Accueil > Documents parlementaires > Les rapports législatifs
Version PDF
Retour vers le dossier législatif


N
° 3452

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 21 novembre 2006

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, DE l’ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 3444) DE M. ALFRED ALMONT, RAPPORTEUR DE LA DÉLÉGATION POUR L’UNION EUROPÉENNE, sur la réforme du volet interne de l’organisation commune des marchés dans le secteur de la banane,

PAR M. JOËL BEAUGENDRE,

Député.

——

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I.— L’ORGANISATION COMMUNE DES MARCHÉS DANS LE SECTEUR DE LA BANANE 8

A.— LA PRODUCTION DE BANANE COMMUNAUTAIRE 8

B.— LES ÉVOLUTIONS DE L’OCM BANANE 9

II.— LA RÉFORME PROPOSÉE PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE POUR LE VOLET INTERNE DE L’OCM 11

A.— LES SCÉNARIOS ENVISAGÉS 11

B.— L’INSERTION DE L’OCM BANANE DANS LA POLITIQUE EN FAVEUR DES RÉGIONS ULTRA-PÉRIPHÉRIQUES 11

C.— LE DÉBAT ENTRE LES ÉTATS MEMBRES 13

III.— LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION ADOPTÉE PAR LA DÉLÉGATION POUR L’UNION EUROPÉENNE 13

A.— DES CONSIDÉRANTS QUI ÉTABLISSENT CLAIREMENT LES DONNÉES DU PROBLÈME 13

B.— DES RECOMMANDATIONS CENTRÉES SUR LA NÉCESSAIRE PRÉSERVATION DU REVENU DES PRODUCTEURS 14

EXAMEN EN COMMISSION 17

MESDAMES, MESSIEURS,

Le secteur de la banane est vital pour les Antilles françaises. En effet, si la production communautaire de banane occupe une part modeste dans l’approvisionnement du marché intérieur, elle joue néanmoins un rôle structurant dans les régions productrices, les Canaries, Madère et bien sûr les Antilles. Ainsi, en Martinique, elle représente le tiers de la surface agricole utile et la moitié de la production agricole. En Guadeloupe, la banane est la première production agricole : elle représente 15 % de la valeur ajoutée et occupe 6 % de la population active.

La production de banane communautaire est cependant sérieusement menacée par la banane d’Amérique du Sud produite et exportée dans des conditions économiques, sociales et environnementales très éloignées des standards que nous appliquons en Europe et tentons de promouvoir au niveau international.

Lors de la création du marché commun en 1993, un régime de protection a été mis en place au niveau communautaire, par le biais d’une organisation commune des marchés (OCM) dans le secteur de la banane. Celle-ci reposait initialement sur un volet interne, consistant en une aide aux producteurs destinée à compenser les fluctuations du marché, et un volet externe consistant en une protection contingentaire et tarifaire. Le volet externe du dispositif a cependant été remis en cause à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et forcé d’évoluer sous les coups de boutoir portés par les grands pays producteurs sud-américains. Ainsi, depuis le 1er janvier 2006, l’Union européenne a dû renoncer à son régime de contingent pour se contenter d’un tarif douanier uniforme de 176 euros la tonne de banane importée. Cette concession majeure doit être considérée à sa juste valeur par nos partenaires commerciaux. C’est pourquoi, s’agissant du volet externe de l’OCM, l’heure est avant tout à la consolidation et à la défense de ce tarif, aujourd’hui menacé par une plainte déposée devant l’OMC par l’Équateur.

En lien avec la réforme du volet externe de l’OCM, une réforme du volet interne s’imposait. En effet, le régime de l’aide compensatoire entrait en contradiction avec les principes de la Politique agricole commune réformée en 2003, en isolant artificiellement les producteurs des évolutions du marché. Par ailleurs, celui-ci n’avait pas été sans entraîner certaines distorsions au sein des pays producteurs, et bénéficiait essentiellement, en raison de son mécanisme de calcul, aux îles Canaries (1).

La réforme du volet interne de l’OCM banane a fait l’objet de longues et âpres discussions au terme desquelles on peut estimer que les revendications des producteurs locaux ont été entendues et prises en compte par la Commission européenne. En témoigne notamment la volonté de Mme Mariann Fisher Boel, commissaire en charge de l’agriculture, d’inscrire la réforme de l’OCM banane dans le cadre de la politique en faveur des régions ultrapériphériques, rappelant ainsi l’existence d’un « devoir de solidarité » de la Communauté vis-à-vis de ces régions et de leurs habitants.

La proposition de réforme, qui devrait être adoptée par le Conseil agriculture et pêche le 20 décembre 2006 afin d’entrer en vigueur au 1er janvier 2007, a en outre un double avantage : sa simplicité et son acceptabilité au niveau international. Elle vise en effet à supprimer l’actuel régime d’aide compensatoire et à transférer les financements afférents soit dans le cadre des programmes POSEI (programmes d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité) pour les États membres où les producteurs appartiennent à des régions ultrapériphériques (RUP), soit dans le cadre du régime des droits à paiement unique pour les autres États membres. Les aides actuellement versées aux producteurs dans les RUP seraient donc non seulement pérennisées mais s’inscriraient désormais dans le cadre d’une politique structurelle, échappant ainsi au classement dans la « boîte orange » de l’OMC (2). Enfin, la possibilité laissée aux États membres de mettre en œuvre les mesures de soutien qu’ils jugent les plus appropriées, dans les limites de l’enveloppe budgétaire allouée par l’Union européenne, constitue également un des aspects positifs de l’option retenue par la Commission.

Il donc logique que l’objet premier de la proposition de résolution adoptée par la Délégation pour l’Union européenne sur le rapport de M. Alfred Almont le 15 novembre 2006 (3) soit de soutenir la proposition de réforme soumise aux États membres par la Commission européenne. Ce soutien est néanmoins assorti d’un certain nombre de recommandations utiles, détaillées ci-après, visant aussi bien le futur règlement du Conseil concernant le secteur de la banane que la mise en œuvre de la réforme et son articulation avec les négociations menées dans le cadre de l’OMC.

I.— L’ORGANISATION COMMUNE DES MARCHÉS DANS LE SECTEUR DE LA BANANE

A.— LA PRODUCTION DE BANANE COMMUNAUTAIRE

À la suite du dernier élargissement en 2004, l’Union européenne est devenue le premier marché mondial de bananes-dessert, la consommation s’élevant à 4,3 millions de tonnes par an.

Les bananes importées d’Amérique latine (4) représentent 67 % du marché communautaire et celles importées des pays de la zone ACP (Afrique – Caraïbes – Pacifique) 17 %. Les bananes produites dans l’Union européenne représentent donc environ 16 % de l’approvisionnement communautaire total (5). Elles proviennent quasi-exclusivement de régions ultrapériphériques (RUP) situées dans des zones tropicales ou sub-tropicales, les Canaries, les Antilles et Madère ; moins de 2 % du total sont produites à Chypre, en Grèce et au Portugal continental.

Dans les RUP, la production de banane constitue un pilier de l’équilibre économique, social et environnemental local : 30 % de la main-d’œuvre agricole est employée dans ce secteur aux Canaries ; en Martinique, où ce chiffre est deux fois supérieur (60 %), 47 % du PIB agricole provient du secteur de la banane (6). Au total, la banane contribue au maintien de près de 14 000 exploitations (7), générant environ 25 000 emplois directs (8). La banane est donc un élément important de la viabilité économique de ces régions ultrapériphériques, le transport de bananes justifiant notamment l’existence de routes maritimes régulières entre les régions productrices et l'Europe. La production de banane est en effet quasi-exclusivement destinée au marché continental, contrairement aux autres cultures locales : elle a donc un rôle stratégique, auquel aucune autre production agricole ne peut pour l’heure se substituer.

Par ailleurs, en termes de compétitivité et de qualité de production, il faut noter qu’en dépit de conditions géographiques difficiles et de coûts de la main-d’œuvre nettement supérieurs à ceux de la plupart des pays tiers producteurs, la productivité de la culture communautaire de banane à l’hectare est l’une des plus élevées au monde (9). La production communautaire se distingue en outre par une utilisation limitée de pesticides et des principes de gestion environnementale de cette culture tout à fait remarquables (10).

Toutefois, en raison de la compétition externe, la situation économique dans le secteur de la banane est aujourd’hui particulièrement tendue. Les négociations en cours à l’OMC sur le tarif douanier applicable aux bananes importées dans l’Union européenne, pour l’heure fixé à 176 euros la tonne, sont encore loin d’être stabilisées – ce qui constitue un risque potentiel de voir à nouveau ce tarif baisser – mais ont déjà eu des répercussions sur le marché et la production communautaires depuis le 1er janvier 2006, puisque l’on constate déjà une concurrence accrue des bananes provenant de pays tiers.

Il existe donc un risque sérieux de fragilisation de cette culture, notamment aux Antilles, où les écarts de coût et de conditions de production par rapport aux pays exportateurs sud-américains, sont particulièrement importants. La réforme de l’OCM revêt donc un enjeu crucial pour le maintien de la filière banane en Martinique et en Guadeloupe.

B.— LES ÉVOLUTIONS DE L’OCM BANANE

Avant l’instauration de l’OCM banane en 1993, les régimes d’importation de bananes étaient réglementés par des normes nationales, sur des bases très diverses selon les États membres (11).

Lors de la création du marché commun, le règlement (CEE) n° 404/93 du Conseil du 13/02/1993 a donc créé une organisation commune des marchés (OCM) dans le secteur de la banane poursuivant principalement deux objectifs :

– créer un marché garantissant la libre circulation des produits et assurant l’approvisionnement du marché en produits de qualité homogène et satisfaisante ;

– permettre l’écoulement dans le marché communautaire, à des prix équitables tant pour les producteurs que pour les consommateurs, des bananes produites dans la Communauté ainsi que celles originaires des États ACP, conformément aux dispositions de la convention de Lomé (1975) puis à l’accord de Cotonou (2000).

L’OCM banane reposait alors sur deux piliers : un régime de soutien aux producteurs, essentiellement sous la forme d’une aide compensatoire, aux modalités de calcul complexes (12), complétée par la suite par une prime à l’arrachage pour les exploitants souhaitant cesser leur activité (volet interne), et un régime commun pour les échanges avec les pays tiers, basé sur un système de contingents tarifaires (volet externe).

Le volet externe de l’OCM se décomposait en régimes contingentaires et tarifaires différents :

– un premier contingent de 857 700 tonnes à droit nul pour les bananes « quantités traditionnelles ACP » ;

– un second contingent de 2 millions de tonnes réparti entre les bananes des pays tiers soumises à un droit de douane réduit et les bananes « quantités non traditionnelles » des pays ACP à droit nul ;

– enfin, hors contingent, un droit de douane fixé initialement à 850 écus la tonne pour les pays tiers et 750 écus pour les pays ACP était applicable.

En sus, toute importation de bananes dans la Communauté était subordonnée à la présentation d’un certificat d’importation, délivré en fonction de la quantité moyenne de bananes commercialisées dans la Communauté par l’opérateur.

Le règlement (CEE) n° 404-93 a cependant été modifié à plusieurs reprises, et ce dès 1994, afin de tenir compte à la fois du résultat des négociations menées dans le cadre de l’Uruguay round, puis à l’Organisation mondiale du commerce, et des engagements pris par l’Union européenne en faveur des pays ACP. La dernière réforme en date résulte de l’accord signé en 2001 par l’Union européenne, d’une part, et l’Équateur et les États-Unis, d’autre part, visant à mettre fin au différend les opposant sur la banane en convenant de passer d’ici le 1er janvier 2006 du régime alliant droits et contingents à un régime d’importation uniquement tarifaire (13).

La mise en place d’un régime d’importation équilibré doit cependant non seulement permettre de répondre aux exigences du commerce international mais doit également assurer le maintien d’un prix rémunérateur pour la production communautaire. Cette double exigence doit être reconnue par nos partenaires commerciaux. A cet égard, il faut regretter l’attitude belliqueuse de l’Équateur qui, par le dépôt d’une plainte à l’OMC contre le nouveau régime communautaire d’importation des bananes, ne peut que contribuer à radicaliser les positions de chacune des parties en interrompant les consultations menées depuis décembre 2005 à ce sujet.

Rappelons que les États sud-américains ont déjà obtenu gain de cause par deux fois en dénonçant devant l’OMC les propositions tarifaires de l’Union européenne (fixation d’un droit de douane à 230 euros la tonne puis à 187 euros). Néanmoins, au cours des huit premiers mois de 2006 pendant lesquels le nouveau tarif de 176 euros a été appliqué, on observe que les ventes de bananes sud-américaines ont progressé de 8 % sur le marché communautaire.

II.— LA RÉFORME PROPOSÉE PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE POUR LE VOLET INTERNE DE L’OCM

A.— LES SCÉNARIOS ENVISAGÉS

Dans la perspective de la mise en œuvre du nouveau régime d’importation au 1er janvier 2006, la Commission européenne a lancé en février 2005 une phase de réflexion sur le volet interne de l’OCM banane avec la publication d’un rapport d’évaluation réalisé par la société italienne COGEA (Consulenti per la gestione aziendale). Cette phase a coïncidé avec de nombreux changements : l’entrée dans le cycle de Doha, la conclusion d’une nouvelle génération d’accords avec les pays ACP, la fin de l’exemption des bananes dans le cadre de l’accord TSA (« Tous sauf les armes ») et la rénovation du cadre de la politique de l’Union en faveur de ses régions ultrapériphériques avec l’adoption d’un nouveau règlement relatif aux programmes POSEI destinés spécifiquement à soutenir l’agriculture dans ces régions.

Plusieurs pistes de réforme ont été envisagées par la Commission :

– le statu quo, option la moins viable de toutes ;

– le découplage total des aides dans l’ensemble des régions de production, selon la formule retenue dans le cadre de la réforme de la PAC de 2003 ;

– l’option « décentralisée », consistant à octroyer une enveloppe financière à chaque État membre concerné, libre ensuite de la répartir en fonction des caractéristiques de ses régions productrices et des différentes composantes de ladite enveloppe (option issue des propositions avancées par les États membres producteurs dans leur mémorandum commun du 20 septembre 2005) ;

– l’option « POSEI », supprimant le régime d’aide compensatoire et transférant les financements afférents dans le cadre de programmes spécifiques aux productions agricoles des régions ultrapériphériques de l’Union, qui a finalement été choisie.

B.— L’INSERTION DE L’OCM BANANE DANS LA POLITIQUE EN FAVEUR DES RÉGIONS ULTRA-PÉRIPHÉRIQUES

Comme l’a indiqué Mme Mariann Fischer Boel, lors de la présentation de la réforme le 20 septembre 2006, celle-ci doit « contribuer à garantir un niveau de vie équitable aux producteurs, à stabiliser les dépenses publiques et à renforcer le rôle directeur du marché, tout en tenant compte de l’importance des bananes dans l’économie de régions qui bien souvent pâtissent de leur éloignement et des difficultés découlant de la petite taille de leurs exploitations et de leur relief tourmenté ».

Dans cette perspective, il est apparu que la meilleure option consistait à abolir le régime actuel d’aide compensatoire et de le remplacer, pour les régions ultra-périphériques, par un régime d’aide au secteur de la banane intégré dans le cadre des programmes POSEI (programmes d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité).

Rappelons à cet égard que les régions ultrapériphériques se sont vues reconnaître un traitement spécial lors de l’adoption du traité d’Amsterdam en 1999. Leurs spécificités sont en effet désormais reconnues par l’article 299 § 2 du traité instituant la Communauté européenne qui dispose notamment que « (…) compte tenu de la situation économique et sociale structurelle des départements français d'outre-mer, des Açores, de Madère et des îles Canaries, qui est aggravée par leur éloignement, l'insularité, leur faible superficie, le relief et le climat difficiles, leur dépendance économique vis-à-vis d'un petit nombre de produits, facteurs dont la permanence et la combinaison nuisent gravement à leur développement, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, arrête des mesures spécifiques visant, en particulier, à fixer les conditions de l'application du présent traité à ces régions, y compris les politiques communes ».

Dans ce cadre, le règlement (CE) n° 247/2006 du Conseil du 30 janvier 2006 prévoit l’instauration de programmes spécifiques en faveur des productions agricoles des régions ultrapériphériques, dits programmes POSEI. Cet instrument semble donc le mieux adapté pour soutenir la production de bananes dans chacune des régions concernées, car il permet aux différents États membres de proposer, dans le cadre de leurs programmes de soutien globaux, des mesures prenant en compte les particularités régionales.

La Commission prévoit dans ce cadre d’augmenter la dotation budgétaire des programmes POSEI de 278,8 millions d’euros, divisés entre les États membres concernés selon la clé de répartition suivante : 50,4 % pour l’Espagne, 46,1 % pour la France, 3,1 % pour le Portugal et 0,4 % pour la Grèce.

Pour les régions productrices hors RUP (14), l’aide sera intégrée, sous la forme d’un soutien en tout ou partie découplé de la production, dans le régime des droits à paiement unique instauré dans le cadre de la réforme de la Politique agricole commune de 2003.

Une clause de rendez-vous est en outre prévue, la Commission devant évaluer le fonctionnement du régime avant la fin 2009, voire avant en cas de changement significatif dans les conditions économiques affectant les sources de revenus dans les régions ultrapériphériques.

C.— LE DÉBAT ENTRE LES ÉTATS MEMBRES

Un nombre important d’États membres soutiennent aujourd’hui l’approche globale de la réforme proposée par la Commission européenne. Les pays producteurs, la France, l’Espagne, le Portugal, la Grèce et Chypre se sont déclarés satisfaits de ses propositions. D’autres États membres s’y sont par ailleurs ralliés, tels la Pologne, l’Autriche, la Lituanie et l’Italie.

En revanche, sur les aspects financiers, certains États membres « consommateurs », notamment la Suède, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et le Danemark, continuent de s’interroger sur le coût de la réforme ainsi que sur les modalités de calcul retenues par la Commission pour aboutir à la somme de 278,8 millions d’euros. Rappelons que ce montant est censé garantir la neutralité budgétaire de l’opération puisqu’il correspond, conformément à la méthode des références historiques déjà appliquée dans le cadre de la réforme de la PAC de 2003, à la moyenne des aides octroyées à la production de banane entre 2000 et 2002, tempérée cependant par une marge de sécurité de 8,5 % visant à tenir compte des variations attendues des prix de la banane en liaison avec la réforme du volet externe de l’OCM.

A cet égard, il semblerait toutefois qu’eu égard à la grande variabilité des cours au niveau international, la poursuite du régime actuel aurait vraisemblablement conduit à consacrer dans les prochaines années un niveau de dépenses équivalent, voire supérieur, à 280 millions d’euros, au secteur de la banane.

III.— LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION ADOPTÉE PAR LA DÉLÉGATION POUR L’UNION EUROPÉENNE

A.— DES CONSIDÉRANTS QUI ÉTABLISSENT CLAIREMENT LES DONNÉES DU PROBLÈME

La plupart des aspects évoqués précédemment sont repris dans les considérants de la proposition de résolution adoptée par la Délégation pour l’Union européenne le 15 novembre 2006.

Le premier considérant rappelle en effet l’importance du secteur de la banane pour les régions ultrapériphériques de l’Union européenne, en particulier pour la Guadeloupe et la Martinique.

Le second souligne que la réforme proposée par la Commission est assise sur un principe constitutif de la politique de l’Union européenne en faveur des régions ultrapériphériques, principe posé à l’article 299 paragraphe 2 du traité instituant la Communauté européenne. Issu du traité d’Amsterdam, cet article reconnaît en effet explicitement les spécificités de ces régions ultrapériphériques de l’Union européenne et leur garantit un traitement spécifique dans la mise en œuvre des politiques communes de l’Union.

Comme cela est indiqué dans le corps même de la proposition de résolution, faire référence à l’article 299 paragraphe 2 dans la base juridique du futur règlement concernant le secteur de la banane est donc essentiel. Il s’agit là en effet d’une précision majeure, non seulement quant aux fondements de la réforme mais également pour sa justification, en particulier aux yeux de l’Organisation mondiale du commerce.

Le troisième considérant est en quelque sorte la conclusion logique des deux premiers dans la mesure où il insiste sur le caractère indispensable de l’aide communautaire à la production de bananes dans les régions ultrapériphériques.

Enfin, les deux derniers considérants rappellent le contexte international en insistant, pour le premier, sur la concurrence déloyale subie par les producteurs communautaires de la part des producteurs d’Amérique du Sud, et pour le second, sur la guerre commerciale qui en a résulté au niveau de l’OMC et les concessions auxquelles l’Union européenne a dû consentir dans ce cadre.

B.— DES RECOMMANDATIONS CENTRÉES SUR LA NÉCESSAIRE PRÉSERVATION DU REVENU DES PRODUCTEURS

Dans la mesure où la proposition de réforme de la Commission fait consensus au sein des pays producteurs de l’Union tout en suscitant des réserves de la part de certains États membres non producteurs, qui auraient souhaité qu’elle s’accompagne d’une baisse du niveau de soutien au secteur de la banane, le premier point de la proposition de résolution vise avant tout à apporter son appui à la réforme proposée.

Le second point porte sur le volet financier de la réforme : si l’enveloppe budgétaire globale – et sa répartition entre les États membres – peut-être considérée comme satisfaisante, la proposition de résolution met l’accent sur les modalités de mise en œuvre de cette aide décentralisée au niveau des États membres. Elle appelle ainsi à la fixation de critères « objectifs et transparents, liés à l’évolution du marché ». En effet, il faut toujours garder à l’esprit que l’objectif numéro un est de garantir un niveau de revenus décent pour les producteurs. Si les modalités de distribution des aides se réfèrent clairement à des critères économiques, les évolutions des prix seront d’autant mieux prises en compte, en particulier pour justifier un ajustement de l’enveloppe budgétaire communautaire.

Le troisième point demande à ce que certaines précisions soient apportées dans le cadre de la réforme, toujours dans le souci de veiller à la préservation du revenu des producteurs locaux :

– d’une part, il faut que les dispositions relatives à la clause de révision se réfèrent clairement à l’évolution des marchés et des prix ; qu’elles visent précisément sous le vocable de « changement significatif des conditions économiques affectant les sources de revenu dans les régions ultrapériphériques » le revenu des producteurs de bananes ; et, enfin, qu’elles prévoient la rédaction d’un rapport spécifique sur le sujet ;

– d’autre part, il est nécessaire que la base juridique du futur règlement fasse explicitement référence à l’article 299 paragraphe 2 du traité instituant la Communauté européenne, afin d’asseoir les fondements juridiques du versement de l’aide aux producteurs de bananes et de garantir sa compatibilité avec les règles du commerce international.

Le quatrième point de la proposition de résolution s’attache aux modalités concrètes de mise en œuvre de la réforme et notamment à la transition entre les deux régimes d’aide s’agissant des versements aux producteurs (15). Il réclame également à l’adresse du gouvernement l’élaboration d’un plan de modernisation de la filière, destiné à accompagner la réforme (16). D’une manière générale, la réactivité et l’anticipation du gouvernement français seront des éléments déterminants de la réussite de cette réforme, notamment en vue d’obtenir de la Commission une validation rapide et satisfaisante de sa déclinaison nationale.

Enfin, le dernier point de la proposition de résolution concerne le tarif douanier actuellement applicable aux bananes importées. En effet, ce tarif constitue le dernier rempart préservant la préférence communautaire dans le secteur de la banane. Il doit donc être ardemment défendu par les autorités communautaires à l’OMC.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du 22 novembre 2006, la Commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire a examiné, sur le rapport de M. Joël Beaugendre, la proposition de résolution de M. Alfred Almont (n° 3344) sur la réforme de l’organisation commune des marchés de la banane.

Après l’exposé du rapporteur, M. Philippe Edmond-Mariette a exprimé son soutien à la proposition de résolution et souligné les deux points suivants :

– la disparition de la sole bananière aux Antilles entraînerait un effondrement du niveau de vie des habitants et une augmentation exponentielle des prix à la consommation. L’économie des Antilles est en effet une économie dépendante, où le coût du fret revêt une importance cruciale. A l’heure actuelle, la fréquence du passage des bateaux est hebdomadaire ; si ces derniers devaient repartir à vide, sans chargement de bananes, la fréquence deviendrait bimensuelle, ce qui entraînerait des effets induits colossaux ;

– la diversification de l’agriculture aux Antilles est un enjeu majeur, néanmoins compliqué par la présence de pesticides dans les sols et notamment du chlordécone, dont la rémanence compromet durablement, du moins pour les cinquante prochaines années, toute tentative de reconversion. En dépit de la publication d’un rapport d’information sur le sujet par la commission, les Antillais attendent d’ailleurs toujours du ministre de l’agriculture qu’il mette en œuvre les mécanismes d’accompagnement et de reconversion de la filière nécessaires.

En conclusion, il a réaffirmé son soutien à la proposition de résolution adoptée par la Délégation pour l’Union européenne, tout en estimant qu’étant donné les tractations auxquelles la définition de l’enveloppe financière de la réforme avait donné lieu, il aurait suffi de prendre acte du montant accordé au secteur de la banane, sans aller jusqu’à s’en féliciter, comme cela est le cas au point 2 de ladite proposition de résolution.

M. Éric Jalton a pour sa part regretté que la proposition de résolution ne mette pas davantage l’accent sur l’équité qui doit présider à la répartition de l’enveloppe communautaire entre les deux régions françaises productrices de bananes, à savoir la Martinique et la Guadeloupe. A cet égard, il aurait été souhaitable que ce principe d’équité fasse l’objet d’un développement spécifique au sein du point 2 de la proposition de résolution.

Après avoir rappelé que la mission d’information de la commission des affaires économiques sur l'utilisation du chlordécone et autres pesticides dans l'agriculture martiniquaise et guadeloupéenne avait pu constater à quel point le chlordécone continuait d’infester les sols antillais, le rapporteur a approuvé les propos de M. Philippe Edmond-Mariette et confirmé les difficultés rencontrées par la diversification agricole aux Antilles et les limites de la reconversion engagée.

Il est donc capital qu’une sole reste plantée en banane. Toutefois, dans la mesure où ce point ne fait pas débat et où la proposition de réforme de la Commission européenne témoigne en elle-même de la prise de conscience de cet enjeu au niveau communautaire, il n’a pas été jugé utile de repréciser cet aspect dans la proposition de résolution. De même, s’agissant du montant de l’enveloppe financière, la phase des négociations en amont de la proposition de réforme étant désormais achevée, il apparaît loisible au Parlement de se féliciter de la somme obtenue par la France dans le cadre des programmes POSEI. Quant à la répartition de cette somme entre la Guadeloupe et la Martinique, il ne s’agit pas à proprement parler d’une préoccupation européenne mais plutôt d’une question interne à la France, qui n’aurait pas totalement sa place dans le texte d’une proposition de résolution. Toutefois, il conviendra d’être vigilant sur cette question et d’interroger le ministre de l’agriculture sur la répartition prévue dans ce cadre.

La Commission est ensuite passée à l’examen du texte de la proposition de résolution et des deux amendements présentés par le rapporteur.

La Commission a tout d’abord adopté un amendement au deuxième considérant, après que M. Joël Beaugendre, rapporteur, a indiqué qu’il s’agissait d’un amendement de précision visant à mentionner le traité d’Amsterdam.

Puis elle a examiné un amendement rédactionnel au cinquième considérant tendant à apporter une précision quant à l’étendue des concessions déjà réalisées par la Communauté européenne sur le volet externe de l’OCM banane. M. Joël Beaugendre, rapporteur, ayant précisé qu’il convenait à ses yeux de bien insister sur l’abandon par la Communauté européenne de son ancien régime de protection contingentaire et tarifaire pour ne conserver qu’une protection tarifaire, la Commission a adopté cet amendement.

Elle a ensuite adopté, à l’unanimité, la proposition de résolution ainsi modifiée.

*

* *

En conséquence, la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire vous demande d’adopter la proposition de résolution, dont le texte suit :

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

sur la réforme du volet interne de l’organisation commune
des marchés dans le secteur de la banane

Article unique

L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de règlement du Conseil modifiant les règlements (CEE) n° 404/93, (CE) n° 1782/2003 et (CE) n° 247/2006 en ce qui concerne le secteur de la banane (COM [2006] 489 final/n° E 3266),

Considérant le rôle fondamental que joue, tant sur le plan de l'économie et de l'aménagement du territoire que social et humain, la production et le commerce de la banane dans les régions ultrapériphériques de l'Union européenne, en particulier en Guadeloupe et en Martinique ;

Considérant les handicaps spécifiques et permanents dont souffrent ces régions et qui justifient un traitement différencié au sein de la Communauté européenne, lequel est reconnu par l'article 299§2 du traité instituant la Communauté européenne, issu du traité d’Amsterdam ;

Considérant que l'aide communautaire à la production de bananes est indispensable au maintien des équilibres fragiles de ces régions et qu'elle constitue, de fait, une expression du droit à la cohésion, garanti par le traité, de ces territoires ;

Considérant que la production de bananes est conditionnelle du développement de régions confrontées à une concurrence déloyale exercée, parfois au mépris des droits des travailleurs, par les producteurs d'Amérique latine, lesquels mènent, depuis plus de dix ans, avec l'appui des multinationales des États-Unis, une guerre commerciale contre le dispositif communautaire, en ayant recours aux procédures de l'Organisation mondiale du commerce ;

Considérant que, depuis le 1er janvier 2006, la Communauté européenne a dû abandonner son régime de protection contingentaire et tarifaire et désormais met en œuvre un système de protection de son marché uniquement tarifaire, lequel amène les producteurs, notamment des Antilles, à commercialiser leurs bananes à des prix de plus en plus bas ;

1. Approuve les principes de la réforme proposée par la Commission européenne le 20 septembre 2006, car elle devrait apporter plus de sécurité aux producteurs des régions ultrapériphériques, en intégrant l'aide à la banane dans un programme permanent d'appui spécifique à ces régions, dit programme POSEI ;

2. Se félicite du montant de l'enveloppe budgétaire proposée pour l'aide aux producteurs, notamment ultrapériphériques, qui bénéficieront de 278,8 millions d'euros, lequel est satisfaisant, tout en souhaitant que les dispositifs nationaux de mise en œuvre du soutien destiné aux régions ultrapériphériques s'appuient sur des critères objectifs et transparents, liés à l'évolution du marché ;

3. Demande que soient apportées les deux précisions suivantes, afin de parfaire le projet de réforme et de permettre, dans un contexte de renforcement de la compétition internationale, le recours à une garantie d'intervention claire de la Communauté européenne en cas de chute brutale du revenu des producteurs :

– la clause de révision, qui déclenche une évaluation anticipée du dispositif d'aide, assortie, le cas échéant, de propositions appropriées, doit indiquer, en se référant à l'évolution du marché et des prix, que le changement significatif des conditions économiques affectant les sources de revenu dans les régions ultrapériphériques cible bien le revenu des producteurs de bananes et implique la rédaction d'un rapport spécifique sur le sujet. Si cette clarification n'est pas apportée dans le texte du futur règlement, la Commission doit le faire par le biais d'une déclaration ;

– la base juridique du futur règlement, qui établit un lien entre l'aide à la banane et la situation particulière des régions ultrapériphériques, doit se référer à l'article 299§2 du traité instituant la Communauté européenne ;

4. Juge indispensable que la mise en place du nouveau dispositif tienne compte des effets que pourrait entraîner la suppression des avances aux producteurs antillais et s'accompagne d'un plan de modernisation de la filière, dans la continuité des efforts de restructuration entrepris dans le cadre du contrat de progrès signé en 2004 ;

5. Demande que soit consolidé à l'Organisation mondiale du commerce le droit de douane de 176 euros par tonne actuellement appliqué aux bananes provenant d'Amérique latine, afin d'éviter l'anéantissement de la préférence communautaire, qui doit rester un principe cardinal de la politique agricole commune.

© Assemblée nationale

1 () L’évaluation de l’OCM banane commandée à la COGEA par la Commission européenne en 2005 souligne que, contrairement aux Canaries, aux Antilles, l’aide compensatoire n’a pas permis de garantir un revenu aux producteurs, les recettes effectivement perçues ne réussissant pas à couvrir les coûts de production.

2 () Dans le cadre des négociations à l’OMC, les différents types de soutien à l’agriculture sont classées dans des « boîtes » dont la couleur est censée refléter le sort qui les attend au niveau international : orange (à réduire ou à supprimer), bleue (tolérés si assortis de limites de production) et verte (acceptés sans restriction). Toutes les mesures de soutien interne réputées avoir des effets de distorsion sur la production et les échanges entrent dans la catégorie « orange ». A contrario, les mesures considérées comme sans effet sur le marché, telles les aides totalement découplées ou les programmes en faveur de régions défavorisées, font partie de la boîte verte.

3 () Rapport d’information n° 3443 sur la réforme du volet interne de l’organisation commune des marchés dans le secteur de la banane (COM [2006] 489 final / n° E 3266).

4 () L’Équateur, le Costa Rica, la Colombie et le Panama sont les quatre principaux fournisseurs.

5 () Et à peine plus de 1 % de la production mondiale.

6 () 25 % en Guadeloupe.

7 () Le nombre important d’exploitations est notamment dû à la structure de la production à Madère où la culture en terrasses est le fait de très nombreuses petites exploitations individuelles (0,15 hectare en moyenne).

8 () 30 000 emplois directs et indirects sont ainsi comptabilisés pour les seules Antilles françaises.

9 () A titre d’exemple, les Canaries produisent 44 tonnes à l’hectare alors que le Honduras n’en produit que 20.

10 () Sur le nombre total de pesticides utilisés dans le monde entier pour la production de bananes, l’Union européenne n’en autorise que 30 %. De plus, un effort considérable a été fait au cours des deux dernières années où la quantité de pesticides utilisée dans l’Union a été réduite de 40 %.

11 () Ainsi, alors qu’il n’y avait pas de restrictions quantitatives aux importations de bananes, ni régime tarifaire – ou alors un droit douanier très faible – en Belgique, aux Pays Bas, au Luxembourg et au Danemark, un accès préférentiel était réservé aux pays ACP en France, au Royaume-Uni et en Italie, qui imposaient par ailleurs des licences d’importation assorties d’un droit douane pour les autres pays tiers. Pour la plupart des pays producteurs, le marché intérieur restait réservé à la production nationale.

12 () L’aide, versée par tonne de produit conforme aux normes de qualité communautaires commercialisée, et destinée à compenser la perte de recettes subie par les producteurs du fait de la concurrence avec les pays tiers, est calculée sur la base de la différence entre une recette forfaitaire de référence des bananes produites et commercialisées dans la Communauté (déterminée sur une période de référence antérieure au 1er janvier 1993, déduction faite des coûts de transport et de mise à disposition au port d’embarquement) et la recette à la production moyenne obtenue sur le marché communautaire au cours de l’année n (déterminée sur l’année en question avec les mêmes déductions) ; cette aide étant par ailleurs complétée par des versements supplémentaires dans les régions où la recette à la production moyenne y est significativement inférieure à la recette moyenne communautaire.

13 () L’Union européenne a toutefois obtenu une dérogation en faveur des pays ACP qui continuent de bénéficier d’un accès préférentiel au marché communautaire.

14 () Sont concernés : le Portugal, la Grèce et Chypre.

15 () Rappelons à cet égard que lors de la première année de mise en place de la réforme, les producteurs recevront au premier semestre 2007 les deux dernières avances de l'année 2006, puis un solde qui leur sera versé en juin ou juillet. S’ouvrira ensuite une période sans avance jusqu'en octobre 2006 dont les producteurs antillais estiment qu’elle risque de leur créer de sérieuses difficultés financières.

16 () L'actuel contrat de progrès relatif à la filière banane antillaise, qui prévoit de financer, à hauteur de 25 millions d’euros, la restructuration de la commercialisation et de la production, ainsi que des mesures socio-économiques, comprenant notamment des primes spécifiques à l'arrachage, à la reconversion et au départ, s’achèvera en effet en 2008.