Accueil > Travaux en commission > Commission des affaires étrangères > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission des affaires étrangères

Mardi 21 juillet 2009

Séance de 16 h 30

Compte rendu n° 75

Présidence de M. Pierre Lequiller, président de la commission des affaires européennes, et de Mme Martine Aurillac, vice-présidente de la commission des affaires étrangères

– Audition, commune avec la commission chargée des affaires européennes, de M. Philippe Etienne, Ambassadeur, représentant permanent de la France auprès de l'Union européenne à Bruxelles

Audition, commune avec la commission chargée des affaires européennes, de M. Philippe Etienne, Ambassadeur, représentant permanent de la France auprès de l'Union européenne à Bruxelles

La séance est ouverte à seize heures trente cinq.

La Présidente Martine Aurillac. Monsieur l’Ambassadeur, la Commission des affaires étrangères se réjouit de vous recevoir dans une fonction différente de celle qui était la vôtre lorsque vous accompagniez M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, dont vous dirigiez le cabinet. Vous voilà aujourd’hui représentant permanent de la France auprès de l’Union européenne. La représentation permanente est une maison que vous connaissez bien, pour y avoir été en poste comme deuxième conseiller entre 1988 et 1991 et comme représentant permanent adjoint d’avril 1997 à septembre 2002. Aujourd’hui, c’est pour vous entendre nous présenter les principaux dossiers de l’actualité européenne que nos sommes réunis conjointement avec la commission des affaires européennes.

L’Union pour la Méditerranée, lancée le 13 juillet 2008 à Paris, a peiné à démarrer mais des projets concrets s’enclenchent à présent. Pensez-vous que l’obstacle politique majeur qu’a constitué la crise de Gaza peut être surmonté ? Plus généralement, la relative hostilité de la Commission européenne et de certains grands Etats membres non riverains de la Méditerranée est-elle derrière nous ?

Le 7 mai dernier était lancé le partenariat oriental entre l’Union européenne et six Etats : l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Biélorussie, la Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine. Selon vous, ces pays peuvent-ils tous entretenir le même type de relations avec l’Union ? Ne forment-ils pas deux groupes – celui des pays d’Europe orientale et celui du Caucase du Sud ?

Dans ses priorités pour la politique extérieure de l’Union, la présidence suédoise met l’accent sur la « stratégie européenne pour la Mer baltique » ; qu’en pensez-vous ? Plus largement, le système de présidence tournante ne suscite-t-il pas la tentation, pour chaque Etat à qui elle échoit, d’infléchir la présidence selon ses propres desseins - la France avec l’Union pour la Méditerranée, la République tchèque avec le partenariat oriental, la Suède avec la stratégie pour la Baltique ?

S’agissant des relations transatlantiques, sujet qui nous intéresse particulièrement, il semble qu’à Washington comme à Bruxelles on souhaite une relance dans de nombreux domaines - l’économie, l’énergie et le changement climatique, la sécurité -, en privilégiant une démarche pragmatique. Pouvez-vous nous dire ce qu’il est raisonnable d’attendre de l’administration Obama ?

Le Président Pierre Lequiller. Je vous souhaite à mon tour la bienvenue, Monsieur l’Ambassadeur. La Commission chargée des affaires européennes est heureuse de vous recevoir dans vos nouvelles fonctions. Le prochain semestre sera d’une importance particulière pour l’Union européenne et votre éclairage nous sera précieux. Vous nous direz quelle position la France occupe dans l’organisation du Parlement nouvellement élu, et vous nous donnerez votre opinion sur l’élection à venir du président de la Commission européenne, dont on sait qu’elle fait débat au sein du Parlement européen.

La présidence suédoise a un ordre du jour chargé, qu’il s’agisse de la mise en oeuvre du Paquet énergie-climat, de la préparation de la Conférence de Copenhague et de celle du G20 à Pittsburgh, ou encore du suivi du plan de relance de l’économie européenne. Concernant ce dernier point, notre Commission vient de déposer un rapport d’information sur la révision de la directive Fiscalité de l’épargne et la lutte contre les paradis fiscaux, les centres offshore et les juridictions non coopératives. Nous vous entendrons avec un vif intérêt évoquer tous ces sujets et nous donner votre point de vue sur ce que nous souhaitons tous – la ratification par l’Irlande du traité de Lisbonne.

M. Philippe Etienne, Ambassadeur, représentant permanent de la France auprès de l’Union européenne à Bruxelles. Je vous remercie de l’honneur que vous me faites en m’invitant. Je n’occupe mes nouvelles fonctions que depuis trois mois ; aussi, je sollicite votre indulgence si je n’ai pas la finesse d’analyse de Pierre Sellal, mon très expérimenté prédécesseur.

Depuis mon arrivée à la représentation permanente, un Conseil européen a clos la présidence tchèque de l’Union. Ce fut un bon Conseil ; il a montré que des décisions pouvaient être prises en matière financière, mais aussi en matière institutionnelle avec l’adoption des garanties promises à l’Irlande, qui lui permettront d’organiser un nouveau référendum sur le traité de Lisbonne et la désignation du président de la future Commission.

Vous m’avez interrogé sur l’Union pour la Méditerranée et sur le partenariat oriental. Les deux dispositifs s’inscrivent dans la politique européenne de voisinage. La France a soutenu le partenariat oriental parce qu’elle y voyait un intérêt stratégique – on sait le rôle joué par la présidence française s’agissant de l’Ukraine – mais aussi parce qu’un équilibre paraît nécessaire aux Etats membres de l’UE, dans la politique européenne de voisinage, entre pays de l’Est et pays du Sud. Cette politique, qui dispose d’un instrument financier unique, tend à créer autour de l’Union une zone de paix, de stabilité et de prospérité.

Il existe en effet des différences, au sein du partenariat oriental, entre les trois pays du Caucase du Sud - l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Géorgie - et la Biélorussie, la Moldavie et l’Ukraine.

Il en existe a fortiori aussi entre le partenariat oriental et l’Union pour la Méditerranée.

Le voisinage avec les pays du Sud a suscité de nombreuses questions au sein de l’Union, que l’on redoute un risque d’écart de civilisations ou que l’on s’interroge sur la pression migratoire. Dès 1995, l’Union européenne avait lancé le processus de Barcelone ; l’Union pour la Méditerranée s’en distingue à plusieurs titres et notamment parce qu’elle permet une plus forte appropriation du dispositif par les pays riverains du Sud de la Méditerranée en organisant une co-présidence tournante de deux ans – actuellement assurée par la France et l’Egypte, et parce qu’elle s’organise autour de la réalisation d’une série de projets précis.

Ces deux particularités notamment ont permis la relance de l’Union pour la Méditerranée, bien que la crise de Gaza ne soit toujours pas réglée. Les réunions de travail ont été maintenues et les projets progressent. La Commission européenne a débloqué 70 millions sur trois ans pour financer les projets prioritaires de l’UpM, et il n’y a plus d’hostilité perceptible des pays membres de l’Union européenne non riverains de la Méditerranée. On s’en félicitera car concilier le fonctionnement de l’Union à Vingt-sept et le nécessaire paritarisme de ce dispositif a été chose délicate ; au cours des derniers mois, la France y a beaucoup travaillé avec la Suède et nous y sommes parvenus.

Le partenariat oriental, lancé le 7 mai dernier à Prague, est un dispositif peut être moins novateur mais la France l’a encouragé car sa création donne une dimension multilatérale nouvelle au traitement de questions telles que la gestion des frontières ou l’appréhension des questions énergétiques. Le partenariat se traduit par des sommets et réunions ministérielles périodiques, par des réunions de hauts fonctionnaires et d’experts, par la définition de projets emblématiques. On le voit, bien qu’ils s’inscrivent tous deux dans la politique européenne de voisinage, l’Union pour la Méditerranée et le partenariat oriental sont des dispositifs différents.

La relance de l’Union pour la Méditerranée vient d’être illustrée par la tenue de deux réunions de haut niveau des ministres chargés du développement durable et des ministres des finances ; cinq autres réunions ministérielles dans ce cadre sont prévues ce semestre, et les hauts fonctionnaires se sont déjà réunis plusieurs fois, notamment pour préparer l’installation du secrétariat général à Barcelone. La dynamique est donc réelle, même si ce n’est pas encore à plein régime ; on a pu surmonter en partie les conséquences politiques de l’enlisement du processus de paix au Proche Orient.

La Suède comme la Pologne ont fortement soutenu le lancement du partenariat oriental qui constitue une des dimensions de notre politique de voisinage. Celle-ci prend en compte les trois espaces maritimes stratégiques de l’Europe – la Méditerranée, la Mer noire et la Mer baltique. La stratégie de la mer baltique ou la synergie mer noire concernent non seulement les pays de l’Union mais également la Russie. Celle-ci, qui n’est pas membre du partenariat oriental, reste néanmoins très présente et pourrait être intéressée par certaines de ses activités.

Dans les relations transatlantiques, on constate, comme vous l’avez dit, Madame la Présidente, une approche pragmatique et de grandes convergences de vues, la nouvelle administration américaine s’étant rapprochée de certaines positions européennes, qu’il s’agisse de la lutte contre le changement climatique ou de certains aspects de politique internationale. Un accord de principe s’est fait pour approfondir ce qui touche à la justice, à la sécurité et à l’immigration, et des réunions de travail sont prévues à cette fin. D’autre part, M. Richard Morningstar, ancien ambassadeur auprès de l’Union européenne et actuel émissaire spécial des Etats-Unis pour l’énergie en Eurasie, a proposé un nouveau dialogue entre l’Union et les Etats-Unis à ce sujet.

En ce qui concerne les questions institutionnelles, le nouveau Parlement est en train de se mettre en place. Objectivement, avec quatre présidences de commissions
– M. Alain Lamassoure au budget, Mme Pervenche Bérès à l’emploi et aux affaires sociales, Mme Eva Joly au développement et M. Arnaud Danjean à la sous-commission de la défense – onze vice-présidences et déjà, pour l’instant, neuf postes de coordonnateurs et vice-coordonnateurs, la place de la France au sein du Parlement européen est bien assurée.

S’agissant de la nomination du président de la Commission européenne, force est de constater qu’un contexte de discussions assez ardues entre les groupes politiques du Parlement a retardé la date de son vote. Au jour d’aujourd’hui, le vote est prévu le 16 septembre et la conférence des présidents décidera le 10 septembre si elle confirme cette date. En tout état de cause, il est prévu que M. Barroso fasse, le 15, une déclaration dans laquelle il exposera sa vision de la prochaine mandature, comme il l’a fait devant le Conseil européen de juin.

S’agissant des priorités de la présidence suédoise, elles sont assez proches de celles de la France, même si nous ne sommes évidemment pas d’accord sur tout. Cette présidence, très bien préparée, devrait permettre à l’Union de prendre des décisions importantes, qu’il s’agisse de la réponse européenne à la crise, de la position de l’Union lors du prochain sommet du G20 ou de la préparation de la Conférence de Copenhague sur le changement climatique.

La présidence suédoise a aussi pour priorité la mise en œuvre du traité de Lisbonne – à condition que les quatre pays qui n’ont pas encore mené le processus de ratification à son terme l’aient fait à temps. En Irlande, on le sait, un second référendum est prévu le 2 octobre ; en Allemagne, les « lois d’accompagnement » doivent être amendées avant les élections fédérales du 27 septembre ; en Pologne, le président Kaczynski a indiqué qu’il signerait le traité le jour où les Irlandais le ratifieront ; reste la signature du président tchèque.

Elle entend aussi faire adopter le « programme de Stockholm » sur la justice et les affaires intérieures, sur la base d’une proposition du Vice-Président de la Commission, M. Barrot, qui fixera le cadre et les orientations de la politique européenne pour les questions de sécurité intérieure, de justice, ainsi que sur la politique d’asile et d’immigration.

M. Christophe Caresche. La nomination du président de la Commission européenne, qui avait été réglée assez aisément jusqu’ici, est beaucoup plus compliquée cette fois. M. Barroso éprouve manifestement les plus grandes difficultés à se faire investir par le Parlement européen, puisque même l’inscription à l’ordre du jour du vote sur la nomination du futur président de la Commission européenne pose un problème. La levée de boucliers est presque générale. Ces réserves s’expliquant par l’inaction de M. Barroso au cours des dernières années, quelle serait la position de la France si un blocage se produisait, ce que l’on ne peut exclure ?

Par ailleurs, les autorités européennes expriment une inquiétude croissante devant le creusement des déficits et l’aggravation de l’endettement dans tous les pays européens, et notamment en France. M. Trichet a d’ailleurs explicitement mentionné la situation de notre pays. Le Gouvernement a beau multiplié les efforts pour expliquer qu’il existerait de bons et de mauvais déficits, cette théorie a manifestement du mal à passer. Des discussions sont-elles en cours à Bruxelles ce sujet ? Si c’est le cas, des échéances ont-elles été définies ? Quel est l’état des discussions entre l’Union européenne et la France à propos du déficit et de l’endettement ?

M. Jean-Pierre Dufau. L’unité du continent européen doit devenir réalité ; malheureusement, nous n’y sommes pas encore. Des accords de stabilisation et d’association ont été conclus avec certains Etats de l’ancienne Yougoslavie. Cela signifie-t-il que l’Union continuera à mener une politique différenciée à l’égard de chaque Etat ? N’entend-elle pas privilégier une politique globale pour tous les pays des Balkans ?

S’agissant des relations entre l’Union européenne et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, l’application de l’accord de Cotonou se fait mal, faute sans doute que l’Union européenne fasse preuve de la diplomatie suffisante. Ne serait-il pas temps d’envisager un partenariat réel, dans lequel les deux parties ont droit à un égal respect ?

M. Bernard Deflesselles. J’associe à ma question mon collègue Jérôme Lambert, avec lequel j’ai rédigé au nom de la commission des affaires européennes un rapport d’information sur le « paquet énergie-climat ». Les négociations sont en cours sur l’après-2012. En matière de lutte contre le réchauffement climatique, l’Union européenne a pris le leadership en adoptant le principe du « trois fois 20 » : réduction des émissions de gaz à effet de serre de 20 % par rapport au niveau de 1990 ; amélioration de 20 % en matière d’efficacité énergétique ; part des énergies renouvelables portée à 20 % d’ici 2020. Quelle est la position de la présidence suédoise, chargée de préparer la Conférence de Copenhague de décembre sur les suites à donner au protocole de Kyoto ? Les Vingt-sept sont-ils prêts à adopter une position unanime ?

M. François Rochebloine. Pourriez-vous nous éclairer sur les relations entre le Conseil de l’Europe, certains d’entre nous siégeant au sein de son Assemblée parlementaire, et l’Union européenne ? Certains des sujets sur lesquels le Conseil de l’Europe s’est prononcé sont ensuite repris par l’Union européenne. Des passerelles existent-elles ?

M. Michel Terrot. Je ne suis pas certain que la vision que la France a de l’Afrique soit partagée par tous les pays d’Europe centrale, dont le regard est traditionnellement tourné vers l’Est. A-t-on la certitude que l’aide de l’Union européenne aux pays africains sera maintenue, voire augmentée ?

M. Robert Lecou. La nomination d’un secrétaire d’Etat aux relations avec le Parlement européen semble envisagée; qu’en pensez-vous ? D’autre part, l’Union européenne a-t-elle engagé une démarche commune de protection contre la grippe H1N1 ?

M. Philippe Cochet. Vous nous l’avez dit, tous les pays membres n’ont pas encore ratifié le traité de Lisbonne. Un « plan B » est-il prévu au cas où l’un d’entre eux s’y refuserait ?

M. Jean-Claude Guibal. Le style donné par la France à l’exercice de la présidence de l’Union fera-t-il école ? Dans un autre domaine, l’Union européenne est-elle hostile au développement de relations bilatérales entre certains de ses membres et les pays voisins de l’Union ? Enfin, quelle est la position de l’Union sur les entités informelles existant au sein de l’espace euro-méditerranéen, tel que le dialogue « 5+5 » ? Ce type de structure est-il appelé à se développer si l’Union pour la Méditerranée peine à trouver une dynamique collective ?

M. Philippe Etienne. Je ne puis prédire, Monsieur Caresche, ce qui résultera du débat au Parlement européen sur la nomination du prochain président de la Commission. Actuellement, le point est inscrit à l’ordre du jour pour la mi-septembre mais cette inscription doit encore être confirmée. Pour ce qui est du vote, chaque parlementaire se déterminera. A l’exception de celle du PPE qui a annoncé son soutien à la candidature de M. Barroso avant les élections, les positions des groupes sont fluctuantes et l’on note des divergences au sein même des formations politiques. En ce qui concerne le calendrier, on peut certes mettre en avant la ratification du traité de Lisbonne mais on peut aussi souligner l’importance des échéances prochaines telles que le sommet du G20 et la conférence de Copenhague : il ne faudrait donc pas trop tarder pour procéder à cette nomination, tout report retardant la nomination des membres de la Commission.

Cette nomination est-elle plus compliquée cette fois que les fois précédentes ? Du point de vue du Parlement européen, peut-être, mais du côté des Etats, l’accord a plutôt été plus simple que la dernière fois.

Les déficits nationaux sont très souvent évoqués à Bruxelles. De fait, à la fin de l’année, seul un petit nombre de pays membres de la zone euro ne seront pas passibles de la procédure de déficit public excessif. Afin d’envisager la sortie de crise, y compris dans son volet budgétaire, la présidence suédoise entend organiser un débat sur ce point à la fin de l’année, lorsqu’elle aura une perspective plus complète de la situation économique et des déficits des Etats membres.

M. Jean-Pierre Dufau a évoqué les deux visions possibles des relations entre l’Union européenne et les pays des Balkans. En réalité, elles coexistent. La philosophie globale est que tous ont vocation à adhérer à l’Union. Dans le même temps, ces Etats diffèrent les uns des autres, ce qui conduit à des accords distincts de stabilisation et d’association, l’étape suivante de la procédure étant la demande d’adhésion. Cette demande a déjà été présentée par l’ancienne République yougoslave de Macédoine, le Monténégro et l’Albanie. Cependant, les choses sont actuellement un peu confuses en raison de certains blocages. Ainsi, les négociations avec la Croatie ont-elles pris du retard en raison d’un différend frontalier persistant avec la Slovénie. Des difficultés demeurent, s’agissant de la Serbie, car un Etat membre continue de refuser l’entrée en vigueur de l’accord intérimaire et le déclenchement du processus de ratification de l’accord de stabilisation et d’association.

Heureusement, des perspectives nouvelles ont été ouvertes pour ce qui concerne les visas. M. Jacques Barrot au nom de la Commission vient en effet de proposer la libéralisation, à décider d’ici la fin de l’année, des visas de court séjour pour les ressortissants du Monténégro, de la Serbie et de l’ancienne République yougoslave de Macédoine. Certes, les habitants de Bosnie-Herzégovine et d’Albanie ne sont pas encore concernés ; néanmoins, c’est une étape importante de la libre circulation de ces pays et leurs populations y sont attachées.

S’agissant des relations entre l’Union européenne et l’Afrique, des accords de partenariat économique sont négociés mais l’Union a pu à une certaine époque donner l’impression de ne pas tenir compte suffisamment du volet « développement » de ces accords. Ils n’ont donc pas été signés dans les délais prévus. On a toutefois noté des progrès récemment dans plusieurs régions. L’Union européenne est bien sûr contrainte par les règles de l’OMC, mais les dispositions asymétriques prévues dans les accords protègeront les pays considérés et ces accords vont sans doute aboutir même s’il y faut du temps.

Le budget prévu pour le dixième Fonds de développement « Afrique-Caraïbes-Pacifique » court jusqu’à la fin 2013, mais ce budget n’entre pas dans le budget général de l’Union, ce qui peut le fragiliser. Les pays d’Afrique du Nord et l’Afrique du Sud relèvent d’autres dispositifs.

Vous avez évoqué le risque de concurrence dans les financements communautaires et notamment celui d’une concurrence entre l’aide aux pays situés à l’Est de l’Union et celle destinée aux pays situés au Sud. Il faudra en effet veiller au maintien d’un financement privilégié pour l’Afrique subsaharienne, comme pour la Méditerranée. Nous y sommes attentifs.

M. Bernard Deflesselles a évoqué les suites à donner au Protocole de Kyoto. La présidence suédoise a fait de ce sujet une de ses priorités et elle a comme nous de cette question une vision ambitieuse. Ce point est déjà prévu à l’ordre du jour du Conseil européen de fin octobre et il est probable que l’on parlera avant même cette échéance du financement du dispositif à venir. Certains pays membres du G20 ont aussi proposé que la question soit abordée lors du sommet de Pittsburgh. Des réunions ont lieu presque toutes les semaines dans différents formats pour traiter de l’après-Kyoto. L’accord trouvé au sein du G8 à L’Aquila a permis de progresser, même s’il ne vas pas aussi loin que nous le souhaitions sur certains points ; d’autre part la Chambre des représentants des Etats-Unis a adopté une première loi à ce sujet. Même si le niveau d’implication espéré n’est pas encore atteint, des progrès sont donc sensibles.

L’Union européenne a, en effet, pris le leadership en matière de lutte contre le réchauffement climatique en adoptant le « paquet énergie-climat ». La présidence suédoise a la ferme intention de poursuivre dans cette voie en travaillant activement à 27 tous les sujets qui seront abordés au cours de la Conférence de Copenhague, y compris de l’aide à apporter aux pays les plus pauvres pour que ceux-ci puissent à leur tour se doter de stratégies de développement adaptées. La position commune des Vingt-sept sera définie fin octobre, après que la Commission aura présenté sa contribution début septembre.

L’adoption du « paquet énergie-climat » a été l’un des très grands succès de la présidence française de l’Union. Elle a signé l’heureuse issue d’une négociation difficile, notamment avec les nouveaux pays membres. Ce serait en effet un élément de vulnérabilité pour l’Union européenne de se présenter à la Conférence de Copenhague affaiblie par des dissensions internes. On doit s’attendre à un débat nourri sur la clé de répartition du financement. Il est déjà largement admis que la répartition au niveau mondial doit être définie en fonction de la richesse relative des Etats et de leur responsabilité dans les émissions de gaz à effet de serre.

Sans entrer dans le détail des activités du Conseil de l’Europe, qui ne relève pas de ma responsabilité, je soulignerai son rôle pionnier dans l’adoption de certaines conventions. Ainsi, la Convention sur la « Télévision transfrontière » du Conseil de l’Europe a été transposée dans l’acquis communautaire, donnant naissance à la directive « Télévision sans frontières ». Le Conseil de l’Europe est d’autre part l’institution de référence en matière de protection des droits de l’homme. Certains de ses membres, dont la Russie, ne sont pas membres de l’Union européenne ; c’est donc une enceinte très précieuse.

Je pense avoir répondu à M. Terrot par ma réponse à M. Jean-Pierre Dufau. En revanche, s’il me le permet, je m’abstiendrai de répondre à M. Robert Lecou qui m’interrogeait sur l’éventualité d’un secrétariat d’Etat aux relations avec le Parlement européen, ce sujet sortant de mes attributions.

La lutte contre la pandémie de grippe H1N1 est un grand défi. De nombreuses discussions ont déjà eu lieu à ce sujet entre les ministres de la santé, par exemple sur les stratégies de vaccination, mais ce débat doit être pluridisciplinaire, ce qui le rend plus difficile encore. La présidence suédoise a réactivé le groupe de travail multidisciplinaire qui avait été constitué lors de l’apparition de la grippe aviaire. Ce groupe bénéficie de l’aide d’experts.

Le Président Pierre Lequiller. Avec l’extension de la pandémie, nous risquons de nous trouver confrontés à une crise très grave. J’ai évoqué la question avec M. le secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes ; nous pensons tous deux que la Commission européenne doit prendre les choses en main. En effet, si, à la rentrée, les choses tournent mal par imprévoyance alors que la crise est éminemment prévisible, l’image de l’Europe en souffrira durablement. La Commission se rend-elle compte de l’enjeu, ou est-elle entièrement accaparée par ses propres problèmes ?

M. Philippe Etienne. Mme Vassiliou, commissaire chargée de la santé, comme Mme Bachelot et M. Lellouche, ont beaucoup insisté à ce sujet auprès de leurs collègues. Traiter la question avec efficacité et de manière solidaire n’est pas facile mais c’est en effet un test pour la crédibilité européenne. A cela s’ajoute une dimension extérieure, en ce qu’il faudra aider les pays les plus pauvres à lutter contre cette maladie.

M. Philippe Cochet m’a interrogé sur l’existence d’un éventuel « plan B ». Pour l’instant, les sondages concernant l’Irlande sont positifs, et l’on peut espérer que, la crise étant passée par là…

M. Christophe Caresche. Et les concessions faites !

M. Philippe Etienne.  Plutôt que de concessions, il s’agit de garanties données à l’Irlande, conformément à l’accord de principe obtenu en décembre par la Présidence française. C’est d’ailleurs un des succès du Conseil européen de juin que d’avoir emporté l’accord des Vingt-sept sur une explicitation du texte du Traité s’agissant du droit de la famille, des questions de défense et des questions fiscales. À cela s’est ajoutée une déclaration conjointe, juridiquement non contraignante, sur la politique sociale. Ces garanties ont été bien reçues en Irlande. Les esprits ont évolué si l’on en croit les sondages. Cependant, le résultat ne doit pas être préjugé. De « Plan B » il n’y a pas ; si le traité de Lisbonne n’est pas ratifié, restera le traité de Nice.

Le Président Pierre Lequiller. La débâcle de M. Ganley, chef de file du camp du « non », lors des élections européennes, où il n’a recueilli que 4 % des voix, est un facteur d’optimisme.

M. Philippe Etienne. En effet. M. Ganley a d’ailleurs annoncé qu’il ne mènerait pas l’opposition lors du second référendum.

M. Jean-Claude Guibal m’a demandé si la présidence française de l’Union a laissé des traces. J’ai pris mes fonctions quatre mois après qu’elle se fut terminée et j’ai le sentiment que les Européens ont apprécié la capacité de décision qui a été démontrée, qu’il s’agisse du paquet énergie-climat, de la réaction à la crise géorgienne ou de la réponse à la crise financière pour prendre quelques exemples importants. Le fait que la présidence française ait beaucoup travaillé avec le Parlement européen, ce à quoi certains ne s’attendaient pas, a aussi été apprécié. Le Président de la République a lui-même consacré beaucoup de temps à ces relations avec les parlementaires européens.

Voilà pour les faits : au-delà des sensibilités qui font que certains craignent que les « grands » Etats membres ne soient tentés de toujours prendre les décisions, la présidence française a laissé une trace forte et très positive.

Selon moi, l’Union européenne n’est pas hostile aux relations bilatérales, mais celles-ci doivent tenir compte des contraintes juridiques et du droit communautaire. Le dialogue « 5+5» est une très bonne enceinte informelle, qui n’est pas mal perçue, pour autant que l’on ne cherche pas à prendre des décisions dans ce cadre restreint qui engageraient des pays qui en sont absents.

La Présidente Martine Aurillac. Je vous remercie, Monsieur l’Ambassadeur, pour vos réponses très complètes.

Le Président Pierre Lequiller. Je m’associe à ces remerciements et je ne doute pas que nous aurons le plaisir de vous entendre régulièrement.

La séance est levée à dix-sept heures quarante.

_____