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PROJET DE LOI

autorisant l’approbation de la convention sur le transfèrement des personnes

condamnées entre le Gouvernement de la République française

et le Gouvernement de la République dominicaine

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ETUDE D’IMPACT

I - Situation de référence et objectifs de la convention

L’entraide judiciaire en matière pénale entre la France et la République dominicaine est fondée sur deux conventions bilatérales, la convention en matière d’extradition du 7 mars 2000 et la convention d’entraide judiciaire pénale du 14 janvier 1999.

En matière de transfèrement, il n’existait cependant aucun accord, ce qui implique que les ressortissants de chacun des deux Etats condamnés à une peine privative de liberté dans l'autre doivent jusqu’à présent accomplir l’ensemble de leur peine dans l'Etat de condamnation. On dénombre actuellement 19 ressortissants français détenus en République dominicaine et 40 Dominicains détenus en France. Sur ces 19 détenus français, 9 sont des femmes (soit quasiment 50 %, alors que ce taux n’est que de 10% dans le reste du monde). Par ailleurs, trois autres de nos ressortissants, poursuivis pour trafic de drogue, ont bénéficié d’une libération sous caution, en attendant leur jugement, et se trouvent toujours en République Dominicaine.

Tous les détenus français sont poursuivis ou ont été condamnés pour trafic de stupéfiants à des peines allant de 5 à 12 ans d'emprisonnement. Le nombre croissant de ressortissants français se rendant en République dominicaine (350 000 touristes par an) a conduit la France à proposer à la République dominicaine d’adhérer à la convention de transfèrement du Conseil de l’Europe du 21 mars 1983, adhésion à l’égard de laquelle les autorités dominicaines se sont toutefois montrées réticentes.

Cette situation pose un problème humanitaire véritable :

- les visites familiales sont difficiles : l’achat de billets d’avion (les prix pouvant varier d’environ 1000 euros à 2000 euros) rend ces visites prohibitives pour certaines familles ;

- la préparation de la réinsertion des condamnés est-elle aussi rendue très difficile, compte tenu de l'éloignement du territoire français et du peu de moyens matériels dont dispose la République dominicaine.

La conclusion d'un accord bilatéral de transfèrement vise à rapprocher les personnes détenues de leur environnement familial, professionnel et social (il est à noter que 14 de nos ressortissants avaient moins de 25 ans au moment de leur arrestation et 6 d’entre eux moins de vingt ans), et de mieux préparer leur réinsertion à l’issue de leur peine.

II - Conséquences estimées de la mise en œuvre de la convention

• Conséquences sociales 

Cette convention ayant pour objet de permettre la détention en France des Français condamnés en République dominicaine, elle aura un impact social important car elle permettra :

- aux condamnés de recevoir des visites plus fréquentes de leur famille ;

- une meilleure préparation de leur réinsertion, en bénéficiant notamment de l'ensemble des dispositifs d'accompagnement et des mécanismes d'individualisation de la peine prévus par le droit français (si les conditions en sont réunies et sous réserve de l'appréciation de l'autorité judiciaire, réductions de peine, semi-liberté, permissions de sortie, libération conditionnelle...) ;

- et, en conséquence, de meilleures conditions de détention.

Par ailleurs, même si la France et la République dominicaine doivent donner leur accord au transfert, tout condamné doit être informé de la teneur de cette convention qui prévoit en particulier que la demande de transfèrement peut être faite à sa propre initiative.

• Conséquences financières

1° Pour l’Etat, l’impact financier sera relativement limité, dès lors que l’application de la convention ne concernera en tout état de cause qu’un nombre très limité de personnes. Ces coûts liés au transfèrement et à la garde et l’entretien des détenus en France seront pris en charge par le budget ordinaire de l’administration pénitentiaire du ministère de la Justice (ce qui représente environ 70 € par jour et par détenu).

Par ailleurs, le transfert de l'exécution des peines prononcées à l'encontre de ressortissants dominicains en France pourrait, s'il est demandé par les intéressés, alléger d'autant les coûts liés à leur détention en France.

2° Pour les condamnés, cette convention implique qu’ils se soient acquittés des sommes, frais, dommages-intérêts, amendes ou condamnations pécuniaires de toute nature imposées par le juge.

3° Pour les familles des victimes, elle entraînera un allègement très important des frais de visite (prix des billets d’avion).

• Conséquences juridiques 

Les stipulations de la convention sont intégralement reprises de la convention de même nature conclue entre la France et le Paraguay le 16 mars 1997, elle-même largement inspirée de la Convention européenne de transfèrement du 21 mars 1983.

La mise en oeuvre de la convention suppose l'existence d'un reliquat de peine d'au moins six mois. Son application est, classiquement, subordonnée au triple consentement des deux Etats concernés (Etat de condamnation et Etat d’accueil) et de la personne condamnée. Une fois le transfèrement opéré, l’exécution de la peine se poursuit conformément à la législation de l’Etat d’accueil, qui n’est jamais tenu d’exécuter une peine incompatible, par sa nature ou sa durée, avec son droit (par exemple, lorsque la peine infligée excède celle encourue sur son territoire pour les mêmes faits, il peut la réduire au maximum légal encouru en vertu de sa législation).

Le transfèrement est subordonné à la condition que les faits pour lesquels la peine a été prononcée soient punissables selon la loi de l'Etat d'accueil (condition de double incrimination) et peut être refusé lorsqu'il risque de porter atteinte à la souveraineté, la sécurité ou à l’ordre public de l’Etat de condamnation ou lorsque la personne condamnée ne s’est pas acquittée du paiement des sommes mises à sa charge par le juge (amendes, dommages-intérêts, frais…).

L'Etat de condamnation et l'Etat d’exécution peuvent accorder la grâce, l’amnistie ou la commutation de la peine.

Les stipulations de la convention ont vocation, à compter de l'entrée en vigueur de l'instrument, à s’appliquer directement entre les Etats parties et ne nécessitent pas, en tant que telles, d’adaptation du droit interne. Pour le surplus, la poursuite de l'exécution de la peine en France sera régie par les articles 728-2 et suivants du code de procédure pénale.

• Conséquences administratives 

En vertu de l'accord (articles 4 et 6), la transmission des demandes de transfèrement se fait entre ministères de la justice.

Dans la pratique actuelle, le bureau de l'entraide pénale de la direction des affaires criminelles et des grâces (ministère de la justice et des libertés) instruit la demande et vérifie que les conditions prévues par la convention applicable sont remplies. Il consulte la direction de l'administration pénitentiaire (ministère de la justice et des libertés). Le plus souvent, dès lors que les conditions juridiques du transfèrement sont remplies, l'accord est donné.

Sur le plan matériel, les transfèrements sont assurés par le service national des transfèrements, qui dépend de la direction de l'administration pénitentiaire.

III - Historique des négociations

En 2003, des discussions engagées à l’initiative de la France concernant une convention bilatérale ont été ralenties par des demandes d’amendements de la partie Dominicaine dont plusieurs posaient des difficultés à la Partie française, dont notamment :

- l'extension du champ d'application aux résidents permanents dans la mesure où les autorités françaises ne reconnaissent que la nationalité comme critère de transfèrement (conformément aux standards résultant de nos conventions bilatérales ainsi que de la convention multilatérale du Conseil de l'Europe du 21 mars 1983).

- le souhait dominicain de permettre le transit par les Parties d'un national (donc potentiellement d’un Français) mis en cause dans un Etat tiers pour des faits ne constituant pas une infraction en France.

- l'extension de l'application aux condamnations restrictives de liberté posait difficulté, dans la mesure où le transfèrement n'a vocation à s'appliquer qu'au transfert de l'exécution de peines privatives de liberté.

Après quelques années sans avancée significative, le ministère des affaires étrangères et européennes a souhaité, en accord avec le ministère de la justice, relancer ces négociations à la fin 2008. A cet effet, la République dominicaine a été placée parmi les toutes premières priorités du calendrier de négociations.

Des solutions satisfaisantes pour les deux parties ont finalement été trouvées, permettant ainsi la signature de cette convention.

IV - Etat des signatures et des ratifications

La convention sur le transfèrement des personnes condamnées a été conclue à Saint-Domingue le 13 novembre 2009, par le secrétaire d'Etat chargé de la coopération et de la francophonie, M. Alain JOYANDET, et le procureur général de la République pour le gouvernement de République dominicaine, M. Radhames JIMENEZ PENA.

L'entrée en vigueur de la convention suppose l’accomplissement des procédures constitutionnelles et législatives requises dans chacun des deux Etats, à savoir pour la France la mise en œuvre de la procédure parlementaire d’approbation conformément à l’article 53 de la Constitution. Cette entrée en vigueur sera effective le 1er jour du deuxième mois suivant la dernière notification par laquelle un Etat informe l'autre de l'accomplissement de ses formalités de ratification.


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