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N° 1203

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 octobre 2008.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2009 (n° 1127),

TOME V

JUSTICE ET ACCÈS AU DROIT

PAR M. Jean-Paul GARRAUD,

Député.

Voir le numéro : 1198 (annexe 28).

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, les réponses devaient parvenir au rapporteur au plus tard le 10 octobre 2008.

À cette date, la totalité des réponses a été transmise. Votre rapporteur félicite donc la Chancellerie.

INTRODUCTION 5

I.– LA MODERNISATION DU MINISTÈRE 7

A. LA RÉFORME DE LA CARTE JUDICIAIRE 7

1. Les conséquences pour le personnel concerné 7

2. Les conséquences immobilières 9

B. L’INFORMATISATION CROISSANTE DU MINISTÈRE 10

1. Les systèmes d’information 10

2. La dématérialisation des procédures 12

C. LA RÉFORME DE L’ÉCOLE NATIONALE DE LA MAGISTRATURE 14

1. La réforme 14

2. La mise en œuvre de la réforme 15

II.– LA JUSTICE JUDICIAIRE 17

A. LES DÉPENSES DE PERSONNEL 20

1. L’évolution des emplois 20

2. L’évolution des traitements et des primes 25

B. L’ÉVOLUTION DES DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT : LA DÉLICATE MAÎTRISE DES FRAIS DE JUSTICE 28

1. Une progression contenue 28

2. Une meilleure maîtrise de l’exécution des frais de justice 32

C. L’ACTIVITÉ DES JURIDICTIONS JUDICIAIRES 34

1. L’activité judiciaire civile 34

2. L’activité judiciaire pénale 37

III.– L’ACCÈS AU DROIT ET À LA JUSTICE 41

A. L’ÉVOLUTION DE L’AIDE JURIDICTIONNELLE 42

1. La stabilisation du nombre des bénéficiaires 43

2. La répartition par type de contentieux 43

3. Des améliorations récentes 44

B. LES CRÉDITS EN FAVEUR DE L’ACCÈS AU DROIT, DE LA MÉDIATION FAMILIALE ET DE L’AIDE AUX VICTIMES 45

1. L’aide aux victimes 45

2. Le développement de l’accès au droit 48

3. La médiation familiale 49

IV.– LA CONDUITE ET LE PILOTAGE DE LA POLITIQUE DE LA JUSTICE ET LES ORGANISMES RATTACHÉS 51

A. UNE STABILISATION DES EFFECTIFS ET DES MOYENS DE L’ADMINISTRATION CENTRALE 52

B. LA RÉFORME DE L’ADMINISTRATION CENTRALE 52

1. La réorganisation de l’administration centrale 52

2. La création d’un porte-parole du ministre 53

3. La création d’un comité de gouvernance des systèmes d’information 53

EXAMEN EN COMMISSION 55

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR 77

MESDAMES, MESSIEURS,

Alors que le projet de loi de finances prévoit que budget total de l’État pour 2009 ne progresse que de 2 %, celui de la Justice augmente de 2,6 % en crédits de paiement, après une hausse de 4,5 % en 2008, de 5 % en 2007, de 4,6 % en 2006 et de 4 % en 2005. Il s’élève ainsi, au total, à 6,66 milliards d’euros, ce qui représente 2,4 % du budget de l’État, contre 1,69 % en 2002. Depuis 2002, le budget de la Justice a donc augmenté de près de 2 milliards d’euros. Cette priorité de l’actuelle législature marque la volonté du Gouvernement de poursuivre l’effort entrepris pour renforcer les fonctions régaliennes de l’État.

Par ailleurs, le Gouvernement a engagé la nécessaire refonte de la carte judiciaire. La réforme sera mise en œuvre d’ici à 2011. Premier élément de cette réforme, des pôles de l’instruction ont été installés depuis mars 2008 dans les juridictions importantes. Après la réforme de la carte des conseils de prud’hommes, devrait être entreprise la réforme de la carte des tribunaux d’instance ainsi que celle des tribunaux de commerce. Au 1er janvier 2009, 78 tribunaux de commerce seront regroupés et 6 seront créés. À cette même date, 62 conseils de prud’hommes seront regroupés et un sera créé. Au 1er janvier 2010, ce sont 178 tribunaux d’instance qui seront regroupés et un sera créé. La réforme de la carte des tribunaux de grande instance interviendrait au 1er janvier 2011 : 23 d’entre eux sont concernés.

Au cours des auditions qu’il a menées, votre rapporteur a pu constater que les inquiétudes suscitées par la réforme de la carte judiciaire étaient encore importantes. Il paraît essentiel de développer l’information délivrée aux fonctionnaires et magistrats qui sont concernés, notamment si la mise en œuvre de la réforme est anticipée pour l’étaler dans le temps.

Au-delà de la réforme de la carte judiciaire, le ministère de la Justice s’est engagé dans une politique de modernisation de son organisation et de ses méthodes de travail, avec pour objectif d’être plus efficace pour mieux répondre aux attentes des justiciables. Les nouvelles technologies doivent notamment permettre aux juridictions d’être plus efficaces et de mieux répondre aux attentes des justiciables. La dématérialisation de l’intégralité des procédures permettra un fonctionnement plus efficace des juridictions, une meilleure exécution des décisions de justice, une plus grande proximité avec les justiciables.

De manière plus fondamentale, l’activité des juges doit être recentrée sur leur mission régalienne, c’est-à-dire trancher les litiges. Dans la lignée des conclusions remises par la commission présidée par le recteur Guinchard (1), des améliorations des procédures devraient être mises en œuvre.

I.– LA MODERNISATION DU MINISTÈRE

Outre la réforme majeure de la carte judiciaire, le ministère de la Justice a engagé une politique de modernisation ambitieuse, en accentuant son effort pour dématérialiser les procédures et en réformant la formation des magistrats.

A. LA RÉFORME DE LA CARTE JUDICIAIRE

La réforme de la carte judiciaire s’étend, selon la nature des juridictions concernées du 17 février 2008 (date de suppression des greffes détachés sans effectif et sans activité) au 1er janvier 2011. La mise en œuvre progressive de la réforme de la carte judiciaire doit permettre de préparer dans des conditions optimales et avec une anticipation suffisante, les évolutions de structure et de format des juridictions, tout en organisant dans le temps la prise en compte de la situation individuelle des personnels concernés.

1. Les conséquences pour le personnel concerné

Pour les conseils de prud’hommes et les tribunaux de commerce dont la fermeture est prévue à la fin de l’année 2008, les mesures induites par les regroupements sont en cours de réalisation, qu’il s’agisse de l’immobilier, des transferts des données informatiques ou des autres opérations matérielles nécessaires (tri des archives, préparation du déménagement, etc.).

a) Le calendrier

Une partie des personnels des conseils de prud’hommes supprimés a d’ores et déjà été mutée lors des commissions administratives paritaires de la fin du premier semestre 2008. D’autres demandes de mutation seront examinées au cours des commissions administratives paritaires de novembre 2008. Pour permettre aux conseils de prud’hommes concernés de fonctionner dans des conditions normales jusqu’à leur date de suppression, ces mutations prennent effet le 3 décembre 2008, au même titre que les mutations d’office des personnels rejoignant la juridiction de rattachement.

Par ailleurs, s’agissant des tribunaux de commerce, diverses mesures sont intervenues, dont notamment la définition des attributions des greffes des tribunaux de commerce créés, l’allègement des conditions d’accès des greffiers de commerce aux professions judiciaires, la suppression de l’émolument dû aux greffiers du fait des réimmatriculations et inscriptions modificatives au registre du commerce et des sociétés rendues nécessaires par la modification du ressort des juridictions commerciales.

Pour les juridictions dont le regroupement est prévu à une échéance plus lointaine (début 2010 pour les tribunaux d’instance et début 2011 pour tribunaux de grande instance) des mesures d’accompagnement de même nature seront mises en œuvre.

D’après des informations recueillies par votre rapporteur, la fermeture des tribunaux pourrait être étalée dans le temps et débuter dès 2009. Si l’étalement semble être une bonne idée, votre rapporteur souhaite que les personnels concernés puissent être informés dès que le ministère aura arrêté le calendrier de mise en œuvre de la réforme.

b) Le financement

S’agissant des magistrats et fonctionnaires concernés par la réforme de la carte judiciaire, un plan d’accompagnement social a été défini, dont les lignes directrices sont les suivantes :

—  un accompagnement individualisé des agents,

—  un reclassement en priorité au sein d’une juridiction, puis d’un autre service du ministère de la justice et, le cas échéant, dans un autre poste d’une des trois fonctions publiques ;

—  une indemnisation pour tous les personnels concernés par une mobilité du fait de la réforme de la carte judiciaire. En particulier, les personnels (magistrats, fonctionnaires et agents non titulaires de l’État recrutés pour une durée indéterminée) affectés dans l’une des juridictions supprimées bénéficieront, dans les conditions prévues par le décret n° 2008-368 du 17 avril 2008 et l’arrêté ministériel du 9 juillet 2008, de la prime de restructuration de service et d’une allocation d’aide à la mobilité du conjoint.

—  un droit à la formation,

— différentes mesures d’action sociale, dont des aides au logement (recherche et mise à disposition prioritaire de logements, aide à l’installation, prêt d’accession à la propriété). Pour l’attribution de logements sociaux, le ministère s’appuie sur plusieurs opérateurs, dont la SNI, avec laquelle des contacts particuliers ont été pris dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire. Cependant, la problématique du logement reste très résiduelle, le ministère indiquant que peu d’agents ont pour l’instant manifesté leur intention de changer de résidence familiale.

L’accompagnement social de la réforme de la carte judiciaire fait l’objet d’une enveloppe globale de 21,5 millions d’euros. En 2008, une dotation de 1,5 million d’euros a été ouverte. Pour 2009, 2 millions d’euros sont prévus puis 8 millions d’euros en 2010 et 10 millions d’euros en 2011.

Enfin, les avocats inscrits au barreau de l’un des 23 tribunaux de grande instance supprimés et qui avaient établi leur résidence professionnelle dans le ressort de l’un de ces tribunaux peuvent, en application du décret n° 2008-741 du 29 juillet 2008 bénéficier d’une aide à l’adaptation de l’exercice de leur profession aux conditions nouvelles résultant de la suppression de ces juridictions. Une enveloppe de 20 millions d’euros y sera consacrée, dont 5 millions d’euros seront versés en 2008.

2. Les conséquences immobilières

L’impact en matière immobilière de la réforme de la carte judiciaire se traduira par quelque 350 opérations de regroupement de juridictions. Le ministère indique que des études ont été menées sur la totalité des sites concernés afin de retenir le scénario immobilier le plus pertinent.

Dans la recherche des solutions immobilières, le ministère de la justice s’est attaché à respecter les orientations en matière de politique immobilière de l’État. C’est ainsi que, dans de nombreux cas, la densification et les petites restructurations à moindre coût dans des locaux existants ont été privilégiées. Par ailleurs, lorsque l’acquisition de locaux s’est révélée nécessaire, le recours à des biens domaniaux a été recherché.

Une centaine d’opérations provisoires permettront le regroupement de juridictions entre la date de suppression des juridictions prévue par les décrets et celle de la livraison des locaux définitifs lorsqu’elle dépend d’opérations lourdes. Ces opérations provisoires consistent dans la plupart des cas à « densifier » des locaux existants ou à recourir à des locations. Votre rapporteur souhaite que la « densification » des locaux existants demeure compatible avec les conditions de travail des magistrats et fonctionnaires des services judiciaires.

Le ministère a annoncé une enveloppe globale de 375 millions d’euros sur cinq ans pour financer les investissements immobiliers accompagnant les regroupements des juridictions, qui s’ajoutent aux 10,5 millions d’euros déjà financés en 2008.

Pour 2009, une enveloppe de 80 millions d’euros en autorisations d’engagement et 15 millions d’euros en crédits de paiement sur le budget de la mission « Justice » sera complétée par des crédits de 75 millions d’euros en autorisations d’engagement et 55 millions d’euros en crédits de paiement issus du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ». Ces crédits devraient permettre de financer les opérations nécessaires au regroupement des juridictions.

Le recours à des crédits provenant du compte d’affectation spéciale est conditionné par l’engagement du ministère de la justice de permettre des cessions d’immeubles d’un montant de 30 millions d’euros. Les prévisions de cessions de biens directement liés à la réforme de la carte judiciaire concernent près de 30 bâtiments appartenant à l’État, dont la valeur vénale est de 11 millions d’euros.

Il convient de signaler que les autres sites dont le ministère de la Justice n’aura plus l’utilité après la mise en œuvre de la réforme de la carte sont constitués en grande partie de locaux appartenant aux collectivités territoriales (communes et départements essentiellement) et mis gratuitement à la disposition des juridictions. Ils seront dans la plupart des cas restitués aux collectivités territoriales concernées.

B. L’INFORMATISATION CROISSANTE DU MINISTÈRE

1. Les systèmes d’information

a) Le domaine judiciaire pénal

L’application informatique Cassiopée devrait couvrir à terme près de 70 % de l'activité judiciaire pénale. Elle comportera un module de communication électronique des décisions à enregistrer au Casier judiciaire national, qui devrait réduire considérablement les délais d’inscription, en systématisant les envois, en contrôlant les données avant envoi (ce qui limitera les rejets, donc le temps perdu avant correction et enregistrement effectif) et en éliminant les délais de constitution et d'envoi postal des fiches à enregistrer ainsi que le délai de saisie propre au Casier judiciaire national.

Ce système, estimé à environ 45 millions d’euros, doit couvrir l'ensemble de la chaîne pénale et a vocation à remplacer, dans un premier temps, les applications « micro-pénale » et « mini-pénale », obsolètes, qui équipent les 174 tribunaux de grande instance de province, ainsi que des applications destinées aux juges d'instruction (winstru) et aux juges pour enfants (wineurs). Dans des versions ultérieures, Cassiopée permettra également de remplacer l'application « nouvelle chaîne pénale » (ncp), qui est également – malgré son nom – obsolète. Cette application est actuellement implantée dans les sept tribunaux de grande instance de la région parisienne, ainsi que dans les cours d'appel et les juridictions de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française. Cassiopée a été installée sur le site pilote du TGI d'Angoulême en janvier 2008, et est actuellement en cours de mise au point s'agissant du volet éditique. Sa généralisation devrait ensuite commencer au deuxième semestre 2008, pour une durée prévisionnelle d'environ 18 mois.

L’an dernier, il avait été indiqué à votre rapporteur, que 161 tribunaux (hors Île-de-France) devraient être concernés avant novembre 2009, au rythme de trois nouveaux tribunaux de grande instance par semaine. Cette année, le ministère confirme le calendrier de mise en place et indique implantation dans les 175 TGI cibles devrait être achevée à la fin de l’année 2009.

Le cahier des charges prévoit une communication de Cassiopée avec plusieurs applications :

—  le logiciel « application des peines, probation, insertion » (appi), dès 2008, le logiciel minos (infractions routières relevées par les dispositifs de contrôle automatique), courant 2009, le Casier judiciaire national (demande de bulletins n° 1 et envoi des données des pièces d’exécution), avant mars 2009 ;

—  les logiciels de la police et de la gendarmerie (Ardoise, Icare et Ariane), courant 2009

—  le Trésor public (bordereaux d’amendes), courant 2009 ;

b) Le domaine judiciaire civil

L’application portalis sera l'application principale du domaine judiciaire civil. Toutefois, ce projet n'est pas encore lancé : il doit faire l'objet d'une étude de cadrage prévue au deuxième semestre 2008. Sa réalisation sera inscrite au prochain schéma directeur informatique et télécommunications du ministère, avec un calendrier restant à préciser sur la période 2009-2013.

À l'heure actuelle, ce domaine fonctionnel est caractérisé par un très grand nombre de petites applications, installées sur des serveurs locaux, organisées en deux grandes familles :

—  la famille « WinCI », qui regroupe les chaînes civiles des tribunaux de grande instance, des cours d'appel et des conseils de prud'hommes ;

—  la famille des « x-TI », qui regroupe des applications spécialisées des tribunaux d'instance et des juridictions de proximité (citi pour la gestion des procédures, pacti pour la gestion des pacs, sati pour les saisies-arrêts, lipti pour les injonctions de payer, tuti pour les tutelles ou encore nati pour la nationalité). En 2008 a été mise en production l'application justinat, consolidant au niveau national les bases locales nati.

Outre ces deux familles, plusieurs projets importants ont été lancés en 2008 dans ce domaine, dans le cadre du partenariat signé avec la caisse des dépôts et consignations : en premier lieu, le portail du justiciable, qui a vocation à permettre à chaque internaute d'accéder à des téléprocédures spécifiques à la Justice, et à des informations personnalisées. Ce partenariat inclut également la refonte de l'application lipti pour 2009 (notamment pour permettre la communication électronique avec les huissiers et intégrer la procédure d'injonction de payer européenne) ainsi que la mise en place d'un portail Internet destiné aux tuteurs, ayant vocation à s'interfacer avec tuti.

Votre rapporteur se félicite des efforts de convergence des différentes applications utilisées par les juridictions. Des difficultés lui ont été signalées, notamment liées à des incompatibilités entre des applications de gestions des tutelles : des greffes sont contraints d’utiliser deux systèmes d’information différents pour selon le tribunal d’origine de la mesure de tutelle. Dans la perspective du regroupement des dossiers dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire, il est essentiel que les difficultés informatiques soient réglées.

2. La dématérialisation des procédures

L’effort de modernisation des systèmes d’information du ministère permet de développer la dématérialisation des procédures.

a) La dématérialisation de la mise en état civile

Dans le cadre d’un plan de développement accéléré des nouvelles technologies au sein des services judiciaires, une convention nationale sur le développement des nouvelles technologies de la communication a été signée entre la garde des Sceaux et le président du Conseil national des barreaux le 28 septembre 2007. Il s’agit de favoriser la communication électronique civile entre les tribunaux de grande instance et les cabinets d’avocat.

Au sein des tribunaux de grande instance, les dossiers en matière civile sont gérés informatiquement par l'application « wincitgi ». Elle permet l’échange de manière sécurisée d’un certain nombre de données structurées et non structurées et de documents, entre les greffes des chambres civiles des tribunaux de grande instance et les cabinets d’avocats d’un même barreau. La procédure de la mise en état des dossiers civils peut ainsi être dématérialisée.

Le « réseau privé virtuel justice » (RPVJ) pour le tribunal de grande instance est connecté de manière sécurisée au « réseau privé virtuel avocats » (RPVA). Au sein de cet intranet, un portail dénommé e-barreau permet à l'avocat de se connecter, après s'être authentifié grâce à une clef électronique sécurisée personnelle. L’avocat peut ainsi, via e-barreau, échanger des messages avec le greffe et consulter toutes les informations nécessaires sur l’état d’une procédure en cours devant le tribunal (calendrier, évènements, décisions prises…) en temps réel, ces données provenant de la chaîne informatique civile du tribunal de grande instance.

Au 31 décembre 2007, l’ensemble des tribunaux de grande instance a été doté du module de communication électronique permettant l’implantation de l’application « wincitgi » et 1 600 formations ont été dispensées aux personnels de greffes et aux magistrats. Au 9 juillet 2008, 65 conventions locales entre les tribunaux de grande instance et les barreaux ont été signées.

Ces outils informatiques vont voir leurs fonctionnalités s’enrichir régulièrement d’ici à 2010, afin d’améliorer les échanges et de poursuivre dans la voie de la dématérialisation des procédures. Ainsi, à partir décembre 2008, des évolutions du système devraient permettre à l’avocat de saisir le greffe d’une procédure en référé (en pré-saisissant les données relatives au dossier afin d’alléger les tâches de greffe) et pour mettre en place électroniquement la multi postulation dans les procédures civiles pour les tribunaux de grande instance de Paris, Nanterre, Bobigny et Créteil.

Le module de communication électronique « comci ca » de la chaîne civile est déployé au sein de 12 cours d’appel depuis le second semestre 2007. Ce module communique avec les applications informatiques des avoués et leur offre les mêmes fonctionnalités de consultation et d’échanges de données que le module fonctionnant dans les tribunaux de grande instance. Les futures évolutions de ce module propre aux cours d’appel doivent permettre sa communication avec le système e-barreau des avocats pour s’adapter à la réforme de la profession d’avoué.

b) Le partenariat entre le ministère de la Justice et la Caisse des dépôts et consignations

Le 10 juillet 2007, la Garde des Sceaux et le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations ont signé un partenariat dont l'un des objectifs est la modernisation de la justice par le développement de la dématérialisation des procédures. Dans ce cadre, plusieurs projets informatiques ont été lancés :

—  l’application lipti, qui est une application de gestion des injonctions de payer de manière dématérialisée permettant la communication électronique des requêtes en injonctions de payer de la part des huissiers de justice aux tribunaux d’instance. Les premiers sites pilote la testeront au dernier trimestre 2008 pour un déploiement à partir du mois de mars 2009 ;

—  le portail tutelle, qui est une application accessible aux tuteurs de personnes protégées pour faciliter les échanges dématérialisés avec le service des tutelles des juridictions, notamment en ce qui concerne les requêtes régulières au juge des tutelles et le dépôt annuel des comptes de gestion. Cette application doit être testée au premier semestre 2009, puis déployée à partir du second semestre 2009 ;

—  le « portail du justiciable », qui doit permettre au justiciable, via internet, de saisir toute juridiction d’une demande présentée en ligne à partir du premier trimestre 2009. Dans une première version, il s’agira de demandes à caractère administratif, puis, courant 2009, ce dispositif inclura la demande en matière d’aide juridictionnelle et la requête en injonction de payer des particuliers.

—  la signature électronique, qui doit permettre de doter les magistrats, les responsables et agents du greffe d’une clef électronique d’authentification et de signature afin de systématiser la dématérialisation des échanges dans les nouvelles applications informatiques. L’expérimentation de cet outil débutera au cours du premier semestre 2009.

C. LA RÉFORME DE L’ÉCOLE NATIONALE DE LA MAGISTRATURE

L’École nationale de la magistrature fait l’objet d’une profonde réforme afin de la moderniser et d’adapter son recrutement pour l’ouvrir sur la société et sur le monde et recruter et former des magistrats capables de prendre davantage en compte la dimension humaine des dossiers.

1. La réforme

La réforme de l’École nationale de la magistrature vise à davantage structurer le recrutement, la formation initiale et la formation continue des magistrats, à partir des compétences et capacités attendues des magistrats, et s’articule autour des principaux axes suivants :

—  un recentrage du concours sur les fonctions du magistrat, le cœur de métier et les besoins du corps judiciaire, en particulier par le renforcement des épreuves juridiques ;

—  une meilleure prise en compte de la personnalité des candidats, en particulier par la mise en œuvre de tests de personnalité, ainsi que d’une épreuve de mise en situation collective à l’instar de nombreuses grandes écoles, suivie d’un entretien avec le jury ;

—  une amélioration de la diversité du corps judiciaire par la création de trois classes préparatoires intégrées à Bordeaux, Paris et Douai, l’assouplissement des modalités de mise en œuvre des cycles préparatoires aux concours, prenant la forme d’une préparation par correspondance, tant pour les fonctionnaires, que pour les candidats issus du secteur privé et l’élargissement de la composition du jury.

Les projets de textes nécessaires à la réforme du recrutement et de la formation des magistrats ont été adoptés par le conseil d’administration de l’École du 19 septembre 2008 et sont soumis à l’examen du Conseil d’État.

La publication des dispositions réglementaires est prévue avant la fin de l’année 2008. De nombreuses mesures seront mises en œuvre dès le début de la scolarité de la prochaine promotion d’auditeurs de justice qui aura lieu au mois de janvier 2009. Les nouvelles modalités des épreuves et les nouveaux programmes des concours seront par ailleurs appliqués aux concours qui se dérouleront en 2009.

Le programme pédagogique fixant le détail de la nouvelle scolarité sera arrêté en décembre 2008 et soumis au conseil d’administration se tenant à la fin de l’année. Compte tenu de la difficulté d’introduire un « stage avocat » de six mois dans la scolarité actuelle de 31 mois, a été évoquée lors du conseil d’administration de l’École tenu en mai dernier, la possibilité de porter la scolarité à 36 mois.

Si la scolarité devait être maintenue à 31 mois, il était envisagé, à l’issue de ce même conseil d’administration, de réduire de 36 à 31 semaines le stage juridictionnel fonctionnel. Il est vrai que dans ce cas, la période de stage de préaffectation fonctionnelle serait portée de 10 à 15 semaines, afin de maintenir un total de 46 semaines de stage fonctionnel en juridiction.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur, le maintien à 31 mois de la scolarité semble l’option la plus probable. Dans ce cas, il estime que l’intégralité de la période de stage de préaffectation fonctionnelle de 15 semaines devrait être réalisée après la scolarité à l’ENM.

2. La mise en œuvre de la réforme

Le coût de la réforme est estimé à 3,6 millions d’euros en 2009 et en 2010 puis 6,1 millions d’euros en 2011. En effet, c’est en 2011 que les conséquences financières de l’allongement de la scolarité de quatre mois se feront sentir. De même, sera instauré un stage d’un mois à l’étranger pour l’ensemble des auditeurs. Le coût de la réforme est entièrement pris en charge par l’École, à budget constant, compte tenu d’économies réalisées et de la marge dégagée par la diminution du nombre des auditeurs de justice.

Depuis la mise en œuvre de la LOLF, les cotisations patronales de retraite font l’objet d’un versement au compte d’affectation spéciale « Pensions ». S’agissant des auditeurs de justice, cette dépense n’a pas été intégrée en 2008 au budget de la mission « Justice ». L’ENM a donc été contrainte de verser ces cotisations en puisant dans son fonds de roulement. Ces crédits n’étant pas inscrits dans le présent projet de loi de finances, votre rapporteur souhaite qu’une solution pérenne de financement de ces cotisations soit trouvée.

Votre rapporteur s’inquiète de la baisse du nombre des auditeurs de justice. En effet, des départs en retraite massifs de magistrats sont attendus dans les années à venir. De plus, les recrutements « latéraux » ne pourront pas compenser cette baisse puisque le nombre des auditeurs de justice issus de l’intégration directe ne peut dépasser le tiers du nombre des auditeurs issus des concours, figurant dans la promotion à laquelle ils seront intégrés, en vertu de l’article 18-1 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut des magistrats, dans sa rédaction issue de la loi organique n° 2007-287 du 5 mars 2007.

Selon les informations recueillies l’an dernier par votre rapporteur, une stratégie de recrutement à moyen terme a été mise en place en prévision des départs en retraite importants auxquels le ministère sera confronté dans les dix prochaines années.

—  Pour les magistrats, les prévisions font état de plus de 150 départs à la retraite par an d’ici à 2009, de 200 à 300 par an de 2010 à 2013, et de plus de 300 par an à partir de 2014. Pour y faire face, le ministère a ouvert, ces dernières années, plus de 250 postes aux concours, de telle sorte que des promotions importantes de jeunes magistrats sont arrivées récemment en juridiction, ou sont encore en scolarité à l’ENM. Il faut que le nombre de places offertes aux concours demeure à un niveau compatible avec les départs en retraite attendus.

—  Pour les fonctionnaires, les départs en retraite devraient s’accélérer, puisqu’il est attendu un quasi-doublement des départs dans les cinq ans à venir, qui passeraient d’environ 500 en 2007 à plus de 900 par an en 2012. Le ministère confirme que le nombre des places offertes aux différents concours est adapté afin que les remplacements puissent s’effectuer au mieux.

II.– LA JUSTICE JUDICIAIRE

Le programme « Justice judiciaire » regroupe les crédits nécessaires au fonctionnement de la justice civile, pénale, commerciale et sociale. Il concerne les magistrats et les agents des services judiciaires (fonctionnaires et contractuels), ainsi que plus de 20 000 juges non professionnels bénévoles ou rémunérés à la vacation (juges consulaires, conseillers prud’hommes, assesseurs des tribunaux pour enfants, juges de proximité…), assistants et agents de justice, déployés dans 1 159 juridictions judiciaires (2). Les services judiciaires ont pour mission principale de rendre la justice. Ils ont également la charge de la conduite des politiques publiques orientées vers la prévention et la dissuasion de la délinquance ainsi que vers la réinsertion. Ils participent en outre aux politiques publiques menées en matière économique ou sociale (prévention des difficultés des entreprises, protection des mineurs, droit du travail).

La gestion des juridictions est assurée exclusivement par des personnels des services judiciaires et comprend deux fonctions :

—  le support logistique de l’activité judiciaire proprement dite revient aux greffiers (catégorie B) et agents de catégorie C, encadrés par des greffiers en chef (catégorie A). Les greffiers assistent en outre les magistrats dans leurs missions, notamment par le suivi et l’authentification des procédures ;

—  la gestion des moyens humains et matériels est pour l’essentiel assurée de manière déconcentrée au niveau des chefs de cour. Ceux-ci disposent à cet effet d’un service administratif régional (sar), composé de fonctionnaires et contractuels des services judiciaires, professionnels de la gestion, et dirigé par un coordonnateur, magistrat ou greffier en chef, placé sous l’autorité des chefs de cour.

Les services judiciaires assurent par ailleurs la formation de leurs personnels. L’École nationale de la magistrature (enm), constituée sous la forme d’un établissement public, est en charge de la formation initiale et continue des magistrats professionnels et non professionnels (juges de proximité, juges consulaires). La formation initiale des greffiers et greffiers en chef et la formation continue de l’ensemble des fonctionnaires des services judiciaires incombent à l’École nationale des greffes (eng), service à compétence nationale. Enfin, le budget des services judiciaires inclut les crédits du Conseil supérieur de la magistrature (csm), organe constitutionnel qui, par ses missions en matière de nomination des magistrats du siège et du parquet et ses compétences disciplinaires sur le corps judiciaire, est le garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire.

Avec une dotation de 2 830,9 millions d’euros en crédits de paiement, le programme « Justice judiciaire » est en progression de 3,8 % par rapport à 2008 :

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE LA JUSTICE JUDICIAIRE

(en millions d’euros)

Actions du programme « Justice judiciaire »

LFI 2007

LFI 2008

PLF 2009

Évolution
2008/2009

Traitement et jugement des contentieux civils

735,1

857,1

890,4

+ 3,9%

Conduite de la politique pénale et jugement des affaires pénales

936,4

921,0

956,6

+ 3,9%

Cassation

56,9

61,1

65,1

+ 6,5%

Conseil supérieur de la magistrature

1,2

6,5

2,80

– 56,9%

Enregistrement des décisions judiciaires

13,5

13,1

14,1

+ 7,6%

Soutien

740,8

749,9

795,3

+ 6,1%

Formation (ENM, ENG)

85,1

90,8

79,1

– 12,9%

Support à l’accès au droit et à la justice

27,7

27,6

27,4

– 0,7%

Total

2 596,8

2 727,3

2 830,9

+ 3,8%

Source : projet annuel de performances pour 2009

Les crédits de l’action « Traitement et jugement des contentieux civils » progressent de 3,9 %. Une somme de 52,43 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement sera consacrée aux frais de justice sur une dotation globale dédiée aux frais de justice de 409 millions d’euros. Les crédits figurant à cette action représentent donc environ 12,8 % de l’enveloppe globale des frais de justice. Ces crédits ont été évalués sur la base de la prévision de consommation au titre de l’année 2008 estimée à environ 49 millions d’euros, augmentée du coût des mesures nouvelles. Ainsi, cette dotation comprend le coût de la réforme des tutelles liée à la révision quinquennale des mesures en cours et le coût de la revalorisation tarifaire des experts.

Les crédits de l’action « Conduite de la politique pénale et jugement des affaires pénales » progressent de 3,9 % en crédits de paiement. Les frais de justice affectés à cette action s’élèvent à 272,7 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, soit 66,7 % de l’enveloppe globale des frais de justice. La dotation allouée permettra le financement de mesures nouvelles telles que la première phase d’application de la réforme de la médecine légale et la part du coût de la revalorisation tarifaire des experts prévue sur cette action.

Des économies seront également dégagées. La tarification réglementaire de certaines prestations de téléphonie, la nouvelle politique d’achat public en matière d’analyses génétiques et, enfin, la mise en place d’une mini plateforme permettant d’obtenir des données associées à une interception téléphonique en lieu et place d’informations obtenues par le biais de facturations détaillées, devraient également générer des économies significatives. Par ailleurs, grâce aux effets de la dématérialisation, des économies en frais postaux sont attendues.

Les crédits de l’action « Cassation » progressent de 6,5 % du fait d’une augmentation des crédits de titre 2, tandis que les dépenses de fonctionnement diminuent afin de tenir compote d’erreurs d’imputation relevées au titre de la consommation de 2007, sur la base de laquelle avait été établie la prévision pour 2008.

L’action « Conseil supérieur de la magistrature » voit ses crédits diminuer fortement. La baisse des crédits s’explique par des transferts d’emplois qui se traduisent par une baisse de 3,93 millions d’euros des crédits de titre 2 (– 66 %). Les dépenses de fonctionnement, elles, sont en nette augmentation de 47 % par rapport à 2008 pour se fixer à 778 500 euros. Cette évolution prend en compte des besoins nouveaux tels que le financement des charges afférentes aux locaux occupés, jusque-là, gratuitement. En effet, afin de répondre aux nouvelles orientations de la Présidence de la République, le Conseil Supérieur de la Magistrature devra désormais s’acquitter de ces charges dont le coût est évalué à 150 000 euros, à l’exclusion du loyer.

Les crédits de l’action « Enregistrement des décisions judiciaires » sont stables.

Les crédits de l’action « Soutien » sont en augmentation de 3,6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2008, notamment du fait de l’importance des crédits destinés à financer le volet immobilier de la réforme de la carte judiciaire. Par ailleurs, cette prévision tient compte également des économies à réaliser en matière de gardiennage grâce au recours aux réservistes de l’administration pénitentiaire, même si votre rapporteur observe que de nombreuses juridictions doivent recruter des agents de sécurité. De même, cette dotation tient compte des économies liées à la révision générale des politiques publiques (RGPP), celles liées à la mise en œuvre de la carte judiciaire et de celles liées à la mise en œuvre de la réforme des pôles de l’instruction, laquelle sera conduite simultanément, toutes les fois où cette démarche paraîtra possible, à celle de la carte judiciaire afin de rationaliser les coûts de location. Enfin, des économies diverses sont escomptées en matière de frais de déplacement, de fournitures de bureau ou de fluides.

Les crédits de paiement de l’action « Formation » sont en baisse car, à compter de 2009, les dépenses relatives à la participation à des sessions nationales de formation continue seront prises en charge par les budgets opérationnels de programme des cours d’appel.

A. LES DÉPENSES DE PERSONNEL

1. L’évolution des emplois

Le programme « Justice judiciaire » comprend 29 295 équivalents temps plein travaillé (ETPT) (contre 29 349 en 2008 et 30 301 en 2007), dont 7 896 ETPT de magistrats, 2 198 ETPT de fonctionnaires de catégorie A+ ou A, 8 038 ETPT de fonctionnaires de catégorie B (96 % sont des greffiers) et 10 858 ETPT de fonctionnaires de catégorie C.

Le tableau suivant retrace l’évolution des ETPT du programme par catégories d’emplois :

ÉVOLUTION DES EMPLOIS EN ÉQUIVALENTS TEMPS PLEIN

 

Plafond LFI 2008

Plafond PLF 2009

Variation

Magistrats de l’ordre judiciaire

7 918

7 896

– 22

Personnels d’encadrement

2 206

2 198

– 8

Personnel de greffe, d’insertion et éducatifs (catégorie B+)

8 046

8 038

– 8

Personnels administratifs et techniques de catégorie B

160

305

+ 145

Personnels administratifs et techniques de catégorie C

11 019

10 858

– 161

Total

29 349

29 295

– 54

Source : projet annuel de performances pour 2009

Derrière la baisse apparente du nombre des emplois du programme, se cache, en fait, un transfert de 54 équivalents temps plein vers d’autres programmes. C’est ainsi que :

—  22 ETPT sont transférés auprès de la Cour nationale du droit d'asile figurant au programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » ;

—  10 ETPT sont transférés vers le programme 135 « Développement et amélioration de l’offre de logement » dans le cadre de la mise en place des délégués du préfet dans les quartiers sensibles ;

—  Un ETPT est transféré à la délégation nationale de lutte contre la fraude, figurant au programme 218 « Conduite et pilotage des politiques économique et financière » ;

—  21 ETPT sont transférés vers le programme 310 « Conduite et pilotage de la politique de la justice et des organismes rattachés : expérimentation Chorus », qui relève de la mission « Justice ». Ce solde correspond à 24 transferts au profit de ce programme et de 3 transferts depuis ce même programme (communication).

Ÿ  Au titre des départs de magistrats et des fonctionnaires, le ministère estime qu’ils concerneront :

– 332 magistrats de l’ordre judiciaire, dont 217 départs en retraite ;

– 132 fonctionnaires d’encadrement (A+ et A), dont 50 départs en retraite ;

– 397 fonctionnaires de la catégorie B+ (greffiers), dont 280 départs en retraite ;

– 390 fonctionnaires de catégorie C (dont 370 départs en retraite), sachant que 150 personnes accéderont au corps des secrétaires administratifs, résultant du décret n° 2007-1106 du 16 juillet 2007 relatif à la création du corps des secrétaires administratifs des services judiciaires et à la fusion des corps de secrétaires administratifs relevant du ministère de la justice et de la grande chancellerie de la Légion d’honneur.

Au total, le ministère anticipe que 1 251 agents quitteraient leurs fonctions au cours de l’année 2009, dont 917 départs en retraite.

Ÿ  Au titre des entrées de magistrats et des fonctionnaires, le ministère estime qu’ils concerneront :

– 391 magistrats de l’ordre judiciaire, dont 247 entrées dans les cadres ;

– 141 fonctionnaires d’encadrement (A+ et A), dont 75 recrutements ;

– 447 fonctionnaires de la catégorie B+ (greffiers), dont 314 recrutements ;

– 272 fonctionnaires de catégorie C, dont 193 recrutements.

a) La gestion prévisionnelle des emplois : l’abandon de la notion de vacance d’emploi

Afin d’accompagner les réformes structurelles en cours (réforme de la carte judiciaire, mise en œuvre des propositions des rapports des commissions respectivement présidées par le premier président Magendie et par le recteur Guinchard, introduction des nouvelles technologies dans le débat judiciaire…) et d’optimiser la gestion des effectifs, il a été décidé de mettre en œuvre une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences fondée sur la performance. Ainsi, le ministère de la justice a-t-il fait connaître par note en date du 5 août 2008 l’abandon des notions de « structure de référence » et de vacances d’emplois.

Il faut, au niveau de chaque cour d’appel, de déterminer, à partir de ces constats et pour l’exercice 2009, les besoins en effectifs, en tenant compte, éventuellement, de l’organisation des nouvelles juridictions de rattachement dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire.

À cette fin, des tableaux ont été joints à la note du 5 août sur lesquels figure, pour chacun des ressorts, le plafond d’emplois en équivalents temps plein emploi (ETPE) égal à l’effectif réel au 1er septembre 2008 pour les magistrats et au 31 décembre 2008 pour les fonctionnaires (hors recrutement des agents de catégorie C effectués à compter du 1er octobre 2008). Il revient aux chefs de cours, à partir de ces tableaux de proposer, pour l’exercice 2009, le mode de répartition de ces emplois et leur redéploiement au sein des juridictions de leur ressort pour en optimiser la performance.

Une fois ce premier exercice réalisé, les chefs de cours peuvent proposer une éventuelle localisation complémentaire d’ETPE en la justifiant par la nécessité de contribuer à l’amélioration de l’ensemble de la performance du programme pour atteindre les objectifs fixés dans le Projet annuel de performances.

La détermination du besoin en effectifs doit reposer sur des données objectives d’activité. À cet égard, l’étude complète réalisée par la cellule contrôle de gestion fournit aux chefs de Cours des éléments utiles à la réflexion. En outre, sont intégrées à ces documents les prévisions des départs à la retraite pour chaque ressort.

Les dialogues de gestion rendront ainsi possible un arbitrage final par le responsable de programme entre les BOP en fonction des gains à attendre sur la performance d’ensemble. Afin de pourvoir les postes ainsi retenus, les critères seront pris en compte dès les prochains mouvements de magistrats, réalisés conformément aux règles statutaires régissant le corps.

b) Les effectifs de magistrats

S’agissant des effectifs de magistrats, le tableau suivant montre que la progression constante des effectifs depuis 2002 :

ÉTAT DES EFFECTIFS (ETPT) DE MAGISTRATS (au 1er août 2008)

 

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

A. Magistrats occupant un emploi :

7 290

7 541

7 742

7 902

8 055

8 295

ND

B  – Magistrats en détachement

226

221

245

218

221

228

217

C – Magistrats en congé de longue durée

17

16

21

20

25

16

21

D – Magistrats en congé parental

19

21

15

7

11

13

15

E – Magistrats en disponibilité

76

77

79

71

80

88

90

F – Magistrats en activité

6 952

7 206

7 382

7 586

7 718

7 950

8 113

G. Magistrats maintenus en activité en surnombre

53

49

50

47

50

45

51

H. Effectifs réels des magistrats en activité (F+G)

7 005

7 255

7 432

7 633

7 768

7 995

8 164

Plafond d’emplois (en ETPT)

7 344

7 523

7 675

7 801

8 031

8 171

8 161

ETPT vacants

392

317

293

215

313

290

ND

Source : ministère de la Justice, à l’exception de la ligne « ETPT vacants »

c) Les effectifs de fonctionnaires des services judiciaires

En ce qui concerne les fonctionnaires des services judiciaires, le tableau suivant montre l’évolution des effectifs depuis dix ans :

ÉVOLUTION DEPUIS 1998 DES EFFECTIFS RÉELS DE FONCTIONNAIRES
DES SERVICES JUDICIAIRES

Catégories de fonctionnaires

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008 (3)

Greffiers en chef (1)

1 572

1 613

1 668

1 751

1 680

1 827

1 805

1 775

1 845

1 841

1 864

Greffiers

6 060

6 581

6 918

7 699

7 696

8 500

8 722

8 904

8 736

8 738

8 460

Personnel de catégorie C (2)

11 250

11 526

11 855

12.066

11 899

11 695

11 811

11 679

10 433

11 635

11 450

Total

18 882

19 720

20 441

21 516

21 275

22 022

22 338

22 358

21 014

22 214

21 774

(1) Greffiers et secrétaires administratifs, à compter de 2008

(2) Personnel de bureau et personnel technique

(3) Situation au 1er juillet 2008

Source : ministère de la Justice

Ce tableau permet de constater l’ampleur de l’augmentation, de 2002 à 2008, des effectifs des greffiers en chef (+ 12 %) et des greffiers (+ 10 %). Parallèlement, les effectifs de catégorie C, après avoir progressé de 1997 à 2001, sont en diminution depuis 2002. Cette évolution générale des effectifs des fonctionnaires des services judiciaires s’explique par la poursuite des opérations qualitatives de transformations et de repyramidage d’emplois, afin notamment d’augmenter la proportion de personnels de catégorie B par la transformation d’emplois de catégorie C en B (secrétaires administratifs).

d) La stagnation du rapport entre magistrats et fonctionnaires

Le tableau suivant présente les effectifs des magistrats et des fonctionnaires ainsi que l’évolution du ratio entre magistrats et fonctionnaires depuis 1998 (les effectifs sont arrêtés au 1er juillet de chaque année) :

ÉVOLUTION DEPUIS 1998 DES EFFECTIFS DE FONCTIONNAIRES
DES SERVICES JUDICIAIRES ET DES MAGISTRATS (en poste au 1er juillet)

 

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Magistrats

6 187

6 327

6 539

6 846

7 144

7 294

7 434

7 525

7 891

7 950

8 113

Fonctionnaires (1)

17 686

17 819

17 966

18 172

18 665

19 125

19 757

19 841

20 057

20 107

20 472

Ratio

2,86

2,82

2,75

2,65

2,62

2,62

2,66

2,63

2,54

2,53

2,52

(1) hors ENM, ENG administration école et Administration centrale

Source : ministère de la Justice

Le nombre de fonctionnaires retenu dans le tableau précédent ne prend en compte que les greffiers en chef, les greffiers et les agents de catégorie C chargés de fonctions administratives, à l’exclusion donc des agents de catégorie C chargés de fonctions techniques.

Le rapporteur ne peut que déplorer la dégradation du ratio entre le nombre de magistrats et celui des fonctionnaires des services judiciaires. Ce ratio est passé de 2,85 en 1997 à 2,52 en 2008, alors que les missions confiées à la justice ont été, dans cet intervalle, profondément alourdies. Il est vrai que la diminution de ce ratio s’explique largement par les créations de postes de magistrats, le nombre de fonctionnaires n’ayant pas progressé au même rythme. Le rapporteur insiste donc sur le fait qu’un magistrat ayant besoin de concentrer sur ses missions, les fonctionnaires des services judiciaires doivent pouvoir pleinement jouer leur rôle essentiel dans le fonctionnement de la justice.

Comme l’a rappelé la ministre de la Justice l’an dernier lors de son audition par la Commission, « sans greffier, aucun magistrat ne peut prendre de décision ». En effet, les fonctionnaires et les magistrats forment une équipe dont tous les acteurs jouent un rôle essentiel. C’est pourquoi le rapporteur a souhaité connaître le ratio entre les magistrats et les greffiers dans les juridictions. Ces données figurent dans le tableau suivant :

ÉVOLUTION DU NOMBRE DES MAGISTRATS ET
DES GREFFIERS AFFECTÉS AUPRÈS DE MAGISTRATS

 

2006

2007

2008

Magistrats

7 891

7 950

8 113

Greffiers affectés auprès de magistrats

6 915

6 942

7 141

Ratio

0,87

0,87

0,88

Source : ministère de la Justice

Il convient de préciser que le nombre de magistrats présenté dans le tableau précédent correspond aux personnes physiques en activité au 1er juillet 2008. De même, le nombre de greffiers ne prend en compte que les greffiers affectés dans des services travaillant en liaison directe avec des magistrats à cette même date.

Les ratios observés montrent bien que les magistrats et les greffiers ne sont pas affectés paritairement dans les juridictions : les greffiers sont 12 % moins nombreux que les magistrats. Le rapporteur constate que les greffes se trouvent dans une situation très tendue. Seul le très fort dévouement au service public des fonctionnaires permet de maintenir l’équilibre fragile dans lequel se trouvent les juridictions.

2. L’évolution des traitements et des primes

Le total des crédits de personnel prévus pour la justice judiciaire atteint 1 951,5 millions d’euros (+ 4,8 %) répartis de la manière suivante :

RÉPARTITION DES CRÉDITS DE PERSONNEL

(en millions d’euros)

Magistrats

929,4

Fonctionnaires d’encadrement

141,8

Fonctionnaires de catégorie B+

416,7

Fonctionnaires de catégorie B

15,8

Fonctionnaires de catégorie C

447,9

Total

1 951,5

Source : projet annuel de performances pour 2008

a) L’évolution du régime indemnitaire des magistrats

Après avoir été fortement réévalués de 1988 à 1996 – les mesures inscrites en lois de finances pour 1988, 1990, 1991, 1994, 1995 et 1996 ont permis de faire passer le taux indemnitaire des magistrats de l’ordre judiciaire de 19 % en 1987 à près de 37 % en 1996 –, les taux indemnitaires des magistrats sont restés inchangés de 1997 à 2002, alors que dans le même temps les régimes indemnitaires des magistrats de l’ordre administratif ont bénéficié de revalorisations successives. Afin d’assurer aux magistrats de l’ordre judiciaire un régime indemnitaire à la hauteur des responsabilités importantes et des fortes sujétions de service qui sont les leurs, le ministère de la Justice a engagé dès 2003 un effort significatif de revalorisation, avec pour objectif une parité avec les magistrats des juridictions administratives et financières.

Cette revalorisation s’est accompagnée, depuis le 1er janvier 2004, d’une nouvelle modification du régime indemnitaire des magistrats par une série de textes publiés au Journal officiel du 30 décembre 2003 comportant notamment l’instauration d’une modulation partielle de ce régime. En effet, le 1er octobre 2004, la part modulable du régime indemnitaire a été revalorisée de 4 %. Cette part a été à nouveau revalorisée de 1 % à compter du 1er octobre 2005 par des arrêtés du 8 septembre 2005.

La prime modulable est attribuée aux magistrats concernés en fonction de leur contribution au bon fonctionnement de l’institution judiciaire. Pour les magistrats exerçant leurs fonctions dans les juridictions du premier degré ou pour les magistrats de cours d’appel, l’attribution de cette prime modulable est gérée de manière déconcentrée au niveau des cours d’appel. Elle repose sur l’identification d’enveloppes régionales par cour d’appel, distinguant le siège et le parquet, réparties par décision de chaque chef de cour au profit des magistrats du ressort, sur proposition du chef de juridiction sous l’autorité duquel est placé le magistrat pour ceux affectés dans une juridiction du premier degré. Les enveloppes régionales sont globales et ne peuvent faire l’objet d’une subdélégation. Le taux moyen de cette prime est fixé à 9 % du traitement indiciaire brut et le taux maximal d’attribution individuelle à 15 %. Le taux de la prime modulable versée aux chefs des cours d’appel et des tribunaux supérieurs d’appel ainsi qu’à l’inspecteur général des services judiciaires et au directeur de l’École nationale des greffes, est fixé à 9 %. Pour les magistrats exerçant leurs fonctions à la Cour de cassation, le taux moyen est de 14 % et le taux maximal de 20 %.

Par ailleurs, la nouvelle bonification indiciaire (NBI) en faveur des magistrats de l’ordre judiciaire exerçant des fonctions de responsabilité supérieure a été mise en œuvre par le décret n° 2004-676 du 5 juillet 2004 et son arrêté d’application du même jour. Sont concernés, à la Cour de cassation, les chefs de juridiction, les présidents de chambre et les premiers avocats généraux, les doyens de chambre et les magistrats chargés du secrétariat général. De plus, sont également concernés les chefs de cour d’appel ainsi que les magistrats chargés du secrétariat général des cours d’appel de Paris et Versailles, les chefs des 12 tribunaux de grande instance les plus importants et le directeur de l’école nationale des greffes. Au total, 117 magistrats bénéficient de cette première phase de mise en œuvre de la NBI. Le décret du 7 décembre 2006 – et son arrêté du même jour – a permis d’attribuer une NBI à 179 magistrats supplémentaires.

En 2008, ce sont donc 296 magistrats de l’ordre judiciaire exerçant des responsabilités supérieures qui bénéficient de la nouvelle bonification indiciaire, pour un coût annuel de 1,8 million d’euros.

b) L’évolution du régime indemnitaire des fonctionnaires des services judiciaires

Le régime indemnitaire des greffiers en chef et des greffiers n’a pas évolué depuis 2001, malgré plusieurs demandes de revalorisation – dans le cadre de la préparation des projets de lois de finances – présentées par le ministère de la Justice, mais qui ont fait l’objet d’arbitrages interministériels défavorables. Le régime indemnitaire des fonctionnaires de catégorie C n’a pas été revalorisé depuis 2006.

En application du décret n° 2005-1602 du 19 décembre 2005, les greffiers en chef et les greffiers perçoivent une indemnité forfaitaire de fonction (IFF) fixée en pourcentage de l’indice réel moyen (IRM) de leur grade. Le taux indemnitaire moyen de ces deux corps n’a pas été revalorisé depuis 2001. Il a même diminué pour les greffiers, lors de la mise en œuvre de la réforme statutaire en 2003. En effet, la transformation de la structure de ce corps (deux grades au lieu de trois) a entraîné une modification de l’indice réel moyen par grade. Cependant, cette baisse du taux indemnitaire n’a pas entraîné de diminution des montants individuels servis.

En application du décret n° 2005-1603 du 19 décembre 2005, les fonctionnaires de catégorie C des services judiciaires bénéficient d’une indemnité spéciale fixée en pourcentage de l’indice réel moyen (IRM) de leur grade, dont le taux moyen a été régulièrement valorisé. Une augmentation de 2 points du taux indemnitaire avait été demandée par le ministère de la Justice, dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2006, au bénéfice de l’ensemble des personnels de catégorie C. Les arbitrages interministériels rendus ont permis de revaloriser d’un point ce taux indemnitaire. La mesure nouvelle obtenue au titre de l’année 2006 a permis de faire passer le taux moyen de l’indemnité spéciale servie aux fonctionnaires de catégorie C à 24 %.

Le régime indemnitaire des fonctionnaires des services judiciaires a été modifié en 2005, afin de permettre à ceux-ci de bénéficier, sous certaines conditions, d’une indemnité complémentaire à raison d’attributions spécifiques qui peuvent leur être confiées. Si les conditions de son attribution sont réunies, l’indemnité complémentaire s’ajoute à l’IFF actuellement attribuée aux greffiers en chef et aux greffiers et à l’indemnité spéciale allouée aux fonctionnaires de catégorie C.

L’indemnité complémentaire est attribuée :

– aux fonctionnaires qui exercent à titre habituel leurs fonctions dans un service spécialisé dans la poursuite ou l’instruction des infractions terroristes. Le montant mensuel maximal de l’indemnité complémentaire « anti-terroriste » serait de 90 euros pour l’ensemble des fonctionnaires concernés, quel que soit leur grade, les personnels de ces services étant exposés au même risque ;

– et aux fonctionnaires qui exercent par intérim la fonction de chef de greffe, lorsque l’emploi afférent à cette fonction est vacant et que le fonctionnaire est d’un grade inférieur à celui de l’emploi vacant. Le montant mensuel de cette indemnité complémentaire serait fixé à 70 euros sauf pour les greffiers en chef du premier grade assurant l’intérim d’un emploi de chef de greffe hors hiérarchie, pour lesquels il s’élèverait à 110 euros eu égard à l’importance des responsabilités exercées.

Par ailleurs, le ministère de la justice avait souhaité mettre en œuvre en 2007 une politique indemnitaire modulable concernant les fonctionnaires des services judiciaires, pour un montant de 1,06 million d’euros. Cette expérimentation n’a cependant pas été conduite. Interrogée par votre rapporteur lors de son audition par la commission des Lois, la ministre de la Justice a précisé l’an dernier qu’elle avait choisi « de mettre l’accent sur les créations d’emplois ». Cette année, le ministère a indiqué à votre rapporteur qu’« alors que le principe applicable en matière indemnitaire consiste normalement à récupérer 50 % des économies tirées des suppressions d’emplois, il a été décidé, dans le cadre du PLF 2009, et en l’absence de suppressions d’emplois de fonctionnaires des greffes, de dégager une enveloppe budgétaire supplémentaire de 2,9 millions d’euros ».

Le ministère précise que cette enveloppe « va permettre la mise en œuvre de la modulation indemnitaire envisagée » tout en ajoutant que ses modalités n’ont pas encore été arrêtées.

Votre rapporteur souhaite rappeler la nécessité de réduire l’écart entre le régime indemnitaire des magistrats et celui des fonctionnaires des services judiciaires. L’effort consenti en faveur des catégories B et C n’est pas à la hauteur du rôle joué par les corps concernés dans le fonctionnement des juridictions. L’amélioration du service public de la justice est l’affaire de tous les personnels, qu’ils soient magistrats ou fonctionnaires. L’ensemble de ces personnels doit être intéressé aux résultats des juridictions par une généralisation de la modulation des primes, afin de combler le fossé entre les magistrats et les agents des services judiciaires.

B. L’ÉVOLUTION DES DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT : LA DÉLICATE MAÎTRISE DES FRAIS DE JUSTICE

Les années 2007 et 2008 sont marquées par une remontée du montant des frais de justice. Pourtant, les efforts accomplis par le ministère de la justice avaient permis de diminuer de 22 % les frais de justice au cours de l’exercice 2006. Il est vrai que la modification du périmètre des frais de Justice depuis 2006 rend délicate la comparaison entre ces deux exercices.

Outre les révisions de tarifs en matière de téléphonie et d’empreintes génétiques engagées par les services de l’administration centrale du ministère de la justice, la baisse considérable de la dépense de frais de justice trouve son origine dans la mise en œuvre d’un plan de maîtrise qui s’est traduit concrètement par la mise en place de structures dédiées, le développement d’action de formation et de sensibilisation, la création d’outils de suivi et d’analyse et les changements de comportement des magistrats prescripteurs. Enfin, le ministère de la justice s’attache aujourd’hui à adapter le circuit d’exécution des dépenses de frais de justice.

1. Une progression contenue

De 2002 à 2005, la dépense globale en frais de justice a progressé de 68 %. Sur la même période, les frais de justice pénale ont globalement augmenté de 82 %. L’année 2006 marque une rupture avec cette tendance structurelle à la hausse. Les frais de justice pénale sont la composante essentielle des frais de justice (70 % du volume global, soit un peu plus de 262 millions d’euros en 2006). Les frais de justice en matière commerciale (23,2 millions d’euros) constituent désormais une composante des frais de justice légèrement plus importante que les frais de justice en matière civile (22,9 millions d’euros).

En réalité, cette évolution correspond à une modification de la nomenclature budgétaire, consécutive de l’entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001. En effet, les frais postaux relevant des frais de justice sont désormais imputés sur l’action « Soutien ». Or, ils représentaient près de 60 % des dépenses de frais de justice en matière civile et prud’homale. Par ailleurs, la présentation de la nouvelle nomenclature budgétaire ne permet plus de distinguer les différentes composantes des dépenses en matière commerciale.

En 2007, les frais de justice ont connu une hausse de 2,42 % pour atteindre 388,6 millions d’euros. Les frais de justice en matière pénale ont légèrement diminué entre 2006 et 2007 (– 0,63 %) mais ils restent la composante essentielle des frais de justice (67,08 % du volume global 2007). La dépense de frais de justice en matière commerciale (25,28 millions d’euros en 2007) dépasse désormais celle relative aux frais de justice en matière civile (22,98 millions d’euros en 2007).

Par ailleurs, si les frais de justice en matière civile et prud’homale sont parfaitement stabilisés (– 0,03 % de progression entre 2006 et 2007), ceux en matière commerciale ont évolué à la hausse entre 2006 et 2007 (+ 8,82 %).

Le tableau suivant présente l’évolution des frais de justice depuis 2002, les frais postaux, figurant à l’action « Soutien » et non ventilés par catégorie étant présentés dans la ligne « Autres frais de justice » :

ÉVOLUTION DES FRAIS DE JUSTICE DEPUIS 2002

(en millions d’euros)

 

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Frais de justice pénale

207,5

251,5

320,2

376,7

262,4

262,4

260,7

Frais de justice en matière civile et prud’homale

47,0

50,5

56,5

60,6

23,0

23,0

23,0

Frais de justice commerciale

27,1

28,8

30,1

37,5

23,2

23,2

25,3

Autres frais de justice

8,5

10,6

12,3

12,6

70,8

70,8

79,7

Total frais de justice

290,1

341,4

419,1

487,4

379,4

379,4

388,6

Source : ministère de la Justice

Globalement, 405 millions d’euros d’autorisations d’engagement ont été ouverts en 2008 pour l’ensemble des frais de justice. Diminués du montant de la réserve de précaution, les crédits disponibles s’élèvent à 380,7 millions d’euros.

Au 31 août 2008, la consommation des crédits s’élève à 75 % des crédits disponibles, soit une augmentation de 6,6 points par rapport à la consommation constatée à la fin du mois d’août 2007. Cela s’explique par la mise à disposition rapide des crédits en début d’exercice, ce qui a permis de débuter la gestion plus tôt que les années précédentes, augmentant ainsi mécaniquement le niveau de consommation à la fin de l’été. Cependant, la prévision de dépenses s’établissant à 395 millions d’euros, un dégel de crédits de 15 millions d’euros paraît nécessaire.

Les crédits demandés pour 2009 s’élèvent à 409 millions d’euros. Ce montant a été évalué sur la base de la prévision de consommation de l’année 2008, augmentée du coût des revalorisations qui auront un impact sur 2009. Il s’agit :

—  des revalorisations relatives aux expertises psychiatriques, aux administrateurs ad hoc, aux traducteurs (décret n° 2008-764 du 30 juillet 2008 et arrêté du 2 septembre 2008) ;

—  de l’impact de la réforme des tutelles prévue par la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs;

—  de l’impact de la réforme de la médecine légale ;

—  de la possibilité de rechercher des empreintes génétiques à partir de traces biologiques aux fins d’alimentation du fichier national d’empreintes génétiques (FNAEG).

Enfin, la dotation prévue pour 2009 prend en compte les économies qui résulteront de la poursuite du plan de maîtrise des frais de justice mis en œuvre ces dernières années, notamment en matière de frais postaux.

Le tableau suivant présente l’évolution des principaux postes de dépenses de frais de justice en matière pénale :

ÉVOLUTION DES PRINCIPAUX POSTES DES FRAIS DE JUSTICE EN MATIÈRE PÉNALE

(en millions d’euros)

Nature de dépenses

2003

2004

2005

2006

2007

Évolution 2003/2007

Évolution 2007/2006

Frais médicaux (hors génétique à partir de 2005)

62,4

77,0

70,3

61,4

65,0

– 1,5%

+ 5,8%

Réquisitions opérateurs (hors location matériel)

41,4

66,0

69,1

38,3

34,6

– 7,6%

– 9,6%

Traduction interprétariat

12,5

13,9

15,0

13,2

14,2

+ 5,7%

+ 7,6%

Frais en matière de scellés

14,7

19,8

26,9

18,3

17,1

+ 24,9%

– 6,5%

Enquêtes sociales rapides, de personnalité, contrôle judiciaire

6,7

10,7

20,3

19,8

21,0

+ 196,9%

+ 5,9%

Analyses génétiques

ND

ND

23,9

20,5

16,8

ND

– 18,1%

Total frais de justice pénale

246,3

313,5

367,5

262,4

260,7

– 16,4%

– 0,6%

Source : ministère de la Justice

Domaine prioritaire du plan de maîtrise des frais de justice, la forte progression des frais liés aux réquisitions adressées aux opérateurs de télécommunications a été enrayée en 2006. La hausse constatée en 2005 (+ 12,9 %) était déjà bien moindre que celle constatée sur les dernières années (plus de 50 % en 2002 et 2004).

Dès la fin de l’année 2005, les négociations menées avec les opérateurs et les sociétés de locations de matériel d’enregistrement d’écoutes téléphoniques se sont traduites par d’importantes baisses de tarifs. De plus, l’arrêté du 22 août 2006, pris en application de l’article R. 213-1 du code de procédure pénale et qui fixe les tarifs applicables conformément au principe de « juste rémunération », a permis des économies significatives.

Des économies sur ce poste ont pu, également, être réalisées en 2007 grâce à une architecture technique plus adaptée à la mise en œuvre des écoutes téléphoniques au regard des nouvelles technologies (suppression des ouvertures de lignes téléphoniques provisoires auprès de France Télécom grâce à la mise en place de centrales d’écoutes au niveau local). Ainsi, cette dépense qui s’élevait à 69,1 millions d’euros en 2005, ne représentait plus que 38,6 millions d’euros en 2006 et 34,6 millions d’euros en 2007.

Les frais médicaux comprennent les honoraires et les indemnités alloués pour la réalisation d’examens psychiatriques, médico-psychologiques ou psychologiques, les honoraires et indemnités alloués pour des examens toxicologiques, biologiques ou radiologiques, ainsi que les honoraires et indemnités alloués pour autres examens médicaux. Si ces dépenses baissaient entre 2003 et 2006, elles ont de nouveau augmenté en 2007 de 5,8 %. Ces frais font pour la plupart l’objet d’une tarification par le code de procédure pénale mais les revalorisations successives de la « lettre C » (consultation d’un médecin généraliste) intervenue au 1er août 2006 et au 1er juillet 2007 ont conduit à augmenter le tarif de certaines prestations majeures en matière de frais de justice (examen médical de garde à vue, examen médical des victimes avec fixation de l’incapacité temporaire de travail). Il est vraisemblable que cette dépense augmentera encore en 2008.

La progression des frais d’interprétariat et de traduction est de 43,2 % entre 2003 et 2007 du fait de l’internationalisation croissante de la délinquance pénale et de la forte augmentation des procédures impliquant des étrangers. Cependant, cette hausse s’est nettement ralentie en 2007 pour atteindre 7,6 %. Cette relative stabilisation s’explique par les mesures d’information des juridictions – leur rappelant notamment que les textes obligent non pas une traduction dans la langue maternelle mais plus simplement dans une langue comprise par le prévenu –  et par la diffusion de certaines instructions mettant fin à des pratiques tarifaires contestables – notamment la pratique tendant à rémunérer le temps de transport de l’interprète requis.

Le montant de la dépense relative aux scellés a connu une très forte hausse en 2005 (+ 35,7 %) qui faisait suite à une augmentation aussi importante en 2004 (+ 32 %). Ces montants élevés de dépenses s’expliquent principalement par le paiement d’importants stocks de mémoires de frais impayés présentés par la préfecture de police de Paris et correspondant au gardiennage de véhicules au cours des années antérieures. En 2007, ces dépenses se sont élevées à 17,12 millions d’euros.

La passation de marchés publics portant sur la réalisation d’analyses génétiques effectuées sur les individus aux fins d’alimentation du fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) a permis d’obtenir une baisse considérable du tarif unitaire de ces analyses. Cette mise en concurrence a également eu un effet général sur les prix pratiqués par les laboratoires publics et privés. Le coût de ces analyses représente 6,4 % de la dépense de frais de justice pénale en 2007, contre 7,8 % en 2006. Les paiements effectués à ce titre s’élèvent à 16,8 millions d’euros, contre 23,8 millions d’euros en 2005 soit une baisse de plus de 29 %.

Enfin, des revalorisations de tarifs du code de procédure pénale (expertise psychiatrique, indemnités allouées aux huissiers audienciers, rétribution des administrateurs ad hoc) entraîneront une hausse de cette dépense en 2009 du fait de l’impact du décret n° 2008-764 du 30 juillet 2008 relatif au recouvrement des amendes forfaitaires et à certains frais de justice criminelle ou assimilés et de l’arrêté du 2 septembre 2008 relatif aux frais de justice criminelle en matière de médecine légale, de traduction d’interprétariat et d’administration ad hoc.

2. Une meilleure maîtrise de l’exécution des frais de justice

L’amélioration de la gestion des frais de justice s’explique à la fois par des actions conduites pour en assurer la maîtrise et également par la refonte du circuit d’exécution des dépenses de frais de justice.

a) La réforme du circuit d’exécution de la dépense.

L’architecture générale de la nouvelle procédure de traitement de la dépense est fondée sur la création d’un service spécialisé placé auprès des plus importants arrondissements judiciaires. Ce service est chargé du traitement de tous les actes de gestion des frais de justice (réception et enregistrement de tous les mémoires reçus par les juridictions de son ressort, contrôle de ces mémoires et mises en paiement). Les services administratifs régionaux assurent, sur délégation des chefs de cour, le rôle de pilotage, de suivi et d’analyse de ce nouveau circuit des paiements dans les domaines relevant de la compétence de l’ordonnateur secondaire. Cette architecture repose sur les principes suivants :

—  le magistrat prescripteur conserve le pouvoir de contrôle et d’appréciation du mémoire présenté ; autrement dit, il a la possibilité de rendre une ordonnance de taxe, s’il le souhaite, dans le délai d’un mois après dépôt du mémoire ;

—  l’ordonnance de taxe lorsqu’elle est rendue, conserve son caractère juridictionnel ; elle est susceptible de recours (appel et cassation) ;

—  l’ordonnateur secondaire (c’est-à-dire le chef de cour) n’a pas le pouvoir de remettre en cause la décision juridictionnelle lorsqu’elle est rendue, mais il acquiert la maîtrise du circuit des paiements et dispose de la possibilité de mettre en place, pour les mémoires d'un faible montant, un contrôle hiérarchisé de la dépense en concertation avec le trésorier payeur général.

La caractéristique principale de ce nouveau circuit est de mettre en place un régime de traitement spécifique des mémoires de frais de justice dont le montant est inférieur à 150 euros. Ces mémoires qui représentent 80 % des mémoires de frais de justice mais seulement 20 % de la dépense, font désormais l’objet d’un contrôle allégé avant paiement. L’objectif poursuivi est le raccourcissement des délais de paiement. Cependant pour mesurer les risques comptables, un contrôle des mémoires par sondage est mis en place tant au niveau du service centralisateur que de la régie. Ce service centralisateur ayant enregistré l’ensemble des mémoires adressés à la juridiction sera à même de connaître les stocks à payer ainsi que, en fin d’année, le volume des charges à payer.

Ce schéma est entré en application en 2008, à titre expérimental, dans cinq ressorts de cours d’appel. Ces expérimentations s’appuient sur un protocole national entre le ministère de la Justice et le ministère du Budget, des comptes publics et de la fonction publique ainsi que des protocoles locaux passés entre les chefs de cour et les trésoriers payeurs généraux. Un premier bilan de ces expérimentations a été effectué : la mise en place d’un service centralisateur a montré son efficacité en termes de réduction des délais de traitement et d’une meilleure connaissance des stocks.

La généralisation du nouveau circuit est envisagée pour 2009.

b) La mise en œuvre des outils de suivi et d’analyse

Plusieurs outils de suivi et d’analyse ont été développés. Le site intranet consacré aux frais de justice, créé par la direction des services judiciaires, permet aux juridictions de trouver des réponses pratiques, notamment en matière de tarification et de diffusion de la jurisprudence des chambres de l’instruction et de la Cour de cassation. La foire aux questions permet, dans des délais rapides, de répondre aux interrogations des magistrats et fonctionnaires confrontés à des mémoires de frais de plus en plus techniques.

En septembre 2007 a été mis en ligne un « observatoire des frais de justice », fruit du travail du pôle études et évaluation de la direction des affaires criminelles et des grâces. Il permet de disposer, sous la forme notamment de cartes ou de tableaux, des coûts comparés par ressort et par activité des principaux postes de dépense en matière de frais de justice. Cet outil doit permettre aux juridictions d’isoler certains coûts importants, de les rapporter aux spécificités locales ou à des éléments conjoncturels et leur permettre, enfin, de mesurer leurs actions en faveur de la maîtrise de la croissance des frais de justice.

Enfin, la délégation aux interceptions judiciaires a elle aussi créé un site intranet qui lui permet de diffuser une large information sur les tarifs en matière de téléphonie et en particulier les référentiels.

Globalement, l’essentiel des progrès accomplis en matière de frais de justice résulte de changements de comportement de la part des magistrats prescripteurs, qui se sont très fortement mobilisés. C’est ainsi que les magistrats du parquet ont assuré un suivi plus étroit de l’activité des officiers de police judiciaire, exigeant l’accord exprès d’un magistrat pour tout engagement de dépense significatif. Ils ont également été très attentifs à ce que ne soient pas supportées, au titre des frais de justice, des charges indues. Les magistrats du siège, en particulier les magistrats instructeurs, recourent désormais systématiquement à un devis préalable pour les dépenses significatives. De même, un contrôle plus strict des mémoires présentés a été exercé.

C. L’ACTIVITÉ DES JURIDICTIONS JUDICIAIRES

Le tableau suivant présente, de manière synthétique, l’activité judiciaire observée en 2007 :

L’ACTIVITÉ JUDICIAIRE CIVILE EN 2007

Juridictions

Affaires nouvelles

Évolution par
rapport à 2006

Affaires terminées

Durée moyenne
de traitement

Cour de cassation

18 232

– 4,2 %

20 354

NC

Cours d’appel

201 110

– 1,0 %

205 902

13,3 mois

Tribunaux de grande instance

911 593

– 3,3 %

893 141

6,9 mois

Tribunaux d’instance

603 907

– 1,7 %

586 462

4,8 mois

1. L’activité judiciaire civile

a) La Cour de cassation

Le nombre d’affaires civiles nouvelles (18 232) portées devant la Cour de cassation a diminué en 2007 de 4,2 %. La Cour a rendu 20 354 décisions, soit 9,3 % de moins qu’en 2005.

La procédure de filtrage institué par la loi organique du 25 juin 2001 permet à la Cour de cassation de déclarer « non admis » « les pourvois irrecevables ou non fondés sur un moyen sérieux de cassation ». Depuis 2002 les affaires en « non-admissions » viennent diminuer à la fois les rejets et les irrecevabilités ; en 2007, 4 728 affaires (– 13 %) se terminent ainsi, soit près d’une décision rendue sur quatre.

Les cassations ont diminué en 2007 (– 6,7 %). Elles ont représenté 23 % des décisions rendues. Si l'on ramène ce chiffre aux seules affaires soumises à la chambre, les cassations représentent alors près de 32 % des décisions. Les rejets de pourvois ont baissé et représentent 22,6 % de l'ensemble des affaires.

b) Les cours d’appel

Le nombre d’affaires portées en appel est en baisse de 1 % en 2007, pour la deuxième année consécutive. Pourtant, les affaires en appel provenant des tribunaux de grande instance continuent de progresser de près de 1,3 %. La baisse générale s’explique par le repli particulièrement net du nombre des appels pour les conseils de prud’hommes (– 5,2 %) et les tribunaux d’instance (– 5,7 %).

Pour analyser ces chiffres, il convient d’observer si l’évolution des affaires nouvelles des cours d'appel est un simple corollaire de la variation de l'activité des juridictions de première instance, ou s’il s’y superpose une évolution de la propension des justiciables à faire appel.

L'examen de l'évolution des taux d'appel contre les décisions de première instance fait apparaître une légère baisse de ces taux les tribunaux d’instance et des conseils de prud’hommes bien que le nombre d’affaires traitées par ces juridictions soit en hausse. En revanche, les taux d’appel progressent contre les décisions des tribunaux de grande instance.

S’agissant des affaires terminées, le mouvement de hausse observé depuis 2003 s’est stoppé. Avec 205 902 affaires terminées, l’activité de l’année 2007 connaît une diminution de 5,8 %. Comme les affaires terminées sont globalement supérieures en nombre aux affaires nouvelles, les cours d'appel ont à nouveau connu un dégonflement de leur stock d'affaires en cours.

La durée moyenne des affaires terminées par les cours d'appel en 2007 s'établit à 13,3 mois, en réduction de 0,6 mois par rapport à 2006 et de 1,4 mois par rapport à 2005.

c) Les tribunaux de grande instance

Pour l’analyse des statistiques relatives aux tribunaux de grande instance (TGI), il convient de rappeler que, depuis 2004, les données d’activité des TGI comprennent des procédures qui ne faisaient pas auparavant l’objet d’un enregistrement au Répertoire général civil (RGC). Avec la mise en place du nouveau RGC, ces procédures peuvent être identifiées en tant que telles puisqu’elles constituent l’activité de la juridiction au même titre que les affaires traditionnellement prises en compte. Ce changement provoque inévitablement une importante rupture de série en 2004, tant au niveau des flux d’affaires nouvelles et terminées que des durées d’affaires.

En 2007, le nombre d'affaires nouvelles portées devant les TGI s’élève à 911 593 affaires (– 3,3 %). Ces données montrent qu’à quelques centaines d’affaires près, l’activité des tribunaux de grande instance est en diminution.

Après une diminution très lente du nombre d’affaires entre 2000 et 2002, l’année 2003 a connu une hausse sensible du nombre d’affaires nouvelles. À périmètre constant, l’année 2004 avait déjà permis de noter une pause dans cette évolution. En 2005 le nombre d’affaires portées devant les TGI était quasiment stable (+ 0,1 %). En 2006, le nombre d’affaires nouvelles est équivalent à celui de 2005 et cet état de fait se décline tant pour les référés et que les ordonnances sur requête.

En 2007, le nombre d’affaires terminées (893 141) est en baisse de 3,7 %. Son niveau reste inférieur à celui des affaires nouvelles, ce qui provoque une hausse des affaires en cours de plus de 18 000 affaires. Le stock s’établit en fin d’année à 595 481 affaires, âgées en moyenne de 13,8 mois.

La durée moyenne de traitement toutes affaires confondues (fond et référé) s’établit à 6,9 mois sachant que cette durée intègre les ordonnances sur requête qui durent en moyenne 6 jours et les référés dont la durée moyenne d’établit à 1,9 mois. La durée des affaires au fond s’établit, en fait, à 7,5 mois.

Il convient de préciser que 25 % des affaires terminées en 2007 devant les TGI l'ont été en moins de 1,6 mois (notamment les ordonnances sur requête) et 50 % en moins de 3,7 mois (notamment les référés). À l'opposé, 25 % des affaires terminées l'ont été en plus de 9,8 mois.

La baisse du nombre des affaires terminées est plus particulièrement sensible en matière de contentieux général (– 12 %), de ruptures d’union (– 3,5 %) et devant le juge de l’exécution (– 2,1 %).

d) Les tribunaux d’instance et les juridictions de proximité

En 2007 les tribunaux d’instance ont été saisis de 603 907 nouvelles affaires, soit 1,7 % de moins qu’en 2006.

Le nombre d'affaires terminées en 2007 atteint 586 462, en baisse de 3 %, dont près de 75 000 référés (– 0,5 %). Cette évolution est en rupture avec la tendance à la hausse observée ces dernières années. Le nombre d’affaires terminées demeure en dessous de celui des affaires nouvelles. Le stock d'affaires restant à traiter au 31 décembre 2007 (501 135 affaires) s'est donc accru mécaniquement de 17 445 affaires par rapport à l'année précédente.

La durée moyenne de toutes les affaires terminées en 2007 par les tribunaux d'instance s'est établie comme les années précédentes à 4,7 mois. Les référés sont traités en moyenne en 3,2 mois.

Il apparaît que 25 % des affaires terminées par les tribunaux d'instance l'ont été en moins de 2,1 mois, 50 % l'ont été en moins de 3,5 mois et qu’en revanche 25 % des affaires ont été terminées en plus de 5,9 mois.

Avec près de 104 000 affaires nouvelles, l’activité des juridictions de proximité semble se stabiliser après la montée en charge des années précédentes. En 2007, elles ont été saisies de 1,2 % d’affaires en plus par rapport à 2006 et de 248 000 injonctions de payer soit 8,9 % de moins qu’en 2006.

2. L’activité judiciaire pénale

a) La Cour de cassation

Le nombre d’affaires enregistrées, qui avait augmenté sensiblement de 2005 à 2006 (7 765 à 9 205), s’est réduit en 2007 pour atteindre 7 963. De manière corrélative, le nombre des affaires jugées qui avait augmenté de 2005 à 2006 (7 826 à 9 047) s’est également réduit en 2007 pour atteindre 8 468.

Cependant, alors que le nombre des affaires enregistrées était, en 2006, supérieur de 1,7 % au nombre des affaires jugées, la tendance s’est inversée en 2007, avec 7 963 dossiers enregistrés contre 8 468 dossiers jugés soit un différentiel de 6 %, assurant ainsi un nombre de dossiers jugés supérieur au nombre de dossiers enregistrés. Alors qu’entre 2005 et 2006, le nombre des affaires en attente avait augmenté de 7 % (de 2 707 à 2 903), ce nombre a très sensiblement baissé à 2 445, avec une variation de – 16 %.

La durée moyenne de traitement des affaires terminées par arrêt a légèrement augmenté par rapport à 2006 passant de 123 à 138 jours. En 2007, 3 % des procédures terminées par un arrêt l’ont été en formation ordinaire pour un total de 216 dossiers (contre 4 % en 2006, soit 273 dossiers et 5 % en 2005, soit 375 dossiers). 38 % des procédures terminées par un arrêt en 2007 l’ont été en formation restreinte (hors non admission) pour un total de 2 884 dossiers (contre 37 % en 2006, soit 3 018 dossiers, 40 % en 2005, soit 2 751 dossiers). 59 % des procédures terminées par un arrêt en 2007 ont fait l’objet d’une décision de non admission par une formation restreinte pour un total de 4 396 dossiers (contre 59 % en 2006, soit 4 803 dossiers, 55 % en 2005, soit 3 796 dossiers).

b) Les cours d’appel

En 2006, les chambres des appels correctionnels ont été saisies de 49 409 affaires, ce qui constitue une baisse de 1,6 % par rapport à 2006. Avec 48 047 arrêts rendus, le volume des affaires terminées s’est légèrement contracté. Avec un nombre d’affaires terminées inférieur à celui des affaires nouvelles, le stock d’affaires en cours au 31 décembre a progressé de 7,3 %. Le stock en fin d’année (27 374 affaires) représentait 7 mois d’activité. Par ailleurs, le nombre de personnes condamnées a diminué de 2,8 % et celui des personnes relaxées est stable.

En outre, depuis le 1er janvier 2005, les appels contre les décisions des juges de l’application des peines relèvent de la chambre de l’application des peines ou de son président. En 2007 elle a ainsi été saisie de 12 064 affaires (+ 28 %) et a rendu 12 510 décisions (+ 14 %) dont la moitié par le seul Président de la Chambre.

De leur côté, les chambres de l’instruction ont rendu 39 820 arrêts, soit une diminution de 2,5 % par rapport à 2006. La baisse touche la plupart des types d’arrêts : arrêts de mise en accusation, arrêts statuant sur la détention provisoire ou sur le contrôle judiciaire (– 8,4 %), arrêts statuant sur appel des décisions des juges d’instruction (– 12,6 %). Malgré la baisse du nombre d’arrêts rendus, le stock d’affaires en attente d’être jugées (3 262) a diminué en 2007 de 2 090 affaires.

c) Les tribunaux correctionnels

En 2007, 5 273 909 plaintes et procès-verbaux sont parvenus aux parquets, soit une baisse de 0,7 % par rapport à 2006. Cette baisse des affaires pénales reçues par les parquets s’observe uniquement sur les affaires avec auteur inconnu (– 1,7 %) tandis que les affaires avec auteur connu s’accroissent de 0,7 %. Ainsi la part des affaires élucidées parvenant au parquet continue d’augmenter d’un point chaque année (38 % en 2003 et 42 % en 2007).

Le nombre de procédures pénales traitées par les parquets est inférieur à celui des procédures reçues. Il faut d'abord consolider environ 235 000 procédures transmises de parquet à parquet (dessaisissements). Ensuite un certain nombre de procédures parvenues en 2007 n'ont pas reçu d'orientation définitive dans l'année, soit qu'elles étaient toujours en enquête dans les services de police ou de gendarmerie, soit qu'une procédure alternative aux poursuites ait été lancée sans que l'issue en soit connue, soit que le parquet n'ait pas encore traité l'affaire au 31 décembre 2007.

En 2007, le taux de réponse pénale concerne 83,6 % des affaires poursuivables, soit une progression à nouveau supérieure de plus de trois points à celle de l'année précédente (80,4 %) et de 18 points par rapport à 1998. Cette réponse pénale a pris trois formes : la poursuite devant une juridiction de jugement ou d'instruction (46,4 %), la composition pénale (4,0 %) ou la mise en œuvre d'une procédure alternative aux poursuites (33,2 %).

Le nombre total d'affaires poursuivies par les parquets en 2007 (684 734) a diminué de 3,3 % par rapport à 2006 qui correspondait à un niveau exceptionnellement haut. La part des poursuites dans la réponse pénale est stable (46,4 %).

d) Les tribunaux de police et les juridictions de proximité

Environ, 14 millions de procédures ont été transmises aux officiers du ministère public en 2007, soit une hausse de 18,5 % par rapport à 2006. Les amendes forfaitaires impayées constituent l'essentiel de ces procédures. Avec 1,2 million d’affaires classées, les classements sans suite ont augmenté de 4,4 % confirmant ainsi la hausse de 2006.

Les décisions de poursuite devant les tribunaux de police se sont stabilisées marquant la fin du transfert de compétence vers les juridictions de proximité. Ainsi, seulement 1 761 affaires ont été poursuivies devant les tribunaux de police, soit une baisse de 6,0 % par rapport à 2006. En corollaire, les affaires traitées par les tribunaux de police (hors intérêts civils) se sont stabilisées
(– 0,6 %).

Ainsi, les jugements des quatre premières classes rendus par les tribunaux de police deviennent résiduels (à peine plus de 2 000) bien qu’en hausse par rapport à 2006 tandis que les jugements de 5ème classe, au nombre de 36 401, ont diminué de 3,2 %.

Parallèlement, devant la juridiction de proximité qui ne traite plus que les contraventions des quatre premières classes, les poursuites sont en forte hausse (+ 17,6 %) avec 444 505 affaires poursuivies, en conformité avec l’évolution du nombre des affaires traitées (+ 17,3 %). Avec 361 000 jugements, ces dernières atteignent un niveau proche de celui de 2004. La hausse s’observe davantage sur les ordonnances pénales (+ 24 %) que sur les jugements (+ 3,6 %).

Rappelons que depuis la loi n° 2005-47 du 26 janvier 2005, la juridiction de proximité est compétente pour juger les contraventions des quatre premières classes à l’exception des contraventions de diffamation et d’injure non publiques présentant un caractère raciste ou discriminatoire (décret n° 2005-284 du 25 mars 2005), le tribunal de police ayant compétence pour juger toutes les contraventions de la 5e classe.

III.– L’ACCÈS AU DROIT ET À LA JUSTICE

Le programme « Accès au droit et à la justice » regroupe les crédits destinés à permettre au citoyen de connaître ses droits pour les faire valoir. Ces politiques comprennent quatre volets :

—  l’aide juridictionnelle, qui s’adresse aux personnes physiques dont les ressources sont insuffisantes pour faire valoir leurs droits devant une juridiction, en matière gracieuse ou contentieuse, en demande ou en défense. Elle s’applique aux procédures, actes et mesures d’exécution pour lesquels une admission a été prononcée. Les prestations sont versées aux auxiliaires de justice soit directement, soit par l’intermédiaire des caisses de règlements pécuniaires des avocats ;

—  le développement de l’accès au droit, qui repose sur les conseils départementaux de l’accès au droit (CDAD), institués dans 86 départements. Ces groupements d’intérêt publics sont chargés de recenser les besoins, de définir une politique locale, de faire l’inventaire des dispositifs en place et d’impulser des actions nouvelles. Leurs interventions sont complétées par le réseau judiciaire de proximité, le plus souvent implanté dans les zones urbaines sensibles, constitué d’une centaine de maisons de la justice et du droit, ainsi que d’antennes et de points d’accès au droit ;

—  l’aide aux victimes, qui vise à améliorer la prise en compte des victimes d’infractions par l’institution judiciaire, et à rechercher des modalités d’indemnisation plus justes et plus transparentes. Elle s’appuie aujourd’hui sur les commissions d’indemnisation des victimes d’infractions qui constituent des juridictions spécialisées, installées dans chacun des 181 tribunaux de grande instance, et sur un réseau d’associations d’aide aux victimes, chargées d’accueillir, d’orienter et d’accompagner les victimes. L’an dernier la garde des Sceaux avait confirmé, lors de son audition par votre commission des Lois, la réforme profonde de ce dispositif pour instaurer un service d’assistance au recouvrement des victimes d’infraction (SARVI) et la création d’un juge délégué aux victimes sera instauré. Le ministre a ajouté que « les missions du juge qui préside la commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI) seront élargies ».

—  la médiation familiale, que la loi de finances pour 2007 a inscrite dans le périmètre du programme « Accès au droit et à la Justice ». Ces crédits, auparavant inscrits sur le programme « Justice judiciaire », sont destinés au soutien des fédérations nationales et du réseau des associations et services intervenant en ce domaine.

Il est proposé de doter le programme « Accès au droit et à la justice » de 320 millions d’euros en crédits de paiement, en baisse apparente de 14 millions d’euros par rapport à 2008.

Le tableau suivant détaille, par action, l’évolution des crédits de paiement du programme « Accès au droit et à la Justice » :

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT DU PROGRAMME
« ACCÈS AU DROIT ET AIDE AUX VICTIMES »

(en millions d’euros)

Actions du programme « Accès au droit et à la Justice »

LFI 2008

PLF 2009

Évolution

Aide juridictionnelle

314,4

300,0

– 4,6%

Développement de l’accès au droit et du réseau judiciaire de proximité

6,5

6,5

Aide aux victimes

11,0

11,0

Médiation familiale et espaces de rencontre (1)

2,3

2,6

+ 12,3%

Total

334,3

320,0

– 4,3%

(1) anciennement libellé « Médiation familiale et lieux neutres de rencontre »

Source : projet annuel de performances pour 2009

A. L’ÉVOLUTION DE L’AIDE JURIDICTIONNELLE

Le projet de loi de finances prévoit d’allouer 300 millions d’euros au dispositif d’aide juridictionnelle. Ce montant, en repli de près de 14 millions d’euros par rapport aux crédits ouverts en 2008, sera majoré en gestion de 13 millions d’euros par rétablissement de crédits. En réalité, les crédits disponibles devraient donc être stables en 2009 et conformes aux prévisions de consommation. Cette procédure est conforme à la recommandation de l’audit de modernisation sur le recouvrement de l’aide juridictionnelle de janvier 2007, visant à mettre en œuvre un mécanisme d’incitation budgétaire lié aux résultats du recouvrement en cette matière.

Ce budget est destiné à financer plusieurs dispositifs prévus par la loi du 10 juillet 1991 : l’aide juridictionnelle proprement dite, l’aide à l’intervention de l’avocat au cours de la garde à vue, l’aide en matière de médiation et de composition pénales, et l’aide à l’intervention de l’avocat pour l’assistance aux détenus au cours de procédures disciplinaires.

Cette dotation finance également des protocoles d’amélioration de la défense des justiciables conclus entre les juridictions et les barreaux, conduisant à une majoration de la rétribution de l’avocat, limitée dans une proportion maximum de 20 %, pour certaines missions d’aide juridictionnelle et d’aide à l’intervention de l’avocat au cours de la garde à vue et en matière de médiation ou de composition pénales. Ces dispositions concernent les barreaux qui ont souscrit avec les chefs de juridictions des engagements d’objectifs assortis de procédures d’évaluation visant à assurer une meilleure organisation de la défense.

1. La stabilisation du nombre des bénéficiaires

Le nombre des demandes recensées en 2007 est en baisse de 1,6 % par rapport à 2006. Après une hausse continue depuis 2002 (+ 9,8 % en 2003, + 10 % en 2004, + 6,6 % en 2005, + 2,1 % en 2006), le nombre total des admissions baisse également en 2007 (– 1 %). La baisse des admissions est plus sensible sur l’aide partielle (– 2,1 %) que sur l’aide totale (– 1 %).

Le nombre des rejets s’établit en 2007 à 100 934, en baisse de 5,4 % par rapport à 2006, soit un taux de rejet de 10,1 % par rapport aux demandes examinées. L’un des motifs de rejet est le défaut de communication des pièces justificatives demandées. Le décret n° 2007-1142 du 26 juillet 2007 a introduit une sanction du défaut de production par le justiciable des pièces demandées par le bureau d’aide juridictionnelle dans le délai imparti : la caducité de la demande d’aide juridictionnelle. Dans cette hypothèse, les bureaux ne prononcent plus de décision de rejet, mais une décision de caducité de la demande. Ces dernières décisions pourront être recensées à partir de 2009 après la modification de l’application informatique.

2. La répartition par type de contentieux

En 2007, les admissions concernaient pour 49,6 % des procédures civiles, pour 43,6 % des procédures pénales et pour 6,8 % des affaires administratives ou relatives aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers. En 2002, la répartition était presque similaire (52 % pour des procédures civiles, 42 % pénales et 6 % autres).

Le tableau suivant présente la répartition par type de contentieux des admissions à l’aide juridictionnelle :

RÉPARTITION PAR TYPE DE CONTENTIEUX DES ADMISSIONS À L’AIDE JURIDICTIONNELLE

Nature du contentieux

2002

2003

2004

2005

2006

2007

Civil

357 362

388 020

430 118

448 623

457 436

443 612

Pénal

290 385

320 439

353 407

383 498

389 541

390 146

Administratif

12 220

13 720

14 402

14 614

17 691

20 364

Entrée et séjour des étrangers

28 670

33 672

33 950

39 798

40 293

40 287

Total

688 637

755 851

831 877

886 533

904 961

894 409

Source : Répertoire de l'aide juridictionnelle

La baisse des admissions, en 2007, concerne seulement le contentieux civil (– 3 %). Les admissions pour le contentieux pénal (+ 0,2 %) et administratif (+ 15,1 %) continuent à augmenter, mais le rythme de progression s’infléchit nettement par rapport à l’année précédente. S’agissant du contentieux relatif à l’entrée et au séjour des étrangers, les admissions sont stables.

Les admissions à l’aide juridictionnelle civile ont connu une forte augmentation en 2003 et 2004 (+ 8,6 % et + 10,8 %). Depuis 2005, le rythme de progression s’infléchit nettement (+ 4,3 % en 2005 et + 2 % en 2006) et les admissions baissent même en 2007 de 3 %. La baisse concerne quasiment toutes les juridictions civiles (cour d’appel, tribunal de grande instance, tribunal d’instance, conseil de prud’hommes) et tout particulièrement le contentieux du divorce (– 7 %) et le contentieux général devant le tribunal de grande instance
(– 7,1 %).

La part des admissions civiles pour des procédures devant le tribunal de grande instance est de 59 % en 2007 (contre 63 % en 2002). Elle est de 11 % pour les procédures devant le tribunal d’instance, 9 % pour les procédures devant la cour d’appel, 6 % devant le conseil de prud’hommes et 8 % pour des procédures d’assistance éducative devant le tribunal pour enfants.

Les admissions à l’aide juridictionnelle pour des contentieux administratifs ont connu une forte progression en 2007 (+ 15,1 %), proche de celle de 2003 (+ 12,3 %), inférieure à celle de 2006 (+ 21,1 %), après une croissance plus modérée entre 2004 et 2005 (+ 5 % en 2004, + 1,5 % en 2005). En revanche, la croissance des admissions relatives aux conditions de séjour des étrangers marque une pause en 2007 (stable), comme en 2006 (+ 1,2 %), après la forte hausse de 2005 (+ 17,2 %) et 2003 (+ 17,4 %).

En rupture avec les années précédentes, où l’augmentation des admissions pénales était forte (+ 8,5 % en 2005), celle-ci s’est nettement ralentie en 2006 (+ 1,6 %) et 2007 (+ 0,2 %). En 2007, les admissions pour des procédures correctionnelles représentent 71 % des admissions pénales (contre 66 % en 2002), les admissions pour des procédures devant le juge des enfants ou le tribunal pour enfants 16 % (22 % en 2002).

3. Des améliorations récentes

La hausse du nombre des admissions à l’aide juridictionnelle enregistrée au cours des dernières années s’explique par les mesures prises en faveur des justiciables les plus fragiles ou démunis en 2002 et en 2003. C’est ainsi qu’ont été permis l’admission sans condition de ressources des victimes des atteintes les plus graves à la personne ou de leurs ayants droit, l’augmentation des correctifs familiaux pour les deux premières personnes à charge du demandeur et l’exclusion des allocations logement de l’appréciation des ressources pour l’admission.

Certaines améliorations récentes ont porté sur la rémunération des avocats. Le décret du 5 septembre 2003, précité, a revalorisé le barème de rétribution de l’avocat effectuant des missions d’aide juridictionnelle. La loi de finances pour 2004 a augmenté de 2 % l’unité de valeur de référence. La loi de finances pour 2007 a poursuivi cet effort puisqu’elle a conduit à augmenter de 6 % l’unité de valeur de référence permettant de fixer la contribution de l’État à la rétribution des avocats pour les missions d’aide juridictionnelle, entraînant une hausse de 6 % des rétributions versées aux avocats pour les missions d’aide juridictionnelle achevées à compter du 1er janvier 2007.

D’autres réformes ont conduit à accroître le nombre des bénéficiaires. La loi d’orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 (et les décrets du 2 avril et du 5 septembre 2003) a amélioré le régime de l’aide juridictionnelle pour les familles aux ressources modestes et les victimes. La loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine a institué une procédure de rétablissement personnel qui a induit une augmentation de 19 % des admissions pour des procédures devant le juge de l’exécution en 2004, suivie d’une hausse de 12 % en 2005 et 5 % en 2006.

S’agissant des procédures d’appel des reconduites à la frontière, l’article 22 bis de l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France a prévu le principe du transfert aux cours administratives d’appel de l’appel des décisions des tribunaux administratifs en matière de reconduite à la frontière, antérieurement porté devant le Conseil d’État. Le décret n° 2004-789 du 29 juillet 2004 a fixé la date de ce transfert de compétence au 1er janvier 2005, ce transfert de l’appel aux cours s’est traduit par un nombre important de demandes d’aide juridictionnelle et de décisions d’octroi de l’aide.

Par ailleurs, la proportion des personnes n’ayant pas de ressources ou bénéficiant du RMI, de l’allocation d’insertion ou du fonds national de solidarité dans le total des admissions à l’aide juridictionnelle est passée de 53 % en 2001 à 59 % en 2005.

B. LES CRÉDITS EN FAVEUR DE L’ACCÈS AU DROIT, DE LA MÉDIATION FAMILIALE ET DE L’AIDE AUX VICTIMES

L’amélioration de la prise en compte des victimes d’infractions par l’institution judiciaire est un élément essentiel de la politique pénale. Cette évolution majeure s’est traduite par un renforcement des droits des victimes dans le cadre de la procédure pénale et la mise en place de structures appropriées.

1. L’aide aux victimes

a) Le renforcement des mesures favorables aux victimes

La loi d’orientation et de programmation pour la justice (LOPJ) du 9 septembre 2002 a donné la possibilité à la victime d’obtenir la désignation d’un avocat dès le début de la procédure, et a conféré l’aide juridictionnelle sans condition de ressources aux victimes d’infractions les plus graves. L’intégration de l’assistance des parties civiles dans le champ des protocoles d’amélioration de la défense conclus entre les barreaux et les juridictions, assure la mise en œuvre effective de ces droits.

La loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a renforcé, d'une part, l’information des victimes (remise du procès-verbal de plainte à la demande de la victime, information systématique des motifs de classement sans suite) tout en organisant, d'autre part, les conditions d'une meilleure prise en compte des intérêts des victimes au stade de l’exécution des peines et la simplification de la procédure d’indemnisation devant les Commissions d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI).

Par la suite, la loi du 12 décembre 2005 relative à la prévention de la récidive permet à l’avocat de la partie civile de présenter ses observations devant les juridictions de l’application des peines, lors de l’examen d’une demande de libération conditionnelle. La loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme, rend possible l’indemnisation des ayants droit des victimes françaises d’actes de terrorisme commis à l’étranger, même lorsque ces ayants droit n’ont pas la nationalité française. La loi du 4 avril 2006 relative à la répression des violences au sein du couple étend la circonstance aggravante liée à l’existence d’une relation de couple aux infractions de meurtre, viol et autres agressions sexuelles.

Une Commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI) existe dans chacun des 181 tribunaux de grande instance. Cette juridiction civile est composée de deux magistrats et d’un assesseur non professionnel. Les CIVI sont avec le Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI) les éléments clefs du dispositif autonome d’indemnisation des victimes d’infractions.

Le décret du 13 novembre 2007 a institué un juge délégué aux victimes (JUDEVI), et un service d’aide au recouvrement des dommages et intérêts pour les victimes d’infractions (SARVI) a été créé par la loi n° 2008-644 du 1er juillet 2008 créant de nouveaux droits pour les victimes et améliorant l'exécution des peines. Ces deux innovations nécessitent de renforcer la performance et la réactivité du réseau des 178 associations locales d'aide aux victimes conventionnées et subventionnées. Près de 65 % d’entre elles devraient signer des conventions pluriannuelles d’objectifs avec les cours d’appel d’ici 2011.

À cette fin et pour rendre effectif le droit à indemnisation des victimes d’infraction pénale, il est prévu de privilégier les permanences en vue de l’accompagnement des victimes lors des procès, au sein des bureaux de l’exécution immédiate des peines et pendant toute la durée de l’indemnisation pour atteindre, au cours des 3 prochaines années, une cible de 250 000 victimes d’infraction pénale accueillies (soit + 21,3 % par rapport à 2007) et d’environ 120 000 victimes bénéficiant d’au moins deux entretiens. Le développement des actions spécifiques en direction de victimes particulièrement fragilisées (mineurs victimes, femmes victimes de violences intra-familiales et conjugales, victimes de discriminations…) ainsi que dans les services des urgences des hôpitaux pour apporter une aide immédiate aux victimes sera également poursuivi.

b) L’action du ministère en faveur des victimes

Le ministère de la Justice accompagne la mobilisation du secteur associatif en finançant, par l'intermédiaire des crédits déconcentrés auprès des cours d'appel, l'action des associations d'aide aux victimes.

En 2006, les crédits ouverts pour les 168 associations locales d'aide aux victimes s'élevaient à 7,3 millions d’euros, en hausse de 12 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2005. En 2007, le montant total des crédits déconcentrés aux cours d'appel dans le cadre du soutien aux 172 associations locales d'aide aux victimes est de 7,45 millions d’euros. Ce montant a été porté à 8,8 millions d’euros en 2008

Pour 2009, les crédits destinés au financement du réseau des associations d’aide aux victimes sur le territoire national sont portés à 9 millions d’euros. Cette dotation se décompose de la manière suivante :

—  8,65 millions d’euros consacrés au soutien des activités du réseau des associations locales d’aide aux victimes, dont 6, 95 millions d’euros pour le financement des conventions pluriannuelles d’objectifs (CPO) et 1,7 million d’euros pour le réseau des associations et services d’aide aux victimes n’ayant pas signé de convention pluriannuelle d’objectifs ;

—  0,36 million d’euros au titre d’actions nouvelles, dont 0,26 million d’euros sera consacré au recrutement de psychologues et de juristes à temps partiel (pour 5 ETPT) en 2009 et 0,1 million d’euros consacré au soutien, parallèlement à la réforme de la carte judiciaire, de la réorganisation du réseau associatif dans trois cours d’appel (60 000 euros), et de la modernisation des équipements techniques et informatiques d’associations d’aide aux victimes (40 000 euros).

Des actions spécifiques en direction de victimes particulièrement fragilisées (mineurs victimes, femmes victimes de violences intra-familiales et conjugales, victimes prises en charge dans les services d'urgence des hôpitaux) seront également développées. Le ministère de la Justice prévoit de consacrer une somme de 1,9 million d’euros au versement de subventions à ces structures ainsi qu’au soutien des projets d’accompagnement des personnes particulièrement fragilisées connues du ministère de la Justice, cofinancés par le Fonds social européen.

Les organismes concernés sont notamment les fédérations et les associations nationales avec lesquelles le ministère de la Justice doit renouveler des conventions pluriannuelles d’objectifs, pour deux ans, en 2009. Elles participent à des instances de concertation (comme le conseil national de l’aide aux victimes) ou à des groupes de travail chargés de faire des propositions d’amélioration de la situation des victimes, et qui animent des réseaux locaux d’associations qui mettent en œuvre des missions de service public.

Cette dotation se décompose de la manière suivante :

—  1,69 million d’euros pour le renouvellement en 2009 des conventions pluriannuelles d'objectifs avec les fédérations nationales les plus importantes. Entre dans ce champ la mutualisation des plates-formes téléphoniques avec le financement du « 08 victimes » – dont la charge repose entièrement sur le ministère de la Justice et dont le financement n’a pas augmenté depuis deux ans en raison de la politique de resserrement du dispositif –, d’une partie des dispositifs « Alerte enlèvement » et « SOS enfants disparus » qui devrait être remplacé par le numéro téléphonique européen « 116000 » pour la signalisation des enfants disparus. En outre, une dotation de 3,3 millions d’euros en autorisations d’engagement couvre notamment la budgétisation pour deux années de l’exécution des conventions pluriannuelles d’objectifs sur la base d’une garantie minimale de financement de 50 % prévue à la circulaire du 16 janvier 2007 ;

—  0,2 million d’euros consacré aux associations nationales de victimes et d'aide aux victimes appelées à participer à des travaux de réflexion sur le droit pénal et sur la place des victimes dans le procès, à agir auprès des familles de victimes et à intervenir dans des domaines jusqu’alors peu pris en compte par la Justice (violence routière, traite des êtres humains, esclavage moderne, violences faites aux femmes, discriminations, etc.). Des projets bénéficiant des soutiens du Fonds social européen seront également soutenus.

Il est en outre prévu de maintenir un fonds de réserve de 100 000 euros pour les accidents collectifs et les procès exceptionnels.

2. Le développement de l’accès au droit

L’accès à la connaissance de ses droits, qui est un élément fondamental du pacte social, est une mission assurée par les conseils départementaux de l’accès au droit (CDAD).

En 2009, les crédits du ministère de la justice destinés au développement de l’accès au droit et au réseau judiciaire de proximité s’élèveront à 4,18 millions d’euros (hors personnels), contre 3,58 millions d’euros en 2008 (+ 16,5 %). La majorité de ces crédits est allouée, sous forme de subventions pour charges de service public, aux conseils départementaux d’accès au droit.

Dans un contexte où la réforme de la carte judiciaire conduit à développer l’offre de services de proximité en matière d’accès au droit, les principales actions qui seront soutenues en 2008 visent à étendre la couverture du territoire national en conseils départementaux de l’accès au droit et à améliorer la qualité du service rendu aux usagers du service public de l’accès au droit.

En 2008, 88 départements étaient dotés d’un conseil départemental de l’accès au droit et 5 nouveaux conseils devraient être constitués en 2009 dans le Doubs, la Côte d’Or, la Haute-Marne, le Territoire de Belfort, et la Vendée. Le programme d’action et de création des conseils départementaux de l’accès au droit s’articule avec les activités en ce domaine des Maisons de la Justice et du Droit (MJD) anciennes ou de nouvelles générations.

3. La médiation familiale

L’action « Médiation familiale et espaces de rencontre » serait dotée de 2,54 millions d’euros en 2009 (hors dépenses de personnel). Cette action s’inscrit dans les orientations du ministère de la Justice qui visent à maintenir les liens familiaux au-delà des séparations et des divorces. La mise en œuvre de ces dispositions repose essentiellement sur le réseau des 213 associations et services de médiation familiale ou espaces de rencontre entre parents et enfants qui bénéficie d’un soutien financier. Ces associations se voient confier par les juridictions ou, à titre conventionnel, par d’autres organismes ou les intéressés eux-mêmes, des missions dont la finalité est d'informer les parties et de permettre un règlement apaisé des conflits familiaux (médiation familiale) et le maintien des liens entre un enfant et ses parents dans des situations où ces derniers ne peuvent les accueillir à leur domicile (espaces de rencontre).

L’essentiel de ces crédits d’intervention (2,45 millions d’euros) est destiné au financement du réseau des associations de médiation familiale ou d’espaces de rencontre sur le territoire national. Sur cette somme, 2,37 millions d’euros permettront de payer les dépenses courantes de ces structures et 0,09 million d’euros servira à financer des mesures nouvelles. Il s’agit de financer trois postes de médiateurs à temps plein, en complément des financements mis en place par les caisses d’allocations familiales, dans le cadre du protocole national de développement de la médiation familiale.

IV.– LA CONDUITE ET LE PILOTAGE DE LA POLITIQUE DE LA JUSTICE ET LES ORGANISMES RATTACHÉS

La réforme de l’administration centrale du ministère de la justice (opérée par le décret n° 2008-689 du 9 juillet 2008), la mise en œuvre à titre expérimental du nouveau système d’information financière de l’État (Chorus) et la modification du rattachement des crédits de la Commission nationale informatique et des libertés modifient sensiblement le périmètre du programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice » (3).

Pour des raisons techniques liées à la mise en œuvre de Chorus, l’essentiel des crédits et des emplois du programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice » (213) est transféré sur le nouveau programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice : expérimentations Chorus » (310). Seules demeurent sur le programme antérieur les dépenses déconcentrées habituellement supportées par ce programme, ainsi que les dépenses en faveur d’agents de l’INSEE. Dans le projet de loi de finances pour 2010, tous les crédits budgétaires du programme seront regroupés au sein du nouveau programme.

Désormais placé sous la responsabilité du secrétaire général du ministère de la justice, le programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice : expérimentations Chorus » a une double finalité. D’une part, il vient en appui des directions du ministère de la justice, notamment dans les secteurs de l’action sociale, de l’informatique, de la statistique, des études et de la recherche et, d’autre part, il dispose des crédits nécessaires au fonctionnement des services centraux de la Chancellerie.

Le tableau suivant présente l’évolution des crédits du programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice et organismes rattachés » :

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE CONDUITE ET DE PILOTAGE DE LA POLITIQUE DE LA JUSTICE ET DES ORGANISMES RATTACHÉS

(en millions d’euros)

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Ouvertes en LFI pour 2008

Demandées pour 2009

Évolution

Ouverts en LFI pour 2008

Demandés pour 2009

Évolution

260

237

– 8,8%

248

237

– 4,4%

A. UNE STABILISATION DES EFFECTIFS ET DES MOYENS DE L’ADMINISTRATION CENTRALE

Les crédits liés à la conduite et au pilotage de la politique de la justice (et organismes rattachés) atteindraient en 2009 de 237 millions d’euros en crédits de paiement, soit une baisse de 4,4 % par rapport à 2008. Cette baisse est due au transfert des crédits de la Commission nationale informatique et des libertés, pour un montant de 11,4 millions d’euros. Les crédits sont donc, en réalité, stables en 2009.

Le ministère de la justice, et notamment son administration centrale, était très peu attractif sur le plan indemnitaire, par rapport à l'ensemble des autres grands ministères. Il lui était souvent difficile d'attirer, mais aussi de retenir, dans les services de l'administration centrale, les collaborateurs de bon niveau dont il avait besoin. Dans le cadre de la loi de programmation pour la justice, des mesures indemnitaires ont permis d’améliorer le niveau des indemnités versées aux agents en poste en administration centrale.

En 2008, une mesure indemnitaire de 200 000 euros a été ouverte pour accompagner les restructurations et les réorganisations induites par la création d’un secrétariat général aux compétences étendues. Pour 2009, il est prévu de supprimer sept emplois (3,5 ETPT) d’agents de l’administration centrale partant à la retraite. Il est également proposé une mesure nouvelle indemnitaire de 200 000 euros pour financer la première étape de la politique de refondation indemnitaire suite à la fusion des corps ministériels d’attachés. Cette refondation indemnitaire a vocation à être progressivement étendue à l’ensemble des corps fusionnés de la filière administrative.

B. LA RÉFORME DE L’ADMINISTRATION CENTRALE

La réforme de l’administration centrale doit permettre d’optimiser la gestion des fonctions transversales, notamment par la mise ne place d’un secrétariat général rénové. Les fonctions de synthèse budgétaire, de statistique, de pilotage informatique et immobilier sont désormais rationalisées. Un décret du 9 juillet 2008 relatif à l’organisation du ministère de la justice a mis en œuvre cette réforme à compter du 1er septembre 2008.

1. La réorganisation de l’administration centrale

Le décret n° 2008-689 du 9 juillet 2008 met en œuvre la décision prise par le comité de modernisation des politiques publiques du 12 décembre 2007 qui vise à regrouper au sein du secrétariat général du ministère de la Justice des compétences antérieurement réparties entre plusieurs directions et services de l’administration centrale et de proposer une nouvelle définition des missions des directions du ministère. Cette réforme est entrée en vigueur le 1er septembre 2008.

Le secrétariat général du ministère de la justice est désormais composé des services suivants :

—  le service de la synthèse et de la programmation dont la mission est principalement d’assurer la synthèse des dossiers et documents stratégiques transversaux visant à mettre en œuvre les politiques publiques définies par le garde des Sceaux ;

—  le service du support et des moyens du ministère qui apporte son concours aux directions du ministère dans les domaines de l’immobilier, de l’informatique, de la statistique et du contentieux ;

—  le service de l’administration centrale qui assure la gestion des personnels et des locaux d’administration centrale du ministère de la justice ;

—  le service des affaires internationales et européennes et le service de l’accès au droit et aux victimes, dont les missions sont inchangées.

La direction de l’administration générale et de l’équipement a donc été supprimée. Les compétences de son service central d’information et de communication ont été réparties entre le bureau du cabinet, un département de l’information et de la communication au sein du service de l’administration centrale et la direction des services judiciaires. Le périmètre des missions des autres directions du ministère de la justice n’a pas été sensiblement modifié.

2. La création d’un porte-parole du ministre

Conformément à la volonté exprimée par le Secrétariat général du Gouvernement, en décembre 2006, d’élaborer une doctrine sur la communication publique en temps de crise à la suite des insuffisances pointées par le « livre blanc de la sécurité intérieure face au terrorisme », il est apparu nécessaire de créer un poste de porte-parole qui puisse communiquer sur l’ensemble de ses décisions et des projets de réforme concernant le ministère de la Justice. Créé par le décret n° 2007-1506 du 19 octobre 2007, le poste de porte-parole du ministre a immédiatement été pourvu.

3. La création d’un comité de gouvernance des systèmes d’information

Destiné à se substituer à la Commission de l'informatique, des réseaux et de la communication électronique (comirce) créée en 1996, le comité de gouvernance des systèmes d’information du ministère de la Justice réunit les principaux responsables des directions, des services, des partenaires du ministère de la justice et des représentants des organisations professionnelles. Ce comité a repris les missions originelles de la COMIRCE visant à définir et conduire la politique informatique globale du ministère en faisant notamment émerger une hiérarchie des besoins, piloter les actions de mutualisation et de normalisation, préparer un schéma directeur des systèmes d'information, réaliser une veille technologique et être le représentant de la Commission nationale informatique et des libertés pour l'ensemble du ministère.

L’objectif principal de la réforme a consisté en la mise en place d’une organisation dont la structuration, du fait notamment de la création d'un comité restreint réduit et plus opérationnel, est à même d'assurer une véritable gouvernance de l'ensemble du système d'information et de communication des différentes directions du ministère de la Justice.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du 28 octobre 2008, la Commission a procédé, en commission élargie à l’ensemble des députés, dans les conditions fixées à l’article 117 du Règlement, à l’audition de Mme Rachida Dati, garde des Sceaux, ministre de la Justice, sur les crédits de la mission « Justice » pour 2009.

M. le président Didier Migaud. Madame la garde des sceaux, Guy Geoffroy, vice-président de la Commission des lois, qui représente Jean-Luc Warsmann, retenu aujourd’hui auprès du Président de la République en déplacement dans son département, et moi-même sommes heureux de vous accueillir.

Nous sommes réunis en formation de « commission élargie » afin de vous entendre sur le crédits consacrés à la mission « Justice » dans le projet de loi de finances pour 2009. Comme vous le savez, cette procédure nous permet de privilégier le dialogue entre le Gouvernement et les députés et, pour cela, de donner toute la place, non pas aux exposés, mais aux échanges de questions et de réponses.

Les projets de rapports de nos trois rapporteurs sont sur les tables : celui de M. René Couanau, rapporteur spécial de la Commission des finances et ceux de Mme Michèle Tabarot, et M. Jean-Paul Garraud, rapporteurs pour avis de la Commission des lois, respectivement pour le programme « Administration pénitentiaire et protection judiciaire de la jeunesse » et pour le programme « Justice et accès au droit ». Après les réponses que Mme la ministre aura apportées à chacun des rapporteurs, les députés qui le souhaitent poseront à leur tour leurs questions, en commençant comme à l’accoutumée par les responsables des groupes politiques.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Madame la ministre, les membres de la Commission des lois ont le plaisir de vous retrouver dans le cadre de cette commission élargie. Je vous prie d’excuser l’absence du président Warsmann, retenu dans son département à l’occasion de la visite du Président de la République.

Le budget que vous allez nous présenter est en augmentation de 2,6 % en crédits de paiement, soit davantage que le budget général de la nation, signe de la priorité que constitue la mission dont vous assumez la charge. Dans le contexte financier que nous connaissons, il convient de maîtriser les coûts tout en menant les réformes qui s’imposent pour améliorer le fonctionnement de votre département ministériel. Votre ministère s’est engagé dans une politique particulièrement hardie de modernisation de son organisation et de ses méthodes de travail ; c’est dans ce cadre que s’inscrivent par exemple la réforme de la carte judiciaire que vous avez menée, celle de la dématérialisation des procédures ou, demain, celle de notre système pénitentiaire.

De même, des réflexions sont en cours sous la direction de spécialistes reconnus : sur la répartition des contentieux, sous la direction du recteur Guinchard, sur la refonte de l’ordonnance de 1945 concernant la justice des mineurs, sous la direction du recteur Varinard, et sur la réforme des professions du droit, sous la direction de maître Darrois. Elles tendent toutes à rationaliser notre droit et à l’adapter aux exigences contemporaines ; je ne doute pas que vous répondrez aux interrogations qu’elles peuvent soulever.

M. René Couanau, rapporteur spécial de la Commission des finances, de l’économie générale et du plan. Madame la ministre, le budget que vous nous présentez est caractérisé par la cohérence, l’équilibre et la constance.

C’est un budget de cohérence : nous y retrouvons la traduction financière des grands objectifs que vous avez fixés. C’est un budget d’équilibre : contrairement à ce qu’on entend dire, il ne privilégie pas tel secteur au détriment de tel autre. C’est un budget de constance : on ne peut pas dire que vous procédiez par à-coups ou que vous n’affichiez pas vos intentions.

Le budget du programme « Justice judiciaire » augmente de 3 % en crédits de paiement – contre 2,6 % pour l’ensemble de votre budget – et de 14 % en autorisations d’engagement. Les créations d’emplois de greffiers, qui avaient un peu tardé, tendent à rééquilibrer leurs effectifs avec ceux des magistrats. La réforme de la carte judiciaire trouve dans ce budget les mesures d’accompagnement que vous aviez annoncées ; elle va se traduire par environ 350 opérations de regroupement de juridictions. 80 millions en autorisations d’engagement et 15 millions en crédits de paiement sont inscrits à ce titre, auxquels s’ajoute un droit de tirage de 75 millions en autorisations d’engagement et de 55 millions en crédits de paiement sur le compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ». En outre, sur la période de mise en œuvre de la réforme (2009-2011), 20 millions sont inscrits pour l’accompagnement social des personnels concernés, et 15 millions pour les avocats.

La Chancellerie attendant beaucoup de la modernisation et de l’équipement des juridictions en techniques informatiques et de communication, ce budget progressera de 7,6 % en 2009. Ainsi gagnera-t-on en qualité d’instruction et de jugement, amplifiera-t-on la politique d’aménagement de peines et améliorera-t-on l’effectivité des décisions pénales.

Pouvez-vous nous dire, madame la garde des sceaux, si vos services sont déjà en mesure d’évaluer combien d’équivalents temps plein la réforme de la carte judiciaire, la réorganisation du ministère et le recours accentué aux nouvelles technologies permettront de dégager ?

[…]

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur pour avis de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour la justice et l’accès au droit. Le budget de la mission « Justice » progresse donc, une nouvelle fois, plus vite que celui de l’ensemble du budget de l’État. Depuis 2002, il a augmenté de près de 2 milliards, ce qui remarquable. La refonte de la carte judiciaire est prévue pour être mise en œuvre d’ici à 2011. Déjà, les pôles d’instruction ont été installés dans les juridictions importantes. Au 1er janvier 2010, 178 tribunaux d’instance seront regroupés et un sera créé ; la réforme des tribunaux de grande instance interviendrait au 1er janvier 2011, 23 sont concernés. Cette réforme continuant de susciter des inquiétudes, il me paraît indispensable de développer l’information délivrée à ce sujet aux magistrats et aux fonctionnaires, notamment si la réforme est anticipée. Comment, madame la garde des sceaux, sera financé le plan social accompagnant les fermetures anticipées de juridictions ? Quel sera le calendrier précis de la réforme ? Quelle sera la réponse du ministère aux instances de recours devant le Conseil d’État ?

Sur un autre plan, la dématérialisation des procédures permettra un fonctionnement plus efficace des juridictions, ce dont chacun se félicitera. Il reste qu’aucun magistrat ne peut travailler sans greffier, avec lequel il forme équipe. Mais si les magistrats bénéficient depuis quelques années déjà de primes modulables, il n’en va pas de même pour les greffiers. Cela peut susciter des dissensions de nature à nuire au bon fonctionnement de la justice.

Le ministère a indiqué à votre rapporteur qu’« alors que le principe applicable en matière indemnitaire consiste normalement à récupérer 50 % des économies tirées des suppressions d’emplois, il a été décidé, dans le cadre du PLF 2009, et en l’absence de suppressions d’emplois de fonctionnaires des greffes, de dégager une enveloppe budgétaire supplémentaire de 2,9 millions d’euros ». Est-ce à dire qu’on va vers une généralisation de ces primes ?

Comptez-vous par ailleurs suivre les préconisations de la commission Guinchard tendant à la valorisation de la profession de greffiers, notamment en ce qui concerne le paiement des heures supplémentaires ? Cela s’impose d’autant plus que le ratio magistrats-greffiers, dont l’importance a été soulignée par la Commission européenne pour l’efficacité de la justice, ne cesse de se détériorer dans notre pays.

En ce qui concerne les effectifs de magistrats, des départs en retraite massifs sont attendus dans les dix prochaines années. Je m’interroge dans ces conditions sur la baisse du nombre de places ouvertes au concours d’entrée de l’École nationale de la magistrature, celle-ci ne devant pas être compensée par des recrutements latéraux, qui ne peuvent dépasser 30 % de ce nombre.

À ce propos, la durée de la scolarité à l’ENM, qui est de trente et un mois, devra-t-elle être portée à trente-six mois du fait de l’introduction d’un « stage avocat » de six mois prévu pour les auditeurs de justice ? Une autre solution pourrait être d’exclure la période de préaffectation fonctionnelle de la durée de la scolarité.

Je voudrais, madame la ministre, vous interroger sur un autre point en ce qui concerne l’ENM. Depuis le vote de la loi organique relative aux lois de finances, les cotisations patronales de retraite font l’objet d’un versement au compte d’affectation spéciale « Pensions ». Or, s’agissant de la pension civile des auditeurs de justice, ce prélèvement n’a pas été affecté en 2008 au budget de la mission « Justice », ce qui a contraint l’ENM à puiser dans son fonds de roulement pour verser les cotisations patronales. Quelle solution sera retenue l’année prochaine ?

En ce qui concerne l’aide juridictionnelle, je tiens à souligner que la baisse des crédits en 2009 n’est qu’apparente. Ce montant devant être majoré en gestion de treize millions d’euros par rétablissement de crédits, les crédits disponibles seront donc stables en 2009.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Je vous remercie pour ces questions pertinentes et précises, qui sont une nouvelle illustration de la nécessité de réformer la justice. En effet, comme le montrent les débats budgétaires des législatures précédentes, ce sont les mêmes questions qui reviennent depuis des années.

Il est vrai qu’il est très compliqué de réformer la justice, qui est un secteur sensible, d’autant que le ministère regroupe plusieurs administrations extrêmement différentes, avec des statuts tout aussi divers. Les missions du ministère sont également différentes, certaines étant garanties constitutionnellement. L’organisation même de la magistrature obéit à des principes constitutionnels, tels que celui de la distinction entre le parquet et le siège, qui génère des statuts différents. Les magistrats du siège sont eux-mêmes répartis en juges d’instruction, juges d’application des peines, juges pour enfants. Toutes ces missions différentes ne peuvent pas faire l’objet d’une réforme globale.

[…]

Les greffiers et autres fonctionnaires sont tout aussi nécessaires à l’exécution de la mission de justice. La justice ne se réduit pas à la magistrature.

La mise en œuvre de la justice des mineurs se heurte à des problèmes spécifiques notamment celui de l’articulation entre civil et pénal – il n’y a pas de parcours global du mineur –, problèmes dus au fait que la mission de la protection judiciaire de la jeunesse est trop large. Les travaux de la commission sur la réforme de l’ordonnance de 1945 permettront de faire avancer cette question en contribuant à une vision globale de la justice des mineurs. Il vaut mieux, à mon sens, concentrer, et le plus en amont possible, les moyens au bénéfice du traitement pénal de ces mineurs déstructurés que sont les mineurs délinquants – pour autant, cela n’exclut pas le civil –, plutôt que de les disséminer sur l’ensemble des jeunes délinquants. Mais cela suppose qu’on assigne une mission claire à la PJJ.

La justice étant là pour assurer la sécurité des Français – je rappelle qu’un tiers des 3,5 millions de décisions de justice rendues sont de nature pénale –, notre réforme de la justice doit permettre une politique pénale claire et réellement appliquée : une politique pénale efficace ne saurait se limiter à de l’incantation. Tel est l’objectif des peines planchers : aujourd’hui 14 000 décisions ont été prononcées sur le fondement de la loi du 10 avril 2007 sur la récidive, les peines minimales représentant 50 % du total et l’application de la loi étant de 100 % dans certains tribunaux.

[…]

J’en viens à la réforme organisationnelle de la justice. Une mission d’évaluation de la réforme de la carte judiciaire a bien été créée au sein du ministère : cette réforme fera économiser 300 emplois. La réforme des contentieux, suite notamment aux recommandations du rapport Guinchard, permettra, elle, une économie de 500 emplois. Quant aux nouvelles technologies, mises en œuvre depuis le 1er janvier 2008, elles feront, elles, gagner 200 emplois.

Vous avez raison, nous souhaitons accélérer la mise en œuvre de la réforme de la carte judiciaire – non pour le principe, mais parce que cela peut s’avérer nécessaire. Des chefs de cour nous ont ainsi signalé que certains tribunaux d’instance manquaient qui de magistrats, qui de greffiers et de fonctionnaires, et nous ont demandé d’anticiper leur fermeture ou leur regroupement. C’est ce que nous sommes en train de faire.

Par ailleurs, les plus touchés par la réforme ne seront pas les magistrats, mais les greffiers et les fonctionnaires des services, qui sont souvent depuis très longtemps en poste et ont des charges de famille. Je serai extrêmement attentive aux situations individuelles. Pour y répondre, nous prendrons des mesures d’accompagnement social, ainsi que des mesures dérogatoires pour certains cas exceptionnels.

Certains barreaux nous ont également demandé d’aller plus vite, car ils souhaitent se réorganiser dans le cadre de regroupements.

Concernant la réforme du contentieux, de nombreuses mesures de simplification du droit ont déjà été proposées dans le cadre de la proposition de loi déposée par Jean-Luc Warsmann. Elles visent à « déjudiciariser » plusieurs contentieux et à en simplifier d’autres, comme les affaires familiales. Des mesures complémentaires feront l’objet d’une prochaine proposition de loi au Sénat.

Au final, la réforme de la carte judiciaire bénéficiera d’une enveloppe globale de 375 millions d’euros, dont 70 millions pour la seule année 2009. Le budget total de la Justice s’élève pour 2009 à 6,6 milliards d’euros, en hausse de 177 millions par rapport à 2008 – soit 2,6 % –, qui fait suite à une précédente augmentation de 4,5 %. L’augmentation est de 4,1 % pour l’administration pénitentiaire, qui est une de mes priorités, et de 3,8 % pour le service judiciaire, la diminution des crédits dévolus à la protection judiciaire étant liée au recentrage de ses missions. Au total, on compte 952 créations nettes d’emplois.

[…]

S’agissant des primes modulables, nous avons décidé de les instaurer, comme cela nous avait été demandé l’année dernière. Le président de l’USM, Bruno Thouzellier, avait alors convenu qu’il fallait choisir : soit augmenter le régime indemnitaire, soit créer des postes. En 2008, j’avais privilégié la seconde option, avec la création de 187 postes de magistrats, et autant de greffiers.

Créer des postes de magistrats sans créer des postes de greffiers n’a aucun sens. Il ne s’agit pas pour autant d’aboutir à une égalité parfaite entre le nombre des greffiers et celui des magistrats ; simplement, pour les activités juridictionnelles, la présence d’un greffier par magistrat est impérative.

Pour 2009, une enveloppe de 2,9 millions d’euros a été dégagée, grâce aux économies réalisées sur les postes de magistrats, afin de revaloriser le régime indemnitaire. Reste à déterminer comment sera mise en œuvre la modulation.

Nous procédons donc bien à une revalorisation de la fonction de greffier, en reprenant d’ailleurs la proposition de la commission Guinchard d’un greffier juridictionnel, sur le modèle allemand.

Quant au paiement des heures supplémentaires, actuellement, les fonctionnaires des services judiciaires ne peuvent que les récupérer. J’ai donc demandé que l’on prépare des textes visant à leur donner le choix entre paiement et récupération. La charge de travail des 22 000 greffiers et fonctionnaires du ministère de la justice a beaucoup augmenté ces dernières années. Il faut en tenir compte, et cela se traduira également dans la modulation qui sera proposée.

En ce qui concerne le rapport fonctionnaires/magistrats, il y aura, en 2009, 150 greffiers supplémentaires pour 59 nouveaux magistrats. Nous rattrapons donc notre retard en la matière. Les nouveaux postes de magistrats incluent des postes de juges d’application des peines.

S’agissant de l’École nationale de la magistrature, sa scolarité restera de 31 mois. Le conseil d’administration du 19 septembre dernier a adopté le principe d’une réforme visant à ouvrir l’École sur la société et à diversifier les profils des magistrats. La formation de portera plus sur des fonctions, mais sur des compétences. En outre, des tests de personnalité seront organisés à l’entrée. Certains dysfonctionnements judiciaires découlent en effet d’une mauvaise orientation des magistrats. Ce n’est pas un métier facile. On peut parfois être surpris par la fonction, notamment quand il faut organiser des transports criminels ou instruire des affaires de mœurs particulièrement choquantes. Cela suppose d’être bien équilibré et de savoir prendre du recul. Quant aux questions pédagogiques, un conseil d’administration doit se prononcer dessus le 25 novembre prochain.

La participation de l’École nationale de la magistrature aux pensions constitue une nouvelle dépense de 6 millions d’euros. Un dialogue de gestion est en cours afin d’en assurer le financement pour 2009. La décision sera prise d’ici à la fin de l’année.

S’agissant de l’aide juridictionnelle, les admissions ont diminué de 1,2 % en 2007, la baisse concernant pour l’essentiel le civil. Il est vrai que les médiations, les conciliations ont beaucoup augmenté et qu’il est moins fait recours au juridictionnel. En tout cas, il y a eu une baisse dans ce domaine en 2007.

[…]

M. Dominique Raimbourg. Le groupe socialiste ne partage malheureusement pas votre optimisme, madame la garde des sceaux. Pour nous, votre budget apparaît d’abord comme décevant, ensuite comme inquiétant et, enfin, en dépit de tout le respect que l’on doit à votre fonction, comme déraisonnable par certains aspects.

Il est décevant parce que, au-delà de l’effet d’annonce sur son augmentation, cette dernière porte avant tout sur l’administration pénitentiaire. C'est sans doute nécessaire, mais cela signifie que les autres actions de la justice ne sont pas prises en compte. J’en veux pour preuve la baisse des crédits affectés à la protection judicaire de la jeunesse. On nous dit que cette baisse résulte de la concentration de la PJJ sur sa mission, qui est la mission pénale, mais rien n’est chiffré alors que, de plus, une partie de la mission pénale est effectuée par des associations qui, elles, vont percevoir des crédits.

Le budget nous paraît ensuite inquiétant. La première raison tient au fait qu’il n’y a pas d’anticipation des différentes réformes.

D’abord, il n’y a pas d’anticipation de la réforme Guinchard. Quelques volets en ont été votés dans le cadre de la loi de simplification du droit, mais quel sera le coût de cette réforme ? Y aura-t-il des gains ou des pertes de production et de productivité ? Nous n’en savons rien.

Ensuite, il n’y a pas d’anticipation de la réforme du droit pénal mineur, qui est en préparation au sein de la commission Varinard alors que cette dernière pointe du doigt une difficulté importante, qui est celle de la résorption des stocks. La justice des mineurs a accumulé, de façon inégale d’ailleurs selon les tribunaux, des retards importants. La résorption du stock va nécessiter forcément des moyens, notamment en greffes. Il n’y a pas non plus d’anticipation sur les coûts qu’entraînera la réforme de la justice des mineurs pour la remettre à niveau et pour faire qu’à chaque axe corresponde une réponse – ce sur quoi tous les intervenants sont d’accord.

Il n’y a pas non plus d’anticipation sur le coût prévisible de la réforme des avoués. Comment va-t-on accompagner le reclassement des 2 500 personnes qui travaillent dans les études d’avoués et, au-delà, comment va-t-on participer au rachat de charges auprès d’avoués qui les ont achetées et qui, en conséquence, pourront venir se plaindre qu’ils subissent une perte importante ?

Par ailleurs, il n’y a que peu d’anticipation sur les conséquences immobilières de la réforme de la carte judiciaire. Comment va-t-on loger et installer les personnels déplacés ?

Il n’y a également que peu d’anticipation sur les transferts. Vous nous indiquez, madame la garde des sceaux, que la baisse en matière d’aide juridictionnelle, notamment en matière civile, résulte d’une intervention de la médiation. Tout le monde se félicite de cette dernière, mais pour l’instant les solutions sont pour l’essentiel expérimentales, sachant également qu’il est fait appel à des bonnes volontés, souvent bénévoles. Comment à l’avenir seront financées les mesures de médiation, au cas où des mesures seraient prises et s’il y a généralisation ? Là encore, nous n’avons pas de réponse.

Votre budget présente également peu d’anticipations quant aux préconisations à venir de la commission Darois, mais il s’agit certes là d’une réforme qui n’est pas encore aboutie et il est probable que cela ne coûtera rien.

Les réformes de la justice commerciale envisagées un temps en vue d’unifier le contentieux commercial et, à dire vrai, de rectifier certaines erreurs des tribunaux de commerce, ne figurent pas non plus dans ce budget.

Enfin, votre budget n’apporte pas de réponse à l’ambiance revendicative et désenchantée que nous avons pu constater lors des auditions auxquelles nous avons procédé et qui se manifeste chez les magistrats et, bien plus largement, chez les fonctionnaires de greffe. Comme l’a exprimé en termes feutrés le rapporteur, M. Jean-Paul Garraud, ces derniers sont mécontents de leur sort, notamment de ne pas bénéficier des primes attribuées aux magistrats, qui correspondent en outre à un surcroît de production. Parfois, ils sont aussi mécontents et jaloux de l’incorporation des fonctionnaires de catégorie C – qui, si elle est nécessaire, se fait parfois au détriment de ceux qui estiment avoir fait l’effort de faire des études. Cette ambiance n’est pas bonne. Pour remédier aux difficultés de la justice, il serait nécessaire d’augmenter le personnel de greffe ou d’engager un grand travail de réorganisation – un cabinet d’audit parlerait de « management » – du travail au sein des juridictions, mais cela ne semble pas avoir été anticipé.

[…]

Pour toutes ces raisons, madame la ministre, votre budget nous paraît très insatisfaisant.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la Commission des lois. […]

Pour ce qui concerne […] le programme immobilier de la justice, M. René Couanau a évoqué tout à l’heure les quelque 5 000 places qui seraient livrées en 2009 et vous-même avez rappelé, madame la ministre, l’objectif de 13 200 places fixé lors du vote de la loi de programme pour la justice et pour lequel certaines places ont déjà été livrées. Pourriez-vous préciser dans quelles conditions ce calendrier sera tenu pour atteindre en temps voulu l’objectif fixé dix années plus tôt ?

[…]

M. Patrick Braouezec. Mes commentaires sont assez proches de ceux que vient de formuler le groupe socialiste. Madame la ministre, aussi appréciable que soit l’augmentation des crédits affectés à la mission de votre ministère, ils sont encore bien en deçà de ce qu’attendent les justiciables, les personnes incarcérées et les personnels.

On mesure mal, dans le cadre de cette discussion budgétaire, l’important retard qu’accuse la France dans le domaine de la justice. Notre pays se situe en effet au 35e rang européen et est l’un des pays qui consacre à la justice la part la plus faible de son budget. L’augmentation qui nous est proposée ne permet pas de pallier ce retard, car un grand nombre des postes créés seront consacrés à l’agrandissement du parc pénitentiaire.

[…]

Sur le programme « Justice judiciaire », le projet annuel de performance, dont la responsable est la directrice des services judiciaires, comprend 23 indicateurs qui ont pour objet essentiel la mesure des délais de procédure. Le rapport de la Cour des comptes a pourtant souligné en mai 2007 que cet objectif ne pouvait être la seule préoccupation du service public de la justice. Que signifient, en effet, des indicateurs de qualité en matière de décision judiciaire ?

Dans ce même rapport, la Cour des comptes soulignait la nécessité de compléter le projet annuel de performance par un indicateur relatif au nombre de détentions provisoires d’une certaine durée suivies d’un non-lieu. Pas plus que le projet de budget pour 2008, celui de 2009 ne suit pas cette recommandation. Pourquoi donc le ministère refuse-t-il d’intégrer cet indicateur, pourtant simple à mettre en place ?

Je rappellerai aussi les mauvais chiffres de la justice française. Selon un rapport de 2008, la France compte un nombre de magistrats et de parquets qui est parmi les plus faibles d’Europe et elle se situe également en fin de classement pour le nombre de tribunaux – et je ne pense pas que la réforme de la carte judiciaire soit de nature à améliorer ces ratios.

Si considérables que soient les besoins de l’administration pénitentiaire, ceux de la justice judiciaire ne sont pas moins pressants. Dans son rapport de mai dernier, la Cour des comptes souligne qu’à l’issue de la période 2003-2007, les objectifs de la loi d’orientation et de programmation de la justice n’ont été que partiellement atteints, notamment, pour ce qui est des services de la justice, avec des résultats qui représentent 63 % de l’objectif et 47,5 % pour les services judiciaires. Là encore, il faut regretter que les créations d’emplois soient dévolues en grande partie à l’administration pénitentiaire – et l’augmentation très minime de du nombre de greffiers par magistrat que vous avez évoquée ne suffit pas à nous rassurer.

[…]

Ce budget, je le répète, est bien en deçà des besoins des justiciables, des personnels et des personnes condamnées à des peines de prison, et certaines de ses dispositions nous préoccupent.

Mme la garde des sceaux. Je n’ai pas dit que j’étais optimiste, mais que ce budget était en hausse. On peut toujours réclamer plus de crédits, mais il faut être responsable : plus de crédits pour quoi faire ? Nous augmentons les moyens, mais en même temps nous réformons.

Budget décevant, inquiétant, dites-vous ? Il ne fallait pas vous priver pendant quatorze ans ! Je ne veux pas polémiquer, mais je suis allée consulter les débats parlementaires…

M. Patrick Braouezec. Pendant ces quatorze ans, nous avons aussi demandé plus !

Mme la garde des sceaux. On me fait grief de beaucoup de choses, mais je n’improvise rien : quand j’établis un budget, je regarde les précédents ; quand j’élabore le projet de loi pénitentiaire, je reprends les travaux qui ont été faits précédemment, notamment par la gauche ; quand je réforme la carte judiciaire, je reprends le rapport Guigou, le rapport Nallet, le rapport Lebranchu. D’ailleurs, la plupart des tribunaux regroupés figuraient déjà dans le rapport présenté en conseil des ministres en 1999. Je rends hommage à la gauche pour le travail qu’elle a fait : elle n’est pas allée jusqu’au bout, mais il m’a servi !

Je ne réponds pas aux polémiques, ce n’est pas ma conception de la politique. Faire de la politique, c’est militer, convaincre, tenir des engagements ; ce ne sont pas les coups bas et les petites phrases. Lorsque Mme Guigou était garde des sceaux, le budget a augmenté mais, en matière de réformes, on a calé sur tout : sur la réforme de l’ordonnance de 1945, sur la réforme de la carte judiciaire, sur la réforme des tribunaux de commerce, sur la réforme du CSM… La liste est longue ! Merci donc à tous ceux qui ont travaillé et dont j’utilise le travail ; mais nous, nous allons jusqu’au bout. Et je réclame l’égalité des armes : il aurait fallu, à l’époque, formuler les mêmes commentaires qu’aujourd’hui.

En ce qui concerne la réforme de la carte judiciaire, le volet immobilier représente sur cinq ans 375 millions d’euros. 60 millions sont inscrits en 2009. Le fléchage est précis : il y a 820 opérations à mener ; 330 sites font l’objet d’un relogement, les juridictions regroupées sont accueillies sur 400 sites. Depuis le 1er mars 2008, 91 pôles de l’instruction ont été installés. Bien sûr, il y a des contraintes immobilières ; là où ce sera nécessaire, on adoptera des solutions transitoires, notamment par des locations. Tout cela est prévu dans l’enveloppe de 375 millions. La plupart des sites qui vont être quittés sont propriété des collectivités locales. Il y aura 74 locations et 215 immeubles mis à disposition par les collectivités. Par ailleurs, 41 sites appartiennent à l’État.

[…]

Nous avons anticipé le rapport Guinchard en termes d’emplois : le volume de la déjudiciarisation correspond à 500 emplois. Par ailleurs, le calendrier parlementaire est un peu chargé. Certaines dispositions ont été intégrées dans la proposition de loi de M. Warsmann, d’autres seront proposées au Sénat. L’essentiel, c’est que les mesures soient prises ; j’espère que d’ici à 2009, ce rapport sera mis en œuvre. Il faudra certes compléter les propositions de loi par un autre véhicule.

La question des avoués est en discussion. La proposition actuelle est de fusionner leur profession avec celle des avocats. Le sort des 2 500 salariés va être examiné dans ce cadre ; il y aura aussi indemnisation par le ministère de la justice, mais sans impact budgétaire en 2009.

En ce qui concerne la justice commerciale, nous avons enlevé toutes les chambres commerciales qui existaient dans les TGI pour les remettre dans les tribunaux de commerce ; et nous regroupons ces tribunaux pour qu’il y ait un parquet à proximité : pour éviter certaines incohérences, pour ne pas dire plus, la présence du procureur est indispensable. Si l’on veut par ailleurs lancer un débat pour réformer le contentieux commercial, je n’y suis pas opposée, mais l’essentiel est cette réforme de l’organisation. Au-delà des dérives, il arrivait en effet souvent qu’après un passage devant la justice commerciale, un dossier se retrouve au pénal quelques années après ; cela conduisait à des doubles peines, mais les entreprises avaient parfois disparu entre temps. Les salariés étaient les premières victimes.

S’agissant de l’aide juridictionnelle, il ne faut pas oublier que, dans le cadre du rapport Guinchard et de la mission Darrois, la médiation va être de plus en plus souvent dévolue aux avocats. La question est de savoir si dans ce cas les personnes doivent bénéficier de l’aide juridictionnelle ; elle n’est pas tranchée. Par ailleurs, la mission Darrois réfléchit à la possibilité de faire contribuer les grands cabinets d’avocats à l’aide juridictionnelle. Notre souci doit être que tout le monde ait droit à la même justice.

Concernant les greffiers, reprenez mes discours : je dis souvent qu’on en parle peu, mais je fais en sorte de réparer les injustices. Quand j’ai constaté qu’en Corse, ils n’avaient pas droit à une prime alors que les magistrats en avaient une, j’ai obtenu de Bercy que cette injustice soit réparée. L’enveloppe de 2,9 millions est également destinée à rétablir l’égalité.

Quant aux emplois de catégorie C, nous en créons 150. Les passerelles permettent de valoriser ceux qui ont de l’expérience professionnelle et qui ont bien peu de temps pour préparer des concours.

[…]

M. René Couanau, rapporteur spécial. Les indicateurs relatifs à cette mission manquent de clarté. Certains ne sont pas instruits, d’autres sont supprimés sans explication par le ministère du budget, d’autres encore ne sont pas très parlants… Si l’on veut renforcer l’action du ministère, il convient de revoir la définition des indicateurs.

M. le président Didier Migaud. Les rapporteurs peuvent tous faire des propositions à cette fin.

Mme la garde des sceaux. Toute proposition serait bienvenue. Ayant moi-même constaté des écarts incompréhensibles dans les indications que l’on me fournissait, ce qui les rendait inexploitables, j’ai demandé, dans le cadre de la réorganisation de la Chancellerie, la centralisation des outils statistiques. Elle permet la mise au point d’indicateurs pertinents sans qu’il soit plus besoin de submerger les juridictions de demandes fragmentées. Je puis ainsi vous dire que le taux de récidive après « sortie sèche » est de 60 %, et qu’il diminue de deux tiers environ en cas de sortie « aménagée ». Quant aux libérations conditionnelles, j’observe, sans vouloir être désagréable, qu’elles ont longtemps été bien peu nombreuses… Je souligne d’autre part que la décision dépend d’un juge. Pour autant, la Chancellerie a adopté une politique volontariste, qui s’est traduit par une augmentation de 10 % du nombre de libertés conditionnelles. Les conférences régionales d’aménagement des peines donnent l’occasion d’en débattre et d’assurer la cohérence des méthodes de travail, qui garantit elle-même la cohérence des objectifs visés. Je considère la libération conditionnelle comme le meilleur moyen de réinsertion. Encore faut-il être « conditionnable », c’est-à-dire avoir accompli la moitié de sa peine, et avoir le profil requis – certains prisonniers ne l’ont pas, tels les pédophiles qui sont dans le déni. Mieux vaudrait dans tous les cas ne pas attendre le moment où un détenu peut prétendre bénéficier d’une liberté conditionnelle pour faire procéder au renouvellement de ses droits sociaux et pour définir avec lui un projet éducatif ou de formation professionnelle. C’est l’un des enjeux du projet de loi pénitentiaire.

La révision de l’ordonnance de 1945 sur les mineurs délinquants devrait conduire à redéployer environ 800 emplois du civil vers le pénal ainsi que les crédits y afférents. Il en résulterait, avez-vous dit, que l’éducatif ne primerait plus. Il n’en est rien. J’ai explicitement fixé à la commission présidée par le recteur Varinard la mission de préserver la primauté de l’éducatif qui, pas davantage que les autres principes qui régissent l’ordonnance de 1945 – atténuation de la responsabilité et spécialisation des juridictions –, ne sera remis en cause. Permettez-moi cependant de vous rappeler les conclusions du rapport de M. Jean-Pierre Schosteck, selon lesquelles la réponse à une infraction commise par un mineur ne doit pas être une condamnation au civil mais une sanction pénale – rapide de surcroît, sinon le mineur sanctionné en a oublié la cause, et le jugement rendu perd toute efficacité. Je suis persuadée de la justesse de ce point de vue.

[…]

Quant à prétendre que les mouvements syndicaux observés ces jours-ci seraient les premiers de cette ampleur, permettez-moi un doute sérieux. En 1993, la moitié des prisons étaient bloquées, un millier de magistrats se sont rendus devant Matignon où M. Jospin a refusé de les recevoir, des codes ont été brûlés place Vendôme. En 1999, d’autres mouvements syndicaux très longs et très forts ont été observés.

Je ne nie pas les mouvements actuels et ne les minimise pas davantage ; j’entends, mais je constate que, pour des raisons que je préfère ne pas approfondir, on s’emballe parfois alors qu’il faut savoir garder la tête froide. Rappelez-vous, aussi, la loi sur la présomption d’innocence, qui est à l’origine d’une évasion à Montpellier : elle avait mis toutes les professions judiciaires dans la rue ! Et Mme Lebranchu se rappelle certainement cette période peu plaisante pour elle, alors garde des sceaux, où tous les barreaux étaient en grève.

S’agissant de la justice, nous avons mené huit réformes et dix textes ont été adoptés. C’est le résultat d’un travail de terrain et de rencontres régulières avec les syndicats. Je rends hommage à l’administration pénitentiaire, qui conduit sa tâche avec un sens élevé de ses responsabilités, dans des conditions rendues plus difficiles par la surpopulation carcérale et la présence de détenus de plus en plus violents.

[…]

M. Jean-Jacques Urvoas. Je crains, Madame la garde des sceaux, de devoir formuler des critiques sur votre projet de budget et de m’exposer donc à des foudres jupitériennes… Mais ces critiques me paraissent justifiées. Ce n’est pas l’opposition française, mais le Conseil de l’Europe lui-même qui a classé la France au 35ème rang sur 43 pays membres de l’organisation en matière de budget annuel de la justice par habitant.

Il ne me semble pas que notre collègue Dominique Raimbourg ait parlé d’incohérence s’agissant de la réforme de la carte judiciaire. Il a simplement émis des réserves sur l’anticipation dans ce projet de budget des mutations que vous avez décidées. En effet, au 1er janvier 2009, 78 tribunaux de commerce et 62 conseils de prud’hommes vont fermer, et au 1er janvier 2010, 178 tribunaux d’instance connaîtront le même sort, ce qui entraînera le déplacement de 2 000 fonctionnaires, dont 650 magistrats. Nous avons bien noté vos réponses sur ce point mais craignons que l’on soit loin de ce qui serait nécessaire.

Mes questions portent sur les personnels. Le rapporteur a reconnu tout à l’heure qu’il existait un « léger malaise » entre les magistrats et la Chancellerie. J’avoue que j’aurais, pour ma part, usé d’un autre adjectif, au vu notamment des propos tenus hier soir par la délégation reçue par le Président de la République, dont les membres ne semblaient pas très satisfaits, c’est le moins que l’on puisse dire, s’agissant notamment de l’indépendance des magistrats à l’égard de la Chancellerie. La Cour européenne des droits de l’homme a d’ailleurs, dans une décision du 13 juillet 2008, « prenant acte de l’absence d’indépendance du procureur de la République à l’égard du pouvoir politique », dénié au procureur « la qualité d’autorité judiciaire » dans notre pays.

Rien ne nous rassurant quant à l’indépendance de la justice,  nous pouvions espérer être rassurés s’agissant des moyens. Or, alors que vous évoquez la création de 59 postes de magistrats, nous arrivons, nous, d’après nos calculs, à moins 22 équivalents temps plein travaillé (ETPT) –siège et parquet confondus. Pour ce qui est du nombre de magistrats sortant de l’École nationale de la magistrature, point sur lequel vous n’avez pas répondu, me semble-t-il, à Jean-Paul Garraud, à l’horizon 2011 devraient en sortir 140 contre 249 aujourd’hui, alors que dans le même temps les départs en retraite seront massifs.

La pénurie de greffiers, dont vous avez rappelé à juste titre, combien ils étaient indispensables à la célérité de la justice, met en péril le fonctionnement même de l’institution. Dans le budget 2008, les greffes avaient déjà payé le plus lourd tribut en matière de suppressions d’emplois. Vous avez évoqué tout à l’heure 150 créations de postes en 2009, mais on apprend dans l’excellent document budgétaire qui nous a été remis qu’il s’agit seulement de promouvoir 150 agents de catégorie C en secrétaires administratifs, ce qui libérera 150 greffiers de leurs tâches administratives et permettra de les affecter auprès de magistrats. D’après nos calculs, qui coïncident d’ailleurs avec ceux du syndicat des greffiers de France, le nombre d’emplois de catégorie B, loin d’augmenter, diminue.

[…]

M. Jean-Michel Clément. Vous nous avez dit tout à l’heure, madame la garde des sceaux, que vous n’improvisiez rien en matière de réformes et que plus de dix textes ont été publiés depuis que vous êtes à la tête de la Chancellerie. Hélas, cet empilement de textes, conjugué à ce projet de budget, provoque une désorganisation massive de l’institution judiciaire. Vos réformes vont également éloigner encore davantage les justiciables de la justice.

Je constate au quotidien dans mon métier, que je pratique encore, les problèmes nés de l’accumulation de ces textes successifs. Les moyens informatiques devraient, nous dit-on, sauver le fonctionnement de l’institution judiciaire. Mais la nouvelle application pénale Cassiopée ne fonctionne toujours pas, et ce depuis 1993, les fonctionnaires des greffes pourront vous le confirmer ! La mise en place des bracelets électroniques, dont, soit dit au passage, le nombre n’est pas aussi élevé que ce qui a été dit, entraîne un surcroît de travail pour les magistrats mais aussi pour les greffiers, comme d’ailleurs toute mesure d’aménagement des peines. Il en va de même de la collégialité de l’instruction, alors que le nombre de magistrats restera, peu ou prou, constant. Le travail auparavant accompli par les avoués, qu’on a le projet de supprimer, le sera par les greffiers. Votre projet de budget devrait anticiper ces mesures à venir, d’autant qu’il faut longtemps pour former aux professions judiciaires et que l’inertie est toujours forte entre l’annonce et la mise en œuvre effective des mesures.

La misère des moyens humains de notre justice est bien connue : on est très loin en France du ratio qui serait souhaitable d’un greffier et de deux ou trois fonctionnaires de catégorie C pour un magistrat. On dénombre moins d’un greffier et d’un seul agent de catégorie C par magistrat – je souligne au passage que l’effectifs de ces agents était inférieur en 2007 à ce qu’il était en 1999, alors même que ces personnels constituent la mémoire des tribunaux.

Au-delà des chiffres annoncés en augmentation globale, il faut se plonger dans les détails… où se niche souvent le diable. Une réforme vraiment utile de notre justice exigerait des moyens qui, hélas, font défaut dans ce projet de budget.

L’accès à la justice sera également plus difficile pour les justiciables. La mise en œuvre anticipée de la réforme de la carte judicaire, nous a-t-on dit, répondrait au souhait de certains chefs de cour. Je constate, pour ma part, sur le terrain qu’elle est plutôt liée à la pyramide des âges des fonctionnaires ou à des mesures de gestion du personnel, et qu’elle n’est pas nécessairement le produit d’une réflexion globale. Au final, ce sont bien les justiciables qui en feront les frais. Les crédits alloués aux maisons de la justice et du droit ou aux conseils départementaux d’accès au droit n’augmentent pas comme il serait nécessaire.

Quant à la proposition de la commission Darrois de financer pour partie l’aide juridictionnelle ou la médiation par un prélèvement sur le chiffre d’affaires de certains gros cabinets, elle est carrément surréaliste. On se dirige vers une justice à deux vitesses, avec des justiciables qui pourront s’en payer l’accès, et d’autres qui, ne le pouvant pas, finiront par y renoncer. Voilà où vont conduire toutes vos réformes, et notre pays, 35ème aujourd’hui sur 43 en Europe s’agissant de justice, risque bel et bien de tomber à la 43ème place.

Mme la garde des sceaux. Le rapport du Conseil de l’Europe auquel certains d’entre vous se sont référés – qui concerne la période d’avant l’élection de Nicolas Sarkozy, ce qui me rend d’autant plus facile d’en parler – compare les moyens et les budgets de la justice dans les différents pays européens. Or, aucun des 27 pays de l’Union n’a la même organisation judiciaire. Alors qu’en Allemagne, où l’on compte certes trois fois plus de magistrats, tout contrevenant à la loi est systématiquement poursuivi, en France, ce sont les procureurs qui décident de l’opportunité des poursuites. De même, alors qu’en Angleterre, il est possible de transiger au pénal, cette possibilité n’existe pas dans notre pays. Veillons donc à ne comparer que ce qui est comparable. Ce rapport met en parallèle des budgets. Je vous parle, moi, des missions et de l’efficacité de la justice. Il est des pays où n’existe pas de juge d’instruction. Il en est d’autres, comme en Angleterre, où il n’y a pas de poursuites systématiques au pénal.

[…]

Quant à la diminution du nombre de postes à l’École nationale de la magistrature, oui, il y en a une. Cependant, même l’Union syndicale des magistrats convenait hier, devant le Président de la République, que la priorité était à la création de postes de greffiers, non de postes de magistrats. Il y a eu chez ces derniers 187 créations de postes en 2008 ; il y en aura 59 en 2009, en raison du transfert définitif de 22 magistrats à la Cour nationale du droit d’asile – jusqu’alors, ils n’étaient pas comptabilisés dans la mission « Justice ».

S’agissant de l’indépendance de la Justice, le Président de la République a confirmé hier devant l’USM les propos que j’ai tenus vendredi soir dernier. Oui, je donne aux procureurs des instructions générales ainsi que des instructions pour l’application de la loi sur la récidive. La représentation nationale vote la loi ; les magistrats l’appliquent ; la garde des sceaux dirige l’action publique. Les procureurs étant sous l’autorité du garde des sceaux, je peux leur demander d’appliquer la politique pénale. En revanche, je n’ai jamais donné une instruction à un juge. Et je ne vois pas, monsieur Urvoas, comment un budget pourrait traduire une atteinte à l’indépendance – laquelle consisterait à réviser ou à abroger des principes, non à modifier le nombre de postes de magistrats !

La révision constitutionnelle a confirmé l’indépendance des magistrats, notamment par la réforme du CSM, qui prévoit de faire présider ce dernier par le Premier Président de la Cour de cassation pour la formation « siège », et par le Procureur général de la Cour de cassation pour la formation « parquet ». Pardonnez-moi, monsieur Urvoas mais, à moins de me donner plus de précisions, comment un budget peut-il traduire une atteinte à l’indépendance ?

M. Jean-Jacques Urvoas. Permettez-moi, madame la garde des sceaux, de préciser ma pensée car je me suis peut-être mal exprimé.

Je vous ai parlé de difficultés entre la Chancellerie et les organisations de magistrats, ces dernières ayant des interrogations, fondées à mes yeux, concernant leur indépendance. Bien évidemment, un budget ne peut régler ces difficultés. Cependant, la manière de les résoudre n’est-elle pas de donner des moyens aux magistrats pour travailler ?

Mme la garde des sceaux. Je le répète, le principe d’indépendance figure, pour l’essentiel, dans la Constitution, et, pour le reste, dans la loi organique relative au statut de la magistrature. À moins de violer la Constitution ou la loi organique, il ne peut donc y avoir atteinte à l’indépendance.

Quand on est responsable, on raisonne à partir de faits objectifs. Vous prétendez qu’il y atteinte à l’indépendance. J’aimerais donc, monsieur Urvoas, parce que ce que vous dites est grave, que vous m’indiquiez dans quel cas précis le garde des sceaux ou le Gouvernement ont porté atteinte – ce que je ne crois pas – à l’indépendance du siège en donnant une instruction à un juge du siège.

Il faut de part et d’autre être très responsable de ce que l’on dit, car qu’attendent les Français sinon d’avoir la même justice ? Ce que vous dites, monsieur Urvoas, est donc grave, car cela sème le doute dans l’esprit des Français.

Aucune atteinte n’est portée à l’indépendance. Ce que nous voulons, c'est que la justice soit la même pour tous, que les victimes soient protégées et que, en cas de dysfonctionnements, chacun prenne ses responsabilités. Telle est mon idée de la politique et la manière dont je la mets en œuvre.

Monsieur Urvoas, dans quel cas précis le parlementaire que vous êtes, représentant ici vos électeurs, peut-il affirmer que j’ai violé l’indépendance d’un magistrat ? Cela n'a jamais été le cas. Je n’ai violé ni la Constitution ni la loi organique. Je trouve très grave, je le répète, de dire à un garde des sceaux, à un gouvernement ou à un Président de la République qu’il a violé l’indépendance d’un magistrat, et je sais très bien de quoi je parle étant magistrate moi-même. Je n’aurais d’ailleurs pas aimé en tant que juge du siège qu’on porte atteinte à mon indépendance.

Ce qui m’importe, c'est que les Français ne suspectent en rien le Gouvernement ou le Président de la République de porter atteinte à l’indépendance des magistrats, parce que ce serait là remettre en cause l’égalité des Français devant la justice. Or il n’y a ni inégalité des Français devant la justice ni atteinte à l’indépendance de cette dernière : les Français ont droit à la même justice sur tout le territoire.

Ils attendent en outre que la politique pénale soit appliquée. Ils ont voté pour que les récidivistes soient plus fermement sanctionnés, et une loi a été adoptée à cet effet par la représentation nationale. Je ne fais que demander aux procureurs de procéder à des réquisitions en ce sens, conformément à la Constitution et à la loi organique. Pour le reste, je vous le dis très sérieusement, monsieur Urvoas, il n’y a pas – à moins de me citer un cas précis sur lequel je pourrais m’expliquer – d’atteinte portée à l’indépendance des magistrats du siège dans leur décision. C'est la garantie de la même justice pour tous.

On ne peut laisser les Français se poser des questions en la matière. Il faut que tout le monde soit responsable. Nous sommes dans un État de droit, je le rappelle, et mon attitude l’a toujours confirmé.

M. René Couanau, rapporteur spécial. Je m’exprimerai là non pas en qualité de rapporteur spécial, mais en tant que membre de la majorité.

Je suis très frappé, madame la garde des sceaux – on vient encore de le constater –, par le décalage assez considérable qui existe entre un certain état d’esprit régnant dans les milieux de la justice et les réalités du budget. Il n’y a rien d’objectif à s’appuyer sur ce budget pour essayer de contester des évolutions dans les domaines de la justice et de la pénitentiaire alors que le budget de la justice se distingue des autres budgets de l’État par une augmentation des moyens.

Mme la garde des sceaux ne l’a pas caché, rien n’est parfait. Dans certaines maisons d’arrêt, la surpopulation continue à exister. Pour autant, on ne peut nier que les moyens mis en place permettront progressivement de résorber les difficultés.

De même, si l’effet des réformes ne peut être immédiat, nous ne pouvons nier que tous les moyens sont mis en œuvre pour que ces dernières soient poursuivies.

Vraiment, c’est un décalage complet que je ressens entre une certaine opinion et les réalités du budget que nous constatons aujourd'hui, fondé sur des réformes décidées non par la garde des sceaux, mais par la représentation nationale et appuyées par cette dernière.

J’ai souvent suffisamment manifesté mon esprit critique, y compris à l’égard du Gouvernement, pour ne pas comprendre que l’on puisse s’appuyer sur les données de ce budget pour essayer d’alimenter une sorte de malaise qui existerait à la fois dans la pénitentiaire et chez les magistrats.

Toutes les raisons existent de se satisfaire d’un budget très positif, et je tenais à le souligner aussi en tant que membre de la majorité.

Mme la garde des sceaux. À propos de l’anticipation de la carte judiciaire, je répondrai à M. Jean-Michel Clément que si les chefs de cour l’ont demandée, c’est pour un problème de gestion et d’organisation. Il faut cependant savoir que des personnels l’ont aussi demandée, pour des problèmes d’âge, c'est vrai, mais surtout parce que certains devant atteindre l’âge de la retraite d’ici un an ou deux ans, ils préféreraient que la réforme de la carte puisse être mise en œuvre d’une manière anticipée. Il en va d’ailleurs de même pour les barreaux, qui souhaitent être regroupés pour des questions d’efficacité.

Concernant la condamnation par la CEDH, je viens de faire appel devant la Grande Chambre de la Cour pour bien confirmer le statut du parquet tel qu’il existe dans notre État.

[…]

Le système Cassiopée a en effet rencontré des difficultés de mise en œuvre. Tout a été repris en main et sa généralisation sera efficiente en 2009.

Plus généralement, les nouvelles technologies, s’agissant de dématérialisation des procédures et de numérisation, qui étaient attendues depuis 1999, s’appliquent dans toutes les juridictions depuis le 1er janvier 2008. C'est ainsi que, depuis cette date, la moitié des établissements pénitentiaires est équipée de la visioconférence. Depuis fin 2007, début 2008, la numérisation de la procédure tant civile que pénale est en cours. Dans certaines juridictions, tout a même été numérisé : Narbonne, Angoulême, Privas. Pour ceux qui connaissent celle de Narbonne, tout ce que l’on appelle les audiences de mise en état a été supprimé. C’est un confort pour les greffiers.

S’agissant de la suppression des avoués, elle ne se traduit absolument pas par un effet de bascule sur les greffiers, en raison de la simplification des procédures, notamment de la procédure d’appel. Et il y aura d’autant moins d’effet de bascule que l’on fusionne les avocats et les avoués.

On a supprimé les avoués des TGI en 1971 sans oser faire de même dans les cours d’appel à la suite de nombreuses contestations, mais, à l’époque, la question s’était posée. La suppression dans les TGI n’a en tout cas pas entraîné plus de travail pour les greffiers : on a simplement demandé aux avocats de faire le travail.

Ce qui se passe aujourd'hui dans les cours d’appel ne concerne d’abord que le civil. Jusqu’à présent, une fois le mémoire de l’avocat reçu, l’avoué remettait un peu tout en forme. Comme les deux professions vont fusionner, le travail ne sera fait qu’une seule fois : il n’y aura donc pas d’effet de bascule sur les greffiers.

Vous dites que la médiation éloignerait les justiciables. Mais que souhaitent les Français, sinon une justice plus rapide et plus efficace ? La médiation n'est en rien une justice bradée.

Le juge se transforme souvent en travailleur social. Il vaut donc mieux le recentrer sur sa mission de juger et laisser à la médiation les litiges qui peuvent être réglés rapidement. Lorsque le juge se déclare incompétent et qu’aucune décision n'est prise, c'est là qu’il y a déni de justice. Il vaut donc mieux orienter tout de suite vers la médiation-conciliation la résolution de litiges relatifs à de petites affaires plutôt que de voir un juge décider un an après que le problème ne relève pas de sa compétence. L’accès au juge est nécessaire, mais l’accès au droit l’est tout autant.

La justice n'est pas un service public comme les autres. On prétend qu’en regroupant les tribunaux d’instance, on supprime la justice de proximité ? Certes, il faut garder de la proximité, notamment pour tout ce qui est contentieux courant, mais il est nécessaire – certains dysfonctionnements récents l’ont montré – d’avoir une justice plus spécialisée dans certains contentieux, et dès lors beaucoup plus efficace.

Quand on créera le pôle famille, cela « parlera » à nombre de gens. Que les mesures concernant les enfants, les tutelles, les divorces relèvent du même pôle et que les magistrats aient un seul dossier à gérer, voilà qui va changer la vie des Français.

Il faut aussi repenser la justice en se demandant ce que la proximité apporte, en quoi elle est plus efficace, et ce que la rapidité peut permettre. Toute la problématique est d’ailleurs bien décrite dans le rapport Guinchard.

M. Jean-Jacques Urvoas. J’entends bien, madame la garde des sceaux, que vous avez fait appel de l’arrêt de la CEDH, mais s’agissant de la notion d’indépendance ce n'est pas moi qui ai pris une décision le 13 juillet 2008. C'est cette même Cour européenne des droits de l’homme qui dénie au procureur de la République en France le terme d’autorité judiciaire : « Le procureur de la République n'est pas une autorité judiciaire au sens que la jurisprudence de la Cour donne à cette notion : [...] il lui manque en particulier l'indépendance à l'égard du pouvoir politique pour pouvoir ainsi être qualifié ».

Mme la garde des sceaux. Parler d’atteinte portée à l’indépendance par la Chancellerie est très grave, monsieur Urvoas. Pour les Français, cela signifie que l’on adresse des instructions aux juges et que l’on porte atteinte à l’indépendance de ces derniers. Citez-moi un cas d’espèce pour que l’on s’en explique.

M. Jean-Jacques Urvoas. Permettez-moi de vous lire le texte suivant : « Depuis quelques mois, les atteintes au statut du parquet se multiplient :

« Un magistrat a été convoqué à la Chancellerie pour des propos tenus lors de ses réquisitions, au mépris du principe de la liberté de parole à l’audience ;

« Des procureurs généraux sont priés par la garde des sceaux de solliciter des mutations [...] ;

« Cinq procureurs généraux sont convoqués à la Chancellerie....

Mme la garde des sceaux. Vous parlez là du parquet, monsieur Urvoas. Il faut dire les choses comme elles sont.

M. Jean-Jacques Urvoas. Je poursuis : « Après le suicide d’un mineur à la maison d’arrêt de Metz, la semaine dernière, la garde des sceaux convoque sans délai les parquetiers concernés par la mise à exécution de la peine d’emprisonnement.

« Ces magistrats feront l’objet d’un véritable interrogatoire mené par l’inspection des services judiciaires, en pleine nuit » – et sans avoir pu bénéficier des plus élémentaires droits à la défense.

« Ces différentes affaires illustrent les dérives institutionnelles actuelles ». [...]

« Au travers de ce qui nous apparaît comme une "caporalisation" du ministère public, c'est l’indépendance de l’autorité judiciaire qui nous semble fragilisée par les pressions hiérarchiques constantes que fait peser le Gouvernement, au travers des parquets, sur la magistrature tout entière. »

Ce texte a été signé par le bureau de l’Union syndicale des magistrats et du Syndicat de la magistrature le 16 octobre 2008.

Ce n'est pas tant avec la représentation nationale qu’il faut vous expliquer. C'est également avec les organisations syndicales.

Mme la garde des sceaux. J’ai reçu leurs représentants vendredi et ils se sont déclarés rassurés, parce qu’il s’agissait de l’inspection. Le garde des sceaux dirige l’action publique, et je demande aux procureurs de demander des réquisitions sur le fondement d’une loi : quoi de plus normal selon les principes qui régissent notre République ?

Par ailleurs, le Conseil supérieur de la magistrature avait annoncé une déclaration à la suite de la convocation du procureur et de ses déclarations à l’audience, mais j’attends toujours cette déclaration, car le CSM a estimé que la convocation était légitime. En effet, si le statut garantit la libre parole à l’audience dans le cadre des réquisitions, il n’en est pas moins normal que, lorsqu’un procureur déclare qu’il n’applique pas la loi adoptée par la représentation nationale, la garde des sceaux lui demande des explications. Ce procureur a déclaré que le journaliste avait transcrit des propos qu’il n’avait pas prononcés – dont acte –, mais il a reconnu qu’il n’avait pas à porter de jugement sur la loi, et il importe de le redire. C’est pour les Français la garantie qu’ils seront tous jugés de la même manière. Si les magistrats contestent une loi, un justiciable pourrait fort bien s’opposer à ce qu’on la lui applique. Il faut dire clairement les choses : vous parlez d’indépendance du parquet, mais vous savez bien que le parquet n’est pas indépendant.

Quant au suicide d’un mineur, je rappelle que votre propre groupe, monsieur Urvoas, s’en est ému et qu’une mission parlementaire a été demandée à ce propos. Tous mes prédécesseurs vous le confirmeront, y compris dans vos rangs : lorsqu’un drame se produit, la garde des sceaux demande une inspection, parce qu’il faut éclairer – et ce n’est bien sûr pas elle qui procède aux convocations ou s’enquiert des modalités des faits. En engageant cette démarche, j’ai peut-être répondu à une demande du Parti socialiste, qui propose une commission d’enquête pour connaître les circonstances du suicide – et, de fait, je reçois quotidiennement des communiqués en ce sens. Vous pensez que nous sommes incapables de comprendre, mais viendra bien un jour où il faudra débattre publiquement de ces sujets : vous ne pouvez pas être d’accord en privé et soutenir publiquement une autre position.

Je demande donc quelles sont les circonstances qui ont conduit un mineur de seize ans, condamné à six mois de prison et qui n’est pas comparant le jour de l’audience, à se suicider. Tout d’abord, le jugement était-il exécutoire ? Si ce n’était pas le cas, vous ne manqueriez pas de le relever. Ensuite, comment se fait-il qu’un mineur se suicide le lendemain de son incarcération ? Que le chef de l’inspection auditionne toutes les personnes concernées par la chaîne qui a conduit un mineur à être incarcéré et à se suicider est élémentaire. Les polémiques et les petites phrases m’importent peu. Nous n’avons pas la même définition de la politique. J’ai une responsabilité, qui est la sécurité des Français. Lorsqu’un drame se produit, je dois m’en expliquer et l’éclairer pour améliorer la situation. Je ne peux pas me satisfaire de suicides de mineurs et de meurtres en prison. Il est normal que les personnes concernées soient auditionnées et qu’on sache ce qui s’est passé. Vous l’avez réclamé ; je l’ai fait. Nous vous avions peut-être réclamé beaucoup ; vous n’avez pas fait grand-chose. C’est sans doute la différence entre vous et nous.

Monsieur Urvoas, vous représentez les Français, qui vous demandent comme à nous de bénéficier tous de la même justice. Tel est le sens du courrier que je reçois et des demandes qui me sont faites sur le terrain. La garantie d’avoir la même justice, c’est que le juge soit indépendant. Je ne commande ni ne critique les décisions que rendent les juges, et je continuerai à le faire, car telle est ma vision de la justice et de l’égalité de tous les Français devant la justice. Voilà donc ma réponse sur le parquet, sur les juges et sur l’inspection. Il n’est pas cohérent de demander par communiqué une commission d’enquête et de dénoncer une inspection comme une atteinte à l’indépendance. Pour ma part, et n’en déplaise à certains, je suis cohérente et je le resterai, pour l’intérêt des Français qui me demandent chaque jour la même justice pour tous. Les détenus ne doivent pas craindre de ne pas survivre à leur incarcération.

M. le président Didier Migaud. Merci madame la ministre.

Nous en avons terminé avec cette commission élargie.

*

* *

À l’issue de l’audition de Mme Rachida Dati, garde des Sceaux, ministre de la Justice, la Commission examine pour avis les crédits des programmes de la mission « Justice » sur le rapport de M. Jean-Paul Garraud pour la Justice et l’accès au droit et de Mme Michèle Tabarot pour l’Administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse.

Sur proposition de ses rapporteurs pour avis, la Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Justice » pour 2009.

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR

GIE Conseil national des barreaux, Barreau de Paris et Conférence des Bâtonniers

––  Mme Françoise LOUIS

  Barreau de Paris :

––  M. Pierre LEVEQUE, membre du conseil de l’ordre

—  M. Jean-Michel TRON, avocat au barreau de Paris

  Conférence des Bâtonniers :

—  M. Frédéric GABET, membre du Bureau de la conférence des Bâtonniers

Union syndicale des magistrats

—  M. Christophe REGNARD, président

—  M. Laurent BEDOUET, secrétaire général

Syndicat magistrature

—  Mme Emmanuelle PERREUX, présidente

—  Mme Natacha RATEAU, vice-présidente

Association nationale des juges de l’application des peines  (ANJAP)

—  Mme Martine LEBRUN, présidente

—  M. Ludovic FOSSEY, secrétaire général

Association nationale des greffiers en chef des tribunaux d’instance (AGECTI)

—  Mme Mallorie BENTABOULET, présidente

—  Melle Charlotte THIBAUD, vice-présidente du bureau

Syndicat des greffiers de France :

—  Mme Isabelle BESNIER-HOUBEN, secrétaire générale

—  Mme Annette PELLETIER, secrétaire générale adjointe

—  Monsieur Christophe RIVOALLAN, délégué régional

Syndicat C-Justice :

—  Mme Lydie QUIRIÉ, secrétaire générale

Syndicat Force Ouvrière - services judiciaires (FO-SJ)

—  M. Patrick NOLOT, secrétaire général adjoint

—  M. Jean-Christophe DAM, greffier

Union syndicale autonome Justice (USAJ)

—  M. Philippe GILABERT, secrétaire général

—  M. Pascal PERNET, secrétaire général adjoint

© Assemblée nationale

1 () Commission présidée par M. le recteur Serge Guinchard, L’ambition raisonnée d’une justice apaisée, La documentation française, 2008.

2 () Celles-ci comprennent la Cour de cassation, 37 cours d’appel et tribunaux supérieurs d’appel et 1 121 juridictions du premier degré (186 tribunaux de grande instance et tribunaux de première instance, 473 tribunaux d’instance, 191 tribunaux de commerce et 271 conseils de prud’hommes, tribunaux des affaires de sécurité sociale, tribunaux paritaires des baux ruraux).

3 () Les crédits de la Commission nationale informatique et des libertés figurent désormais, au sein de la mission « Direction de l’action du gouvernement », dans le programme « Défense des droits des citoyens » qui retrace l’activité des différentes autorités administratives indépendantes, conformément au souhait exprimé par le président de la Commission.