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Compte rendu
intégral

Commission des finances, de l’économie générale et du plan

Commission des affaires étrangères

Commission élargie

Mercredi 7 novembre 2007

(Application de l’article 117 du règlement)

Projet de loi de finances pour 2008

Aide publique au développement ;

compte spécial : Prêts à des états étrangers

Présidence de M. Didier Migaud
et de M. Axel Poniatowski

(La réunion de la commission élargie commence à 9 heures.)

M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Mes chers collègues, Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères et moi-même accueillons aujourd’hui, dans le cadre de l’examen de la loi de finances pour 2008, M. Brice Hortefeux, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement, en tant bien sûr que ministre du codéveloppement, M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État chargé de la coopération et de la francophonie, et M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé des entreprises et du commerce extérieur qui, pour les mêmes raisons qu’hier, supplée ce matin Mme Christine Lagarde, laquelle accompagne M. le Président de la République aux États-Unis.

Dans le cadre des commissions élargies, nous avons coutume de commencer nos réunions par les interventions des rapporteurs : en l’occurrence le rapporteur spécial de la commission des finances, Henri Emmanuelli, et la rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, Mme Henriette Martinez. Ils ouvriront le feu des questions auxquelles, messieurs les ministres, il vous sera demandé de répondre. Ensuite, un orateur de chacun des groupes politiques s’exprimera. Enfin, les députés qui le souhaitent pourront poser des questions.

La commission des finances se réunira immédiatement après pour s’exprimer sur les crédits de la mission « Aide publique au développement ».

La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.

M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères. Je me réjouis de cette nouvelle formule des commissions élargies, au vu des débats que nous avons eus hier. D’aucuns l’ont trouvé très vivante et enrichissante.

La commission des affaires étrangères est saisie comme d’habitude pour avis sur les crédits de cette mission « Aide publique au développement », dont Mme Henriette Martinez est la rapporteure. Nous voterons également à la fin de cette réunion les crédits eux-mêmes.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Le Président de la République affiche comme objectif 0,7 % du RNB de dépenses d’aide publique au développement en 2015. Sous le quinquennat précédent, l’objectif était de 0,7 % en 2012. On constate donc un petit retournement à la baisse.

De la même manière, l’inscription des crédits est à la baisse : l’année dernière, elle était de 0,5 % du RNB, avec une réalisation de 0,42% ; cette année, elle est de 0,45% du RNB et, si l’écart de réalisation est équivalent à celui de l’année dernière, nous tomberons, au mieux, à 0, 40 %.

Comment atteindra-t-on l’objectif de 0,7 % en 2015, alors que le quinquennat commence par une baisse des inscriptions budgétaires ? De surcroît continuent à figurer dans ces inscriptions budgétaires certains éléments dont la concrétisation n’est pas évidente : je pense à l’annulation de la dette de la Côte d’Ivoire ou de quelques autres pays.

On aurait pu attendre une impulsion ou une dynamique pour aller au-delà. Or c’est l’inverse qui se passe. Comme le programme des pays pauvres très endettés, le PPTE, arrive à son terme et qu’une grosse partie de l’aide publique est représentée par des annulations de dettes, on peut se demander ce qui arrivera lorsqu’il n’y aura plus d’annulation de dettes. Je m’interroge donc sur la réalisation de l’objectif de 0,7 % ; mon opinion personnelle est qu’on ne l’atteindra pas.

Tous les observateurs ou à peu près, y compris le Conseil d’analyse économique, qui conseille le Premier ministre, ont relevé le nombre d’intervenants dans le domaine de l’APD : neuf ministres participent au Comité interministériel de la coopération internationale et du développement, le CICID, l’Agence française de développement, l’AFD, en étant considérée comme l’opérateur pivot. Cela fait déjà beaucoup de monde, auquel vient de se rajouter le ministre du codéveloppement. Ainsi, au lieu et place d’une rationalisation, on assiste à une extension du nombre d’intervenants.

Le ministère des finances, quant à lui, refuse de faire de l’AFD un opérateur de la LOLF. L’AFD échappe donc au contrôle du Parlement.

J’aimerais savoir, monsieur le ministre du codéveloppement, comment vous assurerez la gestion de ce mécanisme assez complexe. J’aimerais aussi savoir pourquoi, alors que la Cour des comptes, le rapporteur et les parlementaires le réclament, l’AFD n’est toujours pas considérée comme un opérateur LOLF.

Je passe sur la contribution de solidarité sur les billets d’avion, qui rapporte moins que prévu, car j’y reviendrai. Je souhaite interroger le ministre du codéveloppement sur les crédits du Fonds européen de développement, le FED.

Pour 2008, 725 millions d’euros ont été inscrits en crédits de paiement dans le programme « Solidarité à l’égard des pays en développement », ce qui correspond à la contribution française au FED. Or nous aurions besoin de 862 millions d’euros de crédits, d’après les informations que nous a fournis le ministère des affaires étrangères, plus précisément la direction générale de la coopération internationale et du développement, la DGCID. Chaque année, des reports sont utilisés pour combler une partie du besoin, les crédits inscrits n’étant jamais suffisants. Une somme importante sera sans doute nécessaire cette année. Si nous n’avons pas inscrit les crédits nécessaires, nous devrons payer des intérêts de retard qui seront alors comptabilisés, et c’est un comble, comme de l’aide publique au développement. Pourquoi les crédits dont le ministère des affaires étrangères dit avoir besoin ne sont-ils pas inscrits ?

Monsieur Hortefeux, on clame à l’envi que le vrai moyen de régler la question de l’immigration, c’est l’aide aux pays en voie de développement, en particulier le codéveloppement. Or j’observe que les crédits inscrits pour le codéveloppement sont plus que modestes : 60 millions d’euros en autorisations d’engagement et 29 millions en crédits de paiement.

Je crains, monsieur le ministre, que vous ne puissiez pas faire grand-chose de ces 29 millions d’euros. Considérez-vous que le codéveloppement est vraiment un élément important pour résoudre la politique d’immigration, ou un adjuvant à la politique répressive menée par ailleurs ? Et, puisque j’en ai l’occasion, je répète de vive voix ce que j’ai écrit s’agissant des tests ADN, cette initiative parlementaire reprise par le Gouvernement. Je me permets, en tant que rapporteur, d’élever la plus vive réprobation sur des méthodes qui rappellent de fâcheux souvenirs.

M. Brice Hortefeux, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Pouvez-vous préciser lesquels ?

M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial. Monsieur le ministre, je vous ai posé une question ; j’espère que vous y répondrez.

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. J’ai moi aussi le droit de vous poser une question précise : lesquels ?

M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial. Il est normal qu’en tant que rapporteur, je pose des questions. Maintenant, si vous désirez m’en poser, on peut organiser un débat télévisé.

Quant à vous, messieurs de l’UMP, je vous fais remarquer que des parlementaires importants de votre groupe se sont permis d’indiquer que cela leur rappelait de fâcheux souvenirs. Je ne vois pas pourquoi je m’interdirais de dire la même chose !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Jusqu’à preuve du contraire, la parole est libre à l’Assemblée nationale.

M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial. Je ne tiens pas à embraser l’atmosphère, mais je ne suis pas non plus sensible à l’intimidation.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères.

Mme Henriette Martinez, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères. Ma première question s’adressera à M. Bockel et portera sur l’architecture globale du système français d’aide publique au développement.

Monsieur le secrétaire d’État, à l’heure où le CAD de l’OCDE engage une réflexion sur ce système, il me paraît nécessaire de préciser l’articulation entre les différents programmes mis en œuvre dans le cadre de la mission « Aide publique au développement ».

Alors que le Gouvernement s’est engagé dans une revue générale des politiques publiques, la RGPP, dont l’objectif est de repenser en profondeur l’action publique en remettant à plat l’ensemble des missions de l’État, y compris en matière d’APD, et, notamment, de passer à une budgétisation pluriannuelle, je souhaite savoir si cet exercice pourrait concourir à la mise en place d’une programmation pluriannuelle de notre APD, que nous sommes nombreux à appeler de nos vœux.

Quelles sont les priorités de programmation de la dixième tranche du FED ? Dans quelle mesure seront-elles articulées avec les objectifs du millénaire pour le développement, ou OMD ? Je serai très prochainement rapporteure de la commission des affaires étrangères sur le projet de loi relatif à la ratification de cet accord par la France.

Alors que les transferts s’opèrent progressivement vers l’AFD, comment garantir la capacité de l’Agence à mettre en œuvre toute la gamme de nos projets de coopération, y compris les projets de petite taille ?

Monsieur le ministre du codéveloppement, je me suis récemment rendue au Mali, dans le cadre de mon avis budgétaire. Ce pays constitue un laboratoire de codéveloppement depuis l’année 2000. En coopération avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, la CEDEAO, la Commission européenne, la France et l’Espagne, le Mali devrait ouvrir au printemps 2008 le Centre d’information et de gestion pour les migrations, le CIGEM, qui aura pour objectif de collecter et de diffuser des informations sur les migrations, et d’accompagner les migrants dans leur retour et leur réinsertion. Cela me paraît être une initiative pilote en faveur des migrations légales.

D’autres initiatives similaires sont-elles envisagées dans d’autres pays, avec lesquels la France a signé des accords de gestion concertée des flux migratoires et de codéveloppement ? Dans le cadre de la future présidence française de l’Union européenne, cette initiative pourrait-elle prendre la forme d’une action ou d’une politique commune, dans la mesure, bien sûr, où elle s’avèrerait positive ?

Monsieur le secrétaire d’état chargé des entreprises et du commerce extérieur, en qualité de gestionnaire du programme consacré à l’aide économique et financière, le programme 110, quelles sont d’après vous les perspectives d’amélioration de l’aide publique française et de renforcement de son efficacité ?

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la coopération et de la francophonie.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. La première question de M. Emmanuelli était d’importance, puisqu’elle concernait l’objectif de 0,7 % du RNB en dépenses d’APD.

On est en effet passé de l’horizon 2012 à l’horizon 2015. La démarche est très réaliste, au vu de l’évolution de ce pourcentage depuis quelques années. Elle n’est pas non plus spécifique à la France, dans la mesure où la plupart des autres pays européens se sont calés sur cet objectif 2015.

Pour autant, certains pays comme la Grande-Bretagne ou l’Allemagne ont indiqué dans leur budget et mis en œuvre des augmentations significatives de leur aide, liées à leur prospérité économique recouvrée, ou simplement à des choix. Cela ne manque pas de nous interpeller.

Sur l’effort actuel en matière d’APD, on est passé, non pas de 0,50 %, mais de 0,47 % du RNB à 0,42 %, pour les raisons que M. Emmanuelli a lui-même précisées et qui tiennent à des non annulations de dettes. Je souligne que cela ne s’arrêtera pas et que nous serons confrontés, dans les prochaines années, à une forte baisse des annulations de dettes, qu’il s’agit donc d’anticiper.

Ce pourcentage de 0,7 % fait l’objet d’un consensus au sein de tous les pays du Comité d’aide au développement de l’OCDE. Il servira de levier pour les ODM, mais il faut s’attendre, dans les prochaines années, à des débats sur le contenu de ce 0,7 %. Une mise à plat serait utile. La France, notamment, qui est une grande contributrice à l’aide au développement, en particulier en Afrique, a besoin de s’y retrouver. Enfin, cet objectif est-il encore réaliste ? On est en droit de se poser la question.

Nous ne baissons pas les bras, loin s’en faut. Un conseil restreint a permis de stabiliser les crédits, malgré un contexte budgétaire difficile. Cela représente un effort budgétaire conséquent. Je me suis battu pour obtenir une augmentation des autorisations d’engagement dans le PLF 2008.

M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial. Par rapport aux réalisations ou par rapport à l’inscription dans la loi de finances ?

M. le secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. Par rapport aux inscriptions.

M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial. Mais non !

M. le secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. Cette augmentation des autorisations d’engagements marque la volonté de reprendre, à partir de 2009, une croissance volontariste du budget de la mission APD. Pour autant, il y aura des arbitrages, et ce n'est pas gagné d’avance.

Je considère par ailleurs, cinq mois après ma prise de responsabilité, que l’AFD , même si elle n’est pas exempte de défauts, est le bon outil français en matière de coopération, conforme aux critères retenus pour la modernisation des instruments comparables en Europe. Il mérite d’être renforcé. Dans le cadre de la RGPP, c’est le message que je fais passer. Toutefois, en contrepartie de son renforcement, il faut mettre en place un contrôle politique accru.

À la suite de la réforme de la coopération, le ministère des affaires étrangères a vu son rôle de définition de la stratégie de l’aide française s’accroître, s’agissant notamment des orientations de l’AFD. Cela est passé par la révision de ses statuts, publiée en 2006, par des conventions cadre État-AFD, par le contrat d’objectifs ministère des affaires étrangères-AFD, signé début 2007 et qui crée un nouveau cadre d’exercice de la tutelle, salué d’ailleurs par la Cour des comptes et l’audit de l’inspection du ministère. En outre, depuis janvier 2007, l’AFD a un plan d’orientation stratégique à cinq ans, réalisé en concertation avec nous.

Mon opinion personnelle est qu’il faut aller plus loin et réfléchir, notamment dans le cadre de la RGPP, à la création d’une instance de pilotage. Les statuts actuels ne permettent pas que l’AFD soit présidée par un membre du Gouvernement, mais on peut imaginer la mise en place d’un comité d’orientation stratégique. L’AFD elle-même demande cette tutelle politique.

L’AFD n’est pas un opérateur de la LOLF. Ce choix ne répond pas à une volonté d’escamoter l’Agence, mais, si on l’intégrait, on augmenterait l’endettement de l’État par la prise en compte des emprunts faits par l’AFD. Cela nous ramène à la discussion que nous avons eue tout à l’heure ; inutile de tourner autour du pot.

Je défendais hier au Sénat les accords de Cotonou et j’ai eu l’occasion de rappeler les nouvelles négociations pour la période à venir ; nous avons obtenu que la part française soit un peu plus raisonnable. Cela dit, notre contribution est en hausse rapide, du fait d’une accélération des décaissements et de la logique de gestion du FED.

La clé contributive reste celle du neuvième FED – 24,3 % – tant que l’enveloppe ne sera pas épuisée, c’est-à-dire sans doute jusqu’en 2011, et ce même si, dans la nouvelle logique, nous serons à 19, 59 %.

La situation actuelle risque de se traduire par une envolée des contributions hors du cadre de la discipline budgétaire. La Commission européenne prévoit d’ailleurs une hausse de 28 % du montant global de l’appel à contribution en 2008. Évidemment, cela n’est pas compatible avec l’équilibre de nos finances publiques. Nous proposons donc, avec l’Allemagne, la mise en place d’un cadrage budgétaire plus serré, inspiré de celui du budget de l’Union et prévoyant un lissage pluriannuel des appels à contribution. Sans revenir sur nos engagements financiers, nous pourrons ainsi étaler dans le temps la montée progressive de notre contribution, qui est la conséquence d’une meilleure efficacité du FED, dont on se réjouit. Pour autant, la France demeure à sa position traditionnelle qui est de souhaiter une budgétisation du FED.

Je souligne enfin que jusqu’en 2007 les inscriptions budgétaires ont toujours été suffisantes pour couvrir les besoins ; elles le seront également en 2008.

Monsieur Emmanuelli, je crois beaucoup au dispositif UNITAID. J’évoque régulièrement, au sein des instances internationales, l’engagement de la France dans les actions de santé ou de lutte contre le sida et contre les autres pandémies. Nous sommes d’ailleurs le premier contributeur au monde du Fonds mondial contre le sida, avec 900 millions d’euros sur trois ans, les États-Unis se situant hors fonds. Le dispositif UNITAID vient en plus. Notre contribution a été de 45 millions en 2006, qui n’était pas une année pleine. Nous considérons aujourd’hui qu’elle sera de 160 à 165 millions d’euros en 2007. Nous l’avions estimée précédemment à 200 millions d’euros ; on peut donc parler de baisse, mais cette somme correspond au créneau que nous nous sommes fixé depuis quelque temps, à savoir entre 160 et 180 millions d’euros.

On n’a constaté aucun impact négatif sur les compagnies aériennes. On avait en effet redouté un désavantage concurrentiel pour les compagnies des pays créant la taxe ; il y en a vingt-sept aujourd’hui.

UNITAID disposera au total, au-delà de la part française, d’environ 300 millions de dollars pour 2007 : 90 % sont déjà encaissés, et 81 % déjà déboursés. Le dispositif fonctionne donc bien. Nous travaillons avec l’OMS, l’UNICEF, le Fonds mondial, de grandes fondations comme la Fondation Clinton. L’impact de l’UNITAID, qui viendra en plus de l’aide publique, sera donc significatif.

Sur la RGPP et la programmation pluriannuelle, nous travaillons de manière approfondie avec les équipes d’audit coordonnées par Mme Nathalie de la Palme, de l’Inspection générale des finances, qui s’occupe de notre secteur.

L’aide française comporte une part importante de dépenses non programmables, par exemple les annulations de dettes. L’aide programmable, dont la gestion relève plus directement de ma responsabilité, reste soumise à l’annualité budgétaire ce qui réduit la prévisibilité des actions bilatérales pour les pays bénéficiaires. On peut le regretter, d’autant que l’essentiel des dépenses de la mission « Aide publique au développement » découlent d’engagements internationaux. Il y a donc une forte inertie.

Le plan d’action français pour l’efficacité de l’aide, validé en 2006 par la conférence d’orientation stratégique et de programmation, propose de mieux piloter les engagements dans un cadre financier pluriannuel. Ce travail est en cours, mais se pose toujours la question de l’annualité budgétaire. Il faudrait mettre en place, on y travaille avec les services chargés du budget, une expérimentation de budgets pluriannuels pour certaines politiques publiques et – pourquoi pas ? – pour l’aide publique au développement. C’est en tout cas ce que je proposerai.

Madame Martinez s’est interrogée sur les priorités de la programmation du FED, en harmonie avec les objectifs du millénaire pour le développement.

Le fonctionnement du FED a été réformé en vue d’une meilleure efficacité. La présidence française, en 2000, sous la houlette de Charles Josselin, y avait contribué. Depuis 2002, la gestion des fonds est déconcentrée au niveau des délégations de la Commission avec les pays ACP. Cela a permis d’accélérer les décaissements. Les crédits sont concentrés sur un nombre restreint de secteurs : la gouvernance, les infrastructures, l’appui à l’intégration économique. Les nouvelles modalités de programmation du FED permettent d’adapter la coopération, donc d’être réactifs au fur et à mesure de l’évolution des besoins, des performances et des pays ACP.

L’aide budgétaire prend, dans tous les pays où c’est possible, une place plus importante. Ce soutien permet à ces pays de mieux prévoir les ressources dont ils peuvent disposer. Il permet d’instaurer entre le bailleur et les bénéficiaires d’un dialogue sur la gouvernance, la gestion des finances publiques et les objectifs de réduction de la pauvreté.

Enfin, dans le cadre du dixième FED, une tranche incitative viendra soutenir encore davantage les efforts faits en ce domaine. Il y a eu quelques compléments sur l’assouplissement des procédures, sur l’accélération de la mise en œuvre de la facilité d’investissement avec la Banque européenne d’investissement.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement.

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Il y a au moins un point sur lequel je suis d’accord avec M. Emmanuelli : à terme, et sans doute à long terme, le développement est la seule solution qui permettra de maîtriser les flux migratoires. Il est par ailleurs évident que la pression migratoire sur le Nord se nourrit des déséquilibres que l’on connaît. C’est donc pourquoi une politique ambitieuse d’aide publique au développement a été engagée.

Pour répondre à M. Emmanuelli, je participerai au CICID, dès lors que le Premier ministre le présidera. Je participerai également au secrétariat du CICID qui est assuré aujourd’hui par le ministère de l’économie et des finances, et par le Quai d’Orsay ; j’y serai, ou du moins mes représentants y seront, au même titre que les représentants de Mme Lagarde et de M. Kouchner.

Par ailleurs, les sommes consacrées au codéveloppement ne sont-elles pas trop accessoires ? À cet égard, je vous indique, monsieur Emmanuelli, ce qui pourra vous rassurer à défaut de vous enthousiasmer, que le programme 301 est doté effectivement de 60 millions en autorisations d’engagements et de 29 millions en crédits de paiements, ce qui représente une hausse de 139 % pour les premières et de 85 % pour les seconds. Si vous faites des comparaisons, il faut aller jusqu’au bout. En tout cas, cela répond à l’évidence à votre préoccupation en termes d’augmentation. En termes de volume, bien sûr, on peut toujours espérer plus, mais cela permet déjà de faire mieux que par le passé.

Vous avez évoqué les tests ADN et vous avez eu la courtoisie de me proposer un débat. J’en suis tout à fait d’accord, mais je vous suggère d’en tenir d’abord un avec vos amis. Je reçois demain matin le ministre britannique travailliste chargé de ces questions, qui m’a corrigé en conférence de presse en me précisant que ce n’était pas 10 000 tests qu’il pratiquait chaque année, mais 12 000. À ma connaissance, il fait partie de l’Internationale socialiste.

M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial. Ne vous préoccupez pas de l’Internationale socialiste, préoccupez-vous plutôt de l’opinion française !

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Et si cela ne suffit pas, je vous suggère aussi de dialoguer avec le gouvernement le plus à gauche d’Europe aujourd’hui, qui est celui d’Espagne. Il pratique des tests ADN avec trois pays et cela marche si bien qu’il veut les élargir à huit pays supplémentaires. Attention donc aux comparaisons, à la mesure et aux références.

Madame Martinez, vous vous êtes demandée si l’initiative du Centre d’information et de gestion pour les migrations au Mali pouvait être élargie. Nous avons engagé une politique d’accords avec les pays d’Afrique subsaharienne et du Maghreb. Je serais tout à fait favorable à ce qu’on y inclut de tels dispositifs. La France a participé dès le départ à l’initiative expérimentale de la Commission européenne qui a abouti à la création du Centre d’information et de gestion des migrations de Bamako ; elle a été à l’origine de ce projet, dans le cadre de réunions de travail. Nous souhaitons que cette récente possibilité fasse l’objet de discussions avec nos partenaires européens, notamment dans le cadre de la présidence française de l’Union, qui débute le 1er juillet. Ce peut être un des thèmes abordés par la deuxième conférence euro-africaine sur les migrations et le développement, qu’elle organisera, vraisemblablement les 27 et 28 octobre 2008.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur. Mme Martinez m’a interrogé sur le programme 110, qui représente un tiers du budget de la mission de l’APD. M. Bockel a parlé globalement de l’aide publique et l’on pourrait discuter des chiffres à l’envi. En effet, comme l’a fait remarquer M. Emmanuelli, nous sommes dans l’incertitude, s’agissant notamment des annulations de dettes. Il est donc difficile de parler d’augmentation ou de désengagement. Je rappelle simplement que les annulations de dettes qui sont aujourd’hui programmées pour 2008 ont plus de chances d’être réalisées qu’en 2007, dans la mesure où elles sont inscrites dans les programmes et dans les dernières publications du FMI.

Au-delà de ces chiffres, je veux m’attacher à la question de Mme Martinez qui me semble la plus importante, puisqu’elle touche à l’efficacité des aides. Les pouvoirs publics français ont raison de mettre l’accent sur ce sujet et il existe plusieurs pistes d’amélioration en la matière.

D’abord, il faut concentrer nos aides sur des secteurs et sur des pays. C’est ce que nous faisons s’agissant de la santé, de l’environnement et du codéveloppement. Nous nous concentrons prioritairement sur l’Afrique.

Ensuite, il faut limiter la charge que nos procédures font peser sur les pays bénéficiaires. C’est l’objet de la déclaration internationale signée à Paris en 2005, qui vise à une plus grande harmonisation entre les bailleurs.

Enfin, on s’intéresse beaucoup ici, notamment au sein de la commission des finances, en particulier M. Emmanuelli, à l’évaluation des résultats. Nous y sommes très attachés. En ne discutant que des moyens, on risque en effet de passer à côté d’une partie de la politique que nous voulons mettre en œuvre. Les organismes multilatéraux dans lesquels nous siégeons d’ailleurs, et qui peuvent nous donner des leçons en la matière, ont eu cette culture bien avant nous. J’ai demandé à la direction générale du trésor et des politiques économiques, la DGTPE, de faire assez rapidement des propositions sur la mesure de l’efficacité des aides.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Merci, messieurs les ministres.

La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.

M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères. Je voudrais d’abord avoir des informations sur les transferts de fonds des travailleurs migrants. En octobre dernier, le Fonds international de développement agricole et la Banque interaméricaine ont publié une étude très intéressante selon laquelle, en 2006, les travailleurs migrants des pays industrialisés ont envoyé dans leur pays d’origine l’équivalent de 300 milliards de dollars.

Il y a un an, la France a pris des mesures afin d’instituer des conditions de transferts favorables, dès l’instant où ces fonds étaient réutilisés dans des projets d’investissement dans les pays d’origine. À cette occasion, le Gouvernement avait mis en place les comptes épargne de codéveloppement et le livret d’épargne codéveloppement. Avons-nous aujourd’hui une connaissance assez précise des montants transférés par les travailleurs migrants vers leur pays d’origine à partir de la France ? Où en est la mise en œuvre de ces comptes et de ce livret d’épargne ?

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M le ministre.

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Il y a une petite incertitude concernant les chiffres que l’on avance : celui de la Banque mondiale est de 250 milliards de dollars. L’évaluation est en effet très difficile. Les experts estiment que jusqu’à 50 % de ces transferts ont lieu de façon informelle. Ce qu’on sait, c’est qu’ils se font de 125 millions de travailleurs vers 500 millions de proches dans les pays d’origine. Depuis la France, ces transferts s’élèvent à 8 milliards d’euros, soit à peu près le montant de l’aide publique au développement, qui est de 8,32 milliards d’euros.

Nous avons signé des accords avec le Sénégal, le Gabon, le Congo Brazzaville et – tel sera bientôt le cas avec le Bénin – pour lesquels nous n’avons pas encore d’estimation. En revanche, nous avons des éléments grâce au ministère de l’économie et des finances, à la Banque mondiale et la Banque africaine de développement s’agissant de pays sources d’immigration. Le montant de ces transferts représente entre 9 et 24 % de leur PIB, ce qui paraît considérable. Pour le Maroc, ils sont de 1,507 milliard, soit 9 % du PIB ; pour le Sénégal, 449 millions, soit 19 % du PIB ; pour le Mali, 295 millions, soit 11 % du PIB ; et pour les Comores, 70 millions, soit 24 % du PIB.

Le compte épargne codéveloppement a été prévu par la loi de 2006. Il a été rendu possible par un décret de février 2007. Il est réservé à cinquante-trois pays en développement, dont la liste a été dressée en mars dernier. L’épargne est bloquée entre un et six ans, à hauteur de 50 000 euros maximum. Il doit servir à des investissements productifs dans les pays de départ des bénéficiaires. Il permet une défiscalisation des revenus en France, dans la limite de 25 % et jusqu’à un plafond de 20 000 euros. Concrètement, un accord a été signé avec le ministère de l’économie, la Caisse d’épargne et moi-même. La Caisse d’épargne entend proposer ce système à compter du début de l’année. Elle fera un bilan sur l’année pour voir s’il est intéressant ou non.

Si l’on a accéléré les choses dans ce secteur, c’est parce qu’on s’est rendu compte que 80 % des fonds transférés sont utilisés à des fins de consommation courante et quasiment pas à des investissements, dans des pays qui en manquent cruellement. Les responsables de ces pays sont d’ailleurs demandeurs.

La création du livret épargne codéveloppement a été voté à l’unanimité par l’Assemblée nationale et le Sénat. Nous discuterons avec les associations de migrants et les banques susceptibles d’être intéressées. Un décret fixera le taux de la prime d’épargne et son plafond, ainsi que le montant maximum des sommes pouvant être épargnées, qui devrait être aux alentours de 10 000 euros.

Ces deux dispositifs seront inclus dans les accords de gestion concertée des flux migratoires, que la France signe progressivement avec tous ces pays. Néanmoins on ne peut pas encore faire encore de bilan, puisque l’un est entré en vigueur le 1er janvier et l’autre un peu plus tard.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial. Ces 8 milliards sont une somme énorme, puisqu’elle équivaut au budget de notre aide publique. Or le monopole de ces transferts est aux mains de Western Union, qui pratique des taux prohibitifs. Il serait bon que le Gouvernement vérifie si des opérateurs français ne sont pas intéressés.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Vous avez parfaitement raison. Les chiffres sont hallucinants : sur 10 euros transférés, la Western Union en prélève 2 ! La justification est qu’elle est présente partout jusque dans la plus petite boutique du plus petit village le plus reculé, quand elle n’envoie pas une camionnette sur les routes. Reste que les taux demeurent inacceptables.

Est-il possible de réagir ? J’en ai parlé avec les Espagnols, qui sont aussi concernés. La Caixa de Catalogne avait déjà commencé à négocier. Du côté français, nous nous sommes penchés sur le sujet. La Caisse d’épargne s’est engagée sur le compte épargne codéveloppement. Son président préside actuellement l’Association française des banques, l’AFB, dans le cadre de leur tourniquet. Il est très décidé à agir et pense pouvoir faire quelque chose, vraisemblablement à la fin du premier trimestre de 2008. Je pense que la France sera alors à même de proposer une initiative dans ce domaine, de manière à réduire ces frais. Le président de la Société générale, qui est très présente dans le Maghreb et l’Afrique subsaharienne, est sur la même ligne. Il convient en effet de s’opposer au monopole américain. M. Emmanuelli et moi-même sommes totalement d’accord sur ce point.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. Jean-Louis Christ.

M. Jean-Louis Christ. Monsieur Hortefeux, vous venez d’indiquer que le développement est l’une des solutions qui permettra de maîtriser le flux migratoire, grâce à certains programmes, parmi lesquels un volet bilatéral, des aides à la réinstallation des migrants dans leur pays d’origine, mais aussi une action multilatérale prenant la forme d’un fonds fiduciaire. Pouvez-vous nous préciser ce qu’est un fonds fiduciaire ? Quelles sont les banques de développement porteuses de ce type de dispositif ? Quels sont les avantages et inconvénients qu’il y aurait à recourir à la Banque africaine de développement ?

Monsieur Bockel, l’adhésion des Français à l’aide au développement reste particulièrement forte, malgré une conjoncture budgétaire contrainte, mais elle est mitigée quant à son efficacité et ses résultats. Devant la complexité des institutions comptables de la gestion des fonds de l’APD, peut-on imaginer une définition nouvelle et crédible d’une politique française du développement ?

La France assurera, au cours second trimestre de 2008, la présidence de l’Union européenne. Quelles priorités défendra-t-elle en matière de développement pendant cette présidence ?

Vous avez évoqué la mobilisation de la France pour le Fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose. À hauteur de quel montant y contribue-t-elle ? À quel rang notre pays se situe-t-il ? Quels sont les autres principaux contributeurs ?

Enfin, une partie de notre aide est désormais dirigée vers les pays émergents, dont la Chine. Cette orientation récente ne risque-t-elle pas d’empiéter sur l’aide accordée aux pays africains, et, plus largement, aux pays de la zone de solidarité prioritaire ?

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. La situation financière dans laquelle se trouvent les pays surendettés est souvent la conséquence de la volonté des organisations internationales, dont la France est membre, d’imposer des programmes d’ajustement structurel. Ces programmes forcés de libéralisation et de privatisation font fi des obligations internationales, du respect des droits humains et des choix démocratiques locaux. Comme l’ont indiqué plusieurs résolution de la commission des droits de l’homme de l’ONU, une telle attitude s’oppose à la mise en place de politiques publiques de développement.

Composé de dix-neuf pays créanciers, dont la France, le Club de Paris est chargé de renégocier la dette bilatérale des pays du Sud qui ont des difficultés de paiement. Peu connu de nos concitoyens, il pèse pourtant lourdement sur l’actualité internationale depuis un demi-siècle. Les conditions de vie des populations les plus démunies et le respect de leurs droits fondamentaux n’entrent pas en considération, car le Club se veut une simple agence de recouvrement de fonds. Il est d’ailleurs géré par le ministère des finances et non par celui des affaires étrangères ou de la coopération, ce qui constitue une anomalie grave. Son but est de faire payer au maximum les pays endettés. Les annulations sont, elles aussi, soumises à l’application de nouvelles mesures d’ajustement structurel qui enfoncent encore plus les pays concernés. Les thérapies de choc prônées par les institutions financières internationales sont manifestement inadaptées.

L’aide publique au développement exige un changement de la politique menée par la France au sein des institutions internationales. Celle-ci ne peut être conditionnée par l’application de programmes d’ajustement structurel. L’annulation des dettes, que je qualifie d’odieuses et d’illicites, contractées par des dictatures et des gouvernements corrompus, est une nécessité. Il est impératif que l’objectif du 0,7 % du RNB consacré à l’APD et correspondant à un véritable effort budgétaire soit atteint.

Cet objectif est fixé pour l’horizon 2015. Je serais tenté de proposer qu’il le soit avant 2012. En effet, comme vous l’avez dit, monsieur Hortefeux, il faudra régler la question à plus ou moins long terme. Ce serait le moyen d’agir sur les choix d’immigration des personnes concernées.

Tant que l’on continuera à imposer à ces pays des mesures de dérégulation, des investissements au bénéfice de sociétés transnationales, européennes et françaises, des privatisations, l’ouverture forcenée des marchés, le démantèlement du droit du travail, l’aide publique au développement ne sera qu’une mesure conjoncturelle et ne pourra résoudre de façon adéquate les problèmes de sous-développement qui frappent une grande partie de l’humanité.

Messieurs les ministres, quelle politique extérieure la France va-t-elle mettre en place pour éradiquer réellement la pauvreté ? Quelle politique le Gouvernement va-t-il mener au sein des institutions financières internationales, au sein du G8, de l’Organisation pour la coopération et le développement économique, du Club de Paris, pour annuler effectivement la dette externe et faire en sorte que la politique d’ajustement structurel soit abandonnée ?

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La politique est à M. Dominique Baert.

M. Dominique Baert. Nous nous intéressons à tout ce qui peut stimuler le développement dans les pays que nous évoquons. C’est le cas du micro-crédit. L’année 2005 fut l’année internationale du développement du micro-crédit. En 2006, M. Mohamed Younous reçut le prix Nobel de la paix au titre de sa contribution au développement de ce micro-crédit dans le monde, plus particulièrement en Inde.

Aujourd’hui, j’ai un peu le sentiment que les projecteurs se sont éteints. En février 2006, et ce fut une première, le président Chirac convoqua à l’Élysée autour d’une table ronde l’ensemble des banquiers pour discuter du développement du micro-crédit, entendu comme moyen de créer des activités en France et de stimuler l’aide au développement. Depuis, cette préoccupation ne semble pas avoir ressurgi dans les discours ou les actes gouvernementaux.

Quelles sont donc les initiatives qu’envisage éventuellement de prendre le Gouvernement en matière de développement du micro-crédit ? Envisage-t-on de développer les interventions financières dans les pays où cela peut permettre de créer des activités économiques ? Quelle coordination souhaitons-nous mettre en œuvre pour développer ces actions de micro-crédit ? En France, nous avons laissé à des associations le soin d’intervenir dans le domaine de la micro-finance. L’initiative de 2006 avait précisément visé à bâtir un début de coordination.

J’ai un peu l’impression qu’il manque un pilote dans l’avion de la micro-finance, qu’il s’agisse de son développement français ou de son développement international. Or, dans de nombreuses contrées, les petites « tontines » et les petites échoppes permettent de créer à partir de quelques dollars des activités, des emplois ; elles contribuent même à l’émancipation des femmes.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Monsieur Christ, le fonds fiduciaire pour le codéveloppement serait administré soit par la Banque mondiale, soit par la Banque africaine de développement sous notre contrôle et en liaison avec la direction générale du Trésor. Avec qui a-t-on intérêt à travailler ? Si on travaille avec la Banque africaine de développement, son action risque de se trouver cantonnée à l’Afrique et au Maghreb. On s’orientera donc plutôt vers la Banque mondiale, ce qui permettra de s’occuper aussi de pays prioritaires comme le Vietnam ou le Surinam.

Le principe du fonds est le suivant : on met 1 000 euros, ce qui a un effet levier et ouvre des perspectives de crédit.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des entreprises et du commerce extérieur.

M. le secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur. Je vais d’abord compléter les propos de M. Hortefeux sur les coûts des transferts.

Nous nous apprêtons à lancer un site internet de comparaison de ces coûts dans les semaines qui viennent. Il sera géré par l’Agence française de développement. La Caisse d’épargne, la Banque postale, le Crédit agricole, la Société générale, MoneyGram et Western Union ont confirmé leur participation au site, qui devrait assurer une certaine transparence. Un tel système existe déjà au Royaume-Uni et sera prochainement installé en Espagne et en Allemagne.

Monsieur Lecoq, je ne partage pas votre vision (Sourires). Je ne peux pas vous suivre lorsque vous suspectez a priori les grands organismes internationaux d’imposer aux pays endettés des programmes d’ajustement structurel qui seraient dommageables à leurs populations. La France, d’ailleurs, en siégeant au conseil d’administration de ces institutions, s’efforce d’améliorer l’efficacité des dispositifs d’aide au développement.

Le Club de Paris est très utile pour annuler la dette de certains pays, qui leur est insoutenable. Je suis donc plutôt satisfait de constater que, depuis l’automne 2006, il ait pu annuler les dettes du Malawi, de la Sierra Leone et de Sao Tomé entre autres.

M. Emmanuelli a parlé de l’éventualité de l’annulation de la dette de la Côte d’Ivoire et de la République démocratique du Congo et remarqué qu’on ne savait pas quand elle interviendrait. Or cette annulation est au moins programmée.

M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial. Quand ? Au cours du prochain siècle ? On l’annonce dans quatre ans !

M. le secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur. Il s’agit en tout cas d’une avancée pour les pays en question.

M. Baert a parlé de l’utilité du micro-crédit dont l’intérêt fondamental est de s’adresser à l’entreprenariat des pays en développement. Dans ce domaine, M. Attali, qui est très occupé en ce moment (Sourires), a lancé des initiatives qui ont rencontré un grand succès.

Par ailleurs, l’AFD dispose d’un outil de micro-financement, que nous allons nous employer à développer.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la coopération et de la francophonie.

M. le secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. Concernant la nouvelle définition des politiques françaises d’aide publique au développement, monsieur Christ, je formulerai quelques remarques.

L’Afrique reste au cœur de nos préoccupations, puisque nous lui consacrons 70 % de nos efforts. C’est là aussi qu’il y a le plus de retard au vu des objectifs du millénaire du développement. Nous allons y accompagner la montée en puissance des dispositifs de lutte contre le réchauffement climatique, la désertification et l’urbanisme sauvage. Le prochain sommet ministériel de la francophonie et le prochain sommet, à Quebec, des chefs d’État, en 2008, tourneront également autour des enjeux climatiques.

Nous entendons moderniser notre appareil de coopération. De ce point de vue, la RGPP sera une opportunité.

Nous nous attachons à diffuser une nouvelle philosophie de l’aide, qui consiste à coaliser l’aide publique, les initiatives des entreprises privées et l’action des différentes fondations qui jouent un rôle de plus en plus important, aussi bien pour défendre leurs intérêts que par éthique. Nous souhaitons aussi enrichir la coopération décentralisée, qui est de plus en plus structurée et professionnelle, accompagner l’aide des migrants et le soutien des diasporas, rendre plus cohérente l’intervention des ONG, mutualiser certaines démarches afin que nous soyons plus forts ensemble.

Monsieur Emmanuelli, si les crédits de paiement du programme 209 sont effectivement reconduits à leur niveau de 2007, les autorisations d’engagement progressent, tous programmes confondus, de 3,2 %.

M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial. Allons ! Dites à vos conseillers que nous ne sommes plus à la maternelle : il y a bien une baisse des crédits. Une baisse c’est une baisse, un point c’est tout !

M. le secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. Monsieur Christ, vous m’avez interrogé également sur les priorités de la présidence française de l’Union en 2008. En septembre, un forum sera organisé à Accra pour nous concerter sur l’efficacité de l’aide. En contrepoint, en décembre 2008, une réunion internationale aura lieu à Doha pour envisager les moyens d’améliorer les modes de financement de l’aide au développement et mesurer le chemin parcouru. Il nous faudra préparer ces deux rendez-vous, à l’occasion desquels nous aurons à jouer un rôle stratégique.

Nous avons déjà proposé à la Commission européenne d’approfondir la réflexion en matière de gouvernance, notamment locale. J’ai obtenu l’accord du commissaire européen Louis Michel pour que les prochaines journées européennes du développement, dont le thème principal sera précisément la gouvernance locale, aient lieu en France.

Les enjeux de santé sont également une priorité et je considère qu’il est de première urgence de couvrir le risque maladie dans les pays en développement. Comme je l’ai déjà indiqué, monsieur Christ, la France contribuera à hauteur de 900 millions sur trois ans au Fonds mondial contre le sida, le paludisme et la tuberculose. Elle est donc bien le deuxième pays contributeur après les États-Unis. J’ai rencontré M. Gordon Brown à Londres début octobre et Mme Angela Merkel à Berlin fin octobre ; leurs pays font de gros efforts pour se rapprocher de notre niveau de contribution et s’engager davantage dans ce domaine.

Nous avons par ailleurs le souci de mettre la contribution française en synergie avec nos interventions bilatérales qui restent importantes, notamment en Afrique : appui au système de santé piloté par l’AFD, jumelages hospitaliers pilotés par le GIP Esther, renforcement des ONG françaises, dont la plupart sont très sérieuses en matière de santé, amélioration de la prise en charge et soutien aux projets de recherche conduits par l’Agence nationale de recherche sur le sida.

La Chine, monte en puissance en Afrique et ailleurs, en raison de ses besoins en matières premières. Elle est aujourd’hui prépondérante dans l’économie de certains pays, notamment africains. Elle est le deuxième fournisseur de l’Afrique et achète les trois quarts de ses matières premières importées, dont le tiers de son pétrole. Son aide publique au développement va doubler dans les cinq prochaines années. Cela profite à court terme aux économies africaines, mais ce n’est pas sans effets pervers, dont certains commencent à apparaître.

M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial. Et nous comptabilisons les activités de l’AFD en Chine au titre de l’aide publique. Voilà qui ne manque pas de sel !

M. le secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. Nous n’allons pas nous battre contre des moulins à vent. Nous considérons que la présence de la Chine, comme de l’ensemble des pays émergents en Afrique, est la bienvenue. Cependant il convient d’amener ces pays, notamment au travers de certains rendez-vous internationaux et de certaines instances, à mettre au point de bonnes pratiques, des pratiques durables. Leurs dirigeants le comprennent d’ailleurs peu à peu. Je pense à certaines thématiques comme le déliement de l’aide, la responsabilité sociale et environnementale, le réendettement responsable, etc.

Si l’AFD est présente en Chine, c’est bien sûr dans l’intérêt de la France et de ses entreprises, mais c’est aussi pour contribuer à la réalisation de nos objectifs. En matière climatique par exemple, il faut obtenir l’engagement de la Chine dans des pratiques plus durables.

Monsieur Lecoq, j’étais, il y a quelques semaines, à la Banque mondiale et au FMI avec Mme Lagarde. Le changement de présidence, il y a trois ou quatre mois, à la Banque mondiale, a induit un nouvel état d’esprit, reconnu par tous les pays, y compris les pays pauvres, les pays émergents, les pays du Sud qui étaient très critiques devant les dérives de la présidence précédente. Les choses sont donc en train de changer et l’on rejoint l’état d’esprit évoqué par M. Novelli.

Monsieur Baert, il se trouve que j’étais présent, avec une autre casquette, à la réunion à laquelle vous faisiez allusion, réunion qu’avait organisée M. Chirac. Si le micro-crédit est très important, il ne constitue pas la seule réponse à tous les problèmes. L’AFD est très impliquée dans ce domaine, avec de nombreux opérateurs sur le terrain. Une réflexion est en cours sur la micro-assurance.

Vous avez dit qu’il manquait un pilote dans l’avion. Au niveau international, il existe aujourd’hui une coopération à travers le CIGAP, une structure qui réunit la France, la Banque mondiale, les Nations unies et qui se veut un laboratoire des bonnes pratiques. Il reste du chemin à faire, mais la démarche est amorcée. L’AFD me paraît être le bon outil, car elle est la plus présente sur le terrain, mais son manque de coordination avec le monde bancaire et les pouvoirs publics constitue une faiblesse, qu’il faudra surmonter.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. Renaud Muselier.

M. Renaud Muselier. Je remercie Mme Aurillac d’avoir accepté de me laisser poser ma question plus tôt.

Nos finances sont aujourd’hui au service d’une volonté politique qui s’affirme clairement. Indépendamment de la question du niveau, l’aide, c’est bien de l’argent, fourni par des Français et mis à disposition de pays étrangers avec un double objectif : aider des pays ou des populations, mais aussi maintenir notre zone d’influence historique et culturelle. Que l’aide soit ou non suffisante, c’est le sempiternel débat dont nous ne sortirons jamais. Au-delà, la question est de savoir si le système mis en place est opérationnel et si les objectifs fixés sont atteints. Plus généralement, sur le plan politique, est-ce que l’on accepte la façon dont l’argent de nos impôts est donné à des populations qui souffrent et à des pays qui en ont besoin ?

En ce qui me concerne, je me réjouis que la volonté politique mette l’accent sur le codéveloppement et la codécision, et que l’on sorte très nettement du système néocolonial historique. Je salue le travail accompli dans ce sens par les ministres ici présents, en particulier par M. Hortefeux qui se consacre à la régulation des migrations de manière juste, cohérente et saine. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Ce changement d’orientation soulève une autre question importante à mes yeux. Je partage l’essentiel des vues de M. Bockel à l’exception notable de celle sur la Chine, à propos de laquelle il nous a fait une réponse-type du Quai d’Orsay. Non, il ne faut pas aider la Chine, mais c’est un autre problème.

Le Président de la République a parlé du projet de l’Union méditerranéenne. Notre aide au développement, ou au codéveloppement est destinée surtout au bassin méditerranéen, en particulier à l’Afrique du Nord. Est-ce que nous pourrons, dans le cadre des organisations multilatérales, peser financièrement pour favoriser la création de la zone Euro-Méditerranée ? Quel sera l’instrument financier de notre action : une banque ou une institution financière ? Un tel projet est-il à l’étude ? En tout état de cause, il est manifeste que les pays du Maghreb subissent la pression des migrants qui viennent du Sud pour aller vers le Nord.

Encore une fois, sans aucunement mettre en cause la politique mise en œuvre, que je salue, comment le projet Euro-Méditerranée est-il pris en compte dans notre politique d’aide au développement ?

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à Mme Martine Aurillac.

Mme Martine Aurillac. Ma question s’adresse à M. Hortefeux et à M. Bockel, même si Hervé Novelli y a en partie répondu dans un cadre plus global. Elle ne concerne que le codéveloppement.

Messieurs les ministres, vous pilotez tous deux ce programme transversal qui s’inspire d’un concept prometteur mais assez difficile à mettre en œuvre. Doté de 29 millions de crédits de paiement – c’est peu, mais c’est mieux, avez-vous dit, à juste titre, monsieur le ministre –, ce programme, qui s’inscrit dans les objectifs du millénaire du développement pour 2015, traduit la volonté du Président de la République d’aider les migrants à participer directement au développement de leur pays grâce aux compétences qu’ils ont acquises et à leur épargne. Dans ce but, vous conduisez trois actions : les aides multilatérales qui recueillent environ 16 % des crédits ; des aides à la réinstallation dans le pays d’origine, qui représentent plus de 8 % des crédits sous forme d’une aide aux microprojets ; et une aide bilatérale, la mieux dotée puisqu’elle reçoit les trois quarts des dotations.

S’agissant de cette dernière, quelles sont les modalités de sélection des opérations et de répartition des crédits, pour s’assurer de la meilleure efficacité possible ?

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial. Je n’ai pas voulu en parler avant, pour ne pas être trop long, mais en quoi les crédits de la réserve pays émergents – RPE – notamment ceux du fonds d’aide au secteur privé – et du FASEP-études – constituent-ils de l’APD ? Il s’agit d’une aide liée qui est destinée à soutenir nos entreprises dans des pays émergents. Je ne nie pas qu’elle ait son utilité par ailleurs, mais je comprends mal qu’elle soit comptabilisée au titre de l’aide publique. Les pays concernés ne sont pas dans le besoin, telle la Chine que vous avez citée. Les crédits seraient davantage à leur place au secrétariat d’État aux entreprises et au commerce extérieur.

Monsieur Bockel, on nous a déjà dit l’année dernière que la Côte-d’Ivoire et la RDC bénéficieraient d’opérations d’annulation de leur dette cette année. J’avais alors prévenu que ce ne serait pas faisable. À nouveau, je vous demande cette année comment vous évaluez cette probabilité. Pour ma part, je l’estime très faible.

Je veux également apporter deux précisions.

Je veux bien que l’on discute indéfiniment pour savoir si les crédits augmentent ou s’ils baissent. Je me borne à constater par écrit, en tant que rapporteur spécial, que l’aide publique française passera de 0,5 % à 0,45 % du RNB et je suis prêt à demander, sur ce sujet, l’arbitrage du comité d’aide au développement de l’OCDE. Par ailleurs, il n’y a pas que les crédits budgétaires. Je le précise parce que, au train où nous allons, quelqu’un finira par dire que notre aide augmente. Non ! On revient au niveau de 2004 : c’est un recul.

M. Hortefeux m’a conseillé d’aller voir en Grande-Bretagne et en Espagne. Conseil pour conseil, je me contenterai de lui envoyer par écrit les remarques de certains membres du gouvernement auquel il appartient sur les tests ADN. Ils n’ont pas tous apprécié. Je lui communiquerai la liste des personnes de la majorité, Mme Veil en tête, qui paraissent partager mon avis.

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Cela ne m’avait pas échappé, contrairement à vous en ce qui concerne la Grande-Bretagne et l’Espagne.

M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial. Mais non ! Je répète que c’est une sinistre initiative.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.

Mme Henriette Martinez, rapporteure pour avis. Ma question rejoint celle de M. Emmanuelli, à ceci près que, plutôt que de regarder d’où l’on vient, c’est où l’on va qui m’intéresse.

Plus que la question de savoir quand la France consacrera 0,7 % du RNB à l’aide au développement, ce qui compte n’est pas tant le montant que le contenu de notre aide. Aujourd’hui, schématiquement, sur 8,3 milliards, un tiers va directement à l’aide publique au développement, un tiers est consacré à l’annulation de la dette, et le dernier tiers concerne d’autres opérations.

Quand l’annulation de la dette aura cessé, c’est-à-dire à partir de 2009-2010, est-il prévu, et je m’adresse surtout à Bercy, de mettre de l’argent frais pour maintenir le même niveau d’aide ? Sinon, ce sera une véritable dégringolade et je ne suis pas de ceux qui contestent l’intégration de l’annulation de la dette dans l’aide publique au développement.

S’agissant de la structure de l’aide, il faut examiner le contenu des programmes qui nous réserve bien des surprises, d’après ce qu’affirment certaines ONG. Je pense à la Coordination SUD qui s’y est intéressée de très près. Monsieur le ministre, ainsi que je l’ai écrit dans mon rapport, je souhaite qu’un audit soit mené pour clarifier les modalités de calcul et savoir précisément où va l’argent. Qu’en est-il exactement des dépenses d’écolage qui financent la scolarité des élèves inscrits dans nos établissements scolaires sur le territoire national ? Qui sont ces élèves que l’éducation nationale « refacture » en quelque sorte au budget de l’aide publique au développement ? Cette pratique se justifie-t-elle ? De même, l’aide aux réfugiés est-elle du ressort de l’APD, ou de la politique sociale ? Il faudrait y regarder de près.

Pour être positive, j’ajoute que l’audit devrait rechercher tout ce qui n’est pas dans le budget de l’APD, mais qui concourt au développement. Nous avons parlé des transferts de fonds par les migrants, mais il y a aussi la coopération décentralisée. Les collectivités territoriales font un effort considérable, et souvent très efficace. Ces actions méritent d’être coordonnées avec la politique nationale.

Il faudrait également s’intéresser au fonds UNITAID qui draine des sommes importantes à l’initiative de la France. J’aimerais connaître, sur les 300 millions de dollars, la part que représente notre contribution – que je crois très importante – et celle des autres pays.

Monsieur Novelli, vous avez dit avec raison nous devons concentrer notre aide par secteur géographique, harmoniser les actions des bailleurs et pratiquer l’évaluation.

Je veux également dire quelques mots sur le FED, dont M. Bockel nous a rappelé les objectifs. Je regrette que les politiques de santé et d’éducation ne soient pas intégrées. Or, monsieur le secrétaire d’État, vous avez dit vous-même que, outre les politiques de contrôle des naissances, la santé et l’éducation ont un impact sur la fécondité, donc sur le développement. Pourquoi ces deux politiques sont-elles laissées de côté ? Ne pourrait-on pas insister davantage sur ce point ?

Les contributions multilatérales aux Nations Unies sont stables. Néanmoins, celle au fonds des Nations Unies pour la population – le FNUAP – augmente, et je m’en réjouis car ce secteur est décisif pour le développement. Les Nations Unies considèrent que la santé maternelle reste aujourd’hui un scandale mondial. Alors, qu’en est-il des politiques de santé maternelle et infantile ?

Le document de politique transversale mentionne la création, par le CICI et le CICID, d’un fonds français pour le renforcement des systèmes de santé le 6 décembre 2006. Pourriez-vous nous donner des précisions ?

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. Jean-Marc Roubaud.

M. Jean-Marc Roubaud. Le consensus se fait sur la nécessité de l’aide au développement et du codéveloppement. L’important n’est pas de pinailler sur les montants inscrits...

M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial. Je ne pinaille pas, monsieur, je rapporte.

M. Jean-Marc Roubaud. Parfois, les rapports n’évitent pas le pinaillage.

M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial. C’est élégant !

M. Jean-Marc Roubaud. J’ai le droit d’avoir mon opinion. Respectez-la.

Ce qui m’importe, ce ne sont pas tant les sommes inscrites que les résultats. Il faut, comme l’a dit Hervé Novelli, évaluer les résultats et concentrer les aides. À cet égard, le sommet d’Accra sera décisif, à condition de ne pas se perdre dans des rapports qui ne tireront pas à conséquence.

L’importance des besoins est telle, monsieur le secrétaire d’État, que je me demande si l’Europe ne serait pas le niveau le plus pertinent. La dilution est source d’inefficacité.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. Mes questions ont été posées par d’autres ! Je passe mon tour.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. Michel Terrot.

M. Michel Terrot. Je n’ai plus qu’une question et demie, car M. Bockel a déjà répondu partiellement.

Depuis une dizaine d’années, la part de l’aide multilatérale augmente fortement. À quel niveau se situe-t-elle aujourd’hui ? Surtout, monsieur le secrétaire d’État, où se situe pour vous, le point d’équilibre ?

Par ailleurs, notre aide publique au développement doit respecter des critères de bonne gouvernance. Pourriez-vous nous préciser lesquels ?

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. Jean Launay.

M. Jean Launay. Monsieur le secrétaire d’État au développement, l’aide multilatérale prend la forme de fonds sectoriels. Étant plus particulièrement sensible à l’environnement et à la question de l’eau, j’ai remarqué, dans le rapport d’Henri Emmanuelli, que l’accès à l’eau et à l’assainissement allait être grandement amélioré et que l’inscription de 5 millions d’euros en crédits de paiement était demandée. On ne peut qu’être d’accord avec de tels objectifs, d’autant que les actions dans ce domaine ont des répercussions directes sur la santé, comme cela a déjà été souligné. À quoi vont ces crédits ? S’agit-il d’investissements directs ? Ou bien passent-ils par l’intermédiaire d’associations ou des collectivités territoriales ?

Par ailleurs, comment fonctionne le Fonds pour l’environnement mondial, dont j’ai noté qu’il serait doté de 139 millions d’euros pour la période 2007-2010 ?

Cela me conduit à vous interroger sur la gouvernance mondiale. Comment sommes-nous représentés ? De quels moyens disposons-nous pour contrôler l’utilisation des fonds ? Quelles sont les actions financées, en espérant qu’elles ne se limitent pas à des colloques et à des déclarations d’intention ?

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Madame Aurillac, l’objectif des actions bilatérales de codéveloppement est de soutenir des initiatives concrètes et diverses. Dans le domaine économique, les bénéficiaires sont des PME-PMI qui sont créées par les migrants dans leur pays d’origine, et qui opèrent dans le commerce ou la construction mécanique par exemple. Le dispositif est distinct de l’aide au retour volontaire. Ces aides vont aussi à des projets de développement local, tels que des bâtiments d’école ou des centres de santé soutenus par des associations de migrants installés en France.

Une autre piste possible, et qui n’a été que peu explorée jusqu’ici, mais qu’il faut encourager, consiste à mobiliser les élites de la diaspora. Je pense non seulement aux universitaires, mais surtout aux professionnels de santé. Il y a des initiatives à prendre localement. Vous le savez, sur notre territoire exercent un grand nombre de médecins et de personnels médicaux d’origine africaine, et leur absence désorganise les systèmes de soins sur ce continent. Je vous communiquerai les chiffres.

Monsieur Roubaud, je suis tout à fait d’accord, et Jean-Marie Bockel aussi, pour que l’Europe relaie notre effort de codéveloppement. Nous ferons passer le message quand la France présidera l’Union européenne. Nous nous fixons une double ambition dans ce cadre.

Premièrement, l’élaboration d’un pacte européen sur l’immigration. Je suis convaincu que nous allons y parvenir, à condition que les cinq pays concernés s’entendent. Je veux parler de ceux qui accueillent 80 % des flux migratoires, c’est-à-dire la France, l’Espagne, l’Italie, le Royaume-Uni et l’Allemagne. Nous avons déjà commencé à en discuter et ce projet a reçu un accueil très favorable, quelle que soit l’orientation politique des gouvernements.

Deuxièmement, la conférence euro-africaine au cours de laquelle nous devrons faire avancer l’idée de créer un lien entre flux migratoires et codéveloppement.

L’intervention de M. Muselier, qui est parti, comprenait deux parties. L’une était très claire, l’autre moins. (Sourires.) Il m’a d’abord apporté son soutien chaleureux et amical.

M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial. On avait compris !

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. M. Emmanuelli a raison, le message était très clair, donc, je n’y reviens pas, mais cela fait plaisir. Vous qui avez été au Gouvernement, monsieur Emmanuelli, vous savez combien il est utile d’être encouragé.

La deuxième partie était un peu moins claire, mais j’imagine que l’expertise de Jean-Marie Bockel lui permettra de répondre très précisément.

M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial. Mare nostrum l’intéresse !

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Si j’ai bien compris, M. Muselier s’interrogeait, entre autres, sur la définition des pays pouvant bénéficier des opérations de codéveloppement. Il s’agit bien sûr des pays d’émigration. Une première sélection en a retenu vingt-huit. Nous signerons, en 2008, six accords de gestion des flux migratoires : avec la Tunisie, avec laquelle les choses sont déjà engagées, avec le Cameroun, le Burkina Faso, les Philippines. Nous avons déjà conclu un accord il y a dix jours avec le Congo.

Les sommes en cause peuvent paraître modestes, mais elles sont très utiles. J’ai vu sur place des migrants qui avaient créé des ateliers, des cas très intéressants. En moyenne, cela porte sur 2 millions d’euros.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à Mme Marie-Anne Montchamp.

Mme Marie-Anne Montchamp. J’ai une question très brève, monsieur le président, sur l’aide médicale d’État.

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Madame Montchamp, vous le savez, l’aide médicale d’État, de l’ordre de 400 millions d’euros, n’est pas de ma compétence. J’étais partant pour m’en occuper parce que je pense qu’il y a beaucoup de choses intéressantes à trouver, mais, par précaution, on m’a expliqué qu’il valait mieux que d’autres s’en occupent.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Peut-être Mme Montchamp veut-elle vous faire des suggestions. (Sourires.)

Mme Marie-Anne Montchamp. Je n’irai pas jusque-là, monsieur le président, mais je vais finir ma phrase.

Je voulais seulement souligner l’effort budgétaire consenti en faveur de l’AME, qui était systématiquement sous-dotée. Pour une fois, les crédits s’approchent de la réalité de l’exécution budgétaire.

Je rappelle que, bien qu’il ne figure pas dans le périmètre de vos compétences, monsieur le ministre, le sujet ne peut vous laisser indifférent. En effet, l’AME constitue un motif puissant de migration et elle sert aussi aux filières de travail clandestin, dont elle constitue parfois une sorte de médecine du travail, alors qu’elle obéit à une logique véritablement humanitaire. Ainsi, elle amalgame des logiques différentes, et, indépendamment du découpage ministériel, elle mérite d’être examinée en détail, avec même une certaine créativité, mais sans tabou.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Vous avez raison, madame, mais, comme je vous l’ai dit, l’AME est non pas de mon ressort, mais de celui de la santé. Il a aussi été question qu’un autre ministère s’en occupe. Cela dit, dans le domaine qui est le mien, je suis régulièrement interrogé à ce sujet car l’AME peut être un indicateur du nombre de clandestins présents sur le sol français. C’est un moyen d’approximation et j’aurai l’occasion d’en reparler.

En tout cas, je transmets votre remarque au ministère de la santé qui s’inscrit dans le cadre de la révision générale des politiques publiques.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des entreprises et du commerce extérieur.

M. le secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur. M. Emmanuelli a posé deux questions importantes.

La première concernait l’éligibilité de la Chine…

M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial. Et des pays émergents en général !

M. le secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur. …à l’aide au développement, la seconde la prise en compte des crédits d’études du FASEP.

Sur la Chine, la décision ne nous appartient pas dans la mesure où c’est le CAD de l’OCDE qui dresse la liste des pays émergents éligibles aux aides publiques, et elle s’impose à nous. Je précise tout de même que notre aide à ce pays est très limitée. Sont par exemple comptabilisés à ce titre les frais d’accueil des étudiants chinois, ce qui peut avoir des retombées positives pour notre pays. C’est même une manière intelligente de tirer parti des règles comptables harmonisées au sein de l’OCDE et qui s’imposent à nous.

Ensuite, le FASEP finance des études liées à des projets et le CAD admet que cette aide liée fasse partie de l’aide publique au développement dans la mesure où ces études contribuent à faire émerger des projets profitables. Il s’agit bien d’un effort budgétaire, qui peut prendre la forme de prêts bonifiés ou de dons.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la coopération et de la francophonie.

M. le secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. Les actions de codéveloppement, Mme Aurillac a raison, seront efficaces en s’appuyant sur les outils qui sont les nôtres. Comme nous ne pouvons pas décider seuls, nous travaillerons avec l’AFD et la direction générale de la coopération internationale et du développement, la DGCID, ce qui sera l’occasion de mettre de la cohérence entre les programmes spécifiques de codéveloppement et l’aide publique, qui est plus large. À tel point que nous avons décidé que, s’il y avait cohérence entre les deux, la seconde pourrait éventuellement venir abonder les premiers.

Monsieur Emmanuelli, je maintiens les chiffres que j’ai donnés : 0,47 % en 2006 et 0,42 % vraisemblablement en 2007. L’objectif pourrait être de 0,45 % en 2008. Quant aux probabilités de réalisation,…

M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial. L’OCDE nous répondra le 21 novembre. Ce n’est pas sérieux ! En privé, vos collaborateurs reconnaissent que les objectifs ne seront pas tenus.

M. le secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. Je vous donne les chiffres que j’ai. S’ils se révèlent inexacts, nous les corrigerons.

M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial. L’aide passe de 0,5 % à 0,4 %.

M. le secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. Je suis prudent, compte tenu notamment des accélérations et ralentissements que connaît le processus de paix en Côte-d’Ivoire. J’étais il y a quinze jours présent à la réunion du Conseil de sécurité consacré à ce pays devant lequel le facilitateur burkinabé, le ministre des affaires étrangères de M. Compaoré, présentait son rapport. Il reste à remplir une série de conditions, liées en particulier à l’établissement des listes électorales, et cela prend beaucoup de temps. Si l’évolution est positive, l’objectif pourra être tenu, mais, en l’état, nous n’avons pas de certitude. Je vous fais une réponse honnête.

M. le secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur. Il y a des réponses malhonnêtes ? (Sourires.)

M. le secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. Concernant la structure de l’aide au développement, madame la rapporteure, nous sommes favorables à un audit. Les questions que vous avez soulevées, notamment sur l’écolage, méritent d’être posées. J’ai encore reçu il y a quinze jours Coordination SUD, qui connaît bien le sujet et avec laquelle nous entretenons un dialogue constructif. À partir d’un audit incontestable, nous pourrons encore progresser.

Les fonds d’UNITAID proviennent de vingt-sept États contributeurs et de la fondation Bill Gates. Sur 300 millions d’euros, 80 % viennent de la taxe sur les billets d’avion ou assimilée. Voici les prévisions pour 2008 : le Brésil 10 millions ; le Chili 5 millions ; la Norvège 22 millions ; le Royaume-Uni 30 millions ; la fondation Bill Gates 10 millions ; la Corée du Sud 15 millions ; l’Espagne 15 millions.

Notre contribution de base au fonds des Nations Unies pour la population, le FNUAP, si elle reste modeste en valeur absolue – nous sommes au dix-septième rang mondial –, est en forte progression puisqu’elle est passée de 1,22 million d’euros en 2005 à 1,8 million en 2006 et à 2,5 millions en 2007. Nous appuyons donc les politiques de ce fonds et nous allons poursuivre notre effort.

Le défi démographique et la santé des femmes sont pour nous des combats importants. Il faut que le statut des femmes s’améliore, qu’elles aient des droits, qu’elles accèdent à un métier car il existe un lien étroit entre le statut des femmes et leur état sanitaire. Dans ce cadre, la lutte contre certaines pratiques néfastes – mutilations, mariages précoces et forcés, grossesses précoces, viols – figure parmi nos priorités, tout comme l’éducation à la santé, l’accès aux services obstétricaux, duquel dépend, dans certains pays, la transmission du sida aux enfants.

J’ai vu au Lesotho que, grâce à l’action de l’UNICEF, l’on pouvait faire beaucoup avec des moyens somme toute limités. Je ne voudrais pas oublier la prise en charge de la grossesse et de ses complications. Dans ces domaines, l’AFD est très engagée et cible en priorité les plans nationaux de santé maternelle, sexuelle et reproductive, car on ne peut pas travailler durablement sans les États.

Monsieur Terrot, l’aide multilatérale représente aujourd’hui environ un tiers de notre aide au développement – donc l’aide bilatérale les deux tiers – et nos contributions à des fonds verticaux et multilatéraux thématiques sont en forte progression, en particulier dans le domaine de la santé. Nous participons également à l’accroissement des ressources des banques de développement, afin notamment de compenser les annulations de dette des pays pauvres très endettés – les PPTE – PPTE – et celles relevant de l’Initiative d’annulation de la dette mulilatérale, IADM. Cela étant, l’aide bilatérale reste un levier utile et il ne faut pas aller trop loin dans le multilatéral ; j’aurai l’occasion d’y revenir.

Pour compléter la réponse du ministre à M. Muselier, j’ajoute que nos politiques d’influence restent fortement déterminées par l’efficience de nos aides. Nous devons donc en permanence balayer devant notre porte. À cet égard, le sondage commandé par l’AFD est intéressant. Nos compatriotes sont favorables au principe de l’aide, mais exigeants. Ils ne sont pas dupes de ce qui ne va pas. D’ailleurs, en présentant ce sondage avec M. Severino, nous avons évoqué la possibilité de consulter aussi les sociétés civiles des pays concernés et nous travaillons à la façon de le faire. Leur avis nous intéresse.

En Chine, M. Novelli l’a dit, il ne s’agit pas d’une présence caritative. Nous devons aussi défendre nos intérêts et accompagner les entreprises françaises dans leurs projets de transport ou d’infrastructures, au moyen de prêts dont les remboursements iront conforter les ressources de l’AFD. Nous devons également nous mettre en position de discuter avec la Chine sur son action en Afrique. Dans cette optique, être présents en Chine peut aider à renforcer les bonnes pratiques.

Un dialogue entre les deux rives de la mare nostrum, comme disait M. Emmanuelli, ne peut être qu’un projet important, surtout qu’elle est traversée par la fracture de la pauvreté ; il est, en tout cas, bien préférable au choc des civilisations. EuroMed a été lancé par le Président de la République dans son discours de Tanger. Un des enjeux de la présidence française sera d’y associer nos partenaires européens, car un partenariat est nécessaire, en particulier avec l’Espagne, pour approfondir dans la continuité le processus de Barcelone.

Monsieur Roubaud, nous sommes d’accord : le niveau européen est pertinent pour ce qui est de l’aide, mais il n’est pas exempt de défauts. On peut relever une certaine lourdeur, une prise en compte insuffisante des intérêts français. Parallèlement, il faut une aide bilatérale pour porter et influencer le multilatéral. Les deux doivent se conjuguer en respectant un certain équilibre.

La France, qui présidera alors l’Union européenne, prépare activement le sommet d’Accra consacré à l’efficacité de l’aide, sur laquelle nous avons bien l’intention de mettre l’accent. Notre démarche s’inspire de la déclaration de Paris, à laquelle nous devons constamment nous référer. Elle met l’accent sur le renforcement des capacités, la division du travail entre bailleurs, la prévisibilité de l’aide et l’amélioration de nos propres dispositifs. Je pense en particulier à la réforme en cours de l’assistance technique qui doit progressivement relever de l’autorité du pays partenaire, à l’application du code de conduite européen pour améliorer la coordination, à la formation des agents du développement, à l’extension de l’approche par programme.

Je termine par M. Launay.

Nous sommes en effet très engagés dans le fonds pour l’environnement mondial. À Washington, j’ai notamment plaidé auprès de M. Zelick qui fait souffler un nouvel esprit sur la Banque mondiale pour ne pas multiplier les fonds concurrents. Les Britanniques veulent créer un nouveau fonds pour lutter contre le réchauffement climatique et doté de 800 millions. Je crois préférable, et je l’ai dit à nos amis d’outre-manche, qu’il reste sous l’égide du fonds mondial pour l’environnement.

En ce qui concerne l’accès à l’eau, j’étais présent, avec une autre casquette, au sommet des villes à Mexico.

M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial. Vous avez été beaucoup de choses !

M. le secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. Nul n’est parfait mais, à nos âges, nous avons l’un et l’autre quelques heures de route et de vol !

M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial. Mais tout le monde ne s’est pas crashé !

M. le secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. L’histoire n’est pas terminée, et pour personne !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Fermons la parenthèse.

M. le secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. Nous échangions de manière aimable.

Je considère donc que ces grands rendez-vous sont importants.

Nous assistons à une montée en puissance des autorités locales, qui, de plus en plus, s’organisent et se structurent. Dans ce domaine, la loi Oudin-Santini, votée à l’unanimité par les deux assemblées, donne aux collectivités françaises un nouveau levier. À côté du travail accompli en coopération décentralisée dont j’ai expérimenté l’efficacité, au niveau national, l’enveloppe des autorisations d’engagement de l’AFD augmente fortement en passant de 330 à 350 millions d’euros.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. François Loncle.

M. François Loncle. Je souhaite savoir pourquoi, pour la deuxième ou la troisième année consécutive, les engagements solennels pris par M. Chirac devant le Secrétaire général de l’ONU, M. Kofi Annan, à propos du programme des Nations Unies pour le développement ne sont pas tenus.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la coopération et de la francophonie.

M. le secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. J’ai indiqué tout à l’heure que le contexte budgétaire difficile nous obligeait à marquer une pause. Les arbitrages budgétaires ne sont pas faciles, mais le respect de nos engagements constitue une priorité.

M. François Loncle. Nous sommes au onzième rang des contributions au PNUD. Ce n’est guère brillant !

M. le secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. J’en ai longuement parlé avec Kemal Dervis. Nous avons tout à fait conscience de notre handicap, et de ce qu’il va falloir se battre.

M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial. On nous répète la même chose depuis trois ans.

M. le secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. J’en ai bien conscience.

M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial. Et comme les budgets baissent !

M. le secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. Il n’y a pas de baisse, tout au plus une stagnation.

M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial. Je parle de l’APD.

M. le secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. Et moi du PNUD, monsieur Emmanuelli, puisque je réponds à M. Loncle.

Les crédits sont passés de 16 millions d’euros en 2004 à 27,5 millions. Cela dit, ce constat ne contredit pas le vôtre sur la stagnation actuelle, ni ne remet en cause l’objectif qui est le nôtre, surtout s’agissant du PNUD qui, sous l’impulsion de Kemal Dervis, a repris toute sa place, alors qu’il avait été quelque peu contesté pendant un temps.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, messieurs les secrétaires d’État, le président de la commission des affaires étrangères et moi-même vous remercions.

(La réunion de la commission élargie s’achève à onze heures dix.)