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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du

Séance de
ème séance de la session
Présidence de

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

TRAVAIL, EMPLOI ET POUVOIR D’ACHAT (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat.

M. Gaëtan Gorce - Rappel au Règlement. Madame la Présidente, il s’agit de votre première séance dans cette fonction, et je tenais, au nom du groupe socialiste, à saluer cet événement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen).

Mme la Présidente - Je vous remercie. Nous abordons la discussion générale.

M. Jérôme Chartier – Ce premier projet de loi de la treizième législature a une valeur emblématique à bien des égards, en créant les conditions du choc de confiance qui nous permettra de parvenir au plein emploi existant déjà dans de nombreux pays européens, et en plaçant notre action au cœur de l'élément essentiel de notre société, le travail, sans lequel il n’est point de richesses, donc point de liberté.

Avec ce texte, nous changeons de culture ; nous mettons un terme à celle imaginée par d'autres, à une époque où il fallait réduire le travail et augmenter le temps libre pour épanouir l'individu. Chacun comprend à présent qu'il est préférable de manquer de temps que de manquer d'argent.

Ce texte, le premier d'une série qui nous conduira à une réforme profonde du marché du travail, est emblématique aussi en ce qu’il tient plusieurs engagements pris durant la campagne présidentielle. Ainsi, la hausse de la rémunération de l'heure supplémentaire est dans le projet présidentiel, en page 8. La réforme des droits de succession figure à la même page.

M. Roland Muzeau – Vous récitez le catéchisme !

M. Jérôme Chartier - Ce n’est pas la Bible, même s’il s’agit d’un document particulièrement intéressant, dont je vous recommande la lecture !

L'augmentation du plafond des donations figure également à la page 8, ainsi que la déduction des intérêts d'emprunt immobilier pour les Français qui acquièrent une résidence principale. Le bouclier fiscal à 50 % est en page 9. L'investissement dans le capital des PME, de fondations ou d'universités pour les redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune est en page 7.

M. Jean Gaubert – Et la TVA sociale est en page 13, non ?

M. Jérôme Chartier – Nous pourrons en parler, car j’ai justement été chargé par l’UMP d’une mission sur le sujet. Le groupe de travail se réunit tous les mardis matins à l’UMP, et nous serions très heureux d’entendre votre point de vue. Vous êtes les bienvenus !

L'encadrement et le conditionnement des rémunérations différées en fonction des performances de l'entreprise, c’est aussi dans le projet et cela a été rappelé à maintes reprises par le Président de la République, pendant et après la campagne. L'encouragement à la reprise d'un emploi, afin de sortir de l'exclusion par le travail, figure à la page 9 ; l'encouragement à l'autonomie des étudiants par l'exonération d'impôt sur le revenu pour leurs salaires perçus jusqu'à 25 ans, à la page 11.

M. Roland Muzeau – Tout est prévu !

M. Jérôme Chartier – En effet : tout ce qui a été dit sera fait ! C’est une nouvelle façon de faire de la politique.

M. Claude Goasguen – Ça change !

M. Jérôme Chartier – Ce sont pas moins de neuf engagements qui sont tenus, dans un projet de loi qui compte seulement onze articles ! À l'heure où l'Assemblée nationale est particulièrement vigilante sur les lois qui bredouillent, qui bavardent et qui compliquent, vous établissez, Madame la Ministre, un nouveau record : vous fixez très haut la barre de la synthèse législative !

M. Bernard Deflesselles – Très bien !

M. Jérôme Chartier – En outre, pas moins de quatre commissions ont été saisies, dont deux sur l'intégralité du texte, ce qui témoigne de la richesse des mesures présentées. Les rapports montrent bien qu’à côté de ses dimensions financières, ce texte présente aussi une dimension humaine.

M. François Brottes - Vous y croyez vraiment ?

M. Jérôme Chartier – Le projet méritait cet important travail d'approfondissement et de recherche. Le débat en sera plus riche et plus éclairé. Mais quel est le débat au fond ? Est-ce le coût du projet ? Nous n'en finirons pas ! Est-ce le débat sur les riches contre les pauvres ? Alors que les Français demandent à gagner plus et qu'ils ont compris qu'il fallait pour cela travailler plus, laisser croire que ce projet avantage les plus fortunés est un mensonge !

M. Roland Muzeau – C’est la vérité !

M. Jérôme Chartier – Ce projet « croissance, confiance, emploi » ouvre en revanche un véritable débat, qui concerne toute la société française : allons-nous enfin considérer que celui qui s'enrichit du fruit de ses efforts n'est coupable de rien ? Dans notre histoire, dans notre culture, la reconnaissance des plus fortunés d'entre nous n'a jamais été facilitée. Comme M. Brard l’a rappelé tout à l’heure, Ils sont toujours présumés coupables par l'administration fiscale, et par M. Brard lui-même. Ils sont jalousés par leurs voisins, au point que le moindre signe ostentatoire entraîne des suspicions sur l'origine de la richesse. Réussirons-nous, en France, à remplacer le sentiment de la jalousie par celui du désir et de l'envie ?

M. François Brottes – L’un n’empêche pas l’autre !

M. Jérôme Chartier – Parviendrons-nous à réhabiliter la réussite, de façon à ce que les Français ne soient plus jaloux de la réussite de leurs voisins mais désireux d'en faire autant, pour réussir à leur tour ? Tel est le véritable enjeu.

Mais l'encouragement de l'effort et du travail ne peut être dissocié des quatre articles qui complètent ce projet, concernant le revenu de solidarité active et les parachutes dorés.

Il aurait été incongru d’élaborer un projet de loi encourageant la réussite sans penser à ceux qui sont sortis du travail et désirent y retourner. De même, il aurait été inacceptable, au regard de cette logique saine de la réussite grâce au travail, de ne pas prévenir un principe selon lequel on peut gagner beaucoup d'argent si on a conclu un bon accord juridique. Désormais, l’accord juridique pour les parachutes dorés sera examiné à la lumière des performances de l'entreprise : un dirigeant qui aura échoué n'aura pas de cadeau de départ.

M. Roland Muzeau – Vous y croyez ?

M. François Brottes – Même à Noël ?

M. Jérôme Chartier – À l'occasion de la campagne présidentielle, les Français ont plébiscité les repères, les principes et les valeurs. Ce projet est en rupture avec des repères trop anciens qui pénalisaient l'envie de réussir. Nous avons tous envie de réussir pour notre pays, et je suis donc convaincu que nous apporterons tous notre soutien à ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Gaëtan Gorce – Madame la ministre, je tiens tout d’abord à saluer en vous la première femme ministre des finances de notre pays. Je regrette d’ailleurs que vos collègues de l’UMP n’aient pas eu le souci de porter davantage de femmes à l'Assemblée nationale (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). J’imagine qu’il s’agit d’une omission qu’ils répareront bientôt.

Je veux aussi, dans l’intérêt de la France, vous souhaiter bonne chance. Mais je constate qu’avec ce projet de loi, vous ne mettez pas toutes les chances de votre côté ! C’est en effet une lourde responsabilité que la vôtre : répondre aux attentes nées des promesses présidentielles, c’est-à-dire rien moins que relancer la croissance, procéder à des réformes structurelles, améliorer le pouvoir d’achat ou réconcilier le pays avec le travail… Je suis au regret de vous dire que vous n’y parviendrez pas avec ce texte, qui est loin d’être à la hauteur des enjeux.

Je m’en tiendrai à une de ses mesures emblématiques, concernant les heures supplémentaires. Le rapporteur général a expliqué que la véritable cause de notre déficit de croissance, par rapport aux États-Unis notamment, serait que nous ne travaillerions pas assez. La raison en tiendrait à notre seule durée du travail, qui a été réduite par un gouvernement socialiste. Voilà qui est contesté par de nombreux économistes. Il est vrai qu’aux États-Unis, où l’on travaille plus de 1 750 heures par an, le taux de chômage est nettement moins élevé – il est de l’ordre de 5 % - qu’en France, où l’on travaille autour de 1 600 heures. Mais en Norvège, la durée moyenne du travail est de 1 400 heures et le taux de chômage est de 3,9 % : vous choisissez vos exemples ! Quant à la Pologne, qui travaille plus de 2 000 heures par an, le taux de chômage y est de 14 %. Votre démonstration ne tient donc pas.

La véritable question n’est pas de savoir s’il faut travailler plus dans ce pays, mais comment faire en sorte que plus de nos concitoyens puissent travailler – comment travailler mieux, comment introduire, dans une heure de travail, plus de formation ou de nouvelles technologies, bref, comment faire progresser notre productivité et notre compétitivité. Votre raisonnement date du XIXe siècle : dans l’économie d’aujourd’hui, ce n’est plus la durée de la journée de travail qui assure le progrès !

Par ailleurs, ce dispositif n’a pas d’impact garanti sur le pouvoir d’achat des salariés. Tous en effet ne sont pas concernés, mais seulement ceux qui pourront faire des heures supplémentaires. Or, s’il avait été décidé de porter le SMIC à 1 500 euros bruts mensuels en cinq ans, et si le coup de pouce du 1er juillet avait donc atteint 3,34 %, au lieu de 2,1, les salariés auraient gagné l’équivalent de ce qu’ils devraient gagner avec des heures supplémentaires. Si l’on déduit l’ensemble des avantages liés à la rémunération des heures supplémentaires, et qu’on ne retient dans les bénéfices de vos mesures que ce qui est lié à l’exonération fiscale et sociale, augmenter le SMIC pour l’ensemble de ceux qui travaillent est bien préférable à votre mesure emblématique !

Je voudrais enfin vous dire notre inquiétude quant au coût de ce dispositif. Compte tenu de la situation de nos comptes sociaux, peut-être aurait-il été nécessaire, avant de prévoir une dépense supplémentaire de six milliards, pour ne prendre en compte que les heures supplémentaires, de tout mettre à plat et de savoir comment la ministre de l’économie a l’intention de rétablir l’équilibre ! Ce que nous redoutons, c’est qu’à l’automne, vous ne repreniez d’une main ce que vous aurez donné aujourd’hui de l’autre et que les ménages fassent les frais d’ajustements brutaux. Je souhaite, Madame la ministre, que vous preniez l’engagement de ne pas augmenter les prélèvements sur les ménages. Vous devez nous donner l’assurance que l’équilibre des finances publiques sera assuré par d’autres voies.

Je souhaite que ce débat nous permette d’aller au fond de la réflexion. Vos mesures ne permettront ni de restaurer la confiance, ni d’améliorer le pouvoir d’achat, ni de soutenir la croissance, qui aurait davantage besoin de réformes structurelles. Affecter les mêmes montants aux universités, par exemple, aurait été plus prometteur et plus sûr que les mesures que vous présentez aujourd’hui. Vous aurez à gérer des lendemains qui déchantent, nous aurons à proposer des alternatives (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. Didier Migaud, président de la commission des finances – Un mot pour vous demander d’excuser le retard des membres de la commission des finances, qui tenait réunion pour examiner les amendements au titre de l’article 88. Mais je rappelle que, s’il est séant que la commission saisie au fond soit à l’heure, il est aussi d’usage de l’attendre lorsque sa réunion se prolonge (Applaudissements sur plusieurs bancs).

M. François de Rugy – Travail, emploi et pouvoir d'achat sont les mots qui scandent nos débats depuis tout à l’heure, mais plus on examine ce texte, plus on flaire la publicité mensongère. Parler de la hausse du pouvoir d’achat aux Français devrait désigner des mesures concrètes, applicables à tous ! Or, chacune de vos mesures ne s’applique en fait qu’à une minorité de personnes. Pour pouvoir bénéficier de la détaxation des heures supplémentaires, par exemple, il faut non seulement être particulièrement bien payé, mais encore s’en voir proposer, des heures supplémentaires ! De même la récupération des intérêts d'emprunts ne concerne que les personnes ayant les moyens d'accéder à la propriété. Les locataires sont donc priés de s’adresser ailleurs s’il veulent voir leur pouvoir d'achat augmenter – tout comme les propriétaires qui ont acquis leur résidence principale il y a plus de cinq ans. La même logique est à l'œuvre en ce qui concerne les étudiants : on pourrait penser que la priorité serait qu’ils se concentrent sur leurs études, mais non ! Avec votre dispositif, ce sont encore les familles qui ont les plus hauts revenus, donc celles dont les enfants ont le moins besoin de travailler pour payer leurs études, qui bénéficieront d'un avantage fiscal !

Plusieurs députés UMP – Oh, non, quand même !

M. François de Rugy – Un de vos thèmes récurrents est la « valeur travail ». Pour ma part, je n’ai pas l'impression de vivre dans un pays de fainéants et d'oisifs (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical et citoyen). Mais si l’on veut vraiment revaloriser le travail, il semblerait judicieux de s’attaquer à l’augmentation des salaires, à l’amélioration des conditions de travail ou à la lutte contre les accidents du travail. Pourtant, tout votre discours ne vous amène qu’à proposer le bouclier fiscal et l'exonération des droits de succession, qui vont d'abord profiter à ceux qui ont de gros revenus tirés de leur patrimoine – autrement dit, qui gagnent leur vie sans avoir besoin de travailler ! Le comble est atteint avec votre mesure sur les héritages : s'il y a bien une injustice, c'est celle des gros héritages qui permettent à certaines personnes de vivre sans jamais travailler !

Peut-être trouvez-vous que j'exagère.

Plusieurs députés UMP – Si peu !

M. François de Rugy – J'aimerais ! Mais encore ce soir, dans Le Monde, une étude de la très sérieuse école d'économie de Paris montre que les 0,01 % des Français les plus riches – un sur dix mille ! – ont vu leurs revenus augmenter de 42,6 % entre 1998 et 2005, alors que la hausse se limitait à 4,6 % pour 90 % des ménages. Quand vous parlez de la France qui se lève tôt, je suppose que c’est celle qui ne veut pas rater les conseils boursiers de Jean-Pierre Gaillard ou les éditos économiques de Jean-Marc Sylvestre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical et citoyen ; exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Les habitants de ma circonscription auraient certainement davantage apprécié des mesures concrètes, dont tout le monde pourrait bénéficier – et notamment ces millions de salariés modestes dont les salaires se situent entre 1 000 et 2 000 euros. Ce sera le sens des amendements que je défendrai. Puisque le Président de la République veut l’ouverture, j'espère que vous saurez en faire preuve face à nos propositions. Dans l'état, les députés Verts ne pourront que voter contre un texte qui réussit à combiner injustice sociale et inefficacité économique (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical et citoyen).

M. Charles de Courson – À l'heure où le président de la République a pris l’engagement, devant l'Eurogroupe, de ramener le déficit à 2,4 % du produit intérieur brut en 2007 et 2,3 % en 2008, il nous paraît indispensable de l'aider dans cette démarche. Le Nouveau centre tiendra donc un langage de vérité budgétaire : compte tenu de la situation de nos finances publiques, il ne peut y avoir de dépense nouvelle sans mesure d'économie équivalente.

Cette règle d'or doit s'appliquer à ce « paquet fiscal » dont le coût est estimé par le Gouvernement à 1,5 milliard pour 2007, 11,5 l’année suivante et environ 13 milliards à partir de 2009. En réalité, le coût sera vraisemblablement plus important puisque l'évaluation de la défiscalisation des heures supplémentaires est manifestement sous-estimée. Le calcul ne concerne en effet que les heures supplémentaires – 800 millions environ – effectuées dans le secteur privé. Ne sont pas prises en compte les heures supplémentaires effectuées dans le public, soit une centaine de millions, ni les heures complémentaires, entre cent et deux cent millions, sans compter les effets induits de la mesure, qui n’ont pas été évalués mais pourraient représenter au moins deux cents millions d’heures. Le coût réel de cette seule mesure pourrait donc être supérieur de moitié à ce qui a été avancé.

Si, comme les élus de la majorité s’y sont engagés dans la plate-forme législative, nous souhaitons supprimer en quatre ans le déficit de fonctionnement, qui s’élève à 22 milliards d’euros en 2007, cela suppose une diminution du déficit de l’État comprise entre 4 et 4,5 milliards d’euros par an. D’une part, il ne saurait donc y avoir de dépense nouvelle non gagée ; d’autre part, le surplus de recettes fiscales et non fiscales de l’État – un surplus, par rapport aux dépenses spontanées, de l’ordre de 4 à 5 milliards d’euros par an – doit être entièrement consacré à la réduction du déficit public. C’est du reste ce qu’a annoncé le Président de la République lors de sa conférence de presse d’hier soir. Il s’agit donc de parvenir, en ce qui concerne le paquet fiscal, à une économie de 11 à 13 milliards d’euros, sur un total de dépenses brutes de l’État s’élevant à 370 milliards.

À cette fin, le groupe Nouveau centre propose trois mesures ; deux d’entre elles ont d’ailleurs obtenu l’accord du Président de la République.

Tout d’abord, 240 mesures dites de « niches fiscales » concernent l’impôt sur le revenu. Elles représentent environ 35 milliards d’euros, pour un impôt qui produit environ 65 milliards. Le Nouveau centre souhaite la mise en place de l’impôt minimum alternatif ; un amendement en ce sens vient d’être adopté en commission des finances, sous la présidence de M. Méhaignerie. Il s’agit là d’une mesure raisonnable visant à combattre un système conduisant à une fausse progressivité.

Le deuxième axe concerne les relations entre État et collectivités territoriales. Au risque de choquer les élus locaux présents, on ne saurait redresser les finances publiques en poursuivant dans la voie d’une augmentation des transferts vers les collectivités territoriales beaucoup plus rapide que la croissance moyenne de la dépense de l’État. Ayons le courage de le dire : il faut viser, au maximum, un parallélisme – un accroissement nul en volume pour la dépense de l’État correspondant à un accroissement également nul des transferts.

M. Jean-Marc Ayrault – En France, les collectivités locales représentent 70 % de l’investissement public : il y a là une différence de nature.

M. Charles de Courson - Voilà qui n’est pas digne d’un homme comme vous. Ma famille politique s’est toujours battue pour l’autonomie non seulement financière, mais fiscale, des collectivités territoriales. Mais les élus locaux doivent assumer leurs choix devant leurs électeurs. On ne peut constamment demander à l’État un effort et réclamer une augmentation de 3 à 3,5 % de l’ensemble de ses aides ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Si vous étiez au pouvoir, je vous critiquerais si vous poursuiviez cette augmentation.

Un député UMP – Ils sont au pouvoir dans les régions !

M. Charles de Courson Sur ce deuxième point, le Président de la République est du reste favorable à notre idée.

Le troisième point concerne la concentration des allègements de charges sociales patronales sur les petites et moyennes entreprises, et leur suppression s’agissant des plus grandes entreprises. Comme le montrent les travaux que nous a livrés il y a quelques mois la Cour des comptes, à la demande de la commission des finances, ces aides sont en effet inefficaces dans les grandes entreprises.

M. François Rochebloine – Eh oui !

M. Charles de Courson Ayons le courage de pratiquer les économies nécessaires lorsque l’argent public est mal utilisé. Grâce à ces trois mesures d’économie, il devient possible de dégager la somme de 11 à 12 milliards d’euros représentée par ce paquet fiscal. Le groupe Nouveau centre veillera à la compensation du coût de ces mesures, et je souhaite que le Gouvernement retienne dès la loi de finances pour 2008 les mesures que nous proposons – ce devrait être le cas d’au moins deux d’entre elles.

En second lieu, l’examen en commission de certaines mesures a pu en faire l’objet d’améliorations intéressantes qui conduisent le groupe Nouveau Centre à les approuver.

Ainsi, s’agissant du crédit d’impôt sur le revenu accordé au titre des intérêts d’emprunt supportés pour l’acquisition ou la construction d’une résidence principale, la mesure revient à annuler la hausse des taux d’intérêt constatée ces dix-huit derniers mois – hausse de 4 % à environ 5 %, elle est en effet compensée par un crédit d’impôt de l’ordre de 20 %.

Nous avons demandé – l’amendement a été adopté en commission des finances – que, dans dix-huit mois, une évaluation permette de vérifier que cette mesure profite bien aux acquéreurs, et non aux promoteurs, aux banquiers ou à ces deux catégories ! En effet, l’on a bien souvent constaté que certaines dispositions, loin de bénéficier à ceux à qui le Parlement les destinait, faisaient l’objet de détournements. M. le rapporteur général s’est ainsi interrogé, comme moi, sur la question de savoir par quelle mesure réagir face à une banque qui créerait un produit dont le taux serait en moyenne de 5 %, mais s’élèverait les cinq premières années à 8 %, pour revenir à un taux de 1 % à partir de la sixième année.

Enfin, le groupe Nouveau centre soutient l’idée, avancée en commission des finances, de rendre le dispositif pérenne en cas de mutation professionnelle, lorsque l’emprunt ne concerne plus de facto l’habitation principale.

En second lieu, le groupe Nouveau Centre soutient également la réforme des droits de succession. Nous proposons de l’améliorer par deux amendements : l’un qui porte de 50 000 à 150 000 euros l’abattement sur les mutations à titre gratuit applicable à la part des héritiers, donataires ou légataires incapables de travailler dans des conditions normales de rémunération en raison d’un handicap – mesure à laquelle le Gouvernement s’était déclaré tout à fait favorable ; le second amendement, que nous venons du reste de voter en commission, exonère de droits de succession les fratries vivant sous un même toit – geste de solidarité envers les familles, nombreuses à recueillir un membre de la fratrie en difficulté.

Troisièmement, s’agissant des parachutes dorés, le Nouveau centre salue les avancées du projet de loi, mais souhaite aller encore plus loin – l’amendement que nous avons proposé tout à l’heure en commission a malheureusement été repoussé –, en s’inspirant du modèle de la loi britannique. Le Company Act de novembre 2006, qui entrera en vigueur en novembre 2008, soumet en effet l’ensemble – j’y insiste – des éléments de rémunération des mandataires sociaux à l’approbation de l’Assemblée générale. Je ne suis pas convaincu, Madame la ministre, par l’idée que le conseil d’administration ou le conseil de surveillance doit fixer les critères permettant de vérifier que le « parachute » découle bien de performances réelles, au contraire de ce que diverses affaires ont montré. Je suis pour ma part favorable à la démocratie politique, sociale et économique. Ce qui est choquant, notamment – mais pas seulement – dans le système français, c’est le fait que des minorités non propriétaires de l’entreprise s’octroient des avantages à l’insu des propriétaires eux-mêmes. Bien des dirigeants d’entreprises hésiteraient à proposer parachutes dorés, retraites chapeaux et indemnités extravagantes en fin de mandat s’ils étaient tenus de s’en expliquer devant leurs actionnaires – et parfois devant des centaines de personnes. Il s’agirait là du meilleur système possible de rémunération, qui n’exclut pas le projet gouvernemental, mais va plus loin encore.

D’autre part, la commission des finances a apporté des compléments intéressants s’agissant des indemnités de départ des dirigeants, déductibles de l’impôt sur les sociétés acquitté par l’entreprise. Je sais, Madame la ministre, que vous n’étiez pas particulièrement favorable à l’amendement proposé par M. Bouvard, auquel nous avons néanmoins apporté notre soutien, et selon lequel ce ne serait plus le cas au-delà d’un plafond de 1 million d’euros par dirigeant. Il est en effet anormal que ce soit le contribuable qui finance un tiers de ce type de dépenses.

Toutefois, des améliorations substantielles doivent être apportées dans au moins quatre domaines.

La défiscalisation des heures supplémentaires est une réforme qui va dans le bon sens et dont le Nouveau Centre approuve la philosophie de revalorisation du travail et du pouvoir d’achat ; elle peut néanmoins être améliorée en deux sens. En premier lieu, dans le sens de la simplification. Madame la ministre, vous êtes une femme d’entreprise et vous savez ce que sont une petite et une moyenne entreprises. Refuser de retenir le taux de rémunération effectif par crainte de dérives, au profit du taux de la branche, ou, à défaut, du taux de plus 25 % prévu par la loi, est une erreur. Il est beaucoup plus simple de se fonder sur le taux effectif et de sanctionner les éventuelles dérives. Le second problème est celui du contrôle par les inspecteurs des impôts : la distinction entre partie imposable et partie non imposable sera extrêmement complexe. Malheureusement, nos propositions n’ont pas été retenues.

Ensuite, l’application de la mesure au secteur public posera de nombreuses difficultés pratiques, notamment en termes de comptage des heures supplémentaires. Elle risque également d’accroître fortement la charge financière supportée par les collectivités locales, du fait de l’accroissement du phénomène de conversion des RTT en heures supplémentaires ou complémentaires : les collectivités locales ne bénéficieront pas des réductions de cotisations patronales accordées aux entreprises du secteur privé.

S’agissant du périmètre de la mesure, nous avons soulevé le problème des parasubordonnés – sept catégories constituées de salariés au sens du droit social mais qui sont des indépendants au sens du droit du travail. Plusieurs d’entre elles – travailleurs à domicile, des arts du spectacle, journalistes, entre autres – doivent être intégrées dans la loi.

Un problème plus délicat encore est celui des heures d’équivalence dans les transports, qui sont tout à fait spécifiques ; or elles sont traitées comme des heures supplémentaires. Notre amendement en ce sens n’a hélas pas été retenu. Vous connaissez pourtant, Madame la ministre, la situation du transport international français : nous perdons 2 à 3 % de parts de marché par an. Inclure ces heures dans la défiscalisation serait une façon d’aider ce secteur.

Au sujet de l’ISF, vous savez que nous sommes favorables au principe du bouclier fiscal, car l’impôt ne saurait être confiscatoire. Peut-être faudra-t-il en venir à l’inscription de ce bouclier dans la Constitution comme l’a fait la Cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe. Si toutefois nous intégrons la CSG, le plafond ne sera plus de 50 % mais de 39 %, ce qui soulève le risque d’inconstitutionnalité. Les objections politiques ne tiennent pas : le plafond de 50 % figurait dans la plate-forme, mais la question de l’intégration de la CSG et de la CRDS restait en débat. Quant aux raisons techniques, nous avons voté l’année dernière un bouclier fiscal pour lequel nous avons les premiers résultats : 1 750 bénéficiaires fin juin pour environ 100 millions d’euros, alors que les prévisions gouvernementales étaient de 93 000 contribuables, dont 17 000 assujettis à l’ISF, pour un coût global de 400 millions. Pourquoi cette différence, alors que l’on avait parlé de 80 000 assujettis à l’ISF ? Or, on peut redouter pareille déconvenue dans un an si le bouclier fiscal est adopté tel que prévu.

Il faudrait également sortir les impôts locaux du bouclier fiscal : la commission des finances a certes adopté un amendement tendant à supprimer la sanction collective qui frappait les collectivités locales, qu’elles aient été raisonnables ou non, mais il faut aller jusqu’au bout de cette logique. Nous clarifierons ainsi les relations entre l’État et les collectivités locales.

Nous avons enfin longuement débattu en commission de l’exonération des résidences principales, rendue nécessaire par l’augmentation des prix de l’immobilier qui a conduit des dizaines de milliers de « petits riches » à payer l’ISF. Il faudrait donc instaurer un plancher de 300 000 euros (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau centre). La commission a par ailleurs adopté des amendements que nous soutenons en faveur des PME.

S’agissant du RSA, le principe de l’expérimentation me semble très sage, mais encore faudrait-il assouplir les dérogations permises. Mon groupe a déposé des amendements en ce sens. Vice-président d’un conseil général appartenant aux dix premiers expérimentateurs, je sais que nous devons aller plus loin.

Mme la Présidente - Veuillez conclure, Monsieur de Courson.

M. Charles de Courson - Conformément aux engagements inscrits dans notre plateforme législative, le Nouveau centre soutiendra ce projet de loi, qui permettra de réhabiliter le travail, de soutenir le pouvoir d’achat et de relancer la croissance économique. Par nos amendements, nous souhaitons toutefois rendre ce texte économiquement plus efficace, socialement plus juste et fiscalement plus équitable (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau centre et quelques bancs du groupe UMP).

M. Michel Bouvard – Traduction des engagements souscrits lors des élections présidentielles et législatives, ce projet de loi tend à rompre avec l’immobilisme économique. Nous allons enfin remettre en cause des pratiques dont tous les indicateurs démontrent qu’elles ont atteint leurs limites. Tout d’abord, la baisse du temps de travail, engagée au nom d'un partage du travail qu’aucun autre pays d'Europe n'a osé mettre en œuvre, alors que Martine Aubry annonçait en 1997 que l’Italie nous suivrait, et qui coûte 11 milliards d’euros, soit environ le même montant que celui consacré par ce projet au loi à la dynamisation de notre économie.

M. Alain Vidalies - Pourquoi n’avez-vous donc pas supprimé les 35 heures ? Vous ne cessez de les dénigrer !

M. Michel Bouvard – Ensuite, la rigidité de l'ISF dont la tranche supérieure ne cesse de diminuer au rythme de l’exil fiscal, tandis que le premier décile s’accroît sans fin de nouveaux propriétaires, moins aisés et pourtant frappés, à mesure que montent les prix de l’immobilier, par ce second impôt foncier au nom d’une richesse virtuelle.

M. Claude Goasguen - Très bien !

M. Michel Bouvard - À cela s’ajoute l’accroissement du nombre des travailleurs pauvres malgré la prime pour l’emploi, dont l’efficacité a été affaiblie par son élargissement à des publics nouveaux, auxquels nous avons donné l’impression que le fruit de leur travail ne leur permettait plus de vivre dignement sans l’aide de l'État.

Tout le mérite de ce texte est d'innover, en remettant en cause les pratiques de ce dernier quart de siècle. Au nom de l’efficacité, nous allons libérer les heures supplémentaires, ce qui renforcera le revenu des salariés et des fonctionnaires tout en améliorant la flexibilité de la production et des services. Nous réorienterons également une partie des ressources de l'ISF vers les PME, mais aussi vers la recherche et les créateurs.

Toutefois, ce texte ne vise pas seulement à conforter l’efficacité économique, mais également la solidarité. Votre présence, Monsieur le haut commissaire aux solidarités actives, témoigne de cette autre forme de rupture. Face à l’inertie de nos politiques de lutte contre la pauvreté depuis vingt-cinq ans, vous avez osé vous confronter, vous aussi, à une expérience nouvelle.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances – Très bien !

M. Michel Bouvard – Au-delà des dispositions de la LFI pour 2007, qui permet aux départements volontaires de s'engager dans des expérimentations, le RSA encouragera les bénéficiaires du RMI à accéder à l'emploi, de même que les bénéficiaires de l'allocation de parents isolés, ces milliers de mères célibataires qui s'efforcent avec courage de faire face aux besoins de leur famille. Les conseils généraux pourront en effet instaurer des incitations financières au retour à l'emploi et simplifier l'accès au contrat de travail aidé.

Favoriser la reprise d'une activité, montrer que le travail est plus rémunérateur que les revenus de l'assistance, c'est changer l'horizon de dizaines de milliers de Français en leur rendant leur dignité. C’est aussi pour cette raison que nous osons ouvrir à nouveau le débat, trop rapidement refermé voilà cinq ans, de l'allocation de solidarité spécifique. Celle-ci entre en effet dans le champ des minima sociaux auxquels ce texte va s’appliquer.

Élu d'un département qui a réduit de 6,5 % le nombre des bénéficiaires du RMI en 2006, notamment grâce à un accompagnement actif du retour à l'emploi en coordination étroite avec des entreprises auxquelles je veux rendre hommage, je ne peux que souscrire totalement aux orientations du présent texte. On peut débattre de l’engagement de l’État et de la répartition des charges, mais qui osera prétendre que les conseils généraux n’ont pas de ressources à consacrer à la solidarité ?

Les élus de la majorité démontreront localement que tout n’a pas encore été tenté en matière de retour à l'emploi des plus défavorisés. Malgré les mouvements de séance auxquels nous avons assisté tout à l'heure, et qui traduisent sans doute le regret de ne pas avoir été aussi innovants que la majorité actuelle, je suis certain que de nombreux élus de l’opposition ne condamneront pas le principe de l’expérimentation. Ce sont en effet les plus défavorisés qui en seraient les victimes.

Ce texte conduira certes à de nouvelles dépenses, mais je sais que nos capacités d’innovation permettront de renforcer également l’efficacité de la dépense publique grâce à l’évaluation et à la logique du résultat, comme le rappelait ce matin en commission le ministre des comptes publics. C’est pourquoi je voterai ce texte en toute confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Marisol Touraine – Nous aurions aimé suivre le Gouvernement sur ce texte destiné à réhabiliter le travail, à améliorer le pouvoir d’achat et à lutter contre le chômage. Pourtant il restera dans les mémoires sous le nom de « paquet fiscal », ce qui en dit long sur vos ambitions alors notre société souffre depuis si longtemps du chômage, de la précarité et de la pauvreté.

Vous souhaitez réhabiliter la valeur du travail, ce qui se justifie pleinement. Mais alors, pourquoi ne pas reconnaître que les Français qui ne travaillent pas aspirent à travailler au développement de notre pays, bien loin de l’oisiveté dénoncée sur vos bancs ? Reconnaissez que nos concitoyens souhaitent vivre décemment de leur travail.

M. Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté – Nous l’avons dit !

Mme Marisol Touraine – Au lieu de vous concentrer sur les plus hauts revenus, il eût été préférable de combattre le temps partiel, subi et non choisi par 80 % des travailleurs concernés – souvent des femmes –, et de revaloriser le SMIC. Nous aurions également souhaité des mesures relatives au travail précaire. Ce ne sont pas vos mesures sur le RSA qui suffiront à donner une coloration sociale à votre texte.

Toutes tendances confondues, les économistes doutent de l’efficacité de vos mesures, notamment la défiscalisation des heures supplémentaires. Et ce n’est pas seulement l’avis de chercheurs appartenant à l’École d’économie de Paris, que vous jugerez peut-être trop à gauche à votre goût, mais aussi celui de membres du Conseil d’analyse économique, rattaché au Premier ministre.

Je vous accorde bien volontiers, Madame la ministre, que la relance de notre économie ne souffre pas seulement d’un problème de demande, mais aussi d’une inadaptation de notre système productif. Vous oubliez malheureusement la place des organisations syndicales dans nos entreprises alors que nous avons besoin de confiance pour que la croissance revienne. Plus que leurs voisins, les Français sont insatisfaits de leur travail : les relations entre les employeurs et les salariés sont, plus méfiantes qu'ailleurs. Or, la promotion sociale grâce au travail et la revalorisation des salaires sont absentes de ce texte. Plus encore aujourd’hui qu’il y a vingt ans, un salarié qui commence sa carrière au SMIC la poursuit et parfois la termine au même niveau ! Or la seule solution que vous lui proposez, c’est, tout en restant au SMIC, de travailler plus d’heures – tout aussi peu payées – pour améliorer ses fins de mois. À l’évidence, la réponse adaptée consisterait à revaloriser les salaires plutôt que d’imposer aux salariés des heures supplémentaires pour les aider à faire face à leurs besoins fondamentaux.

Autre difficulté, votre texte tend à altérer la relation essentielle entre travail et droits sociaux. Alors que le budget de la sécurité sociale est confronté à de très graves difficultés, vous n’êtes pas en mesure de garantir que les pertes de cotisations sociales correspondant aux heures supplémentaires défiscalisées seront intégralement compensées par l’État auprès de la sécurité sociale. Au-delà de cet aspect financier – au demeurant essentiel –, il ne faut pas oublier que tout l’équilibre de notre protection sociale repose sur un lien très fort entre le travail accompli et les droits acquis. Ce que vous proposez, c’est de mettre le doigt dans l’engrenage selon lequel les droits sociaux ne seraient plus directement liés au travail effectué.

M. le Rapporteur général – Cela n’est pas exact.

Mme Marisol Touraine – Demain, les salariés subiront des heures supplémentaires qui ne leur ouvriront pas forcément de nouveaux droits sociaux. Il y a là l’amorce d’une nouvelle conception de la sécurité sociale : peu importe le volume de travail effectué pour savoir si l’on peut prétendre à la sécurité sociale et aux droits qui s’y attachent…

M. le Rapporteur général – Pas du tout !

M. Michel Bouvard – Relisez le rapport de M. Carrez !

Mme Marisol Touraine – Après une vie de travail, certains salariés découvriront qu’ils ne peuvent bénéficier de prestations proportionnées à leurs contributions (Murmures sur les bancs du groupe UMP).

Une autre de vos analyses que je ne puis partager a trait aux causes profondes du déficit de travail dont souffre notre pays. D’accord pour dire que nous ne travaillons pas assez en France. Mais cela ne tient pas au fait que, pris individuellement, les Français n’accompliraient pas assez d’heures. La réalité, c’est que les jeunes n’accèdent pas assez vite à un emploi stable, cependant que les entreprises se débarrassent trop facilement des salariés de plus de cinquante ans. Dans notre pays, le taux d’emploi des seniors est l’un des plus faibles de l’OCDE.

M. Michel Piron – C’est un vrai problème.

Mme Marisol Touraine – Et l’on ne résoudra pas le chômage sans améliorer en priorité le taux d’emploi des moins de 30 ans, comme celui des plus de 50 ans (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen). Faites travailler les jeunes et les seniors et la croissance repartira !

Votre projet tend à faire travailler plus ceux qui ont déjà un emploi, sans se préoccuper du niveau de revenu qui en découlera. Dans ces conditions, et au milieu de tous les cadeaux fiscaux prévus dans le texte, la création du RSA semble, Monsieur le haut commissaire, un peu incongrue, d’autant que plusieurs lois ont déjà été votées à ce sujet. Si le lancement d’une expérimentation n’appelle aucune opposition de principe, chacun sait bien que le diable se niche dans les détails. Or, à ce stade, des détails, nous en avons fort peu ! L’idée de lutter plus activement contre la pauvreté n’est pas nouvelle, non plus que celle d’inciter les titulaires de minima sociaux à reprendre un emploi en leur garantissant un revenu amélioré. Et force est d’admettre que les dispositifs existants n’ont pas été probants.

Aussi, Monsieur le haut commissaire, je ne doute pas de votre sincérité ni de votre détermination à faire en sorte que ceux qui, tout en travaillant, ne gagnent pas suffisamment soient mieux accompagnés. Mais ce n’est pas de cela que traite le projet de loi. Et l’on peine à discerner la portée réelle du système que vous proposez. Il ne s’agit en fait ni d’aider les travailleurs pauvres, ni de remodeler l’ensemble du régime des minima sociaux, ni de permettre aux personnes les plus éloignées de l’emploi de retrouver un revenu stable.

Au fond, alors que la précarité touche un nombre croissant de Français, vous proposez un simple dispositif d’accompagnement technique vers l’emploi à ceux qui en sont déjà les plus proches. Et pourquoi le dispositif n’est-il pas assumé par la solidarité nationale alors que les cadeaux fiscaux aux plus favorisés, eux, le seront ?

M. Alain Vidalies – Très bien.

Mme Marisol Touraine – Pourquoi la charge en incombera-t-elle aux conseils généraux plutôt qu’à l’État ? Pourquoi ne pas refondre l’ensemble des minima sociaux dans un dispositif unique, mieux adapté à la réalité du moment ? Pourquoi ne pas mettre d’emblée l’accent sur les travailleurs pauvres plutôt que sur les RMistes les plus proches de retrouver un emploi ?

Notre pays a besoin d’une grande réforme de ses dispositifs de lutte contre la pauvreté. Las, vous proposez un simple mécanisme d’incitation à la reprise d’activité, pas vraiment ciblé, de surcroît, sur les publics les plus prioritaires. On est loin de l’ambition de rénovation sociale portée par votre rapport d’il y a deux ans. Votre insistance à évoquer des objectifs qui ne figurent pas dans le projet de loi – comme la prise en charge des travailleurs pauvres – donne du reste à penser que vous êtes bien conscient de l’insuffisance du dispositif proposé. Je n’ai aucune raison de mettre en doute votre ambition, mais le texte qui nous est soumis n’est pas à la hauteur de l’enjeu et ne comporte pas assez de réponses concrètes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

Mme Huguette Bello – Favoriser l'emploi et garantir le pouvoir d'achat constituent les préoccupations centrales des Français. Il est donc naturel que ces objectifs fassent l'objet des premiers textes examinés dans cette nouvelle législature. Par contre, la solution choisie, qui repose essentiellement sur l'exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires, semble contestable à plusieurs titres. En effet, les nombreuses expériences d'exonération des cotisations patronales déjà menées ne plaident pas pour cette approche.

D’abord, il s'agit d'une solution partielle, qui ne peut concerner que les salariés susceptibles d’accomplir des heures supplémentaires. Sont donc exclus de fait les retraités, les chômeurs, les titulaires des minima sociaux, les artisans, les patrons des petites entreprises… Tous ceux qui ne sont pas salariés deviennent les laissés pour compte de l'augmentation du pouvoir d'achat. En outre, une telle solution revient à faire porter aux seuls salariés la responsabilité de la stagnation de leur pouvoir d'achat, sans que soient analysées les conditions dans lesquelles les heures supplémentaires seront proposées et acceptées.

De plus, se trouve occultée la dimension essentielle que constitue la répartition de la richesse produite entre salariés et actionnaires. Et il est étrange qu'un texte traitant du pouvoir d'achat fasse l'impasse sur la composition – très controversée – de l'indice des prix ou sur le logement social. Il aurait été préférable d'aborder ces points, plutôt que d'insister sur le dispositif onéreux qui modifie le régime des successions, lequel ne consiste, en réalité, qu'à offrir à nos concitoyens ce dont la plupart disposent déjà. De même, il est difficile de comprendre en quoi le renforcement du bouclier fiscal – qui n'est avantageux que pour les gros patrimoines – contribuera à favoriser le pouvoir d'achat du plus grand nombre.

Quant à l’effet de l'augmentation des heures supplémentaires pour lutter contre le chômage, il est plus que discutable. Selon les analyses internationales dominantes, le plein emploi, la croissance et l'augmentation du nombre d'heures travaillées vont de pair et l’exposé des motifs du présent texte n'échappe pas à cette affirmation. Pourtant, d'autres comparaisons internationales contredisent cette thèse et soulignent l'importance décisive de la productivité horaire.

Plus simplement, l'histoire française récente nous apprend que c'est dans les périodes où la durée du travail était de 40 ou 39 heures que les taux de chômage ont été, et de loin, les plus importants. Il est donc à craindre qu'un slogan aussi contestable que « travailler plus pour gagner plus » ne génère une nouvelle catégorie de chômeurs.

Je note aussi que la solution de la détaxation ne présente même pas l'avantage d'être financièrement neutre et se révèle, au contraire, très onéreuse pour les finances publiques, ainsi que menaçante pour notre système de protection sociale.

À la Réunion, où les chômeurs représentent près de 30 % de la population active, le traitement du chômage par la détaxation des heures supplémentaires constitue un pari extrêmement dangereux. Dans la situation qui est la nôtre, l'urgence n'est pas d'augmenter le temps de travail, mais bien plutôt de permettre au plus grand nombre possible de Réunionnais de travailler. C'est d'ailleurs dans cette optique qu'a été créé, il y a plus de sept ans, un dispositif spécifique, avec l'allocation de retour à l'activité, destinée à encourager le retour vers l’emploi des bénéficiaires des minima sociaux – en particulier du RMI, de l'API et de l'ASS. Il s'agit, en quelque sorte, du précurseur du RSA. Une évaluation de ce dispositif, qui concerne actuellement plus de trois mille personnes, pourrait être utile, Monsieur le haut commissaire.

On ferait un très mauvais procès à nos concitoyens en imaginant qu'ils ne veulent pas travailler.

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Qui l’a prétendu ?

Mme Huguette Bello - Ils ont appris à donner au travail sa place, toute sa place, mais rien que sa place : ils savent en effet que le travail n'est pas le sens ultime de la vie. Les penseurs, les sages nous le rappellent, mais aussi le bon sens populaire. Les drames récents survenus à Renault, PSA ou EDF nous rappellent le danger qui s’attache à faire de la valeur travail un absolu (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen).

M. Yves Censi – Le Gouvernement nous soumet aujourd’hui un projet ambitieux et précurseur. Ambitieux, d’abord, puisqu’il propose d’inverser certains flux financiers de la nation pour permettre aux Français de devenir les acteurs principaux de la dynamisation de notre économie en améliorant rapidement leur revenu disponible. Les mesures envisagées respectent le fruit de leur travail, ainsi que le patrimoine qu’ils ont constitué, moins pour eux-mêmes, le plus souvent, que pour leurs enfants. Elles respectent aussi l’investissement familial pour accéder à la propriété, laquelle constitue un droit fondamental inscrit dans notre Constitution. Quand des citoyens font le choix de travailler, de soutenir leur famille, de devenir propriétaire, cela ne doit pas aboutir pour eux à un sacrifice total.

Votre projet est aussi précurseur en ce qu’il signale la modernisation de notre société en mettant l'activité au centre de la vie de notre communauté nationale, une activité qui a vocation à produire richesse et solidarité.

Les enjeux sont immenses. Aussi, j'insiste pour que soit mobilisés, avec les services de l'État, tous les acteurs économiques et sociaux, dès cet été. La réussite dépendant pour beaucoup d'une application rapide des mesures annoncées, toutes les structures professionnelles - chambres consulaires, fédérations et syndicats professionnels - doivent décliner les mesures pour chaque secteur d'activité et en faire la promotion dès la promulgation de la loi. Experts-comptables, notaires, avocats, banquiers et assureurs doivent, eux aussi être mobilisés et motivés. Le « choc de confiance » que vous avez mentionné doit être réciproque : nous avons besoin d'eux, sachons les intéresser, arrêtons de les soupçonner et de les diaboliser !

Je souhaite que le débat et les amendements permettent cette mobilisation générale. Nous avons besoin de tous, ne décourageons personne ! Ne décourageons pas les exploitants agricoles en leur appliquant une exonération moins intéressante que celle qui existe pour les travailleurs saisonniers. J'ai déposé un amendement dans ce sens, et j'espère que vous saurez écouter ces professionnels qui ne demandent bien sûr qu'à participer à la dynamique enclenchée. Nous risquerions aussi de décourager les professionnels de la finance (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) si nous leur interdisions de proposer des outils modernes d'investissements en capital pour les PME. Pourquoi, par exemple, ne pas permettre de grouper les investissements des redevables de l'ISF à des fonds spécifiques ? J'ai déposé un amendement en ce sens, qui impliquera tous les réseaux de placements, ne coûtera rien de plus à l'Etat, et répondra à l’un des objectifs que vous avez par ailleurs fixés, Madame la ministre : faire de Paris une place financière forte. Je le redis, nous devons mettre tous les atouts de notre côté en faisant confiance sans restriction à tous les acteurs de l'économie et de la vie sociale qui, j'en suis sûr, seront à vos côtés pour faire de votre projet ambitieux une réalisation exemplaire dès l'année prochaine (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Michel Liebgott – Nous sommes réunis pour examiner un nouveau projet de loi relatif à l’emploi, sujet que les gouvernements Raffarin et Villepin ont tous deux mis à l’ordre du jour. En fait de rupture, il y a continuité, la loi Fillon ayant déjà rehaussé le plafond des heures supplémentaires autorisées, et vous ne proposez rigoureusement rien de neuf (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), au contraire de notre programme, qui prévoyait la revalorisation des retraites et des salaires modestes, une sécurité professionnelle réelle, l’organisation d’une conférence sur les salaires et la révision du calcul de l’indice des prix.

Rupture, dites-vous. Permettez-moi donc de vos rappeler qu’entre 1993 et 2006, 3 millions d’emplois ont été créés en France, dont 2 millions entre 1997 et 2002. C’est dire si votre stratégie de l’offre s’est soldée par un échec constant, au contraire de la relance par la demande que nous avons privilégiée. Comment ne pas s’en rendre compte ? Certes, M. Fillon n’est plus ministre de l’emploi, mais il n’empêche que l’on prend les mêmes pour mettre au point une nouvelle loi sur l’emploi grâce à laquelle, oui, ceux qui travaillent déjà beaucoup gagneront plus. Mais qu’en sera-t-il de tous les autres, de ceux et celles qui travaillent à temps partiel ? Ceux qui ont de petits salaires resteront dans leur misère.

Vous aurez, Monsieur Hirsch, beaucoup à faire, quand la TVA « sociale » pèsera d’un poids proportionnellement bien plus lourd sur les allocataires des minima sociaux que sur les redevables de l’ISF et quand d’inéluctables transferts de charges sur les collectivités territoriales accroîtront les impôts locaux, puisque le bouclier fiscal, on oublie de le dire, a aussi pour effet de mettre à mal les finances des collectivités locales, le foncier bâti s’effondrant et les entreprises étant contraintes de réduire leurs versements. Déjà, la sidérurgie fait des économies sur le dos des collectivités territoriales à cause de ce dispositif, et les choses vont empirer, puisque vous accentuez le trait. On en viendra malheureusement à une société ainsi organisée que la création du revenu social d’activité sera justifiée. C’est qu’il y a un abyme entre les discours économistes tenus par trois ministres des finances successifs dont aucun n’est un politique et celui des hommes de terrain. Les Français vont se rendre compte que leur pouvoir d’achat n’augmente pas, et se réveiller avec une gueule de bois. Pendant ce temps, M. Sarkozy va à Bruxelles demander qu’on lui donne encore cinq ans – qui s’ajoutent aux cinq années pendant lesquelles il était au Gouvernement – pour tenir les engagements que la France avait souscrits. Et puis, en 2012, il demandera à nouveau cinq ans pour continuer d’enrichir les riches et d’appauvrir les pauvres (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Mais vous y êtes habitués, collègues de la majorité ! L’institution de la prime de retour à l’emploi signifiait que certains avaient besoin, pour vivre, du minimum social et de cette prime. Or, pendant que vous redistribuiez, par ce biais, 7 millions aux allocataires des minima sociaux, vous restituiez 350 millions aux plus riches, et vous vous apprêtez maintenant à gratifier 15 000 personnes de 1,5 milliard ! Manifestement, nous ne fréquentons pas les mêmes Français (Protestations sur les mêmes bancs) et je plains ceux qui feront les frais de vos mesures funestes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen).

M. Roland Muzeau – Comme les textes présentés sous la précédente législature par les gouvernements Raffarin et Villepin, celui que nous examinons affiche un intitulé ronflant. Mais cet écran de fumée, cet arbuste social, dissimulent une jungle de dispositions fiscales, d'exonérations d'impôts et de cotisations sociales taillées sur mesure, une fois encore, pour une petite frange de nantis, de grands patrons et de gros actionnaires. Ce sont autant de nouveaux cadeaux qui creuseront encore le fossé séparant les 35 000 foyers superprivilégiés qui ont déjà vu leurs revenus, en grande partie financiers, augmenter de quelque 42 % ces dernières années, du reste de la population, des actifs sous-employés, précarisés, des sept millions de travailleurs pauvres qui perçoivent moins de 722 euros par mois. Ce sont autant de mesures qui permettront la captation des richesses produites par les actionnaires, au détriment des investissements et des salariés.

Telle est la réalité de la ligne politique du nouveau Président de la République, qu’il avait dévoilée au cours d’un déplacement à la Réunion, devant un micro malencontreusement resté ouvert, en disant : « Je serai servile avec les puissants et ignoble avec les faibles. » Plaisanterie ?

Le « paquet fiscal » est copieux mais les mesures prévues sont contestées par les économistes, y compris ceux qui ne s'offusquent pas qu'il y ait davantage de riches ou d'inégalités en France. Thomas Philippon les juge inefficaces et vous reproche d'inventer une usine à gaz qui créera « des effets d'aubaine et ne profitera qu'aux conseillers fiscaux ». Ces mesures seront source d'injustices fiscales et sociales supplémentaires et leur coût servira d'alibi supplémentaire à l’instrumentalisation de la dette, puisque Mme la ministre a déjà prévenu : « Ces engagements doivent aussi se mesurer à l'aune de ceux que la France a souscrits auprès de ses partenaires européens. Il lui faudra en contrepartie faire preuve d'une rigueur budgétaire sans faille et voir comment des économies pourront être réalisées dans le cadre de projets ultérieurs. »

La question du sens et de la valeur du travail est centrale et ne saurait être réduite à des slogans simplistes, voire populistes. Certains Français ont été séduits par celui qui prétendait être « le Président du pouvoir d'achat », celui qui tempêtait contre « les pratiques détestables » du patron d'Airbus-EADS. Comment, il est vrai, ne pas être tenté par l’idée de « gagner plus » quand il est de plus en plus difficile tout en travaillant dur, de plus en plus précairement, tout en cumulant deux ou trois petits boulots, de se loger, de se nourrir, de vivre dignement ?

Le Medef peut laisser transparaître sa joie. Les salariés, eux, dans leur grande majorité, se rendront vite à l'évidence car s'ils sont imposables, l'impact sur leurs revenus du nouveau dispositif relatif aux heures supplémentaires sera très en deçà d'un treizième mois – voire d'un quatorzième mois qu’a imprudemment promis Xavier Bertrand. En premier lieu, c'est l'employeur seul qui propose les heures supplémentaires que, sous la pression, et faute d'être protégé en cas de refus, le salarié « accepte ». Ensuite, tous les salariés ne pourront pas travailler plus, sauf à sacrifier leur santé et leur vie de famille. Avez-vous réfléchi au million de salariés pluriactifs, dont 80 % sont des femmes, qui jonglent péniblement dans le secteur des services et qui cumulent les heures pour gagner à peine l'équivalent d'un SMIC ? Avez-vous pensé aux employées du commerce sous-employées ? Pensez-vous vraiment que les ouvriers annualisés subissant de plein fouet l'intensification du travail, la pénibilité, l'exposition à des produits chimiques toxiques ont envie et peuvent physiquement travailler plus ? Pour beaucoup, cela signifierait travailler plus de 48 heures hebdomadaires !

L'impact sur le salaire sera faible, enfin, parce que certaines heures supplémentaires resteront majorées à un taux inférieur à 25 % pour les huit premières heures. Et vous en êtes responsables. C’est la loi Fillon de 2003 qui a rendu ces heures moins chères pour les employeurs, et d’année en année vous avez prorogé le taux de rémunération dérogatoire des heures supplémentaires pour les entreprises de moins de 20 salariés. Vous avez également validé par la loi un accord annulé par le Conseil d’État qui limitait à 10 % la majoration des heures supplémentaires dans le secteur de l’hôtellerie restauration.

La défiscalisation des heures supplémentaires n’augmentera donc pas le pouvoir d’achat. Selon le Conseil d’analyse économique, si un tel allégement accroît le pouvoir d’achat de ceux qui travaillent au-delà de la durée légale, son financement réduit le revenu des salariés qui ne font pas d’heures supplémentaires. En bref, les salariés exclus du dispositif paieront à la place des employeurs.

Rien de surprenant donc à ce que le Medef juge cette réforme décisive tandis que les syndicats de salariés n’acceptent pas ce marché de dupes.

Ces dispositions ne mettront pas fin au surchômage des jeunes et à l’éviction des quinquagénaires du marché du travail. Le Conseil d’analyse économique craint également que les employeurs ne profitent de l’occasion pour supprimer des éléments de rémunération en gonflant les heures supplémentaires, donc que ce texte ne favorise la fraude.

Vos postulats libéraux sont dangereux, et vos affirmations souvent fausses. Les Français ne sont pas feignants, ils sont parmi les plus productifs au monde et leur durée du travail est dans la moyenne européenne. D’autres choix sont possibles pour rendre au travail toute sa valeur, nous le montrerons avec nos amendements. Pour cela, il faut notamment lutter contre les causes du développement de l’emploi précaire, répartir autrement les richesses, transférer des revenus financiers vers les salaires, revaloriser le SMIC. Vous l’avez compris, notre groupe n’approuve pas votre projet (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. Louis Giscard d'Estaing – Ouvrir cette session extraordinaire avec ce texte consacré à l’emploi, au travail et au pouvoir d’achat est méritoire à trois titres.

D’abord, cela permet de respecter les engagements pris pendant la campagne électorale ce qui, faut-il le rappeler à M. Brard et M. Idiart, en démocratie est une obligation dès lors que nos concitoyens ont choisi le programme présidentiel de Nicolas Sarkozy et le programme législatif détaillé arrêté par le conseil national de l’UMP du 16 novembre 2006.

C’est ensuite une manière de répondre concrètement à différentes préoccupations de nos concitoyens. S’agissant ainsi du pouvoir d’achat, la principale conséquence des lois Aubry a été la modération salariale. Elles ont eu également des conséquences budgétaires avec une exonération de cotisations patronales – patronales seulement ! – masquée pendant des années à travers le FOREC, ce qui n’était pas un modèle de sincérité budgétaire.

M. Michel Bouvard – Certes !

M. Louis Giscard d'Estaing – Une autre mesure concerne le financement des frais de vie pendant les études, qui est probablement le frein le plus puissant à l’ascension sociale. L’opposition approuve-t-elle ou non cette mesure ? Dans un cas comme dans l’autre, qu’elle le dise donc franchement.

Le texte instaure une déductibilité des intérêts d’emprunt immobilier pour l’acquisition de la résidence principale. Tout ce qui favorise l’accession à la propriété est positif et notre pays est en retard sur ce plan en Europe.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’ Etat chargé des entreprises et du commerce extérieur – C’est vrai.

M. Louis Giscard d'Estaing – Quoi de plus naturel ensuite, de plus moral, que de permettre la transmission en franchise de succession du patrimoine constitué par le travail, et donc déjà assujetti à l’impôt ?

L’article 5 instaure un degré maximum d’imposition. Il était effectivement utile de fixer le seuil au-delà duquel l’impôt tue l’impôt, ou plus exactement où il chasse l’imposable !

M. Jean-Pierre Brard – Quelle vielle lune !

M. Louis Giscard d'Estaing – Ce texte permet aussi d’utiliser l’impôt sur le patrimoine pour aider au développement des PME ou des entreprises innovantes, qui sont celles qui manquent le plus de fonds propres, dans un pays où n’existent pas de fonds de pension.

Enfin, il répond à l’attente que j’avais exprimée dès l’automne 2004 devant cette assemblée en ce qui concerne une piste qui n’avait pas été explorée jusque là, l’exonération des cotisations salariales, qui amputent le salaire brut de 20 %. J’avais alors déposé un amendement avec le président Méhaignerie pour que les dispositifs d’allégement des cotisations patronales résultant des lois Aubry – soit plus de 17 milliards à l’époque – soient transférés à une exonération des cotisations salariales sur les heures supplémentaires, pour donner du pouvoir d’achat, atténuer les conséquences des 35 heures, et harmoniser les barèmes de 10 % et 25 % sur ces heures majorées.

M. Roland Muzeau – Et les comptes sociaux ?

M. Louis Giscard d'Estaing – Cette même proposition fut reprise dans l’excellente proposition de loi d’Hervé Novelli du 13 juin 2006, pour favoriser le travail et revaloriser le pouvoir d’achat, dont j’étais cosignataire. Elle a trouvé place également dans le projet de Nicolas Sarkozy. Vous imaginez qu’en parlementaire, ancien membre de la mission parlementaire sur les conséquences des 35 heures, comme en citoyen attentif à ce que les engagements soient tenus au plus tôt, je me réjouis de l’inscription de ce texte au début de la session, pour le plus grand profit de la croissance et de l’emploi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe Nouveau centre).

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Avec la déductibilité des intérêts d’emprunts immobiliers, le Gouvernement prétend favoriser le pouvoir d’achat et l’accession à la propriété. C’est une musique que l’on a déjà entendue. La seule déductibilité des intérêts coûtera au budget 3,7 milliards en année pleine.

M. Yves Censi – Bravo !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Mais va-t-il vraiment favoriser l’accession à la propriété, et pour les ménages les moins aisés en particulier ? Va-t-il aider les ménages modestes à sacrifier une moindre partie de leurs revenus au paiement des loyers ? Aider à construire plus de logements vraiment accessibles à ceux qui sont sur les listes d’attente ?

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical et citoyen – Non !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Non. Il organise en fait une nouvelle niche fiscale, et les conséquences sur le coût du foncier, le prix de l’immobilier et le niveau des taux d’intérêt seront supportées par les ménages à revenus faibles et, dans les zones où il y a une forte tension sur le marché, les ménages à revenus moyens.

Cet avantage fiscal sans contrepartie sociale pèsera d’un poids sans précédent sur le budget et empêchera l’État d’assumer ses obligations dans la résorption de la grave crise du logement que notre pays traverse. En effet, depuis 2002 le nombre de demandeurs n’a cessé d’augmenter pour atteindre 1 400 000. Ne fallait-il pas s’en soucier tout se suite ? Mais quel message le Gouvernement adresse-t-il avec ce texte, à ceux qui souffrent de la crise ?

L’actualisation des aides au logement est très inférieure à la hausse des loyers et des charges. En 2007, les crédits consacrés à ces aides ont diminué de près de 4 % alors que 30 000 ménages arrivent, chaque année, sur le marché locatif. L’effort supplémentaire consenti par l’État pour aider les ménages n’est que de 80 millions. On est loin des 3,7 milliards de déduction d’intérêts !

Vous voulez augmenter le pouvoir d’achat ? Indexez donc dès cette année les aides personnelles sur les loyers, comme M. Sarkozy l’avait évoqué dans son projet. Plus de 6 millions de ménages en bénéficieraient. En effet, entre 2003 et 2006, la part de revenus consacrés au loyer est passée de 15 % à 19,5 % pour les bénéficiaires de minima sociaux, et de 25 % à 27,4 % pour les salariés. Vous leur auriez permis de consommer plus, et les trois quarts des bénéficiaires des aides personnelles ont des revenus inférieurs au SMIC.

Pour l’aide à la pierre, 458 millions sont inscrits en 2007 pour la construction de logements locatifs sociaux neufs, soit six fois moins que pour l’avantage fiscal que vous instituez. Rappelons aussi que le dispositif de Robien, avantage fiscal accordé sans contrepartie sociale, a été à l’origine d’une spéculation et d’une augmentation des loyers sans précédent. Son coût de 400 millions en 2007 équivaut au montant des subventions de l’État pour le logement neuf. Quant au taux à prêt zéro, son bénéfice a été étendu à des ménages qui gagnent plus de 7 000 euros par mois et son coût est passé de 515 millions en 2006 à 770 millions en 2007. Pourquoi ne pas l’avoir assorti d’un plafonnement des loyers, pour permettre aux ménages modestes de mieux se loger ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) Pourquoi n’avoir pas augmenté le prêt à taux zéro pour les tranches de revenus les plus basses ? Vous n’avez pas oublié, je pense, le rapport de la fondation Abbé Pierre sur l’accession sociale : De 2001 à 2006, le nombre des accédants dans le neuf a augmenté de 66,33 % pour ceux dont les revenus sont supérieurs à 5 fois le SMIC, de 35,2 % pour ceux dont les revenus sont de 3 à 5 SMIC et de 9,8 % pour ceux ayant des revenus inférieurs ; Vous aviez donc plusieurs possibilités pour améliorer le pouvoir d’achat des ménages pour qui l’accession à la propriété restera un rêve, faute d’aide suffisante.

Mais ces objectifs n’étaient pas les vôtres ! Et notre collègue Didier Migaud a eu raison de souligner que ce texte représente davantage une continuité qu’une rupture. Pour ce qui est du logement, ce gouvernement persiste – et c’est à nos yeux catastrophique – à refuser une démarche ambitieuse d’aide à la solvabilisation des ménages, de construction de logements locatifs sociaux, de réhabilitation du parc ancien dans une approche écologique, source d’économie d’énergie et donc d’allègement des charges.

Nous ne cesserons de dénoncer cela, en montrant que d’autres politiques sont possibles. Madame la ministre, nos amendements vous donneront l’occasion de témoigner d’un plus grand souci à l’égard de nos concitoyens. Cependant, après vous avoir entendue, il est difficile de croire une telle chose ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

M. Laurent Hénart – Faute de pouvoir embrasser l’ensemble du texte en quelques minutes,…

M. Jean-Pierre Brard – Il y a des niches partout !

M. Laurent Hénart – ...je me concentrerai sur le revenu social d’activité, qui me paraît en être le point le plus ambitieux. Pour la première fois, un texte dont le but est de développer le travail et de permettre aux gens de travailler plus, ne fait pas l’impasse sur le 1,2 million de bénéficiaires du RMI, ces chômeurs de longue durée dont la plupart ne sont même plus inscrits à l’ANPE, et de qui la société semble détourner le regard.

M. Jean-Pierre Brard – Très juste ! Mais qui est responsable ?

M. Laurent Hénart – Vingt ans après le vote de la loi sur le RMI, le présent projet s’appuie sur un constat lucide. Le RMI assure un revenu à des personnes qui, autrement, n’auraient rien, et qu’il n’est pas question de laisser livrées à leur détresse. Or, les problèmes apparaissent au niveau de l’accompagnement, de la formation, à cause de la difficulté qu’a la France de réaliser avec ses chômeurs, en particulier les plus fragiles, ce travail humain, qui permet d’apprécier les profils, de veiller à l’enracinement dans un emploi stable, mais aussi de faire en sorte qu’aucune réglementation, aucune législation n’entravent ce retour à l’emploi et à la dignité qui l’accompagne.

Dans votre expérimentation, vous avez fait le choix de retenir quelques départements, et vous vous êtes ainsi exposés à une critique, fréquente en France, qui vous reproche de ne pas proposer d’emblée le « jardin à la française », la réforme globale aux allées et aux angles bien droits, aux perspectives bien dégagées, dont tous les Français bénéficieraient. Mais la voie plus escarpée que vous avez choisie, celle du terrain, celle du rassemblement des praticiens, est la seule qui puisse nous faire progresser, pour le bénéfice de ces personnes. C’est une législation éminemment humaine que celle des minima sociaux, car elle concerne des personnes particulièrement vulnérables, et je crois que l’expérimentation a été d’une grande humanité.

Je voudrais revenir sur trois points, dont le premier porte sur le périmètre. M. de Courson a demandé pourquoi le RMA et le contrat d’avenir n’étaient pas compris dans la corbeille de l’expérimentation. La question mérite en effet d’être posée en ce qui concerne le contrat d’insertion du RMA ; la loi de 2003 avait pour but le retour rapide à l’emploi marchand, et pour certains métiers peu qualifiés, nous avons vu que c’était possible, que cela fonctionnait. En revanche, pour ce qui est du contrat d’avenir, il ne faut pas confondre, d’un côté, une expérimentation qui vise à lever les handicaps dans le retour à l’emploi et, d’un autre côté, le contrat unique d’insertion. Le défi est de converger, tout en conservant les acquis du plan de cohésion sociale, à savoir des contrats aidés qui prévoient une formation à la charge de l’employeur ainsi que des droits sociaux complets, vers le contrat unique ; mais il s’agit d’un débat distinct de celui du RSA.

Le deuxième point concerne les à-côtés, qui ont été peu évoqués en commission, bien qu’ils soient essentiels. Le frein au retour à l’emploi d’un bénéficiaire de minima sociaux n’est pas son revenu, mais le pouvoir d’achat qu’il en retire. Il convient donc d’ajouter au minimum social ce que son bénéficiaire ne paie pas et que le salarié de droit commun, lui, paie. Vous l’avez mis dans la corbeille, et c’était essentiel, notamment parce que les politiques d’accompagnement des conseils généraux pêchent souvent par méconnaissance de ces à-côtés.

Mon troisième point concerne l’accompagnement. La France n’accompagne pas vraiment les chercheurs d’emploi : un conseiller de l’ANPE suit 250 demandeurs d’emploi, alors que son homologue en Angleterre ou en Allemagne n’en suit que 50. C’est la même chose pour les bénéficiaires de minima sociaux, et il faut que le RSA comprenne un volet « accompagnement ». S’il y a de l’argent à mettre quelque part, c’est bien là ! Cela sera riche d’enseignement pour la réforme globale des minima sociaux attendue par tous.

Cela sera également utile pour l’évaluation de la politique des conseils généraux. Il faudra du reste savoir ce que l’on fait du fonds exceptionnel de 450 millions mis en place par la précédente majorité et qui devait compléter temporairement la compensation du RMI ; il serait sans doute mieux utilisé s’il soutenait la généralisation de votre expérimentation.

Ce texte, en tout cas, outre la volonté qu’il traduit de relancer l’activité et l’emploi, nourrit l’ambition de permettre aux bénéficiaires de minima sociaux de prendre eux aussi le train de la relance (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Danièle Hoffman-Rispal – Ce texte se veut la mise en œuvre des engagements du candidat à la présidence de la République, et l’on ne peut tenir rigueur aux responsables politiques de faire ce qu'ils ont dit. Mais la déclaration d'urgence est, elle, condamnable, car elle ne permet pas aux parlementaires de délibérer sereinement.

Mon propos portera sur deux points : les heures supplémentaires et le revenu de solidarité active.

Ces derniers mois, vous nous avez beaucoup parlé de rupture. Or, participant aux débats parlementaires sur le travail et l'emploi depuis cinq ans, j’affirme que ces nouvelles dispositions s'inscrivent dans la continuité de la politique menée par la majorité avant l'élection présidentielle. Fondées sur un slogan démagogique, « travailler plus pour gagner plus », elles sont dans le droit fil de la remise en cause des 35 heures.

Vous avez déjà largement augmenté, jusqu’à 220, le contingent des heures supplémentaires, qui est loin d'être utilisé par les entreprises. Votre volonté est ainsi d’inciter les employeurs à accroître le recours aux heures supplémentaires. Mais en ont-ils besoin ?

M. Jean-Pierre Brard – Eh oui !

Mme Danièle Hoffman-Rispal – Cela nuira à la création d'emplois, puisque l'exonération de cotisations sociales rend plus avantageux pour l’employeur de faire travailler plus longtemps un même salarié, au détriment de l’embauche (Approbations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen). Ayant été comptable dans une PME pendant trente-cinq ans, je sais de quoi je parle ! Lorsque vous dites vouloir inciter les bénéficiaires de minima sociaux à se réinsérer sur le marché du travail, vous êtes dans une grande contradiction !

C’est le pouvoir d'achat qui sera sacrifié, car les heures supplémentaires serviront à masquer la stagnation des salaires. Votre idéologie vous pousse à individualiser toujours davantage les relations du travail, alors que la question des rémunérations et du pouvoir d'achat devrait, au contraire, être au cœur d’une grande négociation sociale, pour que tous les salariés profitent de manière équitable des fruits de la croissance.

En ce qui concerne le revenu de solidarité active, je me suis appuyée, sous la précédente législature, sur le rapport publié en 2005 par Martin Hirsch, alors président d'Emmaüs, pour montrer que le Gouvernement aurait pu adopter une démarche plus novatrice, plus dynamique. Ma conviction n’a pas changé : la création d'un revenu de solidarité active est une bonne idée. Néanmoins, il est de notre devoir de montrer les insuffisances du présent texte, les zones d'ombre qui subsistent, les possibles effets pervers.

Le RSA représente un progrès pour ceux qui sont le plus près de l'emploi. Mais quel avenir offrons-nous aux autres ? J'ai moi-même longtemps siégé en commission locale d'insertion : nous voyons bien dans ces CLI qu'un tiers des allocataires bénéficieront du RSA, qu'un autre tiers pourra en bénéficier si nous nous en donnons les moyens, mais que le dernier tiers ne le pourra pas. Pour ceux-là, l'insertion ne commence pas par le travail, mais par le logement, la santé, la formation. Que deviendront ces milliers de femmes et d'hommes, alors que votre projet fait l'impasse sur leur situation ?

Nous sommes sincèrement inquiets sur le devenir des minima sociaux. Voulez-vous les supprimer à terme ? Si votre objectif est de leur substituer le RSA, cela nous paraît dangereux, car que deviendront leurs allocataires ?

Enfin, le financement de votre dispositif n’est pas clair, et en particulier la part exacte qui restera à la charge des départements. La confiance est rompue depuis la décentralisation du RMI, puisque les fonds dus par l'État aux conseils généraux – un milliard pour la seule année 2006 ! – n'ont pas été versés et que d’autres réformes ont été votées, qui doivent être appliquées en 2008 ou 2009. Les départements n’ont réellement pas les moyens d’assumer tout ce qui a été décentralisé.

Plusieurs députés UMP – Et l’APA ?

Mme Danièle Hoffman-Rispal – C’est la plus grande réforme qui a été faite pour les personnes âgées, heureusement qu’elle existe !

M. Michel Bouvard – Compensée à hauteur de 25 % !

Mme Danièle Hoffman-Rispal – Je pourrais vous citer tous les textes qui ont été pris depuis 2003 !

Les phénomènes de pauvreté et d'exclusion imposent résolument de réformer le système et d'offrir de nouvelles chances à ceux qui connaissent le plus de difficultés. Les objectifs qui viennent d'être fixés au haut commissaire sont ambitieux : tant mieux, mais les moyens correspondants paraissent bien limités au regard des 14 milliards consacrés à des cadeaux fiscaux pour les plus aisés dans le présent texte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

M. Jean-Marie Binetruy – Je voudrais, pour souligner combien certaines dispositions de ce texte sont nécessaires et urgentes, prendre l’exemple de ma circonscription.

M. Jean-Pierre Brard - C’est où, déjà ?

M. Jean-Marie Binetruy – La cinquième circonscription du Doubs, frontalière de la Suisse – pays à haut niveau de vie limitrophe de l'Union européenne. La main-d'œuvre n’y a pas la réputation d’être particulièrement « low cost », et nous assistons depuis des années, impuissants, à la fuite de notre main-d'œuvre qualifiée, formée en France, vers les entreprises suisses. Même si certaines sont constituées de capitaux français, la valeur ajoutée reste en Suisse ! Ce phénomène est très préjudiciable aux entreprises françaises, industrielles ou de services, qui ne peuvent recruter le personnel qualifié dont elles ont besoin. Certaines sont tout simplement contraintes de se délocaliser… non pas dans un pays émergent, à faible coût de main-d’œuvre, mais en Suisse !

M. Jean-Pierre Brard – Malgré des salaires élevés !

M. Jean-Marie Binetruy – Une étude récente commandée par la chambre de commerce et d'industrie du Doubs montre le caractère préoccupant de ce phénomène qui s’amplifie. Pour faire simple, il y a trois grandes raisons à ces délocalisations. La première est le poids des charges sur les salaires, qui ne sont que de 17 % à 22 % en Suisse. Ainsi, à coût horaire égal et compte tenu des également des 35 heures, le salarié frontalier perçoit une rémunération nette de 50 % plus élevée !

Plusieurs députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine – Eh oui !

M. Jean-Marie Binetruy – Ce qui prouve bien que nos charges sont trop élevées ! (Protestations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) Ensuite, la Suisse, qui n’est pas membre de l’Union européenne, pratique une grande modération en matière de fiscalité. Une entreprise française qui s'implante dans certains cantons suisses peut bénéficier de jusqu’à dix ans d’exonération ! Enfin, le code du travail suisse est infiniment plus souple et plus simple.

Plusieurs députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine – Ah !

M. Jean-Marie Binetruy – Les travailleurs frontaliers sont satisfaits du système, et les entreprises y trouvent leur compte, dans un contexte d'accords bilatéraux entre l’Union et la Suisse qui ont été très mal négociés en 1999. On peut, comme M. Montebourg ou Mme Berès, présidente de la commission des affaires économiques et monétaires au Parlement européen, fustiger la Confédération helvétique…

M. Jean-Pierre Brard – Il y a de quoi !

M. Jean-Marie Binetruy – …mais on doit surtout se poser des questions sur notre propre système.

M. Michel Bouvard – Très bien !

M. Jean-Marie Binetruy – Notre pays perd de son attractivité, ainsi que l’a dit Pierre Lellouche en visitant une belle entreprise de Pontarlier, confrontée à ce problème : « Vous vivez en direct la perte d'attractivité de notre pays... C'est plus insidieux, moins visible ailleurs. »

Dans ce contexte, les dispositions prévues à l’article 1er relatif aux heures supplémentaires, qui améliorent le pouvoir d'achat des salariés et diminuent les charges des entreprises, et à l’article 6 qui incite les redevables de l'ISF à investir dans les PME sont les bienvenues. Elles sont certes encore bien insuffisantes pour rendre à la France son attractivité dans une compétition mondiale que l’opposition ne veut pas prendre en compte, mais elles sont le signe que le Président de la République et vous-même, Madame la ministre, qui connaissez mieux que quiconque les arcanes de l'économie mondiale (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), ont compris le message des entrepreneurs. Nous devons les aider. Nous devons leur redonner des perspectives, libérer les énergies, mettre un coup d'arrêt aux contraintes administratives et financières, dans le but d'améliorer l'emploi et le pouvoir d'achat des salariés. En attendant les mesures qui suivront pour améliorer la compétitivité de nos entreprises, je vous remercie pour eux de ces premières dispositions (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe Nouveau centre).

M. Jean-Pierre Brard – La Suisse est un paradis fiscal, on y pratique la truanderie, mais cela ne vous gêne pas de la prendre en exemple !

M. Jean-Pierre Decool – Les députés de la nation, réunis pour la première discussion de cette législature, ont la responsabilité d’œuvrer au mieux pour les intérêts du pays, et c’est l’objet du présent texte. L’emploi est l'un des sujets les plus importants de notre temps, et je suis heureux qu'il fasse l'objet des premières mesures concrètes du Gouvernement. Soucieux de tenir les promesses de campagne, nous pouvons être fiers de participer à un mouvement de libération du travail, considéré comme une valeur, un outil d'amélioration du pouvoir d'achat et un instrument de lutte contre le chômage.

Le texte est articulé autour d’axes complémentaires. Les mesures d'exonération des cotisations salariales et de non-taxation des heures supplémentaires sont une véritable révolution.

M. Jean-Pierre Brard – Et comment comptez-vous boucher le trou de la Sécu ?

M. Jean-Marie Binetruy – Elles devraient permettre une réelle augmentation des salaires et, dans le même temps, l’allégement des charges pesant sur les entreprises. Le texte a aussi connu des évolutions rassurantes. L’heure supplémentaire coûtant dorénavant plus cher à l'employeur qu'une heure normale, mais moins cher qu'auparavant, le dispositif ne sera pas un frein à la création d’emplois. De la même façon, la limitation des heures complémentaires, pour les salariés à temps partiel, est une mesure essentielle pour éviter la transformation d'un temps plein en temps partiel agrémenté d'heures complémentaires. C’était ma principale crainte. Cette libération du travail est à même d'enclencher une dynamique positive, apte à relancer la croissance économique.

L’aide fiscale destinée aux étudiants, dont les revenus réguliers pourront être exonérés d'impôt à hauteur de trois SMIC jusqu'à 25 ans, permettra d’améliorer leurs conditions d'existence puisque leurs revenus n'entreront pas en compte pour le calcul de leur bourse universitaire. Dans un pays où trop d'étudiants vivent sous le seuil de pauvreté, c’est un minimum – et je proposerai d’ailleurs de porter le plafond à quatre SMIC.

Enfin, on ne peut que se féliciter des mesures ayant trait aux successions. La transmission du fruit de leur travail est une des grandes préoccupations des Français, ainsi que l’amélioration de leur pouvoir d'achat, et ses conséquences sur leur logement notamment. Des amendements seront également déposés sur ces sujets.

La réflexion d’un parlementaire doit être empreinte d'humilité, mais aussi porteuse de propositions. C’est pourquoi j’appelle à étudier les pistes qui permettraient d’améliorer le pouvoir d’achat de ceux à qui on ne propose pas d’heures supplémentaires : réduction des cotisations salariales, crédit d'impôt supplémentaire… Mais je reconnais que c’est l'objet d'un autre débat. Le présent texte doit permettre aux Français d'améliorer leur pouvoir d'achat, et donc de relancer la croissance. Je sais, Madame la ministre, que c'est votre priorité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Alain Vidalies – Pour la première fois depuis cinquante ans, l’étude annuelle de l’INSEE sur l’emploi en France, la seule qui permette de connaître la réalité du chômage et d’établir les comparaisons internationales, n’a pas été publiée en février : à quelques semaines de l’élection présidentielle, des « difficultés techniques » ont empêché sa parution. Quelques semaines plus tard, Eurostat contestait les chiffres avancés par le Gouvernement et validait la méthodologie de l’INSEE, mais ce n’est pas un tel scandale pour la démocratie qui empêche le Gouvernement de persister à publier des résultats présentés de façon avantageuse.

De plus, la cour d’appel de Paris vient de déclarer le contrat nouvelles embauches, le CNE, contraire aux engagements internationaux de la France, et plus particulièrement à la convention 158 de l’OIT. Le même jour, autre exploit législatif : le Conseil d’État annulait l’ordonnance qui retranchait les salariés de moins de 26 ans du compte des effectifs des entreprises, s’agissant de la création d’institutions représentatives du personnel. Dans cette enceinte, vous nous aviez expliqué que les effets de seuil liés à la mise en place de ces organes étaient un frein à l’embauche, mais la disposition en question n’a jamais créé un seul emploi ! Deux de vos mesures phares des cinq dernières années viennent donc d’être sanctionnées au plan juridique.

Si le présent texte se veut la concrétisation de votre slogan de campagne, « Travailler plus pour gagner plus », les mesures fiscales semblent relever d’une autre optique : gagner plus sans travailler plus !

M. Jacques Myard – Ça c’était sous Mitterrand !

M. Alain Vidalies – En effet, les bénéficiaires du bouclier fiscal, soit 234 400 contribuables, se partageront 810 millions d’euros, et 13 000 d’entre eux se partageront 583 millions d’euros, soit 4 500 euros par foyer fiscal.

Pour les autres, c’est-à-dire les dizaines de millions de Français exclus de ce dispositif, il ne restera qu’à travailler plus pour gagner plus – bref, à faire des heures supplémentaires.

Un député UMP – Très bien !

M. Alain Vidalies – Il s’agit à l’évidence d’une supercherie : ce n’est pas le salarié qui choisit de faire des heures supplémentaires, mais l’employeur qui les lui propose. On sait en outre que seuls 35 % des salariés sont concernés par cette pratique ; que, dans les entreprises concernées, le taux moyen annuel s’élève à 55 heures, bien loin des 180 ou 220 heures que vous aviez imaginées lors de la précédente législature ; que le recours aux heures supplémentaires concerne essentiellement certains secteurs d’activité – bâtiment, restauration, transports.

Vous osez donc présenter comme une mesure générale un dispositif qui exclut les deux tiers des salariés français. Vous ne pouvez ignorer qu’aux plus nombreux de ces salariés, la question de savoir s’ils veulent travailler plus pour gagner plus ne sera tout simplement jamais posée, ni que le recours aux heures supplémentaires n’a aucun sens pour une majorité d’entreprises, du fait de la nature de leur activité ou des modalités d’organisation du travail qui y ont cours – je songe particulièrement aux entreprises qui travaillent en « trois huit ».

L’approche du Gouvernement et de l’UMP est pour le moins changeante, voire chaotique : le 17 janvier 2003, François Fillon, alors ministre de l’emploi et des affaires sociales, avait fait ramener à 10 % la sur-rémunération des huit premières heures supplémentaires, sous réserve d’un accord de branche.

M. Cahuc, membre du Conseil d’analyse économique, a relevé à juste titre que M. Sarkozy comptait mettre en place une mesure qui n’existe dans aucun autre pays. C’est un argument auquel vous avez vous-même recouru à propos des 35 heures, et dont M. Novelli s’est fait une spécialité : permettez-moi de le retourner aujourd’hui contre vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen). Cette proposition constitue non seulement une supercherie, mais un renoncement à une véritable politique de création d’emplois. Le Conseil d’analyse économique en a bien résumé les conséquences, affirmant que cette mesure avait un effet négatif sur l’économie en incitant les entreprises à substituer des heures de travail aux hommes.

M. Jacques Myard – C’est un seul membre du Conseil qui a dit cela !

M. Alain Vidalies – Non seulement les deux tiers des salariés ne sont pas concernés, mais ceux qui cherchent un emploi resteront à la porte des entreprises, tandis que le Gouvernement continuera de publier à propos du chômage des statistiques calculées à sa main et de refuser d’augmenter le SMIC.

Après le temps des slogans viendra, n’en doutez pas, celui de la réalité, et celle-ci sera dure pour la majorité de nos concitoyens !

J’en viens à l’article 7 du projet, dont la commission des lois a été saisie pour avis.

Le temps des slogans était celui du discours d’Agen du candidat Sarkozy, qui, le 22 juin 2006, assimilait le parachute doré de 8,2 millions d’euros attribué au président d’EADS à « une forme d’abus de bien social ». La réalité, elle, est contenue dans cet article 7, lequel relève, du point de vue juridique, du traitement homéopathique d’une réalité que de nombreux Français jugent à bon droit scandaleuse.

Le 12 juin dernier, le journal La Tribune publiait, sous le titre suivant : « Les patrons français, champions du parachute doré », les résultats d’une enquête du cabinet Hay Group, conseil en ressources humaines. D’après cette enquête, grâce à des parachutes dorés représentant en moyenne le double de leur salaire de base et de leurs bonus annuels, les patrons français sont les mieux lotis en Europe ; pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est compris entre 1 et 5 milliards d’euros, les patrons français sont les mieux rémunérés du monde, devançant même leurs homologues américains ! Selon les termes d’Élie Cohen, chercheur au CNRS, les dirigeants sociaux ont ainsi cherché à mettre en place un jeu où ils gagnent à tout coup. Cette envolée des rémunérations des dirigeants soulève ainsi les questions fondamentales de la cohésion sociale au sein de l’entreprise, de la transparence et de la répartition de la richesse produite.

Pendant cinq ans, votre majorité ne s’en est guère préoccupée. Au contraire, revenant sur la loi du 15 mai 2001, dite de « nouvelles régulations économiques », qui avait limité le cumul de mandats sociaux, votre acte législatif initial, le 29 octobre 2002, a été d’ouvrir des facultés de cumul plus nombreuses encore qu’avant.

Le dispositif que vous proposez aujourd’hui, timoré au regard de l’ampleur et de la nature de l’enjeu, ne répond en rien aux exigences de transparence et d’équité. S’il s’agit de moraliser la pratique des stock-options – à propos desquelles l’on est en droit de se demander si elles ne devraient pas être réservées aux créateurs d’entreprises, qui prennent un vrai risque –, il faut exclure ces bénéfices du bouclier fiscal et les soumettre, comme nous le proposerons par voie d’amendement, à un prélèvement qui alimentera le Fonds de réserve pour les retraites (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen). Sur le fond, dans la mesure où la richesse produite par une entreprise est d’abord le fruit du travail de ses salariés, nous proposons que l’ensemble de ceux-ci bénéficient d’au moins la moitié de la plus-value d’acquisition sous forme d’un supplément exceptionnel de participation.

En ce qui concerne la transparence, nous proposons que l’assemblée des actionnaires vote annuellement une délibération fixant le rapport entre la plus haute rémunération – mandataires sociaux compris – et la rémunération minimale d’un salarié à temps plein. Nous proposons également que l’existence d’un accord d’intéressement conditionne la mise en œuvre de rémunérations variables au profit des dirigeants sociaux. Enfin, les organisations syndicales représentatives au sein de l’entreprise, ainsi que le comité d’entreprise, seraient destinataires de toutes les informations délivrées aux actionnaires.

Au sujet, plus particulièrement, des parachutes dorés, la seule référence aux performances du dirigeant ne sauraient justifier leur existence : le système ne devrait concerner que la contrepartie éventuelle d’une clause de non-concurrence ou les engagements de retraite à prestations définies.

Mais ce n’est pas dans ce sens que s’oriente votre projet, et, ici encore, la réalité de votre politique succède aux slogans (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen).

Mme Martine Aurillac – Depuis l’introduction de la TVA – seule mesure inspirée par une vision cohérente de la vie économique -, presque toutes les réformes fiscales, en France, se sont caractérisées par la recherche d’expédients, souvent à courte vue. La portée économique, comme la comparaison avec nos voisins et avec nos concurrents, a rarement été prise en compte.

La campagne présidentielle menée par Nicolas Sarkozy a brisé ce cercle franco-français et posé les fondements de réformes fiscales dont l’objectif est clair : confiance, croissance et emploi.

Certes, une véritable harmonisation fiscale européenne nous faciliterait la tâche…

M. Jean-Pierre Brard – Dans le 7e arrondissement !

Mme Martine Aurillac – …mais elle n’est pas pour demain, comme en témoigne la lenteur avec laquelle progresse la 6e directive sur la TVA.

C’est pourquoi vous nous proposez sans attendre un projet phare, qui ouvre à juste titre la législature. Car la réhabilitation du travail est au cœur de nos engagements – du travail non seulement en tant que valeur, mais comme outil de lutte contre le chômage et en faveur de l’amélioration du pouvoir d’achat.

Je souhaite pour ma part insister sur les articles 4, 5 et 6 du projet.

Dans la droite ligne des objectifs définis par le Président Nicolas Sarkozy, nous souhaitons que les Français puissent transmettre, au terme d’une vie bien remplie, le fruit de leur travail : c’est pourquoi les droits de succession seront supprimés au profit du conjoint ou partenaire de PACS survivant. L’abattement personnel passe de 50 000 à 150 000 euros en ligne directe, et est institué à hauteur de 5 000 euros pour les neveux et nièces. Près de 95 % des successions seront ainsi exemptées de droits. Les transmissions entre vifs sont facilitées par une exonération de droits de mutation applicable aux dons en numéraire, dans la limite de 20 000 euros, au profit d’un enfant, d’un petit-enfant ou, à défaut, d’un neveu ou d’une nièce ; le donateur pourra y recourir une fois par bénéficiaire. Nous nous réjouissons de ces mesures, qui vont dans le bon sens.

S’agissant de l’ISF, l’article 6 permet à juste titre aux contribuables d’affecter une partie de cet impôt, à hauteur de 75 % des versements effectués, soit au financement de PME, quelle qu’en soit la forme sociale, soit au profit de fondations reconnues d’utilité publique, d’établissements publics de recherche ou d’enseignement supérieur et d’entreprises ou d’associations d’insertion, chacun de ces avantages fiscaux pouvant atteindre 50 000 euros.

Permettez-moi cependant, Madame la ministre, de plaider en faveur des particuliers. Certes, l’article 5 institue un bouclier fiscal à 50 %, CSG et CRDS inclus. Mais il est bien difficile à mettre en œuvre pour un contribuable qui ne serait pas assisté d’une batterie de spécialistes !

M. Jacques Myard – Une vraie usine à gaz !

Mme Martine Aurillac – L’ISF, chacun le sait, est, sous couvert de solidarité, un impôt coûteux et pervers (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) ). Il aggrave les délocalisations alors que les entreprises, surtout les plus innovantes, ont besoin d’être soutenues. De ce point de vue, vous venez d’opérer un progrès notable.

Mais, s’agissant des familles, notamment dans les grandes villes,…

M. Jean-Pierre Brard – Les grandes familles !

Mme Martine Aurillac – …et en particulier à Paris…

M. Jean-Pierre Brard – Et à Montreuil ?

Mme Martine Aurillac – …la hausse vertigineuse du coût des appartements et la non-indexation du barème depuis des années fabriquent automatiquement de nouvelles « fortunes » imposables, à la charge des familles qui ne peuvent se contenter d’un studio, car elles ont des enfants ! Cette situation pénalise les familles, dont nous souhaitons qu’elles puissent demeurer dans nos arrondissements.

M. Roland Muzeau – Construisez-y des logements sociaux !

Mme Martine Aurillac – Une réflexion est donc nécessaire, peut-être dès la prochaine loi de finances, soit sur le relèvement du seuil, non indexé depuis de nombreuses années, soit sur la prise en compte de la résidence principale, partielle…

M. Jacques Myard – Non, totale !

Mme Martine Aurillac – …ou totale, mais plafonnée.

Compte tenu de ces observations, Madame la ministre, je voterai naturellement en faveur de ce projet nécessaire et cohérent, par lequel nous honorons notre engagement à réhabiliter l’effort, le travail et la responsabilité, et qui devrait venir renforcer la croissance retrouvée ainsi que l’attractivité de notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jacques Myard – Les dispositions fiscales et financières de ce projet vont dans le bon sens, qu’il s’agisse de la défiscalisation des heures supplémentaires, de la déduction des intérêts immobiliers, de l’allégement des droits de mutation à titre obligatoire, du renforcement du bouclier fiscal, ou encore de l’affectation partielle de l’ISF au financement des PME. Il en est de même de la moralisation des parachutes dorés.

De telles mesures permettront certes d’améliorer le pouvoir d’achat et de consolider l’offre industrielle, mais cela suffira-t-il ? On peut malheureusement en douter, compte tenu de la modestie de notre taux de croissance, qui résulte de l’insuffisance du travail en France, de la faiblesse des investissements, et enfin des orientations de la politique monétaire, qui n’a fait que renchérir l’euro.

Hormis quelques idéologues fossilisés (Rires sur plusieurs bancs du groupe UMP), plus personne ne conteste que nos concitoyens ne travaillent pas assez par rapport à nos concurrents internationaux.

MM. Jean-Pierre Brard et Roland Muzeau – C’est faux !

M. Jacques Myard – Même si elle ne bénéficiera pas à toutes les branches industrielles, la défiscalisation des heures supplémentaires va relancer de branche en branche l’ensemble de notre économie, le travail appelant le travail.

M. Roland Muzeau – Et l’argent l’argent !

M. Jacques Myard – J’espère également que le Gouvernement reprendra mon amendement, bloqué en commission des finances, dont l’objet était de libérer totalement les possibilités de cumul d’une retraite et d’un travail. Seule une vision malthusienne et rétrograde de l’économie peut faire croire que le travail des jeunes retraités ne bénéficiera pas à tous : plus on travaille, plus on fait travailler les autres !

M. Bernard Accoyer – Très bien !

M. Jacques Myard – La chronique des investissements français témoigne en outre de la stagnation de la formation brute de capital fixe dans notre pays, limitée à un ou deux points par an. Nous sommes pourtant les premiers investisseurs en Bulgarie, en Pologne et en Roumanie.

M. Jean-Pierre Brard – Qui ça, « nous » ?

M. Jacques Myard – Les Français !

M. Jean-Pierre Brard - Dites plutôt le capital…

M. Jacques Myard – Il est tout de même paradoxal que notre taux d’épargne nous place parmi les meilleures économies au monde tandis que nos investissements fuient notre pays. C’est que notre fiscalité chasse, avec une efficacité redoutable, l’épargne hors de nos frontières. Depuis 1998, plus de 110 milliards d’euros ont ainsi quitté notre pays, quand l’ISF rapportait seulement 33 milliards au budget.

Malgré de complexes aménagements, la transmission de nombreuses entreprises reste menacée par une fiscalité anti-économique. Je déposerai donc des amendements tendant à supprimer ces impôts.

Quid du pacte de stabilité ? objectera-t-on. Il est vrai que la suppression de dix milliards d’euros d’impôts nous ferait enfreindre les critères européens, mais il faut rompre avec une telle vision comptable de l’économie. Il n’y pas de pacte de stabilité aux États-Unis, pourtant dotés d’une monnaie unique. Il y a au contraire la possibilité de creuser le déficit public afin de relancer l’économie. De grâce, trêve de dogmatisme ! Nous allons accroître le déficit…

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical et citoyen Quel scoop !

M. Jacques Myard - …mais au profit de la croissance. Si l’on fait la somme de l’endettement public et privé, la France est très bien placée par rapport aux États-Unis, à l’Allemagne et à la Grande-Bretagne. Nous devons mobiliser ces ressources en faveur de l’investissement national.

J’ajoute que ces investissements doivent être orientés par la politique industrielle : si les marchés sont une extraordinaire machine à créer de la richesse, ils manquent d’une véritable vision de l’économie. Il faut favoriser l’investissement dans les secteurs créatifs tout en conservant, à l’instar de l’Allemagne, la capacité de maîtriser la stratégie de nos entreprises, qui ne doit pas tomber entre des mains étrangères. C’est le devoir de l’État, et il est grand temps que l’Union européenne se défasse d’un modèle macro-économique si contraire à nos intérêts.

S’agissant enfin de la Banque centrale européenne (« Ah » sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), sa politique monétaire a durement frappé notre économie en raison d’un alignement sur l’Allemagne, dont la structure de production et d’exportation diffère pourtant de la nôtre. La BCE doit sortir de son splendide isolement : l’indépendance, ce n’est pas l’autisme ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

M. Christophe Sirugue – À écouter les orateurs appartenant à la majorité, on peut se demander si le RSA ne sert pas d’alibi (« Si ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine). Pour s’en convaincre, il suffit de comparer les montants consacrés aux plus riches de nos concitoyens et ceux qui iront aux plus nécessiteux. Le RSA repose pourtant sur une idée intéressante, adoptée par des départements de gauche comme de droite, désireux de participer à l’expérimentation proposée par ce texte.

Seul un nombre limité de Français pourra en effet bénéficier du RSA – pas plus de 55 000 personnes, alors qu’on compte plus de 1,2 million de bénéficiaires du RMI et 200 000 titulaires de l’allocation de parent isolé. Faute d’être généralisé, le RSA restera un outil parmi d’autres, qui ne profitera qu’aux publics les plus proches de l’emploi.

Quand le haut-commissaire évoque le remplacement des autres minima sociaux par le RSA avant la fin de 2008, c’est-à-dire avant même le terme fixé à l’expérimentation, je m’interroge également sur le sort réservé à tous ceux qui sont encore à mille lieues du retour à l’emploi parce qu’ils ont été cassés par la vie.

Dans cette société qui accorde une place si importante au travail, il est certes nécessaire d’inciter à reprendre un emploi. Mais encore faut-il qu’un travail soit proposé aux bénéficiaires des minima sociaux… Or rien dans cette loi ne conduira les entreprises à participer davantage à l’insertion et à offrir des salaires dignes, supérieurs aux revenus de la solidarité. Rien ne permettra de réduire le nombre de travailleurs pauvres. Je redoute même que les mesures proposées ne raréfient les rares offres d’emploi ouvertes aux bénéficiaires du RSA.

Bien moins ambitieux que le rapport remis par M. Hirsch, le RSA s’inscrit enfin dans le douloureux passif des relations entre les collectivités locales et l’État, lequel leur transfère depuis trois ans des charges sans garantir leur financement. Ainsi, la facture d’un milliard d’euros au titre du RMI n’a toujours pas été honorée. Et comme si cela ne suffisait pas, le surcoût résultant des contrats d’avenir n’a pas toujours pas été financé malgré la promesse de Jean-Louis Borloo de prendre 12 % du montant à la charge de l’État. Nous ne voyons toujours rien venir…

Vous comprendrez donc notre inquiétude. Si l’État entend compenser 25 millions d’euros au titre des surcoûts du RSA, pourquoi se contenter d’évoquer une simple « participation » financière pour la seule année 2007 ? Et puisqu’il s’agit du retour à l’emploi, dont la compétence reste entre les mains de l’État, pourquoi demander une nouvelle fois aux départements de financer les dépenses ?

Sous l’influence du rejet de l’assistanat, qui a si fortement imprégné votre campagne électorale, vous proposez de supprimer à terme le RMI au profit du RSA, mais que deviendront les plus fragiles ? Exclus du retour à l’emploi, ils viendront grossir les rangs des demandeurs d’aide auprès des CCAS et des fonds sociaux des conseils généraux. Quelle régression !

Avant que soit franchi tout pas supplémentaire, la dette de l’État envers les départements doit être apurée. Il ne faudrait pas que vous transfériez des charges supplémentaires aux collectivités locales sous le prétexte de « rendre » du pouvoir d’achat à nos concitoyens, si c’est pour leur demander ensuite, compte tenu des contraintes pesant sur les budgets locaux, de nouveaux efforts. Le Premier ministre a en effet laissé entendre dans sa déclaration de politique générale que les dotations aux collectivités locales ne feraient que s’amenuiser….

Outil intéressant, sans doute porteur d’espoir pour quelques-uns – ce qui n’est pas rien – le RSA n’est pas pour autant la solution qui permettra de réduire la fracture sociale. Nous devons par ailleurs éviter une nouvelle dégradation des relations entre l’État et les collectivités locales.

Entre ce gain possible et ces deux maux, le choix est difficile et il vous revient, Monsieur le haut commissaire, de faire des propositions susceptibles de répondre à nos interrogations, car, sans l’engagement des collectivités locales, le dispositif échouera (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. Daniel Garrigue – Le présent texte est essentiel car il reprend nombre de dispositions que nous avions placées au cœur des dernières campagnes électorales. Il serait donc malvenu d’avoir des complexes à le défendre.

M. Jean-Pierre Brard – Comme la TVA sociale ?

M. Daniel Garrigue – Votre projet, Madame la ministre, traduit la volonté trop longtemps différée de valoriser et récompenser le travail, d’améliorer le pouvoir d’achat et de soutenir une croissance qui reste encore trop faible pour garantir l’avenir de notre économie et de nos systèmes de solidarité. Qu’il s’agisse de la fiscalité ou du pouvoir d’achat, nous sommes trop longtemps restés prisonniers de querelles franco-françaises, que ce texte a le grand mérite – cela n’est pas assez relevé – de nous permettre de dépasser, en situant la France dans son environnement, en Europe et au-delà…

M. Roland Muzeau – Tournons-nous vers la Suisse !

M. Daniel Garrigue – Certains diront que nous succombons aux idéologies libérales. La vérité, c’est qu’en légiférant sur les parachutes dorés et sur les LBO – après que le Président de la République a contesté à Bruxelles la notion de concurrence libre et non faussée et osé aborder la question des SIEG – services d’intérêt économique général –, nous affirmons notre volonté de défendre une Union attachée au marché mais aussi souveraine, juste et efficace.

M. Roland Muzeau – Ce n’est pas encore l’Europe sociale !

M. Daniel Garrigue - En matière de fiscalité du patrimoine, la France, à la différence de nombre de pays, n’a pas su choisir entre deux options : imposer le capital existant ou les successions. Je déplore que notre système reste fondé sur de mauvais compromis, entre un ISF d’essence idéologique et une imposition du patrimoine mal assumée. Il est temps de se prononcer sur le type d’imposition du patrimoine qui semble le mieux adapté. À titre personnel, je penche plutôt pour une imposition du capital selon des taux très limités mais susceptibles de procurer un rendement constant. Quoi qu’il en soit, il me semble urgent d’abandonner un système où se chevauchent deux modes d’imposition. Sous cette réserve, je voterai ce projet de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Bernard Perrut – Dans un discours récent, le Président de la République nous a invités à regarder la France d’aujourd’hui : « Les Français ne manquent ni de talent, ni d’intelligence, ni de courage, ni d’esprit d’entreprise », nous disait-il. Bien entendu, nous en sommes tous convaincus, mais la France, depuis trop longtemps, baisse les bras devant les défis du temps. La valeur travail doit rester centrale et c’est pourquoi nous voulons nous adresser, à travers ce texte, aux Français qui se lèvent tôt, se donnent du mal pour réussir et font tout pour sortir de la précarité…

M. Jean-Pierre Brard – Quel mauvais plagiaire !

M. Roland Muzeau – Nicolas a plus de talent !

M. Bernard Perrut – Nier qu’il y a en France un problème de pouvoir d’achat reviendrait à mentir à nos concitoyens : la réalité, c’est que les prix sont trop hauts et les salaires trop bas. Les 3,5 millions de salariés qui gagnent moins que le SMIC ne demandent qu’à travailler plus et il y d’ailleurs plus de travailleurs pauvres dans notre pays que de RMistes. Alors que nombreux sont ceux qui veulent réussir, tout a été fait pour dénigrer le travail, nier le mérite, opposer ceux qui ont un emploi aux chômeurs ou valoriser ceux qui bénéficient d’un statut protecteur au détriment de ceux qui osent prendre des risques. Il n’est donc que temps de redonner la priorité au travail, car, comme l’a rappelé Mme la ministre, c’est le travail qui crée le travail.

Il nous faut recréer une société où l’assistance sans contreparties n’aura plus cours. On ne peut réclamer des droits sans être prêt à assumer des devoirs. C’est là toute la philosophie du RSA. Faire en sorte que chaque heure travaillée entraîne une augmentation des revenus, en créant une vraie différence entre le fait de travailler et de ne pas travailler. C’est ainsi que l’on sortira de l’opposition stérile entre travail et minima sociaux. La dignité de l’homme et la qualité de l’insertion sont, Monsieur le haut commissaire, au cœur de votre projet et c’est pour cela que nous vous soutiendrons. A terme, grâce au concours de l’État, le RSA pourra se substituer à l’ensemble des minima sociaux et aux autres dispositifs d’intéressement et de prime pour l’emploi.

Revaloriser le travail, c’est faire en sorte que le revenu dépende davantage de l’activité, de l’effort individuel et de la volonté personnelle. Alors que les socialistes se sont contentés de proposer la généralisation des 35 heures et le statu quo en matière de pouvoir d’achat, nous agissons directement pour le pouvoir d’achat, seul à même de soutenir la croissance. L’augmentation des salaires nets et la diminution des charges doivent donc devenir la règle, et le présent texte instaure cette logique de « gagnant-gagnant » : augmentation directe de la rémunération des salariés, diminution du coût du travail pour les entreprises. Il faut cesser de taxer toujours plus ceux qui travaillent plus.

Conformément aux engagements du Président de la République et du Gouvernement, l’amélioration directe du pouvoir d’achat va bénéficier à l’ensemble des salariés qui veulent travailler plus. Bien sûr, certains objecteront que cela peut représenter un frein à l’embauche de nouveaux salariés. Mais regardons ce qui se passe dans les pays comme le Danemark, la Suède, le Royaume-Uni ou l’Irlande, où la durée hebdomadaire du travail excède 39 heures : tous ont désormais atteint le plein emploi, avec un taux de chômage de l’ordre de 5 %...

M. Roland Muzeau – Et 13 millions de travailleurs pauvres en Angleterre !

M. Bernard Perrut – Un autre apport essentiel de ce texte est de placer la famille au cœur de ses objectifs. N’est-il pas légitime de transmettre sans droits le patrimoine constitué tout au long d’une vie de travail ? Le Président de la République l’a promis, nous le faisons ! Ainsi, 95 % des successions en ligne directe seront exonérées de droits de mutation. Oui, la propriété de la résidence principale doit être préservée. Il n’est pas admissible qu’un nombre croissant d’enfants se trouvent aujourd’hui forcés de la céder !

M. Jean-Pierre Brard – C’est émouvant !

M. Bernard Perrut – Quant à la fiscalité, c’est elle qui détermine la compétitivité du pays. C’est pourquoi le principe du bouclier fiscal est fondamental. De même, la réduction de l’ISF en faveur de l’investissement dans les PME va nous permettre de soutenir notre économie, nos centres de recherche et notre système d’insertion.

Oui, dans la République que nous voulons bâtir, chacun doit pouvoir devenir propriétaire. Il faut permettre à la France qui travaille d’accéder à la propriété et toutes les mesures prises en ce sens seront bienvenues.

Et c’est au nom de l’égalité des chances que les étudiants pourront désormais travailler pour payer leurs études…

M. Roland Muzeau – La nuit, dans les McDo !

M. Bernard Perrut – … sans être taxés. C’est une manière de les soutenir et de rappeler que la vraie générosité pour l’avenir consiste à tout donner au présent.

Au-delà de ce premier texte, il faut que le travail devienne le critère de toute politique publique et l’objectif de toutes les réformes que nous allons entreprendre. L’emploi est la clé de la confiance comme de la croissance. Récemment, ici-même, notre Premier ministre nous exhortait à sortir de la « vieille croissance » pour en imaginer une nouvelle. Il faut pour cela une révolution des mentalités et des méthodes. Le chantier est immense et l’enjeu essentiel. En moyenne, il manque à la France un point de croissance par an, pour rembourser les dettes, payer les retraites et restaurer la cohésion sociale. À l’issue de la première étape que constitue ce texte, notre objectif sera de réformer le marché du travail : plus de souplesse pour les entreprises et de sécurité pour les personnes, telle doit être la ligne. Il faut remettre à plat notre fiscalité, souvent anti-économique, investir dans la connaissance, relancer la politique d’aménagement du territoire et dynamiser la politique industrielle…

M. Jean-Pierre Brard – Mais qu’avez-vous fait depuis cinq ans ?

M. Bernard Perrut – Nous ne sortirons pas de la situation actuelle tant que les Français ne seront pas réconciliés avec les valeurs de la réussite, du travail, du mérite et du risque : il faut oser ! Nous pourrons alors faire nôtre ce mot de Rousseau : « Je vis que je réussissais, et cela me fit réussir davantage » ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gérard Bapt – Puisque Mme la ministre a justifié son refus de répondre à nos motions de procédure en disant qu’elle préférait répondre à des questions précises, je vais lui en poser plusieurs.

M. Perrut s’intéresse à raison au pouvoir d’achat des salariés les plus pauvres. Dès lors, une question simple s’impose : pourquoi, si l’on veut améliorer le pouvoir d’achat des salaires les plus bas, ne pas avoir donné un coup de pouce au SMIC ? 17 % des salariés – à temps complet ou partiel – sont payés au SMIC, et il ne fait aucun doute qu’ils voudraient gagner plus. Las ! En règle générale, il ne leur est pas proposé de faire des heures supplémentaires. Pour eux, la solution consistait évidemment à donner un coup de pouce au SMIC.

Le SMIC est le salaire de référence pour 2,5 millions de personnes, et lui donner un coup de pouce était à la fois nécessaire et faisable, mais vous vous êtes limités à l’augmentation légale minimale. Or le sentiment d’appauvrissement que ressentent les salariés est d’autant plus douloureux que le pouvoir d’achat des hauts salaires a continué d’augmenter considérablement alors que celui des autres ralentissait, quand il ne diminuait pas. Un récent document de l’INSEE confirme que les ménages aux bas revenus sont plus exposés que les autres aux hausses de prix. M. Sarkozy le reconnaît, puisqu’il a demandé que l’on cesse de dire aux Français que leur pouvoir d’achat augmente, pas un seul ne le constatant ! Rien de tout cela n’empêche le Gouvernement de distribuer 15 milliards de cadeaux fiscaux aux familles les plus aisées, ni de mettre en chantier une étude sur une TVA « sociale » de 5 % qui grèvera durablement les revenus des catégories populaires. Nous regrettons que le Gouvernement n’ait pas voulu reconnaître que le dynamisme de notre économie repose d’abord sur la demande intérieure.

Je vous demanderai ensuite, Madame la ministre, si vous avez suffisamment mesuré l’impact sur les prix des logements de la prise en charge par l’État, pour un coût de 3,7 milliards, des intérêts d’emprunts pour l’acquisition de l’habitation principale. Alors qu’une récente étude de la Chambre des notaires et de la FNAIM a établi que la hausse des prix de l’immobilier ne cessait de ralentir, il y a fort à parier que la prise en charge des intérêts d’emprunt donnera un nouveau coup de fouet aux prix.

Je vous demanderai enfin si vous avez évalué combien votre dispositif de bouclier fiscal, dont vous aggravez encore les effets, est choquant, sinon démoralisant, pour la grande majorité des actifs de ce pays. Selon l’estimation du rapporteur général, quelque 240 000 contribuables sont potentiellement concernés par ce mécanisme, mais les 13 000 plus gros patrimoines bénéficieront à eux seuls d’une ristourne de 583 millions, soit 45 000 euros par foyer. En combinant « niches » et « bouclier fiscal nouvelle mouture », vous faites que certains parmi les plus riches échapperont pratiquement à l’impôt, qui sera bientôt réduit, pour eux, à l’euro symbolique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine). Ainsi l’une des héritières des Galeries Lafayette, qui s’est déjà vu rembourser par le Trésor, au titre du bouclier fiscal, 7,7 millions des 8 millions d’ISF qu’elle avait versés et qui, avec le bouclier nouveau, ne paiera pratiquement plus rien. Bref, le Gouvernement qui dit vouloir limiter les parachutes dorés invente le bouclier doré... (Sourires)

Pourtant, un débat avait été ouvert en 2005, sur l’éventualité d’une imposition minimale, contrepartie de la création bouclier fiscal et du maintien des niches. Donnerez-vous suite à ces propositions ?

Question subsidiaire, enfin : comment vous, Madame la ministre, qui pratiquez des sports de synchronisation et d’harmonie, avez-vous pu nous présenter un texte aussi asymétrique et déséquilibré ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

M. Michel Bouvard – Vous confondez tous ! C’est la fongibilité qui est asymétrique !

M. Lionnel Luca – Par ce texte, le Gouvernement commence d’appliquer les engagements pris par le Président de la République, s’agissant notamment des droits de succession, devenus injustifiables puisque la France est un des derniers pays qui continuent de les prélever. Ceux qui les ont supprimés ne songent pas à les rétablir, et les autres les ont réduits au point qu’ils sont devenus insignifiants. En 1998, dans un rapport d’information sur la fiscalité du patrimoine, notre collègue socialiste Didier Migaud, alors rapporteur général, écrivait que « les droits de succession et de donation constituent un impôt frappant essentiellement les contribuables détenant des patrimoines de moyenne importance et n’ayant pas su ou pu organiser sa transmission ». On ne saurait mieux dire !

En 2001, Nicolas Sarkozy écrivait que l’impôt ayant été payé à de nombreuses reprises sur le fruit du travail, il serait moral que l’État ne taxe pas cette ultime transaction. En 2004, j’avais, dans une proposition cosignée par 110 collègues, suggéré la suppression de ces droits et, dans son discours du 14 janvier, Nicolas Sarkozy disait sa volonté que 95 % des Français en soient exonérés. Le texte qui nous est proposé exonère en totalité le conjoint survivant, ce qui n’est que justice, et relève de 50 000 à 150 000 euros l’abattement consenti aux héritiers en ligne directe. Je considère cette mesure insuffisante pour tenir l’engagement pris par le Président de la République car dans de nombreuses régions où la spéculation immobilière est forte, cet allègement certes appréciable ne suffira pas à éviter que des familles continuent d’être spoliées du fruit de leur labeur. D’autres mesures permettraient de relever encore l’abattement et, si elles ne sont pas prises, il est à craindre que le risque d’expatriation demeure (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), avec ce que cela implique en perte de recettes pour l’État et pour la sécurité sociale et en emplois non créés. Je souhaite donc que l’évaluation précise soit faite rapidement des effets de ces mesures, pour éviter que les Français n’éprouvent le sentiment que les engagements pris n’ont pas été entièrement tenus.

S’agissant de l’ISF, dont je constate que la Suède vient de le supprimer, je suis favorable au renforcement du bouclier fiscal, mais je suggère une modification du mode d’évaluation des biens immobiliers. Plutôt que de retenir la valeur vénale, mieux vaudrait réajuster la valeur du bien en tenant compte de l’érosion monétaire, méthode qui a d’ailleurs été choisie pour estimer une certaine maison de Mougins dont on a beaucoup parlé…

Le système fiscal français actuel provoque la fuite des capitaux. Les réformes que vous nous proposez doivent donc être considérées comme une étape à prolonger pour que la France rejoigne la modernité, la compétitivité et que tous retrouvent la prospérité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Bernard Depierre – Votre projet, ambitieux et courageux, traduit un fort engagement. J’insisterai sur les mesures fiscales, qui auront des effets très positifs pour les familles, et en premier lieu sur les dispositions favorisant l’allongement de la durée du travail, quand elle possible.

L’exonération d’impôt sur le revenu et la réduction de charges sociales sur les heures supplémentaires seront des éléments attractifs. Les travailleurs à temps partiel bénéficieront également de l’exonération fiscale. Ainsi, un salarié payé 1 500 euros brut qui effectue 4 heures supplémentaires par semaine gagnera 2 500 euros de plus en un an. C’est très significatif ! Ces mesures s’appliqueront au 1er octobre. À cette même date, la majoration pour heure supplémentaire dans les entreprises de moins de 20 salariés passera de 10 % à 25 % et les entreprises bénéficieront de réduction de charges au prorata de leur effectif.

L’article 2 exonère d’impôt les étudiants qui travaillent toute l’année pour payer leurs études, dans la limite de trois fois le SMIC. Le report de la limite d’âge de 21 à 25 ans est très appréciable.

Quant à la déduction des intérêts d’emprunt pour acquérir la résidence principale, elle a l’intérêt d’être ouverte à tous les accédants et aux emprunts en cours. C’est là une incitation forte à devenir propriétaire dans notre pays, où seulement 55 % des nos concitoyens le sont, contre 75 % environ dans de nombreux pays européens.

Le projet comporte aussi d’importantes mesures sociales, comme l’expérimentation du revenu social d’activité. Il est difficile de prévoir combien cette mesure porteuse d’espoir aura de bénéficiaires. Le partenariat avec les départements permettra de le savoir très rapidement. Je suis convaincu qu’il faudra trouver d’autres solutions encore, sans augmenter le coût du projet, qui est déjà de près de 11 milliards par an.

Je voterai ce projet sans réserve (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Claude Darciaux – Alors que le logement est devenu une priorité nationale, vous proposez d'aider les accédants à la propriété, accentuant ainsi, sans justification économique, les avantages des propriétaires par rapport aux locataires.

Vous jouez une nouvelle fois le jeu des ménages les plus riches, qui peuvent emprunter le plus. Pour un couple avec deux enfants, et des salaires mensuels de 3 000 euros, un emprunt de 120 000 euros ouvrira droit à une baisse d'impôt de 856 euros. Pour un couple gagnant 8 000 euros par mois, et empruntant 300 000 euros, ce sera 1 700 euros.

Mais les jeunes, les salariés en CDD, les foyers défavorisés, les personnes malades qui n'ont que trop peu accès au crédit, seront les grands perdants.

De plus, encore faudrait-il qu'il y ait suffisamment de logements pour que chacun puisse accéder à la propriété. Avec le droit opposable au logement, garantir un logement à tous relève déjà de la gageure. Mais faire de la France un pays de propriétaires est un leurre et une illusion. Vous privilégiez le « tous propriétaires », avec comme mesure phare la déduction des intérêts d'emprunts du revenu imposable. Alain Juppé l’avait pourtant supprimée en 1996 car les experts trouvaient cet avantage fiscal coûteux, peu pertinent et peu incitatif.

M. Périssol, alors ministre du logement, avait créé, à la place, le prêt à taux zéro. Prenons garde à ce que le nouveau dispositif ne serve pas de prétexte pour remettre en cause ce prêt à taux zéro qui reste l'outil essentiel d'accès à la propriété des ménages modestes.

Certes, une majorité de Français souhaitent devenir propriétaires. Encore faut-il avoir un emploi stable pour passer de la location à la propriété. Votre slogan est peut-être séduisant, mais il reste irréalisable pour une partie de la population, compte tenu du niveau élevé des prix de vente et de l’augmentation des taux d’intérêt. Et nombre de nos concitoyens, en situation précaire, ne peuvent accéder à la propriété. Ainsi, dans ma commune, entre 2005 et 2006, le nombre de dossiers traités par le fonds solidarité logement est passé de 47 à 105, pour un montant de 8 000 à 28 000 euros. Même le crédit d'impôt ne rendra pas ces ménages solvables aux yeux d’un banquier.

Offrir cette défiscalisation quel que soit le montant des revenus et sans contrepartie sociale, sans régulation des loyers, est inacceptable et risque de peser lourdement sur les finances publiques.

Vous proposez aussi de vendre 40 000 logements HLM par an à leurs locataires. Le parc locatif social risque de perdre les immeubles les mieux situés sans possibilité de reconstruire, faute de terrains à bâtir. Se profile ainsi le risque d’une diminution de l’offre locative sociale, alors qu’il y a 1 400 000 demandeurs. Une politique publique du logement ne doit pas tant se fixer un pourcentage de propriétaires à atteindre que faire en sorte que chacun soit logé décemment.

Je terminerai par un certain nombre de questions. Comment accepter de faire des cadeaux aux plus riches quand des millions de locataires sont en situation de plus en plus précaire ? Comment faire que la situation de ceux qui ont le moins s'améliore ? Pourquoi ne pas moduler le crédit d’impôt en fonction des revenus ? Comment favoriser la construction de logements privés à loyers abordables ? Pourquoi favoriser ceux qui achètent leur logement par rapport à ceux qui le louent ? Où en est l’augmentation des aides au logement ?

Subventionner le logement pour répondre à une situation de pénurie peut être une bonne chose, mais certainement pas en se limitant aux propriétaires et en écartant les bailleurs sociaux du dispositif (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. Étienne Pinte – « C'est la notion de travailleur pauvre qu'il est proposé de combattre dans notre pays sans pour autant affaiblir la situation de ceux qui n'ont pas encore pu retrouver une activité professionnelle », est-il écrit dans le remarquable rapport Au possible, nous sommes tenus, dont vous avez été, Monsieur le haut-commissaire, le maître d'œuvre.

C’est dans cet esprit que vous nous proposez la création du revenu de solidarité active, qui permet à ceux qui bénéficient de minima sociaux de les conserver lorsqu'ils retrouvent un travail. En fait, vous vous engagez sur la voie du retour à l'emploi des « sans travail » avant de combattre la notion de « travailleur pauvre ». Je suis favorable à ce qu’on donne ainsi la priorité à ceux qui aspirent à retrouver leur dignité dans le travail.

Mais il ne faudrait pas pour autant oublier les « travailleurs pauvres » dans leur ensemble, ceux que visait la commission « famille, vulnérabilité, pauvreté » de 2005, qu’ils soient ou non bénéficiaires d'un minimum social. Le rapport avait pour ambition d'amener tous les revenus au-dessus du seuil de pauvreté. Je souhaite donc que l'expérimentation que vous envisagez dans 25 départements pendant trois ans prenne en compte, dès maintenant, la situation des travailleurs pauvres. C'est ma première proposition.

Combattre la pauvreté des familles concerne toutes les politiques publiques : la politique fiscale, la politique économique et sociale, familiale, de l'emploi, de la santé, de l'éducation, du logement. Je m'arrête sur le logement, domaine qui m'est cher. Vous proposez, Madame la ministre, d'exonérer les redevables de l'ISF d'un montant inférieur à 50 000 euros, si cette somme est investie dans une PME. Pourquoi ne pas étendre l’exonération quand l'investissement du redevable est fait dans des entreprises solidaires, au sens de l'économie sociale, qui investissent dans la production de logements d'insertion ? C'est ma deuxième proposition.

M. Jean-Pierre Brard – C’est très intéressant ! Vous devriez écouter !

M. Étienne Pinte – Dans le même esprit, puisque le logement social est une priorité, pourquoi ne pas déduire de l'assiette de ISF la valeur des logements loués à des niveaux de loyers conventionnés très sociaux ? C'est ma troisième proposition.

M. Jean-Pierre Brard – C’est presque révolutionnaire !

M. Étienne Pinte – Enfin, le projet passe sous silence les aides apportées par les communes aux personnes ayant des enfants à charge, sous condition de ressources. Il faudra harmoniser les règles prévues par le projet, afin qu'une augmentation des revenus des travailleurs pauvres n'entraîne pas une baisse des aides accordées par les communes. C'est ma quatrième proposition.

Malheureusement, je n’ai pu déposer à temps des amendements traduisant ces quatre propositions. Entre le dépôt du projet, l'examen en commission et la discussion générale, des délais beaucoup trop courts ont interdit aux députés d’accomplir convenablement leur travail législatif.

M. Jean-Pierre Brard – C’est vrai !

M. Étienne Pinte – Cela étant, je souhaite que mes propositions soient reprises par le Gouvernement. Bien entendu, je voterai ce texte qui, pour la première fois, s'attache à éradiquer la grande pauvreté (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Serge Letchimy – Ce projet de loi est le premier texte dont notre assemblée est appelée à débattre. Je peux comprendre l'urgence, et même la précipitation, tant les enjeux sont importants pour la France et, plus encore, les pays d'outre-mer, qui connaissent depuis des décennies un mal-développement chronique.

Pour l'élu martiniquais que je suis, le travail, plus qu'une valeur, est un facteur de dignité, un élément de reconnaissance et de respect social. Je ne peux donc contester le principe sur lequel repose votre démarche, d'autant moins que ma philosophie repose sur le principe : « La chance de la Martinique est le travail des Martiniquais », énoncé non par Confucius, mais par le poète de la négritude, Aimé Césaire.

Si je partage donc le souci de sortir des impasses économiques et institutionnelles dans lesquelles se trouvent la France et l’outre-mer, afin d'ouvrir d'autres imaginaires et d'autres perspectives, en revanche, Madame la Ministre, nos conceptions du progrès divergent. Je le souhaite p!us solidaire et plus favorable à une alternative économique, à la responsabilité locale. Or, c'est loin d'être le cas !

Dans l'économie martiniquaise, le travail est une denrée rare ; privilégier l'accroissement de !a durée du travail me laisse donc perplexe. Pour travailler, il faut de l'activité ; !a priorité est donc la relance de celle-ci. Aujourd'hui, l'économie martiniquaise n'a de martiniquaise que le nom ; elle tire sa richesse d'un système qui crée de la valeur par l'importation et le profit, au détriment d'une culture de production rurale et urbaine, créatrice d'activité et d'emplois.

Les chiffres officiels pour 2004 montrent que le chômage en outre-mer est près de trois fois supérieur à celui de la France – 27,7 %, contre 9,6 % – et que ces régions comptent six fois plus de érémistes. Ainsi, l'irréelle situation de la Martinique se traduisait, en mai 2007, par 33 982 demandeurs d'emplois et 31 521 bénéficiaires du RMI.

Pour de trop nombreuses familles, « chaque journée qui commence est une leçon de courage ». Travailler, d'abord travailler : telle est la hantise quotidienne de trop de pères et mères de famille. C’est dire !a portée toute relative que je prête à l'augmentation du pouvoir d'achat par le recours aux heures supplémentaires. Pour que cette solution, qui s'adresse exclusivement à ceux qui sont déjà salariés, soit pertinente, l'activité économique doit rendre nécessaire ce volume d'heures supplémentaire. Tout est donc fonction de l'activité économique et des conditions de son développement. Cette observation est aussi valable pour le RSA : sans activité, le sigle est privé de son « A ». Que faisons nous, alors, pour les 50 % de jeunes Martiniquais de moins de 25 ans, privés de tout emploi, proies faciles pour les dérives de toutes sortes ? La générosité de votre démarche ne s'adresse chez nous qu’à ceux qui sont déjà bénéficiaires de ce droit fondamental, constitutionnalisé depuis plus d'un demi-siècle.

Le vrai défi, pour l'économie de l'outre-mer, est d'offrir un emploi au plus grand nombre, et donc de permettre à nos populations d’échapper à la fatalité d'une existence prisonnière de l'exclusion et des minima sociaux, de leur rendre la dignité par le travail pour rompre avec l'assistance ; car, dans nos sociétés, plus qu'ailleurs, c'est le travail qui libère et l'assistance qui astreint. Vous voulez faire « travailler plus pour gagner plus », mais, pour les 33 982 chômeurs de la Martinique, travailler tout court serait déjà un progrès !

M. Jean-Pierre Brard – Très bien !

M. Serge Letchimy – La France s'est récemment honorée en votant un droit au logement opposable. Votre projet nous propose aujourd'hui de faire de la France une terre de propriétaires. La France et l'outre-mer connaissent tous deux ces réalités accablantes que sont le grand nombre d'allocataires de minima sociaux, de mal-logés, de sans domicile fixe. Dans nos régions, nous devons loger des milliers de personnes qui attendent depuis trop d'années un logement décent. En 2006, les fonds de la ligne budgétaire unique ont été payés par les crédits de 2007. Je vous suggère donc de permettre à la défiscalisation de financer le logement social pour rattraper le retard.

Sans travail et sans logement, l'homme n'est pas homme. Sans travail pour les parents et sans logement familial décent, l'enfant restera toujours sur le bord de la route, et l'école ne sera jamais pour lui le chemin de la réussite. C’est pour ces raisons que j'ai déposé, avec deux de mes collègues de l'outre-mer, un amendement visant à adapter à la situation de nos régions les mesures relatives au crédit d'impôt contenues dans l'article 3 du projet. En l’état actuel, cet article ne bénéficierait qu'à ceux qui ont déjà la capacité de devenir propriétaires.

Madame la ministre, l'imagination débordante de votre majorité contraste dangereusement avec l'absence de projets propres à !'outre-mer. Le côté marginal, voire anecdotique, de quelques textes « tropicalisés », au gré du bon vouloir ou de la compassion, est à plus d'un titre inféodant, au moment même où le Président de la république plaide pour la diversité et pour des initiatives régionales et locales.

Les faits sont têtus, et il n’est possible de rien faire sans tenir compte des réalités du terrain. Votre majorité a procédé, en mars 2003, à une révision constitutionnelle dont !e but est de permettre une meilleure adaptation de la loi aux caractéristiques particulières des départements et régions d'outre-mer. C’est ainsi, en se conformant à ce qui constitue selon moi une nouvelle exigence, que nous travaillerons mieux pour l'outre-mer, à condition d’être capables de faire jour à ce nouveau droit, le droit à un développement capable d'inventions et d'impulsions car porté par des initiatives des territoires et la responsabilité locale. Nous pourrons alors définir une véritable politique de l'emploi, de l'aménagement et du développement, pour répondre, sans exclusion, à une dynamique de progrès qui n'ignore ni la dignité humaine ni les réalités territoriales (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. Lionel Tardy – C'est avec émotion que je prends aujourd'hui la parole dans cet hémicycle, pour la première fois. Nouvel élu de Haute-Savoie, je souhaite tout d’abord adresser une pensée à celles et ceux qui m'ont élu et m'ont fait confiance pour les représenter au sein de cette Assemblée.

M. le Rapporteur général – Très bien !

M. Lionel Tardy – Si j'ai souhaité intervenir sur le présent projet, c'est pour relayer les préoccupations et les attentes des Français que j'ai rencontrés pendant la campagne. Tous, qu'ils soient chefs d'entreprises, salariés, actifs des professions libérales, à temps complet ou partiel, m’ont dit leur inquiétude face au chômage, leur souhait de travailler pour une juste rémunération, leur besoin d'un meilleur pouvoir d'achat. En un mot, ils ont exprimé le besoin de notre pays de connaître enfin une véritable relance économique.

Ce projet répond en très grande partie à cette urgente nécessité, qui passe par la réhabilitation du travail, et le chef d'entreprise que je suis ne peut que se réjouir de voir le travail remis au centre de la politique économique et sociale.

Ce texte propose une série de mesures qui permettront à nos entreprises, notamment petites et moyennes, de retrouver un peu de souffle. Je retiendrai en particulier la défiscalisation des heures supplémentaires, la possibilité donnée aux assujettis à l'ISF d'investir jusqu'à 50 000 euros dans une PME, et l'allégement des droits de succession.

Madame la ministre, vous proposez la détaxation des heures supplémentaires pour tous les salariés, en veillant à maintenir l'avantage compétitif des PME. L’augmentation de 25 % de la rémunération des heures supplémentaires, quelle que soit la taille de l'entreprise, permettra un rééquilibrage des avantages des petites entreprises en termes de compétitivité. Je crois cependant qu'un effort supplémentaire aurait pu être consenti en direction des entreprises de moins de 21 salariés, pour lesquelles le dispositif pourrait être plus simple et plus incitatif. En effet, dans une entreprise de cette taille et pour un salarié payé au dessus de 1,4 SMIC, le barème forfaitaire ne compense pas le coût engendré par le passage de 10 % à 25 %. Le coût des heures supplémentaires augmentant sensiblement, les dispositions que vous présentez sont dans ce cas nettement moins incitatives.

Il serait nécessaire de permettre cette compensation jusqu'à deux SMIC. Cette réduction forfaitaire des cotisations patronales devrait être au moins fixée à 2,50 euros par heure supplémentaire effectuée dans les entreprises de moins de 21 salariés, pour éviter ce surcoût. De même, le forfait devrait être fixé à un euro par heure supplémentaire effectuée dans les autres entreprises.

Toujours sur l'article premier, je soutiendrai l'amendement de la commission des affaires économiques concernant les logiciels de gestion de la paie. Les nouvelles dispositions relatives aux heures supplémentaires rendront nécessaire une adaptation de ces instruments et créeront donc des frais supplémentaires pour les PME. Permettre l'amortissement exceptionnel de ces surcoûts est une excellente mesure.

De même, permettre aux redevables de l'ISF d'investir jusqu'à 50 000 euros dans une PME permettra de relancer la croissance des PME, garantes de notre développement économique et de la préservation de notre lien social. Avec l'article 6 de ce projet, vous leur apportez un peu d'air, en incitant nos concitoyens à y investir ! Tout cela est excellent pour le moral de nos PME, qui manquent souvent des capitaux nécessaires pour travailler à l’export. Or, ce qui est bon pour les petites entreprises est, à terme, bon pour l’emploi et pour la nation tout entière.

Enfin, les dispositions visant à alléger les droits de succession et de donation vont dans le bon sens, en particulier dans le domaine des transmissions d'entreprises. Une première étape avait été franchie par le précédent gouvernement, qui avait aligné les plus-values mobilières sur les plus-values immobilières. Nous en franchissons aujourd’hui une nouvelle, très importante, même si l’on pourrait souhaiter aller plus loin encore que ces 150 000 euros. La question de la transmission est en effet vitale pour 500 000 entreprises en France : sans compter qu’il s’agit d’un parcours du combattant, une étude récente montre que 37 % seulement des entreprises dont le dirigeant est parti en retraite ont fait l'objet d'une reprise, quelle qu’en soit la forme – vente, donation… – et que 55 % de ces dirigeants n'envisageaient pas de vendre. Le résultat est que les entreprises disparaissent, ou partent à l'étranger. Le dispositif que vous nous présentez aujourd'hui permettra d’endiguer cette hémorragie.

Ce projet de loi fait montre, Madame la ministre, d’une véritable volonté d'aller de l'avant et d’insuffler un nouvel élan au monde de l’entreprise. Nous ne pouvons que nous en réjouir. La revalorisation du travail est enfin à l'ordre du jour. C’est une condition essentielle de la vitalité de nos entreprises et notamment des plus petites, qui sont les véritables créateurs d’emplois en France. Je voterai donc en faveur de ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La discussion générale est close.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce matin, mercredi 11 juillet, à 9 heures 30.

La séance est levée à 1 heure 15.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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