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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mardi 15 juillet 2008

1ère séance
Séance de 9 heures 30
14ème séance de la session
Présidence de Mme Catherine Génisson, Vice-Présidente

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

DÉBAT D’ORIENTATION DES FINANCES PUBLIQUES

L'ordre du jour appelle le débat d’orientation des finances publiques pour 2009.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique – Le débat d’orientation des finances publiques est toujours un moment important, qui permet de discuter des problèmes de fond, au-delà des détails techniques. Aujourd’hui, de plus, je vous transmets pour la première fois les plafonds de dépense par mission, non seulement pour 2009, mais pour les trois prochaines années. L’exercice n’était pas aisé, mais je m’y suis contraint car j’y vois une avancée majeure pour une gestion claire et crédible des finances de l’État.

Depuis un an, beaucoup a été accompli, notamment la révision générale des politiques publiques, sous l’autorité du Président de la République et du Premier ministre ; au cours de cette année, j’ai également présenté l’état de nos finances publiques au Parlement avec la plus grande transparence possible. Nous sommes aujourd’hui à un moment crucial. Nous ne pouvons plus user des solutions faciles d’autrefois, notamment de l’endettement à bas coût, et nous devons faire face à l’arrivée à la retraite de la génération du baby-boom, ce qui influera évidemment sur le montant des pensions.

L’ensemble des travaux du Gouvernement ont été menés sur les fondements du premier budget triennal et de la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques. Le rapporteur général de la commission des finances le souligne avec la ténacité de ceux qui veulent vraiment rééquilibrer nos finances publiques : la contrainte financière est forte. Mais nous nous sommes donné les moyens de la concilier avec le maintien d’un service public de qualité et d’un système social protecteur.

Comme c’est l’usage, je voudrais commencer par un bilan : où en sommes-nous de l’année 2008 ? Pour le dire brièvement, l’objectif reste de contenir le déficit public à 2,5 % du PIB, mais il nous faut demeurer vigilants sur le niveau des dépenses.

Les recettes fiscales de l’État sont inférieures à celles prévues par la loi de finances initiale : lorsqu’au mois d’avril nous avons révisé notre prévision de croissance du PIB, en estimant qu’elle se situerait à l’intérieur d’une fourchette de 1,7 à 2 %, nous supposions par là-même une moins-value de recettes fiscales de 3 à 5 milliards d’euros par rapport à la prévision de la loi de finances initiale. Cette prévision, qui tenait compte des résultats de 2007, n’est pas remise en cause par les données supplémentaires disponibles à ce jour.

S’agissant des dépenses, l’élément essentiel qui pèse sur l’exécution est la révision à la hausse de la charge de la dette : il faut compter 2 à 3 milliards supplémentaires par rapport à la loi de finances initiale, soit une augmentation de 5 à 7 %. Ce dérapage préoccupant provient essentiellement de l’augmentation des taux d’intérêts depuis la loi de finances initiale, mais surtout de l’augmentation de l’inflation, qui pèse sur le provisionnement de la charge des obligations indexées. La mise en réserve de crédits, réalisée au début de l’année 2008, est normalement destinée à faire face aux besoins non prévisibles apparaissant en cours d’exécution. Il est difficile, aujourd’hui, de déterminer précisément le rendement net d’une utilisation pertinente de cette réserve ; la moitié de ces crédits, soit environ 3 milliards, pourraient faire l’objet d’une annulation. En dépit du poids croissant des charges d’intérêts, l’objectif de respecter l’enveloppe votée en loi de finances initiale demeure donc.

En ce qui concerne la sécurité sociale, nous respectons le cadrage financier de la loi de financement. Le déficit du régime général devrait être de 8,9 milliards d’euros, contre 9,5 milliards d’euros en 2007. Nous nous tenons donc dans l’épaisseur du trait de la prévision, qui était de 8,8 milliards d’euros. Ce résultat s’explique principalement par les mesures votées dans le cadre de la LFSS, ainsi que par la bonne situation de l’emploi qui conduit à une bonne tenue des recettes.

Les mesures votées à l’automne dernier nous ont permis, en particulier, d’afficher une maîtrise crédible des dépenses d’assurance-maladie ; le comité d’alerte a estimé le dépassement de l’ONDAM de 500 à 900 millions d’euros, alors que le seuil d’alerte se situe à 1,1 milliard d’euros : le comité n’a donc pas déclenché d’alerte, contrairement à ce qui s’était passé en 2007. Roselyne Bachelot et moi-même restons bien sûrs particulièrement vigilants, car nous ne saurions nous satisfaire d’un tel dépassement. Rappelons-nous cependant qu’à la même époque, l’an dernier, il s’établissait à trois milliards, de sorte qu’on pouvait véritablement parler de dérapage ; mais il faut bien sûr mettre tout en œuvre pour réduire l’amplitude de ce dépassement ; je suis persuadé que le président de la commission des affaires sociales, ainsi que M. Yves Bur, rapporteur de cette même commission, pensent la même chose. Je souligne aussi que, malgré une conjoncture difficile, la situation de l’emploi s’améliore ; les recettes des organismes sociaux s’accroissent donc, tandis que certaines prestations diminuent fortement, en particulier celles de l’assurance chômage.

Sans verser dans le simplisme ou l’angélisme, je confirme donc qu’un déficit de 2,5 % du PIB est toujours notre objectif pour l’année 2008.

Revenons maintenant sur notre stratégie à moyen terme, et sur la façon dont elle se concrétise dans la préparation du budget triennal ainsi que du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nous ne modifions pas notre stratégie de rétablissement des finances publiques, car elle est solide, saine et appliquée avec constance depuis un an. Elle consiste d’abord à développer le potentiel de croissance de notre économie, grâce à des réformes de structures – même si la crise mondiale rend l’exercice difficile. La loi de modernisation de l’économie, présentée par Mme Christine Lagarde, ou la loi sur la démocratie sociale et la réforme du temps de travail, présentée par M. Xavier Bertrand, en sont des exemples précis et récents. L’autre versant – essentiel – de cette politique consiste évidemment à maîtriser les dépenses publiques. Il faut diviser par deux le taux de croissance de la dépense en volume, soit une croissance de l’ordre de 1 % par an en euros constants. M. Gilles Carrez ne dit pas autre chose lorsqu’il explique à la Conférence nationale des finances publiques qu’il faut limiter l’augmentation de la dépense en euros courants à 30 milliards par an, alors qu’en tendance elle serait de 40 milliards par an. C’est ainsi que nous reviendrons à l’équilibre des comptes publics en 2012, et des comptes de la sécurité sociale dès 2011.

J’en viens maintenant à la préparation du premier budget triennal. Notre objectif pour 2009 est ambitieux : nous voulons réduire le déficit public de 0,5 % du PIB, pour le ramener à 2 % du PIB. Cet effort nous permettra le retour à l’équilibre en 2012. Avec un peu d’arithmétique, on voit certes que ce demi-point de PIB en moins n’y suffira pas, mais tout n’y est pas compté, notamment la croissance future.

M. Dominique Baert – Ce sont des incantations !

M. Éric Woerth, ministre du budget Notre démarche est parfaitement cohérente. Cet équilibre des finances publiques est attendu de tous nos partenaires européens ; il permettra de restaurer la confiance de tous dans nos finances publiques. Cet effort de 0,5 % de PIB est donc majeur – pour ces raisons, et pour beaucoup d’autres certainement (Sourires). Les réformes en cours en seront confortées et, de toute façon, il ne peut y avoir de croissance durable sans finances publiques saines.

Pour y parvenir, il faut tout d’abord stabiliser chaque année la dépense de l’État en euros constants à l’intérieur du périmètre élargi que nous avons défini dans la loi de finances 2008. Il faut ensuite faire décroître de 4 milliards le déficit de l’assurance maladie en 2009, afin d’assurer le retour à l’équilibre du régime général au plus tard en 2011. Il faut enfin poursuivre les réformes pour trouver de nouvelles sources de croissance, dans un environnement mondial difficile.

L’une des principales difficultés dues à cet environnement est la poussée inflationniste : nous prévoyons 2,9 % d’inflation en moyenne pour cette année, et 2 % pour l’année prochaine ; or, contrairement à ce que l’on peut parfois entendre ou lire, l’inflation n’est pas favorable aux finances publiques. Elle augmente les dépenses : pour l’année en cours, la charge des obligations indexées devrait augmenter de deux à trois milliards ; pour l’année qui suit, l’indexation des prestations familiales et des retraites fera aussi augmenter les dépenses – ainsi, une inflation plus élevée de 1,3 % provoque un coût supplémentaire de près de 3 milliards pour l’année suivante. Elle n’est pas davantage bénéfique pour les recettes, contrairement à une croyance tenace : certes, un certain nombre d’impôts ou de taxes sont assis sur des prix ou des revenus en euros courants – c’est notamment le cas de la TVA –, mais il ne faut pas oublier que pour le montant total de la recette, la quantité achetée est aussi déterminante que le prix. Certes, si l’inflation provient d’une surchauffe de l’économie, alors l’augmentation des volumes se conjugue à l’augmentation des prix pour favoriser les recettes fiscales : c’est ce qui est arrivé hier, mais ce n’est pas ce que nous connaissons aujourd’hui, car l’inflation, qui provient principalement de la flambée des matières premières, est une inflation importée, qui pèse sur l’activité et les volumes produits. L’effet de l’inflation sur les recettes est donc très ambigu, d’autant que les produits dont le prix augmentent le plus sont ceux qui supportent une fiscalité proportionnelle aux volumes consommés – je pense à la taxe intérieure sur les produits pétroliers.

J’en viens à la construction du budget. Pour la première fois, nous mettons à votre disposition les plafonds de dépense par mission pour les trois prochaines années. C’est, je le répète, une avancée majeure. Cependant, ce budget triennal est extrêmement contraint, pour trois raisons.

Tout d’abord, la stabilité des dépenses en euros constants sur la norme élargie exige un effort supérieur à tout ce qui a été réalisé par le passé : de 1999 à 2007, par exemple, la croissance des dépenses de l’État à l’intérieur de ce même périmètre a été de 1,1 %. Ensuite, je tiens à faire disparaître les sous-dotations, en particulier dans les relations entre l’État et la sécurité sociale.

M. Michel Bouvard – Très bien !

M. Jean-Pierre Brard – Vous êtes naïf, cher collègue !

M. Éric Woerth, ministre du budget – Il faut gommer ces sous-dotations qui permettent d’afficher des objectifs ambitieux, mais non de les atteindre. Enfin, un certain nombre de dépenses contraintes sont devenues beaucoup plus dynamiques que par le passé. L’arrivée à l’âge de la retraite des générations du baby-boom augmente ainsi les dépenses de pension, de 2,5 milliards en moyenne chaque année entre 2009 et 2011. De même, la charge de la dette s’accroît brutalement. Nous avons longtemps été anesthésiés face au fléau de l’excès de dette, car nous bénéficiions de taux d’intérêt réduits. Nous savions que ces taux allaient remonter, mais le mouvement est survenu de manière beaucoup plus brutale que prévu, du fait de la poussée inflationniste. Ainsi, alors que, de 2003 à 2007, la charge de la dette a été quasiment stable, dans les années à venir elle augmentera de 2 milliards en moyenne chaque année : 2 milliards, c’est à peu près le budget de la culture, et la moitié du budget de l’agriculture.

Si, de 2003 à 2007, le cumul de la charge de la dette et des pensions représentait moins de 30 % de l’augmentation des dépenses de l’État, et qu’il restait donc 70 % pour financer les politiques publiques, le rapport va se trouver inversé à partir de 2009 : l’augmentation de cette charge absorbera 70 % de l’augmentation des dépenses de l’État permise par le « zéro volume ». De 70 % de marges de manœuvre, nous passons à 70 % de dépenses contraintes ! Et si nous tenons compte de l’évolution des prélèvements sur recettes au profit de l’Union européenne et des collectivités territoriales, c’est quasiment 100 % de dépenses contraintes.

Réaliser le « zéro volume » sur la norme élargie implique donc pratiquement de stabiliser en euros courants les dépenses des ministères. Cela suppose, tout d’abord, le « zéro valeur » sur les dépenses de personnel, auquel nous parvenons grâce à la révision générale des politiques publiques, qui rend possible 30 600 non-remplacements de fonctionnaires partant en retraite pour l’État. Les opérateurs seront par ailleurs associés à l’effort de réduction.

M. Michel Bouvard – Très bien !

M. Éric Woerth, ministre du budget – Dès 2009, nous atteignons déjà presque notre objectif de non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux. À cet égard, certains ministères font davantage que la moyenne, d’autres moins – le ministère de la justice voit, par exemple, ses effectifs légèrement augmenter. Cependant, le même effort de productivité est demandé partout ; nous n’avons pas une vision comptable ou arithmétique de ce ratio. Enfin, conformément à ce qu’avait annoncé le Président de la République, 50 % des économies ainsi réalisées seront « ristournées » aux fonctionnaires, sous forme de mesures catégorielles.

Le « zéro volume » sur la norme élargie, cela implique également le « zéro valeur » pour les budgets d’intervention et de fonctionnement des ministères. J’ai rencontré tous les ministres, d’abord un à un, puis avec le Premier ministre. Depuis un an, nous disposons en outre de la formidable enceinte de discussion que représentent les réunions de la RGPP. Ce travail nous a permis d’aller au fond des sujets, et vous verrez que la RGPP est le fil conducteur de ce budget triennal.

Tout cela ne signifie pas qu’il n’y aura plus de priorités en termes de dépenses. Pour l’enseignement supérieur et la recherche, les crédits augmenteront de 1,8 milliard par an. La loi de finances pour 2009 sera également la première traduction du Grenelle de l’environnement, engagement majeur du quinquennat, qui couvrira un très large éventail de projets concernant le logement, le transport, la recherche, la transition de notre économie vers un nouveau modèle énergétique… Sera également prioritaire la justice, tout particulièrement l’administration pénitentiaire, dont le personnel augmentera. Au ministère de la défense, le budget de l’équipement est devenu quasi prioritaire, les efforts étant rendus possibles grâce au recyclage des économies de fonctionnement et à l’affectation de ressources extra-budgétaires ; au total, l’équipement militaire passera de 15 milliards en moyenne chaque année sous la précédente loi de programmation militaire à 18 milliards dans la prochaine.

Dans la mesure où il faut financer ces priorités à enveloppe constante, et où plus de 70 % des augmentations de dépenses sont contraintes, il est nécessaire que certains budgets ministériels restent stables, voire diminuent. Cependant, la diminution d’un budget ne traduit en rien le désengagement de l’État d’une politique publique, mais le souci d’une meilleure efficacité pour chaque euro dépensé. Des politiques peuvent être prioritaires et leur budget réduit du fait d’une rationalisation de la dépense.

Vous avez entre les mains les résultats de nos travaux mission par mission. Ce document témoigne de l’ampleur des réformes menées. Pour ne prendre que quelques exemples, dans la mission « logement », le 1 % logement est largement réorienté ; dans la mission « travail et emploi », nous prévoyons aussi, conformément aux conclusions de la RGPP, un recentrage sur les personnes les plus éloignées de l’emploi ; et un tel recentrage sera également à l’œuvre dans la formation professionnelle, à partir de 2010 ; la mission « sécurité » traduit, quant à elle, les orientations de la future LOPSI. J’indique que la stabilisation des dépenses en euros constants – le « zéro valeur » – ne concerne pas à ce stade le revenu de solidarité active, pour la simple raison que, si le principe et les orientations en ont été confirmées par le Président de la République et le Premier ministre, ses modalités et son financement n’ont pas encore été arrêtés.

L’effort est celui de l’équipe gouvernementale tout entière. À rebours d’une lecture un peu simpliste des choses, il ne faut pas chercher là des gagnants ou des perdants. Les priorités politiques ne sont pas toujours à mesurer au volume des budgets ou à leur évolution, qui est fonction des gains de productivité possibles.

J’ai beaucoup parlé des dépenses car il est d’usage de se concentrer sur elles à ce moment de l’année, mais peut-être doit-on s’efforcer de changer les choses. À mon arrivée, je m’étais d’ailleurs étonné de ce privilège car je pense qu’il serait de bonne méthode de parler davantage des recettes. Nous verrons l’année prochaine comment rapprocher les deux exercices.

La réduction d’un demi-point de PIB de déficit public en 2009 tient évidemment compte des mesures relatives aux recettes déjà prises dans les lois TEPA et LME. Leurs effets économiques seront intégrés dans les prévisions de croissance que présentera Christine Lagarde à la rentrée.

J’en viens à la sécurité sociale.

Pour parvenir à l’équilibre du régime général en 2011, il faut impérativement que l’assurance maladie soit également à l’équilibre d’ici là. Les caisses d’assurance maladie viennent de faire des propositions d’économies pour 2009. Nous allons les étudier avec Roselyne Bachelot, en charge du volet santé…

M. Jean-Pierre Brard – Çà, elle a la santé ! Et avec elle, il vaut mieux l’avoir aussi !

M. Éric Woerth, ministre du budget – Avec Roselyne, nous formons un bon duo…

M. Jean-Pierre Brard – Un duo infernal !

M. Éric Woerth, ministre du budget – Je retiens un message fort des propositions de l’UNCAM : il existe des marges d’efficience extrêmement importantes dans notre système, qui rendent possible le retour à l’équilibre.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances – C’est déjà arrivé !

M. Éric Woerth, ministre du budget – Il y a très longtemps !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances – Pas tant que cela !

M. Jean-Pierre Brard – Sous Martine Aubry !

M. Éric Woerth, ministre du budget – Notre politique consiste à traquer les abus et les gaspillages. À cet égard, nous venons d’entamer un cycle de rencontres avec les représentants des mutuelles et des partenaires sociaux, au cours desquelles nous débattons sans aucun tabou. En effet, il va bien falloir équilibrer les comptes, et pas seulement par des mesures de recettes. Il faut que le système trouve en lui-même une forme de régulation et qu’on y revienne tous les trois ou quatre ans n’a rien de scandaleux, à partir du moment où l’on s’attache à respecter notre pacte social.

M. Michel Vergnier – Il faudrait surtout respecter les malades !

M. Éric Woerth, ministre du budget – Conjoncturel à moyen terme, l’ajustement a vocation à devenir structurel et c’est dans cette optique que nous travaillons. À l’issue de la concertation, nous disposerons d’un éventail de propositions et nous prendrons alors nos responsabilités. Des annonces sont envisageables avant la fin juillet.

M. Jean-Pierre Brard – Aïe !

M. Éric Woerth, ministre du budget – Notre protection sociale a beaucoup fait pour couvrir le risque chômage lorsque celui-ci était élevé. La baisse du chômage – qui constitue une bonne nouvelle pour chacun d’entre nous – doit, en retour, être mise à profit pour baisser les cotisations en vue de permettre, à taux de prélèvement constant, une hausse des cotisations retraite. Selon moi, ce mouvement doit être engagé dès l’année prochaine.

Cependant, l’amélioration de la situation de la branche vieillesse dépendra principalement de l’évolution de l’emploi des seniors, des âges de cessation d’activité et de liquidation des pensions. S’agissant de l’emploi des seniors, le Gouvernement a pris ses responsabilités en annonçant la majoration de la surcote dès la première année et la libéralisation du cumul emploi-retraite pour ceux qui ont atteint le taux plein, en fermant progressivement les préretraites financées sur fonds publics, en taxant les préretraites d’entreprise et en interdisant les mises à la retraite d’office. Il faut aussi que les comportements évoluent et que les entreprises s’impliquent dans une gestion plus active des âges. C’est par la mobilisation collective que nous réussirons, dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres.

Je souhaite continuer à clarifier les relations entre l’État et la sécurité sociale. L’année dernière, j’ai apuré la dette à fin 2006 à hauteur de 5,1 milliards mais, compte tenu de la construction de la loi de finances pour 2007, je n’ai pu éviter de recréer de la dette pour 2007. Il faut désormais traiter le mal à la racine. Dans le cadre du budget pluriannuel, je tiens à une juste budgétisation des dépenses de l’État visant à compenser les dispositifs gérés par la sécurité sociale.

La dette sociale sera transférée de l’ACOSS à la CADES, via une fraction des recettes de la CSG, actuellement attribuée au Fonds de solidarité vieillesse. Cela est désormais possible car le FSV est en excédent. Nous réaliserons ce transfert dans le respect de l’équilibre financier du fonds. Nous traiterons également la question lancinante du FFIPSA – tant pour ce qui concerne sa dette que son déficit – dans les PLF et PLFSS : cela aura un impact et il faudra l’assumer !

J’en viens aux collectivités locales.

Comme vous le savez, une Conférence nationale des exécutifs a eu lieu jeudi dernier, sous la présidence du Premier ministre. Le message de François Fillon est simple : …

M. Bernard Derosier – Vous allez continuer à être étranglés !

M. Éric Woerth, ministre du budget – …l’ensemble des concours de l’État aux collectivités locales doit évoluer au même rythme que l’ensemble des dépenses de l’État, soit comme l’inflation. Avec une prévision d’inflation de 2 % pour 2009, l’ensemble des concours de l’État – soit 55 milliards hors dégrèvements – augmentera donc de 1,1 milliard par rapport à 2008 (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

M. Bernard Derosier – Dont le FCTVA !

M. Éric Woerth, ministre du budget – Cela reste de l’argent public.

M. Bernard Derosier – Mais ce ne sont pas des dotations !

M. Éric Woerth, ministre du budget – Sortez de la logique du toujours plus ! Ce milliard supplémentaire, c’est 200 millions de plus que l’augmentation prévue en LFI pour 2008 : 900 millions en 2008, 1,1 milliard en 2009, à périmètre constant…

M. Bernard Derosier – Dont 200 millions au titre du FCTVA.

M. Éric Woerth, ministre du budget – C’est le maximum que l’État peut s’imposer sur ses propres dépenses au bénéfice des collectivités.

Pour 2010 et 2011, l’ensemble des concours de l’État continuera donc d’évoluer comme l’inflation, ce qui conduira à une augmentation d’un milliard par an. Quelle traduction donner à cette augmentation en 2009 ? Contrairement à ce que l’on a pu lire ici ou là, le Premier ministre s’est engagé à ce que le FCTVA ne soit pas réformé en 2009, afin de ne pas mettre en péril les plans de financement des collectivités qui ont déjà investi. Cela n’exclut pas de réfléchir à l’avenir de cette dotation, qui consomme des marges de manœuvre dans l’enveloppe que nous venons d’évoquer. Plusieurs pistes s’offrent à nous pour réformer le FCTVA avant la fin de la législature, en fonction des réponses données à un certain nombre de questions – quel champ d’investissement, quel rythme de progression, quelle articulation avec les autres dotations d’investissement ?

Une fois financée l’augmentation du FCTVA, il reste 450 millions de crédits disponibles, ce qui est considérable. Nous devons réfléchir conjointement à leur affectation et à l’évolution de la DGF. Dans le contexte budgétaire actuel, il n’est pas possible que la DGF continue de progresser au rythme actuel. Deux options sont ouvertes : faut-il financer le rattrapage d’inflation au titre de 2008 ou, au contraire, retenir le principe d’une indexation sur l’inflation pour 2009 ? La question reste ouverte, mais je remarque qu’en ce qui concerne les dépenses de l’État, c’est la deuxième solution qui est retenue. Enfin, nous devrons nous attacher à mieux concilier une évolution – limitée – de la DGF avec l’amélioration de son efficacité péréquatrice.

Après avoir présenté les grands enjeux, je tiens à rappeler que c’est le même citoyen qui paie, qu’il soit assuré social, ressortissant de l’État ou administré d’une collectivité (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche). Il faut donc retenir une approche globale de l’équilibre des finances publiques.

Je conclurai cette première intervention en évoquant deux grands sujets de gouvernance : la loi de programmation des finances publiques et la maîtrise des niches fiscales et sociales.

La révision de la Constitution a permis d’ouvrir un débat sur l’opportunité d’inscrire dans notre loi fondamentale une règle de finances publiques…

M. Jean-Pierre Brard – On verra lundi !

M. Éric Woerth, ministre du budget – Le résultat auquel nous sommes parvenus me semble satisfaisant, puisqu’il prend la forme d’une loi de programmation des finances publiques, qui s’inscrit dans un objectif d’équilibre. Mais il ne suffit pas de dire qu’il faut atteindre l’équilibre : encore faut-il préciser comment on y parvient. Ainsi, les objectifs que j’ai décrits seront déclinés dès la rentrée prochaine dans une loi de programmation pluriannuelle globale. Cela permettra de définir une stratégie d’ensemble cohérente, au-delà de la vision limitée qu’offre la discussion annuelle du PLF et du PLFSS. L’élaboration – puis le vote – des lois de programmation permettra aussi de remédier à une anomalie : jusqu’ici, les programmes de stabilité adressés chaque année à la Commission européenne ne sont pas soumis au Parlement, ce qui les prive d’une portée suffisante pour encadrer l’action publique. C’est une très belle réponse à ce problème récurrent.

L’autre sujet qui nous tient à cœur est celui des niches fiscales et sociales.

Je tiens à saluer les deux excellents rapports auxquels nombre de députés ici présents ont participé, issus de missions présidées par MM. Migaud et Bapt et rapportées par MM. Carrez et Bur. Je vous le dis d’emblée : je suis très favorable à la plupart des propositions émises dans ces rapports.

Comme vous le constatez dans ces travaux, le nombre de niches et leur montant en font de véritables enjeux de finances publiques. C’est pourquoi le Premier ministre a décidé, lors de la dernière Conférence nationale des finances publiques, qu’elles seraient limitées dans le temps et soumises à une évaluation systématique. À l’occasion de mes rencontres avec chacun des ministres, j’ai donc discuté non seulement de leurs dépenses budgétaires mais aussi des dépenses fiscales et des exonérations de charges sociales. Tout cela pèse en effet de la même manière sur le déficit public et il faut donc en discuter concomitamment : c’est la même dépense, qui conduit au même solde. Surtout lorsque ces dépenses fiscales sont conçues pour se substituer à la dépense budgétaire ! Il serait incohérent de durcir d’un côté la dépense budgétaire tout en facilitant de l’autre la dépense fiscale !

En vue de limiter ces niches, j’envisage plusieurs formes d’actions, qui seront affinées dans le courant de l’été. Nous améliorerons la qualité de l’information du Parlement, en récapitulant de façon claire toutes les décisions prises à ce sujet, dans le PLF comme dans le PLFSS. Nous instaurerons – et j’en attends beaucoup – un objectif de dépenses fiscales dans le PLF, probablement indicatif dans un premier temps. Je fais étudier un dispositif analogue pour le PLFSS, pour ce qui concerne les exonérations sociales.

Au vrai, j’avais de la sympathie pour l’amendement adopté par le Sénat qui visait à valider, en loi de finances initiale comme en LFSS, les niches votées dans des lois ordinaires. Je comprends que votre commission des lois y voie une atteinte à certains principes que je ne saurais contester. Mais je compatis à mon tour, Didier Migaud, au fait que la position de la commission des finances n’ait pas été entendue sur ce point (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

Reste qu’il nous faut ensemble lutter contre la prolifération de ces dispositions. Je reste bien entendu ouvert à la discussion sur ce sujet.

Nous sommes confrontés à une situation inédite pour nos finances publiques : la progression des charges d’intérêt et celle des pensions accentuent les contraintes qui pèsent sur les autres dépenses, qu’il s’agisse de la masse salariale ou des dépenses d’intervention. Il est donc plus que jamais indispensable d’améliorer l’efficacité de la dépense publique. Nous nous en donnons pleinement les moyens avec la RGPP, que nous allons continuer à mener très activement. C’est l’alliance de réformes de structure et de règles de gouvernance efficaces qui nous permettront de réussir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. Didier Migaud, président de la commission des finances – Je commencerai par quelques appréciations positives.

M. Jean-Pierre Brard – Ça va aller vite !

M. Didier Migaud, président de la commission – Je me réjouis que nous ayons ce débat, même s’il intervient tardivement – en session extraordinaire, alors que sa place normale serait pendant la session ordinaire – et même si nous avons disposé des rapports un peu tard pour les exploiter.

Je salue également, Monsieur le ministre, le fait que vous ayez décidé de vous engager dans une démarche pluriannuelle, avec des lois de programmation et une présentation de la prochaine loi de finances sur trois années. Cela contribuera à une plus grande transparence et permettra d’avoir une meilleure appréciation de la situation. À ce propos, je relève à la fois votre souci de transparence, que vous venez de démontrer – vous ne cachez rien de la situation – et votre sincérité. Je me dis parfois que si Éric Woerth était seul au Gouvernement, ce qu’il dit aurait quelque chance d’être appliqué dans la gouvernance de nos finances publiques… Mais il n’est que ministre des comptes publics. C’est néanmoins également un point positif qu’il en existe un.

Cela dit (Ah ! sur divers bancs), que constatons-nous ?

Je reconnais que le contexte est particulièrement difficile : nous sommes confrontés à une crise financière, à une crise énergétique, à une crise alimentaire, ainsi qu’à une inflation qui a les effets que vous avez indiqués. Mais dans ce contexte difficile, beaucoup font mieux que nous. La situation de la France se dégrade, à contre-courant des pays qui nous entourent. Dès lors, ne peut-on s’étonner d’entendre le Gouvernement nous vanter les résultats de sa politique ? En 2007, le déficit est passé de 2,4 à 2,7 %, la dette publique est passée de 63,6 % du PIB à 63,9, la France est passée de la onzième à la quatorzième place sur quinze pour les déficits publics et de la huitième à la cinquième place pour le volume de sa dette !

Pourquoi en sommes-nous là ?

On constate tout d’abord que la maîtrise de la dépense publique est insuffisante, malgré vos efforts. Cette dépense a représenté 52,6 % du PIB en 2007, contre 51,7 fin 2001, alors que vous reprochez toujours à la gauche de vouloir trop dépenser !

Dans le même temps, les recettes publiques sont très fortement affectées par la multiplication des réductions d’impôts et des exonérations de cotisations sociales.

Face à cette situation, vous nous proposez, Monsieur le ministre, des orientations que nous ne pouvons qu’approuver, mais nous divergeons très fortement sur les modalités.

Certaines de vos hypothèses de travail sont particulièrement optimistes. Ainsi en est-il d’un baril de pétrole à 125 dollars : je ne vois pas ce qui pourrait conduire à une baisse de son prix… Il en va de même pour l’inflation : je crains que nous ne parvenions pas à la ramener à 2 % comme vous le souhaitez.

Vous nous proposez de dynamiser la croissance. Comment ne pas être d’accord ? Le problème, c’est que vous n’arrêtez pas de la dynamiser !

M. Dominique Baert – Ou dynamiter ?

M. Didier Migaud, président de la commission – Normalement, cela devrait nous conduire à une croissance supérieure à celle que vous prévoyez… Tout ce que nous faisons marche formidablement, nous dit Mme Lagarde ; la loi TEPA, la loi LME, le crédit impôt recherche représentent 0,65 point de croissance. Mais ce devrait être un supplément de croissance !

J’avoue m’interroger sur les effets de la politique menée, et je réitère ma demande d’évaluation des dispositifs que nous votons. Qu’est-ce qui permet de dire que la loi LME va procurer 0,3 point de croissance ? Avons-nous évalué les conséquences des lois Jacob ou Dutreil ? Je regrette que nous ne fassions pas suffisamment ce travail d’évaluation, mais je sais que c’est un regret partagé.

Je constate aussi – mais vous le reconnaissez, Monsieur le ministre, ce qui témoigne de votre sincérité – l’existence d’impasses. Il est difficile de dire que l’on maîtrise la dépense sans même prévoir celle correspondant à la réforme du RSA ; difficile également de présenter des hypothèses sur la sécurité sociale sans chercher à évaluer ce que coûtera la couverture du cinquième risque. Et il est difficile de suivre votre raisonnement quand on sait que le Président de la République a pris beaucoup d’engagements, notamment sur l’impôt forfaitaire annuel, sur la taxe professionnelle, sur l’abaissement de la TVA pour la restauration, sans parler des mesures liées au Grenelle de l’environnement : comment tenir la promesse d’un retour à l’équilibre en 2012 ?

D’ailleurs, avec la réduction du déficit que vous annoncez – de 0,5 point par an à partir de 2009 –, le compte n’y est pas, et vous l’avez vous-même reconnu, tout en espérant une conjoncture plus favorable. Je la souhaite avec vous, mais l’impasse que vous faites sur quelques réalités me conduit à demeurer sceptique…

J’insiste de nouveau sur la nécessité de protéger les recettes fiscales. En visite récemment en Allemagne avec Gilles Carrez, nous avons été tous deux impressionnés par la volonté des Allemands de remettre en question les dépenses fiscales qu’ils considèrent comme des quasi-dépenses, occasionnant de surcroît des effets d’aubaine qui conduisent à un gaspillage d’argent public. Vous avez une fois de plus, Monsieur le ministre, affirmé votre volonté de maîtriser la dépense fiscale, mais je me demande bien comment cela se pourra concrètement, vu les annonces faites par ailleurs par le Président de la République et certains ministres.

Un mot sur la sécurité sociale. Votre proposition de financer le transfert de la dette sociale à la CADES par une fraction des recettes de CSG affectée au FSV n’est pas une bonne solution. En effet, cette mesure, purement conjoncturelle, menace le Fonds de réserve des retraites qui aura, on le sait, besoin d’argent pour que soit préservé notre régime de retraite par répartition.

Je terminerai par les collectivités territoriales. La Cour des comptes le souligne elle-même, les collectivités ont une structure financière beaucoup plus saine que l’État…

M. Michel Sapin – Mais l’État est en train de les étrangler.

M. Didier Migaud, président de la commission Elles s’endettent pour financer leurs investissements, ce qui est très différent de l’État qui trop souvent recourt à l’emprunt pour financer ses dépenses de fonctionnement. En dépit de ce besoin de financement, le poids de la dette des collectivités a plutôt diminué, ne représentant plus que 11,2 % de l’endettement total contre 11,6 % il y a peu encore. Preuve, s’il en était besoin, que les collectivités ne sont pas aussi irresponsables que cela, même s’il existe des marges de progression, notamment par le biais d’une clarification indispensable des compétences.

Je n’ai à être ni optimiste, ni pessimiste, simplement réaliste. Et ce réalisme me conduit à douter de notre capacité à respecter nos engagements de retour à l’équilibre en 2011 pour la sécurité sociale et en 2012 pour le budget de l’État (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances – Rarement un débat d’orientation budgétaire aura été aussi important que celui-ci. L’exercice 2008 est marqué par une pause dans la réduction du déficit engagée depuis plusieurs années, afin de relancer la croissance, l’emploi et le pouvoir d’achat. Les mesures prises à cet effet ont porté leurs fruits, et ce dès 2007, avec 2,2 % de croissance et plus de 300 000 emplois créés dans le secteur marchand. Le début de l’année 2008 a également été très satisfaisant, grâce aux mesures prises dès juillet dernier dans la loi TEPA.

Mais la conjoncture internationale est très difficile, ce qui nous a conduits à ramener nos prévisions de croissance pour 2008, initialement comprises entre 2 % et 2,5 %, dans une fourchette de 1,7 % à 2 %. Tout le problème pour 2009 sera d’éviter qu’après la pause dans la réduction du déficit observée en 2008, les déficits ne s’accroissent du fait de la conjoncture. Il nous faudra donc consentir un effort particulier de rétablissement de nos comptes pour tenir notre engagement de revenir à l’équilibre en 2012.

À un contexte international morose s’ajoute la flambée du prix des carburants, qui rogne le pouvoir d’achat des ménages mais pèse également sur le budget de l’État. Si au cours des premiers mois de 2008, l’augmentation des recettes de TVA sur les produits pétroliers a été supérieure à la baisse des recettes de TIPP, cela ne va pas durer et, fin 2008, force devrait être de constater qu’il n’y a aucun gain.

L’autre problème, vous l’avez souligné, Monsieur le ministre, est l’inflation, laquelle détériore les comptes de l’État. En 2009, pour les seules dépenses indexées sur l’inflation, ce sont de deux milliards et demi à trois milliards d’euros de dépenses supplémentaires qui seront automatiquement enregistrés. Et de juillet 2007 à juillet 2008, sur la seule partie de la dette indexée, le coût supplémentaire atteint un milliard et demi d’euros.

Dans le même temps, des risques importants pèsent sur les recettes. En 2007, pour la deuxième année consécutive, le produit des recettes fiscales a stagné en valeur courante. Cela s’explique notamment par l’ampleur des dépenses fiscales – je pense notamment à celles liées au développement durable. Pour 2008, je nourris certaines inquiétudes. La première concerne le produit de l’impôt sur les sociétés, désormais calculé sur la base du résultat de l’année. En effet, le secteur des banques et assurances, qui en procure à lui seul 24 %, n’aura dégagé que 27 milliards d’euros de bénéfices contre 34 milliards l’année précédente. Nous risquons donc de mauvaises surprises. Il semblerait que, sur l’ensemble des recettes fiscales, le manque à gagner soit de trois à cinq milliards d’euros par rapport aux prévisions – phénomène tout à fait nouveau, qui ne s’était pas produit depuis 2003.

La réserve de précaution de six milliards d’euros, dont la moitié seulement est vraiment disponible pour des annulations, ne pourra, compte tenu de la recrudescence de l’inflation, que permettre des redéploiements au sein des dépenses pour tenir la norme fixée. Autrement dit, nous ne pourrons pas annuler de dépenses pour combler le manque à gagner de recettes. Si nous devions enregistrer une moins-value de recettes fiscales, le déficit 2008 s’en trouverait donc automatiquement accru.

Alors même que nos recettes sont extrêmement fragiles, je suis vraiment ennuyé que nous disposions de si peu d’éléments. Ainsi, le rapport du Gouvernement ne fournit aucune donnée précise sur l’exécution des recettes en 2008. Je n’ai pas pu obtenir le détail du coût des mesures fiscales votées dans la dernière loi de finances et dans le dernier collectif. Nous ne disposons non plus dans ce rapport d’aucun scénario quant à la façon dont évoluera la structure des prélèvements obligatoires au cours des prochaines années.

Avec la création d’un ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique, une grande cohérence a été donnée à l’action du Gouvernement dans le domaine financier. Si l’on y voit plus clair s’agissant des dépenses, je souhaite, pour ma part, que vous puissiez également y voir plus clair et participer aux décisions en matière de recettes. En effet, un déficit n’est rien d’autre qu’un écart entre des dépenses et des recettes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine). Merci, chers collègues, d’applaudir cette percée conceptuelle… (Sourires)

Pour ce qui est des dépenses, la marge de manœuvre qu’autorise l’évolution des dépenses de l’État au rythme de l’inflation varie, selon l’hypothèse d’inflation retenue, de 5,5 à 7 milliards d’euros. Mais elle devrait être immédiatement absorbée du fait de la progression mécanique des intérêts de la dette de 1,5 à 2,5 milliards d’euros – 2,7 milliards dès 2009 –, de celle des charges de pension qui devrait être de 2 à 2,5 milliards par an en moyenne – 2,4 milliards en 2009, et enfin de celle des prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales et de l’Union européenne – 1,5 milliard environ par an. On le voit, pour la seule année 2009, ces trois postes absorbent la totalité des marges de manœuvre. Nous serons donc devant des choix extrêmement difficiles pour les autres postes de dépenses.

L’ensemble des dépenses publiques – État, collectivités, sécurité sociale – qui représentent quelque mille milliards d’euros, soit 53 % du PIB, ont augmenté en volume de 2,2 % ces dernières années, soit de quarante milliards par an. Or, il faudrait, le ministre l’a dit, qu’elles n’augmentent pas de plus de trente milliards par an, ce qui devrait conduire à cantonner leur progression à un point seulement de plus que l’inflation. Tous les autres pays européens y sont parvenus. Il nous faut donc être plus rigoureux. Et je pense à un sujet cher à Michel Bouvard, celui des opérateurs de l’État. Il faut absolument que ceux-ci soient logés à la même enseigne que l’État, pour leurs dépenses comme pour leurs effectifs.

M. Michel Bouvard – Très bien !

M. Gilles Carrez, rapporteur général – J’en viens aux collectivités territoriales. Le concours financier que l’État leur apporte doit progresser au même rythme que celui de sa dépense, c’est-à-dire au rythme de l’inflation. À raison d’une hausse de 2 % par an pour 2008 et 2009, il augmentera de 1,1 milliard.

M. Michel Vergnier – Vous tronquez la réalité !

M. Gilles Carrez, rapporteur général – Cependant, rappelons que l’État prend à sa charge deux à trois milliards d’exonérations de taxe professionnelle et de taxe d’habitation.

M. Michel Sapin – Les collectivités n’en verront pas la couleur !

M. Gilles Carrez, rapporteur général – Ainsi, l’effort global que l’État consent en faveur des collectivités territoriales dépasse largement la seule augmentation susmentionnée.

M. Jean-Pierre Balligand – Cette politique est absurde !

M. Gilles Carrez, rapporteur général – Dans ces conditions, la rénovation de la fiscalité locale est plus que jamais nécessaire, faute de quoi les dotations de l’État ne pourront pas être maintenues au niveau de l’inflation.

M. Bernard Derosier – Incantations !

M. Gilles Carrez, rapporteur général – M. Bur a rendu un excellent rapport sur les finances sociales – un domaine dans lequel l’effort doit être reproduit. À l’automne, il faudra élargir la révision générale des politiques publiques aux dépenses d’intervention sociale – solidarité, famille et santé. Si l’essentiel des 330 mesures adoptées en conseil de modernisation concourent à atteindre l’objectif de non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux dans la fonction publique, précisons toutefois que leur seul effet, pour indispensable qu’il soit, sera la stabilisation de la masse salariale – soit 90 milliards environ. Aucune dépense nouvelle ne saurait être financée par ce moyen. Il faudra donc étendre le champ de la RGPP. En effet, l’intervention publique en matière de prestations sociales constitue la dépense de l’État la plus dynamique. Dès lors, le revenu de solidarité active ne pourra être financé autrement que par un redéploiement de crédits.

Ensuite, la révision générale des prélèvements obligatoires ne doit avoir pour objectif que la sécurisation des recettes de l’État. Songez que la hausse, ces dernières années, de la dépense liée aux niches fiscales est équivalente au montant de notre marge de manœuvre, soit cinq milliards environ ! Cela doit cesser.

Je sais gré au ministre de s’être prononcé pour un objectif pluriannuel de dépense fiscale. De même dans le cadre de la révision constitutionnelle, il s’est mobilisé pour nous permettre de débattre dès l’automne d’une loi de programmation des finances publiques, comme nous le réclamons depuis plusieurs années.

M. Jérôme Chartier – Voilà une raison supplémentaire de voter en faveur de cette révision !

M. Gilles Carrez, rapporteur général – C’est en effet la seule manière de baliser le chemin du retour à l’équilibre.

Nous sommes à la croisée des chemins. Tous nos partenaires européens ont entrepris le redressement de leurs finances publiques. L’Allemagne, qui souffrait d’une situation plus grave encore que la France entre 2000 et 2004, est parvenu à rééquilibrer son budget fédéral en 2007 et, en 2008 et 2009, s’accorde un déficit ne dépassant pas dix milliards. Nous en sommes loin ! Nos voisins le savent bien : c’est parce que la situation économique est difficile que nous devons nous astreindre à équilibrer nos comptes ! La France ne peut plus être le seul pays d’Europe à connaître un déficit proche de 3 % du PIB, qui nourrit l’inquiétude de nos concitoyens – comme en témoigne le succès inattendu des départs en retraite anticipée après une carrière longue.

Sachez, Monsieur le ministre, que vous pouvez compter sur notre soutien sans faille pour atteindre l’objectif du retour à l’équilibre d’ici la fin de la législature ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP du groupe NC)

M. Yves Bur, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales – La crise financière et énergétique a singulièrement dégradé le contexte économique mondial. Ce nouveau contexte, imprévisible il y a peu, justifie – si besoin en était encore – les courageuses réformes que le Gouvernement a engagées à marche forcée. Depuis trop longtemps, un consensus mou entretenait l’illusion que de nouveaux dispositifs sociaux ou fiscaux suffiraient à maintenir une prétendue égalité des chances et qu’il fallait, au nom de la préservation du service public, retarder toujours davantage des réformes pourtant indispensables. Le temps du réalisme est venu ; la politique de l’autruche doit cesser.

M. Michel Vergnier – Six ans !

M. Yves Bur, rapporteur – Ce débat est l’occasion pour nous de tracer la voie qu’il nous faudra emprunter pour combler le gouffre de la dette et du déficit qu’ont creusé les politiques menées depuis vingt ans à coups de bons sentiments. À cet égard, je salue le volontarisme tranquille et déterminé de M. le ministre, face aux implacables contraintes de la dette et de la démographie.

Le déficit du régime général, de l’ordre de 8,9 milliards, demeure stable mais préoccupant. Il illustre l’impact croissant du vieillissement de la population sur les finances sociales – impact d’autant plus grand que nous ne nous y sommes pas préparés. Ainsi, le déficit cumulé des branches maladie et vieillesse augmenterait de 9,7 milliards en 2008 à 40 milliards en 2011 et même 49,4 milliards en 2012 – à quoi s’ajoute celui du FFIPSA, qui pourrait atteindre 20 milliards à la même date. En outre, ces prévisions reposent sur des hypothèses de croissance du PIB et de l’ONDAM très optimistes. La dette accumulée ne sera remboursée qu’en 2021 : il est urgent d’agir sur les recettes comme sur les dépenses pour ne pas faire porter aux générations futures la charge de ces déficits !

Pour y parvenir, je proposerai plusieurs pistes. L’instauration d’un moratoire pour toute création de niche sociale jusqu’à la fin de la législature, tout d’abord : il ne se passe pas un mois sans qu’une nouvelle proposition d’exonération soit annoncée à un quelconque niveau de l’exécutif. Or, toute mesure de ce type doit être financée par une économie à due concurrence. Comment les Français peuvent-ils accepter de financer 850 millions d’économies via les franchises médicales, ou l’hôpital public le refus d’une dotation complémentaire de 800 millions, alors que le Gouvernement, dans le même temps, s’apprête à concéder une baisse de la TVA pour la restauration dont le coût atteindra deux ou trois milliards ? En somme, un tel moratoire permettrait de mieux faire accepter des réformes exigeantes.

M. Gilles Carrez, rapporteur général – Très juste !

M. Yves Bur, rapporteur pour avis – Autre proposition : engager sans tarder une évaluation approfondie de chacune des exonérations ciblées, dont la mission que j’ai eu le plaisir de rapporter a révélé qu’elles étaient inefficaces au regard de l’emploi, malgré leur coût de sept milliards. On n’améliore que ce que l’on peut mesurer. J’ai d’ailleurs noté l’intérêt que M. le ministre porte à la boîte à outils que j’ai constituée concernant l’évolution des exonérations sociales.

Ma troisième proposition porte sur l’ONDAM. Aujourd’hui encore, les dépassements d’objectifs en fin d’année ne sont jamais sanctionnés. Je suggère d’abaisser le seuil de déclenchement du comité d’alerte – de 0,75 % des dépenses, soit environ 1,1 milliard pour cette année. En outre, il faut déceler tout écart au plus vite afin de prendre des mesures correctrices dans les meilleurs délais.

Quatrièmement, il faut rappeler à l’hôpital public que l’équilibre budgétaire est une nécessité. Au bénéfice de la bienveillance des gouvernements successifs, les hôpitaux publics n’ont que trop tardé à prendre les mesures qu’impose le passage à la T2A. Malgré les abondements annuels, ils ont perdu de lucratives parts de marché au profit du secteur privé. Certes, le déficit annoncé de 800 millions est dû, pour partie, au redéploiement de 20 000 postes, mais faut-il rappeler que la T2A a été instaurée en 2003 et que 7 000 postes supplémentaires étaient encore créés en 2006, pour un total de 914 000 postes ?

En outre, selon les prévisions du directeur de l’UNCAM pour 2009, les écarts entre les prix acquittés par l'assurance maladie pour des séjours comparables demeurent très élevés au sein du secteur privé comme du secteur public – anciennement sous dotation globale.

Ces quelques observations témoignent de l'ampleur des défis que nous devrons relever pour parvenir enfin à l'équilibre des finances publiques en clarifiant davantage les relations financières entre l'État et la Sécurité sociale ; mais nous vous savons déterminé, Monsieur le ministre, à parvenir à une juste budgétisation des dépenses de l'État compensant les dispositifs gérés par la Sécurité sociale.

Le défi financier concerne également la branche vieillesse, qui devra mobiliser des ressources considérables – près de 40 milliards à l'horizon 2011 –, en particulier grâce à l'emploi des seniors ; or notre économie a pris la mauvaise habitude, favorisée là encore par la bienveillance des responsables politiques, d’écarter les salariés les plus âgés.

Nous devrons veiller à une répartition des ressources adaptée aux besoins de chaque branche, en préservant d'abord les ressources dédiées à la sphère sociale et en exigeant des transferts de ressources entre chômage et retraite, ainsi que de la branche famille – dont l'excédent ne fera que croître – vers le financement des avantages familiaux en matière de retraite.

Enfin, nous avons noté votre intention d'apurer les dettes accumulées par les branches déficitaires et le FFIPSA en les transférant à la CADES – qui devra se voir garantir, en contrepartie, des recettes pérennes et stables, afin de conserver sa bonne signature et de bénéficier ainsi des meilleures conditions sur le marché financier. Le retour rapide du FSV à l’excédent – de plus d'un milliard d'euros – sera essentiel au dispositif.

Cette tâche considérable – autant que notre responsabilité devant les générations futures – exige volonté, courage et constance dans l’ardeur à réformer – autant de qualités que nous vous reconnaissons, Monsieur le ministre, et dont vous aurez besoin pour tenir le cap exigeant mais salutaire de la réforme.

Il y a un an, l'Académie des sciences morales et politiques publiait un ouvrage dont le titre était un cri d'alarme : « La France prépare mal l'avenir de sa jeunesse ! » En réinsufflant à nos finances publiques une dynamique fondée sur l’effort, la cohérence et l’équité sociale, nous permettrons aux Français de se projeter à nouveau dans l’avenir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Éric Woerth, ministre du budget – Monsieur le président de la commission des finances, je n’ai jamais nié la situation de nos finances publiques, dont vous avez dressé le bilan et rappelé l’origine.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances Je l’ai dit.

M. Éric Woerth, ministre du budget – En effet. Le diagnostic est clair ; sans en attribuer la responsabilité aux uns plutôt qu’aux autres, je constate que nous n’avons pas mis à profit la croissance dont nous avons bénéficié par le passé pour réduire le déficit grâce à des réformes structurelles. C’est pourtant lorsque le temps est au beau qu’il faut réparer le bateau, et non lorsque la mer est déchaînée au point que l’on hésite à quitter le port ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP) Cette situation confronte les responsables politiques à un défi que nous avons décidé de relever.

Afin d’y remédier, il faut naturellement maîtriser la dépense ; à cet égard, le budget pluriannuel constitue un outil de pilotage précieux – vous l’avez dit, rejoint par M. Carrez. Il a été délicat de le faire accepter aux ministres, réticents à publier les résultats de réformes en cours, dont ils auraient préféré reporter la diffusion à 2010 ou 2011 ; mais nous avons voulu faire œuvre de transparence par cet instrument contraignant, amené à intégrer une partie des réformes en préparation, et qui s’améliorera avec le temps.

Le volet des recettes n’est traditionnellement évoqué qu’après celui des dépenses. Sur ce point, nous devrons évoluer, comme nous y incitent les parlementaires, et préparer au même rythme ces deux volets constitutifs du budget – comme l’a rappelé le rapporteur général. J’espère donc que, l’année prochaine, nous serons plus avancés sur la partie recettes à ce moment de l’année. Quoi qu’il en soit, nous nous employons actuellement, et jusqu’au début du mois de septembre, à l’affiner, avant des arbitrages et des débats décisifs – en particulier au Parlement, où elle fait l’objet de nombreux amendements.

La nécessité de préserver nos ressources fiscales, soulignée à juste titre par MM. Carrez et Migaud, constitue naturellement un impératif. D’autres pays sont du reste parvenus à redresser leurs finances publiques sans entamer ces ressources. D’où la nécessité de réexaminer les niches fiscales, même si elles sont essentielles, car incitatives – on le verra notamment en matière d’environnement. Je veillerai donc au maintien des recettes fiscales. En matière de croissance, nous avons déjà fait beaucoup, avec un certain succès ; je sais que vous ne partagez pas ce point de vue, mais 0,65 % supplémentaires ne sont pas négligeables, même si, par souci de lucidité et de réalisme, nous nous montrons prudents dans nos prévisions – d’autant qu’elles portent sur une période de trois ans.

J’ai clairement indiqué que le budget n’intègre pas le RSA – comment le pourrait-il alors que le Gouvernement n’en a pas encore précisé les modalités d’application, que le Parlement ne les a donc pas examinées et que la loi n’a pas été votée ? Une fois l’arbitrage politique rendu, nous l’ajouterons au budget, en dépenses, mais aussi en recettes.

S’agissant des niches fiscales, sur lesquelles je me suis également exprimé clairement, je suis très favorable, Monsieur Bur, à l’objectif national de dépenses fiscales et sociales, qui fait partie des outils de pilotage dont le Parlement s’est progressivement doté, souvent grâce à un dialogue avec le Gouvernement, afin d’éviter les « points de fuite ».

Quant à la dette sociale – qui obère lourdement nos finances publiques, comme l’ont rappelé MM. Bur et Migaud, se faisant l’écho d’une préoccupation largement partagée –, nous proposons de la rembourser par l’intermédiaire du FSV, plutôt que par le Fonds de réserve des retraites – solution que nous avons écartée en accord avec les partenaires sociaux – ou par l’augmentation de la CSG et de la CRDS, incompatible avec les positions de la majorité sur le pouvoir d’achat. Il est logique que l’excédent que la bonne tenue de l’emploi assure au FSV serve à la CADES de source de financement supplémentaire. Cela permettra de transférer à cette dernière la dette, actuellement logée à l’ACOSS, et de réduire les frais financiers – près d’1,5 milliard – qui pèsent sur le régime général, Monsieur Bur. Étant donné le déficit et la difficulté à financer la dette existante, il serait paradoxal que l’excédent du FSV serve de source de financement supplémentaire au FRR – dont nous préservons bien entendu le financement. Les taux des prélèvements seront précisés au cours de l’été.

Par ailleurs, s’agissant des collectivités locales, je me refuse à stigmatiser qui que ce soit ; pourquoi, en effet, les opposer à l’État, alors que le contribuable, l’assuré social, les déficits pesant sur nos enfants sont les mêmes ? Conscient des difficultés qu’elles rencontrent, le maire que je suis – comme la plupart d’entre vous – se refuse à les considérer comme un îlot dans l’océan des finances publiques. Leur marge d’autofinancement permet ou non de limiter leur besoin de financement, c’est-à-dire l’appel à l’emprunt. La situation économique et financière ayant changé, nous devrons progressivement réguler les rapports entre État et collectivités, que séparent désormais plus de 55 milliards, sans compter les impôts affectés. Le Premier ministre et moi-même avons le courage de vouloir définir de nouvelles règles de financement et de fonctionnement – sans mettre en péril le financement des collectivités – et d’en débattre ici frontalement, et non au détour d’un amendement. On ne peut prétendre réduire la dépense en se privant de 55 milliards !

J’ai noté l’inquiétude de M. Carrez sur les recettes ; je le lui ai dit, elles ont en effet diminué par rapport à la loi de finances initiale, qu’il s’agisse de l’impôt sur les sociétés, moins fructueux qu’il ne l’a été pendant plusieurs années, ou de l’impôt sur le revenu, dont les recettes ont été, l’année dernière, quelque peu inférieures à nos prévisions. Mais, dans un contexte mondial bousculé, la consommation s’est plutôt bien portée aux premier et deuxième trimestres, notamment du fait de la limitation des prélèvements – qui devra faire l’objet d’une évaluation.

Enfin, s’agissant de la recette pétrolière, les résultats de TVA et de TIPP seront prochainement publiés. Sur ce point comme sur le reste, nous respecterons les engagements du Président de la République.

En réponse à M. Yves Bur, je voudrais souligner que l’État ne doit pas s’interdire totalement les dépenses fiscales ou sociales. Ce qui pose problème, c’est leur accumulation : on monte un escalier marche par marche, et on se retrouve bien haut ! Il faut bien sûr vérifier la justification et l’efficacité de chaque dépense, mais le Gouvernement doit garder sa liberté, tout en pilotant et en évaluant.

La révision des exonérations de charges ciblées est le sujet d’un débat difficile, que nous avons déjà tenu et que nous tiendrons encore. Pensons aux ZRR, les zones de revitalisation rurales : c’est le détail qui se révèle extrêmement complexe, lorsqu’il faut, pour chaque circonscription, pour chaque ZRR, pour chaque maison de retraite, pour chaque directeur de maison de retraite, pour chaque emploi dans cette maison de retraite, vérifier l’efficacité de la dépense. Lorsqu’on regarde les choses de très haut, nous sommes tous d’accord ; mais lorsqu’il faut expliquer les choses à chaque bénéficiaire, les yeux dans les yeux, c’est évidemment beaucoup plus difficile. C’est pourquoi ce débat ne sera réussi que si nous nous fixons des objectifs d’intérêt général. L’objectif de retour à l’équilibre des finances publiques est politique : il permettra à la France de retrouver des marges de manœuvre ; ensuite seulement, nous pourrons augmenter certaines dépenses publiques.

S’agissant de l’ONDAM, je dois vous avouer que je trouve ce système de seuil d’alerte pour le moins curieux. Si le Parlement vote un objectif, ne devrait-on pas s’inquiéter de son dépassement dès le premier euro ? L’ONDAM doit être assumé politiquement : je trouve bizarre ce no man’s land des dépenses sociales. Je pencherais plutôt pour un vote sur un objectif, et pour une action dès le premier euro de dépassement, à l’aide de stabilisateurs automatiques – car il ne faut pas faire de ce débat un débat politique. Ces mécanismes de stabilisation doivent respecter à la fois la justice, en répartissant équitablement les charges entre les différents acteurs du système de santé, et l’efficacité, en évitant les déficits et donc en préservant le caractère durable de ce système (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jérôme Chartier – Le contexte économique – cela a été dit – n’est guère favorable. Nous avons connu il y a moins d’un an une crise du crédit interbancaire ; elle se double maintenant d’une crise bancaire. De nombreux établissements de crédits sont en situation délicate, notamment aux États-Unis, mais pas seulement : en France, plusieurs directions de groupes bancaires sont déstabilisées. Les conditions d’octroi de crédit sont dès lors appelées à se tendre, ce qui aura un effet direct sur la croissance. D’autre part, l’évolution du prix des matières premières a un impact direct sur l’inflation : même si l’on constate une amélioration sur certains marchés, il n’en va pas ainsi pour l’énergie, en particulier le pétrole. L’effet sur la croissance sera là aussi direct. Bref, les conditions de préparation de la loi de finances pour 2009 ne sont guère favorables au niveau mondial.

Le budget 2009 sera largement conditionné par les promesses d’hier et par les marges de manœuvre d’aujourd’hui.

Celles-ci sont très faibles. Les pensions représentaient 21 % de l’augmentation des dépenses de l’État sur la période 2003-2007 ; aujourd’hui, elles en représentent 39 % ; il faut s’attendre à devoir servir, entre 2008 et 2011, 2,5 milliards d’euros de pensions supplémentaires chaque année. D’autre part, 6 % de l’augmentation des dépenses de l’État ont été consacrés chaque année, entre 2003 et 2007, à la charge de la dette ; la proportion est aujourd’hui de 32 %, soit, en moyenne, deux milliards d’euros – la totalité du budget de la culture et la moitié de celui du Quai d’Orsay ! Bref, ce sont au total 71 % de l’augmentation des dépenses de l’État, c’est-à-dire de nos marges de manœuvre, qui sont désormais absorbés par les pensions et la dette.

L’État se fait en outre comptable des promesses d’hier : je pense à la TVA sur la restauration. Serpent de mer de la dépense fiscale, la baisse de ce taux de 19,6 % à 5,5 % a été promise en 2002, et sera au plus tôt honorée en 2009 ou 2010. Elle représentera une diminution des recettes fiscales de 2 à 2,7 milliards d’euros. Mais il faut savoir admettre que l’État n’a plus les moyens d’un tel geste. Je comprends bien les contraintes qui pèsent aujourd’hui sur la restauration sur place, c’est pourquoi je suggère une autre solution : créons un taux de TVA intermédiaire, qui pourrait être fixé à 12,5 %, et afin de tenir notre promesse, augmentons le taux de TVA qui pèse sur la vente à emporter : ainsi, la croissance des recettes sur la vente à emporter viendrait compenser la réduction du taux de TVA sur la restauration sur place. Sans cela, nos objectifs paraissent difficilement tenables.

D’autre part, il n’est pas concevable que l’État produise des efforts alors que toutes choses resteraient égales par ailleurs : l’État ne saurait assumer seul une conjoncture dont il ne décide pas. Dès lors, il faut être réaliste, et les ressources attribuées aux collectivités territoriales ne doivent plus être indexées : elles doivent faire l’objet d’un débat.

La réduction du déficit est une priorité absolue, et la pause observée en 2008 doit prendre fin. La RGPP doit se poursuivre, et même s’amplifier. La diminution des effectifs de la fonction publique doit également se poursuivre et s’intensifier ; elle doit en outre bénéficier en totalité à la réduction du coût de l’État. En 2008, vous l’avez dit, les baisses d’effectifs ont permis de faire diminuer les dépenses de 454 millions d’euros; mais la moitié seulement de cette somme a été affectée à la réduction du déficit, l’autre moitié l’ayant été à la revalorisation du traitement des fonctionnaires. En 2009, sur un total d’un milliard, ce serait donc seulement 500 millions qui iraient à la réduction du déficit. Monsieur le ministre, au-delà de la promesse présidentielle, qui a été tenue, les conditions économiques et budgétaires particulières que nous connaissons nous obligent à un effort : il faudrait peut-être revoir ce principe de parité entre la réduction de la dette et la revalorisation des traitements des fonctionnaires.

Enfin, vous conduisez un travail très complet sur les dépenses ; mais il doit nécessairement s’accompagner d’un travail tout aussi complet sur les recettes. Lorsque le Canada a, en 1992, entrepris d’assainir ses finances publiques, il a réduit ses dépenses de 20 %, mais aussi augmenté ses recettes nettes de 6 %. Ne pourrions-nous pas suivre cet exemple et engager un débat approfondi, en nous intéressant à chacune des 486 dépenses fiscales ? La sagesse serait d’ouvrir ce débat, long, mais utile. M. Gilles Carrez a d’ailleurs souligné qu’une partie de ces dépenses fiscales sont difficiles, voire impossibles à évaluer.

M. Jean-Pierre Brard – Les heures supplémentaires, par exemple !

M. Gilles Carrez, rapporteur général – Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. Jérôme Chartier – Les heures supplémentaires, ça marche ! Mais pour en revenir aux recettes fiscales, je voudrais aussi souligner l’importance de les sécuriser, à l’intérieur de nos frontières comme dans le cadre du principe de TVA intra-communautaire : l’affaire de la fraude dite « carrousel », mentionnée en commission, nous a tous préoccupés. Les risques courus sont peut-être l’une des origines de la perte de TVA subie en 2007 par rapport aux estimations que vous nous aviez données.

Il n’y aura pas de grand soir de la justice fiscale en 2009, car la tendance n’est pas à celle-ci. Je voulais, pour ma part, revoir la question de la prise en compte de la résidence principale, dans l’ISF, mais je pense que le moment n’est pas venu, car il ne convient pas, aujourd’hui, de voter des dépenses fiscales supplémentaires ; il s’agit au contraire de trouver les moyens de les réduire. Ainsi, il faudra que la commission des finances revoie chacune des 486 dépenses fiscales que compte notre pays ; 2009 peut être l’année de la suppression des dépenses fiscales qui n’ont plus lieu d’être, même si dans chaque niche se trouve un chien, qui aboie dès que l’on s’approche… (Sourires)

Enfin, il convient de revisiter certaines exonérations, notamment pour les cotisations de charges sociales. À cet égard, je suggère, tout d’abord, de porter le plafond de 1,6 à 1,5 SMIC ; la différence sera appréciable pour le budget de l’État, tout en étant indolore sur l’embauche. De même, je propose que les exonérations soient versées, non plus à partir du SMIC, mais d’un SMIC et demi ; de cette façon, l’employeur sera incité à payer davantage ses salariés, et l’État réalisera des économies.

En conclusion, l’UMP observe que, malgré une conjoncture adverse, le Gouvernement garde le cap. Savoir garder le cap par une mer difficile, c’est ce qui fait le bon capitaine ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Michel Sapin – Alors que l’Europe, et donc la France, s’enfoncent progressivement dans la crise – chaque jour en apporte une nouvelle preuve –, l’orchestre gouvernemental continue de jouer la même musique. Ce ne sont pas les membres de l’orchestre, comme son premier violon budgétaire (Sourires), qui sont en cause. Mais le Gouvernement tient un discours inchangé, alors que tout change autour de lui. Vous conduisez un exercice 2009 en fermant les yeux à la réalité.

La France entre tout juste dans la crise, et elle le fait en mauvaise santé économique et financière. Le rapport de la Cour des comptes fait le point sur le mal français : notre pays cumule des déficits publics en augmentation en 2007, une dette qui continue à augmenter elle aussi, des dépenses publiques que vous n’êtes pas parvenus à maîtriser, en dépit des promesses, et – comble du comble ! – des prélèvements obligatoires aussi élevés qu’en 2002, malgré les baisses d’impôt que vous avez votées – il est vrai que leurs bénéficiaires ne sont pas les mêmes que ceux qui supportent l’augmentation en réaction des autres prélèvements obligatoires… Cette situation est unique en Europe, et M. Migaud a rappelé quel était le classement de la France : en queue pour la réduction des déficits, en tête pour le niveau de la dette.

Notre situation économique n’est pas meilleure. Le pouvoir d’achat est en berne. La confiance des ménages se dégrade, comme nous pouvons nous en rendre compte non seulement dans les outils statistiques, mais aussi par les discussions que nous avons avec nos concitoyens. Il en va de même pour la compétitivité : le déficit commercial, ce juge de paix de la compétitivité, ne cesse d’augmenter, annuellement, mensuellement !

La crise financière n’est pas terminée aux États-Unis et ses effets commencent à se faire sentir en France, tant sur la stabilité de nos grandes institutions financières, dont certaines entrent dans la tourmente, que sur les ménages ou les entreprises. La crise monétaire est plus rampante et moins spectaculaire, mais elle a des effets tout aussi réels en termes de disparités dans les cours des monnaies et, en Europe, en termes de taux d’intérêt. À quoi s’ajoute la crise des matières premières énergétiques, alimentaires, ou encore de celles nécessaires au secteur du bâtiment.

Alors que la crise internationale est encore en grande partie devant nous, avec – situation que pendant longtemps nous n’avons pas connue – une inflation forte et une croissance faible, la France est impuissante à la contrecarrer, car vous avez dilapidé les marges de manœuvre dont vous disposiez. Le rapporteur général a fort justement rappelé que, sur les 20 milliards de recettes supplémentaires dont vous bénéficiiez en 2007, 14 milliards ont été utilisés pour réduire les impôts ou les cotisations sociales. Avec des résultats nuls !

Cette année, vous faites face à des moins-values fiscales, c’est-à-dire, comme le même rapporteur général l’a expliqué, à une augmentation du déficit. Il ne vous reste donc plus aucune marge de manœuvre, tandis que d’autres pays ont conservé une capacité d’action vis-à-vis des deux grandes préoccupations que sont le pouvoir d’achat et la compétitivité des entreprises, sur lesquelles vous auriez pu agir, au moyen d’outils fins et bien ciblés, si vous n’aviez dilapidé les ressources par une exonération massive terriblement coûteuse pour nos finances publiques. La situation que j’ai décrite est aussi la conséquence des décisions que vous avez prises.

Il faudrait donc un changement de ton, un changement de politique. Il faudrait le courage de dire la vérité aux Français et à nos partenaires européens, particulièrement au moment où la France assume la présidence de l’Union. Mais vous pratiquez la fuite en avant, préférant répéter la même litanie, vous créant un refuge dans le discours du Gouvernement sur lui-même, discours auquel, pourtant, plus personne ne croit, pas même vous. Alors qu’il aurait fallu la vérité, il vous reste l’habileté, et lorsque celle-ci vient à faire défaut, la banalisation ou la dissimulation, et vous repassez le mistigri aux collectivités locales – d’autres collègues en parleront.

Tel est le constat du groupe socialiste, et il ne s’agit pas de notre part d’une volonté de nuire. Nous ne souhaitons pas « pinailler » sur les chiffres, même si nous voyons la ministre de l’économie jubiler quand est publié un résultat meilleur que le pire auquel on pouvait s’attendre, et alors qu’une cascade d’autres résultats, mauvais ceux-là, tombe aussitôt. La situation de la France est celle que j’ai décrite. Les mesures que vous devez prendre sont d’une autre nature que celles que vous avez annoncées. Je sais que c’est difficile, particulièrement quand on est au cœur des contradictions, comme vous l’êtes, Monsieur le ministre, dans vos fonctions. Mais il est un moment où il faut savoir être maître des contradictions, en étant au cœur de la vérité (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. François de Rugy – Monsieur le ministre, je suis étonné par votre comportement. Envers et contre tout, vous continuez de tenir le même discours, alors que la situation économique et financière de la France n’a cessé de se détériorer depuis que votre majorité est arrivée au pouvoir, il y a un an. Vous continuez à dire que votre politique vise à assainir les finances publiques. Vous restez imperturbable dans la méthode Coué et la langue de bois.

Ainsi, vous avez parlé de ceux qui veulent « vraiment » assainir les finances publiques. Comme si l'Assemblée nationale était responsable de cette situation ! Ce n’est pas l’Assemblée qui a imaginé cette monstruosité économique et financière qu’est le « paquet fiscal », mais l’Élysée.

À qui vous adressiez-vous donc ? À vos collègues du Gouvernement ? Au Président de la République ?

Et vous ne pouvez pas accuser non plus les députés de l’opposition ! Bien entendu, nous avons voté contre le paquet fiscal, qui a privé l’État de 15 milliards de recettes. Non seulement nous nous y sommes opposés, mais nous avons aussi refusé de céder à la tentation d’une surenchère facile dans la voie de la baisse des impôts. Les 15 milliards que vous avez gaspillés auraient été les bienvenus dans le budget des ménages, notamment pour les classes moyennes qui sont les grandes oubliées de la politique menée depuis un an.

Le débat d’aujourd’hui vient à point nommé pour dresser un premier bilan des mesures votées l’été dernier. Lorsque nous les critiquions, vous nous reprochiez de voir tout en noir et d’être des oiseaux de mauvais augure. Que disions-nous simplement ? Que le paquet fiscal était aussi injuste qu’il serait inefficace. Les premières données fournies par vos services ne disent pas autre chose : pour ne prendre qu’un exemple, le bouclier fiscal n’a profité qu’à quelques dizaines de milliers de contribuables parmi les plus fortunés. Eux vont recevoir un gros chèque !

Lorsque nous vous disions que la France n’échapperait pas aux effets de la crise financière américaine, vous nous accusiez d’être pessimistes à l’excès. Et il en fut de même pour nos avertissements sur la hausse du déficit public, la dérive de celui du commerce extérieur ou l’augmentation des taux d’intérêt. Nous avions même osé dire que la prévision d’un baril de pétrole à 70 dollars pour 2008 était intenable : nous en sommes déjà au double à la moitié de l’année ! Mais vous récidivez pour 2009, en tablant sur un baril à 125 dollars ; à ce stade, ce n’est plus la méthode Coué mais un comportement irresponsable. Dans ce domaine, nous attendons toujours les mesures concrètes qui permettraient aux Français de ne plus subir l’envolée des prix. Las, vous ne proposez aucune mesure structurelle sur ce front. Vous n’avez rien trouvé de mieux que la fuite en avant de ce que vous appelez la « prime à la cuve », ce qui ne règlera rien à moyen et long termes pour les ménages, qu’ils se chauffent au fioul, au gaz ou à l’électricité.

Dans plusieurs autres domaines, nous étions même en dessous de la réalité. Nous n’avions pas osé imaginer une inflation à 3 %. Nous n’avions pas osé imaginer que se combine aux difficultés liées à la baisse de l’activité économique une hausse des prix aussi vertigineuse. Nous n’avions pas osé imaginer que des pertes de recettes de 3 à 5 milliards viendraient s’ajouter au paquet fiscal, comme vous en avez fait l’aveu devant notre commission des finances il y a quelques jours.

Peut-être allez-vous me reprocher une nouvelle fois de tenir un discours d’opposant politique ? Je me permettrai alors de vous renvoyer à la lecture de l’édition d’aujourd’hui des Échos. Voyez les courbes : toutes sont orientées à la hausse, fors celle du moral des ménages ! Quant aux indicateurs, tous sont au rouge : l’inflation a été multipliée par deux, le baril a doublé, le pouvoir d’achat stagne, la consommation cale, le chômage a cessé de baisser, la confiance des ménages s’effondre, le marché immobilier se retourne, la croissance ralentit et l’euro poursuit son envolée, au détriment même de nos importations. Telle est l’analyse de ce journal sérieux, dont personne ne peut croire qu’il soit à la solde de l’opposition ! Quelles mesures comptez-vous prendre pour redresser la barre ? Allez-vous enfin renoncer à tenir un discours « hors-sol » qui fuit la réalité ?

Monsieur le ministre, lors d’une séance de questions au Gouvernement, j’ai interrogé Mme Lagarde sur les niches fiscales dont vous avez parlé tout à l’heure. Non contente de ne me donner en réponse aucun élément précis, votre collègue avait pointé du doigt un certain nombre de crédits ou de réductions d’impôt, tels ceux liés aux économies d’énergie – dont M. Carrez ne manque jamais de dénoncer le coût – ou à l’emploi d’un salarié à domicile. Pourtant, il faut plutôt se féliciter que les particuliers agissent en ces domaines car l’État, lui, ne propose rien !

Tout à l’heure encore, vous n’avez rien dit des niches fiscales qui ne profitent qu’à quelques-uns tout en coûtant très cher. Au-delà du bouclier fiscal, je pense à certains investissements immobiliers en outre-mer particulièrement avantageux.

Monsieur le ministre, vous venez de tenir des propos inquiétants sur le revenu de solidarité active. Vous avez en effet déclaré qu’il était normal qu’il ne figure pas dans les prévisions budgétaires dans la mesure où il n’a pas encore été voté. Comme nous n’avons plus guère d’illusion sur votre respect pour le travail législatif, nous arrivons à un constat simple : soit vous n’allez pas le faire, et autant le dire tout de suite – et l’on sait d’ailleurs que cela correspond sans doute à votre inclination personnelle comme à celle de nombreux responsables de l’UMP, certains ayant lancé une offensive pour affirmer que le RSA n’était pas conforme à votre idéologie –, soit vous allez le financer en supprimant la prime pour l’emploi, au détriment des classes moyennes. Une fois encore, ce ne sont pas les plus hauts revenus qui paieront !

Alors que le contexte économique d’ensemble est très mauvais et qu’une crise alimentaire se profile, la Banque centrale européenne ne trouve rien de mieux à faire que de relever ses taux d’intérêt, par peur de l’inflation alors que c’est la récession qui guette. Face à tous ces problèmes, les mesures que vous proposez, c’est un emplâtre sur une jambe de bois !

Nous venons d’entendre la proposition que vient de tenter de formuler M. Chartier au sujet de la TVA dans la restauration. En effet, le Président de la République n’a rien trouvé de mieux que de relancer le débat sur cette vieille promesse dont chacun sait qu’elle est intenable. Pour lui rendre service, M. Chartier propose d’appliquer une TVA à 12,5 % – et non plus à 5,5% – en augmentant celle qui concerne les ventes à emporter. Aux mangeurs de sandwiches de payer vos promesses inconsidérées ! Vous conviendrez que voilà une étrange conception de la justice fiscale.

Pour notre part, nous n’avons pas peur de faire des propositions beaucoup plus claires. Pourquoi ne pas abroger le bouclier fiscal pour renflouer les caisses de l’État ? À l’issue d’une année d’application, force est d’admettre que, contrairement aux promesses de Mme Lagarde, les gros revenus qui s’étaient expatriés ne sont pas revenus ! Par contre, ceux qui ont eu la sagesse de rester en France ont bénéficié d’un chèque-cadeau de plusieurs dizaines de milliers d’euros en moyenne.

La suppression du bouclier fiscal rapporterait plus que celle des 30 000 postes de fonctionnaires qui a déjà été décidée. Nous n’avons pas été destinataires d’une évaluation précise à ce sujet, mais l’on parle généralement de 500 millions en rythme annuel, soit quasiment deux fois moins que le seul bouclier fiscal. Et en n’évoquant que celui-ci, je veille, Monsieur le ministre, à ne pas m’exposer à votre reproche de tout mélanger dans le paquet fiscal.

Pourquoi ne pas augmenter la TVA sur les produits les plus polluants ? Personne ne vous le reprocherait et cela serait enfin cohérent avec les engagements – toujours non tenus – du Grenelle de l’environnement. Plutôt que de baisser le bonus sur les véhicules les moins polluants, pourquoi ne pas augmenter le malus ? Plutôt que de poursuivre la chimère de la baisse de la TVA sur la restauration, pourquoi ne pas se battre à l’échelle européenne pour l’augmenter sur les produits importés de pays qui ne font aucun effort pour lutter contre l’effet de serre ? Personne ne vous le reprocherait ! Ce sont-là des mesures proposées par la fondation Nicolas Hulot, qui ne s’est pas distinguée au cours du Grenelle par des positions extrémistes.

Las, en matière de protection de l’environnement vous n’avancez pas plus vite que dans les autres domaines. Lors du dernier G8, le Président de la République a déclaré que les nouvelles grandes puissances émergentes ne devaient plus se soustraire à leurs responsabilités. Il est temps de passer à l’acte ! On ne peut continuer à se payer de mots.

J’en viens à votre politique en matière de dépenses. J’ai bien noté que votre discours se concentrait sur ce terrain, sans doute parce que vous n’êtes guère crédible en matière de recettes. Au reste, qu’auriez-vous à dire à ce sujet sinon qu’elles vont continuer à se dégrader, ce qui n’est tout de même pas le signe d’une bonne gestion ? C’est pour le moins regrettable, lorsqu’on est aussi le ministre des comptes publics.

Le sentiment que nous avions il y a un an s’est malheureusement vérifié : vous creusez des trous en distribuant des cadeaux fiscaux injustes et irresponsables ; puis vous constatez – sans dire le mot – qu’une politique d’austérité est inévitable. Il n’y aurait pourtant pas de mal à parler de rigueur ou d’austérité si l’effort était justement réparti. Par un tour de passe-passe rhétorique, vous rendez les services publics – voire les fonctionnaires ! – et les collectivités locales responsables de l’aggravation des déficits.

Alors que vous pointez du doigt les collectivités, vous continuez de vous décharger sur elles de certaines de vos responsabilités. Nous y reviendrons cet après-midi avec cette funeste affaire du service minimum dans les écoles. Avec vous, le calcul politicien n’est jamais loin : après avoir dénoncé le caractère dépensier des collectivités, vous voulez les contraindre à amoindrir la qualité du service rendu aux administrés ou à augmenter les impôts locaux. Vous devriez, au contraire, saluer le dynamisme des collectivités locales. Ce sont leurs investissements qui créent de l’activité et de nouvelles ressources : à la différence de l’État, elles sont entrées dans un cycle vertueux auquel vous devriez rendre hommage.

Le temps me manque pour parler du cercle vicieux du sous-financement et du sous-investissement à l’hôpital public, qui se traduit par une fuite vers les cliniques privées. Je n’ai pas le temps de répondre à M. Bur, mais il y aurait beaucoup à dire !

Monsieur le ministre, nous ne pouvons que vous inviter à faire enfin des choix clairs, justes pour ce qui concerne les recettes et ne conduisant pas les Français à payer deux fois la facture, en ayant moins de services publics et plus d’impôts !

La séance, suspendue à midi, est reprise à midi 10.

M. Charles de Courson – Un débat d’orientation budgétaire doit servir à deux choses : tout d’abord, à porter un diagnostic sur la situation économique et sociale du pays ; ensuite, à préconiser, en matière de finances publiques, des mesures adaptées à ce diagnostic.

Le diagnostic que l’on peut faire de la situation économique et sociale française est simple : l’accumulation des crises risque de se traduire au mieux par un ralentissement, au pire par une récession ; la France en affronte trois avec certains atouts, et trois autres avec des faiblesses.

La première crise face à laquelle nous sommes plutôt moins mal placés que les autres est la crise immobilière.

En France, les mises en chantier ont chuté de 21 % et les permis de construire de 20 % en mars, avril et mai 2008, par rapport à la même période de 2007 ; les ventes des programmes des promoteurs ont baissé de 28 % au premier trimestre 2008 par rapport au premier trimestre 2007. En outre, la remontée des taux d’intérêt accentue le phénomène – et une baisse du taux de la Banque centrale européenne ne se traduirait pas par une baisse des taux de crédit car la situation des banques est telle qu’elles ont besoin de reconstituer des marges – : une hausse d’un point des taux d’intérêt sur les crédits immobiliers entraîne une chute de 20 % du marché.

Cependant la France résiste plutôt mieux que d’autres : la chute de la construction est de 50 % aux États-Unis, de 40 % en Espagne, en Grande-Bretagne et en Irlande. Si nous résistons mieux, c’est en raison de notre taux d’épargne élevé – entre 16 et 17 % –, d’une moindre hausse des prix de l’immobilier et de la mesure sur les intérêts d’emprunts prise dans la loi TEPA.

La deuxième crise, c’est la crise énergétique.

On a tout à l’heure reproché au Gouvernement d’avoir retenu l’hypothèse d’un pétrole à 125 dollars le baril, mais bien malin qui pourrait dire aujourd’hui ce que sera son prix moyen en 2009 ou comment évoluera la parité entre le dollar et l’euro. Tout au plus pourrait-on affiner les prévisions en faisant des analyses de sensibilité, afin de pouvoir réagir.

Dans cette crise énergétique, notre avantage est que 75 % de notre production d’électricité provient de centrales nucléaires.

M. Michel Bouvard – Il y a aussi l’hydraulique !

M. Charles de Courson – Oui, qui représente 13 %.

Enfin, il y a la crise bancaire – même si les banquiers ont toujours tendance à faire croire que tout va bien, y compris lorsque tout va mal.

Le système bancaire français est plutôt mieux capitalisé que beaucoup d’autres et il a moins abusé de la spéculation. Néanmoins il y a eu l’affaire de la Société Générale, et le Crédit Agricole, qui représente 28 % du marché bancaire français, a perdu 5 milliards sur les seuls prêts subprime et a été contraint à une recapitalisation.

Face à trois autres crises, la France est plutôt plus fragile que beaucoup de ses partenaires.

C’est le cas tout d’abord pour la crise de compétitivité.

Monsieur le ministre, j’ai été étonné de lire dans le « bleu » que vous pensiez qu’en 2009, l’impact du commerce extérieur sur la croissance française serait nul. Sur les cinq dernières années, notre perte de compétitivité internationale nous a coûté en moyenne un demi-point de PIB par an. Des mesures ont certes été prises pour redresser cette compétitivité, mais elles mettront du temps à porter leurs fruits.

Deuxième élément de faiblesse : la crise du pouvoir d’achat. Un bon tiers des ménages français subissent actuellement un recul de leur niveau de vie. C’est le cas de tous ceux qui vivent des transferts sociaux, au premier rang desquels les retraités, dont les retraites ont été revalorisées de 1,1 % – auxquels le Gouvernement va rajouter 0,7 %, ce qui ne fera jamais que 1,8 % d’augmentation, alors que l’inflation dépasse 3 %. C’est le cas aussi des salariés modestes. Une mesure forte a certes été prise dans le cadre de la loi TEPA avec l’exonération de charges sur les heures supplémentaires et leur défiscalisation. Si l’on arrive à 40 % des salariés bénéficiant du dispositif, ce ne sera déjà pas mal, avec un soutien du pouvoir d’achat représentant neuf milliards d’euros. Mais restent tous les autres salariés, notamment ceux des entreprises qui n’ont pas recours aux heures supplémentaires. C’est pourquoi il faut prendre des mesures sociales au bénéfice des retraités, de ceux qui vivent de la solidarité nationale et des salariés les plus modestes.

Dernier élément de faiblesse : la crise de nos finances publiques. Vous n’êtes pas de ceux, Monsieur le ministre, et je vous en sais gré, de ceux qui promettent que « demain on rasera gratis ». Mais force est de constater que le redressement de nos finances publiques n’a pas même commencé. Le déficit, qui représentait 2,4 % du PIB en 2006 et 2,7 % en 2007, n’en représentera, espère-t-on, que 2,5 % en 2008 mais ce pourra aussi bien être 2,7 % ou 2,8 %, voire 2,9 % – vous avez raison, Monsieur le ministre, d’être prudent. Et l’on espère 2 % pour 2009... Nous n’avons donc pas été encore assez rigoureux. Plusieurs des collègues de l’opposition qui sont intervenus avant moi trouvent que le Gouvernement est trop dur. Mais non, il ne l’est pas assez ! La dette publique continue de progresser. Alors qu’elle représentait 63,6 % du PIB en 2006, elle a atteint 63,9 % en 2007 et peut-être même 64 % en 2008. Et au mieux, elle représentera encore 63,5 % en 2009. Aucun redressement durable n’a donc été opéré, alors même que l’engagement a été pris, appuyé par l’immense majorité des courants politiques de notre pays, de la ramener en dessous de 60 % du PIB. Des efforts beaucoup plus importants que ceux proposés sont donc nécessaires tant au niveau du budget de l’État que de celui de la sécurité sociale – dont le déficit s’établit toujours à quelque dix milliards d’euros, alors qu’il convient de le ramener à zéro.

J’en viens aux collectivités locales. Beaucoup de critiques leur sont adressées, certaines fondées, d’autres non. Leur dépendance à l’égard de l’État ne cesse de croître. Les transferts de l’État vers elles ne sont pas de 55 ou de 73 milliards d’euros, Monsieur le ministre, mais bien de 93 milliards, comme l’établit la comptabilité nationale. Et encore faut-il intégrer tous les dégrèvements et pseudo-transferts de fiscalité – je dis « pseudo » dans la mesure où les collectivités n’ont pratiquement aucune marge de manœuvre sur les taux et que l’assiette n’est pas locale. La vraie réforme à engager consisterait à diminuer ces transferts et à permettre aux collectivités, au moins aux régions et aux départements, de prélever un véritable impôt modernisé sur le revenu.

Face à ce constat, quelle stratégie de redressement pour nos finances publiques ? Le groupe du Nouveau Centre soutient les efforts du Gouvernement en matière de maîtrise des dépenses et souhaiterait l’aider à aller encore plus loin. Nous nous félicitons que le périmètre de la norme d’évolution de la dépense ait été élargi dans la loi de finances pour 2008. Un effort serait encore nécessaire en y intégrant les remboursements et dégrèvements d’impôts. Je ne cesse de le dire, avec Gilles Carrez et Pierre Méhaignerie notamment : nous ne pouvons continuer à compenser tous les dégrèvements sans compter. Dans certaines communes, 63 % des ménages ne paient pas d’impôts locaux ou les voient plafonnés en fonction de leur revenu. C’est irresponsable !

M. Jean-Pierre Brard – Pas du tout !

M. Charles de Courson – Monsieur Brard, y a-t-il 63 % de pauvres en France ? La démocratie, c’est que le citoyen paie l’impôt à proportion de ses revenus, et s’il n’est pas content, qu’il congédie son maire…

La révision générale des politiques publiques va dans la bonne direction, mais elle ne procurera – et encore au bout de quelques années seulement – que cinq à six milliards d’euros d’économies. Il faut donc aller plus loin et remettre à plat l’ensemble des dépenses.

Pour ce qui est des ressources humaines, on annonce pour 2009 la suppression de 30 600 postes de fonctionnaires, mais il faut aussi astreindre à l’effort les opérateurs extérieurs de l’État. Vous nous avez assuré l’avoir fait, Monsieur le ministre, dans le cadre de la préparation du budget. Si la chose se confirme, je vous en remercie, car ce serait bien la première fois. En effet, le nombre d’emplois créés chez les opérateurs atteignait 10 000 par an, ce qui annulait la moitié, voire les trois quarts, des efforts consentis de l’autre côté.

Le groupe du Nouveau Centre souhaite que l’on aille plus loin dans les mesures d’économie en s’attaquant aux grandes masses de dépenses. Tout d’abord, le pacte de stabilité entre l’État et les collectivités territoriales. Il faut parvenir à une croissance zéro en valeur. J’entends déjà les cris d’orfraie à l’énoncé de cet objectif : mais enfin, c’est ce à quoi s’astreint l’État, hormis les dépenses obligatoires que constituent les pensions et le service de la dette ! Il faut en revanche en contrepartie renforcer la solidarité et redéployer la dépense des collectivités les plus riches vers les plus pauvres. Arrêtons de subventionner des collectivités extrêmement riches…

M. Jean-Pierre Brard – Comme Neuilly-sur-Seine !

M. Charles de Courson – Comme Neuilly en effet, Paris et bien d’autres !

M. Michel Vergnier – Tout à fait !

M. Charles de Courson – Gelons les compensations de dégrèvements pour les communes les plus riches ! Certains s’indigneront mais le peuple applaudira.

Mme la Présidente – Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Charles de Courson – Il faut également donner plus de libertés aux collectivités.

S’agissant des niches fiscales, il faut aller vers un plafonnement pour chaque contribuable – nous le demandons depuis plusieurs années et le Gouvernement y semble ouvert –, plafonner les niches qui ne le sont pas actuellement et, pourquoi pas, abaisser les plafonds existants, ce qui permettrait de dégager deux milliards d’euros de recettes supplémentaires.

En ce qui concerne les allègements de charges, la position du Nouveau Centre n’a jamais varié. Il souhaite qu’on abaisse progressivement le seuil d’exonération de 1,6 à 1,4 SMIC et qu’on supprime les aides accordées aux plus grandes entreprises.

Mme la Présidente – Il faut vraiment conclure.

M. Charles de Courson – S’agissant de la règle d’or qui devrait désormais être inscrite dans la Constitution, je vous remercie d’avoir entendu la demande du Nouveau Centre. Mais il aurait aussi fallu adopter notre amendement, soutenu notamment par Gilles Carrez et Yves Bur, concernant l’équilibre pluriannuel des comptes sociaux.

J’en viens donc à ma conclusion. Devant le risque élevé de dégradation de la conjoncture, il ne faut surtout pas faire de keynésianisme…

M. Jean-Pierre Brard – Au contraire !

M. Charles de Courson – Il faut tenir bon, soutenir le pouvoir d’achat des plus modestes, améliorer la compétitivité de nos entreprises et redresser nos finances publiques. C’est le meilleur moyen de servir la croissance. Mais cet effort doit s’accompagner de mesures de justice sociale. Il faut respecter les engagements pris concernant les petites retraites et les pensions de réversion, veiller au sort de tous ceux qui vivent de la solidarité nationale et des salariés modestes. C’est à ce prix que nous pourrons redresser nos finances publiques (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau centre et du groupe UMP).

M. Michel Bouvard – Je souhaite saluer, Monsieur le ministre, votre ténacité et le soutien sans faille que vous apporte le Premier ministre, qui a encore rappelé devant les parlementaires de la majorité, mercredi dernier, la priorité donnée au retour à l’équilibre des comptes publics. Il y va en effet de la crédibilité de notre pays vis-à-vis de ses partenaires européens, mais aussi de la confiance de nos concitoyens dans l’avenir et de notre responsabilité vis-à-vis des générations futures.

Nous souscrivons à l’objectif de progression zéro des dépenses en volume, non seulement pour le budget de l’État mais aussi pour les prélèvements sur recettes au profit des collectivités locales et de l’Union européenne, ainsi que pour les opérateurs extérieurs de l’État – ce qui constitue une première. Nous nous félicitons également que notre pays se soit engagé dans la voie d’un budget pluriannuel 2009-2011, permettant de prendre des engagements dans la durée.

Le contexte du budget pour 2009 est difficile. La première contrainte tient à ce que les recettes nouvelles de l’État, captées auparavant pour un tiers par le service de la dette et la charge des pensions, le seront désormais aux deux tiers, du fait d’une part de l’indexation sur l’inflation, d’autre part du choc démographique que vont constituer les très nombreux départs en retraite dans les années à venir.

Le contexte économique international est lui aussi très difficile avec la crise des marchés financiers qui, après avoir affronté la crise des subprime, doivent maintenant faire face à celles des monoline – ou rehausseurs de crédit. Or, le secteur des banques et assurances représente à lui seul 24 % du produit de l’impôt sur les sociétés. De surcroît, aucune amélioration n’est à attendre, même en cas d’embellie pour le secteur financier, car la décote de la bourse, avec le système procyclique qu’est Bâle II, amène à passer des provisions qui ne seront pas libérées en cas de remontée des cours.

Dans un tel contexte, la situation de la France ne me semble pas pire que celle de ses voisins, comme le prétend M. Migaud. Le rythme des créations d’entreprise n’a jamais été aussi élevé,…

M. Jean-Pierre Brard – Et celui des disparitions ?

M. Michel Bouvard – …l’inflation est plus satisfaisante que la moyenne européenne, le chômage est à un niveau historiquement bas, le secteur marchand a créé 300 000 emplois et les heures supplémentaires sont un succès.

Pour autant, la crise qui frappe certains de nos voisins produira ses effets en France. La recapitalisation des Landesbanken a déjà fait perdre six milliards à la Caisse des dépôts en Allemagne, où le secteur financier souffrira davantage qu’en France. De même, l’Espagne est très affectée par la crise des crédits hypothécaires.

Le Gouvernement a pris de judicieuses mesures pour réviser nos politiques publiques et réduire les effectifs de la fonction publique. Faut-il rappeler que ceux-ci ont augmenté de 24 % entre 1982 et 2003, et ce pour moitié dans les collectivités territoriales ? Or, seuls quelques efforts limités ont été engagés depuis pour accroître l’efficacité de ces emplois.

En outre, le Premier ministre a raison de souligner que toute politique publique doit être soumise à évaluation. L’UMP soutient cette démarche nécessaire.

En matière de dépense fiscale, le Gouvernement a pris plusieurs mesures utiles à sa protection, telles que l’évaluation et la limitation dans le temps des niches. De même, le recensement en loi de finances initiale de l’ensemble des mesures prises en cours d’année est indispensable.

J’en viens aux opérateurs de l’État, qui sont un sujet préoccupant. Depuis plusieurs années, la Cour des comptes souligne la nécessité de mieux articuler leurs politiques avec celles de l’État. Or, tout porte à croire que les suppressions d’emplois dans les services de l’État risquent d’être compensées par des créations au sein des opérateurs. En 2005, 17 000 postes ont été créés dans les établissements publics nationaux, et 14 000 autres – soit le tiers des réductions d’effectifs dans les services de l’État – depuis. La Cour des comptes préconise à juste titre une présentation commune des finances de l’État et des opérateurs dans les documents budgétaires. Il nous faut mieux connaître les effectifs des opérateurs, et veiller à ce que chacun d’entre eux soit lié à l’État par un contrat d’objectifs dont les commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat seraient saisies. De même, les recettes affectées aux opérateurs doivent être mieux régulées et périodiquement débattues au Parlement. Enfin, nous devons surveiller leur capacité d’emprunt. Ainsi, les agences de l’eau pourront-elles vraiment rembourser les emprunts qu’elles ont contractés pour financer le pic de dépenses lié à la mise en conformité de nos réseaux d’assainissement avec les règles européennes ? En effet, le risque d’une aggravation des prélèvements ou celui d’une contribution supplémentaire de l’État ne sont pas nuls.

En outre, les opérateurs seront mis à contribution pour appliquer les engagements du Grenelle de l’environnement dans leurs champs de compétences. Comment libèreront-ils les recettes nécessaires, alors que l’AFITF, par exemple, s’engage dans une impasse financière jusqu’en 2012, ses recettes étant plafonnées à 900 millions ?

Je me félicite que plusieurs recommandations du Parlement aient été suivies : présentation des stratégies de performances, recentrage des objectifs et des indicateurs, définition commune des opérateurs pour les fonctions de support, de bureautique, de gestion des ressources humaines et d’immobilier, ou encore réduction du nombre d’indicateurs et de programmes.

S’agissant des autorités indépendantes, la commission des finances estime que leur regroupement au sein d’une même mission n’est pas souhaitable. Chacune d’entre elles est liée à une mission ou à un programme précis, cadre qui permet leur évaluation efficace. En outre, ces autorités, pour utile que soit leur travail, ont une tendance naturelle à vouloir limiter le contrôle dont elles font l’objet de la part de la représentation nationale, qui ne gagnerait donc rien à leur consolidation en un seul ensemble.

M. Gilles Carrez, rapporteur général – Très juste !

M. Michel Bouvard – Quoi qu’il en soit, je salue la ténacité et le courage du ministre, qui peut compter sur notre soutien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Marisol Touraine – Guidée par l’objectif affiché – et unique – de remettre de l’ordre dans nos finances publiques, votre politique en matière de protection sociale a fait la preuve de son inefficacité. Loin de la rupture annoncée, la dette sociale, inexistante il y a dix ans, s’est creusée de dix milliards par an pour atteindre 7 % du PIB. Le déficit de la branche vieillesse est désormais supérieur à celui de la branche maladie, et l’heure n’est pas à l’optimisme. La situation est si grave que la Cour des comptes a refusé de certifier les comptes de la sécurité sociale !

Pour rétablir l’équilibre des comptes, vous avez choisi de rogner les droits sociaux. Depuis les vaines réformes Fillon en 2003 et Douste-Blazy en 2004...

M. Yves Bur, rapporteur – C’est excessif !

Mme Marisol Touraine – …notre système est à bout de souffle. Au lieu de le relancer, vous avez fait le choix des franchises et de la mobilisation des assurances complémentaires ; vous avez même envisagé de remettre en cause la prise en charge des affections de longue durée – une mesure que nous avons heureusement évitée in extremis. Improductive, votre politique est aussi inéquitable.

Le changement d’orientation est d’autant plus nécessaire que les besoins sociaux sont appelés à croître, comme dans tous les pays développés. Ce n’est pas en réduisant les prestations et en resserrant les dépenses que vous parviendrez à relever ce défi. Au contraire, nous avons besoin d’une meilleure maîtrise de la dépense, de sorte que chaque euro soit dépensé de manière juste et efficace. C’est loin d’être le cas ! Faut-il rappeler qu’un ouvrier a une espérance de vie inférieure de plus de sept années à celle d’un cadre supérieur ? Arrivés à l’âge de la retraite, ceux qui ont travaillé le plus dur ont moins de temps pour en profiter. Près de 15 % des Français renoncent à se soigner pour des raisons financières. Des territoires entiers, notamment ruraux, se vident de leurs personnels médicaux. Les restrictions de moyens provoquent des files d’attente dans les hôpitaux publics, certaines interventions n’étant même plus pratiquées partout faute de praticiens disponibles – je pense aux interruptions volontaires de grossesse, par exemple. Ces inégalités et bien d’autres encore minent les fondements de notre système de protection sociale.

Certes, la maîtrise de la dépense doit être plus rigoureuse, mais elle ne doit pas pour autant entraîner la dégradation de notre état social ! Les pays scandinaves sont la preuve que l’on peut concilier une prise en charge très large de la retraite, de la maladie et de la dépendance tout en assainissant les finances publiques. Il n’existe aucun lien de cause à effet entre la baisse de la protection sociale et le retour à l’équilibre des comptes.

Pour changer de cadre, nous avons besoin de réformes structurelles. Au titre de celles-ci, il faut en finir avec de nombreuses niches sociales, comme l’ont souligné maints orateurs. Ainsi, si l’on peut admettre que les aides directes consenties aux salariés – chèques vacances ou tickets restaurant – soient exonérées de cotisations sociales, il n’en va pas de même – par principe, et quel que soit le taux pratiqué – des revenus issus de la participation ou de l’intéressement, qui ne contribuent en rien à assurer une protection sociale de qualité. En outre, en exonérant les revenus complémentaires, on exerce une pression sur le niveau des salaires : pourquoi les augmenter si l’intéressement et la participation permettent de rémunérer les salariés ?

L’exonération des revenus perçus au titre des stock-options ou des « parachutes dorés » est plus choquante encore. Vous en parlez depuis un an, mais n’avez consenti que quelques avancées timides, très en deçà des préconisations non seulement du Parti socialiste, mais du premier président de la Cour des comptes !

M. Yves Bur, rapporteur – Elles ont été reprises ! 8 %, Monsieur Migaud !

Mme Marisol Touraine – Or ces nouvelles ressources pourraient alimenter le Fonds de réserve des retraites, dont ni l’existence ni l’abondement, essentiels au financement des régimes de retraite, ne sont à ce jour remis en cause – espérons qu’il en ira de même à l’avenir !

L’assurance maladie peut également faire l’objet de réformes structurelles : la promotion des réseaux de patients, la réforme des études médicales, la révision des pratiques médicales – notamment par la remise en cause du seul paiement à l’acte –, l’investissement dans la prévention, et non dans les seuls soins, permettraient de réaliser des économies. Mais, contrairement à ce que l’on croit souvent, il en va de même des retraites. Votre choix en la matière se limite à l’allongement de la durée de cotisation, comme si elle pouvait seule résoudre le problème – même si l’allongement de l’espérance de vie justifie d’ouvrir le débat –, alors que les plus de 50 ans peinent pour trouver un emploi ! Et ce n’est pas votre plan pour l’emploi des seniors qui suffira à modifier la situation d’ici à 2012 : il a fallu cinq ans à la Finlande, moyennant des mesures bien plus volontaristes que les vôtres, pour commencer de modifier les pratiques en la matière ! En attendant qu’un « plan seniors » digne de ce nom porte ses fruits, il faut donc recourir à d’autres dispositions – non seulement le transfert des cotisations de l’UNEDIC à la branche vieillesse, que vous avez évoqué, mais aussi la cotisation patronale supplémentaire de 0,5 % que demandent de nombreuses organisations syndicales afin d’inciter les entreprises à employer plus volontiers les plus de 55 ans.

Mme la Présidente – Veuillez conclure.

Mme Marisol Touraine – Dans une situation financière incontestablement difficile, vous devez, Monsieur le ministre, affirmer clairement que vous ne remettrez pas en cause les principes de notre protection sociale – l’universalité, la solidarité, la durabilité –, sauf à laisser penser que l’idée même de solidarité collective s’estompe et que les Français devraient désormais compter sur leurs économies ou sur des assurances privées. Or, par bien des aspects, votre politique suggère cette dernière conclusion ; voilà pourquoi nous en appelons à un changement (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Jean-Pierre Brard – Monsieur le ministre, nous vous avons attentivement écouté vous exprimer benoîtement, dans le style des causeries au coin du feu de M. Giscard d’Estaing. Bien que votre souci d’économie s’étende même à la langue française – croyez-vous vous faire comprendre de nos concitoyens en parlant de « zéro volume » ou de « zéro valeur » ? –, une chose au moins était claire : le serrage de vis, dans tous les domaines ! En outre, le document dont nous sommes censés débattre nous a été remis en début de séance : est-ce là la réhabilitation du Parlement tant invoquée à propos de la révision constitutionnelle ?

Sacrifiant à la mode, vous avez inventé les « finances publiques durables » ; à vous entendre, on les croirait plutôt biodégradables ! (Sourires) Mais les mots ne suffisent pas à dissimuler le sens : vous évoquez l’équilibre de l’assurance maladie en invoquant des « marges d’efficience », « l’équilibre atteignable », une « discussion sans tabous », un « esprit de dialogue » ou la nécessité de ne pas limiter la discussion aux seules recettes, mais, sur des sujets essentiels, vous préparez des annonces pour la fin juillet, alors que la France sera en vacances !

M. Dominique Baert – Évidemment !

M. Jean-Pierre Brard – Le débat d’orientation budgétaire se déroule cette année dans un contexte économique, social et environnemental qui ne cesse de se dégrader au niveau national et international. C’est là le fait non du hasard, mais de votre logique libérale, qui détermine depuis six ans la politique des gouvernements successifs. Cette logique n’est pas la nôtre, et nous combattons l’idéologie qui l’inspire. Les crises énergétique, financière, alimentaire, climatique, qui s’ajoutent les unes aux autres sur fond de mondialisation, confrontent à un défi majeur notre société, que fragilise déjà l’augmentation, depuis six ans, des inégalités et de la précarité. Les apôtres de la pensée unique libérale, qui nous dépeignaient depuis des années une mondialisation idyllique, bienfaisante, propre à accélérer le développement économique et à fournir à notre pays des produits à bas prix, ne sont plus crédibles. Mais vous vous servez de l’alibi de la mondialisation pour faire croire à nos concitoyens qu'il n'y a pas d'alternative au libéralisme.

Or la mondialisation constitue, de manière de plus en plus évidente, une « machine inégalitaire », selon la formule de Patrick Artus et Marie-Paule Virard dans leur ouvrage récent Globalisation, le pire est à venir. Cette analyse des effets actuels et futurs du phénomène révèle des sources de tension et des situations explosives ; ainsi des émeutes de la faim – hélas appelées à se reproduire – en Égypte, au Maroc, en Indonésie, aux Philippines, en Haïti et dans plusieurs pays africains – le Nigeria, le Cameroun, la Côte-d'Ivoire, le Mozambique, la Mauritanie, le Sénégal, le Burkina. Si l'Afrique est particulièrement vulnérable, c'est parce qu'elle subit la « destruction systématique de ses agricultures vivrières », que dénonçait Jean Ziegler dans Le Monde diplomatique. La mondialisation, et ses conséquences sur les plus faibles d'entre nous, ce sont également ces drames qui se déroulent au large de nos plages, où des immigrants clandestins en quête d'un monde meilleur mettent leur vie en péril, poussés par la misère à l’exil vers les prétendus eldorados que constituent nos pays. Aucune « immigration choisie » n’enrayera ce flot migratoire, né du désespoir !

Selon Patrick Artus et Marie-Paule Virard, la mondialisation s’apparente à « un énorme chaudron qui brûle l'énergie et les matières premières et entraîne les dégâts collatéraux que l'on imagine sur l'environnement ». « Elle met sous pression l'industrie des pays développés et ses salariés, soumis à une concurrence à bas salaires et à faibles protections, alors que les cadres dirigeants, les experts financiers, les salariés hautement qualifiés de grandes entreprises appartenant à des secteurs favorisés par la mondialisation, bref ceux que l'on appelle les working rich, les travailleurs riches, par opposition aux pauvres ayant un emploi, tiennent le haut du pavé » : ainsi s’exprimait le 1er juillet dans Les Échos Adrien de Tricornot, journaliste au Monde. « L'économie et la finance mondiales », ajoutait-il, « sont devenues un casino où s'expriment tous les excès du capitalisme financier ». Mais il n'y a là rien d'inéluctable !

Cette situation ébranle les dogmes fondateurs de la pensée libérale et productiviste qui ont servi d'épine dorsale au programme de la droite et à la campagne électorale de M. Sarkozy. Les promesses alléchantes et les slogans séduisants – « je serai le Président du pouvoir d'achat », « je veux une France de propriétaires », « travailler plus pour gagner plus » – n’étaient que leurres, qu’attrape-nigauds, voire – pour emprunter à M. Sarkozy son talent littéraire, son raffinement et sa délicatesse – qu’attrape-couillons ! Ils ont laissé place à la dure réalité : de plus en plus pour les privilégiés, des fins de mois impossibles pour les plus modestes et pour les couches moyennes.

Depuis deux semaines, la France exerce la présidence de l’Union européenne ; à en croire le Président de la République, on allait voir ce qu’on allait voir ; mais, alors que les enjeux du document d’orientation budgétaire, selon vos propres termes, ne se limitent pas à notre pays, vous n’avez rien dit de ce que la France allait faire dans ce cadre ! Le Président de la République demande à l’Europe des remèdes à la crise, de fait suffisamment profonde pour appeler des solutions communes ; mais l’Union est victime des mêmes travers libéraux que la France, ce qui explique dans une large mesure le vote négatif des Français lors du référendum sur le traité constitutionnel. Ainsi, comment l'Union pourra-elle protéger les Européens, comme l'y invite le Président de la République sur le mode incantatoire, alors que sa construction obéit à une logique de déréglementation, de concurrence débridée et de destruction des systèmes de protection collective, jugés trop coûteux et déresponsabilisants pour leurs bénéficiaires – comme vient de le souligner M. de Courson à propos de la taxe d’habitation ?

Quelles mesures fortes Nicolas Sarkozy, président en exercice de l’Union, a-t-il annoncées pour convaincre nos partenaires de revoir les politiques fiscales européennes ? L’avons-nous entendu plaider en faveur d’une harmonisation fiscale et sociale de progrès, plutôt que de récession ? Une autre Europe est possible, mais les États membres sont engagés dans une course vers le bas dans ces domaines essentiels. Des contre-mesures doivent être prises et une course vers le haut engagée, dans le cadre d’un nouveau traité.

L’Union européenne est en crise, mais vos politiques aggravent cette crise – alors qu’il faudrait combattre l’évasion et la concurrence fiscales : M. Chartier a mentionné les fraudes à la TVA intra-communautaire. Il faut faire adopter des normes minimales ambitieuses au niveau européen pour la taxation des revenus des entreprises et du capital. Il faut mettre en place dans l’Union un ensemble ambitieux, transparent et applicable de droits et de minima sociaux. Il faut enfin établir, contre la concurrence déloyale, des droits de douane aux frontières de l’Union en incluant des normes sociales et environnementales.

Mais de tout cela, le Président de la République ne parle pas : il lui faudrait, il est vrai, des convictions sociales visant à faire de l’Union une aire de progrès, visible de la planète entière ; il lui faudrait du courage et un dessein politique ambitieux, c’est-à-dire tout le contraire du théâtre de boulevard que l’on nous offre aujourd’hui.

La multiplication des cadeaux fiscaux, injustifiés mais très coûteux, accordés aux ménages aisés et aux grandes entreprises, ainsi que votre inertie dans la lutte contre la fraude, ont détérioré nos finances publiques. La liste de ces cadeaux est impressionnante : les allégements de cotisations sociales des entreprises, massifs et sans contrepartie en termes d’emploi, représentent plus de 65 milliards d’euros annuels, alors que la Cour des comptes a relevé leur très faible efficacité. L’argent est là, mais vous ne voulez pas y toucher !

M. Gilles Carrez a une vertu : il a du mal à dire des choses qui ne sont pas vraies – il ne sera donc jamais ministre de Nicolas Sarkozy ! (Sourires) Or que nous dit-il sur les heures supplémentaires ? Il nous dit qu’on ne sait rien, sauf que les mesures de la loi TEPA ont fait sortir de la zone grise des heures auparavant payées au noir !

M. Gilles Carrez, rapporteur général – C’est déjà bien !

M. Jean-Pierre Brard – Il nous dit, en outre, que le recul est insuffisant ; tous ces cadeaux ont été faits sans étude d’impact, sans évaluation ! Ils ne sont que le fruit d’un positionnement idéologique. Mais le carnet de chèques marche, car quand on aime, on ne compte pas ; et ceux que vous aimez, ce sont ceux qui ont déjà les coffres-forts bien remplis !

Vous avez allégé l’impôt sur le revenu, notamment en diminuant les taux supérieurs, détruisant ainsi sa progressivité ; vous avez maintenu, et même élargi, la pléthore de niches fiscales qui permettent au contribuable bien conseillé de développer des stratégies d’évasion fiscales, afin de ne pas acquitter l’impôt sur le revenu, voire d’obtenir une restitution du Trésor malgré des revenus très élevés. Vous avez réduit de façon répétée l’ISF et instauré le bouclier fiscal. Vous avez sous-taxé les stock-options, comme l’a montré la Cour des comptes. Vous avez sous-taxé les revenus du capital, notamment en matière de financement de la protection sociale. En matière de lutte contre l’évasion et la fraude fiscale et contre les paradis fiscaux et bancaires, vous ne faites pas grand’chose ; on attend toujours les suites des affaires du Liechtenstein.

Voici pourtant quelques mesures qui suffiraient à rétablir les finances publiques : supprimer progressivement les exonérations de cotisations sociales, en transférant une partie de l’assiette des cotisations sociales sur la valeur ajoutée ; instaurer un impôt minimal pour les contribuables aisés, afin de limiter les effets pervers des niches fiscales ; rétablir et élargir la progressivité de l’impôt ; taxer les mouvements financiers spéculatifs, c’est-à-dire sans contrepartie réelle en biens ou en services ; taxer les profits des compagnies pétrolières – dont, sans doute par discrétion, vous n’avez pas parlé ; établir une fiscalité écologique cohérente, afin d’inciter à des comportements vertueux, et qui viendrait se substituer à d’autres prélèvements, pour ne pas appauvrir davantage les ménages ; taxer l’utilisation abusive de l’emploi précaire ; agir de façon résolue et coordonnée contre le dumping fiscal dans l’Union européenne, afin de sauvegarder les recettes fiscales et les marges de manœuvre de chacun des partenaires.

Ces perspectives sont bien sûr, Monsieur le ministre, diamétralement opposées aux vôtres : vos perspectives sont claires, les nôtres aussi, mais nous habitons deux planètes différentes. Vous êtes sur celle du grand capital et de ses nombreuses filiales, que vous bichonnez ; nous ne défendons que l’intérêt des gens qui vivent de leur travail, et non de l’argent des autres.

M. Nicolas Perruchot – Je concentrerai mon propos sur l’avenir du Fonds de réserve pour les retraites. Créé en 1999 par le gouvernement Jospin pour répondre aux besoins de financement du régime de retraite des salariés du privé, il devait initialement cumuler 150 milliards d’euros d’ici 2020. Nous sommes aujourd’hui très loin de cet objectif.

Le FRR, né sous la forme d’une section comptable spécifique au sein du Fonds de solidarité vieillesse, est devenu en 2001 un établissement autonome. Le fonds a pour mission de gérer les sommes qui lui sont affectées en les mettant en réserve jusqu’en 2020, afin de contribuer à la pérennité des régimes obligatoires d’assurance vieillesse et des régimes alignés des salariés agricoles et des artisans.

Ses réserves s’élevaient, à la fin de l’année 2007, à 33 milliards d’euros. Il devait percevoir différents types de dotations : une part du prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine et les revenus de placements ; une part des excédents de la Caisse nationale d’assurance vieillesse ; le produit de cessions d’actifs – privatisations, cession de parts de caisses d’épargne ; produit de la vente des licences UMTS, etc. ; enfin, diverses autres dotations.

Le FRR souffre aujourd’hui de plusieurs maux. Son financement pose problème : alors que l’intention initiale était de porter ce fonds à 150 milliards d’euros, il ne dispose actuellement que de 33 milliards. En effet, il n’est plus abondé depuis 2002, les recettes de privatisation ayant été depuis affectées principalement au désendettement de l’État ; 1,6 milliard seulement a été versé à la suite de la privatisation des Autoroutes du sud de la France. Les autres recettes attendues ont été nulles, ou plus faibles que prévu : l’excédent des caisses de retraite est devenu déficit, la vente d’une quatrième licence UMTS n’a pas été menée à bien. Les excédents du Fonds de solidarité vieillesse ont servi à d’autres choses, notamment au financement des 35 heures, à la prise en charge de la dette de l’État envers l’AGIRC-ARCO, et au financement de l’allocation personnalisée d’autonomie. Enfin, les hypothèses d’origine étaient beaucoup trop optimistes : le taux de chômage était estimé à 4,5 % pour 2020 ; fin 2001, juste après la création du fonds, 2,5 milliards d’euros de versement faisaient déjà défaut.

Il faut rapprocher cet objectif de 150 milliards, certainement difficile à atteindre, de ce que possèdent aujourd’hui les fonds souverains : un débat utile doit s’engager. Certains systèmes de retraite disposent de tels fonds dans certains pays européens ; dans le monde, certains fonds souverains sont dotés de dizaines, de centaines de milliards, voire plus. Cela doit nous faire réfléchir.

Cet outil, destiné à alléger la charge des retraites à l’horizon 2020-2040, subit donc les effets d’un manque de cohérence politique. Au vu des dotations annuelles moyennes, qui sont d’environ 4 milliards d’euros, le cap initial fixé semble inaccessible ; à ce rythme, il ne couvrira en 2020 que 22 % de financement des régimes de retraite. Nous serons loin du compte, et la représentation nationale doit réfléchir aujourd’hui à ce qui sera demain un énorme problème ; nombre de nos concitoyens s’inquiètent de ce que sera leur retraite future.

Le fonds souffre aussi d’une gestion inadaptée. Il a perdu 3,1 milliards d’euros sur les marchés financiers depuis le début de l’année, soit 10 % de la valeur de ses actifs. Ces pertes s’expliquent par la forte proportion d’actions au sein de son portefeuille, qui est aujourd’hui supérieure à 64 %, contre 60 % auparavant. Le choix de placer la majeure partie des actifs en actions est néanmoins légitime, car celles-ci restent plus rémunératrices à long terme ; et c’est évidemment sur le long terme que la performance d’un tel fonds doit s’apprécier. Mais je tiens à souligner aujourd’hui le caractère peu rémunérateur de ce placement en actions.

La question de l’avenir du fonds est posée. Monsieur le Ministre, je souhaiterais connaître les intentions du Gouvernement ; il vous appartient de faire connaître vos projets à ceux qui regardent aujourd’hui ce fonds, non pas avec envie, mais avec intérêt.

M. Hervé Mariton – Oscar Wilde parlait de « l’importance d’être constant ». S’il y a bien une vertu à laquelle ce débat d’orientation budgétaire devrait nous appeler, c’est la constance, qui implique la cohérence. Nous devrons faire montre de constance et de cohérence dans la stratégie d’équilibre des finances publiques pour 2012 que nous appelons de nos vœux. Le programme de stabilité que vous aviez présenté à la Commission européenne au printemps évoquait certes encore l’hypothèse d’un équilibre en 2010, en cas de croissance plus favorable. Quoi qu’il en soit, acceptons l’augure de 2012 !

Il convient de préciser les trajectoires possibles pour atteindre cet objectif. Ce sera l’ambition de la loi de programmation que vous présenterez dans quelques semaines, Monsieur le ministre. Cependant, d’ici à cette loi, des progrès restent à faire. Si le rapport que vous nous avez transmis pour le présent débat présente un certain nombre d’hypothèses d’évolution pour les recettes de l’État, il ne s’y trouve ni les additions, ni les descriptions précises des scénarios correspondant à ces différentes hypothèses.

M. Gilles Carrez, rapporteur général –C’est ce que j’ai dit !

M. Hervé Mariton – Au fond, nous ne connaissons pas les hypothèses sur lesquelles vous travaillez, ni pour l’an prochain, ni à moyen terme. Nous vous faisons entièrement confiance et ne doutons pas que vous nous livriez l’ensemble des éléments à votre disposition, mais le problème est celui de l’éclairage et de la cohérence de la trajectoire. D’ici à la présentation de la loi de programmation, il me paraît indispensable que vous nous précisiez ces hypothèses, et que vos documents fournissent les additions qui nous permettent de savoir comment évoluent les recettes, non pas une à une, mais dans leur ensemble.

Il existe des incertitudes sur la croissance en 2009, et ces incertitudes ne peuvent que s’accroître pour les années suivantes. Il convient donc de développer des hypothèses plus contrastées que celles figurant dans le document d’orientation budgétaire, et qui nous permettent de voir comment, en fonction de chaque hypothèse, l’équilibre pourra être atteint en 2012. Cette clarification est d’autant plus nécessaire que d’aucuns sont déçus qu’à l’occasion du débat sur la réforme des institutions, l’amendement sur la « règle d’or » ait été adopté selon des modalités qui, sans être inintéressantes, ne sont pas aussi fortes que ce que ses auteurs avaient espéré.

Aussi, souhaiterais-je que vous présentiez dans le prochain DOB ces additions et précisions, sauf à nous retrouver dans un certain flou artistique… La même observation vaut pour le programme de stabilité. Ses hypothèses de croissance doivent être actualisées, car elles ont été présentées il y a trois mois et semblent aujourd’hui démenties sur le court terme. Elles gagneraient à être élargies, car elles ne sont que des variantes d’un même scénario relativement favorable, et d’autres scénarios doivent être envisagés.

Cette constance et cette cohérence doivent être appliquées à toutes les décisions et à tous les messages de l’activité du Gouvernement, au-delà même des moments budgétaires du Parlement. Le choix de la majorité a été de ne pas augmenter les prélèvements obligatoires ; c’est dire l’effort qu’il faut faire sur les dépenses. Si certains hésitent à utiliser le mot « rigueur », nos engagements comme le contexte international ne nous laissent pas le choix. Monsieur le ministre, je souhaiterais donc que vous soyez le porte-parole de cette rigueur (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. Bernard Derosier – J’évoquerai deux aspects de votre politique qui ne nous donnent pas satisfaction : la fonction publique et les relations entre l’État et les collectivités locales. Ce débat d’orientation budgétaire intervient au moment où une nouvelle attaque est portée contre la fonction publique, marquant une régression sans précédent des conditions d'exercice des missions de service public dans notre pays.

Le Premier ministre a confirmé ce que vous aviez vous-même annoncé, Monsieur le ministre, à savoir la suppression de 30 000 postes de fonctionnaires dans le budget 2009. Ajoutées à celles de ces dernières années, ces suppressions aggraveront les inégalités sociales et porteront atteinte à notre équilibre territorial. Certes, la qualité du service public ne se mesure pas à l'aune des créations ou des suppressions de postes dans la fonction publique…

M. Charles de Courson – Très bien !

M. Bernard Derosier – Cependant, le service public ne doit pas être une variable d'ajustement budgétaire. Il doit être considéré comme un investissement et comme un levier de la croissance. Mais l'idéologie libérale qui vous anime vous amène à rejeter cette conception.

Par ailleurs, des voix autorisées au Gouvernement, comme la vôtre, considèrent que les collectivités territoriales seraient responsables de la hausse du nombre de fonctionnaires et donc de la masse salariale publique. C'est oublier les transferts de compétences de l'État vers les collectivités : financement du RMI, contrats d'avenir, Fonds de solidarité pour le logement, Fonds départemental d’aide aux jeunes, personnels TOS, routes nationales – pour ne parler que des départements. Le renforcement des équipes locales était nécessaire, l’État ne transférant pas les moyens correspondants.

Le Gouvernement entend aujourd’hui faire peser sur les collectivités locales la même pression que sur les administrations centrales. Les collectivités auront-elles les moyens humains de garantir un service public de proximité et de qualité ? Auront-elles la capacité financière pour exister réellement en vertu du principe de libre administration ? Monsieur le ministre, des réponses positives à ces questions contribueraient à recréer un climat de confiance entre l'État et les collectivités.

En cinq ans, les dépenses de ces dernières se sont accrues et leur autonomie fiscale s’est réduite ; leur dépendance des recettes versées par l'État est donc devenue plus forte. L'accroissement de la part de ces recettes aurait dû en théorie assurer plus de prévisibilité et de sécurité dans la progression des ressources ; il n'en est rien ! Vous vantez comme un progrès le 1,1 milliard supplémentaire pour les concours de l’État aux collectivités, mais vous passez sous silence le fait que, sur cette somme, 660 millions sont dus par l’État en vertu de la loi même. La progression des dotations sera en réalité inférieure à 1 %, alors que l’inflation sera de 3,2 %.

C'est donc le pouvoir d'agir des collectivités qui est menacé, comme l'est le pouvoir d'achat pour les salariés. À cette incertitude s’ajoute l’abandon, dès 2009, de la compensation accordée par les précédents gouvernements dans le cadre du Fonds de mobilisation départementale pour l'insertion. Selon la rumeur, le Gouvernement envisage de maintenir ce Fonds.

Parallèlement, l'absence de réelle réforme de la fiscalité locale vient rogner l'autonomie financière des collectivités. Une réforme de la taxe professionnelle devrait avoir lieu bientôt, avec en vue l’exonération pour tous les nouveaux investissements ou une diminution progressive du plafond de cette taxe. Une réforme en trompe-l'œil, en somme, qui ne conduirait qu'à réduire davantage les capacités d'action des collectivités ou à alourdir la fiscalité des ménages.

Les annonces faites ne répondent absolument pas aux attentes des élus. Il est urgent de réformer en profondeur la fiscalité locale, de rétablir le lien entre les citoyens et les collectivités et de renforcer les mécanismes de péréquation au sein de la fiscalité locale. Cette réforme est la condition d'une véritable décentralisation dans laquelle les collectivités auront les capacités d'exercer pleinement leurs compétences. Il faut renforcer au plus vite l'autonomie fiscale des collectivités territoriales, et je veux croire que le Gouvernement entendra les inquiétudes et les propositions des associations d’élus (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

M. Éric Woerth, ministre du budget – Le Gouvernement souhaite poursuivre le débat d’orientation budgétaire à la reprise de la prochaine séance.

Mme la Présidente – L’ordre des travaux est donc ainsi modifié.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 13 heures 30.

Le Directeur du service
du compte rendu analytique,

Michel KERAUTRET

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Le compte rendu analytique des questions au Gouvernement
est également disponible, sur Internet et sous la forme d’un fascicule spécial,
dès dix-huit heures

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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