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Projet de loi

modifiant le code de la défense et relatif à la reconversion des militaires

Etude d’impact

Décembre 2009

Sommaire

1-  Situation de référence – difficultés à résoudre.………….………………………………p 3

2- Objectifs poursuivis…………………………………………………………………..…….p 7

3- Options possibles et dispositions proposées………………………………...……………..p 7

3.1 Le bilan professionnel……………………………………………………………………...p 7

3.2 Une adaptation des modalités du congé de reconversion…………………………………..p 7

3.3 La création du congé pour création ou reprise d’entreprise………………………………..p 8

4- La nécessité du recours à la loi……………………………………………………………p 8

5- Impacts des dispositions envisagées……………………………………………………….p 9

5.1. Impact budgétaire…………………………………………………………………………..p 9

5.1.1. Impact budgétaire des nouvelles modalités proposées pour le congé de reconversion…..p 9

5.1.2. Impact budgétaire de la création proposée du congé pour création ou reprise d’entreprise

5.2. Impact social………………………………………………………………………………p 10

5.3. Impact administratif……………………………………………………………………….p 11

5.3.1 L’impact administratif de l’évolution proposée du congé de reconversion…………… p 11

5.3.2 L’impact administratif de la proposition de création du congé de création ou reprise d’entreprise…………………………………………………………………………………….p 12

5.4. Impact juridique…………………………………………………………………………...p 12

5.5. Impact sur l’emploi public………………………………………………………………...p 13

6- Compatibilité et articulation avec le droit européen et de l’Union en vigueur…….….p 13

7- Conditions d'application des dispositions envisagées dans les collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises……………………………………………………………………….p 13

8- Consultations menées avant la saisine du Conseil d'Etat……………………………….p 13

1- Situation de référence – difficultés à résoudre

La reconversion constitue un droit pour les militaires, garanti par le statut général, en contrepartie des sujétions particulières liées tant à l’état de militaire qu’à la durée courte des parcours professionnels dans les armées.

Ce principe, posé à l’article L. 4111-1 du code de la défense, trouve sa traduction dans différents dispositifs statutaires aux articles L. 4139-1 et suivants du même code :

- dispositifs d’accès à la fonction publique civile (conditions d’accès aux concours de recrutement, procédure dite du « détachement intégration » - ex-loi n° 70-2, principe de l’accès aux corps de la fonction publique par la voie du détachement, emplois réservés) ;

- dispositifs d’aide au départ (dispositifs d’évaluation et d’orientation professionnelle, formation professionnelle -au moyen du congé de reconversion et du congé complémentaire de reconversion-, congé du personnel navigant, pécule des officiers de carrière, disponibilité, prime des officiers servant en vertu d’un contrat).

Ces outils statutaires (hors les outils financiers) sont mis en œuvre par l’Agence de reconversion de la défense, créée en début d’année 2009 (arrêté du ministre de la défense du 10 juin 2009) pour se substituer aux chaînes de reconversion des armées et formations rattachées. Chaque armée disposait jusque là de sa propre structure nationale, régionale et locale de reconversion. Cette organisation trop segmentée et dispersée était devenue un handicap au regard des objectifs d’efficacité et d’équité en matière de reconversion.

Dans la nouvelle organisation, consécutive à la création de l’Agence et à la mise en place progressive des Bases de Défense, ne subsistera donc qu’une seule chaine de reconversion développée sur trois niveaux : national (l’Agence), régional (10 « pôles reconversion »1) et local (antenne reconversion de l’Agence dans chacune des 78 Bases de Défense2).

En pratique, sur les 33 604 militaires ayant quitté l’institution militaire en 2008 (soit 9 % de plus que pour l’exercice 2007), 14 072 candidats au départ (représentant 61 % des ayant droit) ont sollicité un accompagnement par les chaines de reconversion. Parmi ces bénéficiaires, 66 % ont été reclassés, dans le secteur privé ou le secteur public. Si l’on retranche les candidats à la reconversion qui ont trouvé un emploi sans attendre la fin des prestations (2 497), le taux de reclassement s’établit à 70 %.

L’augmentation régulière des départs de l’institution militaire s’accompagne donc d’une augmentation parallèle du nombre de militaires sollicitant le bénéfice des outils de reconversion et du nombre de reclassements dans le secteur civil.

Certaines limites des règles en vigueur se font jour dans ce contexte.

Tout d’abord, la mise en œuvre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), réforme globale et profonde de l'Etat voulue par le Président de la République, constitue un enjeu majeur pour l’amélioration du fonctionnement du ministère de la défense et l’optimisation de ses coûts.

En effet, les objectifs ambitieux de réorganisation et de restructuration du ministère de la défense ne seront atteints que si le nombre de départ des militaires s'accroît massivement. Le nouveau contrat opérationnel des armées, tel que défini par la loi de programmation militaire pour 2009-2014 (2009-928 du 29 juillet 2009), prévoit ainsi une diminution des effectifs militaires et civils de 54 000 personnes sur toute la période.

Parmi les outils mis en œuvre pour atteindre ces objectifs, certains ont une nature spécifique et temporaire (pécule d’incitation des militaires à une seconde carrière, politique de recrutement et de renouvellement des contrats, amélioration des voies de passage vers la fonction publique,…).

S’agissant de la reconversion des militaires, les dispositifs en vigueur ont une nature tout à fait pérenne, distincte des outils d’accompagnement des réorganisations de défense. Toutefois, l’ampleur et la durée des restructurations à conduire nécessitent la mise en œuvre de dispositifs plus performants et l’amélioration des outils existants.

Un premier mouvement d’ampleur a été opéré début 2009 avec la création de l’Agence de reconversion de la défense, par le regroupement des chaines de reconversion des armées, la plus grande professionnalisation des acteurs de la reconversion et le recours plus important aux intervenants extérieurs, qui a permis de commencer à prendre en compte ces nécessités nouvelles.

Par ailleurs, certains outils qui avaient, dans un premier temps, été envisagés dans le cadre de la rénovation de la politique de reconversion, ont finalement été retenus dans le cadre des restructurations de défense (notamment le pécule d’incitation à une seconde carrière, créé par l’article 149 de la loi de finances pour 2009 et l’indemnité spéciale de préparation de la reconversion, créée par un décret du 30 décembre 2008).

Ces adaptations, dont les effets ne sont pas encore mesurables, constituent une avancée notable mais sans doute encore insuffisante en matière de reconversion des militaires.

En deuxième lieu et au-delà de la mise en œuvre des orientations de la RGPP et du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, plusieurs études, ainsi que l’évolution récente des politiques publiques en matière de mobilité professionnelle, dans le secteur privé comme dans le secteur public, ont relevé le manque d’adaptation de certains outils statutaires.

Ainsi, un rapport de l'inspection générale des affaires sociales et du contrôle général des armées sur la fonction reconversion dans les forces armées de juin 2006 mentionnait que « […] Dans sa configuration actuelle, le dispositif de reconversion ne concerne qu’une partie des militaires qui quittent les armées. En effet, seuls ceux de plus de 4 ans de service peuvent bénéficier de l’ensemble des prestations de reconversion […] ».

Parallèlement, le 1er rapport du Haut Comité d’évaluation de la condition militaire (6 février 2007) rappelait que « […] Le tiers des militaires radiés des cadres en 2005 sont en effet entrés dans le dispositif d’indemnisation du chômage pour une durée moyenne de 10 mois. Ce phénomène est sensible pour les militaires du rang puisqu'il a concerné en 2005 48 % des partants. Le Haut Comité a, en particulier relevé le nombre important d'anciens militaires, et notamment d'anciens militaires du rang ayant effectué une carrière courte, inscrits à l’ANPE après leur radiation des cadres […] » et que « […] Le Haut Comité a en outre été surpris par la proportion élevée de militaires quittant les armées sans perspective d’emploi civil à court terme. Il recommande :

- de procéder à une analyse approfondie de cette situation afin de mieux en percevoir la réalité et les causes ;

- de mettre en place les moyens permettant de prévenir ces difficultés de reconversion, notamment pour les militaires du rang […] ».

Ces insuffisances ont encore récemment été relevées par le Haut-comité d’évaluation de la condition militaire (HCECM), dans son 3ème rapport, rendu en juin 20093, s’agissant par exemple du manque de prise en compte des besoins des militaires ayant effectué moins de quatre années de service ou du manque de prise en compte des souhaits des militaires dans l’attribution des prestations.

Plus précisément, le Haut comité a noté la faiblesse des éléments dont disposaient les armées pour apprécier l’efficacité de leur politique, la dispersion des efforts conduits, et le professionnalisme limité des personnels affectés sur le terrain à la politique de reconversion. La création de l’agence de reconversion de la défense doit aider à remédier à ces difficultés.

Le haut comité a également relevé que 61% des militaires ayant quitté les armées en 2007 n’ont pas eu recours aux dispositifs de reconversion. Cela tient partiellement à ce qu’un certain nombre de militaires ont préparé seuls leur reconversion et savent ce qu’ils vont faire en quittant l’armée. D’autres militaires partent simplement en retraite et, à ce titre, n’ont pas la nécessité de poursuivre une activité professionnelle.

Néanmoins, 25 % des militaires du rang connaissent une situation de chômage dans l’année suivant leur départ des armées et environ 8500 anciens militaires sont inscrits au chômage, pour une durée moyenne de 337 jours, avec une part prépondérante des militaires ayant quitté les armées entre 4 ans et 7 ans de service. Le Haut comité a par ailleurs noté que seuls 60 % des militaires quittant l’institution sont éligibles à l’ensemble des prestations de reconversion. Le Haut comité a enfin relevé aussi que le coût des prestations de formation représentait 77 % des dépenses de reconversion, dont plus de 60% consacrées à des formations sur mesure.

Le Haut comité a en conséquence procédé à un assez grand nombre de recommandations, portant davantage sur la conduite de la politique de reconversion, que sur les outils utilisés ; outre des recommandations en matière de pilotage, il a recommandé de structurer le dispositif autour des problématiques spécifiques à trois catégories de militaires :

- ceux quittant les armées avant 4 ans de service ;

- ceux quittant les armées près une carrière courte ;

- ceux quittant les armées après une carrière longue.

Par ailleurs, les préconisations du rapport du Haut comité portent pour l’essentiel sur l’organique et sur la gestion des outils en vigueur. Or, le projet de loi se situe en dehors du champ de la gestion.

Au total, il ressort des différentes études précitées, en premier lieu, que la nécessité de la reconversion n’est pas suffisamment prise en compte en amont, pendant le parcours professionnel des militaires. Nombre de militaires quittent l’institution dépourvus de qualifications facilement transposables dans le secteur civil, alors qu’une détection plus en amont de ce décalage pourrait permettre à ces militaires, tout en poursuivant leur parcours professionnel dans les armées, de se préparer, dans le cadre ou en dehors de l’exercice de leurs fonctions, au retour à la vie civile. A titre d’exemple, le 3ème rapport du HCEM (juin 2009) a relevé que seules 64 demandes de validation des acquis de l’expérience (VAE) de militaires avaient abouti en 2007.

Par ailleurs, certains outils mis en œuvre au moment de la reconversion, si leur efficacité n’est pas intrinsèquement remise en cause4, apparaissent comme particulièrement rigides au regard de la diversité des parcours de formation proposés dans le secteur civil. Ainsi, le congé reconversion, d’une durée fixe maximale de six mois, exécuté immédiatement avant la radiation des cadres ou des contrôles, d’une part, ne permet pas aux militaires d’avoir accès à des formations fractionnées et plus étalées dans le temps et, d’autre part, présente un caractère dissuasif. Ainsi, si le nombre de militaires ayant bénéficié d’un congé de reconversion a légèrement augmenté en 2008 par rapport à 2007 (5 105 contre 4 679), il reste faible au regard du nombre total de militaires ayant quitté les armées. De même, alors que la durée maximale du congé est de 6 mois, le 3ème rapport du HCECM (juin 2009) relève que « la durée moyenne des congés […] s’établit à 3 mois dans toutes les armées », ce qui témoigne de la relative inadaptation du dispositif aux besoins réels en formation des militaires.

En outre, l’exclusion du bénéfice du congé de reconversion pour les miliaires ayant effectué moins de quatre de service prive statutairement 38 % des militaires quittant les armées du congé de reconversion5. Sur ce point, le HCECM recommandait dans son 3ème rapport (juin 2009) « d’étudier les mesures supplémentaires permettant d’augmenter significativement le nombre de militaires bénéficiant d’une évaluation et d’une orientation professionnelle avant leur départ », sachant que l’augmentation constatée du nombre de prestations d’orientation accordées entre 2004 et 2007 a bénéficié aux seuls militaires de plus de quatre ans de service.

Enfin, certaines politiques de l’Etat, notamment l’encouragement à la création d’entreprise, ne sont que partiellement prises en compte dans la reconversion des militaires, alors que des dispositifs en la matière ont été instaurés au profit des agents civils de l’Etat. Là encore, si l’efficacité des outils existants n’est pas remise en cause6, ils apparaissent comme insuffisamment incitatifs. Ainsi, en 2008, seuls 202 militaires ont bénéficié d’un parcours individuel du créateur (PIC).

D’une manière générale, il est rappelé que les dispositifs d’aide au retour à la vie civile constituent un facteur essentiel de l'attractivité des carrières militaires, qui est l'un des fils directeurs de la réforme de la politique des ressources humaines militaires ayant abouti aux nouveaux statuts particuliers publiés au Journal officiel le 16 septembre 2008 : il importe d’assurer aux candidats à un engagement dans les armées, s’agissant de carrières souvent courtes, que l’institution leur offrira le moment venu des opportunités facilitant leur retour à la vie civile dans de bonnes conditions.

Parallèlement, les parcours professionnels dans le secteur civil vont aller en s’allongeant de manière progressive et durable, compte tenu des évolutions démographiques. Les armées ne sauraient donc se contenter d’inciter ou d’accompagner les départs : elles doivent impérativement offrir aux militaires quittant l’institution les moyens d’une reconversion professionnelle.

A cette fin, le ministère de la défense doit donc disposer d’instruments lui permettant de prendre en compte très en amont l’évolution professionnelle future des militaires et, au moment de la reconversion, d’outils juridiques souples et non dissuasifs donnant, au moins temporairement, un droit à l’erreur au militaire en reconversion.

2- Objectifs poursuivis.

L’objectif principal de la réforme envisagée est double : celle-ci vise, d’une part, à améliorer l’efficacité des outils de la reconversion des militaires, particulièrement mais pas seulement, en période de restructurations de l’outil de défense (celles-ci devant conduire à opérer une déflation d’environ 6 000 personnels par an jusqu’à la fin de 2014) et, d’autre part, à les adapter aux évolutions des nouveaux statuts particuliers des militaires, des structures du marché civil du travail et à l’allongement progressif de la durée du travail.

En définitive, cette réforme vise à compléter l’ensemble de mesures déjà engagées, notamment la création de l’Agence de reconversion de la défense début 2009, et la publication des nouveaux statuts particuliers des militaires en septembre 2008 qui, en rendant les carrières militaires plus fluides mais également plus sélectives, imposent une prise en compte et un renforcement des parcours de réorientation et de reconversion dès l’entrée dans le statut.

3- Options possibles et dispositions proposées.

De façon à atteindre les objectifs explicités ci-dessus, les orientations suivantes ont été retenues.

3-1 Le bilan professionnel

Il convient tout d’abord de mieux prendre en compte, dès le début du parcours dans l’institution militaire, l’avenir potentiel de chaque individu, au sein ou en dehors des armées. Un outil sera donc proposé : le bilan professionnel de carrière. Ce bilan instaure un parcours de reconversion plus souple et efficace. Il replace le militaire et son projet professionnel au cœur de la politique de reconversion. Le militaire est informé tout au long de sa carrière sur ses possibilités de parcours au sein des armées, de réorientation et de départ dans les meilleures conditions possibles.

Le dialogue avec le gestionnaire est renforcé. En effet, parallèlement aux rendez-vous d'orientation effectués périodiquement par l'employeur, les militaires, quels que soient leurs grades et leurs statuts, bénéficieront de bilans professionnels de carrière à intervalles réguliers tout au long de leur carrière, effectués cette fois-ci par leur gestionnaire.

Cet outil relevant du niveau réglementaire, il fait l’objet d’un projet de décret en cours d’instruction.

3-2 Une adaptation des modalités du congé de reconversion

Il importe ensuite d’assouplir les modalités du congé de reconversion pour l’adapter à la diversité des parcours de formations du secteur civil. Il est donc proposé d’instaurer un congé rénové de reconversion, dans la limite de 120 jours par an (qui correspond à la durée actuelle de six mois). Ce congé pourrait être pris de manière fractionnée lorsque la formation suivie ou l'accompagnement vers l'emploi l'exige. Parallèlement, un congé de 20 jours serait ouvert pour les militaires totalisant moins de 4 années de services militaires, population particulièrement touchée par les difficultés de reconversion. Ce congé, pris sur demande agréée par le gestionnaire au vu du plan de reconversion, compterait pour les droits à avancement et à pension.

3-3 La création du congé pour création ou reprise d’entreprise

Il est enfin important, au regard des politiques publiques mises en œuvres depuis quelques années en la matière, d’encourager à la création et à la reprise d’entreprise par les militaires. Dans cette optique, il est proposé de créer un congé pour création ou reprise d'entreprise. Pendant du dispositif de cumul d’activités applicable aux fonctionnaires depuis la loi du 2 février 2007, ce congé serait d'une durée maximale d'un an, renouvelable une fois, et permettrait au militaire de percevoir une rémunération équivalente à celle de son grade, diminuée de moitié en cas de renouvellement. Sur sa demande, le militaire pourrait exceptionnellement faire cesser ce congé.

4- La nécessité du recours à la loi

Le recours à la voie législative s’impose juridiquement pour l’assouplissement du congé de reconversion en ce qu’il modifie des dispositions législatives du code de la défense (article L. 4139-5) qui déterminent les conditions d’accès et le cadre de mise en œuvre du congé de reconversion et du congé complémentaire de reconversion7 .

A défaut, il pourrait être apporté des modifications superficielles au dispositif en vigueur, par des mesures de gestion : sélection différente des candidats, orientation dans certains types de formation, augmentation du volume global de congés,… Néanmoins, ces orientations en gestion, pour utiles qu’elles soient, s’inscriront toujours dans un cadre juridique figé et insuffisamment adapté aux nouveaux modes de formation ou d’orientation professionnelles.

Le congé pour création ou reprise d’entreprise crée une nouvelle position statutaire et relève de ce fait du domaine de la loi. De même que pour le congé de reconversion, des adaptations sont possibles en gestion, telles que l’augmentation du volume accordé, dans le cadre du congé de reconversion, de parcours individuel du créateur. Néanmoins, l’interdiction faite aux militaires de diriger une entreprise parallèlement à leurs activités militaires, outre le fait qu’elle les place dans une situation moins favorable que les fonctionnaires, constituera toujours un frein à la création ou à la reprise d’entreprise.

5- Impacts des dispositions envisagées.

5.1. Impact budgétaire.

5.1.1. Impact budgétaire des nouvelles modalités proposées pour le congé de reconversion

La première disposition du projet de loi, relative au congé de reconversion assoupli et ouvert aux militaires ayant effectué moins de quatre ans de services militaires, apportera une amélioration attendue, à terme, du taux de reclassement des anciens militaires dans le secteur civil, ce qui devrait entraîner à la fois une diminution du coût de l’indemnisation du chômage supporté par le ministère de la défense et une augmentation des cotisations perçues par les organismes sociaux.

Ces éléments, qui ne seront perceptibles qu’à l’issue de quelques années de mise en œuvre et dépendent pour une large part de l’investissement personnel et du projet professionnel des individus reconvertis, ne sont pas chiffrables ni même évaluables.

Il est néanmoins précisé sur ce point que si le nombre de militaires reclassés a progressé en 2008 par rapport à 2007 de manière plus rapide que le nombre de militaires ayants droit au dispositif de reconversion (+ 32 % contre + 8 %), plus de 4 500 militaires ayant fait l’objet d’un accompagnement en 2008 n’ont pas été reclassés (un tiers du total). Dans l’hypothèse où, parmi ces 4 500 militaires, 500 d’entre eux bénéficieraient d’un reclassement professionnel effectif du fait exclusif des nouvelles modalités du congé de reconversion, la diminution du coût de l’indemnisation du chômage par le ministère de la défense pourrait être estimée à environ 5 millions d’euros par an8.

5.1.2. Impact budgétaire de la création proposée du congé pour création ou reprise d’entreprise

Le congé pour création ou reprise d'entreprise concernerait au maximum une population d'une vingtaine de militaires par an. Ces militaires percevraient pendant la durée de ce congé une rémunération équivalente à leur grade. Ainsi l'impact budgétaire sera constitué, pendant la durée de ce congé pour création ou reprise d'entreprise, par la rémunération de la solde et des cotisations employeur associées.

Le coût de cette mesure en années pleine est estimé à environ 2,09 millions d’euros par an. Il a été évalué à partir des postulats suivants :

- le nombre de bénéficiaires sera limité, en gestion, à 20 militaires par an ;

- le congé concernera en moyenne 4 officiers, 12 sous-officiers et 4 militaires du rang ;

- l’échantillon retenu comporte des militaires mariés comme des célibataires et des divorcés, avec et sans enfants, domiciliés à Paris et en province ;

- sont pris en compte pour le calcul du coût l’indice de solde augmenté des charges dues par l’employeur ;

- tous les bénéficiaires solliciteront le renouvellement du congé pour une seconde année, avec solde diminuée de moitié.

Au total, le détail du coût estimé se présente comme suit :

Grade

Indice majoré

Solde brute mensuelle (€)

Cotisations employeur (€)

Nombre de militaires

Total mensuel (€)

Total annuel (€)

Caporal-chef, 5 ans de grade

310

1718

2312

4

16120

193440

Sergent-chef, 5 ans de grade

334

1702

2358

2

8120

97440

Adjudant, 7 ans de grade

424

2334

2995

3

15987

191844

Adjudant-chef, 3 ans de grade

458

2753

3217

4

23880

286560

Major, 3ans de grade

476

2598

3301

3

17697

212364

Capitaine, 4 ans de grade

555

3280

3790

2

14140

169680

Lieutenant-colonel, 8 ans de grade

783

4904

5177

2

20162

241944

             

Total

 

19289

23150

20

116106

1393272

Le coût total en RCS (crédits de rémunérations et charges sociales) consacrés au congé pour création ou reprises d’entreprises peut donc être estimé à 1 392 272 euros la première année puis, à compter de la seconde année, 2 089 908 euros (les 20 bénéficiaires de la première année avec, selon ce qui est envisagé au niveau réglementaire, une solde diminuée de moitié, augmentés de 20 nouveaux bénéficiaires).

En outre, la création ou la reprise d’une entreprise engendrera normalement des revenus d’activité, source d’imposition et de cotisations sociales au profit de l’Etat et des organismes sociaux, mais également d’investissement dans l’économie française. Sur ce dernier point, la part du revenu de l’entreprise réinvesti dans l’activité économique pourrait être plus importante que dans les autres entreprises dans la mesure où le créateur ou le repreneur bénéficiera d’une rémunération stable et garantie pendant une à deux années.

5.2. Impact social.

S’agissant du congé de reconversion, l’assouplissement de ses modalités d’exécution et son ouverture partielle aux militaires ayant effectué moins de quatre années de services militaires devraient, en renforçant l’efficacité du congé de reconversion et en étendant la palette des formations possibles, à la fois rendre cette position statutaire plus attractive et permettre aux militaires d’envisager leur retour à la vie civile de manière plus sereine. Le but de cette mesure n’est toutefois pas d’augmenter le nombre de congés de reconversion accordés mais de le rendre plus efficace. Son impact social sera directement lié au taux d’augmentation de cette efficacité qui est lui-même difficilement chiffrable a priori.

L’impact social direct ou indirect du congé pour création ou reprise d’entreprise n’est pas mesurable car lié non au congé lui-même mais aux activités qui seront exercées par les militaires en bénéficiant.

5.3. Impact administratif.

Les deux mesures prévues par le projet de loi auront un impact direct sur les gestionnaires et, éventuellement, sur les employeurs militaires.

5.3.1 L’impact administratif de l’évolution proposée du congé de reconversion

L’évolution du congé de reconversion devrait avoir trois impacts principaux sur les gestionnaires et les employeurs militaires.

En premier lieu, l’ouverture du congé aux militaires ayant effectué moins de quatre années de services, conjuguée aux effets des restructurations de défense, entraînera, de facto et dans un premier temps, une augmentation considérable du nombre de militaires éligibles au congé de reconversion et donc du nombre potentiel de demandes d’agréments et de dossiers à instruire. Ainsi, si, en 2008, seuls 367 officiers et 639 sous-officiers ont quitté les armées avant quatre ans de services, c’est-à-dire avant l’ouverture du droit au congé de reconversion, le nombre de militaires du rang dans la même situation a été de 12 051 (56 % des départs de militaires du rang). Au total et indépendamment de l’évolution des flux annuels de sortie, l’ouverture du congé de reconversion aux militaires ayant effectué moins de quatre années de services devrait donc augmenter la population éligible de plus de 13 000 personnes. Néanmoins, dans la mesure où les populations visées sont constituées, pour l’essentiel, de jeunes engagés, dont la gestion est généralement déconcentrée, la charge nouvelle représentée par l’instruction des dossiers puis par l’exécution du congé devrait incomber aux échelons locaux des armées et ainsi être fractionnée.

En second lieu, le fractionnement possible du congé de reconversion, au maximum sur deux années, devrait également avoir un impact non négligeable sur les gestionnaires militaires. En effet, si, dans le cadre juridique actuel, les gestionnaires ont une vision assez claire et simple des militaires placés en congé de reconversion (6 mois de congé puis radiation des cadres ou des contrôles) et ont peu d’actes de gestion à prendre pendant cette période, le fractionnement envisagé imposera potentiellement aux gestionnaires, mais également aux employeurs d’administrer des militaires exerçant leurs fonctions de manière irrégulière dans le temps avec les conséquence que cela peut comporter en termes de rémunération et de fonctionnement du service, sur une durée maximum de deux ans après l’utilisation du quarantième jour de congé.

Enfin, les dossiers de demande d’agrément seront plus compliqués.

Dans le cadre actuel, le militaire susceptible de bénéficier d’un congé de reconversion formule une demande portant à la fois sur le principe du congé et sur la formation envisagée. Le gestionnaire prend sa décision en fonction de différents critères : contrôle de légalité de la demande, appartenance du militaire à une catégorie excédentaire ou, au contraire, à une catégorie déficitaire, contrôle d’opportunité (détention ou non par le militaire d’une spécialité professionnelle facilement transposable dans le secteur civil, volonté du militaire d’un changement de filière,…).

A cet examen en légalité et en opportunité s’ajoutera à l’avenir, en fonction des demandes, l’examen des modalités du fractionnement du congé et, notamment, l’adéquation du fractionnement envisagé avec la formation sollicitée et sa compatibilité avec le bon fonctionnement du service employeur du militaire.

5.3.2 L’impact administratif de la proposition de création du congé de création ou reprise d’entreprise

Le congé pour création ou reprise d’entreprise devrait concerner un volume très limité de militaires (une vingtaine par an) et, de ce fait, constituer une charge restreinte pour les gestionnaires militaires.

Cette charge consistera en l’instruction, par le gestionnaire militaire, de dossiers de demandes d’agrément déposés par des candidats au congé. La forme et la procédure de l’agrément, qui relèvent du domaine réglementaire, devraient s’inspirer du dispositif en vigueur pour les fonctionnaires, à savoir, dépôt d’un dossier comportant des renseignements administratifs liés à l’activité envisagée (notamment le secteur ou la branche d’activité de l’entreprise, sa forme et son objet social, la nature et le montant des subventions publiques dont elle est susceptible de bénéficier), saisine pour avis, par le gestionnaire, de la commission dite de déontologie des militaires (commission instaurée par l’article R.* 4122-19 du code de la défense) et, enfin, décision individuelle prise par le ministre. L’ensemble de la procédure devrait durer de deux à quatre mois.

5.4. Impact juridique.

L’application effective des mesures proposées dans le projet de loi étant subordonnée à la prise de dispositions réglementaires d’application, elles ne pourront produire d’effets juridiques que lorsque ces mesures entreront en vigueur.

L’assouplissement des modalités d’exécution du congé de reconversion entraîne, au niveau réglementaire, l’obligation de fixer les règles applicables en matière de rémunération des militaires placés dans cette position (selon la durée mensuelle passée en activité et en congé et selon les activités exercées pendant le congé) et les modalités de prise en compte partielle des durées d’activités effectuées dans certaines positions de congé ou à l’occasion de missions opérationnelles.

Pour ce qui concerne le congé pour création ou reprise d’entreprise, le dispositif réglementaire fixera pour l’essentiel la procédure préalable à l’agrément, la procédure de renouvellement éventuel du congé ainsi que les conditions et modalités de retour du militaire dans un emploi de son grade.

Le projet de décret d’application du présent projet de loi pourra être soumis à la consultation interministérielle dès l’adoption définitive de la loi par le Parlement.

L’entrée en vigueur de la loi n’entraînera l’abrogation d’aucun texte particulier, législatif ou réglementaire et ne nécessite pas de mesures transitoires.

5.5. Impact sur l’emploi public.

Les mesures contenues dans le projet de loi, qui devraient être mises en œuvre à moyens constants, ne devraient entraîner aucun recrutement spécifique. Au contraire, en renforçant l’efficacité des outils de reconversion des militaires, les mesures proposées devraient faciliter la réduction du format des armées et donc du nombre de militaires au profit de la poursuite de carrières professionnelles dans le secteur privé.

Ces mesures seront également sans incidence sur les dispositifs statutaires encourageant l’accès des militaires aux fonctions publiques (emplois réservés, concours internes, « détachement intégration »,…), ni sur le nombre de militaires en bénéficiant (1 148 militaires en 2008). Il s’agit de dispositifs distincts, qui font l’objet de procédures totalement indépendantes les unes des autres.

La modernisation des outils de la reconversion vers le secteur privé ne vient pas se substituer mais compléter les réformes des moyens d’accès aux fonctions publiques, opérées par notamment la loi n° 2008-492 du 26 mai 2008 relative aux emplois réservés et la loi n° 2009-972 du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique (ouverture de principe des corps de fonctionnaires aux militaires en détachement).

6- Compatibilité et articulation avec le droit européen et de l’Union en vigueur.

Le projet présenté vient compléter et modifier le dispositif actuel de la reconversion des militaires, codifié dans le code de la défense. Il ne pose aucune difficulté particulière au regard du droit européen et communautaire en vigueur.

7- Conditions d'application des dispositions envisagées dans les collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises,

Le statut général des militaires, que le projet de loi se propose de modifier, s’applique directement et intégralement sur l’ensemble du territoire de la République, y compris dans les collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

8- Consultations menées avant la saisine du Conseil d'Etat

Ce projet de loi a été soumis à l'avis du Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) lors de sa 77ème session, en juin 2008. Le Conseil a estimé que le projet de texte de l’époque n’était pas assez favorable aux bénéficiaires des dispositifs de reconversion.

1 Situés à Lille, Rennes, Bordeaux, Toulouse, Lyon, Marseille, Metz, Brest, Paris et Toulon.

2 Le nombre total des Bases de Défense n’est pas encore définitif.

3 Le rapport est disponible sur le site de la documentation française à l’adresse internet suivante : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/094000312/

4 A l’exception des sessions d’orientation pour jeunes militaires qui, selon le 3ème rapport du HCECM (juin 2009) « ne remplit que très imparfaitement ses objectifs ».

5 Cf. 3ème rapport du HCECM, juin 2009, p. 48.

6 Ainsi, les entreprises créées par des militaires ayant bénéficié du parcours individuel du créateur (PIC) ont un taux de réussite beaucoup plus élevé que celles créées sans recours au PIC.

7 Article L. 4139-5 du code de la Défense :

Le militaire peut bénéficier sur demande agréée :

1° De dispositifs d'évaluation et d'orientation professionnelle destinés à préparer son retour à la vie civile ;

2° D'une formation professionnelle ou d'un accompagnement vers l'emploi.

La formation ou l'accompagnement vers l'emploi sont accessibles au militaire ayant accompli au moins quatre ans de services militaires effectifs et sont destinés à préparer leur bénéficiaire à l'exercice d'un métier civil.

Pour l'acquisition de la formation professionnelle ou l'accompagnement vers l'emploi, le militaire peut, sur demande agréée, bénéficier d'un congé de reconversion et d'un congé complémentaire de reconversion, d'une durée maximale de six mois chacun.

Ces congés, destinés à préparer à l'exercice d'une profession civile, sont accordés au militaire ayant accompli au moins quatre ans de services militaires effectifs.

Durant ces congés, d'une durée maximale de douze mois consécutifs, le militaire perçoit, dans les conditions définies par décret en Conseil d'Etat, la rémunération de son grade. Celle-ci est suspendue ou réduite lorsque le bénéficiaire perçoit une rémunération publique ou privée.

La durée de ces congés compte pour les droits à avancement et pour les droits à pension.

A l'expiration du congé de reconversion ou du congé complémentaire de reconversion, selon le cas, le militaire est radié des cadres ou rayé des contrôles à titre définitif, sous réserve des dispositions prévues au VI de l'article 89 de la loi n° 2005-270 du 24 mars 2005 portant statut général des militaires.

8 Le ministère de la défense a consacré, en 2008, 85,6 millions d’euros à l’indemnisation du chômage des anciens militaires, pour une population bénéficiaire de 8 554 personnes, soit en moyenne 834 € par mois et par bénéficiaire. Le coût annuel de 500 anciens militaires indemnisés au titre du chômage peut donc être estimé à : 500 X 834 X 12 = 5 004 000 €.


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