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N° 277

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 11 octobre 2007.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2008 (n° 189)

TOME VIII

SANTÉ

Par M. Jean-Marie ROLLAND

Député.

___

Voir le numéro : 276 (annexe n° 38).

INTRODUCTION 5

I. LE PROJET DE LOI DE FINANCES MAINTIENT LE BUDGET DE LA SANTÉ À SON NIVEAU DE 2007 7

A. LES CRÉDITS DE LA MISSION « SANTÉ » SONT GLOBALEMENT MAINTENUS À LEUR NIVEAU DE 2007 7

B. LES PRIORITÉS DE SANTÉ PUBLIQUE SONT CONFORTÉES 8

C. LES MOYENS DE PILOTAGE DE L’OFFRE DE SOINS SONT RENFORCÉS 9

D. LA MISSION INTERMINISTÉRIELLE DE LUTTE CONTRE LA DROGUE ET LA TOXICOMANIE (MILDT) EST RECENTRÉE SUR SON RÔLE DE COORDINATION INTERMINISTÉRIELLE 11

II. LA RÉGIONALISATION DE LA POLITIQUE DE SANTÉ PUBLIQUE : BILAN ET PERSPECTIVES 13

A. LA MISE EN œUVRE DU NOUVEAU PILOTAGE RÉGIONAL DE LA POLITIQUE DE SANTÉ PUBLIQUE À ÉTÉ DIFFICILE 13

1. Réformée par la loi du 9 août 2004, la politique de santé publique est organisée de façon partenariale à l’échelon régional 13

a) La politique de santé publique est pilotée à l’échelon régional 13

b) La politique de santé publique est organisée sur un mode partenarial mais demeure contrôlée par l’État 15

2. La mise en œuvre de la réforme a été difficile et son application reste inégale 18

a) Les conférences régionales de santé (CRS) constituent un lieu de démocratie sanitaire utile, mais la mobilisation de leur membres est inégale 18

b) Les plans régionaux de santé publique (PRSP) ont permis une mobilisation forte des acteurs régionaux de la santé publique, bien qu'ils ne soient pas toujours suffisamment opérationnels et adapté aux spécificités régionales 19

c) Mis en place tardivement, les groupements régionaux de santé publique (GRSP) n'ont pas réussi à fédérer les actions de l'ensemble des partenaires de l'État 20

B. LA DYNAMIQUE CRÉÉE PAR LA LOI DU 9 AOÛT 2004 EN FAVEUR DE LA SANTÉ PUBLIQUE DOIT ÊTRE PÉRENNISÉE AUTOUR D’INSTITUTIONS CONSOLIDÉES DANS LE CADRE D’UN PILOTAGE RÉGIONAL UNIFIÉ DU SYSTÈME DE SANTÉ 26

1. Les structures de la politique de santé publique méritent d’être consolidées 26

a) L’observation de la santé, le suivi des actions et l’évaluation des plans méritent d’être approfondis 26

b) Dans le pilotage de la politique de santé publique, l’articulation entre le niveau national, l’échelon régional et les territoires doit être améliorée 28

c) La politique de santé publique mérite d'être mieux articulée avec le pilotage de l'offre de soins de ville, la planification hospitalière et l'organisation du secteur médico-social 31

2. La politique de santé publique gagnerait à être incluse dans le périmètre de compétences de futures agences régionales de santé (ARS) 33

a) Au sein d'une ARS, la politique de santé publique serait pilotée par une administration plus importante que le GRSP 33

b) Des mécanismes budgétaires et institutionnels pourraient garantir que la santé publique ne serait pas négligée par les ARS 34

TRAVAUX DE LA COMMISSION 37

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 41

INTRODUCTION

Le projet de loi de finances pour 2008 prévoit de maintenir globalement à leur niveau de 2007 les crédits de la mission « Santé ». Dans un contexte budgétaire particulièrement contraint, cela marque l'importance accordée par le gouvernement à la santé publique, dans le prolongement de la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique.

Ces crédits permettront en effet de financer les actions correspondant aux objectifs et priorités définis par cette loi, ainsi que des programmes répondant aux enjeux de santé publique émergents, comme le futur « plan Alzheimer ».

Pour mettre en œuvre ces actions, la loi du 9 août 2004 a créé des structures régionales ad hoc : les groupements régionaux de santé publique (GRSP), chargés de mettre en œuvre des plans régionaux de santé publique (PRSP) en liaison avec les conférences régionales de santé (CRS).

La seconde partie du présent avis est consacrée cette année à dresser un bilan de la mise en place de ces structures, dans l'optique de la création annoncée d'agences régionales de santé (ARS).

S'il n'y a pas lieu de proposer ici un scénario de réforme, il s'agit d'examiner dans quelles conditions les ARS pourraient promouvoir la santé publique mieux que les GRSP n'ont réussi à le faire.

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances fixe au 10 octobre 2007 la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 89 % des réponses étaient parvenues au rapporteur pour avis.

I. LE PROJET DE LOI DE FINANCES MAINTIENT LE BUDGET DE LA SANTÉ À SON NIVEAU DE 2007

Dans un contexte budgétaire contraint, les crédits de la mission ministérielle « Santé » sont globalement maintenus à niveau. Cette mission comprend trois programmes : le programme n° 204 « Santé publique et prévention », le programme n° 171 « Offre de soins et qualité du système de soins » et le programme n° 136 « Drogue et toxicomanie ».

A. LES CRÉDITS DE LA MISSION « SANTÉ » SONT GLOBALEMENT MAINTENUS À LEUR NIVEAU DE 2007

Dans le projet de loi de finances, il est prévu que les crédits de la mission « Santé » s’élèvent en 2008 à plus de 432 millions d’euros en autorisations d’engagements, contre 425 ouverts pour 2007, soit une augmentation de 1,68 %, et à 430,35 millions d’euros en crédits de paiement, contre 428,65 en 2007, ce qui représente une hausse de 0,39 % (cf. tableau ci-dessous). Ces crédits sont donc stables, ce qui, compte tenu de la faiblesse des marges de manœuvre budgétaires pour 2008, mérite d’être salué.

Évolution des crédits de la mission « santé » : 2007/2008

 

LFI 2007

PLF 2008

variation

Autorisations d’engagement :

425 058 560

432 185 886

1,68%

Crédits de paiement :

428 658 560

430 350 886

0,39%

Source : tableau réalisé d’après les données présentées dans le projet annuel de performance (PAP) de la mission « santé » pour 2008

LFI 2007 : loi de finances initiale pour 2007 – PLF 2008 : projet de loi de finances pour 2008

Il faut d’ailleurs rappeler que les moyens consacrés par la Nation à la politique de santé publique ne se limitent pas aux seuls crédits de cette mission : les régimes d’assurance maladie et les collectivités territoriales financent eux aussi des actions de santé publique. De plus, des dépenses fiscales contribuent aux programmes de cette mission, à hauteur de 1,373 milliard d’euros selon le projet annuel de performance (PAP). Enfin, un programme support extérieur à la mission « Santé » (1) finance pour 388 millions d’euros les dépenses de personnel spécifiques à la mission « Santé » (185 millions d’euros), ainsi que des dépenses de personnel et de fonctionnement communes aux ministères sociaux (actions d’état-major de l’administration sanitaire et sociale, statistiques, études et recherches, et soutien à l’administration sanitaire et sociale).

On signalera que ces ministères atteindront dès 2008 l’objectif de non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux tout en créant 50 postes à la direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS) de la Réunion. Leurs plafonds d’emploi diminuent ainsi de 86 équivalents temps plein travaillés (ETPT).

Si les crédits de la mission « Santé » sont globalement stables, il est prévu que leur répartition entre les trois programmes évolue sensiblement.

B. LES PRIORITÉS DE SANTÉ PUBLIQUE SONT CONFORTÉES

Le programme n° 204 « Santé publique et prévention » poursuit six finalités : concevoir et piloter la politique de santé publique ; promouvoir l'éducation pour la santé ; diminuer la mortalité prématurée évitable par des actions de prévention ; diminuer la morbidité évitable par la prévention ; améliorer la qualité de vie des personnes malades et lutter contre les incapacités ; réduire les inégalités de santé en réduisant les inégalités d’accès à la prévention.

Pour décliner ces finalités ainsi que les cinq plans nationaux prioritaires (2) et les objectifs de santé publique prévus pour cinq ans par la loi n° 2004-809 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, ce programme est structuré en quatre actions, pilotées par la direction générale de la santé (DGS) qui s'appuie sur deux opérateurs : l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) et l'Institut national du cancer (INCa).

Le projet de loi de finances pour 2008 prévoit de maintenir à son niveau de 2007 le financement global de ce programme (cf. tableaux ci-dessous), avec un effort particulier pour l’action sur les déterminants de santé (action n° 2) et pour la qualité de vie des personnes atteintes de maladies longues (action n° 4).

Crédits de paiement du programme n° 204 « santé publique et prévention »

Action

LFI 2007

PLF 2008

variation

1

Pilotage de la politique de santé publique

31 363 485

30 941 738

-1,34%

2

Déterminants de santé

31 451 314

34 761 624

10,53%

3

Pathologies à forte morbidité

218 824 324

214 471 534

-1,99%

4

Qualité de vie et handicap

6 870 885

10 097 144

46,96%

Total pour le programme n° 204 :

288 510 008

290 272 040

0,61%

Source : tableau réalisé d’après les données présentées dans le projet annuel de performance (PAP) de la mission « santé » pour 2008

NB : pour ce programme, le montant des autorisations d’engagement est égal à celui des crédits de paiement.

Les crédits prévus pour 2008 permettront de poursuivre le financement des priorités nationales de santé publique, à savoir :

– la lutte contre le cancer (56,5 millions d'euros), axée notamment sur le dépistage organisé des cancers du sein (21 millions) et la généralisation du dépistage du cancer colorectal (19 millions) ;

– la lutte contre le VIH/SIDA, les infections sexuellement transmissibles et les hépatites (47,3 millions d'euros), organisée en partenariat avec des associations locales ;

– les actions « recentralisées » (3) de lutte contre les autres maladies infectieuses (46,2 millions d'euros, dont 17,6 pour les structures de vaccination) ;

– l’application du plan « psychiatrie et santé mentale » 2005-2008, avec en 2008 le lancement d'une nouvelle stratégie de prévention du suicide et du nouveau dispositif d'injonction de soins pour les auteurs des infractions les plus graves (4) ;

– la réduction des comportements et des consommations à risque, comme l'alcoolisme et le tabagisme (2,95 millions d'euros), les comportements violents causant des traumatismes (2,5 millions), la toxicomanie (10 millions) ;

– la mise en œuvre du deuxième « programme national nutrition – santé » 2006-2010 (3 millions d'euros) ;

– la lutte contre les maladies neuro-dégénératives, notamment celle d'Alzheimer, organisée par le futur « plan Alzheimer » qui, selon le ministère de la santé, aura pour objectifs de favoriser la recherche médicale, la détection précoce de la maladie et une meilleure prise en charge des patients.

C. LES MOYENS DE PILOTAGE DE L’OFFRE DE SOINS SONT RENFORCÉS

Le programme n° 171 « Offre de soins et qualité du système de soins », piloté par la direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins (DHOS) vise à assurer le pilotage stratégique de l’offre de soins. Il comporte deux actions :

– l’action n° 1 « Niveau et qualité de l’offre de soins » finance notamment la rémunération des internes effectuant un stage extra-hospitalier (50,5 millions d’euros) ou une année de recherche (5,5 millions), l’optimisation de l’organisation des soins et les systèmes d’accréditation et d’évaluation ;

– l’action n° 3 « Modernisation du système de soins », a trait à la planification hospitalière opérée par les ARH (22 millions d’euros en 2008), aux systèmes d’information et à la gestion du personnel hospitalier.

Le PAP indique qu’il est prévu de supprimer l’action n° 2 « Accessibilité de l’offre de soins » qui subventionnait la conférence nationale des réseaux et les volets des contrats de plan État – région relatifs à la télémédecine. Il n’en reste pas moins que le projet de loi de finances prévoit d’augmenter les crédits de ce programme de 15 % en autorisations d’engagements et de 9,25 % en crédits de paiement (cf. tableaux ci-dessous), pour financer les priorités suivantes :

– augmenter les moyens consacrés aux indemnités de maîtres de stages perçues par les libéraux (9,2 millions d’euros pour 2008, contre 7 millions en 2007), afin de développer les stages de sensibilisation à la médecine générale pour les étudiants de deuxième cycle, conformément au plan « démographie médicale » (5;

– renforcer les moyens de l’agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH) dotée de 2,32 millions d’euros, soit 0,5 de plus qu’en 2007 ;

– accroître les moyens de la Haute autorité de santé (HAS), dotée pour 2008 de 2,5 millions d’euros, contre 1,5 en 2007 ;

– financer le centre national de gestion (CNG) mis en place en septembre 2007 pour gérer certaines catégories de personnels hospitaliers et organiser les concours correspondants, par une subvention de 3,74 millions d’euros (soit 20 % de son budget) contre 2,28 en 2007.

Crédits du programme n° 171 « offre de soins et qualité du système de soins »

Autorisations d’engagement

Action

LFI 2007

PLF 2008

variation

1

Niveau et qualité de l’offre de soins

66 580 970

72 838 463

9,39%

2

Accessibilité de l’offre de soins

1 640 616

(supprimée)

-

3

Modernisation du système de soins

32 060 719

42 493 668

32,54%

Total pour le programme n° 171

100 282 719

115 332 131

15,00%

Crédits de paiement

Action

LFI 2007

PLF 2008

variation

1

Niveau et qualité de l’offre de soins

66 580 970

72 838 463

9,39%

2

Accessibilité de l’offre de soins

1 640 616

(supprimée)

-

3

Modernisation du système de soins

35 660 719

40 658 668

14,01%

Total pour le programme n° 171

103 882 305

113 497 131

9,25%

Source : tableau réalisé d’après les données présentées dans le projet annuel de performance (PAP) de la mission « santé » pour 2008

D. LA MISSION INTERMINISTÉRIELLE DE LUTTE CONTRE LA DROGUE ET LA TOXICOMANIE (MILDT) EST RECENTRÉE SUR SON RÔLE DE COORDINATION INTERMINISTÉRIELLE

Le programme n° 136 « Drogue et toxicomanie », piloté par la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT), vise à coordonner la vingtaine de départements ministériels concernés par la lutte contre la drogue, pour mettre en œuvre le « plan gouvernemental de lutte contre les drogues illicites, le tabac et l’alcool » 2004-2008. À cette fin, le programme finance deux opérateurs : l’observatoire français des drogues et toxicomanies (OFDT, 3,35 millions d’euros) et le centre interministériel de formation antidrogue (CIFAD, 0,52 millions). Il est structuré en trois actions :

– l’action n° 1 vise à renforcer la coordination interministérielle des volets préventif, sanitaire et répressif du plan en finançant des formations, un programme de recherche et des matériels innovants ; elle vise aussi à suivre l’application des règles régissant l’usage du tabac dans les lieux publics et piloter les centres d’information et de ressources sur les drogues et les dépendances (CIRDD) ;

– l’action n° 2 permet à la MILDT d’expérimenter pour le compte des différents ministères des dispositifs préventifs, sanitaires et répressifs innovants ;

– l’action n° 3 finance des actions internationales en la matière.

Le projet de loi de finances prévoit une baisse de 9,68 millions d’euros (26,70 %) des crédits de ce programme par rapport à 2007, due en partie au transfert des crédits du groupement d’intérêt public (GIP) de téléphonie sociale DATIS (Drogues alcool tabac info service) au programme n° 204 (4,68 millions d’euros en 2007). Cette baisse s’explique aussi par le recentrage des expérimentations de l’action n° 2 sur les projets des ministères, à l’exclusion de ceux du secteur associatif, que le gouvernement juge plus pertinent de financer sur le programme n° 204.

Crédits de paiement du programme n° 136 « drogue et toxicomanie »

Action

LFI 2007

PLF 2008

variation

1

Coordination interministérielle des volets préventif, sanitaire et répressif

31 717 679

24 581 715

-22,49%

2

Expérimentation de nouveaux dispositifs partenariaux de prévention, de prise en charge et d’application de la loi

3 048 568

500 000

-83,59%

3

Coopération internationale

1 500 000

1 500 000

-

Total pour le programme n° 136

36 266 247

26 581 715

-26,70%

Source : tableau réalisé d’après les données présentées dans le projet annuel de performance (PAP) de la mission « santé » pour 2008
NB : pour ce programme, le montant des autorisations d’engagement est égal à celui des crédits de paiement.

II. LA RÉGIONALISATION DE LA POLITIQUE DE SANTÉ PUBLIQUE : BILAN ET PERSPECTIVES

La loi n° 2004-809 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique a donné à cette politique une organisation partenariale et déconcentrée. Toutefois, trois ans après, les structures régionales censées fédérer les différents acteurs de la santé publique sous le contrôle de l'État ne fonctionnent toujours pas de façon pleinement satisfaisante, ce qui plaide pour leur intégration au sein de futures agences régionales de santé.

A. LA MISE EN œUVRE DU NOUVEAU PILOTAGE RÉGIONAL DE LA POLITIQUE DE SANTÉ PUBLIQUE À ÉTÉ DIFFICILE

1. Réformée par la loi du 9 août 2004, la politique de santé publique est organisée de façon partenariale à l’échelon régional

La loi relative à la politique de santé publique a confirmé le niveau régional comme l'échelon territorial de définition et de mise en œuvre de cette politique et depuis lors, une large part des crédits de la santé publique est déconcentrée à l’échelon régional.

a) La politique de santé publique est pilotée à l’échelon régional

Selon l’article 3 de la loi du 9 août 2004 (article L. 1411-12 du code de la santé publique), dans chaque région, une conférence régionale de santé (CRS) a pour mission de contribuer à la définition des objectifs pluriannuels de santé publique, permettant, en particulier, de mieux prendre en compte les spécificités de chaque territoire. À cette fin, elle est consultée lors de l’élaboration du plan régional de santé publique (PRSP), dont le suivi et l’évaluation sont assurés par une formation spécialisée de la CRS. Le projet de loi de finances prévoit de consacrer 520 000 euros (cf. programme n° 204, action n° 1) au fonctionnement des CRS.

Le même article de la loi du 9 août 2004 (article L. 1411-11 du code de la santé publique) charge chaque préfet de région d’arrêter un plan régional de santé publique (PRSP), qui définit pour cinq ans les objectifs et les priorités de santé publique de la région. Comme l’indique la circulaire n° DGS/SD1/2004/454 du 24 septembre 2004 relative à la mise en place de la démarche d’élaboration du plan régional de santé publique, le PRSP est le « principal élément encadrant la politique de santé publique en région ». Il doit comporter :

– la déclinaison régionale des cinq plans stratégiques nationaux annexés à la loi du 9 août 2004 (cf. supra) ;

– des volets spécifiques consacrés aux personnes les plus démunies (6), aux risques liés à l'environnement général et au travail, à la santé scolaire, aux détenus et à la sécurité sanitaire (7) ;

– des programmes régionaux correspondant aux objectifs spécifiques retenus pour le conseil régional ;

– deux volets ciblés par la circulaire précitée : un schéma régional d’éducation pour la santé et un programme d’études et de statistiques.

Le même article 3 de la loi du 9 août 2004 (article L. 1411-14 du code de la santé publique) a également créé dans chaque région un groupement régional de santé publique (GRSP), GIP chargé de mettre en œuvre les PRSP en se fondant notamment sur l’observation de la santé dans la région. Ainsi, le GRSP :

– arrête le programme annuel d’activité qui fixe les conditions de réalisation du PRSP (échéancier et nature des actions, cahiers des charges, financement, suivi et évaluation) ;

– passe des appels à projets et décide des projets éligibles à un financement, dont il fixe le montant ;

– développe la coopération et met en œuvre les conventions passées dans le cadre du PRSP ;

– favorise la diffusion des données sanitaires et sociales et met en place les moyens nécessaires au suivi et à l’évaluation de ses actions ;

– mène des actions de communication sur le PRSP ;

– rend compte au moins une fois par an à la CRS.

Le GRSP s’appuie sur un « comité des programmes », instance technique chargée de préparer son programme annuel d’activité, d’instruire les dossiers de financement, de définir les procédures d’évaluation et de mettre en place un suivi coordonné des actions de santé publique dans la région.

Sur les 290 millions d’euros inscrits sur le programme n° 204, près de 174 sont destinés à être reversés aux GRSP, auxquels les directions régionales des affaires sanitaires et sociales (DRASS) reversent ainsi la majeure partie des crédits d’intervention des budgets opérationnels de programmes (BOP) régionaux du programme n° 204. On signalera également que 95 % des crédits notifiés aux gestionnaires de BOP régionaux pour 2007 ont été délégués dès le 9 février 2007, de façon à ce que les GRSP puissent en disposer au plut tôt dans l’année.

b) La politique de santé publique est organisée sur un mode partenarial mais demeure contrôlée par l’État

 La composition de la conférence régionale de santé (CRS) est large.

La CRS associe l’ensemble des acteurs régionaux du système de santé à la définition des objectifs pluriannuels de santé publique structurant le PRSP. Elle est en effet composée de 60 à 120 membres, désignés par arrêté du préfet de région pour un mandat de trois ans renouvelable deux fois et répartis en six collèges (8) :

– collège 1 : collectivités territoriales et organismes d'assurance maladie obligatoire et complémentaire ;

– collège 2 : malades et usagers du système de santé ;

– collège 3 : professionnels de santé ;

– collège 4 : institutions, établissements, organismes et associations participant au système de santé, à son observation, à l'éducation à la santé ;

– collège 5 : personnalités qualifiées ;

– collège 6 : acteurs économiques.

De plus, les directeurs des DRASS et des DDASS, celui de l’ARH et les responsables des pôles régionaux de l’État qui contribuent à l’application du PRSP, par exemple, la direction régionale du travail, celle de l’environnement, le rectorat d’académie etc. participent aux travaux des CRS sans voix délibérative, et les textes permettent aussi d’y associer des experts.

La composition de la CRS est donc large, ce que la circulaire précitée du 24 septembre 2004 qualifie d’« essentiel pour que l’ensemble des partenaires, notamment les professionnels du système de santé, les usagers et les élus, puisse s’approprier la démarche du PRSP ».

 De plus, les GRSP fonctionnent sur un mode partenarial.

Le GRSP est un GIP (9), structure administrative légère qui permet le mutualiser les moyens consacrés à la santé publique par des partenaires de différents statuts : l'État, l'ARH, l’union régionale des caisses d’assurance maladie (URCAM) et la caisse régionale d’assurance maladie (CRAM) en sont membres d’office, et les collectivités territoriales ont la faculté d’y adhérer. On rappellera en effet que les conventions d’objectifs et de gestion des régimes d’assurance maladie prévoient la constitution d’un « fonds de prévention » finançant des actions de prévention, territorialisées pour certaines. Par ailleurs, l’article 3 de la loi du 9 août 2004 (article L. 1424-1 du code de la santé publique) permet au conseil régional de « définir des objectifs particuliers à la région en matière de santé », pour lesquels « il élabore et met en œuvre les actions régionales correspondantes », à condition d’informer le préfet de région de ces actions et des moyens qu’il y consacre.

La création des GRSP vise donc à mutualiser leurs actions avec celles de l’État pour « faire émerger une préoccupation “ santé publique ” au sein de l’ensemble des structures publiques », comme l’indique le guide d’aide à la mise en place des GRSP élaboré par la DGS et l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS). Le GRSP constitue ainsi un « guichet unique » pour les associations et établissements participant aux appels à projets de santé publique, ce qui, selon Mme Cécile Chartreau et M. Arnaud Vinsonneau, représentants de l’union interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS), répond aux vœux exprimés en 2004 par ces acteurs.

On soulignera aussi la vocation interministérielle du GRSP : un des trois représentants de l’État à son conseil d’administration est nommé par le ministre de la justice et un autre par le recteur d’académie. Chaque établissement public de l’État membre du groupement, comme l’INPES et l’InVS, nomme un membre supplémentaire du conseil d’administration.

Aucune adhésion n'est toutefois possible en dehors de ces catégories de membres, ce qui conduit donc à exclure d'autres structures – comme les unions régionales de la mutualité, les unions régionales des médecins exerçant à titre libéral (URML), les comités régionaux d'éducation à la santé (CRES), les observatoires régionaux de santé (ORS), etc. – de la qualité de membres du GRSP et de son comité des programmes, où ne peuvent siéger que ses membres (10). A défaut, ces acteurs peuvent être représentés au conseil d’administration du GRSP au titre des cinq personnalités qualifiées nommées par le préfet de région, président de ce conseil (articles L. 1411-16 et R. 1411-19 du code de la santé publique). Le guide précité indique d’ailleurs que « les personnalités qualifiées seront principalement à choisir parmi (…) les experts, notamment en santé publique [et] les représentants d’institutions non membres du GRSP, mais intéressées à la santé publique (URML, mutualité, associations d’usagers…) ». D’après la DGS, ces personnalités sont issues le plus souvent des URML, de la mutualité, du corps enseignant et des associations d’usagers.

 L'État conserve le contrôle du dispositif régional de santé publique.

Le préfet de région a un rôle prépondérant dans ce dispositif : il nomme les membres de la CRS, approuve la convention constitutive du GRSP, préside son conseil d’administration et nomme son directeur, qui dirige le comité des programmes. De plus, l’État dispose de la moitié des voix au conseil d’administration du GRSP (11). Cette prépondérance de l’État est cohérente sa responsabilité en matière de santé publique, réaffirmée de manière solennelle par l’article 2 de la loi du 9 août 2004 (article L. 1411-1 du code de la santé publique).

Le schéma ci-dessous décrit le pilotage régional de la politique de santé publique organisé par la loi du 9 août 2004.


Les structures régionales de la politique de santé publique

ORS : observatoires régionaux de santé ; CRES : comité régional d'éducation pour la santé ; CODES : comité départemental d’éducation pour la santé ;

Source : rapport fait au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur le projet de loi (n° 877) relatif à la politique de santé publique (loi n° 2004-809 du 9 août 2004) par M. Jean-Michel Dubernard (25 septembre 2003).

En somme, pour la plupart des personnes rencontrées par le rapporteur pour avis, à l’image de Mme Dominique Deugnier, présidente de l’association des médecins inspecteurs de santé publique (AMISP), la loi du 9 août 2004 a permis un progrès historique dans l’appropriation des politiques de santé publique par les différents acteurs, notamment au niveau régional, et dans la professionnalisation de leurs pratiques. Cependant, sa mise en œuvre est souvent jugée décevante.

2. La mise en œuvre de la réforme a été difficile et son application reste inégale

La mise en place des CRS et l'élaboration des PRSP n'a pas semblé soulever de difficulté majeure, mais la mise en place des GRSP a souvent été compliquée par des jeux d'acteurs rivaux, qui, dans de nombreux cas, en compliquent encore le fonctionnement.

a) Les conférences régionales de santé (CRS) constituent un lieu de démocratie sanitaire utile, mais la mobilisation de leur membres est inégale

 Les CRS constituent des « lieux de démocratie sanitaire » plus dynamique que les conseils régionaux de santé qui existaient auparavant

Dans la plupart des régions dont le rapporteur pour avis a entendu des représentants, comme par exemple en Provence-Alpes-Côte d'Azur et en Pays de la Loire, la mise en place de la conférence régionale de santé ne semble pas avoir soulevé de difficulté.

Au contraire, les CRS paraissent plus autonomes et plus dynamiques que les conseils régionaux de santé auxquels elles ont succédé. M. Martial Mettendorf, secrétaire général de la direction générale de la santé (DGS), remarque également que leurs travaux sont plus orientés vers l'élaboration et le suivi des plans de santé publique. Elles ont travaillé en 2006 à l'élaboration des PRSP en 2006, en 2007 sur le respect des droits des usagers et contribueront en 2008 à la révision des PRSP.

À la différence des conseils régionaux de santé, la CRS n'est pas ouverte au public, le nombre de ses membres est limité à 120, elle élit son président et les membres de son bureau, et les services de l'État comme l'ARH n'y participent qu'à titre consultatif.

Pour Mme Renée Pomarède, secrétaire générale du Haut conseil de la santé publique (HCSP), il est indispensable de disposer en région d'un « lieu de démocratie sanitaire », qui organise un débat autour des enjeux de santé et un suivi des politiques mises en œuvre. Le Haut conseil juge les CRS adaptées à cet enjeu, sous réserve qu'elles soient dynamiques. L'association des médecins inspecteurs de santé publique (AMISP) voit aussi dans la CRS un lieu de dialogue utile entre les professionnels de santé et les administrations.

 La mobilisation des membres des différentes CRS est inégale.

Certaines CRS sont difficiles à mobiliser. Selon les directeurs des DRASS concernées, c’est le cas en Bretagne et dans le Nord-Pas de Calais, à tel point que la seconde envisage de modifier (voire de supprimer) la disposition de son règlement intérieur fixant un quorum pour les séances plénières. L'absentéisme serait d’ailleurs particulièrement fort dans certains collèges, notamment celui des acteurs économiques. Pour pallier ces difficultés et donner une continuité aux travaux de la CRS, le bureau de certaines conférences se réunit régulièrement (tous les deux mois par exemple pour la région Centre).

De plus, M. Christian Saout, président du collectif interassociatif sur la santé (CISS), regrette que les CRS ne soient pas dotées de moyens administratifs propres, qui les rendraient plus autonomes par rapport à la DRASS et donneraient à leurs travaux un caractère moins formel.

b) Les plans régionaux de santé publique (PRSP) ont permis une mobilisation forte des acteurs régionaux de la santé publique, bien qu'ils ne soient pas toujours suffisamment opérationnels et adapté aux spécificités régionales

 L'élaboration des PRSP a permis de mobiliser les acteurs régionaux de la santé publique autour d'un diagnostic partagé

La DGS observe que les PRSP commencent systématiquement par l’examen de l’état de santé de la population de la région concernée. Ils décrivent ensuite des principes devant guider l'ensemble des programmes (réduction des inégalités sociales de santé, territorialisation des actions, implication des usagers, communication, fonctionnement partenarial...) ainsi que les enjeux du PRSP : réduire la morbidité et la mortalité évitables, promouvoir des comportements et des environnements favorables à la santé. La DGS relève qu'en plus des priorités nationales, les régions ont fait des priorités majeures du plan alerte/urgences, des PRAPS, des actions concernant l'environnement général et le travail, la nutrition, les conduites addictives, la périnatalité, la contraception et des interruptions volontaires de grossesse, la santé mentale (en particulier le suicide), ainsi que des actions en faveur des jeunes et des personnes âgées.

Les médecins inspecteurs de santé publique se sont vu proposer une formation à leurs fonctions de chefs de projet des programmes des PRSP, organisée par l'École nationale de la santé publique (ENSP) et inspirée de travaux canadiens réputés. L’AMISP souligne que de telles formations vont dans le sens d'une professionnalisation accrue des acteurs régionaux de la santé publique.

En général, l'élaboration des PRSP ne semble pas avoir posé de grande difficulté. Mme Anne Tallec, représentante du HCSP, souligne au contraire qu'elle a contribué au développement d'une culture locale de santé publique et permis un ajustement de la politique nationale aux contextes régionaux (état de santé, déterminants de santé et ressources disponibles en région). Selon elle, le PRSP constitue aujourd'hui un outil de référence pour les élus, la société civile, les professionnels de santé, et un cadre fédérateur pour les opérateurs et financeurs des actions de santé publique.

 Cependant, les PRSP gagneraient à être plus opérationnels et plus concentrés sur les spécificités régionales

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, constate que la première génération de PRSP fait une place inégale aux spécificités régionales dans le choix de ses priorités, qui se démarquent parfois très peu des priorités nationales définies par la loi du 9 août 2004, faute de capacités suffisantes d'analyse territorialisée des besoins de santé.

M. Philippe Lamoureux, directeur de l’INPES, ajoute que les 104 objectifs et les plans stratégiques nationaux annexés à cette loi, auxquels s'ajoutent les priorités définies par l'assurance maladie, laissent peu de marge de manœuvre aux responsables régionaux, dont les moyens sont par ailleurs sous contrainte. De même, le Haut conseil de la santé souligne que les PRSP ont dû intégrer les nombreux plans, programmes et autres schémas nationaux, ce qui a constitué un travail « particulièrement complexe ».

Selon Mme Renée Pomarède, il en résulte des PRSP « très vastes », très ambitieux au regard des moyens disponibles pour les mettre en œuvre, mais manquant souvent d'une dimension opérationnelle sans laquelle il risque de se décrédibiliser aux yeux des acteurs.

c) Mis en place tardivement, les groupements régionaux de santé publique (GRSP) n'ont pas réussi à fédérer les actions de l'ensemble des partenaires de l'État

Censés fédérer les actions de santé publique de tous les acteurs régionaux afin de mutualiser leurs moyens et de constituer un « guichet unique » pour les opérateurs régionaux, les GRSP ont été mis en place de façon tardive et n'ont pas toujours réussi à susciter l'adhésion de tous les acteurs.

 L'engorgement de la direction générale de la santé (DGS) a ralenti la mise en place des GRSP

La création des GRSP a été plus ou moins tardive selon les régions (cf. encadré ci-dessous) : celui des Pays de la Loire a tenu sa réunion constitutive le 31 mars 2006, et celui de Bretagne le 20 juin 2007. Certains GRSP n'étaient donc pas installés à temps pour pouvoir gérer les appels à projets 2007 qui se sont déroulés au printemps – c'est le cas en Bretagne, en Réunion et en Guyane.

Échelonnement de la création des GRSP

1er semestre 2006

5 régions

Guadeloupe, Martinique, Midi-Pyrénées, PACA, Pays de la Loire.

2ème semestre 2006

16 régions 

Aquitaine, Basse-Normandie, Bourgogne, Centre, Champagne-Ardenne, Corse, Franche-Comté, Haute-Normandie, Ile-de-France, Languedoc-Roussillon, Limousin, Lorraine, NPC, Picardie, Poitou-Charentes, Rhône-Alpes.

1er semestre 2007 

5 régions 

Auvergne, Alsace, Bretagne, Guyane, Réunion.

Source : direction générale de la santé (DGS)

La mise en place des GRSP était suspendue à la publication des décrets d'application de l'article 8 de la loi du 9 août 2004 (articles L. 1411-14 à 19 du code de la santé publique), qui n'ont été pris que le 26 septembre 2005 (12; comme le constate M. Jean-Michel Dubernard dans son dernier rapport sur l’application de cette loi (13), « le rythme d’édiction des textes d’application de la loi relative à la politique de santé publique s’est incontestablement caractérisé par une certaine lenteur » liée à « l'engorgement du ministère de la santé ».

Dans son rapport public de 2004, la Cour des comptes relève elle aussi cet engorgement : en septembre 2004, « l'encours de décrets à produire représentait au moins quatre années de travail », délais qui « fragilisent le cadre juridique de la politique de santé publique et de l'action des acteurs du système de santé ». Aussi, dans les premières régions à avoir mis en place leur GRSP, comme les Pays de la Loire, les DRASS n'ont pas pu bénéficier dès le début d'un appui technique par la DGS et, comme le souligne la ministre de la santé, doivent leur réussite à la bonne volonté des acteurs plus qu’à la qualité des textes.

Ce n'est d'ailleurs qu'au premier semestre 2006 que la DGS a mis en place un « comité national de pilotage » pour accompagner la mise en place des GRSP, animé par une mission de l'IGAS et transformé depuis en « comité de suivi ». Dans ce cadre, elle a produit des outils de communication (intranet, guide d'aide précité) et organisé en 2006 et 2007 deux journées nationales d'échange réunissant une soixantaine de « correspondants GRSP » issus des DRASS et des URCAM.

 L'adhésion des collectivités territoriales aux GRSP est inégale.

Au total, 17 régions sur 26 et 68 départements sur 100 adhèrent à un GRSP (cf. tableau ci-dessous). Dans 10 régions, la totalité des départements en sont membres, et seuls deux GRSP n’en comptent aucun parmi leurs membres.

Participation des collectivités territoriales aux GRSP

Données à jour au 31 juillet 2007

Région

Conseil régional

Conseils généraux

Communes & groupements

 

Région

Conseil régional

Conseils généraux

Communes & groupements

Alsace 

 

2/2

3

 

Haute-Normandie

 

0/2

1

Aquitaine 

oui

5/5

5

 

Limousin

oui

3/3

4

Auvergne 

 

4/4

4

 

Languedoc-Roussillon

oui

4/5

4

Basse-Normandie 

oui

2/3

4

 

Lorraine

oui

4/4

4

Bourgogne 

oui

4/4

2

 

Martinique

 

1/1

4

Bretagne 

oui

2/4

4

 

Midi-Pyrénées

oui

6/9

4

Centre 

oui

5/6

4

 

Pays de la Loire

oui

2/5

4

Champagne-Ardenne 

 

2/4

3

 

Picardie

oui

2/3

4

Corse 

 

1/2

1

 

Poitou-Charentes

oui

3/4

2

Franche-Comté 

 

3/4

1

 

Nord-Pas-de-Calais

 

0/2

5

Guadeloupe 

oui

1/1

2

 

PACA

 

2/6

4

Guyane 

oui

1/1

0

 

Réunion

oui

1/1

4

Ile-de-France 

oui

3/8

4

 

Rhône-Alpes

oui

5/8

20

Source : tableau réalisé d’après les données fournies par la direction générale de la santé

La participation des communes et de leurs groupements aux GRSP est variable – dans certaines régions, comme le Nord-Pas de Calais, il a d’ailleurs été plus facile de mobiliser les communes que le conseil régional et les départements. Selon la DGS la participation des communes dépend pour partie de l’impulsion donnée par les préfets et les DRASS (réunions d’informations, courriers, séminaires, etc.) et de leur mobilisation antérieure pour la santé publique : 20 à 25 % des villes membres de GRSP recensées par la DGS participaient déjà au réseau des villes santé de l’OMS ou aux « Ateliers santé Ville ». De plus, selon M. Jean-Pierre Parra, directeur de la DRASS des Pays de la Loire, les communes adhérent plus volontiers quand les efforts de la DRASS sont relayés par les associations de maires ; c'est pourquoi la DGS a conclu en 2007 un partenariat avec l’association Élus, santé publique et territoires.

S’agissant des régions et départements qui ont refusé d’adhérer au GRSP, Mme Roselyne Bachelot-Narquin reconnaît que leur refus est souvent lié, au moins pour partie, à la place majoritaire de l’État dans le GRSP. Le HCSP considère d’ailleurs que la prééminence de l’État rend difficile l'identification du GRSP en tant qu'entité pluri-institutionnelle et peut conduire à confondre DRASS et GRSP ; M. Philippe Lamoureux observe en outre que les régions sont d'autant plus réticentes à adhérer au GRSP qu'elles étaient impliquées dans la santé publique avant 2004, à l'image du Nord-Pas de Calais (cf. encadré ci-dessous).

Le cas du Nord-Pas de Calais

Depuis les années 1980, la région et les deux départements menaient des actions de santé publique en partenariat avec l'assurance maladie et l’État, dans le cadre des volets « santé » des contrats de plan État – région successifs et, à partir de 2000, des programmes régionaux de santé. Ainsi, la région, l’État et l'assurance maladie avaient soutenu la création en 1990 d'une « maison régionale de promotion de la santé » (MRPS) regroupant une dizaine d'associations de santé publique pour gérer un centre de ressources et mettre en œuvre les programmes d'actions établis en commun, que la région finançait à hauteur de 30 %.

Dans ce contexte, selon M. Michel Autès, vice-président du conseil régional délégué à la prévention et à la santé, la mise en place du GRSP contrôlé par l’État a été perçue comme une recentralisation de la santé publique. Le rapport d'orientation qu'il a présenté en 2006 considère que « l’adhésion volontaire (et financière) des collectivités à un GIP de prévention (le groupement régional de santé publique), créé de manière unilatérale entre l’État et l’assurance maladie, présidé par le préfet, dirigé par un fonctionnaire d’État nommé par lui et administré par un conseil dans lequel l’État se réserve la majorité des sièges, apparaît (...) contraire à l’esprit d’une décentralisation bien comprise et difficilement acceptable par des élus garants de la légitimité et de l’autonomie de leur collectivité ».

Aussi, refusant d'adhérer au GRSP, la région et les départements ont signé une « charte de promotion et l'amélioration de la santé des habitants du Nord-Pas de Calais » qui explique leur intention, « dans le souci de la complémentarité des objectifs et des actions menées », de « s’associer à l’État pour l’élaboration et la détermination des objectifs régionaux de santé », les trois collectivités présentant ensuite de façon autonome « les axes sur lesquels elles souhaitent porter leurs efforts et affecter les moyens correspondants », c'est à dire « quatre grands programmes de promotion et d’éducation à la santé : améliorer l’information, la sensibilisation et la mobilisation des habitants sur leur santé ; agir contre le cancer (prévenir, dépister, soigner, accompagner, favoriser la recherche) ; mieux connaître et maîtriser le risque environnemental ; soutenir les compétences parentales et le développement harmonieux de l’enfant et de l'adolescent ». Pour mettre en œuvre ces programmes, la région a soutenu la transformation de la MRPS en un groupement d'intérêt économique dénommé « groupement régional de promotion de la santé (GRPS).

Sources : « La santé des habitants : un enjeu permanent pour le Nord-Pas de Calais », rapport d’orientation présenté au conseil régional du Nord-Pas de Calais par le vice-président Michel Autès le 10 février 2006 ; « Charte de partenariat pour la promotion et l’amélioration de la santé des habitants du Nord-Pas de Calais » conclue entre la région Nord-Pas de Calais, le département du Nord et le département du Pas de Calais le 7 septembre 2006.

 La mutualisation des moyens des partenaires de l'État au sein des GRSP reste très incomplète

Alors que le GRSP est censé mutualiser les moyens consacrés par ses membres à la santé publique, l’État est souvent le seul à jouer pleinement le jeu de la mutualisation financière.

S’agissant notamment des moyens de fonctionnement des GRSP, ils proviennent majoritairement des DRASS, avec des différences selon les régions. En Pays de la Loire, par exemple, le fonctionnement courant du GIP (téléphone, courrier, informatique, reprographie, etc.) ainsi que le secrétariat et la mise en œuvre du budget, nécessitant l'achat d'un logiciel et une formation du personnel comptable, reposent presque exclusivement sur le service « politique régionale de santé » de la DRASS. Au contraire, dans d'autres régions, comme le Centre, l'assurance maladie met à la disposition du GRSP 1,70 ETP (contre 4,95 pour l'État). En Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA), c'est la CPAM qui abrite les locaux du GRSP et met 5 ETP à sa disposition. En général cependant, c'est sur la DRASS que repose le fonctionnement du GRSP, ce qui, selon le président du CISS, conduit souvent les acteurs à assimiler DRASS et GRSP.

S’agissant par ailleurs des moyens d’intervention des GRSP, on remarque que les financements consacrés par l’assurance maladie aux actions de santé publique sur les fonds de prévention prévus pour chaque régime par sa conventions d’objectifs et de gestion (COG) échappent pour partie aux GRSP.

Pour le régime général, la convention d’objectifs et de moyens (COG) 2006-2009 du 7 août 2006 consacre aux actions territorialisées un montant global de 48 millions d'euros pour 2007 et de 52,4 millions pour 2008, dont seule une partie (31,2 millions pour 2007 et 34,8 pour 2008) sera versée directement aux GRSP. En effet, les arbitrages intervenus lors de la négociation de la COG ont abouti au maintien d’une ligne de 16,8 millions d'euros pour 2007 et de 17,2 millions pour 2008, permettant aux caisses de financer directement des actions locales concourant à la mise en œuvre des PRSP en plus de la dotation qu’elles versent directement aux GRSP. On relèvera également que cette COG prévoit deux financements spécifiques qui ne transitent pas non plus par les GRSP, à hauteur de 44 millions d'euros en 2007 et 50 millions en 2008 pour la prévention bucco-dentaire, et de 60,5 millions en 2007 et 71 en 2008 pour le dépistage organisé des cancers.

Pour le fonds de prévention du régime agricole, la COG 2006-2010 du 28 septembre 2006 garantit un montant annuel minimum de 3 millions d'euros, réparti en une dotation directe de 1,435 million d'euros aux GRSP, le reste (1,565 millions d'euros) étant consacré aux plans institutionnels de la mutualité sociale agricole (MSA), qui peuvent recouper les priorités des PRSP.

Quant au fonds de prévention du régime social des indépendants (RSI), la COG 2007-2011 du 2 mai 2007 prévoit une contribution aux GRSP de 1,2 million d'euros, mais en plus de cette dotation, le RSI finance certaines actions spécifiques dont les objectifs rejoignent les priorités des PRSP, et ce pour un montant évalué à 1 million d'euros.

Ainsi, les GRSP reçoivent une part des financements consacrés par l'assurance maladie à la santé publique, une autre part continuant de financer des actions de santé publique indépendamment des GRSP. En Bretagne par exemple, ces parts s'établissent respectivement à 1,7 et 0,7 millions d'euros en 2007.

S’agissant des crédits des collectivités territoriales, la DGS constate que celles-ci n’apportent que très exceptionnellement une contribution financière aux GRSP (50 000 euros du conseil régional de Rhône Alpes). Pour la plupart, elles conservent ainsi le financement direct de certaines actions qui peuvent rejoindre les priorités identifiées dans le cadre des PRSP. Dans certains cas, l’appel à projets est organisé conjointement avec le GRSP, même si les circuits financiers restent distincts. C'est par exemple le cas en Bretagne, où le conseil régional choisit les actions de santé publique qu'il finance, ce qui l'amène à en financer certaines dans le cadre d'appels à projets communs avec le GRSP (pour 660 000 euros en 2007), et d'autres hors appel à projets commun (pour 330 000 euros en 2007).

Quant aux agences sanitaires nationales comme l’INPES, l’INCa ou la MILDT, elles ne participent que peu aux GRSP.

Mme Renée Pomarède, secrétaire générale du HCSP, comme plusieurs responsables de terrain rencontrés par le rapporteur pour avis, à l'image de M. Jean-Claude Westermann, directeur de la DRASS du Nord-Pas de Calais, jugent que les appels à projets passés par la MILDT devraient être mieux articulés avec les programmes d'action des GRSP.

S'agissant de l'INCa, il n'a pas participé activement à l'élaboration des volets « cancer » des PRSP mais il a tenu au premier trimestre 2007 deux réunions avec la DGS sur les modalités stratégiques et opérationnelles de l'articulation INCa / GRSP et participe au comité national de suivi des GRSP. A la différence de l'INPES et de l'INVS, l'INCa n'est pas membre d'office des GRSP et sa directrice générale, Mme Pascale Flamant, indique que l’institut préfère leur apporter à leur demande un appui méthodologique, notamment en matière de dépistage, tisser avec eux des liens conventionnels et participer à l’animation de leur réseau, plutôt que siéger à leur conseil d'administration. À cette fin, chaque GRSP devrait sous peu avoir désigné un « correspondant cancer ».

L'INPES, membre d'office des GRSP, finance des « pôles régionaux de compétences », plates-formes de ressources et de services qui visent à professionnaliser les acteurs, soutenir les partenariats et structurer l’offre de services en apportant une aide méthodologique aux petites associations. Compte tenu de la disparité des situations régionales, de l’importance des besoins en matière de soutien méthodologique et de l’intérêt d’une animation nationale sur le sujet, l’INPES a choisi de lancer de façon autonome un appel à projets national pour la période 2007-2009 doté de 7 millions d'euros et comportant un niveau régional et un niveau interrégional. La procédure de traitement des dossiers en 2007 est conçue en articulation avec les GRSP, dont le directeur transmet à l’INPES un avis sur le projet retenu pour sa région. Selon la DGS, nombre de GRSP ont néanmoins exprimé leur volonté de gérer directement les fonds affectés à ces projets.

De l'avis général, la loi du 9 août 2004 a ainsi suscité une véritable dynamique et donné aux enjeux de santé publique une place accrue dans le système de santé, mais sa mise en œuvre été compliquée par les réticences de certains acteurs à mutualiser leurs actions de santé publique au sein de GRSP contrôlés par l'État. Les progrès accomplis en matière de santé publique méritent donc d'être pérennisés autour de structures administratives consolidées.

B. LA DYNAMIQUE CRÉÉE PAR LA LOI DU 9 AOÛT 2004 EN FAVEUR DE LA SANTÉ PUBLIQUE DOIT ÊTRE PÉRENNISÉE AUTOUR D’INSTITUTIONS CONSOLIDÉES DANS LE CADRE D’UN PILOTAGE RÉGIONAL UNIFIÉ DU SYSTÈME DE SANTÉ

1. Les structures de la politique de santé publique méritent d’être consolidées

Les insuffisances constatées dans le pilotage régional de la politique de santé publique paraissent avoir trois causes principales : des capacités d’expertise sanitaire inégales d’une région à l’autre, une articulation encore imprécise du pilotage national de cette politique avec ses échelons territoriaux d’adaptation et de mise en œuvre, et le cloisonnement de la prévention, du secteur sanitaire et du secteur médico-social.

a) L’observation de la santé, le suivi des actions et l’évaluation des plans méritent d’être approfondis

Comme le souligne le rapport annuel 2002 de l’IGAS (14), « la connaissance des phénomènes sur lesquels on souhaite agir constitue la condition première d’une meilleure prise en considération de la réalité des territoires dans les politiques publiques » dans la mesure où elle répond « à deux types d’objectifs : permettre d’améliorer la connaissance des besoins des populations en préalable à la détermination des politiques nécessaires ou bien contribuer ex-post à l’évaluation de l’efficacité d’une mesure mise en place sur un territoire donné », « potentiellement critique ». Ces remarques semblent particulièrement pertinentes pour le pilotage régional de la politique de santé public.

 Pour être efficaces, les PRSP doivent être suivis et évalués

Selon Mme Anne Tallec, représentante du HCSP, la politique régionale de santé publique gagnera en lisibilité et en efficacité si l’évaluation des programmes est bien organisée, autant sur leur contenu que sur leurs résultats. Une évaluation bien menée doit permettre de ne pas reconduire les programmes dont l’efficacité n’est pas certaine, en faisant prévaloir une logique de résultat sur la logique de moyens qui sous-tend encore trop de plans intervenant dans le champ de la santé.

Les articles R. 1411-11 et R. 1411-18 du code de la santé publique prévoient une évaluation des PRSP et précisent que la CRS et le GRSP y contribuent mais ne désignent pas d’opérateur pour cette évaluation. Mme Phyllis Yvonne Glanddier, présidente de la fédération nationale des observatoires régionaux de la santé (FNORS), souligne en outre qu’une telle évaluation gagne à être organisée très en amont, dans le cadre d’un suivi de la mise en œuvre des programmes de santé publique.

Suivre et évaluer les PRSP suppose donc de disposer d’indicateurs fixés préalablement. Or les objectifs pluriannuels annexés à la loi du 9 août 2004 ne sont pas toujours déclinables dans toutes les régions. C’est également le cas des indicateurs de performance de la mission « santé » du projet de loi de finances pour 2008, ce qui, selon la plupart des responsables de BOP régionaux du programme « Santé publique et prévention » rencontrés par le rapporteur pour avis, rend difficile l’établissement des rapports de performance de ces BOP. Le secrétaire général de la DGS reconnaît en outre que la justification au premier euro des crédits de ce programme manque de lisibilité. En effet, le versement de la subvention au GRSP par la DRASS doit faire l’objet d’une convention mentionnant la répartition prévisionnelle indicative des crédits par action et sous action, suivant la nomenclature budgétaire de l'État, or ces fonds ne seront pas fléchés, mais globalisés au sein du GRSP avec ceux des autres contributeurs ; le retour d’information financières du GRSP à la DRASS se fait alors à partir d’une proratisation par le GRSP de ses dépenses entre les différents contributeurs.

 Les capacités de connaissance de la santé à l’échelle régionale méritent d’être renforcées

Comme le souligne Mme Renée Pomarède, secrétaire générale du Haut conseil de la santé publique, pour adapter les PRSP aux spécificités régionales, les suivre et les évaluer, il est indispensable de disposer en région d’un organisme d’analyse des données de santé régionales qui soit aussi indépendant que possible des décideurs et des financeurs régionaux.

Les observatoires régionaux de santé (ORS) peuvent répondre à ce besoin. Conformément à une circulaire du 28 juin 1985, les ORS et la FNORS assurent une mission d’aide à la décision en collectant, traitant, analysant et diffusant des données sanitaires régionales ; ils ont publié plus de 2 000 études depuis vingt ans. En 2005, les 26 ORS ont employé 349 personnes (227 ETP) représentants un large éventail de disciplines scientifiques (médecins épidémiologistes ou de santé publique, statisticiens, informaticiens, ingénieurs, démographes, sociologues, économistes, géographes, etc.).

Leur statut d'associations régies pour la plupart par la loi du 1er juillet 1901 garantit selon la FNORS leur neutralité vis-à-vis des DRASS, des régions et de l’assurance maladie sans qu’ils soient pour autant coupés des acteurs régionaux de la santé, puisque leur conseil d'administration comprend des représentants des DDASS et DRASS, des organismes de sécurité sociale, des collectivités territoriales, mais aussi, de la recherche, de l’enseignement, des établissements et des professionnels de santé et du secteur associatif.

En 2005, les ORS disposaient d’un budget total de 14,32 millions d’euros, provenant pour 47 % de l'État et 23 % des conseils régionaux et le reste de divers acteurs locaux. Pour 2008, il est prévu que l'État les finance via les GRSP pour 3,6 millions d’euros (soit 140 000 euros en moyenne par ORS), et la FNORS pour 395 000 euros. La FNORS et le HCSP regrettent toutefois que ce financement manque de visibilité pluriannuelle depuis qu’il n’est plus intégré aux contrats de plan État-régions, comme c’était souvent le cas. Surtout, si les moyens des ORS sont importants, leur répartition régionale fait apparaître de fortes inégalités. En 2005, les moyens des ORS variaient ainsi de 115 000 euros et 3 ETP (Limousin) à 1 715 000 euros et 22,3 ETP (PACA), la moyenne s’établissant à 551 000 euros et 8,7 ETP. De plus, alors que les crédits versés par l'État à chaque ORS étaient fixés au niveau national jusqu'en 2005, les DRASS ont désormais toute latitude pour décider du montant de la subvention à verser aux ORS car les crédits des BOP « Santé publique et prévention » sont totalement fongibles.

Les capacités de connaissance de la santé à l'échelle régionale, notamment là où les ORS sont les moins bien dotés, méritent donc d'être renforcées, notamment par un partage accru des moyens d'observation existant en région. En effet, plusieurs services statistiques coexistent dans chaque région, auprès des CPAM, des caisses d'allocations familiales (CAF), des conseils généraux pour la protection maternelle et infantile, des hôpitaux pour le PMSI, et des correspondants de l'InVS. Selon Mme Anne Tallec, rapporteure générale auprès du haut conseil de la santé publique, certains systèmes d’information pourraient être mutualisés et certaines institutions pourraient collaborer plus intensément avec les ORS.

Dans le cadre de l’évaluation des PRSP, la DGS met d'ailleurs en place un système d'information susceptible d’intégrer des données suffisamment larges pour suivre la mise en œuvre des actions. L’objectif est de disposer d’une base de données harmonisée entre les régions et qui puisse être consolidée au niveau national pour répondre aux diverses demandes de bilans et de synthèses (indicateurs de performance de la loi de finances, suivi global de la loi de 2004, bilans des plans et programmes nationaux). Au niveau régional, un tel outil pourrait être utilisé pour répertorier l’ensemble des actions contribuant au PRSP, qu’elles soient financées ou non par le GRSP, facilitant l'observation de la santé, le suivi des PRSP et leur évaluation. On soulignera en outre les possibilités offertes par l'institut des données de santé, créé en 2007 pour rendre interopérables les systèmes d'information utilisés pour la gestion du risque maladie et en diffuser les données, notamment « pour des préoccupations de santé publique » (article L. 161-36-5 du code de la sécurité sociale).

b) Dans le pilotage de la politique de santé publique, l’articulation entre le niveau national, l’échelon régional et les territoires doit être améliorée

Comme le remarque Mme Roselyne Bachelot-Narquin, les PRSP reproduisent trop souvent les objectifs, plans et programmes nationaux de santé publique et sont de ce fait insuffisamment opérationnels, notamment en ce qui concerne la mise en œuvre territorialisée des actions. Une clarification des responsabilités à chaque échelon territorial semble donc nécessaire.

 Le niveau national est pertinent pour hiérarchiser les priorités nationales de santé publique et animer le réseau des GRSP

En fixant des priorités nationales, des objectifs pluriannuels et des indicateurs de résultat, la loi du 9 août 2004 a promu une nouvelle méthodologie dont l’intérêt n’est contesté par personne, si ce n’est pour regretter la multiplicité des plans et programmes nationaux ainsi que des objectifs quantifiés (104) annexés à la loi. En effet, pour M. Frédéric van Roekeghem, directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), ce dispositif gagnerait en lisibilité et serait plus facile à décliner à l’échelle régionale si ses objectifs étaient hiérarchisés et réduits à un nombre compris entre 15 et 25 environ. L'État se concentrerait ainsi sur le pilotage stratégique de la politique de santé publique.

Le niveau national est également pertinent pour mener des actions, notamment des campagnes d’information, qui n’appellent pas une adaptation aux spécificités régionales, lorsque cela permet des économies d’échelle.

Enfin, le réseau des GRSP doit être animé au niveau national, comme c’est par exemple le cas pour les CRS, dont émane une conférence nationale de santé (CNS) chargée de donner un avis sur les plans et programmes nationaux. Or il n’existe pas au niveau national d’interface unique entre les GRSP et l'État, ses établissements publics et l’assurance maladie : chacune correspond avec le GRSP via ses organes régionaux propres (DRASS, CRAM, URCAM). A défaut, c’est la DGS qui essaie de mettre en cohérence ces informations et d’animer le réseau des GRSP, notamment en organisant des journées d’échanges. Bien que son secrétariat soit désormais doté d’une division du déploiement des politiques de santé forte de 91 ETP en autorisations d’emploi et comprenant un bureau chargé spécifiquement de l’appui aux services déconcentrés et aux GRSP, sa légitimité pour animer seule un réseau partenarial pourrait être contestée.

 L'échelon régional doit constituer un niveau d'adaptation, d'appropriation et de déclinaison opérationnelle des priorités nationales

Comme souligné précédemment, à défaut d'adapter les objectifs et les programmes nationaux de santé publique aux spécificités régionales, les PRSP ont permis aux acteurs de se les approprier. Mais les structures régionales de la politique de santé publique seraient plus utiles encore si les GRSP constituaient de véritables « relais de management » donnant aux orientations nationales une déclinaison régionale opérationnelle. De plus, c’est au niveau régional qu’il semble le plus pertinent de concilier des actions de santé publique d’initiative locale, qui ciblent généralement certaines populations ou certains territoires, avec les plans nationaux, organisés souvent de façon thématique par pathologie.

Mais pour rendre les PRSP opérationnels, les GRSP ont besoin de marges de manœuvre financières, c'est-à-dire de crédits non fléchés. Or on constate que les GRSP ne peuvent consacrer à leurs appels à projets annuels qu’entre un quart et un tiers environ de leur budget (38 % pour le Centre, 20 % pour les Pays de la Loire), le reste des dépenses des GRSP s’imposant à eux, notamment au titre des actions recentralisées, du financement des structures de dépistage du cancer (4,4 des 10 millions d'euros de subventions versées par le GRSP du Nord-Pas de Calais) ou des conventions pluriannuelles avec des grands opérateurs régionaux qui assurent des fonctions de « têtes de réseaux ».

De plus, pour qu'un PRSP soient efficacement mis en œuvre, il faut que la région dispose d'un réseau de porteurs de projets réactifs et compétents : comme le fait observer M. Arnaud Vinsonneau, représentant de l’UNIOPSS, répondre à un appel à projets nécessite en effet des capacités administratives que n'ont pas toutes les associations de santé publique, très dispersées et trop peu professionnalisées. Aussi, les PRSP devraient s'attacher à structurer une offre régionale mutualisée et professionnalisée, notamment en soutenant des pôles de compétences régionaux qui apportent aux associations l'ingénierie dont elles ont besoin, à l'image de la fédération régionale des acteurs en promotion de la santé (FRAPS) financée par le GRSP du Centre. On remarquera en outre que pour M. Christian Saout, président du CISS, les règles d'emploi des subventions accordées dans le cadre de certaines conventions pluriannuelles mériteraient d'être assouplies pour permettre à l'opérateur d'adapter ses actions à l'évolution des besoins de santé – ce qui, par exemple, consisterait pour une association de lutte contre le SIDA à réallouer des fonds prévus pour la prévention à des actions d'éducation des malades, enjeu de santé publique émergent.

Ainsi, l'échelon régional est pertinent pour décliner de façon opérationnelle des priorités stratégiques fixées au niveau national et mises en œuvre de préférence à un échelon territorial proche du terrain.

 La territorialisation des actions de santé publique doit être privilégiée

Si la politique de santé publique de santé publique peut être organisée à l'échelon régional, c'est au plus près du terrain qu'elle doit être mise en œuvre, en lien avec les acteurs locaux (organisations départementales des professions de santé, caisses d'assurance maladie, communes et intercommunalités, etc.). Or la territorialisation des actions de santé publique se heurte aujourd'hui à deux difficultés : un manque d'ingénierie administrative dans certains territoires et des difficultés à déterminer le zonage pertinent.

Pour résoudre la première difficulté, le GRSP de Bretagne a choisi de rémunérer dans huit des vingt-et-un pays bretons un « animateur territorial de santé » chargé de coordonner des actions de santé publique à l’échelle du pays. De même, en Nord-Pas de Calais, des « coordinateurs territoriaux de santé » employés par l'assurance maladie, les établissements de santé et les collectivités territoriales relaient sur le terrain la politique régionale de santé publique et dans les territoires manquant de porteurs de projets, le GRSP privilégie les appels d'offres très encadrés plutôt que les appels à projets. Des dispositifs analogues pourraient être mis en place dans d’autres régions.

S'agissant du zonage à retenir, il importe que les GRSP se réfèrent aux zonages existants, afin de tirer le meilleur profit des ressources existantes et de ne pas rendre le système territorial de santé moins lisible. En effet, plusieurs découpages territoriaux existent déjà en matière de santé : l'assurance maladie est organisée en caisses départementales, les ARH s'appuient sur les « territoires de santé » du SROS, et dans certaines régions, les programmes régionaux de santé étaient déjà déclinés à l'échelle infrarégionale (par exemple dans le Nord-Pas de Calais, sous forme de « projets territoriaux de santé » à l'échelle de chaque arrondissement, et de « contrats territoriaux de santé » conclu entre les conseils généraux et les structures intercommunales des agglomérations urbaines). Les GRSP qui ont cherché à territorialiser leurs actions se sont souvent appuyés sur les zonages les plus pertinents dans leur région : il peut s'agir des pays, comme en Bretagne (seule région métropolitaine entièrement découpée en pays), ou le plus souvent des « territoires de santé » du SROS, comme en PACA. D'ailleurs, décliner les PRSP à l'échelle de ces territoires permet de mieux articuler la politique de prévention et l'organisation de l'offre de soins.

c) La politique de santé publique mérite d'être mieux articulée avec le pilotage de l'offre de soins de ville, la planification hospitalière et l'organisation du secteur médico-social

La ministre de la santé considère que l’une des principales faiblesses des GRSP et des PRSP tient à leur manque d’articulation avec les ARH et les SROS. En effet, la loi du 9 août 2004 a créé les PRSP et les GRSP sans pour autant y fusionner les différents programmes territoriaux de santé préexistants.

 Le pilotage territorial du système de santé est éclaté, alors que la santé publique, les soins et les services médico-sociaux forment un camp professionnel cohérent

À l’échelon régional, les actions de santé publique, l’offre de soins et l’organisation médico-sociale sont pilotées de façon cloisonnée, avec des outils de planification et des donneurs d’ordres différents : outre le PRSP piloté par le GRSP, on citera notamment le SROS mis en œuvre par l'ARH, les schémas départementaux ou interdépartementaux d’organisation sociale et médico-sociale, les plans d'actions de santé des collectivités territoriales, le schéma régional des formations sanitaires et sociales pour lesquelles la région et compétente, le programme interdépartemental d’accompagnement des handicaps et de la perte d’autonomie (PRIAC) arrêté par le préfet de région. De plus, comme l'indique M. Jean-Claude Westermann, directeur de la DRASS du Nord-Pas de Calais, de nombreux plans, programmes, schémas, etc., sont développés par les diverses institutions ou structures régionales, déclinant parfois des orientations fixées par des instances nationales, élaborés et mis en œuvre de façon autonome.

Or ce cloisonnement n’a pas de pertinence par rapport au champ professionnel cohérent que forment les activités concernées, comme le relève un récent rapport de l'IGAS (15), « la prévention se situe par construction au carrefour du soin et de la promotion de la santé, du sanitaire et du social, du biomédical et des sciences sociales ».

Le cloisonnement de ces secteurs est d'autant moins pertinent que les établissements de soins ou médico-sociaux prennent une place croissante dans la mise en œuvre des PRSP, tant en raison de leurs missions dans ce domaine (les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens des établissements de santé incluent en effet un volet « Santé publique et prévention »), que de leur rôle de proximité. Certains GRSP, comme en PACA, ont d'ailleurs recherché une implication poussée des établissements dans la mise en œuvre de leur PRSP. Dans toutes les régions, nombre d'entre eux sont destinataires des appels à projets des GRSP, et les limites du financement des actions de santé publique via les MIGAC sont fréquemment avancées pour justifier de l’ouverture des appels à projets aux établissements de santé, en particulier pour des actions d’éducation thérapeutique.

 Les textes prévoient l'articulation du PRSP avec le SROS mais pas avec les autres instruments territoriaux de planification du système de santé

L’article 3 de la loi du 9 août 2004 précité (article L. 1411-11 du code de la santé publique) prévoit que le SROS « prend en compte les objectifs » du PRSP, ce qui a été rappelé par la circulaire n° 101/DHOS/O/2004 du 5 mars 2004 relative à l’élaboration des SROS de troisième génération, qui comprennent fréquemment un volet « prévention ».

D’ailleurs, selon Mme Dominique Deugnier, représentante de l'AMISP, les fonctions de chef de projet des programmes du PRSP et des volets correspondants du SROS (par exemple : plan cancer / volet cancérologie, programmes addictions et suicide / volet santé mentale) sont souvent confiés au même médecin inspecteur, ce qui pallie le cloisonnement du système mais génère pour l’AMISP des pertes de temps médical regrettables.

L'AMISP regrette également que l'articulation du PRSP avec la politique des réseaux soit moins facile, car elle est pilotée par la MRS seule. Elle juge également embryonnaire l'articulation du PRSP et du PRIAC, et inexistante la cohérence des PRSP et des schémas départementaux précités.

 Le PRSP gagnerait à être mieux articulé avec les outils de planification sanitaire et médico-sociale

En plus du PRIAC et de la politique des réseaux, l’articulation des volets du PRSP est à rechercher notamment avec les schémas médico-sociaux départementaux. La plupart des PRSP comportent en effet des volets relatifs au grand âge – à articuler avec les schémas gérontologiques –, des volets consacrés à la santé des enfants et des jeunes – à coordonner avec les schémas « Enfance –famille » –, des volets intéressant la qualité de vie des personnes atteintes de maladies chroniques – à rapprocher des schémas « enfants et adultes handicapés », « accès aux soins » et « pratiques addictives » –, des volets spécifiques aux personnes détenues, à mettre en cohérence avec les plans départementaux d’insertion et les plans départementaux « solidarité santé ».

Pour ce faire, il faut rompre avec ce que l'AMISP appelle une « concurrence institutionnelle » entre les ARH, les DRASS, les autres services déconcentrés de l'État et les collectivités territoriales. Cela plaide pour la mise en place de structures régionales de pilotage concerté du système territorial de santé dans son ensemble.

2. La politique de santé publique gagnerait à être incluse dans le périmètre de compétences de futures agences régionales de santé (ARS)

Le 13 juillet 2007, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, a chargé M. Philippe Ritter de diriger une mission sur les agences régionales de santé, en liaison avec la démarche de révision générale des politiques publiques, afin de faire des propositions sur leur périmètre et leur gouvernance (16). La ministre de la santé, de la jeunesse et des sports fait savoir qu’elle souhaite que la santé publique et les volets « personnes âgées » et « personnes handicapées » du secteur médico-social soient intégrées, avec l’offre de soins, dans le périmètre de compétence des ARS.

a) Au sein d'une ARS, la politique de santé publique serait pilotée par une administration plus importante que le GRSP

Transférer les compétences des GRSP à des ARS au périmètre large résoudrait deux des principales limites du dispositif actuel : son articulation insuffisante avec le pilotage de l'offre de soins et de services médico-sociaux d'une part, la faible implication des partenaires de l'État dans les GRSP d'autre part.

 Des ARS au périmètre large permettraient une meilleure articulation de la santé publique avec les autres secteurs du système de santé

La majorité des acteurs estime qu'au sein d'ARS au périmètre large, la politique de santé publique serait moins isolée des autres secteurs du système de santé, ce qui permettrait une meilleure prise en compte de ses objectifs par les établissements de soins, les praticiens libéraux et les structures médico-sociales.

Le rapporteur pour avis souligne de plus qu'un pilotage unifié du système de santé au niveau régional offrirait une plus grande lisibilité des politiques de santé.

D'ailleurs, comme le reconnaît le secrétaire général de la DGS, M. Martial Mettendorf, les administrations sanitaires et sociales déconcentrées de l'État ont des moyens trop faibles pour être scindés entre une ARS et un service distinct en charge de la santé publique. En effet, on compte seulement 60 ETP en moyenne par DDASS, dont 20 affectés à des structures extérieures et rarement plus de 2 ETP médicaux. Cela plaide pour la mutualisation de ces moyens à l’échelle régionale ; il faut d’ailleurs ajouter qu'au sein des ARS, les moyens de l’État pourraient être abondés par ceux de l’assurance maladie.

 Des ARS au périmètre large fédéreraient l'État, l'assurance maladie et les collectivités territoriales plus efficacement que ne le font les GRSP

Si, outre la santé publique, les ARS sont compétentes en matière de planification hospitalière, d'organisation des soins de ville et de pilotage du secteur médico-social, il sera impossible que les collectivités territoriales et l'assurance maladie ne participent pas activement à l'ARS. Les régions sont en effet compétentes en matière de formations paramédicales et les départements ont des compétences incontournables pour l’organisation médico-sociale, la santé mentale, les services d'incendie et de secours. Quant à l'assurance maladie, elle est compétente en matière de régulation de l'offre de soins de ville et participe, au sein des ARH, à la planification hospitalière. Aussi, au sein d'ARS au périmètre large, la politique de santé publique serait-elle adossée à des structures administratives plus partenariales que les GRSP ne le sont dans les faits.

Le rapporteur pour avis souligne toutefois qu’il faudra organiser au sein des ARS la représentation des communes et des intercommunalités qui sont aujourd'hui adhérentes au GRSP. Les exclure des ARS reviendrait à les dissuader de poursuivre leurs efforts en faveur de la santé publique. La ministre de la santé indique d’ailleurs qu’une réflexion est en cours pour associer les communes et les intercommunalités aux instances des futures ARS.

b) Des mécanismes budgétaires et institutionnels pourraient garantir que la santé publique ne serait pas négligée par les ARS

 Les moyens de la santé publique pourraient être garantis par un mécanisme de fongibilité asymétrique des crédits au sein des ARS

Certains, comme M. Jean-Claude Westermann, directeur de la DRASS du Nord-Pas de Calais, ont fait part au rapporteur pour avis de leur crainte de voir la santé publique négligée par des ARS au périmètre large, compte tenu notamment de la relative faiblesse de ses moyens financiers et du fait que ses enjeux s'inscrivent dans le long terme.

Pour éviter que l'enveloppe consacrée à la santé publique au sein d'une ARS ne serve à abonder occasionnellement les crédits destinés à la régulation de l'offre de soins ou au secteur médico-social, on pourrait envisager un dispositif de « fongibilité asymétrique » de cette enveloppe, c'est à dire un dispositif suivant lequel cette enveloppe pourrait être abondée par d'autres crédits, mais qu'elle ne puisse pas être diminuée. La ministre de la santé juge d’ailleurs un tel dispositif tout à fait envisageable.

 L'État, garant de la politique de santé publique, serait représenté au sein des ARS

Enfin, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, souligne que l’État ne saurait se désengager les la politique de santé publique, et M. Philippe Ritter, chargé de mission sur les ARS auprès d’elle, a précisé qu’il n’est pas envisagé de procéder à un nouveau train de décentralisation à l’occasion de la création des ARS.

S'il n'y a pas lieu de proposer ici un schéma précis pour de futures ARS, le rapporteur pour avis considère lui aussi que si la santé publique relève de leur champ de compétence, il faudra que l'État tienne une place éminente dans la gouvernance des ARS, compte tenu de sa responsabilité en matière de santé publique. Cela ne signifie pas pour autant qu'il doive les contrôler, à l'instar de ce qui est prévu pour les GRSP, avec la conséquence que l'on a exposée pour la mobilisation de l'assurance maladie et des collectivités territoriales.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné pour avis, sur le rapport de M. Jean-Marie Rolland, les crédits pour 2008 de la mission « Santé » au cours de sa seconde séance du mardi 30 octobre 2007.

Le président Pierre Méhaignerie a observé que la multitude de structures de santé publique existantes et des sigles qui les accompagnent sont de nature à décourager les élus. Il faut changer de cap pour simplifier cette organisation. Un grand cabinet spécialisé devrait pouvoir faire des propositions de remise en ordre dans cet empilement de structures administratives, au sein desquelles se trouve pourtant une somme d’informations importante mais non valorisée.

Mme Catherine Génisson a indiqué qu’elle ne ferait qu’un seul commentaire sur le projet de budget de la santé pour 2008, à savoir son périmètre rétréci. Par ailleurs, le rapporteur doit être chaleureusement remercié pour le choix de son sujet d’étude et le fait qu’il a été traité de manière tout à fait intéressante. Bien que son organisation soit complexe, la santé publique est un sujet citoyen par excellence. Or, si la loi du 9 août 2004 a recentré beaucoup de décisions en matière de santé publique sur l’État, elle a mis un frein à beaucoup d’initiatives locales efficientes. Le rapport fait état, à juste titre, de l’exemple de la région Nord-Pas-de-Calais qui a rencontré de grandes difficultés pour mettre en œuvre la nouvelle architecture administrative créée par la loi, car elle avait déjà mis en place des programmes de santé publique adaptés à ses indicateurs sociaux et sanitaires difficiles. Elle a ainsi été conduite à simplifier cette architecture pour la rendre efficiente envers son public.

Les agences régionales de santé (ARS) sont invoquées continuellement et on attend d’elles des solutions à tous les problèmes non résolus jusqu’à présent. Il convient d’être prudent. Il est évoqué la possibilité pour les conseils régionaux d’intégrer les ARS pour participer au pilotage du système de santé, mais rappelons qu’ils peuvent déjà rentrer dans les agences régionales de l’hospitalisation (ARH) et que seule la région Nord-Pas-de-Calais l’a fait à ce jour. Or le périmètre de compétences des ARS n’est toujours pas défini et l’exercice de définition ne sera pas simple. Pour susciter l’adhésion des collectivités territoriales aux ARS, il faudra donc être rigoureux et clair dans les propositions : ce sera d’ailleurs la tâche de la mission d’information présidée par M. Yves Bur.

M. Yves Bur a indiqué que le rapporteur a bien traduit ce que chaque député ressent dans son département : le désordre administratif n’est pas nouveau et il était prévisible. En effet, la loi du 9 août 2004 a été accaparée par certains services du ministère de la santé. Il ne faut pas dès lors s’étonner que les derniers groupements régionaux de santé publique (GRSP) n’aient été mis en place qu’à la fin du deuxième trimestre 2007. Si leur utilité avait été évidente, ils se seraient mis en place d’eux-mêmes, à la demande des acteurs de la santé publique.

Il faut donc s’interroger sur les conditions permettant une meilleure gestion des politiques de santé publique avec les ARS. Un transfert de la tutelle de la santé publique du préfet à l’ARS n’est pas une condition suffisante. Le gouvernement doit comprendre qu’il faut remettre en question la loi du 9 août 2004 elle-même et les 104 priorités de santé publiques qu’elle fixe ; il n’est en effet pas possible de mobiliser les acteurs sur autant de priorités. Il faut revoir également le désordre institutionnel engendré par la superposition de structures administratives multiples où l’on ne sait plus qui fait quoi. Mme Bernadette Malgorn, secrétaire générale du ministère de l’Intérieur, a considéré, devant la mission d’information sur les ARS, que les préfets sont les mieux placés pour garantir le respect de l’intérêt général en matière de santé publique. Le problème est plus profond : la France n’a pas de tradition en matière de conduite des politiques de santé publique.

Concernant les conférences régionales de santé, on pouvait penser qu’elles avaient évolué favorablement au cours de ces dix dernières années, mais tout porte à croire que la situation n’a pas changé et que les conclusions de ces conférences restent rédigées avant même leur réunion. Ces conférences seraient pourtant utiles car elles sont la seule enceinte où tous les acteurs de la santé publique peuvent se rencontrer. Elles devraient permettre d’éviter aux politiques de santé publique de rester abstraites et technocratiques.

En conclusion, il existe une volonté d’aller de l’avant en simplifiant et en donnant de la lisibilité au système de santé avec la création des ARS. C’est pourquoi il est à craindre que l’intégration aux ARS du secteur médico-social, qui englobe 35 000 établissements et services et est d’une rare complexité, les surcharge à l’excès.

M. Jean-Luc Préel a souligné que l’examen du budget de la santé est un exercice curieux puisqu’il conduit à s’intéresser à 430 millions d’euros de crédits de l’État alors que par ailleurs l’Assemblée nationale vient de débattre de 152 milliards d’euros de dépenses de santé dans le cadre de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale. On peut relever que les crédits du programme 136 baissent de 26 % : il faudrait absolument veiller à ce que les fonds destinés aux associations et structures d’accueil soient maintenus.

Il faut remettre en perspective le sujet d’étude retenu par le rapporteur par rapport à la loi du 9 août 2004 présentée comme la loi du siècle. Lors de son adoption, trois critiques majeures du dispositif pouvaient être faites :

– 104 priorités de santé publique quantifiées ont été adoptées, ce qui est excessif, et les pathologies concernées devaient diminuer de 25 à 30 % en cinq ans ; quels sont les résultats obtenus à ce jour ?

– les associations et structures de terrain – comités départementaux d’éducation pour la santé (CODES) et comités régionaux d’éducation pour la santé (CRES) – ont été négligées au profit de la création de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) doté de correspondants régionaux : quel est le bilan de l’efficacité de cette structure ?

– la création des GRSP, dont la tutelle a été confiée aux préfets de région, est critiquable. Un de leurs défauts est de séparer les soins de la prévention et de l’éducation.

La mise en place des ARS est indispensable et conduit à revoir l’ensemble des structures de santé publique, y compris les directions départementales des affaires sanitaires et sociales (DDASS) et les directions régionales des affaires sanitaires et sociales (DRASS). Pour la définition du périmètre des ARS, il convient d’inclure la prévention et l’éducation, la médecine ambulatoire et la formation professionnelle en matière de santé.

Concernant le pilotage du secteur médico-social, il s’agit d’un sujet très important mais en charger les ARS risque de rendre leur fonctionnement très complexe. En outre, les ARS risquent d’entrer en conflit avec les conseils généraux si elles interviennent en matière médico-sociale.

En conclusion, M. Jean-Luc Préel a indiqué défendre depuis longtemps les observatoires régionaux de santé. Il faut leur donner des moyens humains suffisants pour leur permettre de fonctionner et éviter de créer des structures aux missions comparables. Quant aux conférences régionales de santé, il est indispensable de les transformer en de véritables conseils régionaux de santé pour parvenir à une vraie maîtrise médicalisée des dépenses de santé.

Répondant aux intervenants, le rapporteur pour avis a souligné que le grand intérêt de la loi du 9 août 2004 est d’avoir introduit la notion de santé publique en France, où beaucoup reste à faire dans ce domaine. De ce point de vue, la création des GRSP a été positive, car ces groupements réunissent des organismes qui, pour certains d’entre eux, ne se préoccupaient jusqu’alors pas – ou peu – de santé publique. En définissant 104 objectifs et 5 plans prioritaires, la loi a fait preuve d’une grande ambition, mais force est de constater dans les faits que les priorités régionales de santé publique varient peu : il faudra donc que les observatoires régionaux de la santé (ORS) et les associations fassent apparaître des priorités spécifiques à chaque région. S’agissant du Nord-Pas-de-Calais, si le conseil régional n’a effectivement rejoint l’ARH qu’en septembre dernier et n’adhère pas au GRSP, cet élément doit être apprécié à la lumière des efforts spécifiques antérieurement accomplis dans cette région.

L’inégalité des moyens affectés aux ORS est criante : le nombre de personnes dont ils disposent varie ainsi de trois à vingt-deux suivant les régions. Par ailleurs, il faut structurer davantage les réseaux de porteurs de projets, en relations avec les comités départementaux d’éducation à la santé (CODES) et les associations qui œuvrent sur le terrain.

S’agissant des ARS, le présent avis n’a pas évidemment pas pour ambition de constituer un prérapport à la mission confiée à M. Yves Bur. Les auditions menées dans le cadre de la préparation de cet avis ont toutefois permis de faire apparaître un consensus sur les compétences des futures agences, qui devraient s’étendre à la santé publique, aux soins de ville, aux soins hospitaliers ainsi qu’au secteur médico-social, étant précisé que la veille sanitaire, qui demeure certes une compétence de l’État, n’en devra pas moins y trouver sa place. Sur leur périmètre d’exercice, l’incertitude semble en revanche plus grande, au vu, par exemple, des différences de taille entre régions ou des situations variables constatées en matière d’intercommunalité : faut-il retenir comme zonage pour la mise en œuvre des actions de santé publique le territoire de santé des schémas régionaux d’organisation sanitaire (SROS) ? C’est une possibilité parmi d’autres et le débat reste donc ouvert. En tout état de cause, il faut que la santé publique tienne sa place dans les futures ARS, en faisant en sorte que des mécanismes de « fongibilité asymétrique » permettent de garantir les crédits qui lui seront consacrés. De plus, la santé publique restant une compétence de nature régalienne, les préfets doivent continuer d’y jouer un rôle important.

Enfin, la baisse des crédits du programme n° 136 « Drogue et toxicomanie » tient, d’une part, au transfert des crédits du groupement d’intérêt public de téléphonie sociale DATIS (Drogues alcool tabac info service) au programme n° 204 et, d’autre part, au recentrage des expérimentations de l’action n° 2 (expérimentation par la MILDT des dispositifs préventifs, sanitaires et répressifs innovants pour le compte des différents ministères) sur les projets des ministères, à l’exclusion de ceux du secteur associatif, que le gouvernement juge plus pertinent de financer sur le programme n° 204.

Le président Pierre Méhaignerie a déploré le manque de lisibilité des structures de la politique de santé publique, qui a pour conséquence une faible implication des collectivités locales dans ce domaine. Mais lorsqu’un « véritable patron » aura été identifié et disposera de crédits, nul doute que celles-ci auront à cœur de s’associer au processus de décision.

M. Yves Bur a insisté sur le fait que l’objectif consistant à mettre en place les ARS au 1er janvier 2009 est particulièrement ambitieux : même si une partie du travail est d’ores et déjà anticipée, il suppose que le dispositif législatif ait été adopté au plus tard fin juillet 2008.

*

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission a émis un avis favorable à l’adoption des crédits pour 2008 de la mission « Santé ».

ANNEXE
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø Direction régionale des affaires sanitaires et sociales (DRASS) des Pays de la Loire – M. Jean-Pierre Parra, directeur

Ø DRASS du Nord-Pas de Calais – M. Jean-Claude Westermann, directeur, et Mme Véronique Yvonneau, directrice adjointe

Ø Union interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS) – M. Arnaud Vinsonneau, adjoint au directeur général, et Mme Cécile Chartreau, chargée de mission

Ø Direction générale de la santé du ministère de la santé, de la jeunesse et des sports – M. Martial Mettendorf, secrétaire général, Mme Véronique Mallet, chef du bureau de la programmation, de l’évaluation et de la synthèse, et M. Jacques Raimondeau, chef du bureau de l’appui aux services déconcentrés et aux groupements régionaux de santé publique

Ø DRASS de Bretagne – MM. Jean-Michel Doki-Thonon, directeur, et Jean-Pierre Nicolas, médecin-inspecteur de santé publique

Ø Association des régions de France – M. Michel Autès, président de la commission santé

Ø Collectif interassociatif sur la santé (CISS) – M. Christian Saout, président

Ø Association des médecins inspecteurs de santé publique – Mme Dominique Deugnier, présidente, et Mme Renée Pomarède, membre

Ø DRASS du Centre – M. Pierre-Marie Détour, directeur

Ø Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) – M. Philippe Lamoureux, directeur

Ø Institut national du cancer (INCa) – Mme Pascale Flamant, directrice générale

Ø DRASS de Provence-Alpes-Côte d’Azur – M. Jean Chappellet, directeur, et M. Jean-Pierre Pallaréa, directeur adjoint du groupement régional de santé publique (GRSP)

Ø Haut Conseil de santé publique – Mme Renée Pomarède, secrétaire générale, et Mme Anne Tallec, rapporteure générale

Ø Fédération nationale des observatoires régionaux de la santé (FNORS) – Mme Phyllis Yvonne Glanddier, présidente, et M. Alain Trugeon, directeur de l’observatoire régional de la santé de Picardie

Ø Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM) – M. Frédéric van Roekeghem, directeur général, et Mme Sophie Thuot-Tavernier, chargée des relations avec le Parlement

Ø M. Philippe Ritter, chargé de mission au cabinet de la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports

Ø Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports

© Assemblée nationale

1 () Programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales » relevant de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

2 () plan national de lutte contre le cancer ; plan national de lutte pour limiter l'impact sur la santé de la violence, des comportements à risque et des conduites addictives ; plan national de lutte pour limiter l'impact sur la santé des facteurs d'environnement ; plan national de lutte pour améliorer la qualité de vie des personnes atteintes de maladies chroniques ; plan national pour améliorer la prise en charge des maladies rares.

3 () Actions de prévention recentralisées par l’article 71 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

4 () Cf. la loi n° 2007-1198 du 26 juillet 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs.

5 () Cf. Ministère de la santé et des solidarités, « Réponses au défi de la démographie médicale », dossier de presse du 25 janvier 2006.

6 () Programme régional pour l'accès à la prévention et aux soins des personnes les plus démunies (PRAPS).

7 () Plan régional relatif à l’alerte et la gestion des situations d’urgence sanitaire (PRAGSUS).

8 () Articles L. 1411-13 et R. 1411-4 du code de la santé publique.

9 () Article L. 1411-15 du code de la santé publique.

10 () Voir sur ce point l’article 10 de la convention constitutive type des GRSP fixée par le décret n° 2005-1235 du 26 septembre 2005.

11 () Voir respectivement les articles L. 1411-13, R. 1411-17 et L. 1411-16 du code de la santé publique, ainsi que l’article 10 de la convention constitutive type précitée.

12 () Décrets n° 2005-1234 relatif aux groupements régionaux et territoriaux de santé publique et n° 2005-1235 relatif à la convention constitutive type des groupements régionaux ou territoriaux de santé publique.

13 () Rapport n° 3614 déposé par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur la mise en application de la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, et présenté par M. Jean-Michel Dubernard, 24 janvier 2007.

14 () IGAS, « Politiques sociales de l'État et territoires », rapport annuel 2002.

15 () Santé, pour une politique de prévention durable, IGAS, 2003

16 () Par ailleurs, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a créé une mission d’information sur les ARS présidée par M. Yves Bur, qui devrait remettre son rapport début 2008.