Accueil > Documents parlementaires > Les rapports législatifs
Version PDF


N
° 1201

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 octobre 2008.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2009 (n° 1127),

TOME II

ACTION EXTÉRIEURE DE L’ÉTAT

Rayonnement culturel et scientifique

par M. François ROCHEBLOINE,

Député

Voir le numéro 1198 (annexe n° 1).

INTRODUCTION 5

I – UN BUDGET CONTRAINT, LEVIER DE LA RÉFORME DE NOTRE DIPLOMATIE D’INFLUENCE 7

A – UN BUDGET CONTRAINT QUI POSE LA QUESTION DES PRIORITÉS ASSIGNÉES À L’ACTION CULTURELLE ET SCIENTIFIQUE EXTÉRIEURE 7

1) Des moyens en diminution pour le programme… 7

a) L’exécution normale des crédits votés pour 2008 7

b) Les moyens en baisse demandés pour 2009 et dans le cadre du budget triennal, à périmètre constant 8

2) … qui ne doivent pas obérer notre politique de rayonnement 11

a) La question cruciale de l’adéquation des moyens aux ambitions 11

b) Des efforts de gestion insuffisamment récompensés 12

c) La francophonie, enjeu à valeur de test 13

B – UNE RÉFORME DE NOTRE DIPLOMATIE D’INFLUENCE INSCRITE DANS LE CADRE DE LA RÉVISION GÉNÉRALE DES POLITIQUES PUBLIQUES 18

1) Passer du rayonnement à l’influence 18

2) Fusionner les divers établissements culturels à l’étranger 19

3) En administration centrale, la prochaine mise en place d’une « direction générale de la mondialisation » 24

II – LES AGENCES, HORIZON DE L’ACTION CULTURELLE ET SCIENTIFIQUE EXTÉRIEURE 27

A – LES OPÉRATEURS DU PROGRAMME 185 PROMIS À DES FORTUNES DIVERSES EN 2009 27

1) L’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), modèle fragilisé ? 27

a) Une subvention de l’État en forte hausse apparente, un budget tendu 27

b) Un réseau remarquable dont le plan de développement annoncé est déstabilisé par la mesure de gratuité 29

2) CampusFrance, noyau d’un futur « grand opérateur de la mobilité » 35

a) Une compétence reconnue pour des moyens limités… et en baisse l’an prochain. 35

b) La perspective de la fusion avec d’autres organismes pour mutualiser les moyens 37

3) CulturesFrance, opérateur à conforter 38

a) La saison culturelle européenne, emblématique du savoir-faire de l’Agence 38

b) Un statut à moderniser, des compétences à étoffer 39

4) Le pilote des opérateurs doit-il lui-même devenir une agence ? 43

B – LE NÉCESSAIRE ENCOURAGEMENT DU FINANCEMENT PARTENARIAL DE LA POLITIQUE DE RAYONNEMENT 44

1) La recherche de cofinancements tend à devenir un enjeu essentiel de l’action culturelle et scientifique à l’étranger 44

2) La gestion budgétaire par la performance doit explicitement encourager le recours aux partenariats 47

CONCLUSION 49

EXAMEN EN COMMISSION 51

AMENDEMENT ADOPTÉ PAR LA COMMISSION 83

AMENDEMENT NON ADOPTÉ PAR LA COMMISSION 85

AUDITIONS DU RAPPORTEUR 87

Mesdames, Messieurs,

L’action culturelle et scientifique à l’étranger ne doit pas devenir une « belle endormie » : une dimension annexe de notre diplomatie, riche d’un passé flamboyant mais qui, les crédits d’État s’étiolant au fil des ans, se replierait inexorablement. Comme si, par exemple, la Villa Médicis, forte de ses acquis, en dernier lieu sous la remarquable direction de M. Richard Peduzzi, à qui votre Rapporteur veut rendre hommage alors qu’il a achevé cette année un mandat de six ans, ne devait désormais plus rien inventer, plus rien imaginer.

Bien au contraire, l’action extérieure de l’État en matière de rayonnement culturel et scientifique doit être animée d’une réelle ambition, car elle est un élément essentiel à l’influence de la France dans le monde. C’est dans ce même esprit que l’Académie de France à Rome, s’appuyant sur les réussites de la direction qui s’achève et qui l’ont modernisée et réhabilitée, doit poursuivre sa démarche d’ouverture sur l’extérieur.

Le projet de loi de finances pour 2009 place le programme Rayonnement culturel et scientifique à l’un de ces moments charnières. Il porte la marque d’une réelle ambition en même temps qu’il prend acte d’un changement d’époque : il s’agit de passer du rayonnement à l’influence, de la subvention « brute » au partenariat, de l’intervention directe au pilotage stratégique. Tout l’art du réseau culturel de la France à l’étranger résidera, de plus en plus, dans l’effet de levier que son action réussira à produire en ces temps d’optimisation des ressources budgétaires disponibles.

Cet effet de levier peut être puissant, à l’image des prolongements potentiels de l’événement que constitue le titre de « capitale européenne de la culture » pour Marseille en 2013. Votre Rapporteur a rencontré le directeur général de ce projet « Marseille-Provence », devenu il y a quelques semaines le projet de la France tout entière, et qui comporte, au-delà du calendrier des manifestations prévues, des objectifs de coopération culturelle européenne et internationale : contribuer à enrichir le volet culturel du processus de Barcelone et de la politique européenne de voisinage, favoriser à partir de Marseille les échanges entre l’Europe, les pays du Sud et de l’Orient, notamment les pays de culture musulmane et les nouvelles puissances de la mondialisation (Inde et Chine), enfin accroître les partenariats avec les pays et les métropoles de l’Europe méditerranéenne afin de mieux équilibrer culturellement l’Union vers son midi. Un raisonnement similaire pourrait être conduit sur le thème de la contribution française à la francophonie multilatérale, aux retombées bien plus que symboliques.

Voilà pourquoi il est possible d’affirmer, comme l’a fait le ministre des Affaires étrangères et européennes, M. Bernard Kouchner, lors de la Conférence des ambassadeurs, le 28 août dernier, que la « diplomatie publique d’influence constitue un élément central de notre politique étrangère ».

La même conférence a été l’occasion de détailler le tableau de marche du ministère pour la mise en œuvre de sa réforme, dans le cadre de la Révision générale des politiques publiques. Le Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France à l’horizon 2020 était venu à point nommé, en juillet dernier, placer la réforme dans son contexte de moyen terme. Le Parlement n’a pas manqué de faire entendre sa voix à son tour, dernièrement avec la parution d’un rapport d’information de l’Assemblée nationale sur la modernisation de l’outil diplomatique (1). Les pages qui suivent sont une nouvelle contribution à cette réflexion.

Avec un total de près de 595 millions d’euros mais un budget, à périmètre constant, en baisse de 2,3 % pour le programme Rayonnement culturel et scientifique, cette diminution étant appelée à se poursuivre dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009-2012, la réforme insufflée par la RGPP est plus nécessaire que jamais. Mais cette réforme doit être intelligente et non pas guidée par la recherche stérile d’une réduction des crédits.

C’est le sens de la réflexion sur le thème des agences qu’esquisse ici votre Rapporteur, une réflexion suggérée par l’audition des responsables des trois principaux opérateurs de l’action culturelle et universitaire que sont l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), CulturesFrance et CampusFrance ; une réflexion que le ministère lui-même mène également. Pour tous ces échanges (2) stimulants et instructifs, votre Rapporteur tient à remercier ses interlocuteurs, ainsi que les services du ministère des Affaires étrangères et européennes qui ont répondu à ses questions avec diligence.

I – UN BUDGET CONTRAINT, LEVIER DE LA RÉFORME DE NOTRE DIPLOMATIE D’INFLUENCE

A – Un budget contraint qui pose la question des priorités assignées à l’action culturelle et scientifique extérieure

1) Des moyens en diminution pour le programme…

a) L’exécution normale des crédits votés pour 2008

En loi de finances initiale pour 2008, le Parlement a voté, sur le programme Rayonnement culturel et scientifique de la mission Action extérieure de l’État, près de 486 millions d’euros de crédits en autorisations d’engagement et crédits de paiement, soit environ un cinquième des crédits de la mission.

À ce stade, peu de modifications des crédits du programme sont intervenues en gestion :

– la loi n° 2008-1061 du 16 octobre 2008, loi de finances rectificative pour le financement de l’économie, a ratifié le décret d’avance du 29 juin 2008 destiné à financer des aides à la pêche et à l’habitat social d’urgence, ainsi que le décret d’annulation associé, lequel a représenté, pour le programme, 750 000 euros d’autorisations d’engagement et près de 900 000 euros de crédits de paiement annulés (soit moins de 0,2 % des crédits initiaux) ;

– quant à la réserve de précaution, qui représentait initialement 24 millions d’euros, elle a déjà été dégelée à hauteur de 19,2 millions d’euros. En particulier, la diminution de 4,67 millions par rapport aux crédits inscrits au projet de loi de finances, intervenue en première lecture à l’Assemblée nationale du fait d’un amendement gouvernemental de seconde délibération, s’est imputée sur cette réserve. Les 14,53 millions d’euros de dégel restant correspondent à la couverture de la charge de service public des opérateurs du programme ;

– en dernier lieu, le décret n° 2008-1089 du 24 octobre 2008 portant ouverture et annulation de crédits à titre d’avance, nécessaire à la couverture de mesures de soutien à l’agriculture et à la pêche, d’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile, d’aide aux Français rapatriés, ainsi que l’abondement des moyens de la chaîne française d’information internationale (France 24), a concerné le programme 185 pour 888 000 euros en autorisations d’engagement et 1,56 million d’euros en crédits de paiement.

Le ministère a par ailleurs demandé deux dégels supplémentaires : au titre de sa participation à l’exposition internationale de Saragosse (à hauteur de 500 000 euros), ainsi que, pour 120 000 euros, au titre du solde des subventions à verser aux opérateurs cette année.

b) Les moyens en baisse demandés pour 2009 et dans le cadre du budget triennal, à périmètre constant

Le programme Rayonnement culturel et scientifique recouvre deux grands domaines au sein de la mission Action extérieure de l’État :

– il met en œuvre la coopération avec les États membres de l’Union européenne et les grands pays industriels du monde développé, c’est-à-dire tous ceux qui ne sont pas éligibles à l’aide publique au développement telle que définie par le Comité d’aide au développement de l’OCDE ;

– il vise à assurer le service d’enseignement public à l’étranger dans l’ensemble du monde, conformément aux missions que le code de l’éducation a fixées à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE).

Comme l’an dernier, le programme Rayonnement culturel et scientifique regroupe quatre actions :

– l’action Animation du réseau qui regroupe les moyens de pilotage de l’administration centrale (service des moyens du réseau) et des postes (services de coopération et d’action culturelle) dans les domaines de la coopération et de l’action culturelle, ainsi que la conduite des relations avec les opérateurs ;

– l’action Langue et culture française, diversité linguistique et culturelle ciblée sur ces deux vecteurs de l’influence de notre pays dans le monde ;

– l’action Échanges scientifiques, techniques et universitaires destinée à renforcer l’attractivité de la France en matière d’enseignement supérieur et de recherche ;

– l’action Service public d’enseignement à l’étranger dédiée à l’AEFE.

Le tableau suivant retrace, par action, l’évolution des crédits du programme d’une année sur l’autre :

COMPARAISON PAR ACTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME RAYONNEMENT CULTUREL ET SCIENTIFIQUE ENTRE 2008 ET 2009

(en AE et CP, en milliers d’euros)

Actions

LFI 2008

PLF 2009

Évolution
2009 / 2008

Animation du réseau

71 937

66 085

– 8,1 %

Langue et culture française, diversité linguistique et culturelle

70 707

60 617

– 14,3 %

Échanges scientifiques, techniques et universitaires

55 462

52 857

– 4,7 %

Service public d’enseignement à l’étranger

287 875

415 000

44,2 %

hors prise en charge de cotisations patronales par l’AEFE

287 875

395 000

37,2 %

Total

485 979

594 558

22,3 %

Total hors prise en charge de cotisations patronales par l’AEFE

485 979

474 558

– 2,3 %

Source : PAP 2009 du programme Rayonnement culturel et scientifique.

On peut noter que la subvention à l’AEFE, qui représentait 59,2 % des crédits du programme en loi de finances initiale pour 2008, en mobiliserait 69,8 % en 2009.

Votre Rapporteur souligne que la comparaison entre la loi de finances initiale pour 2008 et les années suivantes ne peut faire abstraction d’un important changement de périmètre : l’obligation faite à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, à compter du 1er janvier 2009, de payer la part patronale des charges de pensions des personnels qui lui sont détachés, implique un rebasage de la subvention à l’AEFE de 120 millions d’euros par an (3).

Pour la première fois cette année, le budget de l’État est présenté, en application du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, voté en première lecture par l’Assemblée nationale le 22 octobre dernier, sur un mode triennal. Le tableau suivant indique cette programmation pour le programme 185, sachant que, dans la limite des plafonds de crédits par mission qui demeurent fermes pour les trois années considérées, la répartition par programme, ferme pour 2009, n’est qu’indicative pour 2010 et 2011 :

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME RAYONNEMENT CULTUREL ET SCIENTIFIQUE ENTRE 2008 ET 2011

(en AE et CP, en millions d’euros)

Nature des crédits

LFI 2008

Évolution 2009 / 2008

PLF 2009

Évolution 2010 / 2009

PLF 2010

Évolution 2011 / 2010

PLF 2011

Évolution 2011 / 2008

Titre 2 (dépenses de personnel)

92,5

– 5,2 %

87,8

– 0,2 %

87,6

– 1,4 %

86,3

– 6,7 %

Autres dépenses

393,5

28,8 %

506,8

– 3,4 %

489,8

– 0,6 %

486,8

23,7 %

dont cotisations AEFE (*)

0

100 %

120

0

120

0

120

100 %

Total

486

22,3 %

594,6

– 2,9 %

577,4

– 0,7 %

573,1

17,9 %

Total hors cotisations AEFE

486

– 2,3 %

474,6

– 3,6 %

457,4

– 0,9 %

453,1

– 6,8 %

(*) Cette mesure est détaillée infra, page 27.

Source : d’après le ministère des Affaires étrangères et européennes.

Les crédits finançant les bourses destinées aux enfants français et la prise en charge de leur scolarité sont inscrits sur le programme 151, qu’il est proposé de renommer en 2009 Français à l’étranger et affaires consulaires. L’évolution de l’ensemble des composantes de ce programme est commentée par notre collègue Rapporteure Geneviève Colot (4), tandis que votre Rapporteur se concentrera sur la question de la gratuité de la scolarité pour les élèves français résidant à l’étranger.

Quant aux emplois autorisés en loi de finances, exprimés en équivalents temps plein travaillé, ils devraient évoluer comme suit entre 2008 et 2009 :

ÉVOLUTION ENTRE 2008 ET 2009 DU PLAFOND DES EMPLOIS AUTORISÉS EN LOI DE FINANCES POUR LE PROGRAMME RAYONNEMENT CULTUREL ET SCIENTIFIQUE

(en ETPT)

 

Titulaires + CDI
en administration centrale

Titulaires + CDI
à l’étranger

CDD + volontaires internationaux

Recrutés locaux

Total

LFI 2008

151

95

794

240

1 280

PLF 2009

132

92

774

237

1 235

Variation

− 19

− 3

− 20

− 3

− 45

Source : ministère des Affaires étrangères et européennes.

Dans le même temps, le plafond d’emploi du ministère des Affaires étrangères et européennes dans son ensemble passerait de 16 072 ETPT en 2008 à 15 866 ETPT en 2009, soit une diminution de 206 ETPT. Au total, sur la période 2009-2011, le ministère perdrait 700 ETPT sous plafond d’emploi ministériel, après en avoir déjà « rendu » 739 au titre du contrat de modernisation qui couvrait les années 2006 à 2008. Lors de la réunion en commission élargie consacrée à la mission Action extérieure de l’État, le ministre a indiqué que, sur 900 départs à la retraite durant la période 2009-2011, seuls 200 ETPT seraient remplacés, faisant valoir que, pour s’en tenir aux personnels titulaires, ce ratio correspondait à un taux de remplacement d’un départ sur trois. Pour votre Rapporteur, de tels chiffres signifient que le ministère prend plus que sa part à l’effort de diminution du nombre de fonctionnaires de l’État.

C’est donc dans un contexte de moyens réduits pour les gestionnaires, en crédits et en personnels, que va se dérouler l’exercice 2009 − mais aussi les deux exercices suivants. Enfin, pour mesurer un peu mieux la réalité des moyens disponibles, il faut préciser comment la régulation devrait être appliquée l’an prochain : la réserve de précaution sera moindre qu’en 2008 puisqu’elle représentera, par programme, 0,5 % des dépenses de personnel et 5 % des autres dépenses (contre 6 % en 2008). L’exposé des motifs du projet de loi de finances précise en outre que « comme en 2008, la mise en réserve appliquée aux crédits portant sur les subventions pour charges de service public sera réduite en début de gestion […], au prorata de la part des dépenses de personnel que ces subventions contribuent à financer chez les opérateurs. »

Dans ces conditions, votre Rapporteur souscrit à la demande de dégel global des crédits restant mis en réserve pour l’année en cours, formulée par le ministère des Affaires étrangères et européennes. Il déplore par ailleurs que le projet annuel de performances du programme Rayonnement culturel et scientifique ne comporte plus, contrairement à l’an dernier, de comparaison d’une année sur l’autre des crédits ventilés par sous-action dans la partie « justification au premier euro »… alors qu’un telle présentation eût permis de mesurer, à travers l’ajustement à la baisse des moyens alloués, l’effort de performance demandé aux gestionnaires.

2) … qui ne doivent pas obérer notre politique de rayonnement

a) La question cruciale de l’adéquation des moyens aux ambitions

Il est toujours délicat d’appréhender l’évolution d’un budget « toutes choses égales par ailleurs ». Quelques éléments de mise en perspective peuvent néanmoins aider à mesurer la pression continue exercée sur les gestionnaires des crédits alloués au Quai d’Orsay. C’est ainsi que la Commission du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France termine l’introduction de son rapport sur ces mots :

« Notre diplomatie a-t-elle les moyens de ses ambitions ? Alors que nous vivons une situation paradoxale – avec d’un côté, un monde concurrentiel, fragmenté et dangereux, particulièrement exigeant pour notre action extérieure, et de l’autre, un ministère des Affaires étrangères et européennes dont les moyens n’ont cessé de se réduire – il n’est plus possible de différer la réponse à cette question essentielle.

« La Commission ne méconnaît pas les contraintes budgétaires auxquelles l’État doit faire face. Elle insiste par ailleurs sur la nécessité de faire des choix et de diriger les moyens du ministère vers les domaines prioritaires qu’elle a identifiés.

« Elle n’en estime pas moins nécessaire de faire valoir que le MAEE a d’ores et déjà fourni une contribution importante aux efforts accomplis ces dernières années, avec une réduction de ses effectifs de 11 % entre 1997 et 2007 et, ce qui est peut-être plus grave, une réduction en termes réels de ses moyens de fonctionnement et d’investissement de 21 % entre 2000 et 2008 […]. Avec la nécessité d’un réseau dense, la montée des contributions aux organisations internationales, qui sont deux conditions de la présence de la France dans le monde, ses moyens d’action et d’intervention reculent continûment. On ne peut réduire indéfiniment ces effectifs et ces moyens sans remettre en cause les ambitions européennes et internationales assignées à notre action extérieure. »

Pour recourir à un autre élément de comparaison : votre Rapporteur a été frappé de s’entendre dire, au cours des auditions qu’il a menées, que le coût pour l’État de l’ensemble des établissements et centres culturels ainsi que des Alliances françaises dans lesquelles le ministère affecte des agents expatriés, s’élevait à 136 millions d’euros, y compris les dépenses de personnel, soit un montant inférieur au coût annuel d’un établissement comme l’Opéra national de Paris ou la Bibliothèque nationale de France.

De surcroît, comme le montre le sous-indicateur intitulé « Taux d’autofinancement des établissements culturels » au sein de l’objectif de performance n° 3 du programme (« Améliorer le pilotage et l’efficience dans la gestion des crédits »), les centres culturels français − hors Alliances françaises − s’autofinancent à près de 54 %. Les cours de langue des centres situés dans les pays de l’OCDE s’autofinancent même intégralement, à quelques exceptions près, et réinvestissent localement leurs bénéfices en actions culturelles. Comme on le verra dans la dernière partie du présent rapport, la recherche de partenariats et d’un effet de levier toujours plus important des crédits alloués devient la règle, et le critère d’appréciation de la bonne gestion du réseau culturel.

b) Des efforts de gestion insuffisamment récompensés

La poursuite de la recherche d’économies budgétaires ne peut pas, aux yeux de votre Rapporteur, constituer l’horizon indépassable de notre diplomatie d’influence. Dès lors que la démarche de performance est pleinement assumée par le ministère des Affaires étrangères et européennes et par sa direction générale de la Coopération internationale et du développement (DGCID) − elle-même en cours de transformation −, il convient de « respecter la règle du jeu ». Pour le résumer en usant d’une métaphore sportive : « Bercy doit être fair play ». Votre Rapporteur veut illustrer son propos par deux exemples :

− dans le cadre de la rationalisation des activités de la DGCID promue par le Conseil de modernisation des politiques publiques, la compétence de promotion du cinéma français à l’étranger a été retirée à cette direction pour être transférée, à compter de septembre 2008, à l’opérateur CulturesFrance. Cette réduction d’activité s’est traduite pour la DGCID par une diminution de 12 ETPT, tandis que CulturesFrance s’est vue attribuer 4 ETPT pour la reprendre. Non content de réaliser cette économie de moyens, le ministère du Budget est allé jusqu’à demander − et à obtenir − un arbitrage du Premier ministre tendant à ce que les 4 ETPT en question ne viennent pas s’imputer sur les 12 économisés mais s’y ajoutent… de sorte que, contre toute logique, il a fallu réduire le plafond d’emplois de l’AEFE de 4 ETPT ;

− de façon connexe à l’exemple qui précède, la DGCID s’est vue refuser la possibilité de faire jouer cette année le mécanisme dit de « fongibilité asymétrique » pourtant explicitement prévu par la LOLF comme un levier de responsabilisation des gestionnaires. En substance, ce mécanisme vise à permettre à un responsable de programme de redéployer, en cours d’année, sur ses dépenses de fonctionnement et d’intervention, les économies réalisées en matière de personnel.

Il serait donc légitime que le Parlement veille à éviter toute application « dévoyée » de la LOLF qu’il a lui-même inspirée. Sur ce point, votre Rapporteur s’associe pleinement aux recommandations de la « Milolf », la mission d’information de la commission des Finances de l’Assemblée nationale, qui associe tous les groupes politiques, et dont le rapport récent évoque ce respect perfectible de l’esprit de la LOLF (5).

c) La francophonie, enjeu à valeur de test

Emblématique d’une volonté politique réaffirmée − il s’agit, selon les termes mêmes du Président de la République le 20 mars dernier, Journée internationale de la francophonie, d’une priorité de notre diplomatie − et de la question lancinante de moyens budgétaires limités, la francophonie peut être considérée comme ayant valeur de test de la réalité de nos engagements. Très attaché à cet aspect de l’action extérieure de la France, votre Rapporteur s’est d’autant plus intéressé à ce sujet cette année que maints éléments d’actualité l’encourageaient en ce sens : à l’échelle de la planète, le Sommet de la Francophonie organisé du 17 au 19 octobre derniers par les « co-hôtes » Canada et Québec ; à l’échelle de la France et de son budget, notamment l’épilogue du dossier de la Maison de la Francophonie.

• En préambule, votre Rapporteur veut saluer l’excellent rapport de M. Christian Philip, Représentant personnel du Président de la République pour la francophonie, rendu public en novembre dernier. Intitulé Francophonie : une volonté pour la France, une nécessité pour le monde, ce rapport contenait 44 propositions regroupées en trois thèmes : « placer la francophonie au cœur de la France », « devenir acteur d’une autre mondialisation » et « passer d’une stratégie de rayonnement à une stratégie d’influence », ce dernier point illustrant l’unité de vues entre l’auteur du rapport et les maîtres d’œuvre de la réforme du ministère.

Si un certain nombre de préconisations demeurent à l’état de souhait, de notables progrès ont été accomplis en près d’un an. Une attention toute particulière mérite d’être apportée au projet d’Institut des hautes études de la francophonie qui, sur le modèle de l’Institut des hautes études de la défense nationale ou de l’Institut diplomatique, permettrait d’intéresser des auditeurs de haut niveau aux enjeux de la francophonie.

• Principal événement de l’année pour la francophonie multilatérale, le sommet de Québec, XIIe sommet de la francophonie, a conclu ses travaux le 19 octobre dernier. Les chefs d’État et de gouvernement ont adopté la Déclaration de Québec (6) ainsi que quatre résolutions portant sur les sujets suivants : la langue française, les droits de l’enfant, les pays francophones affectés par le phénomène des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, ainsi que la promotion du tourisme dans les pays francophones du Sud. Ils ont par ailleurs décidé que le XIIIe sommet de la Francophonie se tiendrait en 2010 à Madagascar.

Le sommet de Québec a ainsi témoigné de l’ouverture et de la réactivité de la francophonie devant les grands défis mondiaux : la Déclaration de Québec manifeste une volonté, une solidarité et des engagements précis, face à la crise financière, face à la crise alimentaire et dans la lutte contre le changement climatique. La place faite aux travaux sur la langue française au cours du sommet a constitué une première.

Avec le changement de statut de l’Arménie, qui de membre observateur est devenue membre associé, et l’admission de la Thaïlande et de la Lettonie en qualité d’observateurs, l’Organisation internationale de la Francophonie rassemble désormais 70 États.

C’est l’occasion pour votre Rapporteur de faire le point sur la contribution budgétaire substantielle de la France à la francophonie multilatérale, retracée dans le tableau suivant :

ÉTAT DES CONTRIBUTIONS ET SUBVENTIONS DE LA FRANCE
À LA FRANCOPHONIE MULTILATÉRALE EN 2008

(en millions d’euros)

 

Montant versé par la France

en % du budget de l’opérateur

Organisation internationale de la francophonie

32,77

38,7 %

Contribution statutaire

12,39

 

Contribution volontaire

20,1

 

(dont MAEE)

(19,63)

 

Crédits supplémentaires

0,29

 

Agence universitaire de la francophonie

29,94

79,6 %

dont MAEE

27,89

 

Association internationale des maires francophones

2,27

29,6 %

dont MAEE

1,81

 

Université Senghor

1,65

64,7 %

Conférence des ministres de l’éducation des pays ayant le français en partage (Confemen)

0,17

19,2 %

Conférence des ministres de la jeunesse et des sports des États et gouvernements ayant le français en partage (Confejes)

1,1

 

dont MAEE

0,36

 

TV5 Monde

65,72

 

Assemblée parlementaire de la francophonie

0,13

 

Total

133,76

 

Source : ministère des Affaires étrangères et européennes.

Sans doute « l’éparpillement » budgétaire des moyens consacrés à la promotion de la francophonie obère-t-il la visibilité de cet enjeu. C’est pourquoi il conviendrait de réfléchir à un éventuel réaménagement du débat budgétaire au Parlement afin de donner davantage de visibilité à cette question importante pour notre diplomatie d’influence. Il est intéressant de noter à cet égard la position circonspecte exposée dans le Livre blanc de juillet dernier − qui par ailleurs souligne la nécessité d’« agir par et pour la francophonie » − quant à la meilleure façon pour le ministère des Affaires étrangères et européennes de piloter son action sur ce thème, puisque la francophonie comporte plusieurs dimensions : politique, économique et culturelle.

• En marge du sommet de Québec, et en présence de MM. Nicolas Sarkozy et François Fillon, MM. Abdou Diouf, secrétaire général de la Francophonie, et Alain Joyandet, secrétaire d’État à la Coopération et à la francophonie, ont signé le 18 octobre dernier une convention relative à la mise à disposition de locaux pour installer le nouveau siège de l’Organisation internationale de la Francophonie. Cette signature est l’heureux dénouement du dossier de la « Maison de la francophonie », que votre Rapporteur avait déjà eu l’occasion d’aborder.

Après l’abandon du projet initial de l’avenue de Ségur en juillet 2007, le Premier ministre avait été chargé de trouver une nouvelle solution. Une mission conjointe des inspections des finances et des affaires étrangères lui avait remis son rapport en novembre 2007, une commission interministérielle l’avait examiné le 22 décembre et avait confirmé l’option d’un ensemble immobilier sis au 19-21, avenue Bosquet à Paris. Le Président de la République a proposé cet immeuble au secrétaire général de la Francophonie par lettre du 8 janvier, et ce dernier lui a répondu le jour même de sa visite de lieux, le 31 janvier, qu’il l’acceptait et l’en remerciait.

Les négociations en vue de la signature d’une nouvelle Convention liant l’OIF et l’État français relative à la mise à disposition de ces locaux ont abouti le 5 septembre : par rapport à la convention de 2006 par laquelle la France mettait à disposition pour trente ans une partie d’un immeuble domanial, moyennant une participation de l’OIF à hauteur de la cession de ses biens dans l’État du siège, la nouvelle convention prévoit :

– une durée de mise à disposition de cinquante ans, renouvelable par accord explicite ;

– l’aménagement et l’équipement complet des 8 656 m² de locaux, qui permettront le regroupement, dans un site unique, de tous les agents de l’OIF, ainsi que des bureaux de liaison pour les opérateurs et pour l’Assemblée parlementaire de la francophonie ;

– la participation de l’OIF au financement de l’opération à hauteur du produit de la cession de ses immeubles.

L’administrateur de l’OIF a annoncé à la commission administrative et financière de l’organisation, le 15 septembre, qu’un accord avait été trouvé et qu’il était « beaucoup plus avantageux » que le précédent. Contrairement à « l’option Ségur », cette opération fait l’objet d’un « portage » par la Société de valorisation foncière et immobilière (SOVAFIM) : l’immeuble est acheté par cette société (détenue par l’État) pour 59 millions d’euros, celle-ci va le louer à l’État, lequel le mettra à la disposition de l’OIF. À l’heure actuelle, le loyer annuel est estimé à 5,34 millions d’euros. Cette somme correspond à peu près à 4 % des contributions totales de la France à la francophonie multilatérale (y compris TV5 Monde), ou encore à 16 % de sa contribution à l’OIF, à laquelle elle s’ajoute. En extrapolant ce montant sur toute la période de l’opération, l’impact budgétaire global serait de 265 millions d’euros, selon les informations fournies par le ministre des Affaires étrangères et européennes lors de la réunion de la commission élargie sur l’examen de son budget.

Votre Rapporteur suivra avec attention le processus de ratification de la convention, assortie d’un protocole technique financier, qui inscrira cet épilogue dans notre droit. La Maison de la francophonie devrait ouvrir ses portes au printemps 2010.

• L’été 2008 aura été l’occasion pour les francophones de se réjouir doublement :

− se réjouir de la consécration constitutionnelle de la francophonie, le Titre XIV de la Constitution du 4 octobre 1958 traitant désormais De la francophonie et des accords d’association et rétablissant un article 87 qui dispose que « La République participe au développement de la solidarité et de la coopération entre les États et les peuples ayant le français en partage » ;

− se réjouir du respect de la « règle 24 » de la Charte olympique, sur cette question de la langue, aux Jeux olympiques de Pékin, infiniment mieux réussis à cet égard que les Jeux d’Athènes de 2004, au cours desquels le français avait été particulièrement malmené. La règle s’énonce ainsi :

« 24 − Langues

« 1. Les langues officielles du CIO sont le français et l’anglais.

« 2. À toutes les Sessions, une interprétation simultanée doit être fournie en français, anglais, allemand, espagnol, russe et arabe.

« 3. En cas de divergence entre le texte français et le texte anglais de la Charte olympique et de tout autre document du CIO, le texte français fera foi sauf disposition expresse écrite contraire. »

Il faut rendre hommage à M. Jean-Pierre Raffarin, « grand témoin de la francophonie », d’avoir œuvré à ce succès, grâce à deux missions exploratoires en 2007, et saluer également l’action de la Commissaire à la langue française aux Jeux de Pékin ainsi que des ambassadeurs francophones accrédités sur place pour s’être mobilisés en faveur du français langue olympique. Soulignons cette première : une convention entre l’OIF et le Comité organisateur des Jeux olympiques de Pékin sur la place de la langue française aux JO avait été signée à Pékin le 26 novembre 2007, en présence des Présidents de la République Hu Jintao et Nicolas Sarkozy. Cette convention définissant les modalités de coopération entre la Francophonie, ses États et gouvernements membres, et le comité organisateur avait été remise officiellement le 23 janvier 2008 à Lausanne par MM. Abdou Diouf, Secrétaire général de la Francophonie, et Jean-Pierre Raffarin, au Président du Comité international olympique, M. Jacques Rogge.

• Enfin, l’attention de votre Rapporteur a été attirée sur une polémique assez emblématique : l’évolution de la subvention du ministère des Affaires étrangères et européennes au festival « Les francophonies en Limousin » (7). En passant de 135 000 à 100 000 euros en cours d’année, cette moindre subvention déséquilibrait le financement d’un festival existant depuis 25 ans. La contribution du ministère des Affaires étrangères et européennes représente en effet quelque 12 % des subventions reçues par le festival. Le complément de subvention a finalement été versé sur les crédits de la mission Culture. Selon les informations fournies à votre Rapporteur, l’ajustement de la participation du ministère des Affaires étrangères et européennes n’a représenté qu’un « retour à la normale » après des exercices plus fastes ; cette somme de 100 000 euros mobilise par ailleurs une part importante des moyens d’intervention directe du service des Affaires francophones du ministère, dont le total avoisine 300 000 euros.

Il reste que l’on peut difficilement insister, d’un côté, sur l’ampleur des contributions financières à la francophonie multilatérale et, de l’autre, minimiser les moyens réellement disponibles pour justifier la baisse d’une subvention. En définitive, la leçon à tirer de cet épisode consiste à se demander, comme le fait à juste titre le ministère des Affaires étrangères et européennes, si le financement d’un festival de théâtre en France relève bien de son « cœur de métier ».

Le contexte budgétaire tendu et celui de la Révision générale des politiques publiques se conjuguent pour inciter les gestionnaires à faire des choix, et à réformer pour optimiser les moyens existants.

B – Une réforme de notre diplomatie d’influence inscrite dans le cadre de la révision générale des politiques publiques

Sans doute le Parlement aurait-il pu être bien davantage associé à la vaste réflexion entourant la RGPP ; sans doute ce salutaire exercice de rationalisation aurait-il pu être mené après la redéfinition de la politique étrangère et européenne de la France à travers le Livre blanc, et non de façon concomitante. Il n’en demeure pas moins que ces deux « chantiers » ont insufflé une dynamique qu’il s’agit à présent d’utiliser au mieux.

1) Passer du rayonnement à l’influence

L’ambition initiale n’a pas varié : dans la lettre de mission qu’il a, conjointement avec le Premier ministre, adressée au ministre des Affaires étrangères et européennes, le 27 août 2007, le Président de la République accordait « la plus grande importance au développement de notre influence culturelle à l’étranger ». Au terme de la réflexion conduite par la Commission du Livre blanc et dans le cadre de la RGPP, la traduction concrète de cette ambition consiste désormais à passer d’une logique de rayonnement à une logique d’influence. La diplomatie d’influence utilise une grande variété d’instruments dans le but de conforter des positions économiques, politiques et culturelles ; les politiques d’influence se distinguent donc du rayonnement : ce dernier est le produit du prestige historique et culturel d’un État alors que l’influence s’exerce par l’intermédiaire de la puissance politique et économique d’un État, l’influence culturelle étant la conséquence de cette puissance.

Les enjeux de la réforme de la coopération d’influence et de solidarité sont les suivants :

– permettre à notre pays de mieux appréhender les enjeux mondiaux, de peser sur la gouvernance mondiale et de promouvoir plus efficacement nos intérêts dans ce contexte ;

– pour le ministère, assurer pleinement, dans ce domaine, sa fonction d’animation et de coordination de l’action extérieure au sein de l’État, en donnant au Quai d’Orsay la crédibilité nécessaire pour dialoguer avec ses homologues étrangers, les autres administrations, mais aussi la société civile, les entreprises et les nouveaux acteurs de la mondialisation.

Le ministre a par ailleurs souhaité que dans le champ de la coopération culturelle, scientifique et universitaire, nos ambassades soient dotées « d’une organisation plus lisible qui garantisse la souplesse dans la gestion de nos moyens ».

C’est cette approche renouvelée que doit commencer de mettre en œuvre le présent projet de loi de finances, dans les postes comme au sein du « Département », en application des décisions du Conseil de modernisation des politiques publiques − l’instance décisionnaire du processus de RGPP − du 11 juin 2008.

2) Fusionner les divers établissements culturels à l’étranger

• Pour renforcer notre « diplomatie d’influence et de solidarité », a été décidée la création à l’étranger d’une structure unique placée sous l’autorité de l’ambassadeur. Ainsi, les différentes institutions concourant, dans un même pays, à la diplomatie d’influence, qu’il s’agisse des services de coopération et d’action culturelle (les SCAC) des ambassades, des instituts et des centres culturels quel qu’en soit le statut, seront rapprochées au sein d’une seule structure à autonomie financière. À cette occasion, un label unique – dont la dénomination pourrait être « Espace France » –sera créé pour l’ensemble des pays d’implantation, afin d’accroître la notoriété de notre réseau.

La cartographie actuelle du réseau est la suivante :

– 164 SCAC dans les ambassades (dont 49 financés sur le programme 185) ;

– 142 établissements culturels, dont 59 financés sur le programme Rayonnement culturel et scientifique et 83 sur le programme Solidarité à l’égard des pays en développement ;

− 27 centres de recherche spécialisés en sciences sociales et en archéologie, dont 8 financés sur le programme 185 et les autres sur les crédits de la mission Aide publique au développement (cf. infra page 22) ;

– 5 centres à autonomie financière pour les études en France (CEF) à Buenos Aires, Ottawa, Bogota, Conakry et Taïpei ;

– 5 centres franco-nationaux, à Bissao, Niamey, Windhoek, Maputo et Conakry (ce dernier centre entrant donc dans deux catégories).

Par ailleurs, 255 Alliances françaises, qui sont des établissements de droit local à statut généralement associatif, bénéficient de l’affectation par le ministère des Affaires étrangères et européennes d’agents expatriés (dont 65 sur les crédits du programme 185).

Les dernières évolutions de cette cartographie sont les suivantes :

ÉVOLUTION DE LA CARTOGRAPHIE DU RÉSEAU CULTUREL FRANÇAIS À L’ÉTRANGER

 

Ouvertures

Fermetures

2007

– Centre culturel d’Ottawa (centre pour les  études en France)

– Centre culturel de Bogota (centre pour  les études en France)

– Centre culturel de Yogyakarta  (autonomie financière donnée à l’annexe  du centre de Surabaya)

– Centre culturel de Podgoriça

– Institut français de Bilbao

2008

– Centre pour les études en France de  Conakry

– Centre pour les études en France de  Taïpei

– Création en cours, à Erbil, d’une annexe  du centre culturel de Bagdad

– Centre culturel de Rostock (au  1er septembre). Une association  allemande reprenant certaines activités du  centre va être mise en place.

– Institut français d’Édimbourg (d’ici à la  fin de l’année ou au plus tard à l’été 2009)

2009

Aucune

– Centre culturel de Turin

– Centre culturel de Palerme

Source : ministère des Affaires étrangères et européennes.

S’agissant des moyens de fonctionnement, la réforme portera à l’étranger sur des montants relativement limités, puisque les crédits mis à cette fin à la disposition des établissements s’élevaient, pour le dernier exercice clos (2007), à 62 millions d’euros pour les instituts et centres culturels, et à environ 10 millions d’euros pour les Alliances françaises, contre respectivement 64 millions d’euros et 11 millions d’euros en 2006. Restées relativement stables en 2008, ces sommes devraient sensiblement diminuer en 2009 ; toutefois, il faut souligner l’effort de sincérité budgétaire constitué par la dotation de 3 millions d’euros demandée en 2009 pour compenser les surcoûts ponctuels liés aux fermetures d’établissements culturels − à titre d’exemple, la fermeture de l’Institut français de Bilbao avait coûté 900 000 euros en 2007 −, avant que n’apparaissent les économies de moyen et long termes.

Quant aux effectifs employés dans les établissements du réseau culturel, ils s’établissent ainsi en 2008 :

EFFECTIFS DU RÉSEAU CULTUREL FRANÇAIS À L’ÉTRANGER EN 2008

 

Agents détachés

Agents recrutés localement

Total

Instituts et centres culturels

443 (433 en 2007)

3 157 (3 280 en 2007)

3 600 (3 713 en 2007)

Alliances françaises

334 (329 en 2007)

11 000 salariés (*)

11 334

Total

777 (762 en 2007)

14 157

14 934

(*) Approximation portant sur l’ensemble du réseau des Alliances et non les seules qui soient soutenues par le ministère (source : Fondation Alliance française). Par ailleurs, interviennent quelque 8 500 administrateurs bénévoles.

Source : ministère des Affaires étrangères et européennes.

La fusion des diverses entités existantes en un établissement unique à autonomie financière s’appuiera sur une démarche expérimentale, conduite dans 13 postes pilotes, sélectionnés à cette fin par la DGCID : Abou Dhabi, Ankara, Bamako, Berlin, Dakar, Delhi, Hanoi, Kinshasa, Ljubljana, Mexico, Minsk, Pékin et San José de Costa Rica.

• Il convient de préciser la nature de la contribution à la diplomatie d’influence du réseau des 1 085 Alliances françaises, associations de droit local, essentiellement tournées vers les cours de langue mais qui sont aussi, ponctuellement, des relais de la présence culturelle française, se substituant parfois à une centre ou à un institut dont la fermeture a été décidée – comme au Paraguay et en Équateur en 2007, en Argentine (Buenos Aires) en 2008, et au Royaume-Uni (Édimbourg) en 2008 ou 2009.

775 Alliances enseignent le français, 486 sont soutenues par le ministère des Affaires étrangères et européennes (auquel elles sont liées par des conventions de partenariat), et 231 sont dirigées par des agents expatriés français ou des volontaires internationaux. Le réseau des Alliances compte environ 8 500 administrateurs bénévoles et 11 000 salariés dont 9 000 professeurs. Son chiffre d’affaires global est de l’ordre de 238 millions d’euros (en parité de pouvoir d’achat). Sept Alliances ont été créées en 2007, dont trois dans trois nouveaux pays (Turquie, Maldives et La Barbade), ce qui porte à 136 le nombre de pays d’accueil.

Le coût pour l’État de la rémunération des cadres expatriés et volontaires internationaux mis à la disposition de ce réseau par le ministère des Affaires étrangères et européennes s’élève à 30 millions d’euros environ, auxquels s’ajoutent les subventions versées par les ambassades ainsi que 1 million d’euros de soutien ministériel aux projets immobiliers des Alliances. Ces dernières disposent de quelque 100 millions d’euros de recettes propres, provenant essentiellement des activités de cours, et d’environ 6 millions d’euros de subventions publiques locales et de financements privés. Le taux d’autofinancement des Alliances françaises soutenues par la France était de 77 % en 2007, en tenant compte du coût des agents mis à disposition.

Le projet annuel de performances du programme Rayonnement culturel et scientifique indique que « pour 2009, les subventions aux Alliances françaises vont connaître une baisse du fait de leur forte capacité d’autofinancement »… C’est même d’une diminution de moitié qu’il s’agit si l’on compare le PAP 2008 (6,11 millions d’euros) avec le PAP 2009 (3,04 millions d’euros).

En ce qui concerne les effectifs d’étudiants, l’année 2007 s’est inscrite dans la lignée des années précédentes avec une augmentation de 2,7 % du nombre total d’étudiants différents, qui s’est établi à près de 457 000. Cette progression globale, dont le rythme est légèrement inférieur à celui observé l’année précédente, présente cependant des situations contrastées, avec par exemple un recul en Europe (– 5,3 %) mais une progression supérieure à la moyenne en Amérique latine notamment (+ 6,1 %), qui regroupe près du tiers des étudiants, et un très fort développement en Océanie (+ 23,9 %) mais pour un nombre d’étudiants inférieur à 3 % du total.

• Dans le cadre de sa réflexion sur la diplomatie d’influence, la Commission du Livre blanc s’est penchée sur les Instituts français de recherche à l’étranger, appelant de ses vœux « une réflexion spécifique » sur ce réseau, à confier à une mission interministérielle ad hoc, qui serait chargée de faire des propositions sur l’avenir de ces instituts, en liaison avec les autres institutions de présence de la recherche française à l’étranger, à savoir les quatre écoles françaises de Rome, d’Athènes, du Caire et d’Extrême-Orient qui relèvent du ministère chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche. L’encadré ci-dessous reproduit celui du Livre blanc.

Les Instituts français de recherche à l’étranger (IFRE)

La France dispose d’un réseau des 27 instituts français de recherche à l’étranger, actuellement sous la tutelle du ministère des Affaires étrangères et européennes (direction de la Coopération scientifique et universitaire). Il ne s’agit pas d’un réseau totalement homogène dans la mesure ou au moins trois instituts se consacrent exclusivement soit à l’archéologie (à Kaboul, la Délégation archéologique française en Afghanistan et, à Khartoum, la Section française de la direction des Antiquités du Soudan), soit à l’histoire médiévale (à Göttingen, la Mission historique française en Allemagne). Tous les autres ont des activités tournées vers les sciences humaines contemporaines, mais varient considérablement en termes de capacité et de moyens.

L’une des missions des IFRE est la formation (expérience de terrain) et la valorisation des jeunes chercheurs, par l’aide à la publication, la participation au débat public, etc. En ce sens, ils participent bien à la promotion des idées françaises et à la politique d’influence. Les chercheurs travaillant dans le champ des relations internationales représentent pour la diplomatie, nos ambassades en premier lieu, un vivier d’expertise appréciable et qui pourrait être mieux exploité.

Si quelques-uns de nos instituts sont anciens voire historiques (la Maison franco-japonaise inaugurée par Paul Claudel en 1922 ; l’école française de droit au Caire, devenue le Centre d’études et de documentation économiques, juridiques et sociales ; l’Institut français d’études arabes à Damas, ancêtre de l’actuel Institut français du Proche-Orient établi à Damas, Beyrouth et Amman), plusieurs autres sont nés après 1990 : l’Institut français de recherche en Afrique à Ibadan (1990), l’Institut français d’études sur l’Asie centrale à Tachkent et l’Institut de recherche sur le Maghreb contemporain à Tunis (1992), l’Institut français d’Afrique du Sud à Johannesburg (1995), le Centre Jacques Berque pour les études en sciences sociales et humaines à Rabat (1999), l’Institut de recherche sur l’Asie du Sud-Est contemporaine à Bangkok (2001). Tous ces nouveaux instituts traduisaient une volonté d’extension et un investissement important du Département en liaison avec le ministère de l’Enseignement supérieur, le Centre national de la recherche scientifique, et l’Institut de recherche pour le développement. Dans le même temps, les instituts plus anciens se modernisaient et se recentraient sur le contemporain.

Cette phase dynamique n’a pas été accompagnée pour autant d’une stratégie garantissant pour notre diplomatie les dividendes qu’elle était en droit d’en attendre. L’expertise produite par nos chercheurs restait peu connue et peu utilisée par nos diplomates en poste dans la même ville. Elle l’était encore moins à Paris. Les publications restaient confidentielles, sur des sujets et des thématiques pourtant directement en lien avec l’analyse diplomatique. Depuis 2003, le MAEE a pris l’initiative de valoriser cette recherche. Participant au processus de nomination des directeurs des IFRE, il n’a cessé de plaider pour que l’investissement financier consenti soit plus en phase avec ses besoins d’expertise. Ce sont aujourd’hui des économistes confirmés qui dirigent par exemple le Centre d’études français sur la Chine contemporaine de Hong Kong, le Centre de sciences humaines de New Delhi ou la MFJ de Tokyo. Une revue (Transcontinentales) a été créée pour mieux diffuser la production des IFRE, et une cellule de valorisation a été mise en place pour tenter de rapprocher recherche et diplomatie.

Ces efforts doivent être poursuivis. Les IFRE souffrent actuellement de sérieuses difficultés de financement, de moyens, et dès lors de recrutement (manque d’attractivité). L’européanisation est parfois évoquée comme solution (des chercheurs européens peuvent déjà être recrutés, mais pas des directeurs d’instituts).

Sur les 27 instituts existants, huit, comme votre Rapporteur l’a indiqué plus haut, sont financés sur les crédits du programme Rayonnement culturel et scientifique : les quatre instituts situés en Europe et ceux de Moscou, Tokyo, Hong Kong et Jérusalem. Le tableau suivant les recense :

INSTITUTS FRANÇAIS DE RECHERCHE À L’ÉTRANGER RELEVANT DU PROGRAMME 185

Pays

Ville

IFRE

Études et recherches

Chine

Hong Kong

Centre d’études sur la Chine contemporaine - CEFC

Étude des mutations du monde chinois contemporain

Japon

Tokyo

Maison franco-japonaise - MFJ

Études interdisciplinaires de la société japonaise

Israël

Jérusalem

Centre de recherche français de Jérusalem - CRFJ

Archéologies ; l’espace israélo-palestinien contemporain ; traditions : histoire, religions, savoirs.

Allemagne

Berlin

Centre Marc Bloch de Berlin - CMB

Europe en mutation. Histoire, sociologie et droit comparés. Histoire et recomposition des identités collectives. Islam transplanté et migrations.

Allemagne

Göttingen

Mission historique française en Allemagne - MHFA

Histoire de l’espace, de la culture et de la société des pays germaniques du Moyen -Age au XIXe siècle

Grande-Bretagne

Oxford

Maison française
d’Oxford - MFO

Histoire des Sciences, Nation et Mondialisation (théorie politique, sciences politiques, histoire contemporaine).

République tchèque

Prague

Centre de recherche en sciences sociales - CEFRES

Transitions et identités au centre de l’Europe. Histoire, sciences sociales, sociologie, économie, droit

Russie

Moscou

Centre franco-russe en sciences sociales et humaines - CFRM

Droit, économie, histoire, géographie, philosophie, science politique, sociologie

Source : ministère des Affaires étrangères et européennes.

D’après le PAP du programme 185, les dotations à ces huit instituts passeraient de 1,69 million d’euros en projet de loi de finances pour 2008 à 1,34 million d’euros en projet de loi de finances pour 2009.

En définitive, c’est pour notre réseau culturel à l’étranger un mouvement de rationalisation sans précédent qui se prépare, un « changement de culture » à bien des égards, qui oblige les agents concernés à repenser leur action sous l’angle de « l’influence ». Ainsi par exemple, en Allemagne, la suppression d’une implantation et le placement, en contrepartie, d’un agent expatrié auprès du gouvernement d’un Land pour les affaires culturelles, peut se traduire in fine par un degré d’influence supérieur… Au-delà d’un volume de crédits ou de la forme que prend notre réseau culturel – établissement « en dur », Alliance française en co-localisation avec un pays tiers ou personnel placé auprès des autorités locales–, le pari de la réforme consiste à préserver l’universalité de notre présence en démultipliant son efficience.

Au sein du Département, l’administration se réorganise en conséquence.

3) En administration centrale, la prochaine mise en place d’une « direction générale de la mondialisation »

Pour mieux répondre aux nouvelles réalités du monde, une direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats va être créée, regroupant questions économiques et financières, aide au développement, action culturelle, coopérations scientifiques et de recherche, et attractivité française.

En son sein, quatre pôles correspondront à une nouvelle logique de métiers, qui devraient être autant de directions tournées vers l’analyse, la définition de politiques et le pilotage des opérateurs, c’est-à-dire des « fonctions d’état-major » :

− un pôle chargé de promouvoir la diversité linguistique et culturelle, l’influence de la France dans les grands débats, le dialogue des cultures et des civilisations, le multilinguisme ;

− un pôle couvrant les politiques de mobilité et d’attractivité, la promotion de nos technologies, les échanges scientifiques et de recherche, la coopération universitaire, l’accueil des étudiants en France ;

− un pôle responsable des biens publics mondiaux traitant de la réalisation des objectifs du millénaire des Nations unies (réduction de la pauvreté et de la faim, promotion de l’égalité des sexes, lutte contre les pandémies, environnement durable, éducation primaire pour tous, etc.) ;

− un pôle compétent pour l’économie globale et les stratégies de développement qui analysera les transformations profondes de l’économie mondiale, traitera de la régulation de la mondialisation (stratégies de développement proprement dites, commerce, investissement, dette, corruption, etc.).

Le directeur général aura en outre sous son autorité directe une cellule dédiée à la tutelle de l’Agence française pour le développement, ainsi que des unités chargées de la coopération décentralisée et du partenariat avec les ONG.

C’est donc un champ qui déborde largement le périmètre du programme Rayonnement culturel et scientifique ; il s’agit explicitement de regrouper et de rationaliser les moyens existants, à tout le moins au sein du ministère, afin d’identifier un chef de file et de proscrire tout doublon administratif. Cette évolution devrait se traduire par une diminution de ses effectifs de quelque 50 ETPT sur trois ans, tant au titre du programme 185 de la mission Action extérieure de l’État que du programme 209 Solidarité avec les pays en développement de la mission interministérielle Aide publique au développement.

Pour autant, la DGCID prend soin d’insister sur le caractère choisi et non subi de la réforme, qualifiant la diminution du nombre d’ETPT de « réduction d’effectifs intelligente ». Et il est vrai qu’une telle transformation peut aussi redonner du lustre au travail parfois injustement sous-estimé de la DGCID et de son réseau.

Le texte constitutif de la nouvelle direction générale devrait être présenté au Comité technique paritaire ministériel de décembre prochain, pour une mise en œuvre au premier trimestre 2009… c’est-à-dire alors que se déroulera l’installation sur le site de la rue de la Convention, à Paris, des services qui doivent y être regroupés à partir de leurs implantations actuelles − c’est-à-dire, pour ceux que concerne la nouvelle direction générale, en provenance du boulevard Saint-Germain, de la rue Monsieur, du boulevard des Invalides, et éventuellement du Quai d’Orsay.

Déjà cruciale aujourd’hui pour la DGCID, la question de l’articulation entre cette direction générale de la mondialisation et les opérateurs œuvrant sur le terrain sera la clef de la réussite de la réforme, tant dans le cadre de l’aide publique au développement avec l’Agence française de développement que pour les trois opérateurs relevant du programme Rayonnement culturel et scientifique :

− l’AEFE, confortée dans son autonomie ;

− CulturesFrance, dont le statut doit enfin évoluer ;

− le « nouvel opérateur chargé de la mobilité internationale » à construire à partir de l’actuel CampusFrance.

Les pages qui suivent visent à analyser cette place prépondérante que tendent à prendre les « agences » dans la diplomatie française d’influence.

II – LES AGENCES, HORIZON DE L’ACTION CULTURELLE ET SCIENTIFIQUE EXTÉRIEURE

A – Les opérateurs du programme 185 promis à des fortunes diverses en 2009

1) L’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), modèle fragilisé ?

a) Une subvention de l’État en forte hausse apparente, un budget tendu

• Alors que la subvention à l’AEFE représentait déjà, en loi de finances initiale pour 2008, avec 287,87 millions d’euros, 59,2 % des crédits du programme, elle s’élèverait en 2009 à 415 millions d’euros, soit 69,8 % des crédits du programme.

Comme votre Rapporteur l’a déjà indiqué, l’essentiel de cette augmentation est optique : elle est due à l’obligation faite à l’Agence, en application d’un décret du 19 décembre 2007 (8), de financer sur son budget, à compter du 1er janvier prochain – donc avec une année de décalage par rapport à ce que prévoyait le décret –, la part patronale des cotisations de pensions civiles des personnels qui lui sont détachés ; les missions laïques sont d’ailleurs également concernées. Cette charge est évaluée pour l’AEFE à 125 millions d’euros environ pour l’année 2009, tandis que la mesure nouvelle présentée en projet de loi de finances est de 120 millions d’euros.

C’est surtout pour l’avenir qu’un problème de « soutenabilité » pourrait se poser, puisque cette somme de 120 millions d’euros devrait être reconduite à l’identique, au moins pendant la durée d’exécution du budget triennal, alors que la charge augmentera mécaniquement sous l’effet de la hausse du taux des cotisations : 60,76 % en 2009, 66,33 % en 2010 et 71,24 % en 2011. Par conséquent, des marges devront être trouvées au sein d’un budget qui n’en comporte guère : le fonds de roulement de l’AEFE ne correspond plus qu’à 15 jours de fonctionnement – contre 45 jours naguère –, ce qui est préoccupant quand 78 % des dépenses correspondent à des traitements et salaires…

• Le budget global de l’AEFE représente la somme du budget des services centraux de l’agence et des 34 groupements d’établissements en gestion directe. Le montant total des dépenses de fonctionnement (y compris amortissements et provisions) s’élève en 2008 à près de 697 millions d’euros. L’équilibre de ce budget primitif a été obtenu par prélèvement sur le fonds de roulement des services centraux et des établissements en gestion directe, pour un total de 12,5 millions d’euros. La structure des dépenses de l’agence est retracée dans le tableau ci-dessous :

DÉPENSES DE L’AEFE PAR CATÉGORIE
Budget primitif pour 2008

(en milliers deuros)

Personnel

Fonctionnement (*)

Bourses

Investissement

TOTAL

374 754,7

29 453,8

62 942,4

10 364

467 150,9

(*) y compris les dotations aux amortissements.

Source : ministère des Affaires étrangères et européennes.

Entre les exercices 2007 et 2008, ont seules progressé les dépenses de personnel (+ 3,4 %) et les dépenses de bourses scolaires aux enfants français, passées de 47 à 63 millions d’euros. Les dépenses de fonctionnement sont demeurées strictement égales à celles de 2007.

Le tableau suivant retrace l’évolution des personnels du réseau de l’AEFE :

ÉVOLUTION DES EFFECTIFS DANS LES ÉTABLISSEMENTS EN GESTION DIRECTE ET CONVENTIONNÉS

   

2004-2005

2005-2006

2006-2007

2007-2008

Expatriés

 

1 286

1 285

1 263

1 271

 

évolution annuelle

 

− 0,1%

− 1,7%

0,6%

 

Enseignants

1 005

997

963

960

 

Non enseignants

281

288

300

311

Résidents

 

4 895

4 969

5 024

5 086

 

évolution annuelle

 

1,5%

1,1%

1,2%

 

Enseignants

4 810

4 876

4 940

5 006

 

Non enseignants

85

93

84

80

Recrutés locaux

13 557

11 708

12 277

15 937

 

évolution annuelle

 

− 13,6%

4,9%

29,8%

 

Enseignants

6 469

5 324

5 814

6 963

 

Non enseignants

7 088

6 384

6 463

8 974

TOTAUX

 

19 738

17 962

18 564

22 294

 

évolution annuelle

 

− 9 %

3,4 %

20,1 %

 

Enseignants

12 284

11 197

11 717

12 929

 

Non enseignants

7 454

6 765

6 847

9 365

Source : ministère des Affaires étrangères et européennes.

• Pour faire face à l’accroissement de ses charges lié, au-delà de la mesure relative aux pensions, à l’expansion du réseau – 6 919 élèves supplémentaires ont été accueillis à la dernière rentrée scolaire, dont 4 000 Français – et à la compétence immobilière désormais exercée en propre par l’Agence, l’AEFE devra instaurer une contribution financière supplémentaire assise sur les frais de scolarité et les droits d’inscription perçus par les établissements. Cette contribution sera appliquée au taux de 6 % à compter du 1er septembre 2009 pour les établissements en gestion directe ou conventionnés ; son taux sera de 2 % et son entrée en vigueur fixée au 1er septembre 2010 pour les établissements simplement homologués.

Les établissements n’auront pas nécessairement à répercuter cette contribution dans son intégralité, s’ils parviennent à réaliser des économies ou des redéploiements internes. En outre, son produit devrait être affecté pour moitié aux investissements immobiliers dans le réseau, dont chacun s’accorde à reconnaître la vétusté. Il reste que son acceptation risque d’être délicate, notamment à cause de sa concomitance avec l’extension progressive de la prise en charge de la scolarité des élèves français à l’étranger.

Il faudra donc veiller à ce que la gestion attentive des moyens de l’AEFE n’aille pas jusqu’à menacer le déploiement d’un réseau qui représente à bien des égards une « vitrine » de la présence française à l’étranger.

b) Un réseau remarquable dont le plan de développement annoncé est déstabilisé par la mesure de gratuité

• Pour l’année scolaire 2007-2008, le réseau des établissements en gestion directe ou conventionnés accueillait 78 640 élèves français et 89 332 élèves étrangers.

Avec 452 établissements répartis dans 130 pays, le réseau des lycées français est unanimement reconnu comme un remarquable atout de notre diplomatie d’influence. Il se décompose en 77 établissements directement gérés par l’AEFE, qui sont des services déconcentrés de celle-ci, et 166 établissements conventionnés, qui entretiennent des liens contractuels avec l’Agence ; les 209 autres établissements n’appartiennent pas au réseau stricto sensu, ils ne sont qu’homologués, ne disposent donc pas d’aide directe de l’AEFE, ni de personnel détaché, et ne sont pas soumis aux même règles vis-à-vis de l’AEFE, laquelle ne peut pas, par exemple, encadrer le montant des droits de scolarité comme dans « son » réseau.

• La question cruciale des droits de scolarité et de leur prise en charge pour les élèves français scolarisés à l’étranger dans des établissements en gestion directe, conventionnés ou homologués, avait déjà fait l’objet de réserves de la part de votre Rapporteur dans son rapport de l’an dernier. En un an, et sans doute pour une bonne part au bénéfice de la nouveauté de la mesure, les craintes exprimées n’ont pas, fort heureusement, été avivées, de sorte que les crédits prévus, sous la forme de bourses spécifiques financées sur le programme 151 Français à l’étranger, affaires consulaires et sécurité de personnes (9), n’ont pas tous été consommés à cette fin.

– Le premier bilan n’est pas alarmant

Consulats, établissements scolaires et service des bourses de l’AEFE se sont organisés rapidement pour permettre le démarrage de cette prise en charge promise par le Président de la République, dès la rentrée scolaire de septembre 2007 pour les classes de terminale. Les deux tiers des 3 755 élèves potentiellement concernés ont déposé un dossier, le tiers restant étant constitué de familles non éligibles ou de familles n’ayant pas souhaité faire la démarche. Rappelons en effet que l’AEFE et sa tutelle avaient eu la sagesse de prendre une instruction précisant notamment que les élèves dont les frais de scolarité étaient pris en charge par les employeurs n’étaient pas éligibles à la gratuité.

Ainsi, 1 270 élèves de terminale ont bénéficié de la prise en charge en 2007-2008, tandis que 826 étaient déjà boursiers avant la réforme, soit un total de 2 096 élèves de terminale bénéficiaires d’une aide – le nombre global de boursiers s’établissant à 20 565 en 2008. En l’état actuel de la gestion de l’année 2008, le bilan budgétaire prévisionnel peut être ainsi estimé :

– les bourses scolaires « classiques » préexistantes à la mesure nouvelle de prise en charge (10) représentent un coût de 52,41 millions d’euros ;

– la prise en charge représente 14,78 millions d’euros ;

– soit un total de 67,2 millions d’euros.

Le mécanisme prévu par l’instruction précitée, qui rendait possible un encadrement de la mesure en cas de contrainte budgétaire, n’a donc pas eu à jouer pour l’année 2007-2008. On peut donc penser que les 19 millions d’euros supplémentaires prévus dans le présent projet de loi de finances suffiront à couvrir l’extension de la prise en charge aux classes de première.

On constate cependant :

– d’une part, que de plus en plus de familles déposent un dossier en régularisation en cours d’année, rendant le chiffrage prévisionnel incertain ;

– d’autre part, que plusieurs employeurs privés se désengagent du paiement des frais de scolarité des enfants de leurs expatriés.

Les craintes exprimées l’an dernier quant à un éventuel effet d’aubaine pourraient donc être confirmées à mesure que la mesure s’étend.

Par ailleurs, la mise en place de la prise en charge a produit un effet de report sur les bourses scolaires « classiques » : celles-ci connaissaient déjà une forte augmentation depuis 2 à 3 ans, en raison de l’augmentation des communautés françaises expatriées – en progression de 4 à 5% par an depuis 10 ans – ; la réforme entraîne de surcroît une forte pression des familles non bénéficiaires de la prise en charge, afin d’obtenir des bourses dans les classes inférieures. Le ministère des Affaires étrangères et européennes ayant anticipé ce mouvement de report, une demande d’augmentation des bourses a été formulée ; elle sera examinée en fonction de la consommation des crédits en 2009.

Quant à l’effet d’éviction également redouté lors de l’annonce de la mesure, à savoir un afflux d’élèves français jusqu’alors scolarisés hors du réseau des lycées français, qui aurait empêché l’inscription d’élèves ressortissants du pays d’accueil ou d’étrangers tiers, il n’a pas été observé à l’occasion de la rentrée 2008. Les quelque 4 000 élèves français nouvellement inscrits ne le seraient donc qu’en raison de la tendance de fond de croissance de la communauté expatriée.

– Sur la voie de la généralisation, les incertitudes demeurent

Les perspectives de généralisation du dispositif de prise en charge – puisque telle est l’ambition affichée par le Président de la République – sont difficiles à chiffrer avec précision à ce stade. Le ministère s’y est néanmoins essayé avec prudence et les ordres de grandeur retenus sont les suivants : à terme, si le dispositif devait couvrir l’ensemble des classes du cours préparatoire à la terminale, soit pour l’année scolaire en « rythme nord », de septembre 2018 à l’été 2019, ou en « rythme sud », de janvier à décembre 2018, l’effort de l’État au titre de la mesure de gratuité et des bourses « classiques » résiduelles – pour les élèves de maternelle et les bourses parascolaires – pourrait se monter à 743 millions d’euros… contre 47 millions d’euros en 2007 avant instauration de la gratuité. Le tableau suivant décrit cette montée en charge en précisant le « coût de la gratuité » et celui des bourses résiduelles :

PROJECTION DU COÛT GLOBAL DES BOURSES
DESTINÉES AUX ÉLÈVES FRANÇAIS

(en millions deuros)

Année scolaire

Montant consacré aux bourses

dont mesure de prise
en charge (gratuité)

2007-2008

67,2

14,8

2008-2009

86,1

30,5

2009-2010

110

54,2

2010-2011

142

85,3

2011-2012

181

123,3

2012-2013

226

168

2013-2014

281

224

2014-2015

346

291

2015-2016

423

372

2016-2017

514

467

2017-2018

622

583

2018-2019

743

713

Source : ministère des Affaires étrangères et européennes.

Or le budget triennal ne prévoit « que » 106 millions d’euros en 2010 et 126 millions d’euros en 2011 – sous réserve de possibles redéploiements internes des crédits. Une telle perspective a justifié que le ministre des Affaires étrangères et européennes et celui du Budget, des comptes publics et de la fonction publique écrivent le 23 juillet dernier au Président de la République pour appeler son attention sur cette question et souhaiter un encadrement de la mesure. Votre Rapporteur s’est permis d’accomplir la même démarche, le 22 octobre.

Au demeurant, l’ensemble des acteurs concernés a pris conscience, tout à la fois, de l’intérêt de la mesure de gratuité pour certains de nos compatriotes vivant à l’étranger, et des effets pervers qu’elle pouvait comporter :

– le Parlement en a débattu dès l’examen du projet de loi de finances pour 2008 et de nouveau lors de l’examen du projet de loi de règlement du budget de 2007, l’Assemblée nationale ayant organisé dans ce cadre une commission élargie sur le thème de l’enseignement français à l’étranger. Un encadrement de la mesure a été instamment souhaité ;

– la Commission sur l’avenir de l’enseignement français à l’étranger, présidée par M. Yves Aubin de la Messuzière, qui a travaillé pendant le premier semestre de 2008 et remis son rapport au ministre le 7 juillet dernier, s’est prononcée dans sa grande majorité pour un double plafonnement, en fonction des ressources des familles et du montant des droits de scolarité, ainsi que pour une augmentation du contingent des bourses scolaires parallèlement à la montée en charge de la mesure ;

– en prolongement des travaux de cette commission, les « États généraux pour l’enseignement à l’étranger » ont été réunis pour leur première session le 2 octobre dernier. Les mêmes préoccupations ont été exprimées. Un argument supplémentaire a en outre été avancé : le risque de voir la Cour de justice des Communautés européennes, si elle devait être saisie, exiger la même mesure de gratuité pour tous les ressortissants communautaires, sur le fondement de la non-discrimination.

Il semble que même parmi les instigateurs de la mesure de gratuité, qui avaient obtenu l’engagement du Président de la République, certains ne verraient aucun inconvénient au plafonnement de la prise en charge, ni même à sa limitation aux classes de lycée. Devant cette quasi-unanimité, votre Rapporteur estime qu’il est temps d’encadrer la mesure, avant de créer des droits acquis qui empêcheraient tout retour en arrière.

– Plafonnons tant qu’il est temps

Votre Rapporteur déposera un amendement de redéploiement des crédits consacrés à la mesure de prise en charge correspondant à la traduction d’un double plafonnement à mettre en œuvre par instruction de l’AEFE et de sa tutelle :

– un plafonnement en fonction des revenus bruts des familles, à hauteur de 150 000 euros annuels par foyer ;

– un plafonnement en fonction du montant des droits de scolarité, en n’excluant aucun type d’établissement pourvu qu’il soit au moins homologué, mais en ne prenant pas en charge les écolages au-delà de 8 500 euros annuels par élève, qui est aujourd’hui le montant le plus élevé demandé dans un lycée en gestion directe (8 407 euros en 2008-2009 pour le lycée Van Gogh de La Haye, en l’occurrence).

Le tableau suivant, qui actualise celui que notre collègue sénateur Adrien Gouteyron, Rapporteur spécial de la commission des Finances, avait publié lors de l’examen au Sénat du projet de loi de règlement du budget de 2007, donne à cet égard quelques éléments de contexte :

CLASSEMENT DES 15 LYCÉES FRANÇAIS À L’ÉTRANGER
DONT LES FRAIS DE SCOLARITÉ PRIS EN CHARGE SONT LES PLUS ÉLEVÉS

(en euros)

Nom du lycée

Statut

Ville

Frais de scolarité annuels

Lycée international franco-américain

Homologué

San Francisco

16 801

École internationale des Nations unies (UNIS)

Homologué

New-York

16 497

École franco-américaine de New York

Homologué

Mamaroneck

15 635

Lycée français

Homologué

New-York

15 327

École bilingue (Toronto French School)

Homologué

Toronto

14 915

Lyceum Kennedy

Homologué

New-York

14 799

École bilingue Arlington-Cambridge

Homologué

Cambridge

14 337

Lycée français La Pérouse

Conventionné

San Francisco

12 941

Section française d’Awty International School

Homologué

Houston

11 911

Le lycée français

Homologué

Los Angeles

11 468

Pensionnat Valmont

Homologué

Lausanne

11 094

Ecole internationale

Homologué

Dallas

10 594

Lycée français

Homologué

Chicago

10 262

Lycée Rochambeau

Homologué

Washington

10 082

Lycée français

Conventionné

Toronto

9 511

Source : Agence pour l’enseignement français à l’étranger.

Le même rapport précisait que les établissements dont les frais de scolarité s’élèvent à plus de 3 700 euros annuels représentent 38,15 % des élèves scolarisés à l’étranger, mais 66,15 % du montant financier de la prise en charge. La mesure de gratuité, pour les dix établissements français les plus coûteux, représente 5,8 millions d’euros, pour 480 élèves. Dès lors, ce sont bien des considérations élémentaires d’équité – entre familles expatriées mais aussi entre contribuables métropolitains et ressortissants expatriés – qui plaident pour un encadrement de la mesure. Ce même souci d’équité incite votre Rapporteur à ne pas retenir l’idée d’une limitation de la prise en charge aux seuls établissements en gestion directe ou conventionnés.

Par ailleurs, l’encadrement de la mesure permettrait son pilotage et, partant, l’inclusion d’un indicateur ad hoc dans le projet annuel de performances du programme support des crédits. Au lieu de quoi, cette année, il faut déplorer la disparition de l’indicateur « Nombre et répartition des élèves français (dont boursiers), nationaux et étrangers tiers dans les établissements d’enseignement français à l’étranger », qui aurait pourtant permis de mesurer la réalité de l’effet d’éviction des élèves étrangers. Que l’information soit citée au détour de la justification des crédits au premier euro n’a pas du tout les mêmes implications pour les gestionnaires ni pour le Parlement.

À l’heure où le « plan de développement [du] réseau » de l’AEFE demandé par le Président de la République et le Premier ministre dans leur lettre de mission adressée au ministre des Affaires étrangères et européennes, est plus nécessaire que jamais, le plafonnement de la mesure de prise en charge permettrait de dégager quelques moyens supplémentaires à cette fin, en particulier pour procéder aux investissements immobiliers qui ne peuvent plus être retardés.

2) CampusFrance, noyau d’un futur « grand opérateur de la mobilité »

a) Une compétence reconnue pour des moyens limités… et en baisse l’an prochain.

La convention constitutive du groupement d’intérêt public (GIP) CampusFrance a été publiée au Journal officiel du 29 avril 2007. Aux membres de l’ancien GIP ÉduFrance − l’État, représenté par les ministères chargés de l’éducation, de l’enseignement supérieur et de la recherche, des affaires étrangères, de la culture et du commerce extérieur, et 191 établissements d’enseignement supérieur publics et privés − se sont ajoutés deux nouveaux membres, le Centre français pour l’accueil et les échanges internationaux (Egide) et le Centre national des œuvres universitaires et scolaires (CNOUS).

Le budget 2008 de CampusFrance s’élève à 5,98 millions d’euros, financés :

− à hauteur de 3,8 millions d’euros par des subventions de l’État (y compris la réserve de précaution), dont 494 000 euros pour charge de service public sur les crédits du programme 185, le solde provenant des programmes Formations supérieures et recherche universitaire et Solidarité à l’égard des pays en développement ;

− à hauteur de 2,2 millions d’euros par des ressources propres, dont 1 million d’euros de produit des adhésions des membres.

Par ailleurs, les postes diplomatiques contribuent localement aux dépenses de promotion ou aux actions mises en œuvre par l’Agence CampusFrance. Ils prennent en charge le fonctionnement et les personnels des espaces CampusFrance, qui sont partie intégrante du réseau des établissements culturels.

Au 1er juillet 2008 on dénombrait 136 « espaces CampusFrance » dans 77 pays, dont 85 « à procédure CEF » dans 28 pays : à compter de début 2007, les centres pour les études en France (CEF), créés à partir de 2003, et les « espaces ÉduFrance » ont pris le nom d’espaces CampusFrance. Il y a donc deux types d’espaces CampusFrance : ceux qui disposent de la procédure CEF − et donc d’une aide informatisée à l’inscription ainsi qu’à la demande de visa − et les autres qui sont simplement les anciens espaces ÉduFrance.

PAYS D’IMPLANTATION DU RÉSEAU DE L’AGENCE CAMPUSFRANCE

Programme

Nombre de
pays à Espaces CampusFrance

Nombre de
pays à procédure CEF

Rayonnement culturel et scientifique (185)

25

6

Solidarité à l’égard des pays en développement (209)

52

22

TOTAL

77

28

Source : ministère des Affaires étrangères et européennes.

Le programme de déploiement des espaces CampusFrance dotés de la procédure CEF se poursuit :

− dix centres étaient opérationnels fin 2006 (Chine, Algérie, Maroc, Tunisie, Vietnam et Sénégal, qui fonctionnaient dès 2005, auxquels se sont rajoutés au printemps 2006 la Turquie, la Corée du sud, le Mexique et le Cameroun) ;

− dix nouveaux centres ont ouvert au premier semestre de 2007 (Brésil, Canada, Colombie, États-Unis, Madagascar, Inde, Guinée, Gabon, Syrie, et République Tchèque) ;

− au deuxième semestre de 2007, sept autres pays ont ouvert un tel dispositif (Congo, Maurice, Mali, Taïwan, Liban, Russie et Bénin) ;

− au début de 2008, un CEF a été ouvert en Argentine.

En 2009, la subvention de l’État pour charges de service public diminuerait pour s’établir à 3,11 millions d’euros, dont 401 000 euros financés par le programme 185 (en baisse de 18,8 %, la diminution globale étant de 2,6 %). Par conséquent, la participation de l’agence à certains événements devra être annulée, ou certaines publications diffusées moins largement. Dans ce contexte tendu, votre Rapporteur veut saluer l’implication des personnels de CampusFrance qui ont réussi à forger une véritable marque mondiale en démontrant un réel savoir-faire dans l’accueil, le conseil, l’information et la promotion des formations supérieures françaises ainsi que la coopération universitaire.

L’évolution du nombre d’emplois de la petite structure qu’est à ce jour CampusFrance est retracée dans le tableau suivant :

TABLEAU DES EMPLOIS DE CAMPUSFRANCE

 

Réalisation 2007

Budget prévisionnel 2008 (*)

Prévision 2009

Empois rémunérés par l’opérateur

27

   

Emplois (ETP) rémunérés par l’opérateur

 

38

38

dont emplois sous plafond opérateurs

 

30

30

dont emplois hors plafond opérateurs

 

8

8

Autres emplois (ETPT) en fonction dans l’opérateur

11

6

6

dont emplois rémunérés par l’État sur le programme

11

1

1

dont emplois rémunérés par l’État via un autre programme de rattachement

 

5

5

(*) Les emplois rémunérés par les opérateurs sont présentés à titre indicatif pour 2008 selon les modalités prévues pour 2009.

Source : projet annuel de performances du programme 185.

Parmi ces personnels, cinq sont mis à disposition par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, une personne par le ministère des Affaires étrangères et européennes, une par un établissement adhérent, et 31 personnes ont des contractuels.

b) La perspective de la fusion avec d’autres organismes pour mutualiser les moyens

La convention constitutive du GIP CampusFrance stipulait : « L’Agence a pour objectif de préfigurer l’intégration de ses activités avec celles, d’une part, de l’association Egide et, d’autre part, du CNOUS, pour la partie qui concerne les étudiants étrangers, autour d’un champ de missions nouveau, dans le cadre juridique adéquat et dans le respect des équilibres financiers de ces opérateurs ». Pour mener à bien ce travail, le GIP disposait d’un délai de trois ans, au terme duquel le groupement pourrait être dissous ou transformé.

Le Conseil de modernisation des politiques publiques a décidé le 4 avril 2008, et confirmé le 11 juin dernier « la création d’un nouvel opérateur chargé de la mobilité internationale regroupant les fonctions de promotion de l’assistance technique et de l’expertise internationale françaises à l’étranger et de valorisation du système d’enseignement supérieur français actuellement assurés par plusieurs intervenants ». Outre Egide et le CNOUS, ce nouvel opérateur devrait également englober le GIP France coopération internationale, créé en 2002, organisme employant une quarantaine de personnes (fonctionnaires ou salariés de droit privé) ayant pour mission de coordonner et de promouvoir l’expertise technique française à l’étranger, sous la double tutelle des ministères chargés des affaires étrangères et de la fonction publique.

Une mission de préfiguration du nouvel opérateur a été confiée à MM. Alain Le Gourrierec, ambassadeur, et Georges Asseraf, inspecteur général de l’Éducation nationale. La nouvelle structure devrait être en place au 1er janvier 2010.

3) CulturesFrance, opérateur à conforter

Créée en 2006, l’agence CulturesFrance, issue de la fusion entre l’Association française d’action artistique et l’Association pour la diffusion de la pensée française, est depuis cette date un opérateur majeur du ministère des Affaires étrangères et européennes et du ministère de la Culture et de la communication pour les relations culturelles internationales.

a) La saison culturelle européenne, emblématique du savoir-faire de l’Agence

La Saison culturelle européenne, qui vise à faire de la France, pendant six mois, « la terre d’accueil des cultures européennes », est organisée par CulturesFrance pour le compte de la Présidence de la République, du Premier ministre, ainsi que de deux ministères, celui des Affaires étrangères et européennes et celui de la Culture et de la communication. Le commissariat général en est assuré par M. Laurent Burin des Roziers.

Dans ce cadre, plusieurs centaines de manifestations sont présentées en France et dans le reste de l’Europe pour rendre attractive, et accessible au plus large public, l’Europe de la création et du patrimoine. Votre Rapporteur veut citer ici les principales d’entre elles :

– des manifestations exceptionnelles orientées vers le très grand public ou revêtant une dimension paneuropéenne : bals populaires européens du 14 juillet 2008, tournée de la Comédie-française dans les dix nouveaux États membres d’Europe centrale et orientale, événement de clôture « La nuit des images » au Grand Palais ;

– vingt-six projets « tandem », co-productions entre la France et chacun des États membres, mobilisant artistes et institutions culturelles, présentées en France et dans chacune des capitales européennes ;

– une série de panoramas thématiques organisés partout en France, pour révéler le dynamisme de la création en Europe dans toutes les disciplines (le cinéma, la photographie, le théâtre, la littérature, le design, l’art contemporain, les musiques actuelles) ;

– cinq cycles de 27 œuvres européennes, 27 livres, 27 films, 27 spectacles, 27 concerts, 27 expositions ;

– les États généraux du multilinguisme et la Fête des langues qui ont eu lieu le 26 septembre, en même temps que la journée européenne des langues, avec en particulier un colloque de haut niveau centré sur trois thématiques vues à travers le prisme du multilinguisme (les systèmes éducatifs, la circulation des biens culturels, ainsi que la compétitivité économique, la cohésion sociale et l’emploi) ;

– les 26 ambassades européennes à Paris ont été invitées à proposer la « labellisation » de listes de 3 à 15 manifestations représentatives de leur culture nationale, tandis que cette labellisation était également ouverte aux collectivités territoriales.

Des partenaires prestigieux se sont investis dans la saison, au nombre desquels :

– les grandes institutions culturelles en France que sont la Biennale du design de Saint-Étienne, la biennale de la danse de Lyon, la Bibliothèque nationale de France, le Centre Georges-Pompidou, la cinémathèque française, la Cité de la musique, la Comédie-française, le Festival d’Avignon, le Festival d’automne, le Grand-Palais, le Printemps de septembre de Toulouse, les Rencontres d’Arles de la photographie, les Transmusicales de Rennes et la Villa Gillet ;

– les grandes institutions culturelles en Europe ; National Theater de Londres, Fotografisk Hus de Stockholm, Académie des Beaux-Arts de Sofia, Orchestre Philharmonique de Luxembourg, Musée Reina Sofia de Madrid, Tanzquartier de Vienne ;

– les établissements scolaires et universitaires, les grandes écoles, les centres de recherche et les think tanks ;

– les collectivités territoriales (villes de Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Nantes, Nice, Paris, Rennes, Saint-Étienne, Strasbourg et Toulouse) ;

– les médias français et européens ;

– la Commission européenne et le Parlement européen ;

– les entreprises réunies dans un Comité des mécènes de la saison culturelle.

Le budget global de la saison, réparti sur les exercices 2007 et 2008, s’élève à 6,3 millions d’euros, dont 4,2 millions d’euros émanant des ministères et du Secrétariat général de la Présidence française de l’Union européenne, et 1,8 million d’euros des mécènes – notamment Total, Orange et Areva.

CulturesFrance démontre à cette occasion son expérience, son expertise et l’effet de levier de son action. Le moment est tout à fait opportun pour souhaiter à nouveau que cette agence soit dotée de compétences et de statuts cohérents avec l’ambition placée en elle.

b) Un statut à moderniser, des compétences à étoffer

• L’association est administrée par un Conseil d’administration de 22 membres composé de 7 représentants du ministère des Affaires étrangères, 3 représentants du ministère de la Culture et de la communication et 12 personnalités qualifiées.

Comme l’illustre la saison culturelle européenne, CulturesFrance est chargée de l’organisation de manifestations d’envergure, mais aussi, sur le temps long, de la promotion à l’étranger de la création contemporaine française dans les domaines des arts visuels, des arts de la scène, de l’architecture, du patrimoine, de l’écrit et de l’ingénierie culturelle, ou encore de la conception, de la production et de la diffusion de produits culturels adaptés aux publics étrangers. Elle met en œuvre la politique d’aide au développement dans son domaine, participe à des programmes communautaires et veille à mobiliser de nouveaux partenaires financiers (collectivités territoriales, fondations et grands mécènes).

• Depuis le 1er septembre 2008, CulturesFrance est également chargée des activités de promotion du cinéma patrimonial et du documentaire, compétence dont votre Rapporteur a expliqué dans quelles conditions budgétaires la DGCID la lui avait transférée.

Confortée en tant qu’opérateur principal du ministère des Affaires étrangères et européennes par les Conseils de modernisation des politiques publiques des 4 avril et 11 juin derniers, CulturesFrance serait tout à fait en mesure de reprendre, pour donner davantage de cohérence à son champ de compétences dans le domaine de l’écrit, la totalité des activités relatives au livre – dont certaines sont encore exercées en propre par le Département.

• En parallèle et surtout, c’est la modernisation du statut de CulturesFrance qu’il convient de mener à bien dès que possible. Le Conseil de modernisation des politiques publiques a en effet posé le principe de sa « transform[ation] en agence de service public chargée de la coopération et des partenariats culturels ». De nouvelles évolutions sont donc en cours, notamment pour doter CulturesFrance du statut d’Établissement public à caractère industriel et commercial, objectif réaffirmé dans le projet annuel de performances du programme 185, où l’on lit que « la mise en place [du] nouvel opérateur devrait pouvoir intervenir au 1er janvier 2010 ».

Les principaux avantages de ce statut d’EPIC seraient de trois ordres :

– garantir à l’opérateur une plus grande souplesse de gestion, tant en termes de comptabilité qu’en termes de gestion du personnel ;

– inscrire l’action de CulturesFrance dans la continuité en consacrant l’émergence d’un opérateur unique, garant de la visibilité et de la cohérence de la politique de rayonnement culturel de la France à l’étranger ;

– renforcer les relations institutionnalisées entre l’opérateur et les ministères de tutelle, permettant à ces derniers de procéder à un véritable pilotage stratégique, notamment par le biais des conventions d’objectifs.

D’ores et déjà, un contrat triennal d’objectifs et de moyens signé entre CulturesFrance et ses deux tutelles est entré en vigueur en mai 2007. L’opérateur dispose donc d’un « tableau de bord » de 22 indicateurs dont les résultats sont recensés à un rythme infra-annuel. Le tableau suivant reprend ces résultats pour l’année 2007 :

TABLEAU DE BORD 2007
DU CONTRAT D’OBJECTIFS ET DE MOYENS DE CULTURESFRANCE

Indicateurs

Cible

Réalisation

Écart

1 – Taux de postes servis

100 %

100 %

0

2 – Dépense directes relatives à des opérations culturelles à l’étranger / dépenses relatives aux opérations culturelles

81 %

82 %

1 %

3 – Nombre de visites sur le site Internet

120 000

317 356

164 %

4 – Nombre d’artistes français soutenus à l’étranger

6 000

6 416

7 %

5 – Nombre de projets français soutenus à l’étranger

850

984

16 %

6 – Taux de cofinancement des saisons et festivals français à l’étranger

40 %

43 %

8 %

7 – Nombre de titres et d’ouvrages publiés et/ou traduits

35

34

– 3 %

8 – Taux de cofinancement des saisons et festivals étrangers organisés en France

33 %

36 %

9 %

9 – Coût complet des saisons ou festivals étrangers en France

1 100 000

1 193 296

– 1 %

10 – Nombre d’artistes et/ou professionnels accueillis en France

1 800

2 370

32 %

11 – Nombre de projets de formation et d’artistes formés dans le cadre d’ateliers dédiés à la Zone de solidarité prioritaire (ZSP)

350

529

51 %

12 – Nombre de co-productions ou de co-réalisations financées en ZSP

110

129

17 %

13 – Nombre de films prêtés par la cinémathèque Afrique

950

1 296

36 %

14 – Nombre d’appels à projets européens auxquels CulturesFrance a répondu

1

0

– 100 %

15 – Nombre de projets européens auxquels CulturesFrance participe

1

1

0

16 – Montant des cofinancements européens obtenus par CulturesFrance

150 000

150 000

0

17 – Nombre de conventions signées avec les collectivités territoriales

18

22

22 %

18 – Nombre de partenariats conclus avec les acteurs du secteur privé

10

10

0 %

19 – Gains de productivité réalisés à périmètre financier constant (en %)

155 000

200 566

29 %

20 – Nombre de jours de fonds de roulement

28

34

121 %

21 – Montant des financements hors tutelles / Total des ressources

13 %

13 %

– 2 %

22 – Dépenses de fonctionnement (dont dépenses de personnel) / Dépenses totales

32 %

29 %

– 9,4 %

Source : CulturesFrance.

La restitution des résultats lors du Conseil d’administration de juillet dernier a donné lieu à un satisfecit puisque tous les indicateurs hormis le n° 14 ci-dessus ont été jugés satisfaisants. Bon nombre de ces indicateurs sont des indicateurs d’activité, utiles au demeurant pour apprécier le volume des interventions de l’agence, mais certains relèvent d’une réelle démarche de performance, tels que le taux de postes servis par l’opérateur, le taux de cofinancement des saisons et festivals étrangers en France, les gains de productivité réalisés, le ratio de financement hors tutelles ou encore le ratio mesurant le poids des dépense de fonctionnement : la démarche de la RGPP est déjà intégrée.

Cependant, sans doute ce tableau de bord gagnerait-il à comporter des comparaisons avec les agences culturelles comparables – quitte à souligner les différences de périmètre et de moyens – : British Council, Institut Goethe, Institut Cervantès.

• Quant au budget primitif de CultresFrance pour l’année 2008, tel que modifié par le Conseil d’administration le 7 juillet dernier, il s’élève à 32,5 millions d’euros. Les tutelles, ministère des Affaires étrangères et européennes et ministère de la culture et de la communication, contribuent respectivement à hauteur de 77 % (contre 75 % en 2007) et de 8,6 % (contre 8,2 % en 2007), pour un total voté en loi de finances initiale pour 2008 de 15,93 millions d’euros.

En 2009, le financement de l’État passerait à 18,61 millions d’euros, soit une hausse de 2,67 millions d’euros ; cette augmentation de la subvention sera plus qu’absorbée par le transfert précité des 4 ETPT chargés de l’activité de promotion du cinéma, reprise de la DGCID, puisque ce transfert représente 2,91 millions d’euros. La subvention versée à partir du programme Rayonnement culturel et scientifique, qui intègre ces 4 ETPT supplémentaires, s’élèvera ainsi à 9,79 millions d’euros, contre 8,59 millions d’euros en 2008.

Le tableau des emplois de l’agence confirme cette progression en 2009 des ETP sous plafond d’emploi, tout en faisant apparaître une légère réduction des emplois hors plafond :

TABLEAU DES EMPLOIS DE CULTURESFRANCE

 

Réalisation 2007

Budget prévisionnel 2008 (*)

Prévision 2009

Empois rémunérés par l’opérateur

95

   

Emplois (ETP) rémunérés par l’opérateur

 

96

100

dont emplois sous plafond opérateurs

 

90

94

dont emplois hors plafond opérateurs

 

6

6

Autres emplois (ETPT) en fonction dans l’opérateur

10

17

15

dont emplois rémunérés par l’État sur le programme

6

7

7

dont emplois rémunérés par l’État via un autre programme de rattachement

2

7

6

dont emplois rémunérés par d’autres collectivités ou organismes

2

3

2

(*) Les emplois rémunérés par les opérateurs sont présentés à titre indicatif pour 2008 selon les modalités prévues pour 2009.

Source : projet annuel de performances du programme 185.

4) Le pilote des opérateurs doit-il lui-même devenir une agence ?

Au cours de ses auditions, votre Rapporteur a acquis la conviction du bien-fondé de la logique d’agence, modèle adapté à l’action culturelle et à la conclusion de partenariats. En ces temps de transformation radicale de l’administration centrale en ce domaine, il a bien entendu la réflexion de la directrice générale de la coopération internationale et du développement, consistant à s’interroger sur l’éventualité de la constitution de la DGCID elle-même en agence dotée de l’autonomie financière et d’une grande souplesse de gestion. Tel serait l’aboutissement de la logique exprimée par le Livre blanc dans la proposition suivante :

Proposition 7 : promouvoir les idées et la culture françaises au service de la diversité

Mesure 7.1 : restructurer le réseau des centres culturels en les rapprochant des services de coopération et d’action et culturelle.

Mesure 7.2 : définir et mettre en place un véritable opérateur, ce qui implique qu’il soit en charge non seulement des moyens d’intervention, mais du personnel et du réseau.

Mesure 7.3 : confier à une direction des affaires culturelles et de l’influence le pilotage de notre politique culturelle extérieure, au moins jusqu’à la mise en place d’un véritable opérateur.

Pour autant, il n’est pas certain que le pilote stratégique des agences doive lui-même adopter ce statut : il est très probable qu’alors l’administration centrale veillerait logiquement à recréer en son sein une structure de pilotage de ladite agence… et il est sain, tout en clarifiant le rôle de chacun, de conserver une distinction enter les opérateurs et leur tutelle, cette dernière étant directement reliée au ministre responsable de l’action extérieure. De même, il paraît difficile, à l’heure actuelle, d’imaginer que les conseillers de coopération et d’action culturelle des ambassades dépendent d’un opérateur et non plus de l’ambassadeur.

En réalité, cette velléité d’autonomie accrue de la part de la DGCID « direction d’état-major » ne reflète rien d’autre que le souhait d’une mise en œuvre de la LOLF plus conforme à son esprit, qui responsabilise davantage les gestionnaires en leur octroyant une plus grande autonomie, sous condition de résultats mesurés via des indicateurs de performances. Par conséquent, la démarche consistant à renforcer les opérateurs en réduisant le format de la tutelle, recentrée sur ses missions, et la pleine application de la LOLF dans ce schéma, serait déjà une réussite appréciable. En particulier, la conclusion effective d’un contrat d’objectifs et de moyens avec chacun des opérateurs, de nouveau annoncée cette année à l’occasion de la réforme de la DGCID, est un préalable indispensable ; souhaitons que l’indicateur ad hoc introduit dans le PAP pour 2009, intitulé « Évaluation de la performance des opérateurs par rapport aux engagements des contrats d’objectifs et de moyens », puisse être rapidement opératoire.

B – Le nécessaire encouragement du financement partenarial de la politique de rayonnement

Comme l’illustre ce projet de budget, tout converge aujourd’hui – moyens comptés, autonomie accrue – pour faire de la recherche de partenariats la clef de notre influence à l’étranger. Nos outils juridiques comme les critères de l’évaluation de l’efficacité de notre action doivent être adaptés en conséquence.

1) La recherche de cofinancements tend à devenir un enjeu essentiel de l’action culturelle et scientifique à l’étranger

• Selon les informations recueillies par votre Rapporteur, « l’effet de levier des crédits mis en œuvre par les établissements du réseau est souvent de 1 à 5 (voire 1 à 10) grâce aux cofinancements » mis en place localement par les centres culturels. L’association de partenaires locaux, de collectivités territoriales, de mécènes et autres évergètes, le montage de partenariats public-privé sont nécessaires face à la réduction des subventions directes ; ils sont un stimulant efficace pour les gestionnaires.

À titre d’exemple, l’emblématique éclairage bleu de la Tour Eiffel pendant le semestre de présidence française de l’Union européenne est une idée soumise par CulturesFrance dans le cadre de la Saison culturelle européenne, la société Areva en étant le seul financeur.

• C’est également la démarche partenariale qui a guidé les concepteurs du dossier de candidature de « Marseille Provence » pour l’obtention du titre de capitale européenne de la culture en 2013, conjointement avec la ville slovaque de Kosice. La désignation de la Marseille par un jury européen, le 16 septembre dernier, s’explique, comme le directeur général du projet, M. Bernard Latarjet, l’a exposé à votre Rapporteur, par quatre raisons principales : outre le contenu du projet lui-même, la situation géopolitique de Marseille comme ville méditerranéenne et cosmopolite, le besoin plus grand qu’elle avait de ce défi à relever en raison de difficultés socio-économiques plus lourdes que les autres villes françaises candidates (Lyon, Bordeaux et Toulouse), ainsi que la mobilisation supérieure des acteurs politiques, institutionnels, culturels, économiques, éducatifs et associatifs auront emporté la décision.

Sur le plan financier également, le budget prévisionnel du projet témoigne de cette mobilisation. On peut y constater que les crédits d’État et les subventions européennes représentent le même montant que l’apport des partenaires économiques :

BUDGET DE « MARSEILLE PROVENCE, CAPITALE EUROPÉENNE DE LA CULTURE EN 2013 »

(en milliers d’euros)

DEPENSES

2009

2010

2011

2012

2013

Total

%

Organisation

2 700

3 165

3 605

3 840

4 690

18 000

18,4

Masse salariale

1 980

2 246

2 595

2 619

3 040

12 480

12,7

Missions, réception, honoraires, conseils

400

410

370

430

500

2 110

2,2

Contrôle et évaluation

20

30

50

80

220

400

0,4

Frais généraux et financiers

195

324

405

521

765

2 210

2,3

Matériel et amortissements

105

155

185

190

165

800

0,8

Communication et mobilisation

1 000

1 000

1 000

3 000

5 000

11 000

11,2

Communication

600

600

600

1 600

2 600

6 000

6,1

Actions de mobilisation

400

400

400

1 400

2 400

5 000

5,1

Manifestations

1 300

2 495

6 555

19 800

38 850

69 000

70,4

Autour des Ateliers de l’Euroméditerranée (transversal axes 1 et 2)

280

490

870

1 110

2 930

5 680

5,8

Le partage des midis (Axe 1)

245

375

1 675

6 490

10 955

19 740

20,1

La cité radieuse (Axe 2)

355

700

3 260

8 560

16 690

29 565

30,2

Autres projets euroméditerranéens (transversal axes 1 et 2)

300

700

250

1 590

4 175

7 015

7,2

Aménagements et exploitation des lieux 2013 / Frais communs (transversal axes 1 et 2)

120

230

500

2 050

4 100

7 000

7,1

Total général

5 000

6 660

11 160

26 640

48 540

98 000

100

 

 

 

 

 

 

 

 

RECETTES

2009

2010

2011

2012

2013

Total

%

Europe et État

312,5

748,25

1 674

3 996

7 969,25

14 700

15

Région Provence-Alpes-Côte d’Azur

625

832,5

1 395

3 330

6 067,5

12 250

12,5

Département des Bouches-du-Rhône

625

832,5

1 395

3 330

6 067,5

12 250

12,5

Marseille Provence Métropole et Ville de Marseille

2 000

2 000

2 511

5 994

9 545

22 050

22,5

Communauté du Pays d’Aix et Ville d’Aix-en-Provence

375

499,5

837

1 998

3 640,5

7 350

7,5

Toulon Provence méditerranée et Ville de Toulon

375

499,5

837

1 998

3 640,5

7 350

7,5

Partenaires économiques

312,5

748,25

1 674

3 996

7 969,25

14 700

15

Total général

5 000

6 660

11 160

26 640

48 540

98 000

100

Soit en %

5%

7%

11%

27%

50%

100%

 

Source : dossier de candidature de Marseille Provence.

Avec 98 millions d’euros, « Marseille Provence 2013 » est un projet légèrement plus coûteux, en valeur absolue, que celui présenté par les autres villes candidates, mais moins coûteux ramené au nombre d’habitants (2,5 millions). Il s’agit d’un montant comparable au budget des capitales européennes de la culture de ces dernières années, un peu inférieur au budget actualisé de « Lille 2004 ».

Il est d’ailleurs significatif que ce dernier projet ait été très fortement encouragé à l’époque par l’entreprise Bonduelle, consciente des retombées économiques et de la grande notoriété que le titre de capitale européenne de la culture représentait pour la métropole lilloise.

• Bien d’autres projets et réalisations seraient à citer. Trop souvent cependant, quand ils prennent l’initiative de recourir à un cofinancement public-privé, l’élan des responsables locaux est freiné par des rigidités réglementaires, voire législatives. Témoin le projet de rénovation en PPP du Ciné Lumière de Londres, pour l’aboutissement duquel l’ambassadeur a dû recourir à une procédure de gestion dérogatoire qui a attiré l’attention de la Cour des comptes. À Hong Kong, c’est une fondation que le poste a dû créer pour parvenir à faire aboutir des projets en partenariat.

Pour remédier à ce manque de souplesse de gestion, il apparaît nécessaire de revoir le cadre tracé par le décret de 1976 (11) régissant le fonctionnement financier et comptable des établissements culturels ainsi que leurs relations avec les postes dans ce domaine. Le ministère songe à intégrer les modifications législatives nécessaires dans le projet de loi qui contiendrait également les adaptations nécessaires à l’application des décisions du conseil de modernisation des politiques publiques, et pourrait être présenté au printemps prochain.

• Dans la recherche de partenariats, à l’instar de ce que l’équipe en charge du projet « Marseille Provence 2013 » a pu accomplir, les collectivités territoriales ont un grand rôle à jouer. C’est également le cas à l’étranger, dans le cadre de la coopération décentralisée ; le ministère des Affaires étrangères et européennes ne méconnaît d’ailleurs pas cette dimension, puisqu’existe en son sein une Délégation à l’action extérieure des collectivités locales. L’action des collectivités mérite d’être encouragée dans le champ culturel, éducatif et scientifique ; elle pourrait par exemple s’exercer beaucoup plus largement qu’aujourd’hui en matière de parrainage de lycées français à l’étranger, le cas échéant avec l’appui d’entreprises françaises implantées localement, comme certains sénateurs représentants les Français établis hors de France ont essayé de le faire valoir avec un succès pour l’heure assez limité. L’ambition affichée du développement de ce réseau comme les grands besoins immobiliers existants plaident pour des solutions de ce type. Doit également être étudiée la possibilité de nouer des partenariats avec des collectivités territoriales étrangères.

Toutes les initiatives partenariales méritant d’être explorées, l’appréciation de la performance des gestionnaires de notre politique d’influence doit mieux tenir compte de leur action dans ce domaine.

2) La gestion budgétaire par la performance doit explicitement encourager le recours aux partenariats

Au sein d’un projet annuel de performances (PAP) du programme 185 qui prend soin de justifier les crédits demandés au niveau de la sous-action, comme l’an dernier mais sans rappel, cette année, des crédits votés l’année précédente, votre Rapporteur veut saluer l’introduction pour 2009 d’un « indicateur de réseautage » destiné à mesurer la capacité du réseau de coopération et d’action culturelle à mobiliser des cofinancements et des partenariats.

Plus précisément, il s’agit d’un sous-indicateur intitulé « Montant des cofinancements levés », qui est « en cours de déploiement depuis le 1er trimestre 2008 au sein du réseau, dans les pays ayant intégré la démarche de contrôle de gestion ». Cette démarche, mise en place graduellement depuis 2006, concernait 7 postes en 2007, devrait en concerner 50 fin 2008 avant d’être généralisée l’an prochain. La prévision financière attachée à cet indicateur mentionne 60 millions d’euros pour 2009 et, comme valeur cible à l’horizon 2011, 80 millions d’euros.

Il faut saluer la pédagogie du PAP qui rend compte de la réflexion du ministère en matière de cofinancement et d’autofinancement, qui s’est traduite par la rédaction d’un vade-mecum. On peut y trouver par exemple une série de clarifications :

– pour qu’il y ait cofinancement, trois composantes sont nécessaires, un projet, un poste, des cofinanceurs ;

– l’autofinancement n’est pas, par définition, du cofinancement, notamment lorsqu’il s’agit du paiement d’une prestation ;

– les apports provenant de fonds publics français (États et institutions parapubliques) ne sont pas du cofinancement.

On lit également dans le PAP la définition du concept de « réseautage » ou « capacité à lier des partenariats stratégiques », qui a émergé en parallèle de la réflexion sur le cofinancement, au sujet de la quote-part de la participation du SCAC aux opérations d’envergure. « En effet, le poste peut participer à un projet important en termes de rayonnement sans pour autant qu’il en soit à l’initiative ou [qu’il soit] le chef de file des bailleurs de fonds. Dans ce cas, il convient de mesurer l’action du réseau à lier des “ partenariats stratégiques ”. Elle peut constituer, dans un contexte budgétaire tendu, l’essentiel de leur valeur ajoutée. Cette démarche s’inscrit ainsi pleinement dans la logique de diplomatie d’influence. Le dynamisme des postes à mobiliser leurs réseaux, par nature non quantifiable, est un atout majeur du rayonnement de la France à l’étranger, au même titre que le cofinancement et l’autofinancement. Cela participe de la dynamisation des ressources externes dans le réseau de coopération et d’action culturelle du MAEE. L’objectif est de décrire le travail de “ réseautage ” mené ainsi que l’impact positif direct ou indirect des projets auxquels le poste a participé, en termes d’influence et de renforcement de la présence de la France. »

L’indicateur plus « classique » retraçant le taux d’autofinancement des établissements culturels – c’est-à-dire les établissements à autonomie financière au sens du décret de 1976, les Alliances françaises n’y étant pas incluses –, qui s’établissait à 53,97 % en 2007 après 52,21 % en 2006, devrait atteindre 56 % en 2008 et 57,5 % en 2009, la valeur cible étant de 62,5 % en 2011. Le PAP précise même que l’autofinancement de l’activité de cours de langue était d’ores et déjà atteinte à 98 % en 2007. Enfin, « le souci constant de nos établissements de trouver pour toute activité culturelle des financements extérieurs pour la conduite de ces activité, et l’obligation faite d’organiser ces activités en partenariat font que l’autofinancement aux deux tiers, charges d’expatriés comprises, est tout à fait envisageable d’ici cinq ans ».

La maquette des indicateurs ici présentée est sans doute perfectible – notamment lorsque l’on constate qu’à l’objectif nouvellement intitulé « Relever les défis de la mondialisation » ne correspond qu’un seul indicateur « nombre de visiteurs du site de l’ADIT (12) dédié à la base de connaissances produite par les services scientifiques »… car le « tableau de bord » de la DGCID, qui mêle les indicateurs correspondant aux programmes 185 et 209 pour des objectifs communs à ces deux programmes, n’a pas relevé ce curieux effet d’affichage.

Quoi qu’il en soit, ce tableau de bord, augmenté d’indicateurs propres de contrôle de gestion ainsi que d’une série d’indicateurs « Élysée », démontre l’appropriation par l’administration de la gestion par la performance. Complété par une série de « fiches pays », ce dispositif laisse bien augurer du pilotage qu’exercera la future direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats.

CONCLUSION

Jusqu’où le modèle des agences doit-il s’imposer dans le champ de notre diplomatie publique d’influence ? La réponse à cette question devrait pouvoir être formulée à l’occasion de la discussion du futur projet de loi consacré à une série de modifications nécessaires pour parachever la réforme du Quai d’Orsay – et de sa direction générale de la Coopération internationale et du développement en particulier.

Actuellement en préparation, ce projet pourrait notamment porter sur les points suivants :

– les possibles adaptations législatives destinées à accompagner la création des « Espaces France » ;

– la modification du statut de CulturesFrance par reprise et adaptation de la proposition de loi déjà adoptée au Sénat (13) ;

– la création du nouvel « opérateur de la mobilité » ;

– différentes dispositions relatives à l’expertise internationale ;

– la refonte de certaines dispositions liées au volontariat.

Votre Rapporteur entend prendre une part active à la concrétisation de ce volet législatif de la réforme. Il faut d’ailleurs souhaiter que ce rendez-vous parlementaire soit aussi l’occasion de s’assurer de la réalité de l’autonomie de gestion promise aux responsables de programme ou d’opérateurs. La rationalisation de la dépense budgétaire ne sera pleinement acceptée qu’à ce prix.

C’est parce qu’il approuve une telle perspective que votre Rapporteur donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Action extérieure de l’État pour 2009. Ainsi qu’il l’a exposé dans son rapport, il ne le fait cependant pas sans demander, au nom de l’équité, un redéploiement entre les crédits destinés à la prise en charge des droits de scolarité des enfants français à l’étranger, qu’il faut encadrer, et les moyens d’investissement propres au réseau mondial des lycées français, qu’il faut développer.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires étrangères a entendu, en commission élargie à l’ensemble des députés, M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, sur les crédits de la mission « Action extérieure de l’Etat » pour 2009, au cours de sa séance du mercredi 5 novembre 2008.

M. le président Didier MigaudMonsieur le ministre des affaires étrangères et européennes, nous sommes heureux de vous accueillir, Axel Poniatowski, président de la Commission des affaires étrangères, Georges Colombier, qui représente le président de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales, Pierre Méhaignerie, et moi-même au sein de cette commission élargie qui doit examiner les crédits pour 2009 de la mission « Action extérieure de l’État ».

Les commissions élargies se veulent un lieu d’échange direct entre les ministres et les députés. Les projets de rapports sont déjà disponibles et j’en profite pour saluer le travail des rapporteurs, qui se poursuit tout au long de l’année en liaison étroite avec l’administration.

M. le président Axel Poniatowski. Avant que nous n’en venions au cœur du sujet, j’aimerais connaître la réaction du ministre à l’élection historique qui a eu lieu hier aux États-unis, alors que l’Union européenne vient de faire savoir sa vision des relations qu’elle souhaite entretenir avec ce pays. Par ailleurs, la réunion majeure que sera le G 20 de la semaine prochaine sur la crise financière et économique a-t-elle un sens sans un représentant de l’administration nouvellement élue ?

M. Georges Colombier, suppléant M. le président Pierre MéhaignerieJe vous demande d’excuser l’absence de M. Méhaignerie, retenu, et je remercie notre rapporteure pour avis Michèle Delaunay pour son travail.

M. Jean-François Mancel, rapporteur spécial de la Commission des finances, de l’économie générale et du planJe voudrais commencer par remercier le ministre et ses services de l’attention qu’ils portent aux rapporteurs. J’ai toujours été très bien reçu, à Paris comme à l’étranger, et nos questionnaires budgétaires ont fait l’objet des réponses assez détaillées pour être signalées.

L’année 2009 sera celle de la modification de l’outil diplomatique. Il était temps ! Audits et réflexions se succèdent depuis si longtemps au ministère, sans compter le Livre blanc et la révision générale des politiques publiques, qu’on sait tout ce qu’il y a à savoir sur le sujet. Encore faut-il le faire.

Vous avez fait connaître fin août, monsieur le ministre, les grandes lignes de la réforme, qui se mettra en place sans doute tout au long de la prochaine programmation triennale des finances publiques. Cette réforme se déroulera dans un contexte budgétaire très difficile. On connaît les très importants efforts qui sont en cours pour rationaliser la dépense publique, la difficulté étant que le Quai-d’Orsay est rationalisé depuis longtemps. Le rabot ne va rien trouver qui dépasse. En 1993, rapportant déjà ce budget, je constatais une diminution des crédits et une approche sévère des dépenses. Le contrat de modernisation qui s’achève cette année a été rigoureux et les trois années qui viennent resteront à l’étiage. En outre, les augmentations que nous constatons ne serviront en rien à améliorer l’outil diplomatique, puisqu’elles correspondent à la prise en charge des pensions par l’AEFE, l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, ou aux contributions internationales et missions de maintien de la paix, qui pèsent très lourd dans le budget. Le Livre blanc a d’ailleurs souligné qu’il faudrait revoir à la hausse dès que possible les crédits de la mission, sous peine de déstabiliser en profondeur à la fois notre politique et l’action dévouée des agents du Quai.

Je voudrais d’abord vous interroger sur la manière dont le Quai-d’Orsay a réagi à la très grave crise financière mondiale que nous traversons. En effet, notre réseau d’ambassades, dont l’universalité a été confirmée et par le Livre blanc et par les objectifs que vous leur avez assignés, nous permet d’être partout présents et de faire passer nos messages. Votre administration a-t-elle su jouer son rôle dans cette circonstance et être utile au Gouvernement ? Y a-t-il des améliorations à apporter, conformément aux projets qui sont les vôtres ?

Je voudrais ensuite que vous nous éclairiez sur les principales réformes que vous comptez mettre en œuvre et sur leur calendrier, dans la ligne de votre discours devant la Conférence des ambassadeurs.

Quid de l’administration centrale, qui doit être transformée en profondeur ? Comment sera mise en œuvre la modularité de notre réseau diplomatique, c’est-à-dire la distinction entre trois catégories d’ambassades ? Il faudra en particulier éviter que certains pays ne se sentent méprisés par nos choix de gestion. Enfin, comment sera mise en œuvre la fusion de nos services culturels, qui entraînera une profonde transformation de la culture de nos agents ?

La question des personnels est essentielle car, pour qu’une réforme soit effective, les agents chargés de l’exécuter doivent totalement se l’approprier. Comment voyez-vous l’évolution de la mission « Gestion des finances publiques et ressources humaines », concernant notamment la mobilité des personnels ? Un décret de 2008 de portée interministérielle organise des rendez-vous réguliers de carrière avec les agents afin d’examiner les perspectives qui leur sont offertes : avez-vous les moyens de mettre en œuvre ce dispositif ?

Vous aviez évoqué la possibilité d’établir des « budgets-pays », qui permettraient d’identifier l’ensemble des crédits consacrés par l’État français à tel ou tel pays dans tous les domaines relevant de sa compétence. Pensez-vous qu’ils pourront être mis en place en 2010 ?

Ma dernière question portera sur l’enseignement français à l’étranger, qui fera l’objet d’un amendement de mes collègues de la Commission des affaires étrangères. Cet enseignement est dans une situation difficile. L’augmentation des crédits de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger est insuffisante, puisqu’elle ne couvre que la prise en charge nouvelle des droits de scolarité des lycéens français. Même si le réseau des lycées français reste un outil formidable, certains établissements doivent être profondément rénovés et d’autres agrandis, d’autres encore créés pour satisfaire la demande. Or les moyens financiers nécessaires sont absents.

L’engagement du Président de la République d’assurer la gratuité de la scolarité dans les lycées français de l’étranger sera très largement tenu dès l’année 2009, puisqu’elle concernera alors tout le cycle du lycée. Cette prise en charge représente beaucoup d’argent : au-delà d’initiatives ponctuelles visant à en limiter l’application sans nuire aux familles, ne conviendrait-il pas de planifier cette prise en charge en y associant des partenaires extérieurs, afin de mieux satisfaire cette très importante demande d’enseignement français à l’étranger ?

Mme Geneviève Colot, rapporteure pour avis de la Commission des affaires étrangères pour les programmes « Action de la France en Europe et dans le monde » et « Français à l’étranger et affaires consulaires ». Mes premières questions, monsieur le ministre, porteront sur le Comité interministériel d’orientation du réseau international de l’État, le CORINTE, chargé de piloter la réorganisation interministérielle de la présence de l’État français à l’étranger et dont la création a été décidée par le Conseil de modernisation des politiques publiques. Quelle sera sa composition ? Quand se réunira-t-il ? En quoi ses compétences différeront-elles de celles du Comité interministériel des moyens de l’État à l’étranger, le CIMEE, auquel il est destiné à se substituer ?

Le Conseil de modernisation des politiques publiques préconise aussi l’externalisation partielle des fonctions support des services de l’État à l’étranger et celle des procédures périphériques à la délivrance des visas par les consulats. Si l’externalisation des visas me semble une solution efficace pour améliorer l’accueil des demandeurs et les délais de délivrance, je suis plus réticente en ce qui concerne les fonctions support, l’externalisation entraînant des coûts de licenciement des personnels locaux qui remplissent actuellement ces missions : le recours à des entreprises extérieures a un coût, sans que la qualité du service rendu soit garantie. Les expérimentations d’externalisation ont-elles démontré la pertinence de cette solution, notamment en matière de gardiennage ?

L’action sociale en faveur de nos compatriotes de l’étranger les plus modestes relève du programme « Français à l’étranger et affaires consulaires ». Le projet de budget consolide les moyens de cette action sociale, qui bénéficie actuellement à plus de 5 300 expatriés. En revanche, l’enveloppe destinée à les aider à cotiser à la Caisse des Français de l’étranger est brutalement limitée à 500 000 euros, quand le besoin est estimé à 2,6 millions d’euros. Ce soutien doit-il être supprimé à court terme ?

Enfin, monsieur le ministre, nous sommes nombreux, parmi les parlementaires, à partager l’inquiétude de M. Mancel en ce qui concerne l’explosion du coût de la prise en charge sans limite par l’État des frais de scolarité des enfants français à l’étranger et les effets pervers d’une telle prise en charge. Vous avez, avec votre collègue Éric Woerth, proposé au Président de la République de plafonner cette prise en charge en fonction des revenus des familles. A-t-il répondu à votre proposition, et quels arguments militent contre un tel encadrement ?

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis de la Commission des affaires étrangères pour le programme « Rayonnement culturel et scientifique ». Mes premières questions concerneront les lycées français implantés dans le monde entier, qui constituent un magnifique réseau d’influence et de formation des élites étrangères et qui rendent un service public de qualité à nos compatriotes expatriés.

Hormis la mesure technique d’abondement forfaitaire de 120 millions d’euros pour la subvention versée à l’AEFE, correspondant à la prise en charge des cotisations patronales de ses personnels détachés, quels moyens entendez-vous dégager pour mener à bien le plan de développement du réseau, dont le principe figure expressément dans la lettre de mission que vous avez reçue du Président de la République et du Premier ministre ?

Pour assumer ses charges croissantes, l’AEFE a-t-elle d’autres voies que celle consistant à demander aux établissements en gestion directe et conventionnés une contribution de 6 % à partir de l’an prochain, et de 2 % aux établissements homologués à compter de 2010 ? Étant la semaine dernière au Sénégal, j’ai pu mesurer les difficultés que cela posait aux établissements, qui en étaient à envisager un déconventionnement.

N’est-il pas temps d’encadrer, comme Geneviève Colot vient de le préconiser, la prise en charge des frais de scolarité des élèves français relevant du réseau de l’AEFE, notamment en la modulant en fonction des ressources des familles ? J’ai, après vous, comme vient de le rappeler ma collègue, saisi le Président de la République de cette question, mais j’espère obtenir d’ores et déjà une réponse de votre part. Nous déposerons par ailleurs un amendement tendant à parer à toute dérive de cette prise en charge.

Je m’interroge également sur la gestion des plafonds d’emploi au sein du ministère et sur la marge de manœuvre laissée aux responsables de programme en application de la LOLF. J’en donnerai ici un exemple précis, sur lequel j’ai d’ailleurs appelé l’attention du Premier ministre, puisqu’il revenait à ses services d’arbitrer en l’espèce : il s’agit du transfert de la compétence de promotion du cinéma français à l’étranger de la direction générale de la coopération internationale et du développement, la DGCID, relevant de l’administration centrale, à l’opérateur CulturesFrance à compter du 1er septembre 2008. Celui-ci, avec seulement quatre équivalents temps plein travaillé, exerce une compétence qui mobilisait à la DGCID douze ETPT. Or Bercy a décidé que même ces quatre ETPT seraient trouvés par redéploiement ! C’est l’AEFE qui va donc être la victime de cette réduction d’emplois, alors qu’elle connaît déjà une situation tendue.

Je rappelle que l’AEFE disposait il y a peu d’un fonds de roulement de deux mois : il n’est aujourd’hui que de quinze jours ! Heureusement, la directrice de cette agence est remarquable !

Comment, dans ces conditions, voulez-vous que les gestionnaires poursuivent avec confiance la mise en œuvre de la LOLF ?

Je ferai la même remarque sur l’utilisation de ce que, en langage « lolfien », on appelle la « fongibilité asymétrique », c’est-à-dire la possibilité pour le responsable de programme de bénéficier, sur ses moyens de fonctionnement et d’intervention, des économies réalisés en matière de dépenses de personnel. Il semble que Bercy y fasse largement obstacle. Le confirmez-vous ?

Enfin, monsieur le ministre, je souhaiterais vous féliciter pour l’aboutissement tant attendu du dossier de la Maison de la francophonie. Après l’abandon du projet initial de l’avenue de Ségur en juillet 2007, une nouvelle solution a été trouvée. Un immeuble situé avenue Bosquet, acquis par la SOVAFIM, qui effectuera le portage immobilier, sera loué à l’État et mis à la disposition de l’Organisation internationale de la francophonie. Pouvez-vous préciser l’impact budgétaire de ce mécanisme ?

Pouvez-vous également nous indiquer à quelle date le Parlement sera saisi de la ratification de la convention signée entre l’OIF et l’État en marge du Sommet de la francophonie à Québec, il y a un peu moins de trois semaines ?

Mme Michèle Delaunay, rapporteure pour avis de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour le programme « Rayonnement culturel et scientifique ». Afin d’éviter de répéter une partie de ce que viennent d’exprimer les autres rapporteurs sur les crédits du programme « Rayonnement culturel et scientifique », je me bornerai, monsieur le ministre, à vous faire part des préoccupations de ceux qui, au quotidien, contribuent au rayonnement de la culture et de la recherche françaises dans le monde. Je vous poserai trois questions qui seront autant d’interrogations sur la capacité de la France à adopter une stratégie de long terme en faveur d’une action culturelle, scientifique et linguistique. Notre pays ne peut en effet prôner dans les instances internationales l’importance de la diversité culturelle et linguistique et donner l’impression qu’il n’a plus les moyens de sa diplomatie culturelle.

Un des axes forts de votre politique – et nous le soutenons – est de faciliter la mobilité internationale des étudiants et des chercheurs. Je voudrais donc vous interroger sur les missions et les moyens attribués à CampusFrance. Pourquoi élargir les compétences de cette nouvelle structure – vous avez annoncé qu’elle reprendrait les attributions de France coopération internationale – alors qu’elle n’est toujours pas opérationnelle pour traiter de la mobilité internationale des étudiants ? Où en est l’évolution du statut juridique de l’agence, qui fonctionne toujours sous forme de groupement d’intérêt public, qui n’a toujours pas mené à bien l’intégration d’Egide ni des CROUS, et qui ne dispose pas d’antennes régionales dans les universités pour faciliter l’accueil des étudiants étrangers ? N’est-il pas paradoxal d’annoncer une extension de ses compétences tout en réduisant les moyens mis à sa disposition ? Les subventions du ministère de l’enseignement supérieur et du ministère des affaires étrangères atteindront en effet 3,1 millions d’euros en 2009, alors qu’elles étaient de près de 3,4 millions en 2008.

Ma deuxième question concernera l’audiovisuel extérieur. Comment, monsieur le ministre, promouvoir la culture française et renouveler nos stratégies d’influence si le Quai se désengage de ce secteur ? L’évolution intervenue dans la gestion des crédits relatifs à l’audiovisuel extérieur nous paraît tout à fait regrettable. Alors que, jusqu’à la loi de finances pour 2006, ils relevaient du programme « Rayonnement culturel et scientifique », ils sont rattachés depuis 2007 à la mission interministérielle « Médias », tout en restant sous votre responsabilité – à l’exception des crédits consacrés à France 24. Et, en 2009, le ministère des affaires étrangères ne participera plus au financement de l’audiovisuel extérieur. On peut dès lors se demander de quels moyens d’influence disposera votre ministère sur la holding « Audiovisuel extérieur de la France », qui chapeaute les sociétés France 24, RFI et TV5 Monde. Un tel désengagement est incompréhensible quand on sait que l’influence de la culture française est largement déterminée par sa présence dans les médias internationaux.

Enfin, monsieur le ministre, nous sommes tous les deux médecins, et vous comprendrez que la santé soit pour moi une priorité. Dans la partie thématique de mon rapport, je me suis intéressée aux relations franco-roumaines. Il a paru intéressant de faire le point sur l’évolution de l’influence française un an après l’adhésion de la Roumanie à l’Union européenne, et alors même que les deux États ont signé, en février 2008, une déclaration de partenariat stratégique qui devrait conduire à un renforcement des relations bilatérales entre les deux pays. Ce partenariat stratégique a donné lieu à une série d’accords de coopération portant notamment sur la sécurité civile, la gouvernance locale et l’énergie nucléaire, mais on peut s’étonner que rien n’ait été prévu dans le domaine sanitaire, contrairement aux préconisations du Livre blanc de M. Alain Juppé sur la diplomatie sanitaire. La Roumanie a pourtant des besoins criants dans le domaine de la santé. Elle occupe ainsi la dernière place de l’Union européenne pour son taux de mortalité infantile, et les équipements hospitaliers y sont totalement inadaptés à une médecine moderne.

Lorsque je me suis rendue en Roumanie en septembre dernier, j’ai rencontré de jeunes médecins qui m’ont convaincue de l’urgence d’une initiative française pour renforcer la coopération technique bilatérale dans ce domaine. Notre ambassadeur est lui aussi conscient de l’impact que pourrait avoir un engagement de la France pour améliorer le réseau de soins, resté très vétuste et complètement à l’écart du mouvement de modernisation qu’a connu le pays pendant la période précédant l’adhésion à l’Union européenne. Êtes-vous prêt, monsieur le ministre, à soutenir une telle initiative, qui répond à une forte attente des praticiens roumains et de la population, laquelle souffre de multiples problèmes d’accès aux soins ? Quels crédits pourriez-vous consacrer à cet objectif ?

M. François Loncle. Les rapports qui viennent d’être présentés confirment que, en comparaison avec d’autres missions, certains domaines de l’action extérieure de la France sont relativement épargnés. Mais des « points noirs » ont été mis en évidence, comme l’inquiétante situation de l’enseignement français à l’étranger, et de l’action culturelle en général. Cela fait des années que nous déplorons une telle dégradation – je me souviens en particulier du rapport d’Yves Dauge à la fin des années quatre-vingt-dix. La situation de l’audiovisuel extérieur, que vient de décrire Mme Delaunay, est tout aussi accablante.

Dans les circonstances actuelles, ce budget est également marqué par des incertitudes concernant son application. Plus que d’autres années, on peut se demander si les engagements pris seront tenus. Ainsi, est-il raisonnable d’annoncer aux familles scolarisant leurs enfants à l’étranger un accroissement de 11,5 % de l’enveloppe qui leur est allouée en 2010 ?

Si l’on met à part l’augmentation de 2,3 % à laquelle je faisais allusion, il s’agit donc d’un budget médiocre. J’insiste, comme M. Mancel, sur le fait que la modernisation du Quai-d’Orsay a été entreprise bien avant la RGPP, il y a dix ans. En dépit de cet effort, et alors qu’il s’agit, du point de vue budgétaire, d’un petit ministère, le ministère des affaires étrangères continue à subir des coupes claires, notamment des suppressions d’emplois. Vous en perdez 190 cette année – à moins qu’ils ne soient compensés par quelque tour de passe-passe administratif, certaines ambassades, modernisées et devenues de deuxième ou de troisième catégorie, n’ayant plus besoin d’autant de personnels qu’auparavant.

Je remarque par ailleurs que la part des dépenses incompressibles, d’une part, et les contributions aux actions internationales, de l’autre, donnent à ce budget un effet de trompe-l’œil : elles représentent 43,6 % du programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde ». Je ne suis pas le premier à m’en inquiéter, puisqu’en juillet notre collègue Jean-François Mancel exprimait les mêmes préoccupations.

Dans un contexte de grande incertitude économique, et malgré certains points très positifs de la présidence française de l’Union européenne – je tiens à le souligner par souci d’objectivité –, la diplomatie française nous semble floue. On ne sait pas – ou plutôt on ne le sait que trop bien, hélas ! – quels sont les vrais pilotes. Quel que soit le lieu où ils se trouvent, ce n’est probablement pas au Quai-d’Orsay.

Je donnerai quelques exemples d’une diplomatie qui souffre de tangage et qui semble chercher son cap. Le Chef de l’État a multiplié les voyages pour dynamiser ce que l’on doit appeler « l’acte II du processus de Barcelone » – et non pas l’UPM, hélas ! Plus de trois mois après le show du Grand Palais, aucun des problèmes posés n’a été réglé. Autre exemple : le Chef de l’État a invité en urgence, alors qu’il préside une Union européenne à vingt-sept, trois de ses homologues, suscitant une légitime préoccupation chez les vingt-trois autres. Cette inquiétude a été accentuée par la volonté unilatéralement affichée de présider l’Eurogroupe. L’Espagne, huitième puissance économique du monde, souhaitait ainsi être associée aux réflexions des Quatre et assister à la réunion de Washington. Elle a reçu, dans ce but, des appuis extérieurs, y compris de la part du Brésil ou du Mexique. Je voudrais savoir ce que lui a répondu la présidence française.

À quelques semaines de la fin de cette présidence, le président français, qui a effectué – et heureusement – beaucoup de déplacements, a par contre négligé, voire boudé presque totalement l’Amérique latine. Il a notamment refusé de se rendre au sommet Europe-Amérique latine.

De quelle crédibilité les multiples discours officiels de la France sur les pays émergents peuvent-ils jouir, quand nous pratiquons dans le même temps la politique de la « chaise vide » ?

D’autre part, la politique de la France en Afrique a visiblement perdu sa boussole : depuis un an, du discours de Dakar à celui du Cap, tout a été dit et son contraire, et notre politique d’influence en Afrique semble désormais relever du ministre de l’identité nationale.

Enfin, selon certaines informations, la présidence française pourrait proposer d’envoyer une mission militaire dans l’Est de la République démocratique du Congo, au Kivu. Si c’était confirmé, on peut supposer que la France y contribuerait en hommes et en moyens financiers. Est-ce intégré dans les documents budgétaires qui nous ont été remis ?

Mme Martine Aurillac. Le 3 juillet dernier, la commission sur l’avenir de l’enseignement du français à l’étranger, qui est un levier précieux pour l’action extérieure de l’État, a remis un rapport comportant plusieurs recommandations.

La première d’entre elles est de maintenir la qualité du service public d’éducation en préservant le nombre d’enseignants, la qualité de l’enseignement délivré et en rénovant les établissements existants.

Le rapport suggère ensuite de renforcer l’unité et la cohérence du réseau, de l’ouvrir plus largement à son environnement, de développer une stratégie d’influence plus affirmée, d’assouplir, d’adapter et de renforcer le dynamisme de la carte scolaire, et enfin d’organiser les liens entre le réseau scolaire et les entreprises françaises.

En dernier lieu, il est préconisé de mener un travail sur le statut du personnel concerné.

Comme plusieurs collègues l’ont rappelé, force est pourtant de constater que nos efforts sont obérés par les pensions à la charge de l’AEFE et par l’introduction progressive de la gratuité des droits de scolarité. J’aimerais savoir sur quelle part de crédits nous pouvons réellement compter pour 2009 afin de maintenir la qualité de l’enseignement français à l’étranger.

Cela étant dit, le groupe UMP votera naturellement les crédits de la mission « Action extérieure de l’État ».

M. Jean-Paul Lecoq. Monsieur le ministre, j’observerai à mon tour que ce budget n’est pas à la hauteur des ambitions affichées par le Président de la République et par vous-même. Toutefois, il correspond peut-être à vos véritables choix : nous nous alignons en effet sur l’OTAN, dont vous utiliserez peut-être les moyens plutôt que ceux relevant de votre ministère. En Afghanistan, nous nous alignons également sur les États-Unis, tandis qu’en Afrique, c’est le ministère de l’intégration qui semble tenir lieu de diplomatie française. Lors de son audition en commission, M. Hortefeux relevait ainsi avec satisfaction que la langue française progressait au Cap-Vert.

Je m’inquiète également de l’impact que pourrait avoir une classification des ambassades françaises. Nos partenaires pourraient en conclure qu’il existe des super-ambassades, des ambassades ordinaires et des sous-ambassades, même si ce ne sont naturellement pas les termes que vous employez. Faisons attention aux signaux que nous émettons, car nos interlocuteurs ne les comprennent pas nécessairement de la façon souhaitée.

Du point de vue historique, il est vrai que nos ambassades n’ont jamais été à égalité et qu’elles n’ont jamais joué le même rôle. Leurs objectifs, le personnel dont elles disposent et leurs interventions ont toujours différé, mais elles étaient toutes, au même titre, des ambassades. Établir publiquement des catégories risque d’être mal perçu. J’aimerais donc quelques explications à ce sujet.

J’en viens à la baisse des effectifs du ministère. Vous utilisez bien sûr le langage diplomatique – vous parlez de « rationalisation de l’outil », de « rénovation », de « fusion », et jamais d’abandon, de réduction, de fermeture, de suppression ou de recul. C’est pourtant de cela qu’il s’agit, notamment en matière de médias, d’enseignement du français et de culture.

J’observe en outre que, contrairement à la majorité des promesses du Président de la République, l’engagement de prendre en charge à 100 % les frais de scolarité à l’étranger a été tenu.

Puisque l’on peut parler en Conseil des ministres, paraît-il, j’espère que vous en profiterez pour dire à vos collègues que cette mesure est totalement injuste, monsieur le ministre. Il n’est tenu aucun compte des ressources familiales et la scolarité devient totalement gratuite, ce qui n’est pas le cas en France. Chacun le sait bien !

Si l’on se réfère aux ambitions que vous affichez, nous avons également l’impression que notre diplomatie ne pèse pas suffisamment en Afghanistan, malgré la forte présence militaire des pays européens. Nous ne savons certes pas tout, mais il ne semble pas qu’il y ait de véritable dynamique européenne.

De même, nous voyons mal le résultat de l’engagement français et européen sur la question israélienne. Alors que le Président de la République avait évoqué la création d’un État palestinien avant la fin de l’année 2008, la situation semble évoluer dans un sens tout à fait opposé.

Si vous voulez faire avancer le projet d’Union pour la Méditerranée, il faudrait pourtant progresser sur la question palestinienne, ainsi que sur celle du Sahara occidental, qui oppose le Maroc et l’Algérie. La France détient sans doute la clef d’un règlement du conflit, mais une fois encore son action n’est pas à la hauteur de vos déclarations, ni sans doute de vos espérances.

Au total, vous allez sans doute nous expliquer qu’il s’agit d’un budget correct. Or, selon nous, c’est au contraire un mauvais budget : il est en recul et il n’est pas à la hauteur des ambitions de la France.

M. Philippe Folliot. Même si ce budget appelle quelques observations de notre part, il symbolise le volontarisme de l’action que vous menez, monsieur le ministre, sous l’impulsion du Président de la République.

Avant tout, je voudrais rendre hommage aux agents de nos ambassades et de nos services consulaires : par leur action quotidienne, souvent discrète et non médiatique, ils assurent ce rôle essentiel qu’est la représentation de notre pays. Dans une large mesure, notre image dans le monde dépend en effet de la manière dont agissent ceux qui nous représentent à l’étranger. Ils le font, le plus souvent, avec un maximum de professionnalisme, de volontarisme, d’ambition pour notre pays, et de dignité.

Ce budget, qui commence à donner corps aux recommandations du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France, suscite plusieurs interrogations, sur lesquelles j’aimerais que vous nous rassuriez.

S’agissant tout d’abord de la réorganisation des ambassades en différents niveaux, certains pays risquent d’apprécier notre considération et l’image que nous avons d’eux en fonction du « niveau » de notre représentation diplomatique. Plusieurs officiels m’ont déjà fait part de leurs inquiétudes au Cameroun. Il convient d’agir avec prudence, en veillant à ce que cette classification ne soit qu’un schéma à vocation interne et qu’elle ne soit pas interprétée comme un signe politique par les pays concernés.

Deuxième réflexion, plus large : il sera nécessaire de réfléchir, à moyen terme, à la nécessité de redimensionner le réseau français en fonction des enjeux économiques, politiques et stratégiques des différentes parties du monde. Un effort plus important s’impose pour certains pays émergents et il conviendra à terme de mieux tenir compte de la construction européenne et de différencier notre réseau intra et extra-européen. De fait, on peut s’interroger sur la taille de nos représentations diplomatiques dans certains pays européens, peut-être moins justifiée aujourd’hui que lorsque les relations bilatérales prévalaient.

Ma troisième réflexion portera sur la problématique de l’animation de ce réseau. Au-delà des enjeux liés au statut de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, notre représentation diplomatique doit contribuer à faire entendre la voix de la France partout dans le monde et à soutenir le rayonnement et le développement économique de notre pays. Le réseau diplomatique moins dense de certains autres pays, européens notamment, est parfois plus efficace en matière d’animation économique. L’enjeu est donc une plus grande efficacité pour les objectifs de développement économique, et cet enjeu est lié à d’autres enjeux, comme l’implication des entreprises françaises dans la gestion de l’après-conflit et de la reconstruction dans certains pays.

Je tiens à souligner pour conclure que la francophonie, déjà évoquée par mes collègues, passe par les lycées français, qui sont un important vecteur d’image et de rayonnement culturel pour notre pays. Je l’ai constaté moi-même voilà quelques années lors d’un voyage au Pérou dans le cadre du groupe d’amitié parlementaire avec ce pays – avec lequel nos relations économiques sont au demeurant très peu développées. En effet, tous les entretiens que nous avons eus avec le Premier ministre et les membres du Gouvernement de ce pays se sont déroulés en français, car une grande partie des élites péruviennes a été formée au lycée français de Lima.

Sans reprendre les propos de M. François Rochebloine, je tiens toutefois à rappeler nos interrogations sur les frais de scolarité et l’adoption de schémas de modulation, qui s’impose peut-être. Aux côtés des Alliances françaises, les lycées français sont un élément essentiel du développement de la francophonie. Celle-ci n’est pas seulement importante pour notre pays : elle témoigne de la diversité linguistique du monde à l’heure de la mondialisation et la France a un rôle de premier plan à jouer en ce sens.

Cela étant, monsieur le ministre, le groupe Nouveau Centre votera le budget que vous nous présentez.

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. Monsieur le président Poniatowski, vous m’avez posé une question de grande actualité à propos du Président des États-Unis qui vient d’être élu, M. Barack Obama. Je me réjouis de cette élection, même si le résultat était attendu depuis quelque temps. La victoire est éclatante, avec 338 grands électeurs contre 154. C’est sans précédent, tout comme la participation qui, alors que le taux record est celui de 1908 – 66,6 % –, est actuellement estimée à 62 % et devrait être encore supérieure lorsque tous les chiffres seront connus. Cette élection marque le retour de l’Amérique et le retour de l’intérêt du reste du monde pour l’Amérique. Nous en verrons plus tard les résultats.

Le nouveau Président, qui entrera en fonctions le 20 janvier et prépare déjà ses équipes économiques et internationales, devra faire face à une double crise : une crise de confiance interne aux États-Unis, qui devra être traitée entre Américains, et la crise économique – l’une étant liée à l’autre. L’Amérique est un peuple très dynamique qui va certainement retrouver son optimisme coutumier, quelque peu en berne ces dernières années. Le fait que des erreurs aient été commises n’empêchera pas l’Amérique de rester un grand pays, avec lequel il faudra compter.

M. Jacques Myard. Bien sûr !

M. le ministre. Les premières décisions du Président Obama porteront sans doute, et c’est compréhensible, sur la situation intérieure des États-Unis plutôt que sur la situation extérieure.

La double crise morale et économique aux États-Unis se double d’une double guerre, en Irak et en Afghanistan – sans parler des endroits où la communauté internationale ne fait pas grand-chose.

Je me réjouis que notre pays puisse engager avec les États-Unis un vrai partenariat – qui n’a rien du suivisme dénoncé par certains. Nous étions en bons termes avec l’administration de M. Bush et nous pouvions discuter de tout, mais nous n’étions pas en accord sur les grands sujets – comme la Syrie et le Moyen-Orient, ou le changement climatique. Les choses vont changer. M. Obama attend ce partenariat. Nous l’avons déjà informé de nos efforts et lui remettrons prochainement un document, l’Agenda transatlantique, qui comporte quatre points.

Le premier de ces points est le multilatéralisme. Malgré le poids que les États-Unis conserveront de toute évidence, il ne sera plus question qu’un seul pays décide, pas même dans le domaine économique. Le dollar roi, c’est terminé, et, même si cela ne doit pas se faire du jour au lendemain, il faut que nous puissions arrêter de financer le déficit américain et qu’il y ait dans le monde plusieurs monnaies fortes.

Le multilatéralisme, c’est aussi l’Organisation des Nations unies, pour laquelle il faut pouvoir proposer une réforme qui, cette fois, ira à son terme.

C’est surtout parce qu’il y a eu une vision française, puis européenne – dont le mérite revient au Président Sarkozy – que les pays du G 20 se réuniront le 15 novembre à Washington pour tracer des pistes. Pour la réforme du FMI, on verra. Nous devrions voir s’esquisser, au début de la Présidence de M. Obama, la régulation nécessaire d’un monde devenu fou dans le domaine de la finance – ses déclarations publiques sont très claires à cet égard.

Pour le reste, ce n’est pas à nous de déterminer le format du G 20, au sein duquel certains pays se réunissent, depuis la crise, en marge du G 8. Pour anticiper sur la question que posera tout à l’heure M. Loncle, je précise que la France a insisté pour que l’Espagne, huitième puissance économique du monde, trouve sa place dans cette géométrie quelque peu variable. Il y a de grandes chances que cette demande soit satisfaite, mais la réponse ne dépend pas de nous, car les invitations sont lancées de Washington. De fait, il est légitime que, la crise ayant pris naissance aux États-Unis, ce soit là qu’on cherche un début de solution. Peut-être d’autres pays suivront-ils, mais il est déjà certain que l’Inde, la Chine et le Brésil participeront à cette négociation.

Le deuxième point abordé dans l’Agenda transatlantique est le Moyen-Orient. Comment pouvez-vous dire, monsieur Lecoq, que la France n’est pas présente dans cette région ? Je vous rappelle que la Conférence de Paris a permis de réunir 20 milliards d’euros et que la France est plus présente que les autres pays sur cette question. Avec mes homologues italien et espagnol, M. D’Alema et M. Moratinos, nous nous sommes rendus vingt fois au Liban. Aujourd’hui, le Président de ce pays est élu – il assistait d’ailleurs hier à la Conférence de Marseille – et le premier échange diplomatique entre la Syrie et le Liban depuis l’époque du mandat et la guerre vient d’avoir lieu, à l’initiative de la France.

L’Iran, l’Irak, l’Égypte, le Hamas et Israël sont autant d’autres éléments évoqués dans ce document.

La France, qui finance déjà de nombreuses activités palestiniennes, souhaite également prendre sa place en termes politiques afin que l’État palestinien puisse être créé.

Dans une troisième partie, l’Agenda transatlantique comporte des propositions relatives à l’Afghanistan et au Pakistan. La France, dans le cadre de la présidence de l’Union européenne, a pris des initiatives à cet égard et j’espère que nous ne serons pas déçus par les présidences suivantes.

Le dernier point concerne les rapports avec la Russie, à propos de laquelle une stratégie commune – même si elle n’est pas en tous points identiques – devra être mise en place avec les États-Unis. C’est d’ailleurs le thème qui sera abordé ce soir dans le cadre des réunions parlementaires organisées au Quai-d’Orsay, et je serai heureux de donner à ceux d’entre vous qui souhaiteront y participer plus de précisions sur notre politique vis-à-vis non seulement de la Géorgie, mais aussi de la Russie.

Monsieur le président Poniatowski, je le répète, nous aurons un partenariat transatlantique, et non pas un rapport de soumission.

M. Jacques Myard. Bref, ce sera comme avant !

M. le ministre. Je ne répondrai pas à cette provocation !

M. Jacques Myard. Ce n’est pas de la provocation, c’est la réalité !

M. le ministre. C’est votre réalité, pas la nôtre !

M. Jacques Myard. Il ne faut pas rêver !

M. le ministre. Si, il faut rêver ! Si les Américains n’avaient pas rêvé, ils n’auraient pas élu Barack Obama !

M. Jacques Myard. Ils n’ont pas rêvé : ils ont choisi un nationaliste, comme vous pourrez très vite le constater !

M. le ministre. Je ne trouve pas insultant de qualifier quelqu’un de nationaliste ; en revanche, comme l’avait dit François Mitterrand à Strasbourg, trop de nationalisme, c’est la guerre.

M. Jacques Myard. Nous sommes d’accord, mais pas assez de nationalisme, c’est la guerre aussi !

M. le ministre. J’avais dit que je ne répondrais pas aux provocations. J’en reviens donc à Jean-François Mancel, qui a été assez aimable pour remercier nos collaborateurs, en effet excellents – même si l’on me demande de supprimer en trois ans 700 équivalents temps plein sur 16 000, sachant que, dans les administrations, que je fréquente depuis longtemps, il est des endroits où l’on travaille moins.

M. Jean-Paul Lecoq. Les intéressés apprécieront !

M. le ministre. Si la réforme se passe bien, c’est que je parle franc et que je dialogue avec les agents du ministère.

Par ailleurs, un ministre n’est jamais content de son budget et, à cet égard je vous saurai toujours gré d’abonder dans mon sens !

Il reste que non seulement ce budget n’est pas en recul, mais il est en augmentation de 7 %, ce dont je suis assez fier.

Dans le contexte de crise financière, c’est à juste titre que les ONG et l’opinion publique appellent l’attention sur l’Afrique : la nécessaire régulation d’un système financier devenu fou ne doit pas faire oublier l’aide aux politiques de développement des pays les plus pauvres. L’enveloppe supplémentaire de 90 millions est la bienvenue ; nous avons obtenu, en dehors des arbitrages budgétaires, déjà clos, le maintien des capacités d’engagement en matière d’aide.

Cette crise financière aura évidemment des effets déstabilisateurs sur les États pauvres, dont les banques sont souvent des succursales de banques occidentales et dont l’économie réelle est également menacée. Elle va provoquer une redistribution des rôles à l’échelle du globe ; notre réseau diplomatique nous sera très utile pour apprécier ces évolutions et tenir pleinement notre place : les ministères des finances ne sont pas seuls concernés, nous aurons à jouer un rôle direct auprès des populations. Nous participerons à l’application des décisions de Washington, pour lesquelles nous avons également joué notre rôle de proposition.

Je suis bien d’accord avec vous, il faut cesser de gérer les crises au cas par cas ; cela dit, elles nous surprennent toujours. Nous avons un appareil nouveau, qui a coûté cher et qui nous met sur un plan d’égalité avec d’autres pays. Cela nous permet d’améliorer notre capacité de prévention. Pour le reste, il est vrai que le nation building n’est pas dans la culture française, mais nous ferons en sorte de rester actifs dans les pays qui ont souffert. Par ailleurs, la nouvelle direction de la globalisation comprendra des responsables économiques qui pourront jouer leur rôle.

S’agissant du calendrier des réformes, les premières réalisations concrètes seront visibles dès le début 2009 ; mais le Centre de crises dont je viens de parler, réalisé dans un contexte de budget extrêmement serré, en est déjà une. Je vous invite à le visiter si ce n’est déjà fait. Cinquante agents du ministère y travaillent en permanence car, hélas, il se passe des choses tous les jours : ainsi, alors que nous recevions les familles des sept Français enlevés au Cameroun, un ressortissant français travaillant dans une ONG a été enlevé à Kaboul. J’ai appris hier l’intention de journalistes d’aller enquêter au Cameroun ; il se trouve que ce sont des personnes que nous avions déjà délivrées – et cela coûte cher –, mais nous n’allons pas leur interdire de partir pour autant : il n’est pas possible que nous soyons les censeurs des journalistes, qui doivent pouvoir faire leur travail.

Dans l’administration centrale, la création de la direction générale de la mondialisation est prévue pour le début 2009 ; l’opération devrait être terminée à la fin de l’année. Il y aura de réelles nouveautés, comme la création d’un pôle de réflexion sur les religions – laquelle était confiée jusqu’à présent à une seule personne.

Dans les postes, l’évolution des effectifs traduira une modulation selon les missions confiées aux ambassades : missions élargies, missions prioritaires ou présence diplomatique. J’étais ces derniers jours en Afrique avec le ministre anglais des affaires étrangères, David Miliband : son pays n’a de représentation diplomatique ni en République Centrafricaine, ni au Tchad. Nous, nous en avons partout. Notre réseau diplomatique va demeurer le deuxième du monde, mais nous l’adaptons à l’évolution de ce monde.

En ce qui concerne les opérateurs, monsieur Mancel, la transformation en EPIC s’accompagnera d’une évolution de la tutelle de l’Agence française de développement. Le projet de décret est en cours. Nous souhaitons que davantage de décisions soient prises au niveau local, même si l’AFD continue à jouer son rôle de banque et d’investisseur.

La réforme concerne aussi les bâtiments, avec le regroupement de notre dispositif sur trois sites parisiens, auquel s’ajoute celui de Nantes. S’agissant de la gestion des ressources humaines et du dispositif de deuxième carrière, nous avons eu une première avance de trésorerie pour gérer la carrière de vingt diplomates ; nous avons traité quatorze cas. Nous avons demandé une deuxième enveloppe à M. Woerth, qui est d’accord. Nous souhaitons en effet que les ambassadeurs, à partir de cinquante ou cinquante-cinq ans, puissent entamer une deuxième carrière. Dans le « mouvement » que je m’apprête à soumettre au Président de la République, toutes les propositions concernent des personnes de plus de soixante et un ans.

M. Jean-Paul Lecoq. Ils ont encore neuf ans à faire avant la retraite !

M. le ministre. Il n’y a pas lieu de mettre au placard des personnes qui remplissent parfaitement leurs fonctions mais, en même temps, il faut développer l’idée qu’une deuxième carrière est possible, dans le privé ou le public, et pourquoi pas en changeant d’administration.

Le Livre blanc préconisait l’ouverture de « budgets-pays » pour doter l’ambassadeur d’un outil de pilotage. Ils existent déjà dans de grands pays fédéraux comme le Canada ou l’Allemagne. Dans ce dernier pays, il faut réduire un peu le nombre d’agents – ils sont actuellement 700 – et déplacer les postes vers des pays émergents comme l’Inde ou la Chine. Le dispositif se heurte cependant à une difficulté pratique, le ministère peinant à identifier l’ensemble des dépenses d’un poste donné, mais nous nous inspirons des expérimentations sénégalaises et allemandes.

Pour mettre en place des rémunérations différentes, il faudrait que vous nous aidiez.

En ce qui concerne les attachés culturels, économiques et bientôt environnementaux, nous dépendons d’autres ministères. Nous voulons récupérer des postes dans le budget des affaires étrangères. En effet, il est inconcevable que nous réalisions la réduction de 700 équivalents temps plein en trois ans alors que le nombre d’attachés culturels ou économiques ne diminue pas. Mais nous ne possédons pas d’outil pour vérifier l’exhaustivité des données transmises par les autres ministères.

Par souci élémentaire d’équité, nous souhaitons soumettre la mesure de gratuité de la scolarité à un double plafonnement. Les deux associations des Français de l’étranger se sont mises d’accord pour présenter une proposition commune et nous avons pris rendez-vous avec le Président de la République. D’une part, le tarif de l’inscription sera plafonné au niveau du coût moyen d’un lycéen scolarisé en France, soit 7 000 ou 8 000 euros. D’autre part, l’exonération sera accordée en fonction du revenu parental, les associations proposant un plafond de 150 000 euros par an, ce qui me semble un peu élevé.

Mme Colot, le CIMEE, qui était chargé de mesurer les moyens de l’État consacrés à son action extérieure, ne s’est réuni qu’une fois entre 1997 et 2006. Les équipes du Livre blanc ont donc proposé la création de CORINTE, le Comité des réseaux internationaux de l’État à l’étranger. Nous sommes en train d’élaborer les instruments juridiques nécessaires à sa création, qui devrait intervenir début 2009. Les ministères des affaires étrangères, des finances, de la défense et de l’intérieur seront représentés dans CORINTE, qui sera placé sous la présidence du Premier ministre ou, par délégation, du ministre des affaires étrangères. Tout ministre concerné par un point précis de l’ordre du jour sera convoqué.

L’externalisation doit être envisagée sous deux angles. Premièrement, avant d’y songer, il convient d’effectuer une analyse prévisionnelle des coûts et des avantages à court et long terme. Deuxièmement, la qualité du service dépend du sérieux du prestataire – en matière de visas ou de gardiennage, nous avons eu de très bonnes expériences et de très mauvaises. En tout état de cause, l’externalisation ne doit pas être totale, mais encadrée par nos services, notamment pour garantir la sécurité. Au total, une vingtaine de postes seront supprimés chaque année au titre de l’externalisation. À compter de 2009, le ministère pourra recycler les économies de masse salariale en crédits de fonctionnement, ce qui permettra de financer des prestations de services dans nos ambassades.

La Caisse des Français de l’étranger reçoit le concours de l’État depuis le 1er juillet 2006. Les modalités d’abondement du budget d’action sanitaire et sociale de la Caisse sont fixées par convention conclue chaque année avec le ministère des affaires étrangères. Le coût des prestations et la prise en charge différant énormément d’un pays à l’autre, nous devons intervenir pour égaliser les situations. Le taux de participation est fixé annuellement par arrêté conjoint des ministères du budget, des affaires sociales et des affaires étrangères. Nous souhaitons le maintenir au niveau de 2008 : 33 %.

Les frais de scolarité ont certes augmenté, surtout du fait de l’amélioration de l’outil, qui entraîne une hausse des frais de fonctionnement.

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis. Le recul de la prise en charge des enseignants résidents a un impact sur les droits d’inscription.

M. le ministre. J’ajoute que les frais de formation des enseignants augmentent de 6 à 7 %. Nous nous efforçons de trouver un juste milieu entre la gratuité et le sacrifice des familles, même si cette mesure généreuse pénalise un peu les élèves locaux, ce qui n’est pas le but visé. La contribution des entreprises continuera d’être prise en compte, au moins dans une certaine mesure.

Monsieur Rochebloine, je vous remercie pour vos projets d’amendement.

L’enveloppe des bourses sera malheureusement réduite cette année ; avec 5 millions d’euros en moins, il sera extrêmement difficile de respecter les engagements présidentiels.

La taxe de 2 % sur les établissements conventionnés doit être intégrée dans le calcul.

L’amélioration du fonctionnement de l’AEFE est à mettre au crédit de Maryse Bossière et d’Anne-Marie Descôtes, la seconde ayant succédé à la première à la présidence de l’Agence.

Nous ne sommes pas les seuls à pâtir de la fongibilité asymétrique prévue par la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances. La mesure sera envisageable une fois résorbés les déficits sur l’ensemble des crédits des masses salariales de tous les ministères.

M. le président Didier Migaud. Reconnaissons que la situation des comptes publics ne s’améliore pas.

M. le ministre. Pour redresser la situation et équilibrer le budget, chacun doit consentir des sacrifices.

L’organisation de la francophonie va être regroupée sur un site unique, la Maison de la francophonie, dans un immeuble de l’avenue Bosquet qui sera mis à sa disposition pour cinquante ans. Cet immeuble a été acquis par la SOVAFIM, Société de valorisation foncière et immobilière, qui appartient à l’État, pour 59 millions, qui entrent donc dans les caisses de l’État. La SOVAFIM le louera au ministère des affaires étrangères pendant cinquante ans pour 5,3 millions par an. Vous voyez donc que nous ne faisons pas que de mauvaises opérations ! L’organisation contribuera à hauteur de la cession de ses biens en France, soit 12 millions qui viendront en déduction du loyer. Quant au projet de loi autorisant l’approbation de la convention signée à Québec le 18 octobre, il sera présenté au Parlement au plus vite, mais je ne peux pas encore donner de date.

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis. Et sur les douze emplois pris à CulturesFrance, ajoutés aux quatre de l’AEFE ?

M. le ministre. Le ministère du budget nous impose trop souvent une logique purement comptable.

J’en viens aux questions de Mme Delaunay.

CampusFrance va rejoindre l’opérateur unique qui sera mis en place et étendre ses compétences à la coopération technique. Les espaces CampusFrance dans les ambassades connaissent un grand succès et j’ai au moins pu maintenir le budget des bourses, même s’il est évident qu’il n’y en a pas assez. J’ai pu constater en Égypte que les demandes de visas pour la France – même lorsqu’elles résultent de bourses égyptiennes – sont très difficilement satisfaites, et ce n’est pas le ministère de l’immigration qui est en cause. Certes, il faut choisir nos étudiants : nous ne pouvons pas prendre n’importe lequel, dans n’importe quel domaine, mais il faut absolument satisfaire davantage de demandes sous peine de voir la francophonie régresser. Nous disposons d’un excellent rapport sur ce sujet, le rapport Gelas et Lunel, dont il faut nous inspirer.

Quant à parler d’un désengagement du ministère du domaine de l’audiovisuel extérieur, je vous en prie ! Il n’y a aucun désengagement, et une comparaison avec l’époque où le ministère en était chargé vous le montrera. Il y avait bien longtemps qu’un ministre des affaires étrangères n’avait pas visité RFI. Pour des raisons qui me sont propres, puisque ces décisions peuvent concerner une personne qui m’est proche, le budget est géré à Matignon. Mais le ministère continue à avoir des agents spécialisés et un droit de regard dans ce domaine. Pour ce que j’en sais, le budget n’a pas été diminué et je pense que vous aurez même de bonnes surprises, lorsqu’il reviendra au ministère, en termes de coordination, d’efficacité et de réseau.

En ce qui concerne la médecine, la situation va changer. Lorsque j’étais ministre de la santé, qu’il s’agisse du fonds mondial de l’ONU, du réseau ESTHER de jumelage hospitalier ou d’Unitaid, par exemple, nous n’avons jamais pu travailler avec le ministère des affaires extérieures, qui professait un mépris certain pour ces médecins qui ne connaissent rien à la diplomatie. Dorénavant, le ministère va être doté d’une direction médicale sérieuse, qui va nous permettre de tirer parti de l’énorme engagement financier disponible – 300 millions par an pour le fonds global. La France en est le deuxième contributeur mondial : personne ne le sait ni n’en tire un agréable sentiment de satisfaction morale, mais, sur le terrain, les malades en bénéficient. La direction étudiera donc des propositions qui auparavant étaient trop souvent rejetées.

Pour ce qui est de la Roumanie, dont 40 % des médecins sont formés en France, le jumelage hospitalier fonctionne désormais, mais il faut encore améliorer la transparence et moderniser nos rapports. Il y a une proximité extraordinaire entre ces deux médecines, qui avait été quelque peu oubliée. Cela aussi, c’est de la francophonie ! La politique d’influence ne s’exerce pas uniquement par un envoi de troupes théâtrales, mais passe aussi par le domaine de la religion ou de santé publique. Nous avons une formidable sécurité sociale, qui fait encore l’admiration du monde – à ce propos, Barack Obama donne une belle perspective aux Américains en voulant donner une couverture à 47 % d’entre eux – et la médecine française est très connue à l’étranger. C’est important.

M. Loncle a souligné que certains crédits avaient été épargnés, et je l’en remercie. Notre budget de fonctionnement a été complètement maintenu. Nous devons maintenant payer les pensions du système d’éducation, avec 120 millions, et assurer sa gratuité avec 20 millions supplémentaires. Le budget de l’enseignement à l’étranger progresse donc, mais il faut en même temps financer le développement de son réseau.

Quant aux crédits de l’audiovisuel extérieur, je répète qu’ils ne baissent pas. Ils seront en revanche mieux organisés, au sein d’une holding qui sera bientôt sur pied et dont vous verrez très vite les résultats. Certes, certains crédits n’évoluent pas comme je le souhaiterais, tels que ceux de l’action culturelle. Croyez bien que je réclame ! Mais il est clair que la France doit équilibrer son budget : n’importe quel gouvernement le ferait, et je dois, comme les autres, prendre ma part dans cet effort.

Quant à l’Union pour la Méditerranée, monsieur Loncle, auriez-vous oublié la réunion d’hier à Marseille ? Il est déjà ardu de se mettre d’accord à vingt-sept, bien que les pays d’Europe du Nord soient très bien organisés autour de la Baltique, alors imaginez ce que cela pourrait être à quarante-trois ! Or, hier, pour la première fois, tous ces pays se sont parlés, à l’exception, hélas, de la Libye, qui était absente. De la Syrie à la Mauritanie, ils se sont accordés pour que la Ligue arabe soit présente à tous les niveaux, y compris dans les réunions de préparation à Bruxelles. C’est un grand progrès par rapport au processus de Barcelone – dont d’ailleurs l’Espagne nous a proposé de supprimer le nom comme référence, pour ne garder que l’intitulé d’Union pour la Méditerranée. Le secrétariat de l’UPM est assuré à Barcelone et il y aura un secrétaire général du Sud, dont j’espère qu’il sera tunisien. Il y aura aussi un secrétaire général adjoint israélien, pour la première fois dans l’existence de l’État d’Israël, en même temps qu’un secrétaire général adjoint palestinien, alors que l’État palestinien n’est même pas encore créé. Pas mal, non ? Donc, l’Union pour la Méditerranée fonctionne.

M. Jacques Myard. Il fallait installer le secrétariat général au Sud, pas à Barcelone !

M. le ministre. Le secrétaire général viendra du Sud ! Et il y aura six secrétaires généraux adjoints, pour traiter des six priorités établies.

Quant au gouvernement économique de l’Eurogroupe, pourquoi se plaindre ? Quand on a une monnaie et une banque communes, on peut avoir une réflexion commune. C’est d’ailleurs conforme au souhait de la gauche.

M. François Loncle. Je n’ai jamais dit le contraire !

M. le ministre. En ce qui concerne l’Amérique latine, notamment le Venezuela, l’Équateur et la Colombie, nous avons beaucoup travaillé. Nous devons recevoir sous peu, s’il est libéré de toute obligation judiciaire, l’homme qui a permis la libération des otages des FARC.

M. François Loncle. Il vaut mieux ne pas parler de cette offense au droit d’asile !

M. le ministre. Nous avons des rapports excellents avec l’Argentine. Le dialogue avec Cuba vient d’être rétabli, et un sommet entre l’Union européenne et le Brésil est prévu en décembre. Je ne pense pas que nos ambassadeurs en Amérique latine s’en plaignent.

Quant à l’Afrique, elle évolue et la démocratie y progresse – le Sénégal en est un exemple – même si c’est parfois difficile. J’espère que les élections en Côte-d’Ivoire, initialement prévues pour novembre, auront lieu au début de l’année 2009. Au Burkina-Faso voisin, le développement se fait en harmonie, bien au Togo, au Cameroun pas si mal que ça. Il y a une évolution en Afrique francophone, à comparer aux difficultés de l’Afrique anglophone : je vous rappelle les crises qu’ont connues le Kenya et le Zimbabwe, qui n’est plus un modèle depuis longtemps. À Dar el Salam, avec David Miliband, nous avons mesuré combien l’Union européenne représente probablement l’avenir des relations interafricaines. Entre la Libye et l’Afrique du Sud, Addis-Abeba et Dar el Salam, ce n’est pas facile. C’est comme cela que naissent les responsabilités nationales africaines, et il faut les encourager. Ne limitons pas le débat à la « Françafrique » ! Je n’ai d’ailleurs jamais su ce que cela voulait dire. Il y a des gens qu’on ne peut pas fréquenter, et d’autres, qui font partie de la Françafrique, qui sont très fréquentables.

M. Jacques Myard. Très bien !

M. le ministre. Je vous rappelle par ailleurs que la croissance économique moyenne de ce continent est de 6 %, ce qui n’est pas si mal.

S’il convient, madame Aurillac, de développer la francophonie, celle-ci ne peut pas se limiter à la promotion du français : elle doit évoluer vers des propositions françaises qui soient suffisamment appétissantes. Je suis bien évidemment favorable au maintien de notre réseau des lycées français à l’étranger et des Alliances françaises, dont je suis très fier. Mais nous devons réfléchir à des formes de développement commun, avec les Chinois en Afrique, par exemple, faute de quoi nous ne ferons pas progresser le français. Il faut également favoriser les publications bilingues, pour que les anglophones puissent accéder à la pensée française. La francophonie, ce n’est pas seulement la langue française : c’est aussi une tradition de la démocratie et des droits de l’homme.

Les crédits de l’AEFE sont répartis entre le programme 185, pour 415 millions d’euros, et le programme 151, pour 86 millions d’euros. L’augmentation de 123 millions d’euros au titre du programme 185 s’explique pour 120 millions par la couverture des pensions civiles, le complément servant à couvrir l’augmentation de la masse salariale et à financer le déficit de fonctionnement.

Monsieur Lecoq, j’ai obtenu 80 millions d’euros de crédits d’engagement supplémentaires pour les pays d’Afrique.

Comment vous convaincre, par ailleurs, que l’alignement de la France sur l’OTAN est une fiction absolue, au plus un souvenir ? En Géorgie, où est l’alignement ? Où était l’Amérique ? Nulle part !

M. Jacques Myard. Dans le bureau de Saakachvili.

M. le ministre. D’accord, mais elle a échoué. Je vous signale d’ailleurs qu’il y a dans l’entourage de Barack Obama une dame, Susan Rice, noire et fort jolie, mais qui n’a aucun autre point commun avec Condolezza Rice : ce ne sera pas la même politique.

Le cas de la Géorgie nous apprend une fois de plus que nous avions eu raison de nous opposer à son entrée dans l’OTAN. Voilà pourquoi, comme tous les pays fondateurs de l’Union européenne, nous continuerons à nous y opposer, ainsi qu’à l’entrée de l’Ukraine. Ce n’est pas ce qu’on peut appeler un alignement sur l’OTAN. Par ailleurs, les opérations en cours en Afghanistan et au Kosovo le sont sous mandat des Nations unies.

La feuille de route transatlantique que les Vingt-sept proposeront vous confirmera que nous ne sommes pas alignés, mais partenaires des États-Unis, y compris au Moyen-Orient, où le processus d’Annapolis a été initié par les Américains. En Palestine, nous avons tout fait, depuis la conférence de Paris, pour que l’arrêt des colonisations soit effectif et que les projets soient menés à bien. À Jenin et bientôt à Hébron, les missions de maintien de l’ordre ont été remises à l’autorité palestinienne. Ces évolutions positives sont le fait de l’Europe, et pas seulement des Américains.

En Afghanistan, c’est compliqué. Nous menons des consultations. Le Président Karzaï a déclaré qu’il voulait bien parler avec les talibans. Même si le mollah Omar n’est pas ma tasse de thé, je pense et je répète devant vous que la solution en Afghanistan ne sera pas seulement militaire.

Je ne suis pas forcément d’accord avec vous, monsieur Folliot, en ce qui concerne la classification des ambassades. Notre représentation diplomatique au Honduras, qui a peu de relations avec la France, ou en Mongolie, pays de 2,5 millions d’habitants coincé entre la Chine et la Russie, se limite à deux ou trois personnes. N’est-il pas légitime de les transformer en représentations spécialisées, par exemple dans les affaires minières s’agissant de la Mongolie ? Les ambassades polyvalentes, quant à elles, disposeront d’une compétence générale, sans forcément compter une pléthore d’agents. Les effectifs de notre ambassade en Allemagne devraient ainsi diminuer de moitié et ses services être regroupés. Savez-vous que notre ambassadeur, qui fait très bien son travail, ne connaissait pas l’existence de tous ses services ? Ce n’est pas le recensement et le regroupement des services de l’ambassade qui porteront atteinte à nos rapports avec l’Allemagne.

Si la France n’est pas toujours la meilleure en « post-conflit » – regardez ce qui se passe en Côte-d’Ivoire – il faut aussi regarder ce qui se passe en Yougoslavie ou en République démocratique du Congo, avec le Rwanda et la Tanzanie : il n’y a jamais eu en Afrique d’exemple de coopération entre des pays qui y étaient traditionnellement concurrents, comme la Grande-Bretagne et la France. Cela a été très utile, et le sommet de Nairobi devrait consacrer la mise en place des accords signés par la République du Congo. À Goma, leur application est déjà très satisfaisante puisque 1 100 anciens membres des FAR sont retournés au Rwanda. Vous verrez que cette expédition a été utile, et nous développons, en association avec des ONG anglaises et françaises, notre savoir-faire en matière de post-conflit.

M. Daniel Garrigue. Je voudrais d’abord, monsieur le ministre, exprimer un regret : étant donné que nous ne débattons déjà que peu de la politique étrangère de la France, l’examen du budget du ministère des affaires étrangères était traditionnellement l’occasion d’avoir ce débat dans l’hémicycle, et ce que nous faisons ici en commission élargie ne saurait en tenir lieu.

On ne peut que saluer le volontarisme de la politique étrangère de la France, qui s’exprime tout particulièrement à travers la présidence française de l’Union européenne, à l’occasion notamment de la crise géorgienne ou de la crise financière. Un certain nombre de clarifications sont cependant nécessaires, notamment en ce qui concerne notre politique étrangère et de défense en Europe. J’ai noté qu’il y a quelques jours, à Moscou, le Président de la République avait évoqué la nécessité de revitaliser l’organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. C’est une perspective tout à fait positive, et on peut se demander pourquoi on avait laissé l’OSCE dépérir ces dernières années.

En revanche, en ce qui concerne le retour dans l’organisation intégrée de l’OTAN – un sujet qui préoccupe également nombre de mes collègues de la majorité –, je ne suis pas du tout convaincu par vos dénégations.

Une telle initiative pose de nombreuses questions. D’abord, elle aurait plutôt pour effet d’affaiblir la position de la France sur la scène internationale. Le retrait de l’organisation, jamais remis en cause depuis les années soixante, avait en effet représenté, en dehors de l’aspect militaire, une force pour la diplomatie française. On affirme que la réintégration de notre pays lui permettrait de mieux dialoguer avec ses partenaires européens. Mais ce qu’attendent ces derniers, c’est que la France parle de l’Europe, non qu’elle prenne d’autres habits pour faire des propositions.

Enfin, l’OTAN n’inclut pas seulement les Européens, mais aussi les États-Unis. Or, quand ces derniers s’apprêtent à déployer un réseau de défense antimissile sur le territoire européen, ils le font en dehors de l’OTAN, ce qui signifie que, pour eux, l’organisation n’est qu’un instrument. Par conséquent, revenir dans l’organisation intégrée serait accepter un marché de dupes. S’agit-il d’une volonté fermement arrêtée, ou ne faut-il y voir qu’un ballon d’essai sans lendemain ? Cette dernière hypothèse nous rassurerait.

M. Jean-Michel Boucheron. J’approuve totalement la remarque de Daniel Garrigue sur les conditions dans lesquelles se déroule notre débat.

Le président Poniatowski a eu raison de souligner, au début de la séance, l’événement qui s’est produit cette nuit aux États-Unis. Pour ma part, je ne fais pas partie des sceptiques qui pensent que cette élection, en raison de la puissance de certains intérêts américains, ne va pas changer grand-chose. Je crois au contraire que beaucoup de choses vont changer, à commencer par la vision que les peuples du monde ont des États-Unis et de l’Occident. Cet événement considérable devrait donc avoir des conséquences rapides sur notre politique extérieure.

De nombreux thèmes ayant déjà été abordés, je réduirai mes questions à deux points principaux.

Le premier concerne les relations entre l’OTAN et la Russie. J’approuve sans réserve la politique menée lors de la crise géorgienne et au moment du sommet de Bucarest : c’est celle qu’il fallait adopter. Cela étant, l’OTAN figure parmi les dossiers dont nous devrons discuter avec les Américains. Où va-t-on en ce domaine ? Nous savions où M. Bush, lui, voulait aller : il changeait le périmètre géographique de l’organisation, la nature de ses missions, le nombre de ses partenaires. Il voulait transformer en alliance politique de l’Occident ce qui était une alliance de défense euro-atlantique. Personnellement, je n’ai aucun problème particulier vis-à-vis de l’OTAN, mais je ne veux pas que notre pays se laisse entraîner dans n’importe quoi. Il est donc important de savoir comment le nouveau Président des États-Unis envisage la mission de l’OTAN, son périmètre et ses modes d’action.

Le deuxième point concerne l’Iran. Depuis longtemps, je regrette le discours que tient la France à l’égard de ce pays – un discours plus « bushiste » que celui de Bush. J’ai toujours prévenu qu’un jour ou l’autre les Américains discuteraient avec l’Iran, nous laissant simples spectateurs, à côté de la plaque, si je puis dire. Eh bien, ce moment ne va pas tarder à venir. J’aimerais donc que la France, surtout au moment où elle préside l’Union européenne, modifie sa position vis-à-vis de ce pays et engage un dialogue. Qu’on le veuille ou non, la résolution de toutes les situations de guerre au Proche et au Moyen-Orient passera, à un moment ou à un autre, par une négociation avec l’Iran. Il faut donc arrêter d’ostraciser ce grand pays, et amorcer quelque chose avant la prise de fonctions du nouveau Président américain. Dans le cas contraire, nous serons relégués à l’arrière-plan, en raison de l’effet conjugué de la puissance américaine et de la fascination de la jeunesse iranienne pour l’Amérique, qui est réelle. Le jour où la situation se débloquera, les choses pourront aller très vite. Rappelons-nous le meeting tenu par M. Baker à Tirana, quelques jours après la chute du mur de Berlin : le retour du balancier de l’Histoire peut parfois être très rapide.

M. Jean-Claude Guibal. Je souhaite revenir sur des questions évoquées dans la première partie de cette réunion, et notamment sur le réseau d’écoles et de lycées français à l’étranger. Ce réseau, le plus important au monde, assume deux principales missions : un service public d’enseignement destiné aux 100 000 enfants d’expatriés français, mais aussi la formation des futures élites dans les pays où ces établissements sont implantés. Comme d’autres, je considère que la langue est la deuxième patrie, et donc le principal facteur d’influence sur le long terme, même si je conviens que, pour faire apprendre le français à des non-nationaux, il est bien souvent nécessaire de coupler cette langue avec la langue locale, en tout cas avec l’anglais.

M. Jacques Myard. Pourquoi donc ?

M. Jean-Claude Guibal. Parce que c’est la langue véhiculaire internationale. Je constate que les étudiants viennent plus volontiers profiter de l’enseignement universitaire français s’ils ne sont pas confrontés à un barrage absolu de la langue. Il faut au moins aménager une transition si nous voulons qu’ils apprennent et pratiquent ensuite le français.

Monsieur le ministre, je trouve que votre budget n’est pas mauvais. Dans la conjoncture actuelle, une augmentation de 7 % me semble même remarquable, et je tiens à vous en féliciter. Mais je conçois qu’il ne faille pas trop compter, dans l’avenir, sur des augmentations de budget pour atteindre les objectifs fixés par le programme 185.

Vous avez déjà répondu à certaines des questions que je souhaitais vous poser. Je vous laisse juge des points qui méritent un développement.

Les rapports se sont succédé depuis 2004 au sujet du redéploiement des moyens. Peut-on s’attendre à des initiatives dynamiques en ce domaine ? Vous avez évoqué la gratuité des frais d’inscription, mais qu’en est-il des rémunérations des enseignants titulaires, aujourd’hui à la charge du ministère des affaires étrangères par l’intermédiaire de l’AEFE ? Ne serait-il pas envisageable de transférer ce budget sur celui de l’éducation nationale ? Cela n’aurait pas pour effet d’apporter 400 millions d’euros supplémentaires, mais donnerait une meilleure lisibilité à la loi de finances.

Il est vrai que l’on observe un désengagement des entreprises à la suite de la prise en charge par l’État des frais de scolarité des élèves scolarisés dans des lycées étrangers. Cependant, la loi de 1987, qui offre des possibilités de déductions fiscales aux entreprises qui font des dons à des établissements culturels, ne pourrait-elle pas trouver à s’appliquer en l’espèce ? Les réticences de la direction générale des impôts ont-elles pu être levées ? Il y a là une source possible de financements de substitution.

De la même manière, les entreprises sont-elles désormais autorisées à verser leur taxe d’apprentissage à des lycées français de l’étranger ?

En ce qui concerne l’investissement, la procédure de partenariat public-privé a-t-elle été expérimentée pour la construction de lycées ? Une évolution vers des établissements partiellement autonomes – dans un contexte ni public, ni privé, mais simplement marqué par la recherche de l’efficacité – est-elle envisageable ?

Notre réseau d’établissements à l’étranger est le plus grand au monde, mais sa répartition est très inégalitaire – vous l’avez vous-même reconnu. Un recentrage est donc en cours. Le choix est délicat entre maintenir des établissements dans des pays où nous avons l’habitude d’être présents, même s’ils ne présentent plus beaucoup d’intérêt, ou s’implanter dans les pays émergents au risque de n’avoir qu’une influence infinitésimale. Ne vaudrait-il pas mieux maintenir notre présence, voire l’accroître, dans certaines zones telles que la Méditerranée ? Nous vivons en effet dans un monde plus multipolaire que globalisé, et il paraît nécessaire d’adopter une vision « par quartier d’orange », réunissant dans un même fuseau pays du Nord et pays du Sud – ce qui est justement la logique de l’UPM. Les pays méditerranéens de la rive Sud, comme l’Algérie, sont francophones, mais notre langue commence à y refluer, notamment au profit de l’arabe ou de l’anglais. Comptez-vous vous concentrer en priorité sur les établissements français situés dans les pays où nous sommes historiquement présents et qui, par leur potentiel économique et démographique, justifient que l’on accroisse encore notre présence ?

M. Jacques Myard. Nous ne pouvons pas accepter un débat « croupion », cadenassé et caporalisé en séance publique, avec un temps de parole restreint. Je m’en expliquerai d’ailleurs à l’occasion d’un rappel au règlement. Il est inadmissible que l’on limite ce débat essentiel compte tenu de la situation internationale actuelle.

J’en viens à l’outil de notre politique étrangère. Ce budget n’est pas bon, car le Quai-d’Orsay a déjà perdu 1 000 postes de catégorie A depuis dix ans. En ce sens, il y a déjà eu une revue générale des politiques publiques au ministère des affaires étrangères ! Ne rabotons pas encore ce qui a déjà été raboté hier. Quand on en arrive au niveau quantitatif actuel, un problème qualitatif se pose : voulons-nous exister sur la scène internationale, ou bien souhaitons-nous tirer l’échelle et disparaître de l’Histoire ?

Nous devons au contraire préserver notre outil diplomatique. À ce titre, il y a des incohérences dans le Livre blanc : il est question de service universel, et dans le même temps, il faudrait catégoriser les ambassades selon leur importance. Ce serait une faute diplomatique et une faute politique. Nous devons tenir notre rang dans le monde !

En ce qui concerne les méthodes, je ne peux accepter le principe d’ambassades franco-allemandes, ou franco-tartampionnes. Nos ambassades ont pour mission de défendre nos propres intérêts, et non des intérêts multiples. Cette réforme est en outre anticonstitutionnelle, car un avis du Conseil d’État rappelle que les ambassadeurs relèvent directement du Chef de l’État : ils ne sauraient donc être également placés sous une autorité étrangère.

Il faut arrêter la confusion des genres et maintenir nos ambassades ! Nos intérêts ne sont pas ceux des Allemands, ni des Britanniques. Ne laissons à personne d’autre que nous le soin de défendre nos intérêts !

Quant au développement du multilatéralisme, son inconvénient est de réduire la visibilité de notre action, notamment dans le domaine de l’aide publique au développement. Il faut donc en revenir à un bilatéralisme actif.

S’agissant maintenant de la politique étrangère de la France en tant que telle, nous avons tenu notre rang en Syrie, en Géorgie, au Proche et au Moyen-Orient, mais aussi face à la crise financière internationale. C’est que nous avons bénéficié d’une présidence active, qui a « tiré » les autres pays européens, au lieu de se mettre à leur remorque, et qui est passée outre à toutes les procédures oiseuses d’une Commission européenne totalement décalée.

Nous avons ainsi constaté que la France est entendue lorsqu’elle s’exprime, et qu’elle peut entraîner les autres. Au demeurant, chacun connaît la solution : plus la France est indépendante, plus l’Europe l’est également, et moins elle est indépendante, plus l’Europe est américaine, voire absente. Nous devons donc préserver coûte que coûte notre indépendance. Vous qui êtes la voix de la France, monsieur le ministre, vous devez vous exprimer en toute indépendance.

C’est d’ailleurs pour cette raison que le retour au sein de l’OTAN est une faute diplomatique. Il ne s’agit pas d’un problème strictement militaire, car nous sommes aujourd’hui en mesure de coopérer « à la carte » avec qui nous le souhaitons. Comme l’indiquait l’ancien secrétaire à la défense américain Donald Rumsfeld, pour une fois avec raison, c’est la mission qui commande la coalition, et non l’inverse. Nous n’avons donc aucun besoin de revenir au sein de l’OTAN. En revanche, nous perdrons toute crédibilité dans le monde, car cela suscitera la confusion, les États-Unis restant ce qu’ils sont, n’en déplaise à leur nouveau Président.

M. le président Didier Migaud. Vos propos montrent bien que vous jouissez d’une liberté d’expression totale, mon cher collègue.

La procédure retenue permet à un plus grand nombre de députés d’intervenir, et cela dans les conditions de la séance publique : il y a en effet un compte rendu, et la réunion est retransmise par la chaîne parlementaire, ce qui assure toute la publicité requise.

M. Jean-Michel Boucheron. On se croirait pourtant à une commission d’équipement d’un conseil général !

M. le président Didier Migaud. La qualité de nos travaux dépend de nos interventions. Cela relève de notre responsabilité. À nous de nous hisser au niveau qu’il convient.

Bien des intervenants ayant évoqué les États-Unis ce matin, permettez-moi de rappeler l’importance des travaux qui sont menés au sein des commissions de la Chambre des représentants et du Sénat américain. Les débats qui y ont lieu ont tout de même de l’allure !

Il faut trouver, j’en conviens, un bon équilibre entre ce qui relève du débat dans l’hémicycle, et ce qui relève des travaux des commissions, mais nous ne pouvons pas non plus nous satisfaire des conditions du débat dans l’hémicycle : le fait que des orateurs se succèdent sans toujours attendre la réponse à leurs questions ne correspond pas nécessairement à notre conception de la démocratie parlementaire.

La formule retenue n’est certainement pas encore la meilleure que l’on puisse imaginer, mais il faut continuer à progresser, et faire en sorte qu’il y ait de vrais débats dans l’hémicycle, et non une simple succession d’interventions. J’espère que nous arriverons à trouver un consensus à l’occasion de la réflexion qui a été engagée sur la modification de notre règlement intérieur.

Cela étant, permettez-moi de rappeler que nous ne débattons pas aujourd’hui de la politique étrangère de la France, mais du budget, même si son examen est l’occasion d’évoquer les politiques menées.

Je rappelle enfin que la LOLF vous autorise à présenter des amendements, monsieur Myard, et que vous disposerez du temps nécessaire pour les défendre en séance publique.

M. François Rochebloine. J’ai profité de mon déplacement au Sénégal, la semaine dernière, dans le cadre de la Commission nationale pour l’élimination des mines antipersonnel, pour me rendre dans des lycées français, et j’ai assisté à l’inauguration du consulat de Dakar. Je tiens d’ailleurs à rendre hommage au personnel, de grande qualité, qui accomplit un travail remarquable sur place.

Le sénateur Adrien Gouteyron avait également fait le déplacement, mais au titre de la RGPP, visiblement dans le but de « gratter » encore quelque chose. Or il serait inadmissible de réduire encore les effectifs ! Il faut au contraire les préserver. Songeons qu’il y a plus de 200 demandes de visas par jour dans ce pays. Mieux vaudrait que les efforts de la RGPP portent sur Bercy !

M. le président Didier Migaud. On peut formuler un certain nombre de critiques à l’égard de la RGPP, mais elle porte également sur Bercy.

En outre, personne ne peut reprocher à l’exécutif et au législatif de s’interroger régulièrement sur la pertinence des politiques menées. C’est un bon exercice. La politique est une question de choix et de priorités.

La RGPP ouvre des sujets et débouche sur des propositions. Nous devons nous en saisir et entendre ceux qui ont mené des audits ou des évaluations. Le reproche que l’on peut sans doute adresser à la RGPP est de laisser entendre a priori qu’il y a trop de dépenses ou trop de fonctionnaires. C’est pourquoi nous avons besoin de mener des débats contradictoires.

Vous savez très bien, monsieur Rochebloine, qu’un budget n’est pas la somme de toutes les demandes. Si l’on additionnait tout ce que les uns et les autres demandent, nous atteindrions un déficit bien supérieur à 50 milliards d’euros. Je m’étonne d’ailleurs que tous les ministres affirment, en réponse aux questions d’actualité, que leur budget augmente. C’est parfois un peu surprenant.

M. Bernard Carayon. J’aimerais savoir ce que le ministre attend de la création d’une direction de la mondialisation.

Cette structure pourrait notamment être chargée de placer stratégiquement nos experts et nos diplomates dans les organisations internationales, qu’elles soient de nature politique ou technique. Nous manquons en effet d’une véritable stratégie dans ce domaine.

Nous avons également besoin d’un observatoire des mauvaises pratiques commerciales. Les difficultés que nos entreprises rencontrent sur les marchés mondiaux et la triche de certains de nos concurrents, qui ne respectent pas toujours leurs engagements, devraient nous inciter à faire preuve de plus d’exigence et de réactivité à leur égard.

En outre, il faudrait mieux prendre en compte les nouveaux acteurs de la mondialisation. Le temps où n’intervenaient que des États et des organisations internationales est loin derrière nous. Il faut désormais compter avec les think tanks, qui disposent souvent de moyens considérables, avec les ONG, dont l’action influe parfois sur l’image et sur la compétitivité de nos entreprises, et enfin avec les fonds financiers, qui ne se réduisent pas aux seuls fonds souverains.

Ces trois pistes de réflexion correspondent-elles avec les missions de la nouvelle direction de la mondialisation ?

En dernier lieu, il me semblerait utile que le ministère tisse des liens plus étroits avec les associations et les fondations qui ont choisi de se spécialiser sur les questions liées à la mondialisation. Je précise que cela ne nécessiterait pas forcément des ressources financières supplémentaires.

Ma deuxième question portera sur notre représentation permanente à Bruxelles. Chacun connaît sa qualité, mais j’aimerais savoir si vous comptez améliorer encore ses relations avec les entreprises françaises. Les grands groupes, mais aussi les PME, ont besoin de plus de conseils, d’un plus grand accompagnement dans leurs démarches auprès des instances communautaires, de relais plus puissants et d’un effet de réseau plus fort.

M. le ministre. Monsieur Boucheron, je réponds, en même temps qu’à vos questions, à celles de M. Garrigue, qui portent sur les mêmes points.

Sur la sécurité en Europe, la rencontre entre le Président Sarkozy et le Président Medvedev à Évian a été une occasion de commencer à répondre, comme la France s’y était engagée, à la déclaration du Président russe. Nous avons également rencontré à cette occasion M. Tadic, Président de Serbie. Le Président de la République a proposé à M. Medvedev l’organisation d’un sommet de l’OSCE en 2009. Nous travaillons sur l’idée d’un espace de sécurité en Europe, proposée par le Président russe. Cette question recoupe bien évidemment celle de l’OTAN. Nous avons maintenu le dialogue avec la Russie. Le 14 novembre se tiendra à Nice la rencontre Union européenne-Russie, dans le cadre du premier partenariat. Pour ce qui est du deuxième partenariat, élargi et plus précis, les rencontres n’ont pas été supprimées, mais déplacées, et nul ne songe à s’y soustraire.

Quand on parle de l’OTAN, il faut tenir compte de la réalité et ne pas s’abandonner à ses fantasmes. La France a été la première à dire qu’il fallait continuer à parler avec la Russie, et nous le faisons très largement – et pas seulement, monsieur Myard, à la triste occasion de cette crise en Géorgie, mais parce que la Russie, qui est notre voisine, est un grand pays et modifie toute sa structure depuis vingt ans et que, si nombreuses que soient les critiques qu’on peut formuler à son égard, il faut aussi nous féliciter de cette évolution. Le langage de M. Poutine est certes souvent difficile à accepter, tout comme la politique de force. Il nous faut toutefois rester conscients aussi que les frontières imposées aux Russes – avec notre accord – par leurs propres dirigeants, M. Eltsine et M. Gorbatchev, ne leur conviennent pas, car la Crimée, Sébastopol et Kiev représentent beaucoup pour eux. Ce n’est pas le cautionner que de le dire. Nous en tenons compte – et peut-être un peu trop pour le Président de la République. De même, les pays qui ont rejoint récemment l’Europe des Vingt-Sept ne peuvent pas avoir la même attitude que nous, car ils ont vécu du temps de l’Union soviétique un vrai martyre, et nous n’étions pas de leur côté, trop heureux en quelque sorte d’être à l’abri de l’autre côté du mur de Berlin. Ces pays n’ont pas la même psychologie ni la même expérience historique. Les pays Baltes vont très certainement réagir à la position que nous présentons dans l’Agenda transatlantique et nous exprimer leur désaccord pour une reprise des relations avec la Russie – ce qui ne sera sans doute pas le cas de la Pologne. Les vingt-sept pays membres ont une histoire différente et il est plus facile de maintenir l’unité dans la crise. Ce que nous avons fait à propos de la Géorgie est tout à fait inédit, mais la question des relations avec la Russie ne manquera pas de soulever des protestations.

La proposition de M. Medvedev est bien acceptée et nos rapports avec la Russie sont francs. Si la France n’avait pas exercé la présidence, la situation de la Géorgie aurait été beaucoup plus difficile. Les troupes russes seraient depuis longtemps à Tbilissi et auraient chassé le gouvernement de M. Saakachvili.

Même si les choses ne seront pas forcément comme on le croit, l’élection de M. Obama représente un grand changement. M. Obama est l’héritier du combat des droits civiques et, si ce n’est pas parce qu’il est noir qu’il est un bon Président, il faut tout de même noter qu’il est noir. Mais c’est bien parce qu’il est bon qu’il a été élu, parce qu’il représentait de formidables propositions et un changement total de notre vision : nous retrouvons l’Amérique que nous aimons. Sa personnalité même apporte une expérience que nous n’aurions pas pensé voir aussi vite. Souvenez-vous du film Devine qui vient dîner ce soir ? de Stanley Kramer, avec Sidney Poitier, en 1967 : une bonne famille américaine rejette sa fille qui veut épouser un Noir. C’était hier ! Les choses sont allées très vite et je salue l’efficacité de la démocratie américaine.

Pour ce qui concerne l’Iran, il est évident qu’il faut dialoguer, et c’est précisément ce que déclare M. Obama. Nous y sommes allés, mais il ne s’est rien passé. J’ai rencontré voilà quelques jours M. Ali Larijani, président du Parlement iranien et opposant à M. Ahmadinejad, mais il n’en est rien sorti. Sans doute les Iraniens veulent-ils dialoguer d’abord avec les Américains, mais l’espace de discussion iranien ne permet pas actuellement un vrai dialogue, qui doit être institutionnalisé et, en quelque sorte, externalisé. On nous propose en effet toujours de poursuivre le dialogue à Téhéran, mais nous avons un petit problème par rapport à M. Ahmadinejad et il nous faut donc attendre les élections. Je me suis souvent rendu en Iran et j’ai constaté, en parlant avec eux, l’attraction des étudiants pour l’Amérique, que vous évoquez. Toujours est-il que les élections, relativement contrôlées, mais sans doute pas toujours complètement truquées, amènent à chaque fois au pouvoir le parti des ayatollahs. Nous rencontrons M. Larijani ou M. Velayati, mais toutes les élections ont renforcé le pouvoir de M. Ahmadinejad. Je rappelle que le délégué américain participait à la dernière réunion tenue à Genève, mais que cela n’a encore rien donné. Nous continuerons cependant le dialogue, car nous ne voulons pas qu’il n’y ait que des sanctions.

À ce propos, un mot de la triche : pendant que nos entreprises s’abstiennent d’investir en Iran pour se conformer aux sanctions, certains de nos amis Européens le font.

M. Jacques Myard. Il faut investir !

M. le ministre. Non, il ne faut pas le faire dès lors que des sanctions ont été décidées collectivement.

M. Jacques Myard. Les sanctions, c’est l’échec d’une politique ! Les Américains ont décrété une cinquantaine de boycotts et d’embargos à travers le monde et ils se prennent les pieds dans le tapis.

M. le ministre. Et l’Afrique du Sud ?

M. Jacques Myard. C’est le seul exemple !

M. le ministre. C’est pour cela que je le cite. Sans être, tant s’en faut, partisan des sanctions, il me semble que celles qui visaient précisément le système bancaire ou certains riches Iraniens ont eu un certain succès. Je n’en reste pas moins profondément favorable au dialogue, que je m’efforce de mener, jusqu’à ces jours-ci – mais nous avons été déçus.

Quant à l’OTAN, il n’y a pas lieu de faire une fixation. Au Kosovo, j’ai travaillé avec l’OTAN et n’ai pas senti de marque américaine. En fait, nous n’employions même pas les Américains – sauf deux fois, dont une à Mitrovica, où nous avons vite arrêté de le faire. Les vingt-cinq autres pays participants suffisaient largement. En Afghanistan, deux opérations se sont succédé – Enduring freedom et l’International Security Assistance Force, ou ISAF. Bien que cela soit techniquement très difficile, je suis très partisan d’un commandement commun.

Vous aurez le 15 décembre une surprise en matière de défense européenne. Le Président de la République a déclaré que, s’il n’y avait pas d’avancée en la matière, la France ne réintégrerait pas la totalité des structures de l’OTAN – cela ne concerne, en pratique, que la planification stratégique, car nous participons déjà à toutes les autres opérations.

M. Jacques Myard. À la carte !

M. le ministre. Rien ne nous oblige jamais à participer à une opération de l’OTAN. Les opérations en Afghanistan et au Kosovo, quant à elles, relèvent du Conseil de sécurité des Nations unies, au titre du chapitre VII de la Charte des Nations unies. Le Président de la République a répété devant les officiers réunis à la Porte de Versailles pour la présentation des plans stratégiques de l’armée que l’adhésion de la France à l’OTAN était subordonnée aux progrès de la défense européenne. Sans préjuger de ce que pourrait vous dire le ministre de la défense, je sais que ces progrès en matière de défense, de coordination des forces et de démarches communes vous étonneront. Nous verrons bien lors du sommet de l’OTAN qui doit se tenir à Strasbourg-Kehl. Pour l’instant, le seul geste que nous ayons fait a été de refuser le plan d’action pour l’adhésion – le MAP – pour l’Ukraine et la Géorgie.

Il faut bien évidemment dialoguer avec le nouveau Président américain à propos de l’OTAN et revoir cette stratégie. Le monde a changé et n’est plus séparé en deux. Nous ne sommes plus face aux forces du Pacte de Varsovie.

Il n’est pas question, monsieur Guibal, de négliger la scolarisation des enfants étrangers, qui est bien notre meilleur vecteur d’influence, mais il ne faut pas inventer l’argent que vous n’avez pas. On ne peut pas dire à la fois que nous allons rééquilibrer notre budget et cesser de vivre à crédit et, dans le même temps, que nous voulons plus d’argent pour nos ministères. J’ai pris le parti d’accepter la réduction de mon budget, qui était la risée de tous, et je participe, en discussion avec les agents, à une réduction aussi humaine que possible du nombre de postes. La suppression prévue de 700 équivalents temps plein sera absorbée par les 900 départs en retraite qui interviendront dans les trois prochaines années, pour lesquels 200 postes seulement seront renouvelés. Je connais bien des services de mon ministère où les gens travaillent jusqu’à minuit, mais aussi d’autres services où les agents sont peut-être un peu trop nombreux pour les tâches à accomplir. Nous nous efforcerons d’harmoniser ensemble la situation. Cela dit, monsieur Guibal, je ne serais pas opposé à un budget plus généreux.

Je précise en outre que nous n’avons pas d’ambassade commune avec l’Allemagne, pas même à Maputo ou au Bangladesh, où les deux ambassades, qui ont des murs communs, ont bien deux portes distinctes. Nous établirons en revanche, au nom des accords de Schengen, des consulats communs.

M. Jacques Myard. C’est une faute ! Les consulats ont des missions économiques, et vous pouvez être certain que nos amis Allemands ne nous feront pas de cadeaux dans le domaine commercial.

M. le ministre. Le lycée de Pékin est un bon exemple de la nécessité d’un financement différent, auquel le secteur public participe. Mme Lagarde et moi-même avons donc prévu une réunion entre les possibles bailleurs de fonds du secteur privé intéressés à la présence française en Chine, et je m’en félicite.

Pour ce qui est des partenariats public-privé, nous avons essayé de déléguer la gestion aux entreprises, ce qui n’est pas toujours facile. Un tel partenariat est engagé avec succès pour l’ambassade de France à Tokyo.

Pour la carte géographique, de nombreuses initiatives sont engagées.

Quant aux constructions neuves, la question est vaste.

Pour le lycée de Dakar, les travaux, d’un montant de 21 millions d’euros, ont commencé en septembre. La construction du lycée d’Ho-Chi-Minh-Ville, d’un montant de 4,2 millions d’euros, a commencé au premier trimestre. Quant au lycée du Caire, qui représente 15 millions d’euros, il faudrait déjà l’agrandir, du fait du formidable appétit de français de nos amis Égyptiens, mais nous n’avons pas assez d’argent. À la suite de l’abandon du montage en contrat de partenariat, ce projet fait l’objet d’un concours d’architecture et l’étude a débuté cet été.

Le concours d’architecture pour la construction du lycée français de Vienne, d’un montant de 3 millions d’euros, devrait être lancé à la fin de cette année.

Il faut citer encore la construction de l’école Max-Marchand à Alger – où il faudrait aussi disposer de plus de fonds –, l’extension de l’école Saint-Exupéry à Madrid, pour 6,5 millions d’euros et pour laquelle la maîtrise d’œuvre sera désignée au cours de l’année, et la construction du nouveau lycée d’Ankara, pour 8,5 millions d’euros, dont la maîtrise d’ouvrage a été transférée à l’AEFE.

Monsieur Rochebloine, les réductions d’effectifs s’étaleront de la façon suivante : 190 suppressions en 2009, 255 en 2010 et 255 en 2011 – soit 700 au total. Durant cette période, 900 personnes partiront à la retraite ; un fonctionnaire titulaire sur trois ne sera pas remplacé. En ce qui concerne la répartition par programme, 315 emplois vont être supprimés dans les métiers politiques, la gestion et la coordination des actions de l’État, 135 dans les métiers consulaires, 90 dans le secteur culturel et scientifique et 160 dans la coopération. Bien sûr, je regrette l’ancien temps de la coopération, mais nous ne sommes plus dans le même monde.

Monsieur Carayon, le ministère des affaires étrangères dispose d’une mission des fonctionnaires internationaux. Il n’est pas extrêmement populaire parmi les fonctionnaires français de partir dans une organisation internationale, mais ils sont néanmoins nombreux à le faire.

Concernant les pratiques commerciales, il existe une convention de l’OCDE contre la corruption. Les agents en charge des affaires économiques dans la nouvelle direction nous aideront à agir dans ce domaine. Les nouveaux acteurs de la mondialisation sont, bien entendu, non seulement les ONG, mais aussi les agences et les fondations. Quant aux think tanks français, je serais très heureux qu’ils puissent faire rayonner notre diplomatie.

La représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne comporte une « cellule entreprises et coopération » ; mais je reconnais avec vous que le lobbying est pratiqué beaucoup plus efficacement à Bruxelles par d’autres, pour qui ce mot n’est pas péjoratif. Je suis convaincu qu’il faut prêter davantage attention à ce type d’action.

M. Bernard Carayon. Comment ?

M. le ministre. En développant l’action de cette cellule.

En ce qui concerne la République démocratique du Congo, monsieur Loncle, il n’y aura de force qu’à l’intérieur de la MONUC – dont M. Ban Ki-moon vient de demander le renforcement –, et il n’y aura d’intervention européenne – et non pas seulement française – que pour conforter la distribution de l’aide humanitaire. Pour le moment, les corridors humanitaires sont insuffisamment ouverts par la MONUC ; Alain Le Roy et M. Ban Ki-moon vont donc répartir différemment les 17 000 hommes. Les pays qui se sont déclarés prêts à intervenir, à savoir les Pays-Bas et la Belgique, le feront dans le cadre de la MONUC. Les pays européens seront certainement sollicités car M. Ban Ki-moon vient de demander 3 000 hommes supplémentaires, 2 bataillons d’infanterie, 2 compagnies de forces spéciales, 18 hélicoptères de transport. Pour notre part, nous n’avons pas fait acte de candidature ; il n’y a donc pas de budget prévu. Le général espagnol qui commandait cette force a démissionné il y a quelques jours, ne pouvant pas, par exemple, utiliser le contingent uruguayen parce que les Uruguayens, constitutionnellement, ont l’interdiction de tirer un coup de feu en dehors de leur pays. Par ailleurs, la MONUC a déjà 83 avions et hélicoptères. Pour le moment donc, nous n’avons pas l’intention d’intervenir.

M. le président Didier Migaud. Nous vous remercions, monsieur le ministre.

*

À l’issue de la commission élargie du 5 novembre 2008, la commission examine pour avis, sur le rapport de Mme Geneviève Colot, rapporteure des crédits des programmes « Action de la France en Europe et dans le monde ; Français à l’étranger et affaires consulaires », et sur le rapport de M. François Rochebloine, rapporteur des crédits du programme « Rayonnement culturel et scientifique », les crédits de la mission « Action extérieure de l’Etat » pour 2009.

Article 35 : Etat B – Mission « Action extérieure de l’Etat »

La Commission est saisie de deux amendements en discussion commune, présentés respectivement par M. Jacques Myard et par les deux rapporteurs pour avis.

M. Jacques Myard. Le présent amendement a pour objet de majorer les crédits affectés aux moyens d’actions de la France en matière culturelle et linguistique de 10 millions d’euros par une diminution des crédits consacrés à la scolarisation des élèves français dans le réseau de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE).

Il convient en effet de ne pas amoindrir les moyens d’influence bilatéraux de notre pays en matière d’apprentissage du français ou de diffusion culturelle, là où, au contraire, une action forte est nécessaire, quand nous célébrons le 50e anniversaire de la Francophonie. Or l’action culturelle et linguistique de la France subit une perte de crédits en matière de dépenses d’intervention d’environ 10 millions d’euros, passant de 70 millions d’euros en 2008 à 60 millions d’euros en 2009.

Les gains de productivité ne doivent pas être un prétexte à une érosion généralisée de notre action en faveur du français et des manifestations françaises.

On constate, en revanche, que l’accès des élèves français au réseau de l’AEFE bénéficie d’un accroissement substantiel de ses moyens de près de 20 millions d’euros, passant de 67,06 millions d’euros à 86,1 millions d’euros. Cette action en faveur de la scolarisation gratuite des enfants français entrant en classe de première n’est pas prioritaire dans la mesure où les entreprises françaises aident leurs expatriés qui ont des enfants scolarisés. Il n’est pas utile, dans la conjoncture actuelle, que la puissance publique se substitue à ces dernières au détriment de son action propre.

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis. La prise en charge des frais de scolarité pour les enfants français inscrits dans les lycées français à l’étranger entre dans sa deuxième année d’application : la gratuité s’étend aux classes de première et de seconde.

Face à cette mise en œuvre d’un généreux engagement du Président de la République, tous les observateurs ont, depuis plus d’un an, exprimé des craintes quant aux effets pervers de la mesure et tous ont appelé à son encadrement, au nom de l’équité mais aussi pour éviter que les marges de manœuvre budgétaires ne soient préemptées par ce dispositif.

Au nom de considérations élémentaires d’équité – entre familles expatriées mais aussi entre contribuables métropolitains et ressortissants expatriés –, le présent amendement propose une diminution de crédits en autorisations d’engagement et crédits de paiement de 5 millions d’euros, sur l’action « Accès des élèves français au réseau AEFE » du programme « Français à l’étranger et affaires consulaires », dotée de 86,1 millions d’euros pour 2009, dont 30 millions d’euros pour la seule mesure de gratuité. Cette diminution correspond à la mise en œuvre immédiate, par l’AEFE et sa tutelle, d’un double plafonnement :

– un plafonnement en fonction des revenus bruts des familles, à hauteur de 150 000 euros annuels par foyer ;

– un plafonnement en fonction du montant des droits de scolarité, en n’excluant aucun type d’établissement pourvu qu’il soit au moins homologué, mais en ne prenant pas en charge les écolages au-delà de 8 500 euros annuels par élève, qui est aujourd’hui le montant le plus élevé demandé dans un lycée en gestion directe (8 407 euros en 2008-2009 pour le lycée Van Gogh de La Haye, en l’occurrence).

Cet encadrement est parfaitement cohérent avec celui évoqué par le ministre des affaires étrangères et européennes au cours de la commission élargie sur la mission « Action extérieure de l’Etat » : il devrait permettre une économie de l’ordre de 5 millions d’euros, somme que l’amendement propose d’affecter sur l’action 5 « Service public d’enseignement à l’étranger » du programme « Rayonnement culturel et scientifique ».

L’autonomie financière de l’opérateur qu’est l’AEFE implique que la subvention du budget de l’État soit globalisée. Pour autant, les auteurs de l’amendement souhaitent que l’augmentation de cette dotation de 5 millions d’euros soit consacrée au programme immobilier de l’Agence qui, depuis qu’elle a repris de l’État la compétence immobilière pour le réseau des lycées français, se trouve confrontée à un réel manque de moyens dans ce domaine. 30 millions d’euros sont nécessaires chaque année, charge assumée par l’AEFE, les parents d’élèves à travers les droits de scolarité… et non plus par l’État qui s’est dessaisi de cette compétence.

J’ai ainsi pu constater, à l’occasion d’un récent déplacement au Sénégal, que la construction en cours d’un nouveau lycée à Dakar allait coûter 20 millions d’euros, pour une estimation initiale de 15 millions d’euros, et que cette dépense devait être couverte par l’AEFE à hauteur de 6 millions d’euros, sur les réserves de l’établissement scolaire à hauteur de 3 millions d’euros, et par l’emprunt pour le reste du financement. L’augmentation du coût de l’opération accroît considérablement le recours à l’emprunt, ce qui inquiète les parents d’élèves.

Je précise que cet amendement, co-signé par Mme Colot, est soutenu par de nombreux collègues, parmi lesquels M. Roatta et Mme Aurillac.

Mme Geneviève Colot, rapporteure pour avis. L’amendement de M. Myard vise à réduire de 10 millions d’euros les crédits destinés à la prise en charge des frais de scolarité des élèves français des classes de terminale et de première et d’abonder de la même somme les crédits du programme « Rayonnement culturel et scientifique », au bénéfice de l’action culturelle et linguistique.

Il ne me semble pas opportun de réduire de 10 millions d’euros les crédits de prise en charge des frais de scolarité qui devraient s’élever en 2009 au total à environ 30 millions d’euros, les 56 millions d’euros restant sur cette action étant destinés aux bourses accordées pour raisons sociales. M. Myard ne précise d’ailleurs pas comment cette diminution de crédits devrait être répercutée sur la prise en charge des frais de scolarité, mesure dont il semble contester entièrement le bien-fondé : soit il veut mettre un terme à ce dispositif, et il faut alors réduire ces crédits de 30 millions d’euros, soit, comme M. Rochebloine et moi-même le proposons dans notre amendement, il veut seulement obtenir que cette prise en charge soit plafonnée, et la réduction des crédits de 10 millions d’euros est trop élevée.

Par ailleurs, je préfère que les crédits pris sur le programme « Français à l’étranger et affaires consulaires » et redéployés sur le programme « Rayonnement culturel et scientifique » restent affectés à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, dont le besoin de financement dépasse la subvention prévue, en particulier dans le domaine immobilier, dans la mesure où l’Agence doit assumer les coûts de construction et d’entretien des établissements qui lui ont été confiés.

Je suis donc défavorable à l’amendement de M. Myard, auquel je préfère celui que je présente avec M. Rochebloine.

La Commission rejette l’amendement de M. Jacques Myard, puis adopte à l’unanimité l’amendement de M. François Rochebloine et de Mme Geneviève Colot (amendement n° II-264).

Suivant les conclusions des deux rapporteurs pour avis, la Commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l’Etat » pour 2009, ainsi modifiés.

AMENDEMENT ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

Amendement présenté par Mme Geneviève Colot et M. François Rochebloine, rapporteurs pour avis :

Article 35

État B

Mission « Action extérieure de l’État »

Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement

(en euros)

Programmes

+

-

Action de la France en Europe et dans le monde

dont Titre 2 Dépenses de personnel

0

0

0

0

Rayonnement culturel et scientifique

dont Titre 2 Dépenses de personnel

5 000 000

0

0

0

Français à l’étranger et affaires consulaires

dont Titre 2 Dépenses de personnel

0

0

5 000 000

0

TOTAUX

5.000.000

5.000.000

SOLDE

0

Exposé sommaire

La prise en charge des frais de scolarité pour les enfants français inscrits dans les lycées français à l’étranger entre dans sa deuxième année d’application : la gratuité s’étend aux classes de première et de seconde.

Face à cette mise en œuvre d’un généreux engagement du Président de la République, tous les observateurs ont, depuis plus d’un an, exprimé des craintes quant aux effets pervers de la mesure et tous ont appelé à son encadrement, au nom de l’équité mais aussi pour éviter que les marges de manœuvre budgétaires ne soient préemptées par ce dispositif.

Au nom de considérations élémentaires d’équité – entre familles expatriées mais aussi entre contribuables métropolitains et ressortissants expatriés –, le présent amendement propose une diminution de crédits en autorisations d’engagement et crédits de paiement de 5 millions d’euros, sur l’action « Accès des élèves français au réseau AEFE » du programme « Français à l’étranger et affaires consulaires », dotée de 86,1 millions d’euros pour 2009, dont 30 millions d’euros pour la seule mesure de gratuité. Cette diminution correspond à la mise en œuvre immédiate, par l’AEFE et sa tutelle, d’un double plafonnement :

– un plafonnement en fonction des revenus bruts des familles, à hauteur de 150 000 euros annuels par foyer ;

– un plafonnement en fonction du montant des droits de scolarité, en n’excluant aucun type d’établissement pourvu qu’il soit au moins homologué, mais en ne prenant pas en charge les écolages au-delà de 8 500 euros annuels par élève, qui est aujourd’hui le montant le plus élevé demandé dans un lycée en gestion directe (8 407 euros en 2008-2009 pour le lycée Van Gogh de La Haye, en l’occurrence).

Bien que la rentrée scolaire 2008-2009 ait déjà eu lieu dans les pays obéissant au « rythme nord », l’encadrement proposé est tout à fait applicable dès à présent car l’instruction de l’AEFE relative à la prise en charge prend soin de préciser que « la prise en charge de la scolarité ne constitue pas un droit pour les familles dans la mesure où elle s’inscrit dans un cadre budgétaire limité » et que les frais couverts « peuvent être plafonnés en cas de contrainte budgétaire pesant sur la dotation allouée au dispositif ».

Par ailleurs, il est proposé d’augmenter les crédits de l’AEFE, sur l’action 5 « Service public d’enseignement à l’étranger » du programme « Rayonnement culturel et scientifique ». L’autonomie financière de l’opérateur qu’est l’AEFE implique que la subvention du budget de l’État soit globalisée. Pour autant, les auteurs de l’amendement souhaitent que l’augmentation de cette dotation de 5 millions d’euros soit consacrée au programme immobilier de l’Agence qui, depuis qu’elle a repris de l’État la compétence immobilière pour le réseau des lycées français, se trouve confrontée à un réel manque de moyens dans ce domaine. 30 millions d’euros sont nécessaires chaque année, charge assumée par l’AEFE, les parents d’élèves à travers les droits de scolarité… et non plus par l’État qui s’est dessaisi de cette compétence.

Ces deux mouvements de crédits sont l’un comme l’autre nécessaires pour mener à bien le plan de développement du réseau des lycées français à l’étranger, une ambition qui figure expressément dans la lettre de mission du ministre des Affaires étrangères et européennes.

AMENDEMENT NON ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

Amendement présenté par M. Jacques Myard :

Article 35

État B

Mission « Action extérieure de l’État »

Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement

(en euros)

Programmes

+

-

Action de la France en Europe et dans le monde

dont Titre 2 Dépenses de personnel

0

0

0

0

Rayonnement culturel et scientifique

dont Titre 2 Dépenses de personnel

10 000 000

0

0

0

Français à l’étranger et affaires consulaires

dont Titre 2 Dépenses de personnel

0

0

10 000 000

0

TOTAUX

10.000.000

10.000.000

SOLDE

0

Exposé sommaire

Le présent amendement a pour objet de majorer les crédits affectés aux moyens d’actions de la France en matière culturelle et linguistique de 10 millions d’euros par une diminution des crédits consacrés à la scolarisation des élèves français dans les AEFE.

Il convient en effet de ne pas amoindrir les moyens d’influence bilatéraux de notre pays en matière d’apprentissage du français ou de diffusion culturelle qui a besoin d’une action forte au contraire alors que nous célébrons le 50e anniversaire de la Francophonie. Or l’action culturelle et linguistique de la France subit une perte de crédits en matière de dépenses d’intervention d’environ 10 millions d’euros, passant de 70 millions en 2008 à 60 millions d’euros en 2009.

Les gains de productivité ne doivent pas être un prétexte à une érosion généralisée de notre action en faveur du français et des manifestations françaises.

On constate, en revanche, que l’accès des élèves français aux AEFE bénéficie d’un accroissement substantiel de près de 20 millions d’euros, passant de 67,06 millions d’euros à 86,1 millions d’euros. Cette action en faveur de la scolarisation gratuite des enfants français entrant en classe de première n’est pas prioritaire dans la mesure où les entreprises françaises aident leurs expatriés qui ont des enfants scolarisés. Il n’est pas utile, dans la conjoncture actuelle, que la puissance publique se substitue à ces dernières au détriment de son action propre.

AUDITIONS DU RAPPORTEUR

(par ordre chronologique)

– M. Frédéric Bouilleux, directeur de la langue française et de la diversité culturelle et linguistique à l’Organisation internationale de la francophonie

– M. Alain Catta, directeur des Français à l’étranger et des étrangers en France au ministère des Affaires étrangères et européennes

− M. Éric Lamouroux, sous-directeur des Affaires sociales, de l’expatriation et de la maison des Français de l’étranger

– M. Christian Philip, représentant personnel du Président de la République pour la francophonie

− M. Marcel Escure, chef du service des Affaires francophones au ministère des Affaires étrangères et européennes

– Mme Anne-Marie Descôtes, directrice de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger

– Mme Anne Giami, directrice adjointe de l’AEFE

− Mme Anne Gazeau-Secret, directrice générale de la Coopération internationale et du développement au ministère des Affaires étrangères et européennes

– M. Olivier Richard, chef du service des Moyens et du réseau

– M. Alain Fohr, sous-directeur de la coopération culturelle et artistique

– M. Bertrand Fort, chargé de mission à la direction générale

– Mme Sophie Hubert, chef du bureau de la programmation et du budget

– M. le professeur André Siganos, directeur général de CampusFrance

– M. Éric François, secrétaire général

– Mme Séverine Golaz, responsable de l’administration et des finances

– Mme Victoire Bidegain Di Rosa, conseillère pour les relations culturelles au cabinet du ministre des Affaires étrangères et européennes

− Mme Aurélia Lecourtier-Gegout, conseillère budgétaire au cabinet

− M. Jean-Baptiste Lesecq, sous-directeur du budget

– M. Olivier Poivre d’Arvor, directeur de CulturesFrance

– M. Bernard Latarjet, directeur général de « Marseille-Provence 2013, capitale européenne de la culture ».

– Les personnels de direction et les représentants des parents d’élèves des établissements suivants, au Sénégal : le lycée Jean-Mermoz de Dakar, l’institution Sainte-Jeanne-d’Arc de Dakar et l’école François-Rabelais de Ziguinchor.

© Assemblée nationale

1 () La modernisation de l’outil diplomatique : réflexions et propositions en contrepoint du Livre blanc et de la RGPP, rapport d’information de M. Jean-François Mancel, Rapporteur spécial au nom de la commission des Finances, doc. AN n° 0167, juillet 2008.

2 () Voir en annexe la liste des auditions de votre Rapporteur.

3 () Cette mesure est détaillée infra, page 27.

4 () Avis n° 1201, tome I.

5 () Michel Bouvard, Jean-Pierre Brard, Thierry Carcenac et Charles de Courson, La LOLF et ses acteurs, Rapport d’information sur la mise en œuvre de la LOLF, doc. AN n° 1058, 16 juillet 2008.

6 () La déclaration peut être téléchargée à l’adresse suivante : http://www.francophonie.org/doc/txt-reference/decl-quebec-2008.pdf

7 () Brigitte Salino, « Le théâtre francophone au cœur des interrogations budgétaires », Le Monde, 30 septembre 2008.

8 () Décret n° 2007-1796 du 19 décembre 2007 relatif à la cotisation et à la contribution dues pour la couverture des charges de pensions et allocations temporaires d’invalidité des fonctionnaires de l’État, des magistrats et des militaires détachés ainsi que des agents des offices ou établissements de l’État dotés de l’autonomie financière.

9 () Le présent projet de loi de finances prévoit de renommer ce programme en Français de l’étranger et affaires consulaires. Voir le rapport précité de notre collègue Geneviève Colot, doc. AN n° 1201, tome I.

10 () Conformément à un décret du 30 août 1991 et à une instruction générale annuelle de l’AEFE, des bourses sont attribuées sous condition de ressources aux enfants français résidant avec leur famille à l’étranger ; elles peuvent couvrir certains frais parascolaires : manuels, fournitures, demi-pension, transport.

11 () Décret n° 76-832 du 24 août 1976 relatif à l’organisation financière de certains établissements ou organismes de diffusion culturelle dépendant du ministère des affaires étrangères et du ministère de la coopération.

12 () Agence pour la diffusion de l’information technologique, opérateur secondaire du programme Rayonnement culturel et scientifique.

13 () Proposition de loi relative à la création de l’Établissement public CulturesFrance, adoptée par le Sénat le 13 février 2007 (texte adopté n° 71 [2006-2007]).