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10/06/2010 - Allocution lors du 150ème anniversaire du rattachement de la Savoie et du Comté de Nice à la France

Monsieur le ministre, cher Christian ESTROSI,

Messieurs les Présidents, cher Christian MONTEIL,

cher Hervé GAYMARD, cher Eric CIOTTI,

Mesdames et Messieurs les parlementaires,

Monsieur le professeur VARACHIN,

Mesdames, Messieurs,

Chers amis,

Il y a cent cinquante ans jour pour jour, le Sénat et le Corps législatif ratifiaient le traité par lequel la Savoie et Nice allaient se rattacher à la France. Par un clin d’œil de la destinée, c’est à un député de la Haute-Savoie qu’il revient de vous accueillir ici, à la présidence de l’Assemblée nationale, pour célébrer, à cor sinon à cri, cet événement important de notre histoire.

Il y aurait beaucoup à dire sur le sens même du mot « rattachement », qui indique non seulement un attachement, mais encore l’idée d’un lien très fort, d’une solidarité de destin, objective et assumée.

Vous le savez, la Savoie et Nice avaient déjà fait partie de l’ensemble français à l’issue des guerres de la Révolution et de l’Empire : mais on ne parla pas de « rattachement » alors. Réunion forcée, prématurée et mal préparée, cette première greffe n’a pas pris et les populations, à l’issue du Congrès de Vienne de 1815, ont retrouvé sans déplaisir leurs libertés locales.

Le rattachement de 1860, lui, a scellé nos trois départements de la Savoie, de la Haute-Savoie et des Alpes-maritimes dans une union solide et durable avec le reste de la France.

En tant que Président de l’Assemblée nationale, je ne peux guère faire l’apologie de Louis-Napoléon Bonaparte, l’homme du coup d’Etat de 1851, qui décida de supprimer la tribune parlementaire… Mais je n’oublie pas que mon prédécesseur Philippe Séguin a su mettre en avant le bilan imposant de Napoléon III, un personnage complexe qui ne se résume pas au « Napoléon-le-Petit » fustigé par Victor Hugo.

Et je sais aussi que Christian ESTROSI sera d’accord avec moi pour reconnaître au maître du Second Empire ce génie politique grâce auquel non seulement la Savoie et Nice allaient devenir françaises, mais rejoindraient la France à l’issue d’un vote massif des populations.

Dans l’ancien duché de Savoie, on ne décompta que 235 bulletins « non » sur 135 000 électeurs inscrits. A Nice : 160 « non » sur 31 000 inscrits. Bien sûr, il y aura toujours la possibilité d’ergoter sur les conditions des plébiscites, l’absence d’isoloirs, la campagne des prêtres en faveur d’une France qu’ils croyaient plus cléricale – et où les ministres du culte étaient rétribués trois fois plus qu’en Piémont-Sardaigne, dans le cadre du Concordat… Ces analyses, nous les connaissons, mais elles n’infirment pas un vote qui se révéla massivement favorable à la France et, surtout, qui ne fut jamais remis en cause. L’irrédentisme mussolinien, l’occupation italienne pendant la seconde guerre mondiale n’ont pas rencontré l’adhésion des Savoyards et des Niçois qui, en trois générations, se sentaient parfaitement Français. Pensons au plateau des Glières, cette enclave de liberté républicaine dans la France occupée, qui sut rendre espoir au pays tout entier ! Pensons à la ferveur qui entoura le général de Gaulle quand, en 1960, il vint en Savoie et à Nice pour célébrer le centenaire du rattachement. Quant aux manifestations récentes d’une tentation séparatiste, force est de constater qu’elles sont restées marginales et folkloriques.

Bien sûr, tous ici nous sommes fiers de nos attaches alpines, qu’elles soient savoyardes ou niçoises. Mais les singularités que nous revendiquons ne nous éloignent pas de la France, elles nous y ancrent au contraire, puisque c’est avec fierté que nous apportons au pays cette ardeur, cette ténacité, ce sens des réalités, qu’on prête souvent aux habitants de nos trois départements.

De même, les Français que nous sommes ne renoncent pas à leurs caractères français pour se sentir pleinement Européens, et peut-être même que notre position géographique, ouverte sur les frontières de l’Est, nous préparaient mieux que d’autres à cette Europe de la libre circulation des capitaux et des hommes qui constitue maintenant notre grande patrie.

Au fond, l’anniversaire que nous célébrons nous donne peut-être l’occasion inattendue de réconcilier Napoléon III et Victor Hugo : l’un voulut la France avec la Savoie et Nice, l’autre appela de ses vœux les Etats-Unis d’Europe, et tous deux ont aujourd’hui satisfaction.

S’il fallait encore citer un grand homme, un homme d’Etat, c’est à Cavour que je penserais, Cavour qui, du côté piémontais, fut l’autre artisan du rattachement. Pour réaliser l’unité italienne, il lui fallut dire adieu aux sujets du roi de Piémont vivant sur le versant occidental des Alpes, et voici ce qu’il fit afficher à leur intention :

« Si vous devez suivre d’autres destinées, faites en sorte que les Français vous accueillent comme des frères qu’on a depuis longtemps appris à apprécier et à estimer. Faites que votre réunion à la France soit un lien de plus entre les deux nations, dont la mission est de travailler de concert au développement de la civilisation. »

Le vœu de Cavour, vous en conviendrez avec moi, est devenu réalité.