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PROJET DE LOI

autorisant l’adhésion à la convention des Nations Unies de 1997

sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau internationaux

à des fins autres que la navigation.

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FICHE D’IMPACT

I. - Situation de référence, objectifs de la convention :

La gestion de cours d’eau internationaux est régie par plusieurs instruments internationaux ou régionaux : la France est ainsi liée par les obligations de bonne concertation et de consultation avec les Etats riverains découlant de son appartenance à des commissions internationales de protection de cours d’eau (Escaut, Moselle, Rhin, Meuse) ou de lacs (Léman), son appartenance à la convention de 1992 de la Commission économique pour l’Europe des Nations unies (CE-NU 1992, dite convention d’Helsinki) sur la protection et l'utilisation des cours d'eau trans-frontières et des lacs internationaux, ou découlant de la directive-cadre européenne sur l’eau.

En revanche, il n’existe à ce jour aucun instrument international universel permettant de définir sur le plan mondial des principes internationaux en matière de protection et de gestion des cours d'eau internationaux.

Le besoin est d’autant plus important que les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), découlant de la Déclaration du Millénaire adoptée par 189 nations lors du Sommet du Millénaire de septembre 2000, fixent en matière d’environnement d’ici 2015 un objectif général de réduction de moitié de la part de la population mondiale n’ayant pas d’accès durable à un point d’eau amélioré (objectif 7, cible C). Cet objectif a été complété en 2002 dans le Plan d’action du Sommet de la Terre de Johannesburg par une cible « assainissement », qui vise la réduction de moitié de la part de la population mondiale n’ayant pas d’accès durable à un assainissement amélioré. Or une fraction non négligeable de la population mondiale vit aujourd’hui dans des bassins hydrographiques partagés et dépend en conséquence de ressources en eau circulant à travers le territoire de plusieurs Etats, dont la quantité et la qualité doivent être protégées, pour assurer la satisfaction des différents besoins (eau potable, agriculture, usages productifs), tant à l’amont qu’à l’aval des bassins. C’est notamment le cas en Afrique, en Asie et en Amérique latine. Il paraît d’autant plus nécessaire de chercher à répondre aux problèmes concernant l’eau douce de manière collective, en agissant à l’échelle mondiale pour soutenir des actions nationales, régionales ou locales.

II. - Conséquences de la convention

Au regard des enjeux qui viennent d’être présentés, l’entrée en vigueur de la convention de 1997 aurait une valeur pédagogique essentielle pour promouvoir la concertation entre les Etats riverains de cours d’eau internationaux et la négociation d'accords locaux pour la gestion partagée des cours d'eau trans-frontières pour des usages autres que la navigation.

Elle permettrait en particulier de doter les pays en voie de développement qui en sont dépourvus d'un cadre juridique favorisant la coopération au niveau des bassins. Dans un contexte de fort développement démographique de certaines régions du monde riveraines de grands fleuves internationaux, et de pression croissante pour accéder aux ressources en eau, et dans un monde où les 2/3 des bassins hydrographiques de la planète s’étendent sur le territoire de plusieurs Etats et où près de 145 pays sont riverains de cours d’eau partagés entre plusieurs Etats, elle offrirait par là même un instrument de paix et de stabilité indispensable pour assurer le dialogue et la concorde entre les nations partageant des ressources en eau communes, dans un contexte où les tensions risquent de s’aggraver du fait des impacts du changement climatique.

- Impact en matière d'intérêt scientifique :

La convention institue des mécanismes d’échanges d’information et de données de nature à faciliter la circulation des travaux de recherche, l’élaboration de comparaisons internationales plus fiables, l’étalonnage et la mesure des informations, les rencontres entre experts et scientifiques.

- Impact en matière d'emploi :

La mise en place de cadres de concertation entre Etats riverains dans des régions qui en sont actuellement dépourvues, en particulier dans les pays en voie de développement, est un facteur potentiel de développement économique (stabilité, projets communs), dont les effets positifs pourront se mesurer notamment en termes de création d’emplois.

- Impact en matière financière :

En promouvant la concertation régionale et internationale en matière de gestion des cours d’eau, la convention encourage le dialogue et les programmes de coopération entre les Etats riverains. Elle peut contribuer de cette façon à assurer une meilleure gouvernance locale des ressources et à influencer de façon positive le contexte économique et financier (meilleure allocation des ressources en eau, choix plus rationnels, effets de leviers, réduction des gaspillages, développement, plans de gestion, etc).

Pour la coopération française, il s’agit d’une garantie supplémentaire de succès pour nos programmes de développement fondés sur l’appui à la gestion intégrée des ressources en eau transfrontalières. La France intervient sur plusieurs bassins, en particulier celui du Niger, du Sénégal, du Nil, du Mekong, du Congo et de la Volta, définis comme prioritaires. Ses appuis concernent le renforcement des autorités de bassin et la mise en œuvre des politiques d’aménagement des bassins, de développement des ressources et de partage des bénéfices, sous forme de subventions et d’assistance technique (ministère des affaires étrangères et européennes, Agence française de développement, Fonds français pour l’environnement mondial), mais aussi de prêts sur les opérations d’infrastructure (AFD, secteur privé), souvent au sein de cadres de coopération des partenaires techniques et financiers.

La convention doit faciliter, par le dialogue et l’encouragement à des processus de « vision partagée », le développement de mécanismes financiers durables, adaptés à la gestion patrimoniale de la ressource, à la construction et à la maintenance des infrastructures (dont les grands barrages hydroélectriques aux impacts transfrontaliers) et au fonctionnement des organismes de bassin. Les contributions financières des Etats membres des organismes de bassin transfrontaliers, la mise en place éventuelle de redevances de type pollueur-payeur ou de taxes sur les bénéfices produits par l’exploitation des ressources en eau sont autant d’outils qui, décidés et appliqués en concertation entre les Etats voisins dans le cadre de la convention, doivent contribuer à la meilleure gestion des ressources partagées et renforcer les chances de succès et de viabilité de projets mis en place avec l’appui du contribuable français.

- Impact administratif :

La convention prévoit des procédures d’échanges d’informations. Les Etats du cours d’eau sont en effet invités à procéder à l’élaboration et à l’échange régulier de données d’ordre hydrologique, météorologique, hydrogéologique, écologique et concernant la qualité de l’eau. Lorsqu’un Etat projette la mise en œuvre de mesures pouvant avoir un impact négatif sur d'autres Etats, il est soumis à l’égard de ces autres Etats riverains à une obligation de notification ainsi qu’à la transmission de données techniques et de l’information disponible sur le sujet, y compris le résultat d’études d’impact sur l’environnement. Ces procédures de notification, les échanges d’information et les consultations qui en découlent ainsi que la mise en oeuvre des mesures projetées sont soumis à des délais.

Ces procédures n’entraînent toutefois pas une charge administrative supplémentaire au regard des procédures déjà existantes dans le cadre de la réglementation en cours. Pour la France, hormis le cas évoqué au prochain paragraphe, tous les cours d'eau sont concernés par les coordinations prévues au titre de la directive-cadre européenne sur l'eau (article 3). Ces coordinations sont déjà effectives. Elles se déroulent dans le cadre des commissions internationales de fleuves ou, à défaut, dans le cadre de consultations transfrontalières ad hoc. En outre ces procédures sont indispensables à l’objectif recherché de développement de la coopération internationale en matière de gestion des cours d’eau internationaux. Par ailleurs, la convention permettra de clarifier certains éléments de droit coutumier (par exemple en ce qui concerne l’étendue des obligations de partage des données).

- Impact sur l'ordonnancement juridique :

La convention peut jouer un rôle bénéfique en ce qui concerne la promotion du droit relatif aux eaux partagées. Elle apportera un cadre universel souple mais incitatif à la gestion des bassins transfrontaliers à travers le monde : elle pourra servir de référence à l’élaboration de traités régionaux. Dans les régions du monde qui sont dépourvues de tels accords sur les cours d’eaux internationaux, elle pourra encourager leur mise en place. Cette possibilité concerne pour la France le département de la Guyane, les fleuves frontaliers de l’Oyapock et de la Guyane ne donnant actuellement pas lieu à des accords internationaux avec les Etats riverains. Lorsque de tels accords existent déjà mais n’engagent pas tous les Etats riverains, elle pourra inciter à l’élargissement ou la modernisation de ces dispositifs.

L’entrée en vigueur de la convention fera de cet instrument une source centrale de droit international et de référence en matière d’eaux continentales partagées, même pour les Etats non-membres, et contribuera à l’application d’autres accords internationaux sur l’eau.

III. - Historique des négociations de la convention :

La convention relative à l’utilisation des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation a été adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 21 mai 1997. Le vote de 1997 avait cependant été un semi-échec en raison non seulement de l’hostilité d’Etats envers la négociation d‘un cadre général sur les eaux transfrontalières (Chine, Turquie, Burundi), mais aussi de l’abstention d’un certain nombre de pays (27, dont à l’époque la France), qui craignaient que le texte n’engage excessivement les responsabilités des Etats d’amont. Ce contexte international a évolué depuis une décennie, non seulement du fait de l’action d’organisations internationales non-gouvernementales du secteur de l’environnement qui ont fait campagne depuis plusieurs année pour la ratification, et ont lancé des appels répétés en faveur d’une relance du processus qui avait marqué le pas à la suite du scrutin de 1997, mais aussi du fait de l’évolution du contexte juridique international, devenu plus incitatif depuis une dizaine d’années en ce qui concerne l’utilisation des ressources en eau : adoption en 1998 des lignes directrices de l’UE pour la coopération au développement dans le domaine des ressources en eau de 1998, qui se réfèrent expressément à la convention de l’ONU comme à un instrument clé pour la gestion intégrée des fleuves transfrontaliers ; adoption de la Directive Cadre européenne sur l’Eau (DCE) en 2000 ; développement d’actions de coopération autour d’Agences de Bassin associant plusieurs pays en Afrique.

IV. - Etat des ratifications :

La convention a recueilli à ce jour dix-sept ratifications ou adhésions. Il en manque 18 pour son entrée en vigueur.

Les 17 Parties actuelles à la convention appartiennent à l’Union Européenne (Allemagne, Finlande, Hongrie, Pays-Bas, Portugal, Suède) et à son voisinage (Norvège), mais aussi au Proche-Orient et au bassin méditerranéen (Tunisie, Liban, Syrie, Jordanie, Irak, Qatar), à l’Afrique (Afrique du Sud, Namibie, Libye) et à l’Asie Centrale (Ouzbékistan). La dernière ratification a eu lieu le 22 avril 2009 (Tunisie). D’autres pays ont signé la convention il y aquelque années mais ne l’ont pas encore ratifiée depuis (Côte d’Ivoire (1998), Luxembourg (1997), Paraguay (1998), Vénézuéla (1997), Yémen (2000).

Les 17 Parties actuelles sont susceptibles d’être rejointes dans des délais proches par une dizaine d’Etats supplémentaires dont les représentants, lors du Cinquième Forum Mondial de l’Eau d’Istanbul, en mars 2009, ont annoncé l’intention de leurs autorités d’obtenir dans des délais rapides une adhésion de leur pays. Ces nouvelles adhésions concerneraient notamment l’Europe (outre la France, si elle décide d’y adhérer, l’Espagne, l’Estonie, la Slovénie), l’Asie (Bengladesh) ainsi que des pays de l’Ouest africain (Bénin, Burkina, Ghana, Sierra Léone, Tchad). Les experts et représentants de ce continent avaient déjà lancé à Dakar, en septembre 2007, un appel pour que l’ensemble des pays d’Afrique de l’Ouest ratifie la convention de 1997 et contribue ainsi à accélérer son entrée en vigueur sur le plan international. Au rythme des annonces actuelles, la perspective d’une entrée en vigueur semble désormais se rapprocher et pourrait intervenir au cours des deux ou trois prochaines années.

V. - Déclarations, Réserves :

Le Gouvernement français n’envisage pas de faire de déclarations ou de réserves.


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