Conférence-débat franco-allemande
« L'Europe économique et financière »

Mercredi 23 juin 2010

 

 

 

 

Intervention de M. Antoine Veil

 

Avant tout, je voudrais remercier le Président Accoyer d'avoir organisé cet échange de vues, après sa rencontre avec son homologue allemand, le Président Lammert, qui a eu lieu le 29 mai dernier à Essen. La réunion d'aujourd'hui vient à point nommé, parce que l'Europe traverse aujourd'hui une phase critique de son évolution, sans que les menaces qui pèsent sur son existence soient toujours clairement perçues par les opinions publiques.

La crise qui a frappé la sphère financière et économique mondiale a pourtant mis à jour, dans une planète désormais désenclavée et multipolaire, la fragilité de la construction européenne, confrontée à la sphère américaine comme aux nouveaux empires émergents. La crise a rappelé que les marchés sont apatrides et que l'euro demeure une cible évidente, aussi longtemps que cette unité monétaire est fragilisée par l'absence d'un minimum de concertation économique et budgétaire. Edouard Balladur a indiqué, il y a quelques mois, que l'explosion de l'euro signifierait la mort de l'Europe. On ne saurait dire les choses plus clairement.

L'été dernier, le Premier Ministre, François Fillon, affirmait déjà que "la simple poursuite de la coopération institutionnelle entre la France et l'Allemagne ne suffit plus". Pierre Lellouche a, à juste titre, ajouté que l'Allemagne et la France doivent être capables de répondre aux besoins de l'Europe de demain par la promotion d'une stratégie industrielle qui puisse faire émerger des champions européens*, préparer la sortie de crise en investissant dans les secteurs d'avenir, et notamment la promotion des technologies propres, bâtir enfin l'indispensable indépendance énergétique de l'Europe en parallèle à une croissance décarbonée.

Par rapport aux objectifs ainsi fixés l'an passé, force est de constater le peu de progrès effectués. Pour les rescapés de ma génération, il demeure que la construction européenne n'a progressé, depuis la déclaration Schuman du 9 mai 1950, qu'au seul gré des initiatives franco-allemandes. C'est la raison pour laquelle il faut aujourd'hui mobiliser, par des signes forts, les opinions de nos deux pays, au-delà de la spécificité des politiques économiques et budgétaires suivies à Berlin et à Paris. Dans les deux capitales, les Parlements ont un rôle éminent à jouer pour réveiller cette flamme franco-allemande, sans alternative pour la construction européenne. Cette influence des Parlements, courroie de transmission avec les opinions publiques, peut s'exercer dans tous les domaines :

- qu'il s'agisse de cadrer l'économie de marché par une régulation effective, dont Jean-Pierre Jouyet va nous parler,

- qu'il s'agisse d'entourer l'euro par la concertation économique et budgétaire nécessaire, on l'a vu dans le cas de la Grèce, pour prévenir les agressions contre les dettes souveraines,

- qu'il s'agisse de relancer des initiatives dans des domaines aussi divers que la politique étrangère, la défense, la recherche, l'industrie, tous domaines dans lesquels on voit bien que des corrections de trajectoire s'imposent.

 

 

 

* ce qui, par parenthèse, tourne le dos au jusqu'auboutisme concurrentiel de la Commission, destructeur de substance économique