensionnés » dans le sens de l'intérêt des personnes concernées, ce qui favorisera les passages d'un secteur à l'autre ;

-  les représentants syndicaux consultés n'ont pas été hostiles à la démocratisation de l'accès à la fonction publique par suppression des limites d'âge.

Le président Pascal Clément a estimé que, pour entrer dans la fonction publique, la vocation de servir les citoyens était plus importante que les avantages matériels qu'elle offrait, même si la sécurité attachée aux emplois publics constituait un élément attractif. Il a relevé que la proposition de loi permettrait précisément de répondre de manière plus souple aux desiderata de carrière de chacun et, notamment, de favoriser l'entrée dans un environnement professionnel qui faciliterait leur épanouissement de salariés âgés du secteur privé fragilisés.

À l'issue de ce débat, la Commission a adopté le texte proposé par le rapporteur, les membres du groupe socialiste s'abstenant.

*

* *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République vous demande d'adopter la proposition de loi (n° 1137) dont le texte figure ci-après.

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

PROPOSITION DE LOI TENDANT À SUPPRIMER LES LIMITES D'ÂGE
POUR LES CONCOURS DE LA FONCTION PUBLIQUE

Article premier

L'article 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est ainsi modifié :

I. -  Le quatrième alinéa est ainsi rédigé :

« De même, des conditions d'âge peuvent être fixées, d'une part, pour le recrutement des fonctionnaires dans les corps, cadres d'emplois ou emplois conduisant à des emplois classés dans la catégorie active par le code des pensions civiles et militaires, d'autre part, pour la carrière des fonctionnaires lorsqu'elles résultent des exigences professionnelles, justifiées par l'expérience ou l'ancienneté, requises par les missions qu'ils sont destinés à assurer dans leur corps, cadre d'emplois ou emploi. »

II. -  Il est inséré, après le quatrième alinéa, un alinéa ainsi rédigé :

« À titre exceptionnel, des limites d'âge peuvent être maintenues, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'État, pour le recrutement par voie de concours dans certains corps, cadres d'emploi et emplois, compte tenu des exigences spécifiques de formation nécessaires pour l'accès à ces corps, cadres d'emplois et emplois. »

Article 2

Les limites d'âge fixées par la réglementation pour le recrutement des fonctionnaires dans les corps, cadres d'emplois ou emplois qui ne remplissent pas les critères fixés à l'article précédent demeurent applicables jusqu'au 1er janvier 2005.

TABLEAU COMPARATIF

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Texte en vigueur

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Conclusions de la Commission

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Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983
portant droits et obligations
des fonctionnaires

Art. 6. -  La liberté d'opinion est garantie aux fonctionnaires.

Article 1er

L'article 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est ainsi modifié :

Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses, de leur origine, de leur orientation sexuelle, de leur âge, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur apparence physique, de leur handicap ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race.

I - Le quatrième alinéa est ainsi rédigé :

Toutefois, des distinctions peuvent être faites afin de tenir compte d'éventuelles inaptitudes physiques à exercer certaines fonctions.

De même, des conditions d'âge peuvent être fixées, d'une part, pour le recrutement des fonctionnaires, lorsqu'elles visent à permettre le déroulement de leur carrière, d'autre part, pour la carrière des fonctionnaires, lorsqu'elles résultent des exigences professionnelles, justifiées par l'expérience ou l'ancienneté, requises par les missions qu'ils sont destinés à assurer dans leur corps, cadre d'emplois ou emploi.

« De même, des conditions d'âge peuvent être fixées, d'une part, pour le recrutement des fonctionnaires dans les corps, cadres d'emplois ou emplois conduisant à des emplois classés dans la catégorie active par le code des pensions civiles et militaires, d'autre part, pour la carrière des fonctionnaires lorsqu'elles résultent des exigences professionnelles, justifiées par l'expérience ou l'ancienneté, requises par les missions qu'ils sont destinés à assurer dans leur corps, cadre d'emplois ou emploi. »

II - Il est inséré, après le quatrième alinéa, un alinéa ainsi rédigé :

« À titre exceptionnel, des limites d'âge peuvent être maintenues, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'État, pour le recrutement par voie de concours dans certains corps, cadres d'emploi et emplois, compte tenu des exigences spécifiques de formation nécessaires pour l'accès à ces corps, cadres d'emplois et emplois. »

Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération :

1° Le fait qu'il a formulé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire respecter les principes énoncés au deuxième alinéa du présent article ;

2° Ou bien le fait qu'il a témoigné d'agissements contraires à ces principes ou qu'il les a relatés.

Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé aux agissements définis ci-dessus.

Article 2

Les limites d'âge fixées par la réglementation pour le recrutement des fonctionnaires dans les corps, cadres d'emplois ou emplois qui ne remplissent pas les critères fixés à l'article précédent demeurent applicables jusqu'au 1er janvier 2005.

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N° 1517 - Rapport sur la proposition de loi tendant à supprimer les limites d'âge pour les concours de la fonction publique (M. Serge Poignant)

1 () Voir rapport de M. Guy Berger au ministre de la fonction publique, de la réforme de l'État et de l'aménagement du territoire, sur les dispositions relatives aux fonctionnaires souhaitant exercer une activité dans le secteur privé, septembre 2003.

2 () Article 6 de la déclaration des droits de l'homme ; Conseil constitutionnel, décision du 14 janvier 1983 ; Conseil d'État, 26 juin 1989, Fédération des syndicats généraux de l'éducation nationale.

3 () L'article L. 4 du code des pensions civiles et militaires dispose en effet que le droit à pension est acquis aux fonctionnaires après quinze années accomplies de services civils et militaires effectif.

4 () Depuis la loi du 31 mars 1932, les emplois classés en catégorie active, dénommés emplois de catégorie B, sont définis par décret et rassemblent les emplois « présentant un risque particulier et des fatigues exceptionnelles » (décret n° 54-832 du 13 août 1954 modifié).

5 () Conseil d'État, 1er mars 1946, Lauletta.

6 () Conseil d'État, 8 mars 1989, Despiau.

7 () C'est le cas pour l'accès au concours externe d'entrée à l'École nationale d'administration (article 4 du décret n° 82-810 du 27 septembre 1982).

8 () Loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations.

9 () Décret n° 89-574  du 16 août 1989 modifiant le décret n° 86-487 du 14 mars 1986 relatif au recrutement et à la formation des instituteurs ; décret n° 89-572 du 6 août 1989 portant diverses mesures statutaires relatives au recrutement dans certains corps de personnels enseignants et d'éducation de l'enseignement secondaire.

10 () Décret n° 90-709 du 1er août 1990 portant suppression des limites d'âge applicables aux recrutements par concours internes dans les corps de la fonction publique de l'État. Un dispositif identique a été adopté au profit des fonctionnaires hospitaliers par le décret n° 91-791 du 14 août 1991 portant suppression des limites d'âge applicables aux recrutements par concours internes dans les corps de la fonction publique hospitalière.

11 () Décret n° 77-788 du 12 juillet 1977 relatif à la limite d'âge applicable au recrutement par concours de certains emplois publics en faveur des femmes élevant leur enfant ou ayant élevé au moins un enfant.


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