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16/12/2009 – Remise du prix « Honneur et Patrie » de la Société d’entraide des membres de la Légion d’honneur

Monsieur le Grand chancelier de la Légion d’honneur,

Monsieur le Chancelier de l’Ordre de la Libération,

Monsieur le Président de la Société d’entraide des membres de la légion d’honneur,

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres du prix « Honneur et Patrie »,

Monsieur le Président de l’association des Glières,

Messieurs les parlementaires,

Cher Patrick de Gmeline,

Chers amis,

Je suis heureux d’accueillir en ces lieux, pour la première fois, une cérémonie tout à fait exceptionnelle. Et cela à bien des égards. En effet, le prestigieux prix « Honneur et Patrie » est attribué chaque année par la Société d’Entraide des Membres de la Légion d’Honneur à un ouvrage qui contribue au prestige de l’Ordre et aux valeurs qu’il symbolise. Il est décerné cette année à Patrick de Gmeline pour son ouvrage historique Tom Morel et les résistants des Glières, un ouvrage remarquable, illustré de documents photographiques exceptionnels. C’est un grand honneur que de pouvoir célébrer ce soir, dans le cadre symbolique de l’hôtel de Lassay, présidence de l’Assemblée nationale, l’Histoire de la France et la grandeur de ceux qui l’ont écrite, de tous ces hommes et ces femmes qui, comme Tom Morel, sont les figures héroïques de la Résistance et du combat pour la liberté, du combat pour la France.

Je tiens à rendre hommage, tout d’abord, à Madame Morel qui, malheureusement, n’a pas pu être parmi nous ce soir, tout comme est empêché son fils, l’amiral Philippe Morel.

Je salue le commandant Ivan Morel, petit-fils de Tom Morel. J’ai eu l’occasion de le rencontrer quand il commandait la compagnie des Glières au sein du même 27ème B.C.A que commandait son prestigieux grand-père. Deux autres petites filles de Tom Morel sont également parmi nous ce soir accompagnées de leurs familles, nous en sommes très heureux.

Cette famille, votre famille, offre un exemple magnifique de tradition du service et du don de soi à la patrie, don qui s’est perpétué douloureusement au-delà de la dernière guerre mondiale.

Je tiens de même à saluer tout particulièrement la délégation du 27ème BCA qui est depuis 1922 « le » bataillon d’Annecy, bataillon désormais inséparable de la figure de Tom Morel. Le courage, le dévouement et l’abnégation de ces soldats font toute notre admiration, en France ou à l’étranger, comme aussi lors de leur mission en Afghanistan l’an dernier. Ils perpétuent l’idéal militaire du lieutenant Morel et « l’esprit des Glières ». Vous avez accompli avec un grand dévouement une mission difficile et périlleuse en Afghanistan. Je profite de cette occasion pour rendre hommage à votre compagnon d’armes tombé au combat sur le sol afghan en mars dernier.

Que ces soldats, présents parmi nous ce soir, soient honorés avec leur commandant de bataillon ici présent, le Colonel Givre.

Je suis heureux, en tant que Président de l’Assemblée nationale, de saluer une initiative littéraire qui consacre le travail d’écrivains dévoués à la grandeur de notre pays. Et je suis tout aussi profondément touché, en tant qu’élu savoyard, de voir honorer la mémoire d’un héros de la Résistance et de ses compagnons qui ont laissé leur empreinte en ce plateau des Glières, haut lieu emblématique de la Résistance. Vous me permettrez dès lors de laisser parler l’un et l’autre et de ne pas dissocier dans mon propos le travail d’historien, que nous honorons ce soir, de la figure exceptionnelle qu’il s’est attaché à faire revivre.

Comment pourrait-on ne pas être marqué par l’épisode glorieux et tragique des Glières ? Quelques centaines d'hommes réunis sous les ordres de deux chefs légendaires sur un espace de 200 kilomètres carrés qu'un sens élevé de leur devoir leur commandait de tenir jusqu'au bout. Des résistants de tous âges et de toutes conditions, résistants français et espagnols, qui ont afflué sur le plateau pour organiser la lutte et attendre des alliés les parachutages nécessaires à leur combat. Des combattants unissant la diversité de leurs origines et de leurs opinions au service de la patrie et de la liberté. Telle est la situation que trouve Tom Morel lorsqu’il prend le commandement du maquis des Glières. Il y fait face, aux côtés de ses compagnons d’armes : deux d’entre eux, Marcel Mocquais et Jean Isaac-Tresca nous font l’honneur d’être parmi nous ce soir. Leur présence nous honore.

Porté par sa foi, qui est un trait essentiel de sa personnalité, et son sens aigu de l'honneur, Tom Morel refusera de distinguer les résistants selon les affinités politiques, le passé des uns ou des autres. La Résistance est un creuset et le combat unit. Tom Morel un chef qui accueillera tous les combattants. Tous lui feront confiance. Ensemble, sans faillir ni faiblir, au risque de leur vie, ils prendront livraison du matériel régulièrement parachuté par les alliés. Officier, il se révèle une figure de chef au charisme exceptionnel. Il se bat et fait mieux que tenir en respect les forces ennemies auxquelles il inflige revers sur revers, les poussant à se replier. Lâchement assassiné le 9 mars 1944 à Entremont, il est remplacé par un chef de la même trempe, le capitaine ANJOT qui poursuit le combat dans des conditions devenues chaque jour plus dramatiques, jusqu’à l’assaut final du 24 mars et le repli des résistants.

Cent quarante hommes auront laissé leur vie dans les combats des Glières et la répression qui les a suivis ; cent soixante dix autres seront déportés dans des camps de concentration : ainsi s'achève la tragédie, devenue légendaire, dans le sang et dans l'horreur.

Tragédie certes, mais non défaite. Les combats de février-mars 1944 n'étaient pas des combats désespérés : ils ont changé le cours des évènements et permis à la Résistance de franchir une étape nécessaire dans la lutte contre l'occupant. Ce que Tom Morel a su créer sur le plateau des Glières, c’est un rassemblement soudé et organisé d'hommes en armes, capables de fixer les grandes unités de l'ennemi et d'apporter aux alliés, quelques semaines plus tard, un appui qui sera décisif. C'est aux Glières que sont apparues les premières lueurs du jour, et nul ne s'y est trompé. C'est ainsi que la Haute-Savoie s'est libérée elle-même, c'est ainsi que Tom Morel et ses hommes sont entrés de plain-pied dans l'Histoire et dans la légende qui est entretenue par l’association présidée par le Général Jean-René BACHELET, ici présent, que je salue.

Patrick de Gmeline, vous savez toute l’estime que je vous porte, vous l’historien éminent, grand spécialiste, en particulier, des deux guerres mondiales. Plusieurs de vos ouvrages ont déjà été distingués par des prix prestigieux, encore, tout récemment, pour « Tom Morel, Héros des Glières », préfacé par le Président de la République, Monsieur Nicolas Sarkozy. Notre Président, très attaché à cet épisode de l’Histoire, ne manque d’ailleurs pas, chaque année, de venir se recueillir sur le Plateau des Glières. C’est aujourd’hui pour votre ouvrage « Tom Morel les Résistants des Glières, 1944» que vous sera remis dans quelques instants le prix « Honneur et Patrie ».

Vous n’êtes pas un historien militant, mais un historien soucieux de nous faire comprendre toute la complexité des évènements historiques, un historien aussi qui aime découvrir et s’imprégner des lieux historiques et en particulier de la Haute-Savoie.

Votre ouvrage fait revivre avec beaucoup d’émotion, de dignité et de sensibilité le souvenir et les visages de ces hommes qui, en ce début de l’année 1944, n’ont pas hésité à suivre la devise de leur chef Tom Morel « Vivre libre ou mourir ». Du haut du plateau des Glières, ils ont fait savoir au monde que la libération de la France était commencée.

Puisse l’exemple de courage et l’héroïsme de ces combattants rester vivants dans nos mémoires. Puissent les valeurs du Prix que nous remettons ce soir, « Honneur et Patrie », continuer de rayonner et de transmettre aux jeunes générations l’exemple de leurs aînés, pour notre République, pour la France !