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17/06/2008 – Allocution en hommage au professeur Jean Malaurie à l’occasion de la projection de son film « La saga des Inuit, le souffle du Grand Nord »



La Saga des Inuit, Le Souffle du Grand Nord

Mardi 17 juin 2008 – 19 heures

Hôtel de Lassay

Intervention de Bernard ACCOYER

Président de l’Assemblée nationale

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,

Mesdames et Messieurs les Parlementaires,

Madame la Présidente du CNRS,

Monsieur le Professeur Jean Malaurie,

Mesdames et Messieurs, chers Amis,

C’est pour moi un très grand honneur et un réel plaisir de vous accueillir ici, à l’Hôtel de Lassay, pour témoigner, humblement, de la contribution de l’Assemblée nationale à la 4ème Année Polaire internationale.

Devant vous, Professeur Jean Malaurie, vous qui avez mené plus de 30 expéditions polaires, devant les éminentes personnalités réunies aujourd’hui – chercheurs, scientifiques, diplomates, experts, tous fortement impliqués dans la recherche polaire –, bien sûr je n’aurais pas la prétention de dire que cette soirée est, à elle seule, déterminante.

Mais je suis heureux qu’elle témoigne de notre mobilisation, de notre engagement commun pour la défense d’une cause qui est plus largement celle de l’avenir de la planète et de l’humanité.

L’Année polaire internationale est un événement majeur et rare, d’une portée scientifique considérable.

Depuis 1882, faut-il le rappeler, elle rassemble, tous les 50 ans environ, les hommes et les femmes de nombreux pays désireux de faire progresser les connaissances sur les pôles et sur notre planète. C’est un moment unique et privilégié de partage du savoir scientifique pluri-disciplinaire. C’est un moment important de sensibilisation de l’opinion mondiale

Cette 4ème année polaire s’est ouverte solennellement en mars 2007 au Muséum d’histoire naturelle. L’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques s’est penché sur cet événement considérable, qui s’inscrit dans une période critique de l’histoire des pôles et de notre climat. Dans une période qui nous appelle d’urgence à la protection de ces milieux extrêmes et fragiles.

*****

Car les pôles sont, par excellence, le lieu où se concentre l’essentiel des questions que la planète pose sur l’évolution de son environnement.

Les pôles, par leur rôle clef dans l’équilibre de notre écosystème global, dans celui de la circulation atmosphérique et océanique, sont les témoins de l’histoire de notre climat, dont ils conservent les archives au plus profond de leurs glaces.

Ils en sont aussi les premiers acteurs.

Aujourd’hui, nous le savons – et le récent rapport du GIEC nous l’a démontré avec force – le monde dans lequel nous vivons va changer. Les bouleversements climatiques affectent l’équilibre global de notre planète et ces changements sont amplifiés dans les régions polaires.

Les températures moyennes arctiques ont crû près de deux fois plus vite que la moyenne mondiale au cours des 100 dernières années et l’augmentation des gaz à effet de serre – la communauté scientifique le sait – produira une accélération du réchauffement de l’Arctique dans les années à venir.

Certaines simulations vont jusqu’à prévoir une disparition quasi-totale de la glace, en Arctique, à la fin de l’été dans la seconde partie du 21ème siècle. Pour reprendre vos propres mots, Monsieur le Professeur, « le Pôle nord géographique est désormais, l’été, une mer libre. Dans 30 ou 50 ans, l’Arctique sera probablement libre de glaces. »

Les régions polaires sont donc aux avant-postes de la menace grandissante du changement climatique, d’un bouleversement qui va progressivement peser sur notre avenir et celui de tous les écosystèmes. Car rien de ce qui touche les pôles n’épargne le monde, et réciproquement.

A l’échelle de notre planète, les conséquences en sont connues.

Dans les régions polaires, elles se manifesteront notamment par le recul de la biodiversité, par l’accélération des changements liés au dégel du permafrost avec son rejet massif de méthane, ou encore par un accès élargi aux ressources du sous-sol, qui causera très certainement une course internationale aux richesses énergétiques et minérales de ces régions.

Au-delà, ce sont les sociétés autochtones elles-mêmes qui se trouvent menacées, tant est grande leur dépendance au facteur climat et leur prise directe avec leur environnement. Si elles ont su, au cours des siècles, faire preuve d’une remarquable capacité d’adaptation, rien ne dit qu’elles sauront, cette fois-ci, en tirer les enseignements nécessaires à leur survie.

Ces évolutions prévisibles exigent aujourd’hui de nous mobilisation et décision. Elles nous invitent, sans aucun doute, à une coopération internationale renforcée, et je tiens, à cet égard, à saluer la présence parmi nous de nombreux Ambassadeurs et membres du corps diplomatique des pays concernés par la question arctique et des pays membres de l’Union européenne.

En 1957-1958, la 3ème Année polaire internationale avait permis, en pleine guerre froide, une coopération internationale remarquable qui s’était conclue par la signature du Traité de l’Antarctique, faisant du pôle Sud une terre de paix, dédiée à la science.

Je ne peux, à ce stade, que former des vœux, pour que cette 4ème Année polaire débouche elle aussi, à terme, sur une prise de conscience universelle : celle de notre responsabilité partagée pour la sauvegarde du pôle Nord, pour la sauvegarde de notre patrimoine commun.

*****

Mais nous ne saurions, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, Chers Amis, parler des pôles, sans parler des hommes.

Je veux ici rendre hommage à l’engagement de ceux qui, répondant l’Appel du Nord, au pouvoir de fascination qu’exerce sur nous ces contrées aux frontières de la vie, nous les ont fait découvrir, et nous ont souvent fait rêver pour nous aider à mieux les comprendre

Je veux parler des pionniers bien sûr, de Dumont d’Urville à Paul Emile Victor, en passant par Charcot. Mais aussi de vous, Monsieur le Professeur, qui vous inscrivez sans aucun doute dans la lignée de ces grands explorateurs scientifiques, de ces grands découvreurs. Vous êtes de ces chercheurs qui ont donné à la recherche polaire française ses lettres de noblesse et aujourd’hui sa renommée internationale.

Votre combat, c’est celui des hommes, celui de la compréhension mutuelle et du respect de la diversité culturelle. C’est celui que vous menez sans relâche pour les habitants des régions arctiques, les peuples inuit, depuis qu’un jour de 1950 vous avez décidé de vivre une année entière avec eux « à l’esquimaude » – comme vous le dîtes vous-même – pour les étudier et les comprendre.

Vous en avez notamment rapporté un magnifique ouvrage, « Les Derniers rois de Thulé », traduit en 23 langues, dans lequel vous nous avez fait découvrir ce peuple unique, porteur d’un destin singulier dans l’histoire de l’humanité. Ce peuple qui vit en étroite symbiose avec son environnement, ce peuple qui est aujourd’hui affecté aussi bien par le changement climatique que par des mutations économiques et sociales profondes.

Après plus d’un demi-siècle d’expéditions arctiques, de vie partagée avec les Inuit, de passion affirmée pour ces latitudes extrêmes et ces peuples hyperboréens, votre apport au monde de la recherche est considérable : vous avez remis l’Homme au cœur de la question arctique

Votre travail de chercheur rejoint votre engagement personnel puisque vous vous définissez vous-même comme profondément « Inuit ». Ce travail trouve aujourd’hui sa consécration dans cette 4ème Année Polaire Internationale qui, pour la première fois, inscrit les aspects humains, les sciences sociales et humaines, à son programme de recherches.

Grâce à vous ce soir, grâce à l’Institut National de l’Audiovisuel et à son Président, M. Emmanuel HOGG, que je remercie de sa présence et que je salue, nous allons faire ensemble un voyage vers ces terres lointaines.

S’il est vrai qu’on ne revient jamais le même d’un séjour dans le Grand Nord, gageons que vous saurez, à travers votre film, éveiller un peu plus nos consciences, et convaincre chacun d’entre nous – citoyens, scientifiques, chercheurs, diplomates et responsables politiques – de la nécessité d’accentuer nos efforts et notre mobilisation au service de cet immense défi.