Accueil > Présidence > Les discours du Président de l'Assemblée nationale

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit

07/12/2011 – Discours d’ouverture du colloque « Vérités scientifiques et Démocratie »

Monsieur le Ministre, cher Luc CHATEL

Madame le Ministre, chère Claudie HAIGNERÉ

Monsieur le Président de l’OPECST,

Mesdames et Messieurs les Parlementaires,

Madame et Monsieur les Secrétaires perpétuels,

Monsieur le Président de l’Académie des Sciences morales et politiques,

Monsieur le Président honoraire de l’Académie des Technologies,

Monsieur le Président du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel,

Mesdames et Messieurs les Académiciens,

Mesdames, Messieurs,

« Si parfois j’ai troublé le calme de nos Académies par des discussions un peu vives, c’est que je défendais passionnément la vérité ». Ces mots de Pasteur, prononcés sous la Coupole, démontrent que le combat pour la vérité scientifique est - aussi -affaire de passion. Ce combat, cette exigence de vérité, hommes de science et responsables politiques, l’ont en partage. C’est pourquoi je suis heureux d’accueillir à l’Hôtel de Lassay, ce colloque organisé avec l’Académie des Sciences.

Je veux saluer ses éminents membres, et tout particulièrement Catherine BRÉCHIGNAC, ainsi que l’ensemble de la communauté scientifique. Je remercie de leur présence Madame et Monsieur le Ministre.

Ce colloque s’inscrit dans le sillage des rencontres entre scientifiques et parlementaires, initiées avec l’Académie des Sciences et l’Office Parlementaire

d’Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques, dont je salue le Président, Claude BIRRAUX et les éminents membres.

A plus d’un titre, ce colloque « Vérités scientifiques et Démocratie » s’imposait.

La complexité des grands enjeux du 21e siècle est un défi lancé au temps et à l’intelligence. C’est pourquoi la place des scientifiques est, plus que jamais, au cœur des grands débats de notre démocratie. Il était donc aussi légitime que pertinent d’accueillir ici, à l’Assemblée nationale, à deux pas de la tribune de la République, des acteurs engagés, conscients et responsables.

Si ces liens entre le pouvoir et le savoir sont essentiels à notre Nation, c’est qu’ils ont en partage le souci de l’intérêt général et du progrès. Ce n’est peut-être d’ailleurs pas un hasard si tant de scientifiques, de Gaspard Monge et Lazare Carnot à Condorcet, sont devenus parlementaires.

Avant de vous laisser débattre, je veux vous faire part de deux de mes convictions personnelles, la première étant que notre avenir, et celui de l’humanité, dépendent du progrès de la science - c’est ainsi que j’assume mes responsabilités publiques -.

La seconde est que la complexité des défis contemporains exige de nous de tenir un discours de vérité à nos concitoyens.

*

* *

Vérités scientifiques et démocratie ont vocation à être partagées par tous. « Marcher d’un pas ferme et sûr dans la route de la vérité » : cette phrase de Condorcet, dans l’Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain  reste le credo de la République aujourd’hui. L’éducation et la culture scientifique, le législateur l’a rappelé, contribuent au « libre exercice de la citoyenneté ». Nombreux sont ceux qui, parmi vous, sont engagés en ce sens, je pense notamment aux instigateurs éclairés de la « Main à la Pâte », le regretté Georges CHARPACK ou Pierre LÉNA, que je salue, pour ne citer qu’eux.

Cette quête de vérité exige des individus, comme des Nations, du courage. Ce courage est le compagnon quotidien du chercheur dans son laboratoire, il est aussi celui des pouvoirs publics face à la vérité, face à la décision qu’il faut trancher.

S’« il faut douter », comme le préconisait Claude Bernard, il ne faut cependant pas « être sceptique ». Le propre de toute vérité scientifique est de compter une part de doute. C’est dans cette « politesse » de la science, que s’engouffrent, sans nuance ceux qui transforment un doute, marginal, créateur, en sombre menace. Si aujourd’hui, plus personne ne dira, comme lors de l’exécution de Lavoisier en 1794 que « la République n’a pas besoin de savants… », d’autres voix s’élèvent pour contester et les avancées et la parole scientifiques.

Mesdames et Messieurs,

Nous vivons une époque paradoxale. Notre siècle est celui du savoir. Le progrès est constant, les sauts technologiques et les percées scientifiques ont considérablement amélioré - et améliorent sans cesse - la vie et la santé de nos concitoyens. Mais notre siècle est également celui de la montée irraisonnée des peurs.

Des OGM aux nanotechnologies, du nucléaire aux gaz de schiste, l’actualité ne cesse de faire référence au principe de précaution. Les résistances au changement semblent gagner du terrain.

Alors que le constituant l’a imposé pour protéger l’environnement, le principe de précaution est de plus en plus souvent invoqué, non seulement dans le domaine environnemental, mais aussi dans le domaine sanitaire.

Il ne s’agit bien évidement pas de demander l’abrogation de ce principe intégré dans le préambule de notre Constitution en 2005. Mais trop souvent, détaché du contexte de la Charte de l’environnement et du domaine de la décision publique auquel le Constituant a voulu le cantonner, il a conduit à des dérives, créant ainsi un climat de suspicion systématique d’illégitimité sur tout ce qui touche à la science et à l’industrie.

C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité que le premier sujet traité par le Comité d’Evaluation et de Contrôle de l’Assemblée nationale, cette nouvelle instance créée après la révision constitutionnelle de 2008 soit consacré à l’évaluation de la mise en œuvre du principe de précaution.

Cette évaluation montre qu’il conduit moins à des dérives juridiques qu’à des confusions dans les mentalités pouvant mener très vite, si nous n’y prenons garde, à un déclin des initiatives et des innovations, voire à l’établissement progressif d’une civilisation de la précaution, fondée sur l’utopie du risque zéro et pourquoi pas, en allant plus loin, de l’immortalité !

A la suite du récent rapport d’information des députés Alain GEST et Philippe TOURTELIER, une proposition de résolution a été déposée pour préciser les conditions de la mise en oeuvre du principe de précaution. Elle sera discutée – et votée, je l’espère, à l’unanimité le 1er février 2012.

L’acceptation de l’innovation par le public est au cœur des débats. Il s’agit là d’une question fondamentale pour notre démocratie. C’est d’ailleurs le thème d’une étude internationale comparée que l’Office Parlementaire d’Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques conduit actuellement.

Si la voix des scientifiques doit porter davantage au sein de notre société, il est de notre devoir, nous élus de la Nation, comme l’a rappelé le Comité d’Evaluation et de Contrôle en novembre dernier, je cite : « de dire aux scientifiques qu’afin que l’aventure du progrès continue, nourri de leurs découvertes et inventions, il faut tenir compte de l’opinion publique ». Travailler à l’acception des projets scientifiques par la société me paraît aujourd’hui être un enjeu devenu incontournable.

La mission ayant pour objet : « la sécurité nucléaire, la place de la filière et son avenir », créée au lendemain de l’accident de Fukushima, répond à ce besoin d’explication et de pédagogie. Persuadé que la peur se nourrit de l’inconnu, j’ai souhaité que la transparence soit totale, et que la parole des scientifiques soit entendue de tous.

Créer un environnement propice à la recherche, aux capacités d’invention et aux intuitions fertiles est une priorité. Certains de nos grands chercheurs, dont Cédric VILLANI, médaillé FIELDS 2010, qui s’exprimera tout à l’heure, contribuent à nourrir la réflexion des responsables politiques sur les choix et les priorités à déterminer. Nous les en remercions vivement.

Depuis la première loi d’encouragement à la recherche scientifique de 1896, bien des progrès fantastiques ont été accomplis. Aujourd’hui, au cœur de la crise, dans l’âpre bataille de la connaissance engagée à l’échelle planétaire, notre pays mise sur l’intelligence et l’innovation. La France a fait le choix de faire primer les investissements d’avenir. Biotechnologies, nanobiotechtnologies, laboratoires d’excellence, instituts d’excellence dans le domaine des énergies décarbonées, écotechnologies, information et nanotechnologies, ces priorités de la stratégie nationale de recherche et d’innovation, qui impliquent des scientifiques de très grande valeur, ont été déterminées en lien avec la communauté scientifique.

Mesdames, Messieurs,

Ce dont la France a besoin, c’est d’intelligence. Ce dont notre pays a besoin, c’est d’une confiance renouvelée dans la raison et dans le progrès. L’excellence industrielle, la compétitivité de la France en dépendent.

Des élèves de Polytechnique, de Normale Sup, de Sciences Po et de nombreux étudiants et jeunes chercheurs sont présents ici ce matin. Je suis profondément heureux de les accueillir ici, au sein de cette institution au cœur de la République. Je les encourage à faire preuve d’audace. Si les révolutions du savoir découlent parfois des surprises de la recherche, elles jaillissent surtout de l’audace et de la prise de risque.

Comme l’a très justement dit notre compatriote Prix Nobel de médecine, Jules HOFFMANN : « redevenons enthousiastes pour la science ! »

Je vous remercie.