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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2007-2008

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mercredi 21 novembre 2007

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de Mme Catherine Génisson

1. Développement de la concurrence au service des consommateurs (p.

Discussion générale (suite)

MM.  Arnaud Montebourg,

Gérard Gaudron,

Mme Annick Le Loch,

MM.  Jacques Lamblin,

Jean-Yves Le Déaut,

Jacques Grosperrin,

Mme Delphine Batho.

M. Gérard Voisin.

Clôture de la discussion générale.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme.

M. François Brottes.

Motion de renvoi en commission

Mme Corinne Erhel, MM. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques ; Philippe Folliot, Mme Sandrine Mazetier, MM. André Chassaigne, François Loos. – Rejet.

Discussion des articles

Avant le titre Ier

Amendements identiques nos 87, 88, 89, 90, 91, 93, 94 et 95 et amendement n° 56 : MM. Arnaud Montebourg, Jean Gaubert, François Brottes, Mmes Corinne Erhel, Frédérique Massat, M. Patrick Roy, Mme Marylise Lebranchu, MM. Jean-Yves Le Déaut, Jacques Desallangre, Michel Raison, rapporteur de la commission des affaires économiques ; le secrétaire d’État, Jean-Paul Charié, Jean Dionis du Séjour, François Brottes, Jean Gaubert, Mme Martine Billard, MM. Philippe Folliot, le président de la commission.

M. Jean Gaubert.

Suspension et reprise de la séance

Rejet des amendements identiques ; rejet de l’amendement n° 56.

Rappels au règlement

MM. François Brottes, Arnaud Montebourg.

Reprise de la discussion

Amendement n° 205 : MM. Jean Gaubert, le rapporteur, le secrétaire d’État, Mme Corinne Erhel. – Rejet.

Amendement n° 178 : MM. Lionel Tardy, le rapporteur, le secrétaire d’État. – Retrait.

Amendements nos 81 rectifié et 80 : MM. Jean Gaubert, le rapporteur, le secrétaire d’État, François Brottes. – Retraits.

Amendement n° 112, amendements identiques nos 226 et 307 rectifié et amendement n° 150 : MM. Jean Gaubert, Jean Dionis du Séjour, André Chassaigne, Lionel Tardy, le rapporteur, le secrétaire d’État, Émile Blessig, Jean-Paul Charié. – Rejet de l’amendement n° 112 ; retrait de l’amendement n° 226 ; rejet de l’amendement n° 307 rectifié ; rejet de l’amendement n° 150.

Amendement n° 76 : MM. Jean Gaubert, le rapporteur, le secrétaire d’État, François Brottes. – Rejet.

2. Ordre du jour des prochaines séances

Présidence de Mme Catherine Génisson,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Développement de la concurrence
au service des consommateurs

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs (nos 351, 412).

Cet après-midi, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

Discussion générale (suite)

Mme la présidente. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme, monsieur le président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, vous me permettrez de revenir un instant sur la stratégie gouvernementale relative au pouvoir d’achat, parce que ce projet de loi ne peut pas s’expliquer sans une analyse de son contexte.

Au mois d’août, le Gouvernement dépense 15 milliards d’euros, soit tout de même 100 milliards de francs, sur des choix fiscaux tout à fait contestables, dont l’efficacité économique sur le pouvoir d’achat est aujourd’hui remise en cause, au point que le Premier ministre a déclaré dans cet hémicycle, hier, qu’il y a un problème de pouvoir d’achat, montrant ainsi l’imprévoyance des choix fiscaux de votre équipe gouvernementale, monsieur le secrétaire d’État. Un mois plus tard, en septembre, le Premier ministre annonce la faillite financière de l’État, et, en octobre, vous présentez les premières factures aux classes populaires et aux classes moyennes. D’août à octobre, vous prélevez sur les plus démunis pour soutenir le pouvoir d’achat des plus aisés.

Or voici qu’en novembre, en raison de la conjugaison de facteurs que nous avons tous identifiés : flambée des denrées alimentaires, problèmes de logements – liés d’ailleurs en grande partie à l’imprévoyance publique en matière de construction d’une offre de logement nouvelle – et explosion des prix de l’énergie, nous en venons à examiner certains problèmes politiques relatifs au pouvoir d’achat. Le Gouvernement convoque l’Assemblée nationale, espérant pouvoir trouver une solution aux problèmes des consommateurs grâce aux supermarchés. Car l’ensemble des variables et des marges de manœuvre ayant été épuisé, il faut chercher les moyens de sauver votre politique antiredistributive. Jacques Attali est convoqué pour présenter la grande distribution comme la force salvatrice de la politique gouvernementale : multiplions-la, dérégulons l’ensemble des règles relatives à l’implantation et à la concurrence ! Mais la grande distribution, nous l’avons constaté une fois de plus lors des auditions de la commission, n’est tout de même pas une association nationale à but philanthropique : elle fait des profits et dispose d’une puissance certaine sur les marchés, dont elle sait abuser pour imposer sa loi particulière et même supracontractuelle à ses fournisseurs, à ses salariés, et à ses clients que sont les consommateurs.

Nous sommes en face de positions à caractère oligopolistique. Or ce texte satisfait la grande distribution, qui exige toujours davantage de pouvoirs de ses amis politiques, au lieu d’augmenter la protection de chacun de ses partenaires, d’organiser l’action de groupe pour les consommateurs et de protéger les salariés dans un univers faiblement concurrentiel qui est une rente économique. Quant aux producteurs, c’est un sujet qui a failli conduire à la démission du rapporteur, M. Raison,…

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Oh non !

M. Arnaud Montebourg. …qui a dit lui-même que, si l’on touchait aux conditions générales de vente, il démissionnerait. Le Gouvernement a donc été obligé de reculer sur la question de la non-négociabilité des conditions générales de vente. Nous félicitons le rapporteur pour son courage politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Nous voyons que l’alliance entre le pouvoir et la grande distribution n’aura jamais été aussi éclatante, malgré les justes résistances qui existent du côté de l’opposition parlementaire mais aussi, à travers une autre forme d’opposition, dans la majorité.

M. Yves Albarello. Non !

M. Arnaud Montebourg. En vérité, la grande distribution sert délibérément de béquille au Gouvernement, qui veut s’y appuyer alors qu’il est en difficulté sur le pouvoir d’achat ; mais les lobbies et la toute-puissance que ceux-ci réclament sont à l’œuvre. Nous savons que Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’économie et des finances, avait déjà tenté une opération amicale de recherche de convergences d’intérêts politiques et économiques : ce furent les négociations des années 2004 pour baisser les prix de 2,5 %. Il n’en a rien été, mais nous avons compris à cette occasion que l’amitié était indéfectible entre des intérêts financiers et économiques, et le pouvoir politique qu’il incarne.

M. Yves Albarello. Ce n’est pas vrai !

M. Arnaud Montebourg. L’affaire du remplacement des marges arrière par le triple net est tellement opaque que même notre collègue Daniel Fasquelle, professeur de droit, est venu expliquer, un code posé sur la tribune, que tout cela était vraiment peu clair. Et M. Louis Giscard d’Estaing s’est demandé qui comprend les lois que nous fabriquons et qui pourra les appliquer.

M. Jean-Patrick Gille. Voilà des gens censés !

M. Arnaud Montebourg. Il faudra donc des experts comptables, des avocats et des dictionnaires pour comprendre la logique du triple net ! Nous savons que cette opacité, qui remplace le rapport de force dans les marges arrière et dans les marges de la coopération commerciale, est de nature à renforcer la puissance de la grande distribution.

Mme Corinne Erhel. C’est vrai !

M. Arnaud Montebourg. Et puis il y a l’affaire de la non-négociabilité des conditions générales de vente, où vous avez tenté un accord dans le dos de votre propre majorité, accord qui a été trahi par la presse, ce qui vous a conduit à revenir en arrière. Nous aurons donc un débat sur ce sujet dans le prochain texte car, faute de pouvoir régler le problème du pouvoir d’achat, nous allons avoir une loi tous les six mois !

M. Jean Gaubert. Très juste !

M. Arnaud Montebourg. Tous les six mois, ce sera à nouveau la question de la grande distribution et de la possibilité pour elle de faire usage de sa force à l’encontre des producteurs, avec sa tentative – et à ce sujet, monsieur le rapporteur, vous avez eu raison de vous indigner – d’abandon des marges arrière en contrepartie de la négociabilité des conditions générales de vente. « Enfin ! », s’écrieraient, dans un moment de soulagement, nos amis de la grande distribution.

M. François Brottes. Ils le font !

M. Arnaud Montebourg. Ce serait appuyer sur le bouton, M. Chatel le sait parfaitement, de la machine à délocaliser ce qui nous reste de PME dans l’agroalimentaire. L’ensemble des difficultés de notre tissu industriel national n’en seraient qu’aggravées !

Encore un point, qu’a évoqué notre collègue Jean Gaubert : les délais de paiement. Ce sont 11 milliards d’euros qui sont laissés chaque année en trésorerie, sur le dos des PME, dans les comptes et les livres de la grande distribution.

Mme Delphine Batho. Scandaleux !

M. Arnaud Montebourg. Cet argent doit lui être pris car il est indûment détenu. Cet argent, c’est le prix de l’abus de position dominante dans lequel se trouve aujourd’hui le système de distribution à l’égard du système de production.

Mme la présidente. Mon cher collègue, je vous prie de conclure.

M. Arnaud Montebourg. Je conclus, madame la présidente.

Nous, les socialistes, défendons le système de production, qui risque de faire les frais de la politique que vous êtes en train de mener, monsieur le secrétaire d’État, à l’égard de la grande distribution.

Enfin, s’agissant de l’action de groupe, nous attendons d’un Luc Chatel devenu secrétaire d’État qu’il soit aussi flamboyant que lorsqu’il était parlementaire. Le présent texte est vide sur cette question, au point que l’Union fédérale des consommateurs demande où est passée l’action de groupe. Il y a donc des arbitrages gouvernementaux à l’œuvre derrière ce silence. Nous attendons une affirmation plus forte de la part du Gouvernement pour défendre les consommateurs.

M. Yves Albarello. Il faut conclure, monsieur Montebourg !

M. Arnaud Montebourg. Ceux-ci ne peuvent pas laisser des rentes de situation entre les mains de la grande distribution. C’est une des raisons pour lesquelles nous apportons, nous, des propositions dans le débat, et des amendements que nous défendrons lors de la discussion des articles. Nous nous associons à la fermeté dont certains collègues de la majorité ont fait preuve. Les socialistes veulent défendre le tissu industriel, protéger les entrepreneurs et leurs salariés, qui, aujourd’hui, sont dans une situation extrêmement difficile…

M. Yanick Paternotte. C’est pourquoi vous avez fait les 35 heures !

M. Arnaud Montebourg. …et qui se retrouvent en position de voir la force et la puissance de l’abus de position dominante s’exercer contre eux et sur eux. Mais cela, nous ne le laisserons pas faire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Gaudron.

M. Gérard Gaudron. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la question du pouvoir d’achat est au cœur des préoccupations des Français. Elle est même exacerbée par la hausse du cours des matières premières et son impact sur les prix – même si, nous sommes tous bien d’accord, la hausse des prix est souvent due à la récupération des marges par les distributeurs.

M. François Brottes. Ah !

M. Gérard Gaudron. Un sondage de TNS SOFRES, réalisé du 24 au 26 septembre 2007, rapporte que « 43 % des Français déclarent avoir régulièrement du mal à boucler leurs fins de mois ». C’est pourquoi l’amélioration du pouvoir d’achat a été l’un des thèmes majeurs des élections d’avant l’été. Le Président de la République, le Gouvernement et la majorité parlementaire ont agi concrètement dans ce domaine, avec, par exemple, le projet de loi relatif aux heures supplémentaires, qui a une répercussion directe sur le pouvoir d’achat grâce à l’augmentation des rémunérations.

Le présent projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs poursuit le même objectif en agissant sur les prix des biens et des services de consommation. Comme cela a été dit, ce projet de loi est grand public puisqu’il touche la vie quotidienne des Français et agit concrètement pour renforcer leur pouvoir d’achat. À ce titre, l’information sur les services bancaires et les frais de gestion facturés par les établissements bancaires répond aux attentes des consommateurs, dont la protection sera renforcée.

D’autres points sont à souligner : la gratuité du temps d’attente, la non-surtaxe de la hotline ou l’assouplissement des durées minimales d’engagement dans la téléphonie mobile. Ce sont des projets qui étaient attendus de longue date par tous les consommateurs.

La relance de la consommation fait partie des objectifs très légitimes du Gouvernement, en particulier grâce à des baisses de prix dans les grandes surfaces, notamment en abaissant le seuil de revente à perte en y intégrant les marges arrière. Il y aura lieu toutefois de faire très attention pour que cette mesure ne se retourne pas contre les petits producteurs. La loi Galland établissait jusqu’à présent un seuil beaucoup plus rigide et donnait moins de liberté aux distributeurs pour baisser leurs prix. Elle n’avait malheureusement pas tout réglé, loin de là. Il convient donc d’être vigilant sur la problématique du petit commerce et des commerces de centre-ville, qui doivent faire l’objet d’un traitement particulier. Ils ont un rôle essentiel à jouer dans l’animation de la cité.

À la demande du Président de la République et du Premier ministre, la Commission pour la libération de la croissance française a remis récemment ses premières conclusions. Les mesures proposées concernent la réforme de la distribution et du commerce, qui permettrait de relancer l’emploi, la croissance et le pouvoir d’achat, non seulement dans ce secteur mais également dans tout le reste de l’économie.

Mais la Commission pour la libération de la croissance française semble aussi proposer, au nom de la concurrence, de repenser les lois Royer et Raffarin, et de supprimer les procédures d’autorisation actuelles. Ainsi, les ouvertures de nouveaux magasins, quelle que soit leur taille, ne seraient plus subordonnées qu’à une seule autorisation, accordée au moment de l’obtention du permis de construire. Le rôle des élus locaux risquerait d’en être largement diminué, alors qu’ils sont les plus à même de connaître les besoins existant dans leur collectivité. Par exemple, toujours au nom de la concurrence au service des consommateurs, en limite de la Seine-Saint-Denis et du Val d’Oise, sur la zone aéroportuaire de Roissy-Charles-de-Gaulle, l’installation d’un centre commercial dit « Aéroville », de 100 000 mètres carrés dont 50 000 mètres carrés de surface de vente, est prévu, ce qui suscite de nombreuses inquiétudes pour les centres existants, déjà largement positionnés et en nombre suffisant. Dans ma ville, à Aulnay-sous-Bois, le conseil municipal s’est prononcé à l’unanimité, le 25 octobre dernier, contre cette autorisation, comme bien d’autres en Seine-Saint-Denis et en Seine-et-Marne. La création d’un centre commercial d’une telle importance, au nom de la concurrence, devait s’inscrire dans une logique de consolidation des équipements existants et des équilibres avec les commerces des centres-villes et des agglomérations proches, mais ce ne sera pas le cas. Ce projet de centre commercial va dans le sens contraire.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez assuré que la question de l’urbanisme commercial serait traitée dans le cadre du projet de loi de modernisation de l’économie, actuellement en préparation, avec pour objectif de relancer et de renforcer le commerce de proximité. Ne l’oubliez pas, d’autant que plus de 3 millions de mètres carrés de surface de vente ont encore été créés l’an passé. Certes, le Gouvernement ne souhaite pas opposer les grandes surfaces aux autres distributeurs, et alors même que les Français ont fait le choix de la grande distribution, ils continuent de fréquenter les commerces de proximité, qui ont fait nombre d’efforts pour se rénover et renouveler leur offre de services aux consommateurs.

Mme la présidente. Mon cher collègue, veuillez conclure.

M. Gérard Gaudron. Il conviendra de réfléchir aux effets négatifs de la législation actuelle en matière d’urbanisme commercial et, comme vous l’avez indiqué, monsieur le secrétaire d’État, devant la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, d’assurer le développement équilibré d’une offre innovante, y compris et surtout en centre-ville.

Mes chers collègues, ce projet de loi est une vraie réforme qui doit recueillir notre soutien. Le Président de la République a déclaré qu’il serait le Président du pouvoir d’achat : les députés que nous sommes doivent être les instruments de son augmentation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Le Loch.

Mme Annick Le Loch. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, ce projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs comporte des avancées indéniables, notamment dans le domaine des communications électroniques ou en termes de clarification des relations avec les banques : les mesures qu’il prévoit en la matière sont bonnes parce qu’elles tendent à protéger le consommateur, qui a besoin d’être protégé, et qu’elles permettront, je l’espère du moins, une moralisation des relations commerciales.

Le texte propose également de faire évoluer les relations entre les distributeurs et les fournisseurs – d’aucuns ont évoqué le sujet avant moi – en ce qui concerne notamment la définition du seuil de revente à perte, l’intégration des marges arrière, l’instauration d’une convention unique de négociations commerciales, l’extension des contrats types pour les produits agricoles et halieutiques et la dépénalisation des infractions à la législation commerciale. C’est ce dernier point du texte, monsieur le secrétaire d’État, qui me donne l’occasion de vous interroger sur notre système commercial et son évolution, d’autant que son complet déséquilibre au profit de la grande distribution appelle des commentaires et suscite des inquiétudes. Celles-ci ont trait notamment aux conséquences de l’adoption du texte pour le consommateur et les fournisseurs, lesquels constituent l’essentiel de notre tissu de PME et donc de notre emploi.

C’est vrai, les relations commerciales dans notre pays sont caractérisées par une telle opacité qu’elles sont incompréhensibles pour le consommateur et souvent pour le fournisseur lui-même. Aussi est-il urgent de les clarifier et de les simplifier. Je tiens toutefois à appeler votre attention sur deux sujets d’inquiétude : l’aménagement de nos territoires et la fragilisation de nos PME.

En ce qui concerne l’aménagement de notre territoire, le commerce de proximité participe de notre style de vie même ! Mais on voit bien ce qui se joue au travers de ce texte : l’exacerbation d’un déséquilibre déjà trop important entre petite et grande distribution, entre commerces de proximité et moyennes et grandes surfaces, entre centre ville et périphérie.

Au cours du débat, nous devons conserver à l’esprit des données essentielles : non seulement la France est le pays d’Europe où la densité des grandes surfaces est la plus élevée mais, de plus, notre population est vieillissante et donc en demande de commerces de proximité. À ce propos, je tiens à vous faire part d’une information de dernière minute : la Commission nationale d’équipement commercial vient d’autoriser, en dépit de l’avis défavorable unanime de la Commission départementale d’équipement commercial du Finistère, l’ouverture de 400 mètres carrés de vente de matériel médical et paramédical. C’est là, me semble-t-il, une première en France ! Doit-on la considérer comme l’illustration des « bonnes pratiques » que nous évoquions précédemment ?

Enfin, le seul secteur de l’artisanat et du commerce alimentaire de proximité représente 25 % du marché du secteur alimentaire et près de 430 000 emplois. Quelles réponses voulons-nous apporter à la question de la vitalité de nos bourgs, à celle de l’animation de notre vie locale ou encore à celles de la qualité de nos produits et de la transmission de nos savoir-faire ? Tels sont les éléments qu’il convient de prendre en considération.

Le second sujet d’inquiétude concerne la fragilisation de nos PME. Si nous choisissons de nous engager dans une trop grande libéralisation des pratiques commerciales, il ne faudrait pas que, sous prétexte de faire baisser les prix de vente, la grande distribution étouffe, au travers de ses conditions, les PME déjà pressurées. C’est ainsi qu’une entreprise de ma circonscription – c’est un exemple parmi des milliers – m’a récemment fait part de son inquiétude face à ce texte : spécialisée dans les conserves de thon, cette entreprise ne peut plus fonctionner correctement en raison de la hausse des matières premières – plus de 45 % depuis 2006. Comment répercuter la hausse des coûts de production alors que la concurrence entre les enseignes s’intensifie et que le discours est à la baisse des prix des produits de consommation ? L’industrie alimentaire française, notamment les conserveries de poissons dont je connais les difficultés, seraient sans aucun doute encore un peu plus fragilisées si nous allions vers un démantèlement complet des mécanismes actuels de régulation.

Monsieur le secrétaire d’État, ce texte ne règle rien en la matière : il ne satisfait donc personne, alors qu’il reste tant à faire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Mme la présidente. Je vous remercie, madame Le Loch, d’avoir respecté votre temps de parole.

La parole est à M. Jacques Lamblin.

M. Jacques Lamblin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis trente ans les pouvoirs publics n’ont cessé d’intervenir pour rééquilibrer les relations entre les différents acteurs de la filière commerciale, mais chaque loi votée a développé des effets pervers en sus des effets attendus.

Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui a pour objet dans son titre Ier de corriger certains effets indésirables de la loi Galland. Tenu par le temps je limiterai mon propos à la description de la situation actuelle de milliers de petits fournisseurs – PME et artisans – et de dizaines de milliers de petits distributeurs et commerçants de toute nature face à la grande distribution et à ses centrales d’achat. Je tenterai ensuite d’évaluer les changements qu’ils ont à attendre de l’adoption de ce projet de loi et de montrer ce que celui-ci apportera aux consommateurs.

En définissant un seuil de revente à perte calculé sans prendre en compte les marges arrière, la loi Galland a entraîné une quasi-uniformité des seuils de revente à perte pour tous les distributeurs quelle que soit leur taille. Ainsi, même s’ils étaient attaqués sur les prix et obligés de revendre au prix coûtant pour s’aligner, les plus petits conservaient quand même leurs marges arrière, c’est-à-dire de quoi vivre. C’était l’effet attendu par le législateur.

Mais parallèlement, un autre effet, pervers quant à lui, est apparu : sollicités pour des remises, les fournisseurs ont été tentés d’en accorder toujours plus en prévoyant de financer leur libéralité par une augmentation de leurs tarifs. Davantage attirés par le montant des remises consenties qu’inquiétés par l’augmentation du prix d’achat, les distributeurs se sont engouffrés dans la brèche. Ce mécanisme a nourri l’inflation.

Toutefois, faut-il imputer l’augmentation excessive des marges arrière à la seule loi Galland ? Ce travers ne trouve-t-il pas aussi son origine dans le rapport de force inégal qui existe entre les centrales d’achat et les fournisseurs contraints d’accepter les conditions proposées par la grande distribution, sous peine d’être déréférencés ? J’en veux pour preuve la disproportion manifeste entre l’impressionnant cahier des charges imposé par un grand nom de la distribution à ses fournisseurs – onze pages de conditions générales d’achat, et non de vente,…

M. Arnaud Montebourg. Très juste !

M. Jacques Lamblin. …assorties de dix-sept motifs de pénalités – et les modestes conditions générales de vente – une page ! – requises par le fournisseur. Dès lors, que peuvent attendre consommateurs, distributeurs et fournisseurs du projet de loi ?

M. François Brottes. C’est bien là la question !

M. Jacques Lamblin. Tout d’abord, la baisse des seuils de revente à perte entraînera, entre grandes surfaces, une bataille sur les prix. Les consommateurs verront baisser les prix : c’est l’effet attendu et il sera atteint, cela ne fait aucun cloute…

M. François Brottes. C’est la foi du charbonnier !

M. Jacques Lamblin. …et nous devons nous en féliciter, monsieur le secrétaire d’État.

Mais les seuils de revente à perte étant désormais très différents les uns des autres, les distributeurs les plus puissants, qui bénéficient de grosses remises, pourront descendre leurs prix à un niveau que les plus faibles n’auront même pas le droit d’atteindre, puisque ce prix sera inférieur à leur propre seuil de revente à perte. La grande distribution disposera là d’une arme redoutable : elle s’en servira, cela ne fait aucun doute. L’enjeu ne sera plus les produits de grande consommation pour lesquels l’affaire est entendue depuis longtemps, mais tout le reste : l’électroménager, la parfumerie, les fleurs, l’hygiène, l’optique, les voyages, l’assurance ou encore la bijouterie – tout ce qui est encore vendu dans nos centres-villes. Incapables de lutter, beaucoup disparaîtront et la distribution se concentrera de plus en plus. Cette perspective est réelle.

Enfin, les fournisseurs ne verront, quant à eux, rien changer en matière de pression des centrales d’achat, bien au contraire. La distribution se concentrant toujours plus entre des mains trop peu nombreuses, le déséquilibre dans la négociation ne fera que s’aggraver. De plus, si les marges arrière sont distribuées aux consommateurs au lieu de constituer le profit de l’entreprise, les centrales essaieront tout naturellement de reconstituer ce profit en sollicitant toujours plus leurs fournisseurs. Pour répondre à cette pression, les petits fournisseurs trop faibles pour se défendre seuls devront soit se regrouper soit se vendre à de grands groupes. Un scénario de concentration de l’appareil de production se met donc en place.

M. Jean-Paul Charié. Eh oui !

M. Jacques Lamblin. En conclusion, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui est attendu, il est intéressant et important et il atteindra son but : les prix baisseront. Toutefois, ce résultat ne doit pas occulter les autres conséquences de l’adoption du texte. C’est pourquoi un texte complémentaire s’impose de toute urgence, visant à réguler les rapports économiques et à maîtriser la trop grande puissance des centrales d’achat, qui est au cœur du problème – tous les orateurs l’ont signalé.

L’aménagement du territoire et l’organisation commerciale de notre société ne sauraient être les fruits exclusifs d’une concurrence entre des acteurs dont certains jouissent déjà d’une position exagérément dominante. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques et M. Bertrand Pancher, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, si nous sommes une nouvelle fois obligés de remettre l’ouvrage sur le métier, c’est que nous ne sommes pas parvenus en France à établir des relations équilibrées entre producteurs, distributeurs et consommateurs.

M. Patrick Roy. Eh non !

M. Jean-Yves Le Déaut. Nous n’avons jamais réussi à trouver la juste place du curseur, et il faut malheureusement reconnaître que les législations successives n’ont jamais permis de mettre un terme aux pratiques abusives. C’est ce que vient du reste de reconnaître Jacques Attali dans son prérapport sur le pouvoir d’achat. Un grand responsable de la distribution, Michel-Édouard Leclerc, que d’autres ont évoqué avant moi, a même déclaré, il y a quelques années, qu’il s’asseyait sur la loi.

M. Jean-Paul Charié. Il a dit, en effet : « Je ne détourne pas la loi, je m’assois dessus ! »

M. Jean-Yves Le Déaut. Dans le domaine du droit de la concurrence, comme dans d’autres, la France est le pays de la géologie politique : on accumule de nouvelles strates législatives et réglementaires, sans faire respecter celles qui existent déjà.

Je voudrais, monsieur le secrétaire d’État, le montrer à travers trois exemples.

Le premier concerne les forfaits. J’aurais souhaité comme vous, il y a quelques semaines, la suppression pure et simple des forfaits de vingt-quatre mois car, comme l’a souligné le président de UFC-Que Choisir, M. Alain Bazot : « Les opérateurs ont-ils si peu confiance dans la qualité de leur service pour craindre autant de perdre leurs clients ? » La vraie concurrence ne consiste certainement pas à donner des avantages à un client au moment de la signature d’un contrat pour faire de lui un consommateur captif. Comme vous l’avez noté tout à l’heure, « la fidélité n’est pas la captivité ». On comprend du reste d’autant mieux les raisons de la résistance des opérateurs qu’on connaît les atouts de la poule aux œufs d’or que constituent les 35 millions de consommateurs qui possèdent un téléphone mobile. En 2006, Orange, SFR et Bouygues Télécom ont engrangé 8,5 milliards d’euros de profits !

Le deuxième exemple concerne les rapports entre producteurs et consommateurs. La grande distribution française a opéré depuis trente ans un mouvement de concentration sans précédent. En effet, cinq centrales d’achat, jouant le rôle d’un goulet d’étranglement, contrôlent sans partage les rapports commerciaux entre, d’un côté, 75 000 entreprises et 300 000 agriculteurs et, de l’autre, 60 millions de consommateurs, ce qui explique les craintes des agriculteurs comme celles des dirigeants de PME et de PMI.

En dépit des législations successives, des pratiques inadmissibles, à la limite du « racket », comme l’a noté M. Charié, se sont répandues tandis que les pratiques connues ne constituent que la partie émergée de l’iceberg. À coups de pages de publicité adressées au Président de la République, on veut faire croire aujourd’hui qu’une bataille sans merci oppose la grande distribution aux multinationales de l’agroalimentaire. Ce qu’on dit moins, c’est que ce duel de géants se fait au détriment des petites et moyennes entreprises et du consommateur. Une menace réelle pèse aujourd’hui sur la diversité des marques et des produits : il y a trente ans, il existait 150 producteurs de pâtes en France, alors qu’il n’en reste plus aujourd’hui qu’une dizaine.

Le consommateur est devenu totalement captif et il est inexact de prétendre avec les grandes enseignes qu’elles choisissent pour le consommateur des produits de qualité au prix le plus bas, puisqu’elles prélèvent des marges arrière, lesquelles, en dépit de la loi Dutreil, ont augmenté depuis deux ans. Du reste, vous l’avouez vous-même, monsieur le secrétaire d’État, dans l’exposé des motifs de la loi : le prix payé par le consommateur est plus élevé qu’il ne devrait l’être.

S’il n’y a pas eu d’inflation sur les produits de consommation des ménages, cela vient du fait que les gains de productivité des entreprises ont été repris par les marges arrière, ce qui a d’ailleurs permis la constitution d’empires financiers dans la grande distribution.

Les marges bénéficiaires des petits producteurs ont fondu comme neige au soleil et tous ceux qui n’ont pas accepté les conditions léonines qu’on leur a proposées ont été « déréférencés ». Le développement des marques de distributeur obéit malheureusement à cette loi du plus fort selon laquelle la distribution impose ses prix, quelles que soient les variations des prix de l’énergie ou des matières premières. En définitive, le consommateur est perdant, car s’il profite de bas prix sur des produits d’appel, il paye le prix fort sur d’autres.

Que dire des délais de paiement qui fournissent une trésorerie à bon compte – dont on reparlera ? C’est Ubu, dans ce domaine, puisque certains distributeurs financiers réalisent l’exploit de prêter, à des taux dépassant 15 %, l’argent du fournisseur qui n’a pas été payé.

M. Jean Gaubert. C’est vrai !

M. Jean-Yves Le Déaut. Enfin, le troisième exemple porte sur des ventes liées, à propos desquelles la loi de 2005 était très nette. Or elle n’est malheureusement pas appliquée. Il y a manifestement, dans le domaine de la communication électronique, des abus de position dominante car la vente liée constitue un obstacle à la concurrence. Quand un consommateur achète un ordinateur, des groupements entre matériel informatique et logiciel lui sont imposés. Pourtant, la loi est limpide : un ordinateur, c’est un matériel ; un logiciel, c’est un service. Ces deux biens sont de nature différente et n’ont aucune raison d’être obligatoirement vendus ensemble. Nous sommes obligés de constater qu’il y a violation de la loi, violation du droit des consommateurs et que ce marché est verrouillé. Quelles mesures comptez-vous donc prendre, monsieur le secrétaire d’État ? N’y a-t-il pas monopole, en France, quand 95 % de l’équipement des individus viennent d’une seule société, en l’occurrence Microsoft ?

Aussi, je ne pense pas, fort de ces trois exemples, que, le texte prenne totalement la mesure des problèmes que posent aujourd’hui les relations entre producteurs, distributeurs et consommateurs. Même si le projet présente des avantages, vous n’êtes pas certain vous-même que, une fois devenu loi, il ne sera pas détourné.

En 2000, en tant que rapporteur de la mission sur l’évolution de la distribution, présidée par Jean-Paul Charié, intitulée : « De la coopération à la domination commerciale », j’avais proposé des solutions pour instaurer des règles de concurrence loyale. Je disais même qu’il fallait impérativement faire appliquer la loi, qu’il fallait supprimer la fausse coopération commerciale, assurer la stabilité des engagements contractuels, redéfinir les abus de la dépendance économique. Je souhaitais également la mise en place d’une commission d’arbitrage des pratiques abusives. Toutes ces questions restent malheureusement d’actualité.

Mme la présidente. Vous avez épuisé votre temps de parole, cher collègue…

M. Jean-Yves Le Déaut. Je conclus, madame la présidente.

Je pense qu’il faut rapidement établir une véritable autorité indépendante de la concurrence, qui aura pouvoir de se saisir de toute question en la matière, d’imposer des pratiques uniformes pour les prix et les conditions de vente, de vérifier la réalité de la coopération commerciale, de qualifier les clauses abusives et les abus de dépendance économique ainsi que le pouvoir de faire cesser les pratiques litigieuses et d’attribuer des allocations de réparation aux parties lésées. C’est ce qui se passe dans d’autres domaines comme l’audiovisuel, le nucléaire, la Bourse. Nous devons impérativement obtenir cette avancée dans le secteur de la concurrence. J’aurai l’occasion de proposer un amendement à ce sujet.

Tout en partageant certaines de vos préoccupations, je pense donc qu’il convient d’aller plus loin en modifiant l’ordonnance du 1er décembre 1986 et de parvenir à un meilleur équilibre entre production et distribution. Cela passe par des modifications profondes du droit de la concurrence. Mais le présent texte n’a malheureusement pas cette ambition. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Grosperrin.

M. Jacques Grosperrin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, chers collègues, au cours de ces dernières années, même si la relation de confiance est restée solide entre le particulier et sa banque, l’image des banques dans l’opinion s’est dégradée, à cause principalement de l’augmentation des frais bancaires. Dans un sondage datant du 14 février 2006, à la question : « D’une manière générale, diriez-vous que, dans votre banque, le prix des services est…», 40 % des personnes interrogées ont répondu : « excessif ».

En effet, les frais bancaires paraissent bien complexes aux yeux des clients pour être lisibles. Pendant longtemps, leur montant était quasi nul, tant et si bien que les prestations bancaires étaient considérées comme un service rendu au public. Les marges d’intérêt des banques étaient alors assez importantes pour que la facturation des services ne soit pas nécessaire : cela signifiait que la marge entre les taux d’intérêt accordés aux clients pour leurs prêts, et le taux d’intérêt de l’argent déposé par les clients, était suffisamment importante.

Aujourd’hui, les établissements de crédits sont des opérateurs privés qui évoluent dans un contexte international pleinement concurrentiel. Aussi, lorsque les taux d’intérêt appliqués pour les prêts bancaires ont diminué du fait de leur alignement sur ceux pratiqués par les concurrents – et l’on peut s’en réjouir pour les clients et les consommateurs que nous sommes –, ces établissements ont dû s’adapter et trouver des ressources, l’une des principales ayant longtemps été la généralisation des dates de valeur. Tel était l’argument avancé par le secteur bancaire pour justifier la généralisation de la facturation des services proposés aux clients.

On relève cependant une contradiction : aujourd’hui, les taux d’intérêt recommencent à augmenter et, par conséquent, les marges des établissements bancaires progressent. Or ils n’envisagent pas pour autant de diminuer les frais bancaires.

Je vais prendre l’exemple des dates de valeur, qui correspondent aux dates à partir desquelles les opérations effectuées sur un compte bancaire sont prises en compte, que ce soit au débit ou au crédit. Les banques justifient les jours de valeur par les délais de traitement des opérations, qui les empêchent de disposer réellement des fonds au moment où elles les comptabilisent. Il s’agit en fait de commissions déguisées car les délais de traitement des opérations interbancaires, surtout à l’heure de l’informatique, sont en pratique très inférieurs aux dates de valeurs les plus couramment pratiquées.

Le présent projet, monsieur le secrétaire d’État, est bon car il vient compléter les garde-fous qui existent déjà. En effet, deux mesures principales concernent la relation banque-client. La première concerne l’élargissement du champ de la médiation bancaire. Il étend la procédure de médiation bancaire existante à tout litige relatif aux services fournis et à l’exécution de contrats conclus dans le cadre des dispositions des titres Ier et II du livre III et aux litiges relatifs aux produits mentionnés aux titres Ier et II du livre II du code monétaire et financier. La seconde disposition prévoit que les banques devront fournir un récapitulatif annuel des frais bancaires payés par les clients au titre de la gestion de leur compte de dépôt. Cette mesure permettra de lever l’opacité que ressentent les clients concernant le montant et la justification des frais qui leur sont facturés.

Nous n’en sommes toutefois pas à la première tentative pour accroître la contractualisation et la transparence des relations entre le client et sa banque. En effet, le chemin parcouru vers cette amélioration a été entamé en 2003. Au préalable, la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant des mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, dite loi « MURCEF », prévoyait notamment que les banques devaient remettre à tout titulaire d’un compte de dépôt une convention de compte fixant les conditions de fonctionnement du compte, et notamment les prix des produits bancaires et des services bancaires, qui nous intéressent aujourd’hui.

Cette convention de compte favorise le rééquilibrage de la relation banque-client en faveur du consommateur. Il s’agit, en somme, d’un document de référence permettant au client non seulement de connaître les pratiques de l’établissement bancaire qu’il choisit mais également de les comparer avec d’autres. Cette mesure, on le sait, devait entrer en vigueur un an après la publication de la loi MURCEF pour les nouveaux clients et le 1er janvier 2003 pour les clients ayant déjà un compte. Seulement, ces dispositions ont été suspendues le 1er août 2003 pour une durée de dix-huit mois, en raison du travail colossal que devaient réaliser les banques pour adresser 60 millions de conventions de compte : le délai imparti était trop court.

Dans cet intervalle, une charte de bonne conduite a été éditée le 9 janvier 2003 selon laquelle les banques s’engageaient à respecter les principes de contractualisation et de transparence tarifaire. Ainsi, le 30 octobre 2004, à la veille de l’ouverture des négociations, 17 millions de conventions de compte étaient signées.

Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, a rencontré les banques et les associations de consommateurs pour élaborer le plan d’actions du 9 novembre 2004 intitulé « La banque plus facile pour tous ». L’ensemble de ces dispositions établit le cadre législatif et réglementaire définitif des conventions de compte ébauché par la loi MURCEF. Ainsi, pour la première fois, une démarche visant à encadrer les frais bancaires et à rechercher davantage de lisibilité dans la relation client-banque était traduite par un texte de loi.

Le plan d’actions « La banque plus facile pour tous » a ainsi amélioré la transparence et l’information tarifaire, mais a également favorisé la mobilité des clients, c’est-à-dire leur possibilité de changer de banque, et a fourni un référentiel de l’évolution des frais bancaires. Cette relation de transparence entre un client et sa banque représente une opportunité pour les établissements bancaires de valoriser leur image, mais c’est aussi un outil de communication sur la compétitivité des frais. Plusieurs dispositifs ont été mis en œuvre pour faciliter la comparaison des produits et des tarifs bancaires.

Pour conclure, je rappellerai que les frais bancaires ont évolué sans contrainte, et c’est bien là le problème, d’autant plus qu’actuellement la hausse des taux d’intérêt permet aux banques d’améliorer leurs marges d’intérêt. Ce projet est donc l’occasion, monsieur le secrétaire d’État, de nous pencher plus attentivement sur la question. En effet, au-delà d’une volonté de transparence accrue, ne doit-on pas afficher également notre volonté d’encadrer les frais bancaires ? Les Français nous montrent quotidiennement que le pouvoir d’achat est une de leurs préoccupations majeures. Nous pouvons, dans le secteur bancaire, répondre quelque peu à leurs attentes légitimes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, chers collègues, les temps sont durs pour les familles, les salariés, les petits retraités.

M. Patrick Roy. Eh oui ! Les temps sont durs !

Mme Delphine Batho. En effet, la vie chère, ce ne sont pas seulement la hausse des prix, la hausse des loyers, la hausse des prix du gazole : c’est aussi l’argent cher. Les petits incidents de paiement sont le lot quotidien de nombreux salariés et petits retraités qui vivent à découvert parce que, le 15 du mois, il n’y a plus rien sur le compte en banque, compte tenu du coût de la vie.

M. Gérard Voisin. Ça y est, c’est reparti !

M. Patrick Roy. C’est pourtant la réalité, et vous ne la connaissez pas !

M. Yves Albarello. Calmez-vous, monsieur Roy ! Restez zen !

Mme la présidente. Je vous en prie, écoutez Mme Batho !

Mme Delphine Batho. L’insécurité sociale, c’est aussi cela : vivre à crédit en permanence, être en déficit perpétuel, n’avoir aucune sécurité financière pour faire face à un éventuel imprévu ou à une difficulté de la vie.

Victor Hugo écrivait que « c’est de l’enfer des pauvres qu’est fait le paradis des riches ».

M. Yves Albarello. On dirait du Zola !

Mme Delphine Batho. Cette formule peut tout à fait s’appliquer aux pratiques abusives des établissements bancaires qui s’enrichissent sur le dos de nos concitoyens les plus modestes.

L’article 9 du projet propose la mise en place d’un récapitulatif annuel des frais bancaires, véritable Arlésienne que ne cessent de demander les associations de consommateurs depuis des années. Or, je préfère le dire d’emblée, honnêtement – cela vous évitera de dire que l’opposition pratique une critique systématique –,…

M. Gérard Voisin. Bien sûr qu’elle le fait !

Mme Delphine Batho. …il s’agit bien d’une avancée, d’une avancée modeste, même très modeste, mais toute avancée est bonne à prendre et, comme l’a dit le responsable d’une association de consommateurs, de façon peut-être triviale : « C’est mieux que rien. »

Vous avez en effet au moins le mérite de nous proposer de légiférer là où tant de vos prédécesseurs ont renoncé,…

M. Michel Raison, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Seulement ceux de gauche !

Mme Delphine Batho. …qu’il s’agisse de Francis Mer, d’abord, qui avait mis fin à des discussions avec les établissements bancaires en 2002 et s’était refusé à signer différents textes réglementaires ; de Nicolas Sarkozy, ensuite, qui, ministre des finances en 2004 promettait « des avancées considérables » et quinze mesures concrètes, dont la plupart ne sont jamais entrées en vigueur ; de Thierry Breton, enfin, qui, constatant que ces promesses de 2004 « n’ont eu que peu d’effet », brandissait face aux banques la menace d’une réglementation plus stricte qu’il imposerait par la loi – or il n’a jamais légiféré.

Finalement, c’est le Parlement qui, par un amendement, au mois de février dernier, a imposé un plafonnement des tarifs bancaires.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez dit que la seule question à laquelle il fallait répondre était : « Combien me coûte ma banque ? » À cet égard, la transparence que vous prônez avec ce récapitulatif annuel est une transparence avec un angle mort puisque les agios ne figureraient pas dans ce document.

M. Jean-Paul Charié. Un amendement y remédie !

Mme Delphine Batho. Aussi ferons-nous des propositions convergentes avec celles des rapporteurs pour y remédier.

Ensuite, le problème posé n’est pas seulement celui de la transparence : c’est celui du coût des tarifs bancaires, celui des pratiques abusives, comme ces triples peines imposées pour un petit incident de paiement, où l’on voit les banques non seulement prendre une commission de rejet de prélèvement ou de rejet de chèque, mais aussi prendre, en plus, une commission pour avoir réalisé une opération au-delà du découvert autorisé, et prendre, enfin, une commission pour l’envoi d’une lettre de demande de régularisation – qui, dans certaines banques, s’élève à 20,60 euros !

La logique – qu’on entend souvent – selon laquelle ces tarifications contribuent à responsabiliser le consommateur est totalement erronée. Elle ne responsabilise pas le consommateur, elle l’enfonce dans des situations conduisant à l’endettement, puis au surendettement. D’une manière générale, quand survient un incident de paiement, le banquier n’est souvent pas loin de vous proposer un crédit à la consommation pour vous en sortir.

M. Arnaud Montebourg. Bien sûr !

Mme Delphine Batho. Après la crise financière de l’été dernier, qui a affecté les établissements bancaires aux États-Unis, Mme Lagarde a vanté à plusieurs reprises la solidité de notre système bancaire. En effet, les banques françaises sont en très bonne santé puisqu’elles ont encaissé plus de 28 milliards d’euros de bénéfices nets en 2006, soit 25 % de plus qu’en 2005. Ainsi, je rejoins le collègue de la majorité qui s’est exprimé avant moi,…

M. Michel Raison, rapporteur. Il s’agit de Jacques Grosperrin.

Mme Delphine Batho. …selon lequel il reste de la marge pour définir une réglementation beaucoup plus stricte des tarifs bancaires. En effet, l’histoire a montré que les banques ne sont pas philanthropes et que ce que le législateur n’impose pas par la loi, elles se refusent à le concéder par la négociation.

Aussi, monsieur le secrétaire d’État, nous ferons des propositions et défendrons des amendements et nous jugerons la sincérité de vos engagements sur la tarification des frais bancaires à l’accueil que vous leur réserverez.

Pour conclure, je voudrais faire deux remarques très rapides.

D’abord, vous me permettrez d’émettre un doute sur la détermination du Gouvernement à défendre les droits des consommateurs. Vous nous dites, monsieur le secrétaire d’État, que vous voulez les défendre, et je pense que vous l’avez démontré par le passé. Mais d’un autre côté, Mme Dati supprime actuellement, sur l’ensemble du territoire, des centaines de tribunaux d’instance, qui sont précisément ceux auxquels les consommateurs s’adressent quand un litige les oppose à un certain nombre d’opérateurs ou d’entreprises.

M. Patrick Roy. Eh oui !

Mme Delphine Batho. UFC-Que Choisir s’est d’ailleurs plainte de n’avoir pas même été consultée sur cette réforme de la carte judiciaire, qui concerne pourtant au premier chef les consommateurs !

En second lieu, je rejoins ce qu’ont dit mes collègues socialistes en réponse à Mme Lagarde : ce projet de loi dans son ensemble ne répond en rien au problème du pouvoir d’achat et de la stagnation des revenus. C’est si vrai qu’un journal du soir nous apprend que le Président de la République consulte actuellement tous azimuts pour trouver de nouvelles mesures à annoncer, afin de calmer les impatiences légitimes qui s’expriment dans le pays.

S’il fallait une preuve supplémentaire des défauts et des insuffisances de ce texte, ce journal du soir nous l’a apportée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Patrick Roy. Le Gouvernement, c’est plus de grandes surfaces et moins de tribunaux !

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Voisin.

M. Gérard Voisin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, l’examen de ce texte montre bien, s’il en était besoin, que la vie quotidienne des Français et leurs difficultés sont une préoccupation constante de notre gouvernement.

M. Patrick Roy. Ça ne se voit pas !

M. Gérard Voisin. Sans attendre, donc, car la question du pouvoir d’achat est essentielle bien que complexe, comme en témoigne la multiplication d’indicateurs de mesure, le Gouvernement agit et prend des dispositions dont nous savons qu’elles auront très certainement un effet positif sur les dépenses de consommation des ménages.

Parmi celles-ci, nous est proposée aujourd’hui une réforme que le Président de la République avait annoncée au cours de l’été, visant à clarifier les relations commerciales entre distributeurs et fournisseurs, et en particulier une nouvelle évolution du mode de calcul du seuil de revente à perte destinée à mettre fin aux effets inflationnistes du développement de la coopération commerciale.

Cette réforme s’inscrit dans le prolongement de la loi du 2 août 2005 en faveur des PME, qui a autorisé la réintégration partielle des marges arrière obtenues auprès du fournisseur dans le calcul du seuil de revente à perte afin de permettre aux distributeurs de baisser leurs prix. En effet, le développement des marges arrière est intrinsèquement inflationniste puisque le consommateur ne peut tirer avantage des résultats de la négociation commerciale entre le fournisseur et le distributeur.

Pour aller plus loin, et dans la perspective d’une réintégration totale des marges arrière, la loi de 2005 prévoyait un bilan d’application de ces dispositions, dont nous pouvons tirer les enseignements aujourd’hui.

Ce bilan est indéniablement positif, puisque la loi a permis la baisse de 3,2 % du prix des produits de grande consommation, ce qui correspond à 2,5 milliards d’euros par an de pouvoir d’achat rendus aux consommateurs, ce que j’ai pu effectivement vérifier auprès des responsables de grandes surfaces que j’ai rencontrés.

Dans le même temps, il n’y a pas eu d’effet négatif sur les petits fournisseurs, puisque la part des produits des PME dans le chiffre d’affaires des grandes et moyennes surfaces est passée de 56,2 à 57,3 % depuis l’entrée en vigueur de la loi.

Il n’y avait donc aucune raison de différer l’étape qui nous est proposée aujourd’hui dans ce projet de loi et qui permettra aux distributeurs, s’ils veulent bien jouer le jeu, de réintégrer, au 1er janvier 2008, toutes les marges arrière dans le prix de revente au consommateur. Nous devrons donc être très attentifs à la structure d’évolution des prix dans les prochains mois.

Aujourd’hui, devant la perspective d’un passage au triple net, la grande distribution demande la négociabilité totale des tarifs et des conditions générales de vente des fournisseurs, et il semble que le Gouvernement soit assez ouvert sur cette question. Il s’agirait d’une révolution totale, dont l’impact économique doit être précisément mesuré et nous examinerons avec beaucoup d’attention les conclusions de la mission confiée à Mme Marie-Dominique Hagelsteen sur ce sujet. Nous devrons veiller à ne pas déséquilibrer la relation entre fournisseurs et distributeurs, même si, je le constate localement, les deux parties sont aussi des partenaires. Certaines grandes surfaces sont attachées, à juste titre, à la qualité du travail des PME locales.

Par ailleurs, malgré les préconisations de la commission Attali, un consensus semble se dessiner contre la suppression du maintien du seuil de revente à perte. Il faut s’en réjouir, car une telle mesure déstructurerait l’ensemble des secteurs du commerce et de la distribution.

Des questions importantes seront donc examinées dans les prochains mois. D’ores et déjà, je souhaiterais que nous prenions date, car à la suite du rapport définitif de la commission pour la libération de la croissance française présidée par Jacques Attali, des mesures nous seront proposées, visant à dynamiser notre économie.

Dans le domaine de la consommation, il s’agira de proposer un cadre plus adapté à une concurrence dont le consommateur devrait bénéficier en termes de prix. Mais n’oublions pas que les attentes du consommateur sont diverses. La contribution du secteur à la croissance française – de laquelle les Français tireront une hausse de leur pouvoir d’achat – ne passe pas seulement par la baisse des prix, mais aussi par une politique de dynamisation du commerce dans ses différentes formes.

Concernant le secteur du commerce et de la distribution, des études récentes montrent ainsi que, dans ce qui détermine le choix de fréquenter tel magasin plutôt que tel autre, le critère de la proximité et de la facilité d’accès devient le premier critère, devant celui du prix, tendance qui devrait se confirmer compte tenu de l’augmentation prévisible des coûts de transport.

À cet égard, les propositions concernant les CDEC sont très inquiétantes. Les commissions départementales d’équipement commercial sont l’un des principaux instruments dont disposent les acteurs locaux pour maîtriser l’urbanisme commercial et préserver, justement, un commerce de proximité qui peut être tout à fait compétitif,…

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nous sommes d’accord !

M. Gérard Voisin. …qui contribue largement à la satisfaction du consommateur, notamment dans sa dimension humaine, et qui pourra participer autant que la grande distribution au dynamisme que le Gouvernement souhaite insuffler à notre économie, à condition que nous soyons tous bien conscients de son rôle.

L’artisanat et le commerce alimentaires, il faut le rappeler, ont réalisé un chiffre d’affaires de 45 milliards d’euros en 2004, et les entreprises du secteur emploient 428 000 personnes. À chiffre d’affaires équivalent, ce secteur emploie trois fois plus de salariés que la grande distribution.

Sans anticiper sur les discussions futures, qui devront notamment s’attacher à examiner le problème de la cohérence entre les décisions des CDEC et celles de la CNEC, je souhaite que l’on puisse aider les élus locaux dans leur politique en faveur du commerce de proximité. En particulier, veillons à ne pas ruiner, par l’abandon de toute possibilité de régulation de l’urbanisme commercial, les efforts des maires qui s’attachent à favoriser l’accessibilité, à embellir les centres-villes et qui ont sans cesse cette préoccupation du maintien du tissu commercial, essentiel à la vitalité de leur commune.

Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Gérard Voisin. Je conclus, madame la présidente.

Les instruments existants devront donc sans doute être renforcés et complétés. Ces problématiques, monsieur le secrétaire d’État, ont toute leur place dans les réformes à venir en faveur d’une croissance harmonieuse du secteur de la distribution, en particulier au bénéfice du consommateur. Et c’est pour cette raison que je souhaitais les évoquer, au moment où nous débattons d’un projet de loi de développement de la concurrence au service des consommateurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La discussion est générale est close.

La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je voudrais répondre à l’ensemble des intervenants qui se sont exprimés dans le cadre de la discussion générale, à commencer par M. le député Yves Cochet, qui a sans doute mieux à faire à cette heure, mais auquel je vais tout de même répondre, parce qu’il a soulevé un certain nombre de questions sur lesquelles je voudrais rebondir.

Tout d’abord, il s’est interrogé – Mme Batho, d’ailleurs, était un peu sur la même ligne –, et a même d’une certaine façon contesté le fait que le Gouvernement défende les consommateurs. Eh bien, le Gouvernement est fier, mesdames et messieurs les députés, de défendre les consommateurs.

M. Patrick Roy. Ça ne se voit pas !

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. D’abord, parce que la consommation, c’est le cœur de la croissance dans notre pays. Elle est aujourd’hui le moteur de la croissance : 55 % de notre produit intérieur brut proviennent de la consommation des ménages.

M. Patrick Roy. C’est pour cela que vous bloquez les salaires !

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Ensuite, parce que nous considérons que, dans trop d’actes de la vie quotidienne, les consommateurs se sentent trop souvent isolés, désemparés. Et ce sont, dans ces cas-là, les plus démunis d’entre eux qui font les frais d’un certain nombre de pratiques, à l’encontre desquelles le Gouvernement propose de légiférer.

J’ai entendu, au cours de la discussion générale, un certain nombre d’entre vous – et notamment de la partie gauche de cet hémicycle – évoquer l’aspect « cosmétique » de cette réforme.

M. Patrick Roy. De cette réformette !

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Ceux de nos concitoyens qui sont actuellement victimes de certaines pratiques abusives,…

Mme Sandrine Mazetier. Du surendettement ?

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. …de certains excès, qui sont pieds et poings liés du fait de certains abus de position dominante, et qui vont trouver dans ce projet de loi une véritable réponse à leurs problèmes, apprécieront, je le crois, ce que vous qualifiez de dispositions « cosmétiques ».

M. Cochet a évoqué – mais il n’est pas le seul, puisque je crois que M. Brottes s’est engouffré dans cette démonstration, dont nous avons l’habitude, il est vrai – les « 15 milliards d’euros pour les riches ».

M. Patrick Roy. Il n’y a pas de mal à dire la vérité !

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Mesdames et messieurs les députés de l’opposition, vous tournez un peu en boucle, sur ce sujet.

M. Patrick Roy. Les 15 milliards d’euros, ça pèse lourd !

M. Marc Dolez. C’est la vérité !

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Et vous n’arrivez plus à convaincre personne quand on vous oppose, comme l’a fait tout à l’heure Christine Lagarde, le fait que les heures supplémentaires bénéficient d’abord aux salariés qui sont dans les situations les plus difficiles.

Mme Delphine Batho. Vos dispositions relatives aux heures supplémentaires, c’est vingt-six pages de circulaires !

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Je pense aux ouvriers, je pense aux jeunes qui viennent d’être embauchés.

Mme Sandrine Mazetier. Prouvez-le !

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Donc, vraiment, de grâce, changez de discours à cet égard !

M. Patrick Roy. Vous ne nous ferez pas taire sur le bouclier fiscal !

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. M. Yves Cochet a poursuivi en abordant la téléphonie. Il a évoqué l’amendement relatif aux durées minimales d’engagement qui a été déposé par votre rapporteur, Michel Raison, et adopté par la commission des affaires économiques.

L’autorité de régulation, l’ARCEP, a effectivement attiré notre attention sur le fait que les durées minimales d’engagement dans la téléphonie constitueraient un frein à la concurrence. Actuellement, 75 % des abonnés qui sont titulaires de forfaits ont des contrats dont la durée d’engagement est de vingt-quatre mois. Du coup, c’est un fait que la concurrence joue, véritablement, une fois tous les vingt-quatre mois. C’est la raison pour laquelle nous avons cherché quelle pouvait être la mesure la plus efficace pour ouvrir le marché et permettre à ces consommateurs, s’ils le souhaitaient, de comparer les prix et d’aller vers une offre concurrente.

Nous nous sommes effectivement intéressés, avec le rapporteur, et c’est une proposition que j’avais évoquée l’an dernier, à la possibilité d’une interdiction totale des délais d’engagement supérieurs à douze mois. Mais nous avons pensé que cette mesure aurait sans doute des effets pervers. Notamment, compte tenu du fait que les tarifs des forfaits sont aujourd’hui inférieurs, pour des durées de vingt-quatre mois, à ce qu’ils sont pour des durées de douze mois, cette interdiction entraînerait immédiatement une augmentation du tarif moyen des forfaits.

Mme Sandrine Mazetier. Dans ces conditions, pourquoi légiférer ?

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Nous avons donc préféré une formule qui nous permet d’avoir les avantages de l’interdiction tout en évitant ses inconvénients. L’amendement déposé par le rapporteur et adopté par la commission prévoit qu’à partir du treizième mois, les consommateurs auront la possibilité de résilier plus facilement leur abonnement, d’aller voir ce que propose la concurrence. Il y a d’ailleurs fort à parier que le marché s’emparera de tout cela, et que les offres concurrentes rachèteront la clause de dédit prévue dans cet amendement.

Monsieur Jean Dionis du Séjour, je voudrais vous remercier pour la constance de vos positions. Je vous connais bien, nous avons travaillé ensemble, il y a quelques années, dans le cadre d’une mission d’information. Et c’est vrai que vous avez toujours tenu le même cap, vous n’avez pas changé d’avis sur cette question en indiquant que les mesures votées en 2005 comme celles que nous proposons aujourd’hui vont dans la bonne direction, qu’elles auront un effet sur l’économie, et permettront d’éviter certains dommages collatéraux que nous avions craints un moment.

Vous avez toujours été favorable au triple net et nous faisons aujourd’hui à la représentation nationale une bonne proposition en ce sens. En même temps, vous appelez de vos vœux la négociabilité des tarifs pour remettre complètement à plat les relations entre industrie et commerce. J’ai indiqué dans mon intervention liminaire que ce pas supplémentaire nécessiterait des mesures d’impact et l’étude d’éventuels effets pervers. À cet effet, Mme Marie-Dominique Hagelsteen a été mandatée pour remettre un rapport au Gouvernement, qui reviendra avec vous sur cette question.

Monsieur Charié, en bon connaisseur de ce dossier depuis de nombreuses années, vous avez rappelé la nécessité d’appliquer véritablement les contrôles et la loi. Non seulement les gouvernements successifs – et cela a été mon cas depuis ma prise de fonctions – ont donné instruction à la DGCCRF de multiplier les contrôles dans les relations entre fournisseurs et distributeurs, mais cela a porté ses fruits : entre 2004 et 2006, soixante-treize décisions judiciaires ont été rendues sur la base de l’article L. 442-6 du code de commerce et, grâce aux dispositions encadrant les pratiques abusives, des condamnations définitives ont été prononcées. Surtout, depuis la loi de 2005 – que nous avons votée ensemble – renforçant encore les contrôles de la DGCCRF, plus d’une centaine de dossiers sont en cours d’instruction. Ces éléments vont donc dans le sens de votre souhait d’une meilleure application de la législation.

Vous avez à juste titre remarqué que, sous une même réglementation, d’autres secteurs d’activité ont des pratiques radicalement différentes. La loi sur les relations entre l’industrie et le commerce régit en effet l’ensemble de l’économie. Finalement, ce n’est qu’entre grandes industries et grands distributeurs alimentaires que nous constatons les dérives dénoncées par plusieurs d’entre vous, et nous l’avions démontré ensemble, mesdames, messieurs les députés, qui étiez membres de la mission d’information de la commission des affaires économiques.

Au sujet de la répétition de l’indu, vous avez souligné que le rapport de force entre distributeurs et fournisseurs dissuadait ces derniers de réclamer les condamnations pécuniaires prononcées par le juge. Il est vrai que le ministre de l’économie peut se substituer au fournisseur pour engager une action en reversement des sommes indûment versées dans le cadre d’une coopération commerciale pas toujours réelle. Le Gouvernement est très attentif à cette question et irait volontiers plus loin s’il ne se heurtait à des dispositions constitutionnelles qui l’en empêchent. C’est la raison pour laquelle nous avons demandé à Mme Marie-Dominique Hagelsteen de travailler également sur cette question. À quoi bon le renforcement des contrôles et l’exécution des peines si l’on ne peut pas s’assurer de leur effectivité ?

M. Jean-Paul Charié. Merci, monsieur le ministre.

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Je voudrais nuancer vos propos sur les grandes surfaces qui n’aideraient pas à la baisse des prix. Les grandes surfaces, cela ne se résume pas aux seules grandes enseignes alimentaires généralistes.

M. Jean-Paul Charié. Ah bon ?

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Les enseignes spécialisées ont fait sensiblement baisser les prix ces dernières années dans des secteurs tels que le meuble, le sport, le bricolage, l’habillement, et ont rendu ces biens accessibles au plus grand nombre, en particulier aux moins favorisés. La loi de 2005 a également contribué à la baisse des prix, qui sont maintenant au niveau de la moyenne européenne. À l’attention de M. Brottes, qui n’a manifestement pas consulté le rapport annexé au projet de loi, je rappelle qu’un panel LSA-Nielsen – et non pas une étude « maison » du secrétariat d’État à la consommation – fait état d’une baisse de 3,4 % des prix des produits de marque dans la grande distribution depuis la mise en œuvre de la loi Dutreil.

J’en viens justement à vous, monsieur Brottes. En tant qu’ancien collègue de la commission des affaires économiques, je voudrais vous encourager à…

M. Patrick Roy. Persévérer ?

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. …écouter davantage votre premier secrétaire, M. Hollande. (Sourires.) Je comprends votre étonnement, car il est rare de l’entendre faire des propositions. (Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Albarello. C’est vrai, c’est exceptionnel !

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Tout arrive au parti socialiste, et c’est un exercice un peu nouveau pour vous, j’en conviens. Vous un avez un métro de retard, ce qui, en cette période de grève, peut entraîner des retards plus importants encore.

Bref, M. Hollande a demandé hier au Premier ministre « la répercussion sur les consommateurs des avantages obtenus sur les producteurs ». Monsieur Brottes, je vous encourage à voter le projet de loi puisque c’est précisément ce qu’il prévoit !

M. François Brottes. Nous ne parlons pas des mêmes producteurs !

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Dans un inventaire à la Prévert, vous avez, et je le regrette, cité des chiffres sans queue ni tête. Votre propos m’a semblé plus inspiré par une position politique que par la réalité : cette année, les indicateurs de l’INSEE et nos projections font état d’une augmentation du pouvoir d’achat de 2,8 % en moyenne.

Mme Delphine Batho. Ces chiffres sont faux ; même Mme Lagarde le dit !

M. Patrick Roy. Personne n’y croit !

M. François Brottes. Je discute avec des consommateurs, pas avec des statistiques !

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Nous parlerons plus tard des indices. Mais, puisque vous contestez au Gouvernement toute action en la matière, je vous rappelle qu’il a gelé cette année l’augmentation des tarifs du gaz,…

M. François Brottes. Ça ne va pas durer !

M. Arnaud Montebourg. Mais pas la redevance !

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. …qu’il a demandé à EDF une augmentation de ses tarifs inférieure à l’inflation, et qu’il a empêché les sociétés d’autoroutes d’augmenter leurs tarifs dans une proportion sans commune mesure avec la réalité.

M. Patrick Roy. Et si vous nous parliez de la redevance télé ?

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Je vous rappelle également que la non-surtaxation des appels aux services d’assistance technique proposée dans le projet de loi va rendre 200 millions d’euros de pouvoir d’achat aux consommateurs.

M. Patrick Roy. Et la redevance télé ?

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Voilà quelques réalités que je tenais à vous rappeler.

M. Patrick Roy. Mais silence radio sur la télé !

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Je partage l’avis de M. Folliot sur la nécessité d’aller au bout de la réforme et surtout de la mettre en œuvre rapidement, conformément au souhait de l’ensemble des acteurs concernés. J’ai noté qu’il apportait son soutien au Gouvernement.

Monsieur Fasquelle, je vous remercie d’avoir souligné que la réforme était utile en simplifiant le droit existant et en mettant fin à une situation transitoire. Vous avez évoqué l’étape suivante, en particulier les questions de la dépénalisation et de certaines pratiques qui aujourd’hui nous dépassent et pour lesquelles il faudra sans doute légiférer. Mais, si la simplification est souhaitable, elle ne doit pas se faire au détriment de la protection des consommateurs. Il conviendra de trouver un équilibre car l’efficacité en la matière ne doit pas être le laisser-aller préconisé par certains.

M. Daniel Fasquelle. Je suis tout à fait d’accord !

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Monsieur Montebourg, je vous ai connu plus à l’aise et moins confus dans vos démonstrations. Cela est sans doute dû à votre arrivée tardive à la commission des affaires économiques.

M. Arnaud Montebourg. Pas d’attaque personnelle !

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Je fais confiance à M. Gaubert pour vous initier aux secrets du mode de calcul du « triple net ».

Le Gouvernement partage votre inquiétude quant aux abus de position dominante. C’est pourquoi il souhaite, en même temps qu’il travaillera sur la négociabilité, évoquer les questions d’urbanisme commercial, de contrôle des concentrations et d’accompagnement de l’agriculture et des PME, afin d’élaborer des dispositions globales permettant précisément d’éviter les dérives constatées, liées à un rapport de force très à l’avantage des cinq grandes centrales de notre pays.

Plusieurs d’entre vous nous ont interrogés, Christine Lagarde et moi, sur une question qui m’est chère, celle de l’action de groupe. Que les députés qui doutent se rassurent : le secrétaire d’État Luc Chatel ne reniera pas les travaux du député Luc Chatel ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) En la matière, j’ai eu l’occasion à plusieurs reprises d’affirmer mes convictions. Le Président de la République, dans la lettre de mission qu’il a adressée à Mme Lagarde au mois de juin dernier, lui a demandé d’y travailler et de lui faire des propositions. Je travaille actuellement, avec mes services et l’ensemble des acteurs – associations de consommateurs, représentants des professionnels –, à des propositions que je soumettrai au Premier ministre…

M. Jacques Desallangre. À la Saint-Glinglin !

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. …d’ici à la fin de l’année. Ces propositions, qui trouveront leur place dans la loi de modernisation de l’économie qui sera présentée au Parlement au printemps prochain,…

M. Jacques Desallangre. Vous avez cédé devant le lobbying ! Tout était prêt !

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. …nous permettront enfin de concilier protection du consommateur et liberté d’entreprendre dans notre pays.

M. Arnaud Montebourg. Nous présenterons des amendements en ce sens !

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Soyez rassurés sur la volonté du Gouvernement d’avancer sur cette question.

Monsieur Gaudron, vous avez évoqué la réforme de l’urbanisme commercial et j’ai compris que le projet Aéroville était pour vous un sujet sensible. Le Gouvernement travaille sur cette réforme, qu’il conduira en concertation avec les commissions compétentes au Parlement. Aujourd’hui, nous devons sortir d’une impasse. La Commission européenne nous demande de bouger, en particulier sur la question des chambres de commerce dont elle conteste la position de juge et partie. Membres des commissions d’urbanisme commercial, elles ont en effet à se prononcer sur des projets d’implantation d’éventuels concurrents. Nous devons moderniser notre système. Depuis quelques mois, des parlementaires travaillent sur ce sujet, à l’initiative de Renaud Dutreil. Nous ne partons donc pas de zéro. Hervé Novelli, sous l’autorité de Christine Lagarde, pilotera cette réforme, qui sera intégrée au projet de loi de modernisation de l’économie.

Madame Le Loch, je vous remercie d’avoir souligné les avancées réelles de ce projet de loi, notamment dans les secteurs de la banque et de la téléphonie.

M. Patrick Roy. Timides avancées !

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Vous avez également abordé l’équipement commercial, évoquant à ce propos le mépris dont aurait fait preuve la Commission nationale d’équipement commercial envers une décision locale. Or c’est la loi qui aujourd’hui prévoit la possibilité de recours devant cette commission, laquelle peut être amenée à prendre des décisions contraires à celles des commissions départementales. C’est un sujet sur lequel nous reviendrons dans le cadre de la révision de la législation sur l’équipement commercial.

Mme Sandrine Mazetier. Quand ?

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Monsieur Lamblin, je vous remercie d’avoir rappelé que la baisse du seuil de revente à perte, en raison de la réintégration de l’ensemble des marges arrière, aura un impact sur le pouvoir d’achat et sur les prix.

La loi Dutreil votée en 2005 a déjà permis, en rebasculant la première moitié des marges arrière, une baisse des prix des produits de grande marque de 3,4 %. Nous pensons que la mise en place de ce que l’on appelle le « triple net » aura un effet bénéfique sur les prix au tout début de l’année 2008.

Vous avez également évoqué la question des pénalités excessives dans les conditions générales d’achat. Je pense que l’amendement n° 34, adopté à la demande de votre rapporteur par la commission des affaires économiques, devrait régler ce problème, en l’intégrant dans les pratiques interdites qui engagent la responsabilité de leur auteur.

Monsieur Le Déaut, vous êtes au Parlement l’un des spécialistes de ces sujets. Vous avez travaillé depuis longtemps sur la question des relations industrie-commerce. Je vous donnerai en partie raison sur le duel de géants qui se livre au détriment des consommateurs et des petits producteurs. En effet, pendant des années, les grands industriels et les grands distributeurs ont oublié les consommateurs dans leurs négociations commerciales. Ils en ont fait une affaire entre eux. Les uns ont augmenté leur tarif, les autres leurs marges arrière, et, en fin de compte, ils ont présenté collectivement la facture aux consommateurs.

Je serai plus nuancé sur vos propos concernant les petits producteurs. Les éléments de l’étude d’impact de la mise en œuvre de la loi Dutreil dont nous disposons démontrent que, contrairement à nos inquiétudes réelles en 2005, la part des PME dans les linéaires a augmenté depuis cette période.

La part des marques « distributeurs » s’est globalement stabilisée. Je rappelle qu’elles sont essentiellement fournies par de petites PME, notamment dans l’agroalimentaire.

Vous avez indiqué avec raison que certains prix à la consommation étaient plus élevés qu’ils ne le devraient. C’est précisément pour cela que, à partir du 1er janvier prochain, nous allons donner la possibilité aux consommateurs de bénéficier de la totalité des avantages commerciaux obtenus par les distributeurs – les fameuses marges arrière.

Il ne s’agit pas bien entendu de faire en sorte que tous les distributeurs vendent à perte. Il s’agit que les distributeurs fassent leur métier, qu’il y ait des produits d’appel, mais qu’au total, grâce à la concurrence qui s’exercera à nouveau entre eux sur des bassins de vie – ce qui n’était plus le cas sur certaines zones de chalandise –, la concurrence bénéficie au consommateur final.

Vous avez également évoqué les questions de vente liée. Les autorités européennes ont récemment pris des orientations en la matière. Au niveau national, la DGCCRF a lancé une série de groupes de travail avec les consommateurs et les professionnels pour que nous avancions sur le marché de l’informatique. Il faut tenir compte du développement croissant de ce marché et de l’accès du grand public. Actuellement, une grande partie des fabricants proposent des ordinateurs nus ou avec le système d’exploitation gratuit Linux.

Enfin, vous avez évoqué une éventuelle réforme des autorités de concurrence. La commission Attali travaille actuellement sur ce sujet. Elle nourrira bien sûr la réflexion du Gouvernement en la matière.

Monsieur Grosperrin, vous avez évoqué la question des frais bancaires et souhaité que nous y réfléchissions. Je partage votre point de vue. Le relevé des frais bancaires annuel permettra, je pense, en assurant une meilleure transparence, de donner la possibilité au consommateur de discuter davantage avec son banquier, de comparer les prix sur le marché et éventuellement de faire jouer la concurrence. C’est une avancée importante. Je vous répondrai plus précisément sur le fond lors de l’examen de votre amendement.

Madame Batho, vous avez dénoncé les pratiques abusives des établissements bancaires. Je vous remercie d’avoir souligné que la proposition de relevé annuel des frais bancaires était une avancée, bien que vous l’ayez qualifiée de « modeste ».

Mme Delphine Batho. C’est vrai !

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Ce n’est pas vraiment ce que pensent, d’une part, les associations de consommateurs, qui – comme vous l’avez rappelé – se battent depuis des années pour l’obtenir, et, d’autre part, les banques, qui n’étaient pas vraiment enthousiastes à l’idée que le Parlement légifère sur cette question.

Mme Delphine Batho et M. François Brottes. Elles ne le sont jamais !

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Je crois que nous avons utilisé la bonne méthode depuis de nombreuses années en effectuant des concertations.

Vous avez rappelé que Nicolas Sarkozy, lorsqu’il était ministre de l’économie, avait engagé, avec les banques et les associations de consommateurs, des discussions sur cette question. À l’époque, il avait obtenu la fermeture gratuite des comptes bancaires.

Une concertation a été menée depuis deux ans. Nous avons laissé aux professionnels la possibilité d’agir sur la base du volontariat. Constatant qu’il n’y avait pas d’avancées en la matière, le Gouvernement a pris ses responsabilités et a décidé de légiférer. C’est la raison pour laquelle cette mesure vous est proposée.

Vous vous êtes inquiétée, à juste titre, des coûts des incidents de paiement. Le décret de plafonnement du coût des incidents, sorti voici quelques jours,…

Mme Delphine Batho. Le décret n’est pas suffisant !

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. …qui sera mis en œuvre dans moins de six mois, répondra, à mon sens, à vos inquiétudes.

À la fin de votre propos, vous avez fait une digression sur la réforme de la carte judiciaire. À mon initiative, les associations de consommateurs seront prochainement reçues par le cabinet de Mme Rachida Dati…

M. Arnaud Montebourg. C’est trop tard ! On a passé le Kärcher dans les tribunaux d’instance !

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. ...afin que soient exposées les conditions dans lesquelles les consommateurs verront, après cette réforme, les tribunaux d’instance continuer à traiter des litiges qui les concernent.

M. Patrick Roy. Vous ne dites pas cela sérieusement !

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Monsieur Voisin, vous vous êtes montré attentif à l’évolution des prix, en quoi vous avez raison. Vous avez évoqué la prochaine étape de la négociabilité et indiqué, à juste titre, que le Gouvernement souhaitait en mesurer pleinement l’impact. C’est, en effet, très important si l’on veut éviter de déséquilibrer l’ensemble des acteurs.

Vous avez rappelé ce par quoi j’aurais dû commencer mon intervention cet après-midi. Il y a aujourd’hui un véritable consensus, en France, pour ne pas revenir sur l’interdiction de revente à perte. C’est la position retenue par le Gouvernement.

Telles sont les réponses que je souhaitais, à ce stade de notre débat, apporter aux orateurs qui sont intervenus dans la discussion générale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. François Brottes. Je demande la parole, madame la présidente.

Mme la présidente. Vous avez la parole, mon cher collègue.

M. François Brottes. Je voudrais, au nom du groupe socialiste, remercier M. le secrétaire d’État pour la qualité de son intervention et l’attention qu’il a mise à répondre à chacun d’entre nous, même si nous ne sommes pas d’accord sur le fond.

Nous entrons dans un débat assez technique et la manière dont nous l’entamons nous permet d’envisager, pour la suite, des échanges de grande qualité.

Nous savons reprocher l’inverse (Sourires), mais ce que je viens de dire fait partie des propos qu’il faut savoir tenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, ainsi que sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Motion de renvoi en commission

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 7, du règlement.

La parole est à Mme Corinne Erhel.

Mme Corinne Erhel. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes dans un contexte économique et social où le pouvoir d’achat, c’est-à-dire la quantité de biens et de services qu’un revenu donné permet d’acquérir, est au cœur des préoccupations de nos concitoyens.

Il est aussi au centre de nos débats politiques, avec des approches divergentes sur les leviers à actionner pour le faire progresser.

Comme cela a été rappelé tout à l’heure, le projet de loi concerne principalement trois domaines.

D’abord, l’évolution des relations commerciales – j’y reviendrai tout à l’heure.

Ensuite, des mesures sectorielles relatives au secteur des communications électroniques : gratuité du temps d’attente, restitution des avances consenties par les clients, préavis de résiliation fixé à dix jours. Le secteur des communications électroniques mériterait une approche globale en termes de qualité des services, de localisation des activités et donc d’impact sur l’emploi.

Enfin, des mesures sectorielles relatives au secteur bancaire – Mme Delphine Batho les a évoquées tout à l’heure – : l’extension de la médiation bancaire à tous les litiges relatifs aux services fournis et le récapitulatif annuel des frais bancaires.

Les mesures sectorielles constituent des avancées tangibles pour le consommateur et elles seront probablement améliorées lors de l’examen des amendements, notamment pour les options renouvelables par tacite reconduction, qui sont un vrai souci et la durée des abonnements en téléphonie mobile.

Cependant, ce texte présente des lacunes et pose des questions de fond.

Que devient l’action de groupe, pourtant portée par vous-même, monsieur le secrétaire d’État, en 2006 ?

Pourquoi n’y a-t-il rien sur les crédits à la consommation et le surendettement ? Nous sommes toujours dans le curatif, alors qu’il y a urgence à travailler sur la prévention du surendettement. C’était l’occasion de le faire.

La problématique du logement, premier poste dans le budget des ménages, est absente.

Je m’attarderai, pour ma part, plus longuement sur les évolutions relatives aux relations commerciales entre distributeurs et fournisseurs car c’est sur ce point qu’il y a le plus de divergences entre nous et au sein même de votre majorité, comme en témoignent les discussions, au demeurant fort intéressantes, que nous avons eues, la semaine dernière, au sein de la commission des affaires économiques.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Merci !

Mme Corinne Erhel. En effet, les auditions de M. Attali et des représentants de la grande distribution, puis l’examen des amendements ont montré que la notion de marges arrière faisait débat et que les avis étaient très partagés sur le contenu et les conséquences des articles 1er à 5.

Il nous semble que les mesures proposées nécessitent un travail approfondi, avec, à l’appui, une étude d’impact, ce qui n’est nullement le cas pour le moment.

M. Raison, rapporteur de ce projet de loi au nom de la commission des affaires économiques, s’est d’ailleurs fait l’écho du manque de temps des parlementaires pour examiner les conséquences de ce texte sur l’économie en général et sur le pouvoir d’achat des consommateurs.

De plus, monsieur le secrétaire d’État, vous avez annoncé l’examen d’un texte sur la modernisation de l’économie au printemps prochain avec, entre-temps, une mission confiée à Mme Hagelsteen, afin « d’étudier et d’écrire, avec l’appui de quelques experts, les modalités de la négociabilité ».

Pourquoi dès lors légiférer en deux temps ? S’agit-il d’un texte minimaliste dans l’attente d’une réforme beaucoup plus profonde au printemps prochain ? Nous allons encore une fois légiférer – et nous le regrettons – de façon fragmentée. Où est la cohérence de nos décisions ?

M. Patrick Roy. On se le demande !

Mme Corinne Erhel. Le projet de loi qui nous est présenté aujourd’hui tente d’établir un équilibre entre des intérêts contradictoires, sans trancher sur la suppression des fameuses marges arrière.

Mais revenons sur la genèse de ce texte. C’est le quatrième depuis 1996. Il s’inscrit dans un contexte politique foisonnant sur la question du pouvoir d’achat et de la consommation.

Après la loi du 2 août 2005 en faveur des PME, il engage une nouvelle étape dans la réforme de la loi du 1er juillet 1996, dite loi Galland.

La loi de 2005 a fait des conditions générales de vente le socle de la négociation commerciale ; elle a donné une définition des prestations de coopération commerciale et elle a permis la réintroduction partielle des marges arrière dans le prix de revente. Quel bilan peut-on tirer des deux années de son application ?

Si les prix des produits de grande consommation ont apparemment baissé de 3,2 %, le bilan de l’évolution des relations entre distributeurs et fournisseurs est, en revanche, beaucoup plus nuancé. Il n’y a pas eu de véritables modifications de la nature du rapport de force entre distributeurs et fournisseurs. La transparence ne s’est guère améliorée, puisque la fausse coopération commerciale perdure et que les marges arrière ont continué à progresser.

Ainsi, la loi de 2005 n’a pas eu d’effet sur le volume des marges arrière, puisqu’elles ont progressé : elles varient entre 20 et 60 %, avec une moyenne de 35 % à 37 %. Le montant des marges arrière est ainsi estimé entre 20 et 30 milliards d’euros, d’où la nécessité d’y consacrer un peu de temps.

Le texte qui nous est présenté aujourd’hui prévoit trois mesures phares concernant les relations commerciales entre distributeurs et fournisseurs : la réforme du mode de calcul du seuil de revente à perte, c’est-à-dire l’option du triple net, avec, désormais la possibilité de réintégrer dans le prix de revente la totalité des marges arrière ; un encadrement de la coopération commerciale entre distributeurs et fournisseurs via un contrat unique ; et, enfin, une première étape dans la dépénalisation des relations entre industrie et commerce.

L’objectif affiché de ce texte étant de redonner du pouvoir d’achat au consommateur, il convient donc d’analyser les mesures proposées sous cet angle.

Première remarque : dans le cadre de la loi de 2005, la réintroduction partielle des marges arrière au-dessus de 20 %, puis de 15 % aurait dû, si le cercle avait été vertueux, entraîner une baisse bien plus forte des prix à la consommation.

Le fait de pouvoir réintégrer les marges arrière en totalité constitue-t-il, par conséquent, la bonne méthode ? Cela va-t-il permettre de faire significativement baisser les prix ? La réponse est probablement non, d’autant que, depuis septembre 2007, de nouvelles tensions sont apparues, dues à la hausse des matières premières et au coût de l’énergie.

M. Michel Raison, rapporteur. Certaines énergies !

Mme Corinne Erhel. Deuxième remarque : le texte risque de développer une fois de plus les marges arrière. Pourquoi, dès lors, ne pas les supprimer, comme l’a suggéré notre collègue Jean Gaubert ?

Troisième remarque : l’article 1er du texte entre en contradiction avec les orientations préconisées par la commission pour la libération de la croissance française, présidée par Jacques Attali. En effet, cette commission propose, entre autres mesures très libérales, d’instaurer le principe de liberté tarifaire dans la distribution et le commerce de détail, c’est-à-dire de lever l’interdiction de revente à perte et d’instaurer la liberté des négociations commerciales.

Les propositions de cette commission, qui vont dans le sens voulu par le Président de la République, seront-elles reprises dans le futur projet de loi sur la modernisation de l’économie ?

M. André Chassaigne. Bien sûr !

Mme Corinne Erhel. D’autant que plusieurs articles de presse ont annoncé hier…

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Il ne faut jamais croire la presse !

M. François Brottes. Leclerc aussi l’a dit !

Mme Corinne Erhel. …le dépôt d’un amendement du Gouvernement visant à introduire le principe de négociabilité des tarifs, entraînant par là même le courroux du rapporteur.

M. Michel Raison, rapporteur. Je ne suis pas du tout courroucé !

Mme Corinne Erhel. Une seconde dépêche annonçait, quelques heures plus tard, que le Gouvernement y renonçait. Tout ceci révèle les hésitations et les pressions exercées de toutes parts.

Ce texte n’est-il finalement qu’une étape vers la négociabilité des tarifs qui serait proposée ou imposée en mars prochain et fortement demandée par la grande distribution ?

M. François Brottes. C’est très lucide !

Mme Corinne Erhel. Le Président de la République est, tout le monde le sait, favorable à la négociabilité des tarifs et à la suppression des marges arrière. Il suffit de lire le blog d’un grand distributeur très médiatique – j’imagine que vous le reconnaîtrez sans mal – pour s’en convaincre : la pensée présidentielle y est fidèlement retranscrite.

M. Patrick Roy. Des noms !

Mme Corinne Erhel. Quatrième remarque : vous ne faites dans votre texte aucune distinction entre les grands groupes industriels, les PME, les petits fournisseurs ou les agriculteurs, lesquels sont beaucoup plus fragiles dans la négociation commerciale.

Cinquième remarque : pourquoi renvoyez-vous l’urbanisme commercial à plus tard, peut-être au projet de loi sur la modernisation de l’économie ? Tout est pourtant lié.

Sixième remarque : aucune mesure n’est prévue pour assurer, en contrepartie, la promotion du commerce et de l’artisanat de proximité, pourtant fondamentaux dans une approche équilibrée du territoire et facteurs de lien social. Je pourrais à cet égard faire le lien, comme Delphine Batho, avec la réforme de la carte judiciaire : ce sont toujours les mêmes secteurs, ruraux principalement, qui sont touchés.

Septième remarque : ce texte fait l’objet de critiques contradictoires venant des associations de consommateurs, qui réclament plus de transparence, des syndicats agricoles, des PME et de la grande distribution.

M. Jean Dionis du Séjour. C’est bon signe !

Mme Corinne Erhel. Je n’en suis pas sûre pour ce qui concerne les PME. Pour celles-ci, les inquiétudes portent d’abord sur la concentration excessive de la grande distribution, avec six centrales d’achat. Les PME tiennent particulièrement à l’interdiction de la revente à perte, afin d’éviter la pratique des prix d’appel dévastateurs. Elles font souvent part de la pression exercée sur elles pour diminuer leurs prix, et donc leurs coûts de production, ce qui entraîne des répercussions importantes sur la politique salariale et, par suite, sur le pouvoir d’achat des salariés-consommateurs.

Une entreprise de conserverie bretonne – Annie Le Loch en a parlé tout à l’heure – nous a fait part de son inquiétude concernant la modification du calcul du seuil de revente à perte. En effet, elle craint que les distributeurs ne compensent la réintégration des marges arrière en demandant aux PME de payer par anticipation les services de mise en avant des produits, alors qu’aujourd’hui ces mêmes services sont payés après les opérations commerciales. Une telle attitude créerait des difficultés de trésorerie. Quels garde-fous prévoyez-vous ? De plus, les PME redoutent, à terme, la négociabilité des conditions générales de vente.

Les industriels sont a priori plutôt satisfaits de votre réforme, car elle sert probablement leurs intérêts.

Quant à la grande distribution, elle demande haut et fort la suppression des marges arrière et la négociabilité des conditions générales de vente, afin d’éviter « le gonflement artificiel des tarifs anticipant la négociation des marges arrière ». Pour la grande distribution, votre projet de loi va augmenter les marges arrières et la fausse coopération commerciale, qui sera artificielle et surcotée.

Face à toutes ces prises de positions, parfois contradictoires, on voit bien qu’il y a lieu de prendre son temps pour légiférer sur ces questions car, dès que l’on déplace le curseur, les conséquences peuvent être très lourdes pour chacune des parties. N’oublions pas que les producteurs, les PME, les industriels ou la grande distribution sont tous employeurs et créateurs d’emplois potentiels.

II faut que le travail de chacun soit justement rémunéré et que le consommateur puisse, avec son revenu, acheter au juste prix. C’est le but que nous devons poursuivre. Votre réforme, monsieur le secrétaire d’État, risque de renforcer l’inflation tarifaire.

Compte tenu de l’ensemble de ces interrogations, de l’intervention de M. Charié, député UMP, demandant une remise à plat du système, de la mission confiée à Mme Hagelsteen sur la négociabilité, des travaux en cours de la commission pour la libération de la croissance française – dont il est légitime de penser que vous en tiendrez compte –, et du fait que vous allez légiférer à nouveau au printemps prochain, le groupe SRC demande le renvoi en commission de ce texte pour un examen approfondi des enjeux en présence et, surtout, pour aboutir à plus de cohérence et de transparence.

Nous sommes face à un enjeu de société et il est indispensable que nous ayons toutes les données en notre possession afin de légiférer correctement, et non au pas de course, comme vous essayez de nous l’imposer.

La vitesse est souvent l’ennemie de la sagesse !

M. Didier Migaud. Très bien !

Mme Corinne Erhel. Or nous avons besoin, dans le contexte actuel de pressions et d’inquiétudes, d’une vision prospective d’ensemble ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Patrick Roy. La vitesse est l’ennemi de la sagesse !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Si j’ai bien compris, madame Erhel, il faudrait, pour aider les consommateurs, surtout ne rien faire…

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Vous n’avez pas écouté !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. …et attendre six mois que d’autres éléments soient disponibles !

S’il est un texte que nous avons étudié à fond depuis le début de la session parlementaire, c’est bien celui-là ! Je tiens, à cet égard, à vous rendre hommage, monsieur le secrétaire d’État, pour l’excellente collaboration entre vos services et notre commission. Je tiens aussi à saluer le travail courageux de notre rapporteur, qui a tout fait pour que nous soyons prêts dans les temps. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

La commission y a consacré pas moins de onze heures trente. Le 6 novembre, nous avons passé trois heures passionnantes avec M. le secrétaire d’État. Le 14 novembre, nous avons auditionné M. Attali et les distributeurs pendant quatre heures le matin. L’après-midi a été consacrée au texte lui-même pendant quatre heures également. Aujourd’hui, nous nous sommes réunis trente minutes au titre de l’article 88. Au total, nous avons examiné trois cent cinquante amendements.

Et l’on voudrait nous faire croire que la commission n’a pas suffisamment travaillé !

Du reste, vous vous êtes, vous-même, félicitée de la qualité des travaux de la commission ! J’en déduis que cela vous a tellement plu, que vous voudriez y revenir ! (Sourires.)

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Absolument ! (Sourires.)

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nous nous y retrouverons certainement prochainement, mais pour examiner un autre texte !

Plus sérieusement, vos observations et vos critiques ne concernent pas le travail de la commission. Nous sommes dans le champ du politique. Or vos choix et votre stratégie politiques ne sont pas les nôtres. Nous sommes résolument opposés à votre stratégie et à vos objectifs, car nous ne nous situons pas dans la même logique que vous pour aider les consommateurs.

Dans ces conditions, retourner en commission n’y changerait rien : nos divergences de points de vue demeurent. Or, en démocratie, la loi de la majorité l’emporte, et elle exige que la majorité tranche.

Or la majorité a envie d’aller vite car elle veut aider les consommateurs. L’urgence pour nous est de donc voter ce projet de loi. Pour ne pas perdre de temps, je souhaite que nous passions sans plus attendre à l’examen des articles, et je vous invite par conséquent, mes chers collègues, à rejeter la motion de renvoi en commission ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Mme la présidente. Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Philippe Folliot. Je partage l’essentiel des propos du président de la commission.

M. Patrick Roy. C’est la nouvelle droite qui parle !

M. Philippe Folliot. Il est indiscutable que la commission a accompli un travail approfondi et sérieux.

Selon vous, il n’y aurait pas urgence à légiférer. Nous pensons le contraire.

Tout d’abord, nombre de nos concitoyens attendent des signes forts de la part du Gouvernement et de la majorité pour que soient prises en compte leurs préoccupations sur ces questions. Mais à cette attente des consommateurs, monsieur le président de la commission des affaires économiques, j’ajouterai l’attente très forte des fournisseurs, en particulier des PME et des producteurs agricoles qui souhaitent disposer d’une meilleure lisibilité dans leurs négociations avec la grande distribution, notamment sur la base du triple net.

On peut toujours se dire qu’il aurait fallu attendre la fin des travaux de la commission pour la libération de la croissance française afin qu’une loi plus importante soit élaborée. Mais ce qui est pris est pris, tant pour les consommateurs que pour les entreprises. Nous estimons, comme l’a dit fort justement Patrick Ollier, qu’il y a urgence à faire évoluer la situation pour les consommateurs – et je ne détaillerai pas les avancées significatives des titres II et III – mais aussi pour les entreprises, qui subissent des relations asymétriques avec les oligopoles de la grande distribution. Ce texte contribuera à apporter davantage d’équilibre et nous ne pouvons que l’approuver. C’est pourquoi, le groupe Nouveau Centre votera contre la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Mme Sandrine Mazetier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, de trois choses l’une :

Soit il est urgent de légiférer pour protéger les consommateurs…

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C’est précisément ce que nous faisons !

Mme Sandrine Mazetier. Ce n’est pas exactement ce que fait le Gouvernement mais c’est visiblement ce que les parlementaires tentent de faire.

Et alors, il aurait fallu pour aller vite que le texte s’appuie sur les travaux parlementaires des législatures précédentes. En effet, si le secrétaire d’État s’était souvenu des débats qui avaient eu lieu, quand il était député, sur le surendettement et sur d’autres sujets, sur lesquels notre groupe a fait des propositions, des impasses lourdes auraient été évitées.

Soit il fallait attendre quelque temps. Ce qui est d’ailleurs ce que vous semblez indiquer en renvoyant à des missions d’études et aux conclusions de la commission Attali, censées nourrir les propositions du Gouvernement. Mais attendre pour qui ? pour quoi ? comment ? Et quand aider les consommateurs ?

Soit il fallait prendre encore plus de temps, attendre pourquoi pas ? le printemps et les inévitables hausses d’impôt, pour embrasser un champ beaucoup plus large.

Bref, nous ne comprenons pas très bien le discours que vous nous tenez depuis le début de nos débats.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nous, ce sont vos arguments que nous ne comprenons pas !

Mme Sandrine Mazetier. Le simple fait que la majorité ait des avis controversés sur le bilan de la loi Galland plaiderait en faveur d’un travail approfondi en commission.

Par ailleurs, il faut rappeler que les décrets d’application de certaines des lois sur lesquelles se fonde le présent projet de loi ne sont jamais parus. Je pense en particulier aux dispositions de la loi Dutreil sur l’urbanisme commercial, qu’évoquait Corinne Erhel fort justement : les collectivités locales attendent depuis plus de deux ans que possibilité leur soit donnée de préempter des baux commerciaux afin d’agir sur la structure des commerces en centre-ville et de protéger le commerce de bouche et l’artisanat. Pourquoi ne faites-vous pas paraître ces décrets le plus rapidement possible ?

Enfin, les polémiques sur les prix, le pouvoir d’achat et les études de l’INSEE, dont vous avez congédié le directeur, montrent assez le trouble qui règne dans vos propres rangs. Des amendements du rapporteur lui-même ont été rejetés en commission et de nombreux autres proposés par Jean Gaubert ont été repoussés sans grande conviction. Je ne reprendrai pas les propos de notre collègue Charié qui démontraient à quel point un long travail est nécessaire pour parvenir aux objectifs que la plupart d’entre vous défendez, je le crois, en toute sincérité.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche votera évidemment pour la motion de renvoi en commission défendue fort brillamment par Corinne Erhel. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. André Chassaigne. Monsieur le président de la commission des affaires économiques, je voudrais tout d’abord vous dire qu’une motion de renvoi n’est pas une remise en cause du travail de la commission…

M. Arnaud Montebourg. Bien au contraire, c’est un hommage qui lui est rendu !

M. André Chassaigne. … et de son rapporteur dont on sait bien l’importance – calculée à l’aune des heures de discussions et d’auditions – et la qualité.

Que constate-t-on depuis le début de nos discussions ? Eh bien que toute l’argumentation du secrétaire d’État, du président de la commission ou du rapporteur, déployée à l’occasion de leurs diverses interventions et réponses aux motions de procédure, s’appuie sur ce que l’on pourrait appeler un pur acte de foi : croire que l’adoption de ce projet de loi aura des effets positifs. Cela revient à considérer qu’il existe un cercle vertueux dans lequel la grande distribution, dans un élan de générosité inédit, serait prête à abandonner ses profits faramineux et à réduire ses marges pour que les prix baissent.

J’ai beaucoup apprécié la démonstration au scalpel à laquelle s’est livrée Mme Erhel qui, point par point, a avancé des arguments très précis.

Ainsi, s’agissant de la grande distribution, peut-on considérer que l’intégration de la totalité des marges arrière dans le calcul du seuil de revente à perte contribuera à faire baisser les prix ? Peut-être et même sans doute. Mais à quel autre niveau la grande distribution prendra-t-elle alors ses profits ? Quelles en seront les conséquences pour les fournisseurs, qu’il s’agisse des PME ou des producteurs agricoles ? Avez-vous seulement pris soin d’établir une étude d’impact ? Nous n’avons aucune certitude en la matière et j’espère que des clarifications nous seront au moins apportées, si jamais nous passons à la discussion des articles car il est à craindre – plusieurs orateurs l’ont montré – que les conséquences seront désastreuses pour les fournisseurs.

Par ailleurs, s’il y a une baisse des prix, les consommateurs en bénéficieront-ils sur le long terme ? On sait que les enseignes de la grande distribution ont pour habitude de mener des stratégies prédatrices de baisse des prix à court terme afin de faire disparaître leurs concurrents localement et avoir ensuite le champ libre pour pratiquer des augmentations. Le partage territorial des grands groupes de distribution est en marche – au Havre, m’a expliqué Daniel Paul, Carrefour a été racheté par Auchan – avec la disparition des petits commerces de proximité qui s’ensuit.

M. Dionis du Séjour parlait de « mouvement ». Mais le mouvement, mon cher collègue, ne se limite pas à des grandes déclarations idéologiques. Le mouvement, ce n’est pas seulement avoir une politique à court terme.

M. Jean Dionis du Séjour. Ce n’est pas non plus le social-immobilisme !

M. André Chassaigne. Le mouvement, c’est évaluer les conséquences à long terme pour les consommateurs, les PME, les producteurs agricoles…

Mme la présidente. Que le mouvement vous entraîne vers votre conclusion, monsieur Chassaigne !

M. André Chassaigne. Tout prouve que vous êtes statiques et donc conservateurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Loos, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. François Loos. Madame Ehrel, en vous écoutant défendre votre motion de renvoi en commission, j’ai eu l’impression que vous avez surtout pris en compte ce qui se raconte sur le texte dans les dépêches et les blogs,…

M. Arnaud Montebourg. Ce n’est pas inutile !

M. François Loos. … en pensant y trouver la pensée profonde du Président de la République. Vous avez consulté des responsables de la grande distribution et des PME. Vous avez même fait part des inquiétudes d’une conserverie bretonne devant une révision des conditions générales de vente, ce dont il n’est pas question.

M. Jean Gaubert. Ça viendra !

M. François Loos. Au lieu de vous appuyer sur le texte même, vous vous êtes fondée sur des on-dit à son propos.

Mais non ! Vous dites que c’est le texte, mais ce n’est pas vrai. Si vous l’aviez lu (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), vous auriez vu qu’il s’intitule « projet pour le développement de la concurrence au service des consommateurs » et que son contenu est conforme à ce titre, puisqu’il permet une concurrence accrue dans la grande distribution, ce qui aura un effet sur le pouvoir d’achat.

Si ce texte est présenté maintenant, c’est bien parce que nous pouvons le faire. Nous n’avons pas besoin d’attendre l’issue des grandes réflexions supplémentaires que vous suggérez, comme la distinction entre petits, moyens et gros, ou bien que M. Attali ne soit plus en contradiction avec nous, ou bien encore qu’on ait fait quelque chose pour le commerce de proximité.

Vous nous proposez de réfléchir sur de nombreux problèmes qui, certes sont intéressants, mais qui n’ont rien à voir avec un texte utile, efficace et applicable.

J’ai essayé de déchiffrer le message que vous essayez de porter par vos critiques. Mais j’ai seulement compris, comme M. Folliot, que vous nous demandez de réfléchir et que les Français attendront. Pour notre part, nous préférons prendre les problèmes à bras-le-corps. Aussi, le groupe UMP votera contre le renvoi du texte en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(La motion de renvoi en commission n’est pas adoptée.)

Discussion des articles

Mme la présidente. J’appelle les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

Avant le titre 1er

Mme la présidente. Avant le titre 1er, je suis saisie des amendements nos 87, 88, 89, 90, 91, 93, 94, 95 et 56, pouvant faire l’objet d’une discussion commune.

Les amendements nos 87 à 91 et 93 à 95 sont identiques.

La parole est à M. Arnault Montebourg, pour soutenir l’amendement n° 87.

M. Arnaud Montebourg. Parmi les nombreuses propositions du groupe socialiste sur ce texte figure l’action de groupe.

Mme Lagarde et M. Chatel ont évoqué cette action comme une hypothèse en attendant que le sujet soit plus amplement étudié. Au lieu de faire preuve de ce bel esprit de résolution que vient de vanter M. Loos, vous remettez la décision à plus tard. Pourtant, tout est connu, tout est balisé en la matière. Il reste au Gouvernement à se mettre d’accord avec le MEDEF.

M. Chatel a démontré qu’il était favorable à l’action de groupe et nous tenons à rendre hommage à sa vitalité sur ce sujet, pour ne pas dire à sa pugnacité. De même, la majorité y est favorable puisqu’elle a cosigné les textes de Luc Chatel lorsqu’il était député et qu’elle était plutôt unie sur cette question. Le seul obstacle réside dans les amitiés du pouvoir, au sommet de celui-ci.

Monsieur Loos, vous nous reprochez notre immobilisme. Permettez-moi de vous renvoyer la balle avec bien plus d’élégance que celle que vous avez lancée à Mme Erhel en vous disant que c’est le Gouvernement qui pratique l’immobilisme.

Je vous citerai l’exemple de ce que l’Union fédérale des consommateurs a tenté de faire à propos de l’entente sur la téléphonie mobile. Du reste, c’est devenu un cas d’école, et les législateurs que nous sommes doivent en tirer les leçons afin de montrer qu’on ne peut pas laisser plus longtemps le consommateur sans l’aide ni le soutien d’un dispositif amélioré comme celui que nous proposons ce soir.

Le Conseil de la concurrence a reconnu que les trois opérateurs de téléphonie mobile violaient les règles de la concurrence sur les appels internationaux de la téléphonie mobile. 300 000 victimes ont été identifiées. L’UFC-Que choisir a utilisé le droit actuel pour tenter d’interdire à ces trois entreprises de toucher des bénéfices illégaux. L’obstacle juridique est une rente économique. Lorsque la réparation est peu importante pour un consommateur mais le préjudice considérable pour des millions de consommateurs, la seule possibilité est d’agir en groupe afin de reprendre cette rente économique injustement offerte aux opérateurs économiques qui s’en servent, en abusent et en tirent profit.

Lorsque l’UFC-Que choisir a lancé la procédure sur son site Internet, 300 000 personnes se sont inscrites. Après dix mois de travail et 500 000 euros de frais de gestion, 12 551 dossiers seulement sur près de 20 millions de victimes, soit 0,06 %, ont pu être finalisés et acheminés dans un tribunal d’instance de la région parisienne – espérons que celui-ci ne va pas être supprimé !

Nous vous proposons donc de permettre aux consommateurs de se défendre, et notamment aux 20 millions de personnes spoliées par Bouygues, Orange et SFR, lesquelles réalisent par ailleurs des milliards de bénéfices, d’obtenir réparation.

Monsieur le secrétaire d’État, vous n’allez pas attendre encore et encore. Sous la précédente législature, la majorité attendait déjà Godot, mais il n’est toujours pas arrivé.

J’évoque Beckett pour que le parlementaire frustré que vous étiez se réveille et se transforme en ministre actif. Faites venir Godot : nous lui ferons un triomphe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Mme la présidente. À défaut de Godot, je demande à M. Jean Gaubert de défendre l’amendement n° 88 ! (Sourires)

M. Jean Gaubert. Monsieur le secrétaire d’État, je suis assez surpris de ne pas trouver de référence à l’action de groupe dans votre texte, car j’ai sous les yeux un excellent rapport du député Chatel intitulé « De la consoméfiance à la consoconfiance ».

L’argumentation développée à partir de la page 111 est très bien étayée. Vous instituez un recours collectif soigneusement encadré. Vous rappelez les dispositions juridiques actuelles, expliquant qu’elles sont insuffisantes pour répondre aux consommateurs. Vous évoquez aussi l’action civile, l’action de suppression de clause abusive, l’action en justice et vous analysez l’action représentative conjointe. Vous parlez même d’un « mouvement de généralisation des actions collectives ». Vous faites également une analyse très claire du modèle américain, estimant que ce n’est pas une réponse acceptable, et vous avez raison. En effet, elle est dangereuse pour l’économie, car elle sert d’ailleurs plus souvent à tuer des PME concurrentes qu’à défendre le consommateur. Vous rappelez aussi comment fonctionne la procédure. Vous analysez ensuite la référence canadienne et vous concluez en disant que « L’institution du recours collectif apparaît désormais comme la seule façon de garantir l’effectivité des droits des consommateurs dans certains types de litige ». Vous ajoutez même : « Il est illusoire de croire que la France pourra demeurer longtemps à l’écart d’un mouvement général qui touche de proche en proche l’ensemble de nos voisins ».

Le Président de la République se plaît souvent à dire qu’il veut que la France soit en avance sur les autres pays européens. Vous avez là une occasion de le montrer. Il vous suffirait de reprendre les bonnes propositions que vous aviez faites à l’époque et qui nous permettraient d’avancer.

M. Montebourg a parlé du système des petites arnaques. Si nous savons que les opérateurs de téléphonie ont été condamnés, on sait aussi que cela a rapporté au budget de l’État, mais rien aux consommateurs. Ce que nous voulons, c’est indemniser les consommateurs qui auront été lésés. C’est aussi ce que vous voulez faire, ou plutôt que vous vouliez faire. Si j’ai bien compris, cela devrait être le cas après les élections municipales du printemps prochain.

Nous avons bien mesuré deux risques. Premièrement, pour éviter que l’action soit intentée en sous-main par un concurrent, nous avons proposé une mesure de recevabilité qui permet très rapidement de savoir s’il y a lieu de poursuivre ou si l’action est abusive.

Deuxièmement, pour éviter que des groupes d’intérêt se constituent dans le but de nuire à une entreprise, nous proposons de réserver la possibilité d’engager une telle action à des associations qui existent depuis au moins cinq ans.

Je crois que nous avons fait un travail sérieux et pris toutes les précautions nécessaires. Nous avons ainsi répondu à l’inquiétude et à la demande des associations de consommateurs de ce pays. Il n’est pas normal que, quand des consommateurs ont été lésés, seul l’État en tire bénéfice. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes, pour soutenir l’amendement n° 89.

M. François Brottes. Madame la présidente, je souhaiterais faire une proposition de méthode, même si c’est quelque peu contraire à notre règlement, car je conçois qu’écouter des parlementaires de l’opposition argumenter sur le même amendement puisse faire sourire certains et en lasser d’autres.

Mme la présidente. Mais, vous avez déposé ces amendements !

M. François Brottes. Pour faciliter le travail de M. le secrétaire d’État et du rapporteur, je propose que chaque orateur évoque l’un des neuf articles de notre proposition. Cela permettrait à M. Chatel de nous indiquer ce qui ne lui convient pas.

M. Jean-Paul Charié. Votre proposition est spécieuse !

M. François Brottes. Le dispositif que nous proposons est très concret, efficace, responsable et juste. Il répond à une exigence de Luc Chatel, alors député.

Après la présentation globale de MM. Montebourg et Gaubert, M. le secrétaire d’État qui a une certaine patience dans l’expression et le souci de la rigueur, pourra nous répondre. Ainsi, si ce texte n’était pas voté, nous saurions précisément quelles sont les réticences à l’égard des propositions que nous formulons, ce qui pourrait nous servir pour un texte ultérieur.

Dans cet amendement, nous nous employons d’abord à définir ce qu’est l’action de groupe et ce qui est nécessaire pour qu’elle soit recevable. Puis nous évoquons l’indemnisation des victimes.

Par exemple, la rédaction que nous proposons pour l’article 2062 du code civil précise que l’action de groupe est celle par laquelle une association saisit un juge pour le compte d’un ensemble de personnes physiques ou morales – j’imagine que cela ne donne pas lieu à débat – agissant dans un cadre non professionnel – nous donnons là une précision –, et ayant subi un préjudice similaire du fait d’un même professionnel. M. Chatel pourrait nous indiquer la réponse qu’il donne à cette expression très précise que nous formulons.

J’invite mes collègues à continuer à décliner les différents articles, afin de faciliter la tâche du secrétaire d’État et du rapporteur. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Mme la présidente. Madame Erhel, comme vous l’a suggéré votre collègue, peut-être pourriez-vous, en défendant votre amendement n° 90, vous exprimer plus précisément sur le texte proposé pour l’article 2063 du code civil ?

Mme Corinne Erhel. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je commencerai par prendre le contre-pied de ce qui a été dit tout à l’heure. La majorité nous reprochait d’être statiques, tandis qu’elle était en mouvement. En proposant l’action de groupe, nous sommes donc dynamiques...

M. Jean Dionis du Séjour. Pour une fois !

Mme Corinne Erhel. J’espère donc que vous allez nous suivre, et non pas nous répondre qu’il faut prendre le temps de réaliser une étude d’impact. Vous seriez sinon en pleine contradiction !

La rédaction que nous proposons pour l’article 2063 du code civil précise que « l’action de groupe peut être engagée à l’occasion de tout préjudice civil, de nature contractuelle ou délictuelle, en matière de consommation, de santé, d’environnement ou de concurrence ».

Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Massat, pour défendre l’amendement n° 91.

Mme Frédérique Massat. Présenter aujourd’hui un projet de loi en faveur des consommateurs sans évoquer l’action de groupe est pour le moins curieux. Loin de vouloir faire de l’obstruction, l’opposition entend travailler à améliorer le texte. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) En commission, nos amendements n’ont pas été adoptés. Nous sommes donc ici pour tenter de faciliter la vie du consommateur, tout comme vous. Le recours collectif, on en parle, et même excellemment, depuis des années. Arrive enfin un projet de loi sur la consommation, mais qui n’en dit rien et vous renvoyez la discussion à plus tard. Alors, faute de texte, nous avons déposé des amendements.

Le recours collectif constituerait aujourd’hui un instrument de plus à la disposition de populations en difficulté et des consommateurs démunis vis-à-vis de certains de leurs fournisseurs, notamment les opérateurs de téléphonie mobile ou les fournisseurs d’accès à Internet, et qui ne peuvent pas agir par eux-mêmes. C’est pourquoi nous défendons l’action de groupe en espérant que vous vous joindrez à nous.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Roy, pour défendre l’amendement n° 93, et nous expliquer les conditions de la recevabilité de l’action de groupe.

M. Patrick Roy. Monsieur le secrétaire d’État, vous ne cessez de répéter que le pouvoir d’achat, c’est la priorité des Français. En tout cas, ce n’est pas celle du Gouvernement. Des manifestants étaient hier dans les rues pour vous le rappeler. Les Français ont raison car on assiste depuis quelques mois à une envolée des prix du pétrole – sans que vous ne fassiez rien –, à une envolée des loyers – sans que vous ne fassiez rien –, des fruits et légumes, et même des impôts – mais là, vous y êtes pour quelque chose – et donc à une multiplication des injustices. Les promesses électorales ne sont pas tenues dans ce domaine. Les petites retraites n’ont été revalorisées que de 1,1 %, en dessous de l’inflation.

Pour lutter contre les hausses de prix, vous nous présentez un projet de loi pour défendre le consommateur. Il s’agit en réalité de quelques « mesurettes » sur la téléphonie, mais qui restent muettes sur l’essentiel, à savoir l’action de groupe qui fournirait pourtant aux consommateurs un vrai levier pour agir contre les injustices dont ils sont victimes. Les collègues qui sont intervenus avant moi l’ont expliqué avec brio, en particulier Arnaud Montebourg qui prend cette question très à cœur.

Le président Ollier, lors de la motion de procédure, n’est-il pas intervenu pour dire qu’il ne fallait pas attendre et qu’il fallait au contraire aller vite dans l’intérêt des consommateurs ? Alors, pourquoi attendre une mesure aussi attendue ? La vérité, c’est que l’urgence du Gouvernement, c’est de favoriser les favorisés – pensez au bouclier fiscal –, de sanctionner les petits et les humbles. Aussi nous répond-il que l’action de groupe, ce sera pour plus tard, peut-être le jour où Godot arrivera. Alors, écoutons le président Ollier, et allons-y tout de suite !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je parlais du texte, pas de votre amendement !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marylise Lebranchu, pour défendre l’amendement n° 94.

Mme Marylise Lebranchu. Il était très important, pour que vous puissiez nous suivre, de prendre en compte plusieurs des recommandations du rapport Chatel et les discussions qui avaient eu lieu lors d’une réunion fort intéressante au Sénat entre les parlementaires et les associations de consommateurs.

Le dispositif que nous proposons était à nos yeux de nature à lever les craintes du patronat. Mettre en place un système de filtre en soumettant l’action de groupe à un examen de recevabilité mené par le tribunal de grande instance – quand il en restera un –, chargé de vérifier la convergence entre les prétentions des membres du groupe et la capacité du représentant à les défendre, était de nature à rendre la procédure plus claire, bien que complexe. C’était un moyen sûr d’éviter ce que craignent de nombreuses entreprises, c’est-à-dire des actions pas forcément étayées aboutissant à une sorte de harcèlement continu. De même, nous avions prévu la prescription de l’action de groupe, qui aurait été alignée sur celle de chaque préjudice.

Notre démarche était extrêmement raisonnable, encadrée puisque nous avons tiré toutes les leçons non seulement du rapport Chatel, mais aussi du travail du Sénat, de celui d’Arnaud Montebourg avec les associations de consommateurs. M. le secrétaire d’État devrait être sensible aux dispositions sur la recevabilité de l’action de groupe.

M. Patrick Roy. Il est sûrement convaincu !

Mme Marylise Lebranchu. Il est fondamental de parler de l’action de groupe, madame la présidente, parce que la lecture des brèves de l’Union professionnelle artisanale, l’UPA, m’a appris que M. Raffarin avait réaffirmé que, avec Jacques Attali, on en revenait aux vieilles lunes de l’urbanisme commercial et du monde de la grande distribution. Au moins une partie du texte serait-elle de nature à satisfaire les artisans et les PME. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut, pour soutenir l’amendement n° 95.

M. Jean-Yves Le Déaut. Mme Lebranchu vient de faire allusion au pré-rapport de M. Attali qui déclare souhaiter « un contrôle mesuré mais présent des consommateurs eux-mêmes à travers les possibilités d’actions de groupe ». Vous voyez, il s’est lui-même prononcé en leur faveur. Arnaud Montebourg a très bien expliqué nos intentions et il vous a certainement toutes et tous convaincus.

S’agissant du délai de prescription de l’action de groupe, nous demandons son alignement sur celle du type de préjudice subi. Prenons l’exemple des milliers de Français qui achètent en même temps que leur ordinateur des logiciels obligatoires. Quand on achète Windows, on achète également des jeux, des logiciels de sécurité, des logiciel multimédias, ou encore des projets éducatifs pour les enfants. Le tout se monte à peu près à 250 euros et il est très difficile de refuser ces logiciels. Dans certains cas, on parvient à en obtenir le remboursement, mais c’est excessivement compliqué. Il s’agit bien d’un préjudice global et l’action de groupe constituerait une avancée précieuse pour les consommateurs.

Par ailleurs, nous prévoyons « le fonds d’aide à l’action de groupe qui assure la publicité de l’action et des modalités prescrites par le juge ». Enfin, les personnes concernées par l’action de groupe peuvent réclamer « la liquidation des dommages et intérêts auprès de ce fonds qui reverse les sommes à chaque membre du groupe au regard du préjudice subi. » Ainsi, plusieurs centaines de milliers de consommateurs lésés pourront se faire rembourser, comme l’a expliqué Arnaud Montebourg, car certains opérateurs, conscients que les consommateurs n’agiront pas individuellement, en profitent pour imposer des pratiques véritablement abusives. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Desallangre, pour défendre l’amendement n° 56.

M. Jacques Desallangre. Il a été rappelé combien le projet du Gouvernement manque d’ambition et n’apporte aucune réponse réelle au déséquilibre structurel de la relation entre les clients et/ou usagers isolés et les grandes entreprises de services comme la distribution, voire les administrations.

L’écrit est mauvais, monsieur le secrétaire d’État, mais peut-être allez-vous vous rattraper à l’oral car, pas plus que les autres, je ne doute que vous soutiendrez, en tant que membre du Gouvernement, ce que vous tentiez de promouvoir hier en tant que député. Le précédent Président de la République, le précédent Premier ministre, vous-même en tant que député, l’actuel Président de la République, l’ensemble de l’opposition parlementaire, tout le monde semble d’accord pour introduire l’action de groupe. Pourtant, vous n’en avez rien fait. Cette mesure fait aujourd’hui défaut dans votre projet de loi, mais nous pouvons corriger cette erreur, grâce à mon amendement.

Si une part de nos collègues de droite approuvent du bout des lèvres une action de groupe, ils ne soutiennent qu’une version light tandis que moi, je défends une version originale de l’action de groupe, pleine d’intérêt pour les justiciables et susceptible de susciter la crainte des entrepreneurs malhonnêtes. L’action de groupe que je préconise a fait ses preuves à l’étranger mais elle serait corrigée de ses dérives. Je propose ainsi, pour être précis, de trancher en faveur d’une saisine élargie, sans filtre associatif, et d’un champ d’application très ambitieux car il s’étendrait aux préjudices liés à une activité commerciale, mais aussi aux activités de l’administration.

Il y a urgence à agir car, faute de procédure efficace à la disposition des consommateurs, de nombreux textes législatifs et réglementaires prévoyant des sanctions en cas de comportement abusif ou illicite des professionnels ne sont pas appliqués aujourd’hui. La faible saisine des tribunaux par les victimes est aisément compréhensible dès lors que le coût global d’une action individuelle dépasse souvent le montant du préjudice subi. Les exemples sont multiples et révèlent tous que l’absence de sanction civile rend le droit fictif. Les acteurs économiques ou administratifs intègrent dans leurs pratiques que la transgression du droit des citoyens est moins onéreuse que son respect.

L’introduction de l’action de groupe, en facilitant la saisine du juge, serait un progrès pour les droits car il serait mis fin à une impunité souvent inacceptable. Il devrait alors s’ensuivre une amélioration des comportements des acteurs qui intégreraient alors la probabilité croissante d’une sanction en cas de comportement fautif.

L’action de groupe instituée par le présent amendement a une double vocation. D’une part, offrant un accès à la justice à un groupe de justiciables en une seule procédure, elle permettra de réparer l’ensemble des préjudices subis. D’autre part, elle aura un effet dissuasif en sanctionnant la personne physique ou morale fautive, en l’obligeant à cesser une pratique abusive ou illicite et à en assumer les conséquences. La seule existence de l’action de groupe constituera un garde-fou au développement des pratiques illicites.

Pour répondre au souci d’efficacité qui préside à sa création, l’action de groupe doit être ouverte, tant au niveau de la saisine que de son champ d’application matériel et humain. Elle doit aussi pouvoir être engagée à l’initiative tant des personnes physiques que morales.

Dans le même esprit, l’action de groupe devrait pouvoir être intentée quel que soit le domaine, dans l’ordre judiciaire et dans l’ordre administratif, comme cela se fait en Suède, au Portugal ou au Québec : les préjudices ne se cantonnent pas au droit de la consommation. Le projet de loi visant principalement à favoriser l’accès des citoyens à la justice, en général, et les effets attendus de cette nouvelle action juridictionnelle étant d’améliorer l’application du droit par les acteurs privés et publics, il paraît légitime que tous les domaines juridiques soient concernés par elle. Et puisque des comportements ou des faits relevant du droit de l’environnement, du droit financier ou du droit de la santé peuvent nuire à une multitude d’individus, il serait logique qu’un groupe puisse se constituer en vue de demander réparation du préjudice subi. Ainsi l’intérêt de chacun, aujourd’hui méprisé et bafoué, serait défendu et l’accès à la justice de chaque citoyen assuré.

Monsieur le secrétaire d’État, tout a été étudié, tout est prêt : ne vous réfugiez pas derrière les instructions que le Président de la République aurait données à Mme Lagarde pour faire gagner du temps aux lobbies hostiles à ce texte, qui ont déjà obtenu que son examen soit reporté : ce ne serait qu’une dérobade bien peu glorieuse.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire sur les amendements identiques et sur l’amendement n° 56 ? (« Elle est pour ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Michel Raison, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Voilà une proposition argumentée, bien défendue et expliquée, ce qui facilite nos débats. (« Merci ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

L’action de groupe faisait partie du projet de loi relatif à l’information et à la protection des consommateurs, déposé en début d’année. Elle a également fait l’objet de deux propositions de loi, émanant l’une du groupe socialiste, l’autre de l’excellent député qu’était à l’époque Luc Chatel ; ce dernier n’est plus député, mais il est devenu un tout aussi excellent secrétaire d’État ! (Sourires.)

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Personne n’est parfait ! (Sourires.)

M. Michel Raison, rapporteur. C’est en effet un sujet important, parce que l’action en représentation conjointe ne fonctionne pas très bien et que l’on manque d’un instrument qui permette à un grand nombre de consommateurs subissant un préjudice dont le montant individuel est modeste, mais le montant agrégé significatif, d’obtenir réparation sans qu’ils soient obligés de se lancer dans une action lourde, longue et coûteuse.

M. François Brottes. C’est sage !

M. Michel Raison, rapporteur. Dans le même temps, nous devons veiller à ce que le dispositif soit conçu de manière à éviter les dérives à l’américaine (« C’est ce que nous proposons ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) – ce n’est pas le groupe socialiste qui me contredira : il ne faut pas que l’on puisse ruiner le crédit et la réputation d’entreprises qui n’ont rien à se reprocher, ou les contraindre à des règlements amiables coûteux destinés à éviter une mauvaise publicité injustifiée, qui pourrait être néfaste pour l’emploi. (« Très bien ! », « Nous sommes d’accord ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Or ni votre proposition, ni celle qui figurait dans le projet de loi relatif à l’information et à la protection des consommateurs, ne permettent de trouver la solution équilibrée adéquate. (« Ah ? » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Il faut donc poursuivre la réflexion, notamment dans le cadre de la préparation du projet de loi sur la modernisation de l’économie. Comme il nous l’a indiqué lors de son audition par la commission, le secrétaire d’État y travaille (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) ; le médiateur de la République est associé à cette réflexion, la commission européenne sera consultée et le rapport de la commission Attali – laquelle, comme l’a noté M. Le Déaut, s’intéresse beaucoup aux consommateurs – pris en considération. Qu’on le laisse travailler dans le calme !

Comme vous le voyez, peu de chose nous sépare : quelques mois seulement ! (Sourires.) Et comme nous sommes à peu près d’accord, la commission a repoussé ces amendements. (Rires.)

Mme la présidente. Sur le vote des amendements n° 87 à 91 et 93 à 95, je suis saisie par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l’avis du Gouvernement sur ces amendements ?

M. Arnaud Montebourg. Alors, monsieur Chatel, Godot arrivera-t-il ce soir ?

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Mesdames et messieurs les députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, permettez-moi de m’étonner et de regretter que les chantres de l’action de groupe n’aient pas jugé bon d’unir leurs efforts en une intervention collective. À quand l’action de groupe parlementaire ? Bientôt, sans doute. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Jacques Desallangre. C’est la pédagogie de la répétition ! (Sourires.)

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Sur le fond, j’ai déjà rappelé la position du Gouvernement sur l’action de groupe, à laquelle j’ai toujours été, pour ma part, favorable (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine). Je considère en effet que nous devons, dans notre pays, réconcilier la protection des consommateurs et la liberté d’entreprendre. En tant que libéral, je défends l’économie de marché, mais j’estime qu’elle a besoin de régulateurs ; et le meilleur d’entre eux, à mon sens, est le client final, c’est-à-dire le consommateur.

Voilà pourquoi nous travaillons à la mise en place de l’action de groupe. Nous travaillons en liaison avec les acteurs concernés par une éventuelle disposition législative, que j’ai pris l’initiative de contacter à nouveau. Nous souhaitons proposer un système équilibré, qui permette aux consommateurs de mieux se défendre tout en évitant les dérives que vous avez rappelées, et qui sont apparues dans les pays qui ont mis en œuvre cette possibilité sans en apprécier les risques éventuels ; j’observe d’ailleurs que les Américains reviennent actuellement sur des dispositions précédemment adoptées… (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Jacques Desallangre. Ils ne reviennent pas dessus, ils les corrigent !

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. … pour privilégier des mesures plus équilibrées.

M. Arnaud Montebourg. Bel « équilibre » !

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Tous ces paramètres doivent être pris en compte, et c’est ce que fait actuellement le Gouvernement. Comme je vous l’ai indiqué, j’adresserai mes propositions au Premier ministre et à Mme la ministre de l’économie et des finances avant la fin de l’année, de manière à pouvoir les soumettre au Parlement à l’occasion de l’examen du projet de loi sur la modernisation de l’économie. Ce calendrier permet aussi de tenir compte des concertations engagées à l’échelle européenne : j’ai eu un long entretien sur ce sujet avec Mme Magdalena Kuneva, commissaire européenne chargée de la consommation, et une réunion des ministres européens responsables de la consommation a été récemment organisée au Portugal. Je suis en effet convaincu que les États membres de l’Union doivent coordonner leurs efforts afin de définir un modèle européen de recours collectif pour les consommateurs.

C’est pourquoi, mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement abordera ce sujet dans le cadre du projet de loi sur la modernisation de l’économie ; il propose à leurs auteurs de retirer ces amendements, faute de quoi il donnera un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Charié.

M. Jean-Paul Charié. Sur le fond, les groupes UMP, SRC, voire GDR, sont tous d’accord pour introduire dans le droit français cette idée plutôt révolutionnaire de l’action de groupe. Comme vient de le souligner M. le secrétaire d’État, nous autres libéraux y voyons un contre-pouvoir et un moyen important d’expression des consommateurs. Pour autant, sur une réforme aussi importante, nous n’avons pas le droit de ne pas mener notre réflexion jusqu’au bout – et je rends hommage à Luc Chatel d’avoir su, en début d’année, retirer sa proposition de loi afin de ne pas risquer de se tromper. M. le secrétaire d’État et M. le rapporteur viennent de nous donner quelques exemples de points encore problématiques. Car, monsieur Montebourg, nous ne savons pas tout et tout n’est pas réglé, cela n’est pas vrai ! Nous devons poursuivre notre travail de concertation et de négociation avec les acteurs.

M. Jean-Yves Le Déaut. Oui, avec le MEDEF…

M. Jean-Paul Charié. Si nous ne le faisions pas, vous nous reprocheriez, au nom de l’opposition, de ne pas étudier correctement cette question fondamentale ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. François Brottes. Reprenez notre amendement !

M. Jacques Desallangre. Nous y serions favorables !

M. Jean-Paul Charié. Sur la forme, nous aurions pu aujourd’hui déposer des amendements sur de nombreux sujets ; mais, au groupe UMP, nous avons décidé de nous concentrer sur les trois sujets principaux du projet de loi.

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Bravo !

M. Jean-Paul Charié. Si notre groupe n’intervient pas sur d’autres sujets, pourtant fondamentaux, ce n’est donc pas parce que nous serions en désaccord ou que nous nous en désintéresserions, mais parce que, dans l’intérêt des consommateurs, nous souhaitons aller vite. Nous avons décidé de privilégier l’efficacité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Jacques Desallangre. Monsieur le secrétaire d’État, vous y aviez tout de même réfléchi !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Les libéraux centristes sont favorables à l’action de groupe (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), mais exclusivement en matière de droit de la consommation. De bons exemples ont été donnés dans le domaine de la téléphonie, et des actions de ce type peuvent être très utiles sur d’autres sujets, comme la lutte contre les spams. Si nous sommes donc clairement favorables à l’action de groupe dans le cadre de la relation client-fournisseur, par contre, après en avoir débattu en interne, nous y sommes défavorables en matière de santé.

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Très juste !

M. Jean Dionis du Séjour. La relation malade-soignant – de même que la relation pollué-pollueur – n’a en effet rien à voir avec la relation client-fournisseur. Sur le fond, nous ne sommes donc que partiellement d’accord avec ces amendements. C’est pourquoi nous nous y opposerons.

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Monsieur le secrétaire d’État, sur le fond, votre réponse ne nous satisfait pas. Nous aurions pu envisager de retirer nos amendements si, comme je vous l’avais demandé, vous aviez eu l’amabilité de nous préciser ce qui vous convenait et ce qui ne vous convenait pas dans nos propositions en matière de définition, de modalités, de recevabilité et d’indemnisation de l’action de groupe ; en d’autres termes, si vous aviez engagé le débat sur le fond, car c’est ce qui importe !

Le rapporteur nous engage à éviter les dérives à l’américaine ; nous sommes d’accord avec lui, d’autant qu’en cette matière, certaines pratiques au plus haut niveau de l’État nous laissent perplexes (Sourires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche – Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) – mais ce n’est pas le sujet du jour.

Que vous refusiez de vous prononcer sur la définition et les modalités de l’action proposée nous incite à demander un vote. On en vient en effet à douter de votre réelle volonté d’aboutir. M. Dionis du Séjour, lui, a exprimé un véritable désaccord sur le fond. Que le Gouvernement ou le rapporteur fasse de même, et entamons le débat – quitte à considérer en définitive que certains éléments mériteraient effectivement réflexion complémentaire et que le retrait de nos amendements s’impose. Tout au contraire, vous refusez d’engager le débat sur le fond. Si j’ai reconnu, dans la discussion générale, que vous vous efforciez de répondre à nos interrogations, je note que ce n’est plus le cas.

Mme Marylise Lebranchu. Ce n’est pas sa faute : il est malheureux ! Je compatis ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Monsieur le secrétaire d’État, les propos de François Brottes sont fondés. Vous parlez de concertation – d’abord avec vous-même, si j’ai bien compris –, mais alors que tout le monde dit être en faveur de l’action de groupe,…

M. Jean Dionis du Séjour. Non : nous autres centristes ne sommes pas favorables aux actions dans le domaine de la santé.

M. Arnaud Montebourg. …tous, sauf nous, votent contre ! Il faudrait nous expliquer pour quelle raison !

M. Dionis du Séjour et le groupe Nouveau Centre estiment que la relation entre un médecin et son patient ne relève pas de l’action de groupe ; elle est en effet hors sujet, et ne figure pas dans notre amendement. (« Si ! » sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Elle ne relève pas de l’action collective, puisqu’il n’y a qu’un seul malade pour un seul médecin ; en revanche, l’administration de médicaments susceptibles d’entraîner un préjudice collectif justifierait une action de groupe.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Votre amendement est mal rédigé !

M. Arnaud Montebourg. Quant à l’environnement, on en revient à l’affaire de l’amiante, où un produit distribué en masse cause des préjudices collectifs. Il ne faut donc pas faire de confusion. Je remercie cependant M. Dionis du Séjour de soulever ce problème, et d’engager ainsi la discussion.

Lorsque vous avez rencontré la commissaire européenne chargée de la consommation et vos collègues ministres européens, sur quelle pierre d’achoppement avez-vous buté ? Quelles avancées avez-vous noté ? Où en êtes-vous de cette harmonisation de l’action de groupe en Europe ? On voudrait en savoir quand même plus !

Alors, monsieur Chatel, vous devez reprendre la parole et nous répondre, parce que nous sommes preneurs d’avancées, mais certainement pas dans l’obscurité. Je souhaiterais que vous nous disiez, avant le scrutin public, où en est l’Union européenne sur le sujet ? Le Gouvernement s’abritera-t-il derrière ce prétexte européen, la prochaine fois, pour ne pas légiférer sur l’action de groupe au printemps ? Ou n’existe-t-il plus d’obstacles, ce qui signifie que les choses peuvent enfin avancer ? Quelles sont nos réelles divergences sur les caractéristiques de l’action de groupe ? Portent-elles sur l’option d’inclusion ou d’exclusion ?

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nous en discuterons le moment venu, monsieur Montebourg !

M. Arnaud Montebourg. Franchement, nous sommes prêts à en discuter et cela se mérite ! Mais vous n’avez pas eu un mot sur le sujet !

M. Raison, qui est un rapporteur respectueux de l’opposition – nous l’en remercierons encore longtemps – nous a dit : nous avons des interrogations concernant le filtrage. Or nous avons blindé cette histoire de filtre ! Et nous serons totalement en phase sur la question de la recevabilité, comme cela a été suffisamment développé par nos orateurs.

Il ne reste donc que deux questions en débat : celle du champ – soulevée par M. Dionis du Séjour, et totalement ignorée par le Gouvernement – et celle des limites du groupe – option d’inclusion ou d’exclusion ? Alors, monsieur le secrétaire d’État, je vous demande de reprendre le micro, et de nous donner la position du Gouvernement. Que préparez-vous ? Sur quoi portent les hésitations de vos arbitrages ? Quelles positions communes et quels points de divergence avez-vous avec l’Union européenne ? Puisque nous avons demandé un scrutin public, chacun prendra ensuite ses responsabilités devant les millions de consommateurs qui n’attendent plus Godot.

M. Jean Gaubert. Les choses s’éclairent !

Mme la présidente. Compte tenu de l’importance de ce débat, je donne encore la parole à quelques collègues et ensuite, nous passerons au scrutin public, sauf si M. le secrétaire d’État veut répondre.

Vous avez la parole, monsieur Gaubert.

M. Jean Gaubert. Nous espérons bien, madame la présidente, que M. le secrétaire d’État va nous répondre, car les questions posées revêtent une très grande importance.

Pour ma part, j’estime que, curieusement, dès ces premiers amendements, les choses s’éclairent. Depuis le début de l’après-midi, on nous a accusés de ne pas être dans le mouvement, de ne pas vouloir avancer, etc. Eh bien, qui n’est pas dans le mouvement ? Qui refuse d’avancer ? Qui trouve de bonnes raisons pour dire que ce n’est pas le moment ? C’est bien la majorité UMP !

M. Arnaud Montebourg. Que font les Golden boys de Bercy ?

M. Jean Gaubert. Vous nous rétorquez : nous allons nous en tenir au texte. C’est votre droit. Mais ne prétendez pas que l’amendement proposé ne traite pas de la défense du consommateur, objet de ce projet de loi. Le groupe UMP ne pratique pas trop la marge arrière, mais certainement la marche arrière ! (Sourires)

Monsieur le secrétaire d’État, vous nous dites que ce n’est pas le moment ; vous nous promettez un rapport, et même une grande consultation internationale. L’Europe, certes ! Les autres capitales, certes ! Rassurez-vous, certains ne vous ont pas attendu ! Vous auriez pu vous inspirer de leur expérience, ce n’était pas compliqué : il suffisait d’aller les voir. Peut-être serez-vous conduit à aller plus loin. Pourquoi pas à l’OMC ? Pourquoi ne pas consulter M. Bush pour savoir comment il a fait aux États-Unis ou pourquoi il recule ? (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Franchement, vous en êtes à chercher des arguments fallacieux, parce que vous savez que notre proposition est totalement cadrée, qu’elle répond à toutes les objections soulevées. Elle répond même à celles du MEDEF qui redoute des attaques contre les PME. Cette crainte est infondée. Mes collègues ont insisté sur ce point : si nous prévoyons une procédure de recevabilité, si nous proposons que seules les associations reconnues puissent ester en justice, c’est bien parce que nous voulons encadrer cette action de groupe.

Mais, je voudrais aussi attirer l’attention des PME sur l’intérêt qu’elles pourraient trouver à ce type d’actions. Aujourd’hui, la PME qui se fait battre ou déborder par d’autres entreprises – petites ou grandes – qui usent de pratiques scandaleuses, illégales, elle en est « pour sa pomme », passez-moi l’expression. Demain, si le concurrent indélicat est condamné, en vertu d’une action de groupe, nous aurons largement contribué à assainir notre économie, allant au-delà de la seule indemnisation des consommateurs lésés.

Mme Marylise Lebranchu. Bravo !

M. Jean Gaubert. En fait, c’est le caractère irréprochable de cette proposition qui vous gêne : vous ne pourrez pas en élaborer une différente quand vous reviendrez sur le sujet.

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. J’interviens à la suite de mes deux collègues du groupe GDR, André Chassaigne et Jacques Desallangre, pour réagir aux propos de Jean-Paul Charié. Il nous dit : ce n’est pas le moment, ce n’est pas encore au point, il faut continuer à travailler. Nous sommes étonnés, car nous nous souvenons d’une excellente proposition de loi sur le sujet, déposée par Luc Chatel.

M. Jean-Paul Charié. Il a eu le courage de la retirer !

Mme Martine Billard. La réalité c’est plutôt qu’il n’a malheureusement pas eu le choix !

M. Jean-Paul Charié. Mais non, pas du tout !

Mme Martine Billard. Et malheureusement, aujourd’hui, il ne peut pas aller au bout de l’excellent travail qu’il avait effectué en tant que député.

Il en va de la responsabilité des députés présents d’approuver l’action de groupe. Je remarque que, parfois, les députés de la majorité UMP savent pousser leur gouvernement beaucoup plus loin qu’il ne voudrait aller. Il serait bon qu’ils ne le fassent pas seulement pour des dispositions sur l’ISF – quand il s’agit de sortir certains biens de la base de calcul de cet impôt – mais aussi pour défendre les consommateurs, avec cette fameuse action de groupe.

Le secteur des télécommunications suscite beaucoup de critiques de consommateurs, même s’il n’est pas le seul concerné. Récemment, il y a eu une « mini-émeute » devant des locaux de l’entreprise Noos. Si les clients de cette société avaient pu entreprendre une action de groupe, ils auraient bénéficié d’une défense de meilleure qualité, et ils auraient obtenu une réparation, plutôt que d’attendre pendant des semaines et des semaines de pouvoir se reconnecter.

Nos PME ne risquent rien, car ce ne sont pas elles qui sont en cause mais, le plus souvent, de grandes entreprises susceptibles de se partager un marché donné – des télécommunications ou autre. Si l’action de groupe était adoptée, les consommateurs étant en meilleure position pour se défendre, les conditions de concurrence s’amélioreraient pour eux, mais aussi pour l’ensemble des entreprises.

Nous y reviendrons lors de l’examen des autres aspects de ce texte : la concurrence peut se révéler aussi bonne pour les uns que pour les autres. Ainsi, en améliorant les conditions de concurrence, l’action de groupe pourrait peut-être permettre à des entreprises d’avoir accès à des « niches » de marché qui leur sont interdites : les consommateurs pourraient desserrer les verrous posés par les entreprises déjà installées.

Monsieur le secrétaire d’État, il y a quelques jours, vous avez annoncé, notamment devant des représentants des entreprises et des consommateurs, qu’une loi de modernisation de l’économie, déposée au printemps, comporterait des dispositions en faveur du consommateur. C’est un peu dommage de modifier des lois portant sur les mêmes thèmes, tous les six mois. Finalement, soit il fallait accepter la motion de renvoi en commission, et cela nous aurait permis d’avoir une loi complète, incluant l’action de groupe.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ah non ! Certainement pas !

Mme Martine Billard. Soit, s’il n’y a pas besoin de renvoyer en commission parce que tout est déjà parfait pour pouvoir voter cette loi, il faut accepter les amendements sur l’action de groupe.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Sur tous les bancs de cet hémicycle, tout le monde est d’accord sur le principe, et même sur la nécessité de faire évoluer notre législation, afin de répondre aux évolutions des modes de consommation, et de combler une lacune : la défense des consommateurs doit passer par de nouveaux moyens plus efficaces.

En revanche, il subsiste des interrogations sur l’action de groupe. Dans son intervention, fort intéressante, Jean Dionis du Séjour a notamment insisté sur le champ d’application de cette mesure. À défaut d’être suffisamment cadrée et encadrée…

M. François Brottes. Faites des propositions !

M. Philippe Folliot. …dans le domaine de la santé, par exemple…

M. François Brottes. Nous y avons répondu !

M. Philippe Folliot. Non, non ! Il y a été répondu de manière partielle ! En se focalisant au départ uniquement sur le médicament…

M. François Brottes. Et l’amiante, et le sang contaminé, et la radiothérapie !

M. Arnaud Montebourg. Et les prothèses mammaires !

M. Philippe Folliot.…ou l’industrie du médicament, on risque d’aboutir à quelque chose de beaucoup plus large, qui touche la relation entre le médecin et son patient. À partir de là, nous ne pouvons qu’être tous d’accord sur le fait qu’il est important de poursuivre cette discussion…

M. François Brottes. Vous êtes d’accord pour être contre !

M. Philippe Folliot.… sur le fond. Nous sommes tous d’accord pour constater que ce n’est pas maintenant, dans le cadre d’un amendement parlementaire, que nous pourrons le faire sereinement.

Le groupe socialiste nous a proposé une motion de renvoi en commission. Pourquoi ne pas renvoyer cette proposition ?

M. Jean-Paul Charié. Très bien !

M. François Brottes. Faites des suggestions !

M. Philippe Folliot. Elle n’est pas inintéressante, loin s’en faut ! Mais il faudrait pouvoir l’enrichir d’un travail de fond, que nous ne pouvons pas effectuer en séance. Un travail de fond en commission serait utile et acceptable pour entreprendre cette évolution de la législation, attendue et nécessaire. Ces quelques semaines ou quelques mois que nous allons y consacrer, tous ensemble – il ne s’agit pas de se dresser les uns contre les autres – permettraient d’aboutir à un texte le plus consensuel possible et répondant à l’attente des consommateurs.

M. François Brottes. Alors, monsieur le secrétaire d’État ?

M. Arnaud Montebourg. On veut le secrétaire d’État !

Mme la présidente. Je suis désolée, monsieur le président de la commission des affaires économiques a demandé la parole.

Monsieur le président, vous avez la parole.

M. Arnaud Montebourg. Très bien !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Oh, je ne suis pas sûr que vous disiez « très bien » jusqu’au bout !

Chers collègues, je voudrais vous ramener à des réalités. La commission a travaillé sur un texte, présenté par le Gouvernement, que je considère comme urgent dans l’intérêt des consommateurs. Depuis une heure et demie – j’ai compté – nous sommes en train de discuter d’un sujet qui n’est pas dans le texte. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Mme Delphine Batho. Et alors ?

M. Arnaud Montebourg. Il aurait dû y être !

M. François Brottes. C’est incroyable ! Vous voulez supprimer le droit d’amendement ?

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je tiens à vous rappeler aux réalités ! Je vais vous expliquer, monsieur Brottes. Le Parti socialiste, à la recherche d’une bonne idée, n’a rien trouvé de mieux, tel le coucou qui s’installe dans le nid des autres oiseaux, que de s’établir dans celui de Luc Chatel, de lui prendre ses idées…

M. Arnaud Montebourg. Le coucou est très fier de son travail ! C’est un très beau coucou, soutenu par la vox populi !

Plusieurs députés de l’Union pour un mouvement populaire. Coucou !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. … qu’il a brillamment développé dans une proposition de loi, déposée il y a un an. Monsieur Montebourg, vous venez nous donner des leçons sur les actions de groupe, alors que c’est M. Chatel qui, le premier, au nom de la majorité, les a proposées. Aujourd’hui, il nous confirme – et je soutiens sa position – que leur mise en œuvre implique des réflexions auxquelles il se livre. La majorité en a accepté le principe pour un texte qui arrivera dans quelques mois.

M. Jean-Paul Charié. Très bien !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je veux simplement rappeler quelques réalités, parce que ces actions de groupe que vous revendiquez tout au long de dix amendements, ce ne sont que les propositions faites par M. Chatel à l’UMP…

Mme Marylise Lebranchu. Eh bien alors ?

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je vous remercie, madame Lebranchu, monsieur Montebourg, monsieur Brottes, de reprendre à votre compte les bonnes idées de l’UMP !

M. Jean-Paul Charié. On s’en souviendra !

M. François Brottes. Les idées appartiennent à ceux qui les réalisent !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. L’UMP, la majorité et le Gouvernement décident du calendrier. Ce n’est pas vous, monsieur Montebourg !

M. Arnaud Montebourg. Rappel au règlement !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Mais oui, rappelez au règlement ! Nous sommes à votre disposition toute la nuit pour rappeler au règlement ! Ce n’est pas vous qui imposerez à la majorité… Monsieur Montebourg, je m’adresse à vous ! (« Coucou ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Arnaud Montebourg. Je vous écoute avec passion !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Merci, vous me rendez la passion que j’éprouve pour les propos que vous tenez, mais j’ai beau me tourner, je ne vois pas arriver Godot !

Monsieur Montebourg, vous reprenez les idées de l’UMP ? Dont acte. Vous les défendez avec talent ? Bravo ! Mais laissez à la majorité le soin de décider de son calendrier ! (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Quels que soient les rappels au règlement ou autres, nous avons fixé ce calendrier. Nous avons un projet et un programme de travail avec le Gouvernement, et ce programme nous le respecterons !

M. François Brottes. Le Parlement est souverain !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. En tant que président de commission, monsieur Brottes, j’ai une responsabilité et n’ai pas de leçon à recevoir de vous : j’exerce autant que vous mon pouvoir souverain, dans le cadre de la fonction à laquelle la majorité m’a élu. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

L’urgence, pour nous, est de voter un texte qui permettra de baisser les prix pour le consommateur et de défendre, comme l’a rappelé M. Folliot, les PME, les PMI et les agriculteurs.

M. André Chassaigne. Mais non !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je voudrais donc que nous avancions dans l’examen de ce texte, car les consommateurs ne peuvent pas attendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Je veux bien comprendre, monsieur le président de la commission, que vous soyez irrité par notre proposition. Vous l’êtes d’autant plus que nous écoutons en effet depuis quelque temps – même si cela fait moins d’une heure et demie – les réponses des députés du groupe UMP et de M. le secrétaire d’État : nous en attendons d’ailleurs une autre de sa part. Or nous constatons que l’on ne nous oppose aucun argument, sinon que ce n’est pas le moment.

M. Philippe Folliot et M. Jean Dionis du Séjour. Non, ce n’est pas ce que nous avons dit !

M. Jean Gaubert. Je ne parle que de l’UMP : pour l’heure, vous êtes encore au Nouveau Centre, même si cela ne durera peut-être pas très longtemps.

M. Jean-Yves Le Déaut. Ce sont plutôt les nouveaux libéraux !

M. Jean Gaubert. Bref, vous n’avez plus d’arguments à nous opposer : vous vous contentez de dire que nous aurions « piqué » la proposition de M. Chatel, lequel l’avait peut-être « piquée » aux associations de consommateurs qui l’avaient sans doute « piquée » à d’autres : pour déterminer la parenté, il faudrait recourir aux tests ADN !

En réalité, la preuve est faite que nous ne sommes pas sectaires : quand quelqu’un fait une bonne proposition, nous la reprenons à notre compte. Mais malheureusement, vous ne la votez pas.

Afin que chacun reprenne ses esprits – et notamment vous, monsieur le président de la commission –, je demande une suspension de séance.

Mme la présidente. La suspension est de droit : je vous l’accorde pour cinq minutes.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à zéro heure trente-cinq, est reprise à zéro heure quarante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur les amendement identiques nos 87 à 91 et nos 93 à 95.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Ces amendements sont rejetés.

Je mets aux voix l’amendement n° 56.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. François Brottes. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappels au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes, pour un rappel au règlement.

M. François Brottes. Il ne s’agit pas d’un fait personnel, auquel cas je serais intervenu en fin de séance.

Toutefois, le président de la commission des affaires économiques, d’habitude courtois et à l’écoute, s’est laissé aller à me traiter de « coucou », ou a en tout cas utilisé ce terme en décrivant notre démarche. Au-delà de cette inélégance, je veux faire deux remarques.

En premier lieu, si nous reprenons une bonne idée pour la mettre en œuvre, cela signifie que nous sommes capables de faire éclore les œufs dans le nid d’un autre. (Sourires.)

Mme Delphine Batho. C’est l’ouverture ! (Sourires.)

M. François Brottes. Ce n’est pas facile, en l’occurrence, puisqu’il est apparemment impossible que l’œuf éclose.

Seconde remarque, qui mettra peut-être un terme provisoire à notre débat sur l’action de groupe : n’y a-t-il pas aujourd’hui, dans l’environnement du pouvoir, un certain nombre de coucous qui viennent pondre leurs œufs en faisant part de leur défiance à l’égard de cette mesure ? Peut-être faudrait-il regarder du côté du MEDEF ? De certains grands industriels qui se réunissent parfois dans de grands restaurants des Champs-Élysées ? Certains amis des plus hautes autorités de l’État ne font-ils pas tout pour repousser cette proposition aux calendes grecques ? Vous nous avez en effet déclaré, monsieur le secrétaire d’État, que c’est l’Europe qui se chargerait de mettre en œuvre un dispositif d’action collective : autre façon de dire que nous en reparlerons pendant des années encore.

Nous avons donc bien compris, monsieur le président de la commission, que le coucou n’était pas forcément là où on l’attendait. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour un rappel au règlement.

M. Arnaud Montebourg. Nous avons demandé des réponses précises à M. le secrétaire d’État.

Fort de nos bonnes relations, je lui ai demandé, pendant la suspension de séance, de reprendre le micro pour avancer sur le sujet, discuter du fond et des éventuels points de désaccord. Or M. le secrétaire d’État a gardé le silence. Nous lui avons même proposé de retirer les amendements s’il nous donnait une réponse précise sur les points de désaccord.

Alors que notre attitude est donc purement constructive, le président de la commission utilise des noms d’oiseaux à l’égard de l’opposition. D’un côté on prétend renforcer et élargir les droits du Parlement ; de l’autre, alors que celui-ci est souverain, on fait comme si nous étions des chiens de garde condamnés à la muselière ! (« Pas de muselière pour les coucous ! » sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je vois, chers collègues de la majorité, que vous n’êtes pas encore endormis : c’est une bonne nouvelle !

M. Marc Francina et M. Antoine Herth. Les chiens dangereux, c’est pour la semaine prochaine !

Mme la présidente. Poursuivez, monsieur Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Je vais m’y efforcer, madame la présidente.

Ce qui est incroyable, c’est que le Gouvernement, alors qu’il a failli perdre ce vote de quelques voix…

M. Antoine Herth. Absolument pas ! Nous étions là !

M. Arnaud Montebourg. …nous demande de nous taire. Heureusement, ayant tous un peu de matière grise entre nos deux oreilles, nous sommes capables de penser librement. Nous faisons donc des propositions constructives sur un sujet qui transcende les clivages politiques et qui engage l’avenir de la France : nous n’avons pas besoin d’ordres venus d’en haut pour nous rabaisser à un niveau auquel nous ne sommes heureusement pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. L’Assemblée a tranché !

M. Antoine Herth. Le Parlement est souverain !

Reprise de la discussion

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 205.

La parole est à M. Jean Gaubert, pour le soutenir.

M. Jean Gaubert. Cet amendement, qui devrait faire consensus – mais nous commençons à douter de tout – vise à inscrire dans le code de la consommation que le consommateur ne peut jamais se voir opposer un consentement tacite.

Si j’ai bien compris, nos collègues, sur tous les bancs, sont conscients de ce qui se passe actuellement, dans la téléphonie comme dans d’autres secteurs. Depuis plusieurs années, on voit se multiplier des offres commerciales de prestations complémentaires qui accompagnent souvent un abonnement et qui, d’abord gratuites, se transforment en services payants si le consommateur n’y met pas expressément un terme.

Cet amendement a pour objet d’inverser la charge de la preuve en posant le principe que le consentement tacite n’existe pas pour les consommateurs, qui devront donner leur accord explicite pour souscrire à une offre payante.

Cet amendement devrait ramener la sérénité dans cet hémicycle, car tous nos collègues dénoncent cet abus. Je ne comprendrais pas qu’il soit refusé, sauf si la majorité a décidé de repousser tous nos amendements !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Raison, rapporteur. Je remercie M. Gaubert de se transformer en colombe pour ramener la paix… (Sourires.)

M. François Brottes. C’est déjà moins insultant !

M. Michel Raison, rapporteur. .…mais la commission a repoussé cet amendement, non parce que nous sommes en désaccord mais parce qu’il est déjà satisfait. En effet, le consentement est toujours explicite – excepté pour la reconduction d’un contrat, qui, comme dans le cas des baux, peut être tacite. La tacite reconduction est très encadrée par l’article L. 136-1 du code de la consommation, qui entoure le consentement du consommateur de solides garanties.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Monsieur le député, même si la volonté expresse reste l’un des fondements du droit attaché aux contrats, il n’en demeure pas moins qu’une application trop stricte de ce principe pourrait porter préjudice aux consommateurs.

La plupart des contrats portent sur des services dont l’exécution est successive. Mais ceux que vous évoquez dans votre amendement, qui sont conclus pour une durée déterminée, pourraient être brutalement interrompus dès lors que les consommateurs n’auraient pas réitéré expressément leur consentement.

Je vous rappelle qu’en 2004, nous avons légiféré sur les contrats par tacite reconduction, et nos travaux ont abouti à l’adoption de l’article L. 136-1 que vient de citer le rapporteur. À l’époque, j’avais moi-même déposé une proposition de loi visant à mieux informer le consommateur et à lui permettre, le cas échéant, de résilier son contrat au moment du renouvellement.

Je considère par conséquent que le consommateur est déjà protégé d’une reconduction tacite abusive et que votre amendement ne se justifie pas. Je vous invite donc à le retirer. À défaut, j’inviterai l’Assemblée à le repousser.

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Erhel.

Mme Corinne Erhel. Monsieur le secrétaire d’État, lorsque vous souscrivez un abonnement de téléphonie mobile pour une durée de deux ans, le contrat comporte une option. Chez Orange, par exemple, si vous n’appelez pas sous huit jours l’un des numéros qui vous est fourni lors de la conclusion du contrat en précisant que vous refusez cette option, celle-ci, initialement présentée comme « gratuite » pendant huit jours, devient payante et figurera pendant deux ans sur votre facture.

Tel était le sens de cet amendement. Tous ceux qui s’équipent de téléphones portables le savent, et j’ai été personnellement confrontée à cette pratique, qui ne respecte pas la liberté du consommateur.

M. François Brottes. C’est un abus !

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Madame la députée, je vais vous répondre très précisément. Le problème que vous soulevez existe bien dans les contrats de téléphonie, mais, à l’article 6, Mme de la Raudière présentera un amendement, adopté par votre commission et d’ailleurs sous-amendé, qui le réglera parfaitement. Par conséquent, j’invite une nouvelle fois M. Gaubert à retirer son amendement.

Mme la présidente. Monsieur Gaubert, souhaitez-vous le retirer ?

M. Jean Gaubert. Pas du tout ! Je le maintiens, car l’amendement de Mme de la Raudière ne concerne que la téléphonie mobile. Or le problème des options temporairement gratuites touche bien d’autres domaines, comme les chaînes de télévision payantes. Là encore, malheureusement, les gens se voient opposer le fait de ne pas avoir refusé suffisamment tôt l’option gratuite qui leur a été offerte pendant les fêtes de Noël, la Coupe du monde de football ou de rugby, et ils sont engagés dans un abonnement pour un an, deux ans, parfois plus.

L’amendement de Mme de la Raudière, qui ne concerne, je le répète, que les communications téléphoniques, ne règle pas le problème que nous soulevons.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 205.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 178.

La parole est à M. Lionel Tardy, pour le soutenir.

M. Lionel Tardy. Par cet amendement, je souhaite aborder la question des messages publicitaires. Si ce sujet n’entre pas directement dans le champ du projet de loi, je considère qu’il ne s’agit pas pour autant d’un cavalier.

Les dispositions relatives à la répression de la publicité mensongère ou trompeuse ne sont pas assez efficaces. Certes, il est normal que la publicité tende à montrer sous leur meilleur jour les produits qu’elle est chargée de vanter, mais il convient de fixer la limite à partir de laquelle il y a tromperie.

Il existe un contrôle en aval, assuré par le Bureau de vérification de la publicité. Cependant, cet organisme étant contrôlé par les annonceurs, nous sommes amenés à douter de sa sévérité. En outre, rien n’oblige les annonceurs à lui soumettre leurs campagnes. Le contrôle en aval n’est donc pas satisfaisant, et il nous faudra bien, un jour, réfléchir à la question.

Actuellement, lors d’une action en justice pour publicité trompeuse, il revient au demandeur d’apporter la preuve du caractère contestable de la publicité attaquée, ce qui limite grandement la portée du dispositif, du fait des coûts que cela représente.

Dans un arrêt du 18 mai 1993, la chambre commerciale de la Cour de cassation a admis que la charge de la preuve pouvait incomber à l’annonceur. Il n’y a donc pas d’obstacle majeur à inscrire cette disposition dans la loi, ce qui permettrait d’exercer un meilleur contrôle.

Cet amendement vise aussi à renforcer les mesures d’instruction, souvent bien minces. C’est pourtant sur ces bases que le juge doit se prononcer, en tenant compte de la perception du public visé, en fonction du contexte et de ses références culturelles. Seules des études d’opinion et des sondages peuvent permettre d’y voir clair, mais trop souvent, on peut se tromper sur les capacités de discernement des publics visés – je pense en particulier aux enfants et aux adultes fragiles. Et je rejoins ici les préoccupations de mon collègue Gaubert au sujet de la publicité pour les crédits à la consommation, qui cible des publics parfois crédules, peu aptes à discerner les pièges et les non-dits.

Monsieur le secrétaire d’État, je suis conscient que nous n’épuiserons pas le sujet ce soir. Néanmoins, j’aimerais connaître votre position et vos intentions s’agissant du contrôle de la publicité.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Raison, rapporteur. Monsieur Tardy, dans le système actuel, les agents de la DGCCRF dressent un procès-verbal devant le juge, en vertu de l’article L. 121-2. Il appartient donc bien aux professionnels d’apporter la preuve que la publicité n’est pas trompeuse. En outre, le juge peut prendre toute mesure permettant d’apprécier le caractère mensonger de la publicité, sur le fondement de l’article L. 121-7. La commission a donc considéré que votre amendement était satisfait par la législation actuelle, et c’est pourquoi elle l’a repoussé.

M. Jean-Yves Le Déaut. Ouf ! Nous sommes sauvés !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Le Gouvernement partage l’avis du rapporteur. Vous avez évoqué, monsieur Tardy, les contrôles a posteriori du BVP. En plus de ce système d’autorégulation, il existe, comme vient de le dire le rapporteur, un régime de contrôles en amont, confié à la DGCCRF. Votre amendement est donc satisfait, et le Gouvernement vous demande de le retirer, faute de quoi il demandera à l’Assemblée de le rejeter.

Mme la présidente. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Tardy ?

M. Lionel Tardy. La réponse ne me satisfait pas totalement, mais dans la mesure où nous aurons à nouveau l’occasion d’aborder cette question, je retire mon amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° 178 est retiré.

Je suis saisie d’un amendement n° 81 rectifié.

Monsieur Gaubert, si vous en êtes d’accord, je vous propose de présenter en même temps l’amendement n° 80.

M. Jean Gaubert. Bien entendu, madame la présidente !

Mme la présidente. Vous avez la parole.

M. Jean Gaubert. Ces amendements ont pour objet de moraliser la publicité pour les crédits à la consommation, qui posent de réels problèmes. Au-delà de nos divergences sur cette question, certains considérant que le crédit est l’un des moteurs de la consommation, il faut bien reconnaître qu’il a des conséquences néfastes, notamment pour les familles qui ont tendance à en abuser.

L’amendement n° 81 rectifié vise à ce que, dans les publicités pour les crédits à la consommation, l’ensemble des informations soient présentées dans une police de caractères lisible et identique. Il s’agit d’ajouter dans le code de la consommation un article énonçant que les promotions faisant état d’un taux de crédit ne peuvent comporter de caractères de police de taille supérieure à celle utilisée pour l’information relative au taux effectif global.

Nous avons tous vu dans le métro des affiches présentant un taux d’intérêt en gros caractères, suivi d’un astérisque renvoyant à un texte en petits caractères présentant le taux effectif global, qui naturellement est différent. Par exemple, un taux de crédit de 3,95 % peut être suivi d’un autre taux, quasiment illisible. Si l’on y regarde de plus près, on s’aperçoit que le taux affiché porte sur une durée de trois mois. Au terme de cette période, les personnes qui auront utilisé leur crédit et ne pourront pas le rembourser se verront appliquer un taux d’usure. C’est pourquoi nous vous proposons l’amendement n° 80, qui vise à ce que le coût total du crédit apparaisse au moins aussi clairement que l’offre promotionnelle.

Il est nécessaire de moraliser la publicité des crédits à la consommation, car nos concitoyens les plus crédibles peuvent se laisser abuser et souscrire de bonne foi des contrats qui vont les entraîner vers le surendettement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Michel Raison, rapporteur. Monsieur le député, alors que le président de la commission des lois œuvre sans relâche à la simplification de notre droit et au dépoussiérage de notre législation, il serait inopportun, vous en conviendrez, d’ajouter dans la loi la taille et la couleur des polices de caractères, qui relèvent au mieux du domaine réglementaire. Je pense que vous devriez retirer ces amendements, rejetés par la commission.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Pour compléter l’avis que vient d’émettre le rapporteur, je rappelle à M. Gaubert que le code de la consommation comprend déjà un certain nombre de dispositions relatives à la publicité des offres de crédit à la consommation, de crédit gratuit et de crédit immobilier.

Certaines règles d’application générale précisent que la publicité ne doit pas être trompeuse ou déloyale – je veux parler de l’article L. 121-1. La transposition de la directive sur les pratiques commerciales déloyales, qui fera, dans le cadre de ce débat, l’objet d’un amendement de la commission des lois, doit conduire à compléter ce dispositif. En outre, le code de la consommation complète ces règles générales en matière de crédit et prévoit que la publicité doit comprendre des mentions obligatoires, y compris lorsqu’il s’agit d’une offre promotionnelle.

Concernant l’amendement n° 80, monsieur le député, l’article L.311-4 du code de la consommation prévoit déjà que, dans toute publicité écrite, quel que soit son support, les informations essentielles – c’est-à-dire la nature de l’opération, sa durée, le TEG ou le montant des remboursements par échéance – doivent figurer en caractères d’une taille au moins aussi importante que celle utilisée pour indiquer toute information relative aux caractéristiques du financement, et s’inscrire dans le corps principal du texte publicitaire.

Je suis convaincu, monsieur le député, que vos amendements sont déjà satisfaits par le code de la consommation. C’est la raison pour laquelle j’en sollicite le retrait. À défaut, le Gouvernement y serait défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. La réponse de M. le secrétaire d’État me paraît plus explicite et plus intéressante que celle du rapporteur, n’en déplaise à M. Raison ! Dire qu’une disposition relève du domaine réglementaire ne suffit pas, parce que la lisibilité partielle, si ce n’est partiale, d’une étiquette ou d’une publicité peut receler une forme de tromperie. Quand les caractères sont petits, ils sont trompeurs !

Selon vous, monsieur le secrétaire d’État, il est donc déloyal et non conforme au code en vigueur que les promotions faisant état d’une offre de crédit comportent des caractères d’une police de taille supérieure à celle utilisée pour l’information relative au taux effectif global. Tout consommateur confronté à une offre qui ne respecterait pas cette règle tomberait sous le coup d’un dysfonctionnement et « bénéficierait » donc de la non-application de la loi en vigueur. Ai-je bien compris vos explications, monsieur le secrétaire d’État ?

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Absolument !

M. François Brottes. Nous retirons les amendements nos 81 rectifié et 80.

Mme la présidente. Les amendements nos 81 rectifié et 80 sont retirés.

Je suis saisie de quatre amendements, nos 112, 226, 307 rectifié et 150, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 226 et 307 rectifiés sont identiques.

La parole est à M. Jean Gaubert, pour soutenir l’amendement n° 112.

M. Jean Gaubert. J’ai le sentiment que nous allons obtenir satisfaction. Nous aimerions qu’au moins l’un de nos amendements soit adopté au cours de cette soirée. Nous n’allons quand même pas passer nos nuits ici sans que, de temps en temps, certains de nos amendements soient adoptés, surtout quand ils sont excellents ! Et parce que nous avons beaucoup travaillé, nous n’en présentons que de très bons !

Il s’agit de rappeler que, dans les litiges liés à la consommation, notamment, il y a souvent une inégalité de fait entre le consommateur qui saisit un juge et son adversaire, qui peut être une grande société, un « grand faiseur », qui dispose de moyens juridiques considérables, notamment des batteries d’avocats. Le premier est donc généralement en situation d’infériorité, dès le début d’une procédure. Notre amendement propose que le juge puisse lui-même soulever d’office des dispositions relatives au code de la consommation.

Je rappelle une déclaration très opportune de Mme la garde des sceaux, Rachida Dati, qui, il y a une semaine, dans cet hémicycle, disait qu’en la matière, « souvent, le consommateur est perdu par la complexité du contentieux ». Nous proposons donc que le juge puisse lui-même dire au consommateur : « Vous avez certes soulevé ce point de droit, mais je peux en soulever d’autres, parce que vous n’avez pas exploré toutes les possibilités qui s’offrent à vous. » Et ce serait l’occasion, pour Mme la garde des sceaux, d’être à l’origine, une fois n’est pas coutume, d’un consensus dans l’hémicycle…

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour soutenir l’amendement n° 226.

M. Jean Dionis du Séjour. Il y a, sur cet amendement, un consensus Chassaigne-Gaubert-Dionis : le fait est suffisamment rare pour que l’on s’y arrête et que l’on essaie d’en comprendre les raisons !

Les associations de consommateurs appellent notre attention sur le fait que, si les procédures simplifiées doivent permettre un accès plus simple du justiciable au juge, elles sont en fait utilisées par les professionnels pour fragiliser les consommateurs qui sont, comme l’a dit Jean Gaubert, dans une situation de déséquilibre en matière de connaissance du droit. Pour rétablir l’équilibre, nous demandons que le juge puisse mettre sur la table les dispositions relatives au code de la consommation. Cet amendement me semble de bon sens.

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 307 rectifié.

M. André Chassaigne. Quelques arguments pour compléter, s’il en était besoin, ce qui a été fort justement dit. Le Médiateur de la République souhaite que nous allions dans ce sens, car une telle évolution serait conforme à la jurisprudence. Nous pouvons effectivement nous retrouver sur ce point et adopter cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n° 150.

M. Lionel Tardy. Il me semble important de protéger le consommateur. C’est l’esprit de notre droit de la consommation et du présent texte.

Cet amendement, déjà abordé au Sénat dans le cadre de la proposition de loi de simplification du droit, vise à permettre au juge de proximité ou au juge d’instance de soulever d’office les règles du droit de la consommation. Dans les juridictions où le ministère d’avocat n’est pas obligatoire, le particulier qui se trouve assigné par un professionnel est souvent en position d’infériorité. Contrairement à d’autres contentieux, le droit du travail par exemple, le consommateur n’a pas forcément le réflexe d’aller consulter un avocat, surtout quand il estime le montant en jeu trop faible pour une telle dépense. Il se retrouve ainsi devant le juge, ignorant le droit et ne soulevant pas le moyen qui lui permettra de gagner le procès. Bien souvent, les juges aimeraient soulever d’office le moyen, tant le déséquilibre entre le particulier et le professionnel est patent. Mais ils doivent s’en tenir aux moyens soulevés par les parties.

Cet amendement propose de permettre aux juges des juridictions où le ministère d’avocat n’est pas obligatoire de soulever d’office toutes les dispositions relatives au code de la consommation. Cela ne fera pas gagner un particulier qui est dans son tort, mais cela évitera de faire perdre un particulier qui a le droit pour lui.

M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Raison, rapporteur. Si l’avis du rapporteur sur les amendements précédents a semblé un peu léger à M. Brottes, je précise à M. Gaubert qu’il ne doit pas croire qu’après avoir examiné un certain nombre d’amendements, nous en adoptons un de temps en temps ! (Sourires.) L’argument serait encore plus léger !

M. Jean Gaubert. Je ne suis pas naïf, monsieur le rapporteur !

M. Michel Raison, rapporteur. J’aurais aimé que la commission des lois soit saisie de ces amendements qui posent un vrai problème de fond : en droit français, le juge ne connaît que les moyens soulevés par les parties, à l’exception des dispositions relevant de l’ordre public. Nous ne pouvons pas bouleverser un principe général du droit aussi brutalement, au détour d’un amendement ! Pourquoi toucherions-nous au code de la consommation et pas à d’autres dispositions ?

La commission a donc repoussé cet amendement, après un avis très défavorable du rapporteur.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Le Gouvernement comprend l’esprit des amendements, qui ont été défendus par des députés de différents groupes. Le renforcement de la protection des consommateurs est un objectif parfaitement louable.

Mais je voudrais appeler votre attention, et je parle sous le contrôle du rapporteur pour avis de la commission des lois, sur le fait que ces amendements introduisent une dérogation trop importante au principe selon lequel le juge ne connaît que les moyens soulevés devant lui par les parties, à l’exception des dispositions relevant de l’ordre public. Cette dérogation, que vous introduiriez dans le droit commun, accordée en l’occurrence au seul bénéfice du code de la consommation, obligerait à s’interroger sur l’octroi au juge de cette même faculté, s’agissant d’autres matières comme le droit du travail, les rapports entre bailleurs et locataires, l’équilibre entre les parties, qui méritent sans doute également que le juge puisse invoquer la disposition juridique pertinente, même lorsque les parties omettent de le faire. Cette question nécessite une réflexion approfondie – notamment dans le cadre de la commission des lois –, car elle ne peut être tranchée de manière aussi impromptue et seulement en matière de droit à la consommation. C’est pourquoi le Gouvernement n’est pas favorable à ces amendements.

Mme la présidente. Sur le vote de l’amendement n° 112, je suis saisie par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. On nous a déjà opposé en commission les arguments qui viennent d’être développés. Mais, monsieur le secrétaire d’État, j’ai le sentiment que ces objections étaient davantage un biais pour dire non qu’un moyen d’exprimer votre conviction profonde.

En cas de litige entre des particuliers, il y a généralement le faible et le fort : comme je l’ai dit, le consommateur se retrouve face à quelqu’un qui dispose de puissants moyens juridiques – une batterie d’avocats, par exemple. Et s’il est parfois lui-même accompagné d’un avocat, celui-ci n’a certainement pas l’envergure de ces avocats issus d’un grand cabinet. Pour une bonne administration de la justice, il faut que le juge ait la liberté d’action que nous proposons. Ceci existe en droit pénal. Aussi, je ne vois pas quelle brèche vous ouvririez en donnant satisfaction à notre amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Il me semble que la rédaction de l’amendement présenté par M. Tardy est la meilleure, car la plus précise, en raison de cet ajout : « devant les juridictions où le ministère d’avocat n’est pas requis ». Le cadre est resserré. Je ne suis pas un éminent juriste, mais il me semble que cette précision est importante. Ne pourrait-on pas au moins adopter l’amendement de M. Tardy ?

Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Comme l’a précisé, M. Dionis du Séjour, mon amendement est quasiment identique au sien et à celui de M. Gaubert. La seule différence est l’ajout, dans mon amendement, de la mention : « devant les juridictions où le ministère d’avocat n’est pas requis ». Cela limite donc sa portée, ce qui doit être de nature à rassurer le Gouvernement. Je maintiens donc mon amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Émile Blessig.

M. Émile Blessig. Nous nous sommes préoccupés ce soir de deux sujets : l’action de groupe, sujet important dont nous allons débattre dans les mois à venir, répondra précisément à ce type de déséquilibre évoqué par nos collègues. Mais ce n’est pas parce que nous n’avons pas pu obtenir satisfaction sur l’action de groupe qu’il faut prendre le risque de déséquilibrer, par voie d’exception, une démarche juridique extrêmement importante. Si, demain, vous dites qu’en matière de droit de la consommation, les règles du procès sont dérogatoires, vous ouvrez la porte à toute une série de dérives qui mettront à mal l’ensemble de notre procédure civile.

Alors, oui pour l’action de groupe, qui permettra précisément ce rééquilibrage dans le cadre du procès, mais, de grâce, ne bouleversons pas, ce soir, au détour d’un amendement, l’équilibre de la procédure civile !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Je mets en garde notre collègue contre toute confusion : ici, il s’agit d’action individuelle. Si la voiture que l’on a achetée est défectueuse, cela ne signifie pas que toutes les voitures commercialisées par le constructeur le sont ; il n’y a donc pas matière à action de groupe, et les difficultés ne sont pas les mêmes.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Charié.

M. Jean-Paul Charié. L’UFC - Que choisir m’avait également alerté sur ce sujet. Sans un avocat à ses côtés, un consommateur n’a pas forcément, il est vrai, tous les moyens de se faire entendre et de se défendre. Sur le fond, les amendements répondent sans doute à une préoccupation légitime – même si, monsieur Dionis du Séjour, ils restent concentrés sur le droit des consommateurs –, mais ils n’en ouvrent pas moins une brèche dans notre procédure. Le ministre et le rapporteur ne s’opposent pas à l’objectif que nous recherchons ; ils nous mettent en garde contre un risque majeur. Je pense donc qu’il faut retirer les amendements, sans quoi nous devront les rejeter. Nous ne pouvons pas nous permettre, sous prétexte de défendre le consommateur, de mettre en cause les fondements du droit français !

M. François Brottes. N’exagérons rien !

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Comme l’ont très bien exprimé Émile Blessig et Jean-Paul Charié, l’adoption d’un de ces amendements provoquerait un bouleversement dans les principes de la procédure civile. Cela aurait nécessité au moins que la commission des lois de votre assemblée s’en saisisse. Le Gouvernement reste donc défavorable à leur adoption.

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l'amendement n° 112.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

L'amendement n° 112 est rejeté.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Je retire mon amendement au profit de l’amendement n° 150.

Mme la présidente. L’amendement n° 226 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 307 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 150.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 76.

La parole est à M. Jean Gaubert, pour le soutenir.

M. Jean Gaubert. Nous avons déposé de nombreux amendements relatifs au crédit à la consommation, dont je ne nie pas l’utilité, monsieur le secrétaire d’État. Cet instrument mérite toutefois d’être non seulement encadré, mais moralisé. On sait bien comment certains tentent le consommateur, en proposant de lui « faciliter », entre guillemets, les choses. En outre, un certain nombre de vendeurs sont directement intéressés au placement de crédits à la consommation. J’ai déjà évoqué le témoignage d’un ancien vendeur de la grande distribution qui touchait une prime pour chaque prêt placé – y compris auprès de personnes déjà surendettées ou qui n’en avaient pas vraiment l’usage.

Nous proposons donc que la publicité pour le crédit dit revolving soit soumise à des règles différentes que s’agissant des autres formes de crédit, mieux encadrées. L’attitude du secteur bancaire, qui pratique surtout le crédit à moyen et long terme, est plus responsable et plus respectueuse du consommateur que celle de certains organismes spécialisés dans le crédit à la consommation.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Michel Raison, rapporteur. L’intention est louable, mais l’amendement aurait des effets pervers. La publicité pour ces crédits obéit quand même à des règles strictes ; en la supprimant, on priverait les consommateurs d’une information qui contribue à assurer une certaine transparence. Lorsque l’on est face à un banquier, à un fournisseur d’appareils ménagers ou à un concessionnaire automobile, on est plus sensible à ses arguments. Mieux vaut prendre le temps de lire tranquillement une publicité. La commission a donc rejeté cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Le groupe socialiste ayant déposé plusieurs amendements sur le sujet, je veux rappeler quelques faits et résumer la position du Gouvernement sur la question du crédit.

D’abord, le crédit est populaire. En 2006, un ménage sur deux avait un crédit en cours, et pas seulement dans l’immobilier, puisqu’un foyer sur trois détient un crédit d’une autre nature.

Ensuite – et je vous rejoins sur ce point, monsieur Gaubert –, le crédit est utile. Il permet aux ménages les moins favorisés d’effectuer des achats au moment où ils sont le plus utiles. Il n’offre pas plus de pouvoir d’achat, mais permet de mieux utiliser celui-ci.

Enfin, et contrairement aux idées reçues, le crédit n’est pas synonyme de surendettement : le fait que 4 % des ménages soient surendettés signifie que 96 % d’entre eux utilisent le crédit de manière efficace. Ils accèdent ainsi à des biens et services qu’ils n’auraient pu acquérir autrement.

L’amendement n° 76 tend à interdire la publicité pour le crédit renouvelable. Or, celui-ci nous semble utile, en particulier aux ménages les plus modestes. La publicité, si elle est bien encadrée – et le Parlement a pris ces dernières années des dispositions en ce sens –, permet de mieux faire jouer la concurrence. Enfin, la mesure proposée semble disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi, le surendettement restant limité. Le Gouvernement demandera au Comité consultatif des services financiers de travailler sur les crédits à la consommation, et en particulier sur le crédit revolving. Mais je ne suis pas favorable à l’amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Monsieur le rapporteur, il est tard et je comprends que vous soyez fatigué. Mais je vous encourage, pour la suite de nos débats, à nous faire des réponses mieux étayées, sans quoi nous multiplierons les questions. Vous parlez d’effets pervers, mais lesquels ? Si vous étiez plus précis, nous pourrions en débattre.

C’est vrai, monsieur le secrétaire d’État, beaucoup d’emprunteurs ne sont pas surendettés, et c’est encore heureux ! Mais, et toutes les études le montrent, on assiste à une montée de l’endettement – certains, parmi vous, considérant même qu’il faut le favoriser pour pousser la consommation. C’est en effet, pour le moment, le seul moteur de la croissance, mais à quel prix, aujourd’hui et demain ? Demain, les crédits au logement risquent de peser lourd dans les comptes des banques, en particulier dans certaines zones ; lorsqu’apparaîtront les premiers cas de logements vendus moins chers qu’ils n’ont été évalués, nous assisteront à une panique dans certains circuits bancaires !

Mme Delphine Batho. Eh oui !

M. Jean Gaubert. Nous n’aurons pas la crise américaine, mais quelque chose de voisin.

Quant aux crédits à la consommation, ils permettent parfois de satisfaire des envies justifiées, mais aussi de financer des achats d’impulsion. Dans tous les cas, ils peuvent entraîner des difficultés à rembourser. S’agissant du crédit renouvelable, ou revolving, les remboursements peuvent même n’avoir pas de fin. Vous avez été député, monsieur le secrétaire d'État ; comme moi, je le suppose, vous avez reçu dans votre permanence des familles qui ne s’en sortaient plus. Dans de nombreux cas, elles sont condamnées à l’endettement à perpétuité, et risquent même de transmettre leurs dettes à leurs enfants. C’est contre ces situations dramatiques que nous devons lutter. Nous ne voulons pas casser la consommation, mais éviter que ces familles soient harcelées toute leur vie par les huissiers et les organismes de recouvrement.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Raison, rapporteur. Je vous remercie, monsieur Gaubert, de vous soucier de ma santé. Soyez rassuré, je suis en pleine forme. (Sourires.)

M. Jean Gaubert. Justement, vous n’avez pas d’excuse !

M. Michel Raison, rapporteur. L’effet pervers de votre amendement serait d’interdire, de fait, l’information du consommateur, car la publicité, c’est aussi une information, encadrée par des règles. Les annonceurs ne peuvent pas écrire n’importe quoi. Or il n’en est pas de même au moment de la souscription du crédit : moins il aura d’information écrite, plus le consommateur sera à la merci du colporteur ou du placier qui l’informera seulement oralement, sans vrai contrôle.

J’ajouterai un chiffre à ceux qu’a cités M. le ministre : si 4 % des ménages sont surendettés, 75 % de ces surendettements sont dus à des aléas de la vie. Quelle que soit la publicité ou la nature de l’emprunt, l’aléa de la vie – problèmes familiaux ou accidents – ne peut pas, par définition, être prévu au départ. Nous recevons dans nos permanences des personnes surendettées que nous essayons d’aider, mais, de grâce, ne faisons pas ici une loi pour supprimer l’information à 95 % des Français parce que quelques-uns auraient peut-être emprunté trop vite.

C’est donc également pour cette raison que la commission s’est prononcée contre a cet amendement contraire au bon sens, puisqu’il supprime l’information. S’il était voté ce soir, le consommateur serait moins informé demain qu’aujourd’hui.

M. Bertrand Pancher, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Notre rapporteur confond information et propagande. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) En réalité, il s’agit ici de propagande.

M. Jean-Paul Charié. La publicité, c’est de l’information. Le rapporteur a raison !

M. Jean Gaubert. Si vous voulez la parole, monsieur Charié, demandez-la, ce n’est pas un problème !

Il s’agit de propagande parce que, d’une façon générale, il n’existe pas l’équilibre, indispensable à l’information. Nous ne sommes même pas certains que la presse française fait encore aujourd’hui de l’information. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Antoine Herth. Ce n’est pas la question !

M. Jean Gaubert. Mais c’est un autre débat que nous aurons ultérieurement.

Les organismes de crédit ne font pas d’information, mais de la propagande, parce qu’ils présentent sous son meilleur aspect le produit commercial qu’ils veulent vendre.

Si vous aviez accepté nos précédents amendements relatifs à cette information équilibrée, monsieur le rapporteur, nous aurions peut-être retiré celui-ci. Puisque tel n’est pas le cas, ce dont nous nous doutions, nous avons décidé de le soutenir.

M. Michel Raison, rapporteur. Vous êtes fatigué, mon cher collègue !

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Puisque vous m’y autorisez, madame la présidente, je voudrais réagir à un argument que M. le rapporteur vient une nouvelle fois de développer.

S’agissant, en effet, du pourcentage de surendettés, vous mélangez deux situations très différentes : les personnes victimes d’un accident de la vie et celles qui ont pris un crédit à la consommation. Cela ne se passe malheureusement pas ainsi. Certains de nos concitoyens sombrent dans la déprime parce qu’ils ont rencontré des difficultés d’ordre familial, personnel ou professionnel. Ils peuvent alors être très fortement tentés par des opportunités qui les font craquer. Ils vont donc se surendetter. Il n’en va pas de même des aléas de la vie tels qu’une maladie extrêmement grave, un décès, ou la perte d’un emploi. Je fais, quant à moi, allusion à des personnes fragiles, accablées et soumises à la promotion, à la séduction et à la manipulation parfois éhontées d’un certain nombre de marchands de crédit effectivement rémunérés à la commission. Elles seraient moins tentées, ce que l’on peut par ailleurs parfaitement comprendre, si les sollicitations éhontées auxquelles elles sont confrontées étaient mieux encadrées.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 76.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

ordre du jour des prochaines séances

Mme la présidente. Aujourd’hui, à neuf heures trente, première séance publique :

Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 :

Rapport, no 416, de M. Yves Bur.

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, no 351, pour le développement de la concurrence au service des consommateurs :

Rapport, no 412, de M. Michel Raison, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire :

Avis, no 408, de M. Bertrand Pancher, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Discussion du projet de loi organique, no 401, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française :

Rapport, no 417, de M. Jérôme Bignon, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

Discussion du projet de loi, no 402, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française :

Rapport, no 417, de M. Jérôme Bignon, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

(Ces deux derniers textes faisant l’objet d’une discussion générale commune)

À vingt et une heures trente, troisième séance publique : Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 22 novembre 2007, à une heure trente-cinq.)