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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

     

Ministère des affaires étrangères

et européennes

     
     

NOR :

MAEJ1023597L

PROJET DE LOI

autorisant l’approbation du protocole additionnel à l’accord de partenariat et de coopération

entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil, relatif à la création d’un Centre de coopération policière

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ÉTUDE D’IMPACT

I. - Situation de référence et objectifs du Protocole

La France et le Brésil ont signé le 7 septembre 2009, un protocole additionnel portant création d’un Centre de Coopération Policière (CCP) entre les deux pays. Ce protocole additionnel vient compléter l’accord de partenariat et de coopération en matière de sécurité publique conclu le 12 mars 1997 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil1, qui prévoit entre autres mesures, la possibilité pour les pays signataires d’échanger des informations en matière policière, dans le respect des législations nationales. La coopération policière avec le Brésil était en effet lacunaire, aucune convention visant à renforcer la coopération policière transfrontalière n’ayant jusque là été signée.

La signature de ce protocole d’accord apporte une réponse pertinente à la problématique de l’insécurité en Guyane et présente un intérêt politique et stratégique important.

1° Une nécessité dictée par la réalité actuelle de la délinquance en Guyane

La Guyane française est un département d’outre-mer depuis 1946. Sa superficie de 84 000 km2 en fait un territoire aussi vaste que le Portugal. Il y a environ 210 000 habitants en Guyane, dont 30 à 50 % d’étrangers (chiffres INSEE au 1er janvier 2006). Ce département ultra-marin est ouvert sur 450 km sur le front atlantique et est bordé par 1250 km de frontières dont la moitié avec le Brésil, pays qui a la plus grande frontière commune avec la France.

La géographie de la Guyane (fleuves, forêts et côtes) en fait un territoire propice à une immigration clandestine d’envergure ainsi qu’aux trafics les plus divers (orpaillage illégal, trafics d’espèces protégées, transfert de valeurs, trafics d’armes et de stupéfiants, prostitution ...).

En outre, la Guyane française revêt deux aspects attractifs pour les populations du continent sud-américain :

c’est une enclave européenne en Amérique du sud, son niveau de vie est le plus élevé du continent ;

l’état de droit y est respecté.

Dans ces conditions, une délinquance importante s’est développée en Guyane, mettant en cause notamment, mais non exclusivement, des ressortissants brésiliens. A titre d’illustration, les Brésiliens représentent 60 % des étrangers mis en cause pour la commission d’une infraction contre les personnes ou les biens.

Ces phénomènes pourraient se développer avec la construction du pont routier sur le fleuve Oyapock reliant la Guyane et l’État de l’Amapa2. C’est précisément pour faire face à l’accroissement des trafics qu’engendrera le pont que la France et le Brésil ont décidé de créer un centre de coopération policière, dont l’objectif principal est de tenter de lutter contre ces phénomènes de délinquance transfrontalière.

Le centre a deux missions essentielles :

approfondir la coopération transfrontalière par l’échange d’informations en matière policière dans les domaines de coopération prévus par l’accord du 12 mars 1997, à l’exclusion du terrorisme. Le terrorisme relève en effet d’un office spécialisé, l’Unité de Coordination de la Lutte Anti Terroriste UCLAT, placé directement auprès du Directeur Général de la Police Nationale au ministère de l’intérieur, de l’outre mer et des collectivités territoriales. C’est pourquoi ce domaine est exclu du champ de la coopération couvert par le CCP franco-brésilien sur l’Oyapock ;

améliorer les échanges réguliers d’informations et sur l’étude des méthodes, tendances et activités des auteurs d’infractions dans les domaines précités sur la frontière entre le département de la Guyane française et le Brésil.

Le terrorisme étant exclu, les trois domaines mentionnés par l’accord de 1997 sont la criminalité organisée, le trafic illicite de stupéfiants et l’immigration irrégulière. L’accord ajoute que cette coopération peut être étendue à tous les domaines qui se révéleront utiles à l’exécution des objectifs du présent accord, parmi lesquels le blanchiment d’argent, le trafic d’armes, la sécurité des ports, aéroports et frontières, le maintien de l’ordre public, la police technique et scientifique et enfin la gestion, le recrutement, la sélection et la formation des personnels.

Cette liste n’étant pas exhaustive, il faut en outre comprendre que la lutte contre l’orpaillage illégal, les trafics liés, la destruction de la forêt et tous les autres trafics qui pourraient naître autour de l’ouverture du pont sur l’Oyapock prévu au deuxième semestre 2010 et de l’accroissement des échanges qui devraient en résulter, doivent devenir des préoccupations majeures.

La création du CCP répond donc à une problématique avérée et à une demande des forces de police locales au bénéfice de tous les résidents guyanais. Cette création a également un impact politique important.

2° Un objectif politique et stratégique important

Par ailleurs, cet accord représente un enjeu important dans les relations bilatérales avec le Brésil et permet d’approfondir notre coopération transfrontalière en affichant clairement la dimension américaine de la France. Cette coopération transfrontalière permet de mieux insérer le Département de la Guyane dans son environnement géographique. En parallèle, elle permet au Brésil d’avoir un accès plus direct à certaines informations détenues par la France.

Ce protocole est également un moyen de réaffirmer notre présence sur le continent et d’apporter une expérience dans les débats régionaux (en termes de bonnes pratiques d’échanges d’informations et de collaboration des différentes forces de police par exemple) au sein d’un continent où les enjeux en termes de sécurité sont lourds (notamment dans le domaine des trafics de stupéfiants et des atteintes à l’environnement). Le CCP se devra également d’être un laboratoire de la coopération transfrontalière hors de l’espace Schengen.

Au final, cet accord est d’autant plus opportun qu’il est un signal supplémentaire d’une volonté commune d’intensifier une relation de partenariat déjà riche, alors que le Brésil aspire légitimement à devenir le leader continental d’un pôle sud-américain de stabilité ainsi qu’une grande puissance, capable de peser dans les affaires du monde.

II. - Conséquences estimées de la mise en œuvre du Protocole

Conséquences économiques et financières :

La mise en oeuvre du CCP devrait permettre de contribuer à une meilleure sécurisation des flux générés par l’ouverture du pont de Saint-Georges de l’Oyapock, et améliorer ce faisant, le commerce entre la Guyane et le Brésil et en particulier l’État limitrophe de l’Amapa. Le coût de sa création ex-nihilo s’élèverait à 87 500 euros pour l’aménagement des locaux, à environ 20 000 euros pour la mise en place des matériels nécessaires à son fonctionnement, et à environ 20 000 euros de coût de fonctionnement annuel (ordre de grandeur) ainsi que 4 postes ETP (3 gendarmes et un policier). Il convient de souligner que les coûts de mise en place et de fonctionnement du CCP auront un impact financier plus limité puisque cette création repose sur des locaux de gendarmerie préexistants. Le CPP s'installera à l'étage de la brigade de gendarmerie d'Oyapock, en lieu et place de logements de passage réservés aux gendarmes mobiles (3 chambres) et aux gendarmes adjoints volontaires (= contractuels). Les chambres actuelles deviendront locales de service.

Conséquences sociales :

L’échange d’informations plus régulier entre les deux pays permettra d’apaiser les tensions récurrentes entre les deux rives du fleuve et assurera un véritable point de contact pour l’ensemble des parties prenantes.

Conséquences environnementales :

La lutte contre les atteintes à l’environnement sera renforcée par l’échange d’informations sur l’emploi ou le trafic de produits nocifs, ainsi que sur la préservation des espaces naturels en général et sur l’orpaillage.

Conséquences juridiques :

Cet accord n’entraînera pas de modification de la législation nationale.

En matière de traitement des informations et des données, l’article 3 de l’accord prévoit en son premier alinéa que le traitement des informations et des données échangées entre les représentants des organes administratifs des Parties est effectué « dans le respect des législations nationales respectives » et en conformité avec l’article 11 de l’Accord de partenariat et de coopération en matière de sécurité publique du 12 mars 19973.

Le traitement et la protection des données à caractère personnel et des autres informations fournies par les Parties sont, pour la France, assurés conformément à :

- l’article 24 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure ;

- les articles 68 et 69 de la loi n° 78-17 modifiée du 6 janvier 1978 dite « Informatique et Libertés » ;

- la directive 95/46/CE du Parlement Européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ;

- la convention du Conseil de l’Europe pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel, adoptée à Strasbourg le 28 janvier 1981.

Le Brésil, n’étant ni membre de l’Union Européenne ni lié par la Convention du 28 janvier 1981, ne pourra se voir transférer des données à caractère personnel que s’il assure un niveau de protection suffisant de la vie privée et des libertés et droits fondamentaux des personnes à l’égard du traitement dont ces données font l’objet, comme le prévoit l’article 68 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978. La CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés) estime que le Brésil ne dispose pas d’une législation adéquate en matière de protection des données à caractère personnel4. A ce jour le Brésil n’a pas fait l’objet d’une reconnaissance de protection adéquate par la Commission européenne5 (à la différence de l’Argentine, par exemple).

Dans l’attente, et sous réserve de l’application de l’article 69 de la loi « Informatique et Libertés » qui permet sous certaines conditions6 le transfert de données à caractère personnel par exception à l'interdiction prévue à l'article 68 précité, l’accord permettra de développer l’échange d’informations autres que les données à caractère personnel. L’Accord offrira ainsi la possibilité à la France de développer dans ce cadre la coopération transfrontalière par l’échange de renseignements en matière policière pour entreprendre des enquêtes et poursuivre les personnes incriminées en vue de faciliter la lutte contre la délinquance. Les informations se rapportant à la zone frontalière concernent notamment :

• la criminalité à caractère transfrontalier, notamment la petite et moyenne délinquance (vols avec violences, cambriolages et escroqueries commises selon le même mode opératoire, vols de véhicules et de fret…) ;

• les trafics illicites ;

• les faits dont les circonstances laissent à penser qu’ils peuvent avoir un rapport avec des services locaux spécialisés ou un lien avec une infraction du domaine d’un service à compétence nationale (dans ce cas l’information est transmise dans les plus brefs délais aux services concernés) ;

• la lutte contre l’orpaillage illégal et les atteintes à l’environnement ;

• la piraterie maritime ;

• les faits se rapportant à la sécurité ou à l’ordre public (mouvements sociaux, manifestations sportives générant des déplacements importants de foule, accidents graves ayant des répercussions sur les liaisons et la circulation transfrontalières ou sur l’environnement des deux pays, passages de personnalités, transports sensibles...).

Le présent protocole s’articulera également avec les dispositions de l’accord du 23 décembre 2008 qui traite du renforcement de la coopération entre les Parties pour la prévention et la répression des activités d’extraction aurifère illégale dans les zones protégées ou patrimoniales7.

Conséquences administratives :

Placé sous l’autorité du Préfet le CPP est créé par circulaire du directeur général de la gendarmerie nationale, ce qui en fera une unité distincte d’un point de vue organisationnel de la brigade de Saint Georges de l'Oyapock.

La partie française du centre sera composée de 4 représentants, 3 gendarmes et 1 policier. La part Gendarmerie comprendra 2 personnels pris sur l'effectif de la Brigade (en compensation, 2 nouveaux personnels y seront affectés). Le 3ème personnel « Gendarmerie » sera l’officier qui prendra le poste de coordinateur du centre.

III. - Historique des négociations

En projet depuis l’année 2006, le protocole d’accord est né d’une volonté brésilienne qui souhaitait mettre en place un centre d’échange d’informations comme il en a déjà avec tous les pays frontaliers sud américains. Favorisées par le contexte bilatéral, avec une volonté présidentielle affirmée des deux côtés de la frontière, les négociations ont connu une accélération en 2008 et 2009 (année du Brésil en France) et ont pu être conclues rapidement, depuis la prise de contact jusqu’à la signature le 7 septembre 2009.

IV. - État des signatures et ratifications

L’accord a été signé le 7 septembre à Brasilia, par M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes pour la partie française, et par M. Celso Amorim, ministre des Relations extérieures pour la partie brésilienne. A ce jour, le Brésil n’a pas notifié l’accomplissement des procédures internes requises pour l’entrée en vigueur de l’accord.

1 Accord de partenariat et de coopération en matière de sécurité publique entre la France et le Brésil signé à Brasilia le 12 mars 1997, publié par le décret n°2008-71 du 22 janvier 2008 (Journal officiel du 22 janvier 2008, p.1476).

2 L’accord relatif à la construction d’un pont routier sur le fleuve Oyapock reliant la Guyane et l’Etat de l’Amapa a été signé le 15 juillet 2005 à Paris entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil. L’approbation de cet accord a été autorisée par la loi n° 2007-65 du 18 janvier 2007. Il a été publié par le décret n°2007-1518 du 22 octobre 2007 (Journal Officiel du 25 octobre 2007, p.17479).

3 L’article 11 de l’accord du 12 mars 1997 prévoit notamment en son alinéa d/ que « La Partie émettrice garantit l'exactitude des données communiquées après s'être assurée de la nécessité et de l'adéquation de cette communication à l'objectif recherché, conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur dans son Etat. »

4 Voir le site de la CNIL : http://www.cnil.fr/pied-de-page/liens/les-autorites-de-controle-dans-le-monde/

5 Le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen ont donné le pouvoir à la Commission de décider sur la base de l'article 25(6) de la directive 95/46/CE qu’un pays tiers offre un niveau de protection adéquat en raison de sa législation interne ou des engagements pris au niveau international.

6 L’article 69 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 stipule notamment que «  le responsable d'un traitement peut transférer des données à caractère personnel vers un Etat ne répondant pas aux conditions prévues à l'article 68 si la personne à laquelle se rapportent les données a consenti expressément à leur transfert ou si le transfert est nécessaire à l'une des conditions suivantes : 1° A la sauvegarde de la vie de cette personne ; 2° A la sauvegarde de l'intérêt public ; 3° Au respect d'obligations permettant d'assurer la constatation, l'exercice ou la défense d'un droit en justice ; (…). Il peut également être fait exception à l'interdiction prévue à l'article 68, par décision de la Commission nationale de l'informatique et des libertés ou, s'il s'agit d'un traitement mentionné au I ou au II de l'article 26, par décret en Conseil d'Etat pris après avis motivé et publié de la commission, lorsque le traitement garantit un niveau de protection suffisant de la vie privée ainsi que des libertés et droits fondamentaux des personnes, notamment en raison des clauses contractuelles ou règles internes dont il fait l'objet. (…) »

7 Accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil dans le domaine de la lutte contre l'exploitation aurifère illégale dans les zones protégées ou d'intérêt patrimonial, signé à Rio de Janeiro le 23 décembre 2008, en cours de ratification.


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