Accueil > Union européenne > Commission des affaires européennes > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Consulter le sommaire
Voir le compte rendu au format PDF

Commission des affaires européennes

mercredi 15 juillet 2009

16 h 45

Compte rendu n° 113

Présidence de M. Didier Quentin Vice-président

I. Examen du rapport d’information de M. Daniel Garrigue et Mme Elisabeth Guigou sur la révision de la directive sur la fiscalité de l’épargne et la lutte contre les paradis fiscaux, les centres offshore et les juridictions non coopératives (E 4096, E 4264, E 4267, E 4467 et E 4555)

II. Examen du rapport d’information de M. Jérôme Lambert sur l’accord euro-méditerranéen d’association entre la Communauté européenne et la République arabe syrienne (E 2801 et E 4197)

III. Examen de textes soumis à l’Assemblée nationale en application de l’article 88-4 de la Constitution

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPEENNES

Mercredi 15 juillet 2009

Présidence de M. Didier Quentin, Vice-président de la Commission

La séance est ouverte à 16 h 45.

I. Examen du rapport d’information de M. Daniel Garrigue et Mme Elisabeth Guigou sur la révision de la directive sur la fiscalité de l’épargne et la lutte contre les paradis fiscaux, les centres offshore et les juridictions non coopératives (E 4096, E 4264, E 4267, E 4467 et E 4555)

M. Daniel Garrigue, co-rapporteur. Initialement, ce rapport avait un champ plus réduit. Il s’agissait de la révision de la directive « épargne » et la lutte contre les paradis fiscaux. Le champ de la réflexion s’est considérablement élargi sous la pression des événements, avec notamment les décisions du dernier G 20. Il aurait été inadapté de s’en tenir à un seul aspect sans traiter les autres. En outre, de nouvelles propositions de directives sont intervenues.

Il a été indispensable de présenter les conclusions dans des délais rapides. Le G 20 de Pittsburgh, au mois de septembre prochain, représente une échéance cruciale. Cela n’aurait aucun sens de se prononcer quelques jours avant uniquement.

La préparation du rapport a permis de rencontrer un grand nombre d’interlocuteurs, notamment M. Jacques Barrot, Vice-président de la Commission européenne, et les commissaires européens Joachim Almunía et László Kovács, ainsi que des membres du cabinet du Président Barroso et du commissaire McCreevy, des experts, notamment M. Jacques de Larosière, qui a présidé le groupe de travail de haut niveau sur la supervision financière dans l’Union européenne, et des magistrats, dont M. Renaud Van Ruymbeke.

Dans ses grandes lignes, le rapport rappelle d’abord que si les paradis fiscaux sont anciens et ont d’abord désigné les refuges utilisés par ceux qui veulent échapper à l’impôt, la réalité actuelle est beaucoup plus large, car elle concerne également les aspects financiers (les centres offshore) et le blanchiment d’argent (les juridictions non coopératives). Dans les années récentes, le volume des capitaux qui y transite a beaucoup augmenté, notamment sous l’effet de la dérèglementation des marchés internationaux et de l’abondance de liquidités.

La situation actuelle est paradoxale puisque, à la fin des années 1990 déjà, sous l’impulsion du G 7, des initiatives étaient intervenues à l’échelle internationale contre les paradis fiscaux et autres centres financiers. Sur le plan européen également, tel avait été le cas avec, en matière judiciaire notamment, le programme de Tampere.

Pour ce qui concerne le volet international, il était dès le départ insuffisant car l’on se contentait d’engagements de la part des pays et territoires concernés. Néanmoins, la situation a ensuite souffert d’un désengagement des Etats, en partie sous l’influence de l’administration Bush qui s’est concentrée sur la lutte contre le terrorisme. En l’absence de volonté politique forte, la dynamique a faibli et les listes de pays et territoires sous surveillance ont fini par se vider de leur contenu.

La crise financière a relancé l’attention sur les paradis fiscaux, car ils y ont joué un rôle important, même s’ils n’en sont pas à l’origine. Ils ont notamment été les lieux d’accueil et de développement des structures hébergeant les actifs toxiques.

Sur le fond, la première facette des paradis fiscaux et centres offshore concerne la fraude et l’évasion fiscales. Dans son ensemble, la fraude fiscale est estimée à plus de 200 milliards d’euros par an dans l’Union européenne. Le recours aux paradis fiscaux est d’autant moins tolérable que la pression fiscale s’est atténuée sur les revenus les plus élevés, notamment avec le bouclier fiscal en France. La sensibilité des autorités allemandes est également très forte depuis l’affaire des fondations au Liechtenstein, qui a éclaté au début de l’année 2008. Enfin, aux Etats-Unis, les réactions ont été très vives face à l’affaire UBS.

L’aspect financier est également très important car les paradis fiscaux et centres offshore sont des zones de non régulation ou de faible supervision financières. 80 % des hedge funds sont dans les îles Caïmans. C’est une illustration des possibilités de développement qu’offrent ces territoires à une ingénierie financière orientée vers la spéculation et dont l’origine se trouve dans les grandes places financières, telles que Genève, Zürich, New York ou Londres.

Le troisième volet concerne le blanchiment d’argent. Les capitaux issus de la drogue et du trafic des êtres humains, de la prostitution, des filières illégales ou du trafic d’armes trouvent un abri dans les pays et territoires correspondants.

Par ailleurs, l’image des paradis fiscaux, îles exotiques, n’est pas exacte. Il y a trois grandes zones : l’espace caraïbe, l’Asie et l’Extrême-Orient – avec notamment Hong Kong, Macao et surtout Singapour, qui représente un obstacle aux investigations pénales – et, enfin, l’Europe.

S’agissant de cette dernière, il faut distinguer les pays à secret bancaire membres de l’Union européenne (le Luxembourg, l’Autriche et la Belgique), les pays hors de l’Union européenne (la Suisse, Saint-Marin, le Liechtenstein, Andorre et Monaco, ces deux derniers Etats ayant des liens spécifiques et anciens avec la France), et certains territoires associés et dépendants du Royaume Uni (les îles anglo-normandes et l’île de Man).

Les procédés mis en cause sont, d’une part, le secret bancaire et, d’autre part, les structures opaques telles que les trusts et les fondations, dont les véritables bénéficiaires restent inconnus.

La crise financière a suscité des réactions très fortes. Ainsi, dans le prolongement de la déclaration du G20 du Sommet de Londres, l’OCDE a réactivé sa propre liste de pays et territoires sous surveillance, en distinguant une liste grise et une liste noire. Le fait que les territoires de la liste noire aient été retirés peu de temps après, montre que les forces qui jouent contre une clarification sont très puissantes.

L’OCDE a fait évoluer ses règles avec, en 2002, une définition plus ouverte de l’échange d’informations sur demande permettant de lever le secret bancaire, et l’exigence de conclure au moins 12 conventions fiscales pour ne plus figurer sur la liste grise. Ce n’est peut-être cependant pas suffisant pour faire cesser la pratique du secret bancaire.

Pour ce qui concerne le GAFI et ses homologues régionaux, ils ont poursuivi un important travail de fond avec notamment le principe de l’évaluation par les pairs mais, pour l’instant, il n’y a plus de liste. Sur les aspects relatifs à la régulation et supervision financières, c’est normalement au niveau du Conseil de stabilité financière, établi sur décision du dernier G 20, qu’une liste devra être dressée.

Les réactions américaines sont un aspect important de la question. Le Président Obama a fait partie, lorsqu’il était sénateur, des congressmen américains qui s’impliquaient dans la lutte contre les paradis fiscaux. En outre, l’économie américaine a été particulièrement affectée par la crise, ce qui appelle donc des changements profonds. On observe ainsi que d’intéressantes mesures ont été annoncées en matière de supervision. L’une est particulièrement novatrice, avec une nouvelle Agence de protection des consommateurs, c’est-à-dire en l’espèce de protection des épargnants. Néanmoins, les projets évoqués se heurtent à de très vives résistances, tant à Wall Street qu’au Congrès.

Pour ce qui concerne l’Europe, les déplacements à Bruxelles ont permis de ressentir un certain manque de détermination et de coordination au niveau de la Commission européenne. S’il y a un discours très affirmé contre les paradis fiscaux, en revanche, la proposition de directive sur les fonds alternatifs, qui prévoit notamment d’ouvrir l’accès aux marchés financiers européens à des fonds situés dans les centres offshore, extérieurs à l’Union, pose problème. A l’opposé, différents textes vont dans un sens favorable : la révision de la directive « épargne », ainsi que la proposition de directive sur la coopération administrative et celle sur l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des impôts.

La directive « épargne » de 2003 a été le fruit d’un très long travail, dont l’origine est la proposition de directive sur l’harmonisation de la fiscalité dans les Etats membres, présentée en 1989 sous l’impulsion du président de la Commission européenne d’alors, M. Jacques Delors. L’absence d’harmonisation en matière de fiscalité directe implique, en effet, des risques de dérive et de dumping fiscal, autant d’éléments et failles dangereux et dont les marchés sont prompts à utiliser les mécanismes.

Sur le fond, l’actuelle directive « épargne » est imparfaite car elle ne concerne que les seuls revenus sous forme d’intérêts et permet, dans le cadre d’un compromis politique, au Luxembourg, à l’Autriche et à la Belgique, de préserver leur secret bancaire et d’éviter l’échange automatique d’informations avec les administrations fiscales des autres Etats membres.

La révision en cours vise à combler certaines lacunes et le Parlement européen, saisi pour avis, a proposé d’importantes avancées, notamment sur le champ d’application, les structures opaques, l’inversion de la charge de la preuve pour réviser la liste de ces structures, l’extension du champ des territoires désignés comme paradis fiscaux et la volonté d’une sortie du système transitoire permettant aux trois Etats précités de préserver leur secret bancaire.

Il faut poursuivre l’effort de clarification proposé. Le contexte y est favorable. Des conventions fiscales répondant aux normes de l’OCDE sont en cours de signature avec les Etats européens. Comme la Belgique a indiqué son intention d’entrer dans le droit commun dès l’année prochaine, la question du secret bancaire ne concerne donc plus que le Luxembourg et l’Autriche. Le dossier est difficile, cependant, car il faut l’unanimité du Conseil en matière fiscale. Néanmoins, on peut penser que le G 20 de Pittsburgh donne la direction à suivre, il sera difficile pour les pays concernés de camper sur leur position.

Pour ce qui concerne la supervision financière, le groupe d’experts de haut niveau, présidé par M. Jacques de Larosière, a proposé notamment la création d’un Conseil des risques systémiques et un renforcement de la supervision au niveau européen avec trois autorités, une pour chaque secteur. Il semble néanmoins qu’il faille aller au-delà, vers une supervision supranationale.

S’agissant de la proposition de directive sur les fonds alternatifs, son dispositif pose plusieurs problèmes. Il ne fait pas une distinction suffisante entre les fonds spéculatifs et le domaine du capital investissement et, en ce qui concerne les fonds des pays tiers, il représente un véritable cheval de Troie en permettant l’accès au marché européen des gestionnaires et des fonds des zones offshore. On y voit l’influence britannique. Enfin, l’importance des mesures relevant de la comitologie pose problème.

En matière de supervision, l’extension considérable des marchés de gré à gré sur les produits dérivés constitue une difficulté. Cette question, évoquée par M. Jean-Pierre Jouyet, Président de l’Autorité des marchés financiers, est cruciale puisque plus de la moitié des transactions se font ainsi en dehors de tout contrôle et qu’il en résulte des empilages d’accords bilatéraux entre banques, qui peuvent avoir des conséquences redoutables en cas de crise.

Enfin, le rapport met également en évidence les faiblesses du troisième pilier, dont le fonctionnement de type intergouvernemental ne permet pas de créer l’espace judicaire européen tel qu’il devrait être.

Pour ce qui concerne les propositions, le rapport demande d’abord une identification claire des paradis fiscaux, centres financiers et juridictions de coopératives, avec trois listes, établies de manière systématique et régulièrement mises à jour, sans possibilité de s’en extraire sur simple déclaration. Il demande également que des sanctions soient prévues et, le cas échéant, appliquées pour les Etats ou territoires qui ne rempliraient pas leurs obligations.

Il demande ensuite une transparence fiscale sans frontières, de manière à permettre la communication et l’accès à l’information. A ce sujet, les actuelles conventions bilatérales répondant aux normes de l’OCDE représentent un progrès, mais aussi un pis-aller car l’échange d’informations sur demande a ses limites. Il faut notamment disposer d’éléments précis. Il convient donc d’aller vers l’échange automatique d’informations.

Le rapport demande ainsi au prochain G 20 de progresser vigoureusement dans le sens d’un renforcement des exigences en matière de transparence avec, d’une part, la nécessité d’aller au-delà du nombre de douze conventions fiscales pour ne plus figurer sur la liste grise de l’OCDE et, d’autre part, d’aller au-delà d’échange d’informations sur demande, en recourant à l’échange automatique. Il demande également de prévoir la centralisation des comptes bancaires et des bénéficiaires des structures écrans de manière à permettre à l’administration fiscale, comme aux juges, de bénéficier de procédures claires et simples sans échappatoire ou moyens dilatoires.

En ce qui concerne la régulation financière, le rapport demande, d’une part, sur les marchés de gré à gré, la création d’une chambre de compensation à l’échelle européenne pour assurer la sécurité de transaction et, d’autre part sur la supervision, un rapprochement entre la position américaine et la position européenne.

S’agissant de la coopération pénale européenne, de nouveaux outils sont à développer, tels que le mandat européen d’obtention de preuves ou les équipes communes d’enquête. Le traité de Lisbonne, dont nous espérons qu’il sera ratifié, permettra de dépasser le cadre intergouvernemental qui domine encore le troisième pilier. Ainsi, les directives seraient d’application directe en matière de coopération judiciaire pénale et les pouvoirs de la Commission européenne, du Parlement européen et de la Cour de Justice des Communautés européennes seraient fondamentalement renforcés. Il appartient à la France de s’impliquer très fortement dans la définition du prochain programme de Stockholm qui définira les ambitions de l’espace de liberté, de sécurité et de justice pour les cinq prochaines années.

En conclusion, le G20 de Pittsburgh sera une date cruciale car c’est à cette occasion qu’il faudra surmonter les résistances de ceux qui veulent revenir au système antérieur. Ce G20 devrait voir son programme étendu aux dérives liées au taux de change et au cycle du dollar. La France et l’Union européenne devront y montrer une détermination sans faille. De ce point de vue, le renouvellement de la Commission européenne est très important et il faut que, dans le programme exigé du président pressenti, la lutte contre les paradis fiscaux et les dérèglements de la finance internationale soit une priorité.

M. Didier Quentin. Merci à M. Daniel Garrigue pour cet exposé très complet.

Mme Elisabeth Guigou, co-rapporteure. Tout d’abord, merci à M. Daniel Garrigue de m’avoir associée à ce travail. Nous n’avons connu aucun point de désaccord et avons été animés de la même volonté. Nous avons sur ces sujets une analyse commune.

Ces sujets m’intéressent depuis très longtemps. La question du manque d’harmonisation fiscale au sein de l’Union est lancinante et posée depuis le début de l’acte unique européen. En 1988, chargée de mission auprès du Président de la République, M. François Mitterrand, j’avais pu le voir charger son ministre des finances de l’époque de négocier la directive sur la libéralisation des mouvements de capitaux entre les Etats membres et poser deux conditions : l’harmonisation de la fiscalité de l’épargne et la monnaie unique. Le président allemand Helmut Kohl a accepté ces conditions et vous connaissez la suite du travail mené par Jacques Delors. Le Sommet de l’Arche, en 1989, a créé le GAFI et déjà, dans les paradis fiscaux, y compris ceux rattachés à la France, des pratiques inquiétantes se développaient. Toutes les formes de criminalité internationales, du trafic de drogue au terrorisme, se sont largement amplifiées. A mon arrivée à la Chancellerie en 1999, j’ai été interpellée par les magistrats sur les obstacles dirimants en matière de commission rogatoire internationale. On parle de « paradis fiscaux », réglementaires et judiciaires, mais, de notre point de vue, le terme d’« enfer » est plus adapté. Il faut également parler de l’hypertrophie de la sphère financière qui s’est accrue au point de représenter aujourd’hui 50 fois l’économie réelle. Une bonne partie de cette sphère financière se loge dans les paradis fiscaux et utilise des véhicules de type produits dérivés et autres. C’est bien sûr très difficile à estimer, mais on peut retenir une estimation plutôt basse de la BRI qui comptabilise l’actif des banques dans les paradis fiscaux entre 7 et 8 milliards de dollars et une estimation haute de certaines ONG très sérieuses qui atteint 10 à 12 milliards de dollars. Il faut bien considérer que 10 milliards représentant l’équivalent du PIB de l’Union européenne et la moitié des flux financiers mondiaux.

Nous avons démontré dans notre rapport que la volonté politique est essentielle. Nous avons le sentiment très net que nombre de personnes attendent que la crise passe pour tout recommencer comme avant.

S’agissant de la Commission européenne, pourquoi son président a-t-il confié au commissaire McCreevy des directives purement financières ? Pourquoi n’y-a-t-il pas eu implication conjointe des commissaires Joaquin Almunia et Jacques Barrot ? Ce tronçonnement des tâches et des textes a pour conséquence que ceux-ci sont très insuffisants, et proprement scandaleux pour ce qui est de la directive « Hedge Funds », qui constitue un véritable cheval de Troie ouvrant la voie aux instruments calqués sur le modèle britannique.

Ce sentiment grave de défaillance de la volonté politique se retrouve dans les listes de l’OCDE, du Forum de stabilité financière et du GAFI. Avant l’éclatement de la crise à l’automne 2008, il n’existait plus de liste du GAFI ni du Forum de stabilité financière (FSF) et la liste de l’OCDE ne comportait que trois pays : Andorre, le Lichtenstein et Monaco. Heureusement, les fonctionnaires du GAFI et de l’OCDE ont continué leur travail mais il faut maintenant publier ces trois listes : l’une fiscale, la deuxième de supervision et la troisième relative au blanchiment. Les discours sont redevenus très mobilisateurs. Les conclusions des trois G20 et du Conseil Ecofin semblent démontrer l’existence d’une vraie volonté politique, mais aucune ne définit les sanctions. Au moment où le Parlement européen prend ses fonctions, il nous est apparu important de publier un rapport d’alerte, qui définisse les sanctions en cas de non respect des normes. Il conviendra d’ailleurs de voir, au-delà du papier, l’application concrète des engagements. Il faut en effet bien avoir conscience de la réalité des choses. Ainsi, les magistrats ne peuvent demander quels sont les comptes dont dispose une personne sur laquelle ils enquêtent. En l’absence de fichier central national des comptes bancaires, à l’image du fichier français, un magistrat doit formuler une demande extrêmement précise : telle personne dispose-t-elle d’un compte dans telle banque ? Cela sous-entend que les investigations soient en partie résolues. Il faut ensuite tenir compte de la multitude des recours possibles, sans parler de Singapour où l’accord de la personne titulaire du compte est requis avant toute transmission d’informations.

Si l’Union européenne était exemplaire, avec la nouvelle volonté des Etats-Unis, l’on pourrait demander aux banques de cesser les activités avec ces pays. Ces dernières se fondent sur un argument de concurrence et c’est pourquoi nous devons être unis et profiter de cette fenêtre de tir unique, sous peine de revenir en arrière.

Le Président Didier Quentin. Merci beaucoup pour ces remarques complémentaires fort utiles. Avant de laisser la parole à nos collègues, je souhaiterais évoquer moi-même quelques points. Si vous venez de préciser pourquoi vous souhaitez trois listes, pouvez-vous donner des éléments sur la situation d’Andorre et de Monaco, ainsi que sur le rôle de l’Union européenne.

M. Jérôme Lambert. Merci beaucoup à nos deux collègues pour ce tableau complet et très intéressant, sur des sujets sur lesquels la Commission s’est par ailleurs déjà exprimée. A propos du sommet du G20, je suis assez dubitatif face à la métamorphose subie par la liste des paradis fiscaux, puisque certains Etats ont pu, en 24 heures, passer de la zone grise à la zone blanche sur de simples bases déclaratives. Rien ne garantit, en l’état, que leur législation sera modifiée. En outre, lorsque les Etats modifient effectivement leur législation, celle qui en résulte est parfois si contraignante qu’elle en devient presque inutile, rendant les recherches presque impossibles. En matière judiciaire ainsi, les magistrats doivent apporter la preuve de leurs soupçons pour obtenir la levée du secret bancaire…

On aurait par ailleurs beaucoup à dire sur l’Etat du Delaware, aux Etats-Unis, qui est, je le précise, l’Etat d’origine du vice-président actuel. Ne méconnaissons pas la duplicité de certains Etats.

Concernant la crise que nous traversons, comment interpréter l’explosion actuelle des profits bancaires ? Celle-ci n’est sans doute pas due au fonctionnement de l’économie réelle. Je suis très inquiet à ce sujet : j’ai le sentiment que certains cherchent juste à faire le dos rond pendant la durée de la crise, sans volonté réelle de réforme du système. Qu’y aura-t-il au-delà des discours ?

M. Philippe Cochet. Le constat qui est le vôtre est-il partagé ? Existe-t-il des divergences d’analyse ? Par ailleurs, d’autres pays ont-ils accompli un travail identique au vôtre ? Enfin, contrairement à notre collègue Jérôme Lambert, je pense que le verbe doit précéder les actes, mais que va faire la France ?

M. Daniel Garrigue, co-rapporteur. La France a des relations privilégiées avec Andorre et Monaco. Pour ce dernier Etat, nous avons des conventions et ce sont plutôt les autres pays qui n’ont pas d’accès aux informations qui leur seraient nécessaires. S’agissant d’Andorre, il faut rappeler que le président de la République en est l’un des deux co-princes.

Je partage tout à fait les inquiétudes quant à l’évolution de la liste noire de l’OCDE. Outre ces sorties « éclair », il est évident que les listes de l’OCDE ne sont pas assez rigoureuses. D’une part, certains Etats aux pratiques contestées, tels que Singapour ou l’Ile Maurice, ne sont pas inscrits sur ces listes là où l’on s’y attend. D’autre part, comment établir la distinction entre les « paradis fiscaux » et les « autres centres financiers », telle que résultant de la nomenclature OCDE, alors même que les critères d’opacité et d’existence du secret bancaire sont remplis dans les deux sous-ensembles ?

Concernant l’Etat du Delaware, il est vrai que sa fiscalité favorable est à l’origine de l’établissement en son sein d’un grand nombre de sièges sociaux de grandes entreprises. Il s’agit toutefois plus d’un problème interne aux Etats-Unis, que le pouvoir fédéral n’a peut-être pas d’ailleurs les moyens de résoudre.

Je partage les craintes face au risque d’attentisme et d’immobilisme. C’est le moment d’agir. La France a très tôt défendu une position critique sur l’évolution de la finance internationale, dès les années 1960 et sous l’influence de Jacques Rueff. Elle s’est toutefois moins battue sur ce front depuis quelques années.

Il faut à présent être offensif et obtenir du G 20 qu’il mette en place un questionnement d’ensemble sur les phénomènes monétaires et de change. Ce constat n’est évidemment pas partagé par tous, mais un grand nombre de spécialistes des questions financières et de magistrats que nous avons rencontrés le dressent aussi.

M. Gérard Voisin. Je regrette que l’on ne dispose pas de plus d’informations sur la situation en Suisse, alors que celle-ci continue à appliquer le secret bancaire et maintient l’opacité de son système financier. Par ailleurs, la crise n’a malheureusement pas provoqué de prise de conscience, comme en témoignent les bénéfices extrêmement élevés annoncés hier par la banque d’affaires américaine Goldman Sachs.

Face à cette situation, les responsables politiques européens doivent réagir avec force. Bien qu’étant libéral, je n’accepte pas que la recherche effrénée de la rentabilité financière mette en danger les petits épargnants, les plus faibles.

Mme Elisabeth Guigou, co-rapporteure. Le rapport aborde clairement le cas de la Suisse et souligne sa prépondérance sur le plan mondial. A ce sujet, le contentieux qui oppose la banque suisse UBS et les Etats-Unis à propos du secret bancaire constitue une étape importante, dont il conviendra de suivre les développements.

Au sein même de l’Union européenne, il est regrettable que le Luxembourg et le Royaume-Uni freinent les avancées. Ainsi, le Royaume-Uni a obtenu une restriction importante dans les conclusions du conseil Ecofin du 9 juin 2009 consacrées aux recommandations du rapport de Larosière sur la surveillance financière.

Comme vous l’avez souligné, les bonus des dirigeants de la banque Goldman Sachs sont particulièrement choquants. Nous insistons dans la conclusion du rapport sur le fait que la concurrence fiscale entre les Etats favorise la recherche de l’évasion fiscale à travers l’élaboration de mécanismes financiers complexes et conduit à des disproportions considérables entre les rémunérations des dirigeants d’un secteur financier hypertrophié et la rémunération du travail.

Ce n’est pas un hasard si la crise a débuté aux Etats-Unis en raison du surendettement des ménages modestes. Comme l’a souligné M. Mario Monti lors des rencontres du cercle des économistes à Aix-en-Provence le 5 juillet dernier, l’origine de la crise réside dans les inégalités.

Je tiens à mettre l’accent sur la question des marchés de gré à gré, sur laquelle M. Jean-Pierre Jouyet, Président de l’Autorité des marchés financiers, a attiré notre attention. De grandes entreprises émettent des titres et des plateformes, les « dark pools », opèrent les transactions dans des délais très court. Aucune chambre de compensation n’intervient et ces marchés échappent à toute régulation. Ce type de fonctionnement explique les fluctuations parfois incompréhensibles de matières premières comme le pétrole. Le G20 a pris conscience de cette faille dans notre propre système.

M. Jérôme Lambert. Ces fluctuations importantes des cours concernent également les denrées alimentaires, ce qui est susceptible de fragiliser davantage les plus faibles.

Mme Elisabeth Guigou, co-rapporteure. Vous avez tout à fait raison. J’en viens à la proposition de résolution. Je tiens à souligner, parmi les points importants, la proposition d’une centralisation dans chaque Etat des bénéficiaires de comptes bancaires, de fondations, trusts, sociétés offshore ou autres entités similaires, pour identifier les bénéficiaires des sociétés écrans. Il convient ensuite de concrétiser les décisions prises par le Conseil européen en matière de régulation financière, afin de parvenir à un système européen de supervision. Il faut également créer des chambres de compensation pour les produits financiers dérivés actuellement négociés de gré à gré. La proposition de résolution rejette par ailleurs la proposition de directive sur les hedgefunds. Elle demande aussi la transposition sans retard de la troisième directive anti-blanchiment.

M. Daniel Garrigue, co-rapporteur. Enfin, il convient de veiller à ne pas dépénaliser la criminalité et la délinquance financières.

Mme Elisabeth Guigou, co-rapporteure. Les magistrats que nous avons auditionnés ont souligné que cette dépénalisation leur enlèverait concrètement leurs moyens d’action. Si les enquêtes étaient confiées au Parquet, et non plus aux juges d’instruction, cela ne serait pas neutre.

A la suite à ce débat, la Commission a adopté la proposition de résolution suivante :

« L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2003/48/CE en matière de fiscalité des revenus de l'épargne sous forme de paiement d'intérêts (COM [2008] 727 final/n° E 4096],

Vu la proposition de directive du Conseil relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal (COM [2009] 29 final/n° E4264],

Vu la proposition de directive du Conseil concernant l'assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures (COM [2009] 28 final/n° E4267],

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur les gestionnaires de fonds d'investissement alternatifs et modifiant les directives 2004/39/CE et 2009/.../CE (COM [2009] 207 final/n° E4467],

Vu la recommandation de la Commission au Conseil visant à autoriser la Commission à ouvrir des négociations en vue de la conclusion d'accords entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la Principauté d'Andorre, la Principauté de Monaco et la République de Saint-Marin, d'autre part, pour lutter contre la fraude et toute autre activité illégale portant atteinte à leurs intérêts financiers et garantir la coopération administrative sous forme d'échange d'informations en matière fiscale et visant à autoriser la Commission à ouvrir des négociations en vue de la conclusion d'un accord entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la Confédération suisse, d'autre part, pour lutter contre la fraude et l'évasion dans le domaine de la fiscalité directe et garantir la coopération administrative sous forme d'échange d'informations en matière fiscale (SEC [2009] 899 final/n° E4555),

Vu la résolution législative du Parlement européen du 24 avril 2009 sur la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2003/48/CE en matière de fiscalité des revenus de l’épargne sous forme de paiement d’intérêts (COM(2008)0727 – C6-0464/2008 – 2008/0215(CNS)),

Vu la déclaration du Sommet du G20 de Washington du 15 novembre 2008, sur les marchés financiers et l’économie mondiale,

Vu les déclarations du Sommet du G20 de Londres du 2 avril 2009, notamment la déclaration des chefs d’Etat et de Gouvernement sur le Plan global de relance et de réforme, et la déclaration sur le renforcement du système financier,

Vu les recommandations du groupe de travail de haut niveau sur la supervision financière présidé par M. Jacques de Larosière, ancien directeur général du Fonds monétaire international,

Vu les conclusions du Conseil européen des 19 et 20 mars 2009,

Vu les conclusions du Conseil européen des 18 et 19 juin 2009,

Vu les conclusions du Conseil « Ecofin » du 9 juin 2009,

Vu la communication de la Commission européenne du 28 avril 2009 « Encourager la bonne gouvernance dans le domaine fiscal » (COM [2009] 201 final),

Vu la communication de la Commission européenne du 27 mai 2009 sur la surveillance financière européenne (COM [2009] 252 final),

Vu la communication de la Commission européenne du 3 juillet 2007 « Rendre les marchés de produits dérivés plus efficaces, plus sûrs et plus solides » (COM [2009] 332 final),

Considérant que les sommets précités du G20 ont permis de jeter les bases de l’indispensable refondation du système financier international, en prévoyant non seulement un renforcement de la régulation et de la supervision financières, mais aussi l’élimination des pratiques dommageables des juridictions non coopératives, y compris les paradis fiscaux et les centres offshore ;

Estimant néanmoins que la crise financière, économique et sociale est loin d’être finie et, par conséquent, qu’une mise en œuvre insuffisante de ces orientations serait désastreuse, notamment si elle cède aux pressions de certains milieux de la finance qui souhaitent que « tout puisse recommencer comme avant » ;

Considérant ainsi que le prochain sommet, qui aura lieu à Pittsburgh, les 24 et 25 septembre 2009 aura une responsabilité d’autant plus immense qu’il devrait aussi, ce qu’il n’a pas fait jusqu’à présent, adopter une approche très large englobant également les questions monétaires, notamment de changes et de déficits des paiements, ainsi que celle d’un juste prix pour les échanges de matières premières ;

Considérant que l’Union européenne et ses Etats membres doivent avoir, comme lors des deux précédents sommets du G20, un rôle moteur d’initiative et de proposition, en liaison notamment avec leurs principaux partenaires non européens et avec les grandes organisations financières internationales, le FMI et aussi la Banque mondiale ;

1. Considère que le prochain sommet du G20 :

a) doit prévoir une identification précise, exhaustive et complète des paradis fiscaux, centres offshore et juridictions non coopératives dans le cadre de trois listes, l’une fiscale établie par le Forum mondial sur la transparence et l’échange d’informations constitué par l’OCDE, l’autre financière et prudentielle, confiée au Conseil de stabilité financière et la troisième relative au blanchiment, établie par le GAFI ;

b) doit retenir, pour ces listes, une approche à la fois exhaustive, qui contrôle les pratiques, et pas seulement les intentions et les textes, et différenciée pour tenir compte sans amalgame de la situation de chaque pays ou territoire ;

c) doit également définir les conditions dans lesquelles ces listes devront être régulièrement mises à jour par des procédures d’évaluations mutuelles par les pairs ;

d) et surtout doit instituer des sanctions et les faire appliquer ;

2. Estime, s’agissant des questions fiscales :

a) que l’objectif doit être d’établir une transparence sans frontière la plus large possible et que l’Union européenne peut y apporter à très court terme une importante contribution en adoptant la proposition de révision de la directive « épargne », selon un dispositif renforcé suivant les orientations de la résolution précitée du Parlement européen du 24 avril dernier, ainsi que les propositions de directive sur la coopération administrative dans le domaine fiscal entre les Etats membres et sur l’assistance mutuelle au recouvrement ;

b) que, par conséquent, les règles actuellement prévues au sein de l’OCDE doivent être renforcées, d’une part, en relevant le nombre des conventions qui doivent être conclues, celui de douze risquant de s’avérer insuffisant à bref délai, et, d’autre part, en retenant à terme l’échange automatique d’informations comme norme internationale de transparence, plutôt que l’échange de renseignements sur demande prévu par la convention modèle OCDE de 2002 ;

c) et que la centralisation dans chaque Etat des bénéficiaires de comptes bancaires comme des bénéficiaires de fondations, trusts, sociétés offshore ou autres entités similaires doit à terme être promue comme norme universelle ;

3. Considère, s’agissant des questions prudentielles et financières :

a) que les décisions prises par le Conseil européen sur la nouvelle architecture européenne de supervision financière, directement inspirées des recommandations du rapport du groupe de travail présidé par M. de Larosière, constitue un indéniable progrès, à condition qu’elles soient rapidement concrétisées pour entrer en application, comme prévu, dès 2010 ;

b) que l’Union européenne doit faire valoir dans le cadre du prochain G20 cette réforme de l'architecture de la supervision financière européenne, mais que celle-ci, loin de constituer un aboutissement, doit être considérée comme une première étape en direction d’un véritable système européen de supervision unifié et intégré ;

c) que l’influence que l’Union européenne est susceptible d’exercer sur les décisions adoptées dans le cadre du G20 ne pourra continuer d’être significative que si l’Union européenne poursuit avec détermination son processus de réformes dans le sens de l'extension du champ de la régulation à l’ensemble des acteurs, marchés et produits susceptibles d’être impliqués dans des risques d'importance systémique ;

d) qu’à cet égard, il est très préoccupant de constater le retard pris en Europe sur la question de la création de chambres de compensation pour les produits financiers dérivés actuellement négociés de gré à gré ;

e) que le recours à de telles chambres doit impérativement devenir obligatoire pour tous les produits dérivés normalisés, notamment pour les produits de dérivés de crédits et de dérivés d’actions, et que l’effort préalable de normalisation de tous les produits dérivés doit être poussé le plus loin possible ;

f) que, pour ce qui concerne les fonds d’investissement alternatifs, le texte de la proposition précitée de directive relative aux gestionnaires de ces fonds n'est pas acceptable en l'état, au moins pour trois raisons : il ne distingue pas suffisamment le cas des fonds spéculatifs des autres fonds alternatifs, notamment des fonds de capital-risque dont le rôle pour le financement des entreprises est important ; il prévoit la possibilité, à l’issue d’un délai de trois ans, d’un « passeport européen » pour les fonds constitués dans les pays tiers, notamment dans les centres offshore ; il renvoie de manière imprudente à l’adoption de mesures d’exécution selon la procédure complexe de comitologie ;

g) que les exigences de la protection de l’épargne comme des investisseurs professionnels doivent amener l'Union européenne et ses Etats membres à ouvrir rapidement de nouveaux chantiers législatifs, notamment en ce qui concerne la responsabilité des dépositaires ;

4. Estime enfin que la lutte contre le blanchiment et la criminalité financière exige :

a) que la transposition de la troisième « directive anti-blanchiment » intervienne sans retard supplémentaire et que la prochaine Commission européenne s’assure que son dispositif correspond bien au plus haut niveau des normes préconisées par les recommandations du GAFI ;

b) de tirer parti des possibilités offertes par le traité de Lisbonne pour aboutir à un véritable espace judiciaire pénal européen ;

c) que les autorités françaises jouent pleinement leur rôle d’initiative et de proposition dans la préparation du très prochain programme de Stockholm, notamment par la promotion de la lutte contre le blanchiment et la criminalité financière comme priorité de ce programme, donnent les moyens nécessaires au plan national comme au plan européen aux magistrats spécialisés, notamment aux juges d’instruction, et veillent à ne pas davantage dépénaliser la criminalité et la délinquance financières ;

5. Souhaite enfin que la prochaine Commission européenne soit plus réactive et prenne davantage d’initiatives sur l’ensemble de ces questions et demande ainsi :

a) au Parlement européen comme aux gouvernements des Etats membres d’y veiller lors de la désignation du prochain président comme des futurs commissaires ;

b) aux commissions du Parlement européen d’interroger, lors des auditions préalables à leurs nominations, l’ensemble des personnalités proposées pour être commissaires, sur la lutte contre les paradis fiscaux, sur la régulation et la supervision financières, ainsi que sur la lutte contre le blanchiment et la criminalité financière. »

II. Examen du rapport d’information de M. Jérôme Lambert sur l’accord euro-méditerranéen d’association entre la Communauté européenne et la République arabe syrienne (E 2801 et E 4197)

M. Jérôme Lambert, rapporteur. Le partenariat euro-méditerranéen s’efforce de réunir 500 millions d’Européens et 300 millions de voisins majoritairement arabes dans un ensemble régional d’importance mondiale et s’est développé en trois étapes : une approche globale définie à Barcelone en novembre 1995 ; une approche plus différenciée grâce à la politique de voisinage créée en juin 2004 ; la recherche d’un nouvel élan grâce à la création de l’Union pour la Méditerranée en juillet 2008.

Les accords d’association euro-méditerranéens constituent l’un des instruments essentiels du partenariat euro-méditerranéen, mais, sur les dix pays partenaires méditerranéens fondateurs du partenariat en 1995, seule la Syrie n’a pas encore conclu un accord d’association avec l’Union européenne. Après une négociation technique de sept ans entre la Commission européenne et la Syrie, de 1998 à 2004, le Conseil n’a pas signé cet accord avec un Etat et pratiquant au Liban une occupation militaire et une tutelle politique. L’assassinat de l’ancien Premier ministre libanais, Rafic Hariri, le 14 février 2005, a ensuite bloqué pour longtemps le processus d’examen de cet accord.

Cinq ans après, l’évolution positive de la Syrie dans ses relations avec le Liban a permis à la France d’accueillir la Syrie au Sommet de Paris du 13 juillet 2008, créant l’Union pour la Méditerranée, et à la Commission européenne de négocier une actualisation purement technique de l’accord révisé qui a été paraphé, sous présidence française de l’Union, le 14 décembre 2008.

Cet accord offre à la Syrie une chance unique de transformation et mérite d’être approuvé en raison de l’approche constructive de ce pays depuis un an.

Cet accord, négocié avec le pays au départ le plus réticent, est plus substantiel que les accords précédents dans plusieurs domaines tels que la non-prolifération et la lutte contre le terrorisme. Il prévoit l’établissement progressif d’une zone de libre-échange pendant une période de transition de douze années et l’ouverture de la quasi-totalité des secteurs à l’investissement européen, à l’exception de certains secteurs actuellement réservés aux monopoles d’Etat.

L’application provisoire des dispositions de l’accord sur le commerce et les mesures d’accompagnement est également prévue, dans l’attente de sa ratification par l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne pour son entrée en vigueur.

Cet accord est favorable à la modernisation économique de la Syrie, à sa démocratisation et au rétablissement de sa coopération à la stabilisation de la région.

En premier lieu, il soutient la modernisation économique et l’intégration régionale d’un pays confronté à de nombreux défis intérieurs.

Le régime baasiste a organisé une économie autarcique réglementée reposant sur l’autonomie énergétique et l’autonomie alimentaire, mais l’épuisement de la rente pétrolière et la menace d’une pénurie d’eau ont remis en cause ces fondamentaux.

Pour conjurer le risque de marginalisation d’une économie administrée en train de perdre ses deux piliers, le Président Bachar Al Hassad décida en 2000 d’ouvrir la Syrie sur l’extérieur et de la transformer en économie sociale de marché, modèle confirmé officiellement en juin 2005.

Des réformes économiques ont été mises en œuvre mais, dans un contexte difficile, l’Union européenne offre une perspective de modernisation et d’intégration au marché mondial et régional sans équivalent, en tant que premier partenaire commercial de la Syrie et premier donateur.

En deuxième lieu, cet accord pourrait favoriser la démocratisation du régime sans provoquer sa chute.

L’Union européenne apparaît bien placée pour aider l’Etat et la société civile à organiser la démocratisation de la Syrie. En effet, contrairement aux Etats-Unis sous l’administration Bush, l’Union européenne n’a jamais cherché à faire tomber ce régime mais à favoriser sa démocratisation.

Elle doit prendre en compte le fait que la population souhaite la démocratisation, mais qu’elle est d’abord rétive à toute injonction occidentale sur la politique intérieure ou extérieure de son pays et que l’opposition a adopté une position autant nationaliste que réformatrice.

La précaution ne doit cependant pas conduire l’Union européenne à la complaisance. Même si nous ne posons pas de conditions préalables, nous attendons des évolutions notables dans ce pays.

Enfin cet accord permettrait de rompre l’isolement de la Syrie pour l’amener à contribuer à la stabilisation de la région.

La Syrie oscille depuis longtemps entre opposition et coopération avec l’Occident et la communauté internationale dans le règlement des crises régionales.

A partir de 2008, outre une normalisation progressive de ses relations avec l’Irak, la Syrie a répondu aux initiatives françaises et européennes par des signes d’ouverture importants sur le Liban et sur ses relations avec Israël.

Le 21 mai 2008, l’annonce concomitante de la signature de l’accord interlibanais de Doha et de l’existence de négociations indirectes entre la Syrie et Israël sous les auspices de la Turquie concrétisait l’évolution de la Syrie.

Le 13 juillet 2008, la Syrie et le Liban annonçaient, sous les auspices de la présidence française de l’Union européenne, qu’ils allaient établir des relations diplomatiques et échanger des ambassadeurs pour la première fois depuis la proclamation de leur indépendance il y a plus de soixante ans.

Les négociations indirectes lancées en mai 2008 entre Israël et la Syrie ont été suspendues en décembre après l’offensive de l’armée israélienne à Gaza. Cependant, la Syrie a montré une grande modération durant le conflit de Gaza et s’est déclaré prête à reprendre les négociations avec le nouveau gouvernement israélien.

Les Etats-Unis attendent toutefois d’autres gages de modération de la part de la Syrie pour consolider le rapprochement engagé avec ce pays.

Le Président Obama a renouvelé le 7 mai 2009 les sanctions contre la Syrie. Il a néanmoins décidé, le 24 juin, que le moment était venu de nommer un ambassadeur en Syrie quatre ans après le rappel de l’ambassadeur américain en 2005 pour protester contre l’assassinat de Rafic Hariri.

La Syrie n’obtiendra les contreparties qu’elle attend qu’en relançant sa démocratisation et en transformant son pouvoir de nuisance dans son soutien au Hezbollah et au Hamas en influence positive dans la région. L’Union européenne peut contribuer à faire évoluer cette situation dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen.

Le Conseil Affaires générales et relations extérieures des 14 et 15 septembre doit examiner l’accord euro-méditerranéen d’association avec la Syrie.

Compte tenu de l’évolution positive de la Syrie depuis un an, je propose que la Commission des affaires européennes approuve les propositions de décision du Conseil relatives à l’accord euro-méditerranéen d’association avec la Syrie.

M. Pierre Bourguignon. Le rapport a très bien présenté l’ensemble de la situation des relations avec ce pays, délicat à aborder, et, notamment, les forces économiques en présence. Pour cet accord euro-méditerranéen, il faut laisser le temps faire son œuvre, à la fois pour nos partenaires syriens et pour l’action européenne. Cela implique donc de ne pas changer constamment de stratégie.

Puis la Commission a approuvé ces textes et a autorisé la publication du rapport.

III. Examen de textes soumis à l’Assemblée nationale en application de l’article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport du Président Didier Quentin, la Commission a examiné des textes soumis à l’Assemblée nationale en application de l’article 88-4 de la Constitution.

Point B

Aucune observation n’ayant été formulée, la Commission a approuvé les textes suivants :

Ø Pêche

- proposition de règlement du Conseil portant modification du règlement (CE) n° 43/2009 en ce qui concerne les possibilités de pêche et les conditions associées applicables à certains stocks halieutiques (document E 4574) ;

Ø Questions budgétaires et fiscales

- avant-projet de budget rectificatif n° 8 au budget général 2009 – Etat des dépenses par section – Section III – Commission (document E 4243-8) ;

Ø Télécommunications

- projet de règlement (CE) de la Commission portant modalités d'application de la directive 2007/2/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les services en réseau (document E 4559).

Procédure d’examen en urgence

La Commission a pris acte de l’approbation, selon la procédure d’examen en urgence, des deux textes suivants :

- projet de règlement de la Commission modifiant l'annexe II du règlement (CE) n° 998/2003 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne la liste des pays et territoires (document E 4558) ;

- proposition de Décision du Conseil relative aux contributions financières à verser par les États membres pour financer le Fonds européen de développement (2tranche 2009) (document E 4562).

Accord tacite

En application de la procédure adoptée par la Commission le 29 octobre 2008 (virements de crédits), celle-ci a approuvé tacitement le document suivant :

- budget général - Exercice 2009 - Section III - Commission titres 06, 18 - Virements de crédits - Dépenses non obligatoires (document E 4564).

La séance est levée à 18 h 15