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N° 3954

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 novembre 2011.

PROJET DE LOI

autorisant la ratification du traité d’extradition entre
la République française et la
République populaire de Chine,

(Renvoyé à la commission des affaires étrangères, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉ

au nom de M. François FILLON,

Premier ministre,

par M. Alain JUPPÉ,

ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 20 mars 2007, le garde des sceaux, ministre de la justice et le Premier vice-ministre des affaires étrangères de la République populaire de Chine ont signé, à Paris, un traité bilatéral d’extradition à l’effet de concrétiser la volonté de se doter d’un tel instrument exprimée par les Présidents Jacques Chirac et Hu Jintao à la faveur de la visite d’État en Chine effectuée au mois d’octobre 2006.

En matière pénale, la France et la Chine sont d’ores et déjà toutes deux parties à plusieurs conventions multilatérales spécialisées adoptées sous l’égide de l’Organisation des Nations unies, en l’occurrence la convention unique sur les stupéfiants du 30 mars 1961, la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants adoptée à New York le 10 décembre 1984, la convention contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes adoptée à Vienne le 19 décembre 1988, la convention contre la criminalité transnationale organisée adoptée à New York le 15 novembre 2000 et la convention contre la corruption du 31 octobre 2003.

Au niveau bilatéral, en 2005, a été conclu un accord d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire de Chine(1).

Le traité d’extradition entre la République française et la République populaire de Chine vise à compléter ce tissu conventionnel et, comme l’énonce son préambule, à promouvoir une coopération efficace entre les deux États dans la lutte contre la criminalité, sur la base du respect mutuel de la souveraineté, de l’égalité et des avantages réciproques.

À cette fin, l’article 1er énonce que les parties s’engagent à se livrer réciproquement toute personne qui, se trouvant sur le territoire d’une partie, est recherchée par l’autre partie aux fins de poursuites pénales ou d’exécution d’une peine pour une infraction donnant lieu à extradition.

L’article 2 définit les infractions donnant lieu à extradition, en l’occurrence celles punies, selon les lois des deux parties, d’une peine privative de liberté d’au moins un an ou d’une peine plus sévère. Il n’est pas ici tenu compte de ce que les législations des parties classent ou non le fait concerné dans la même catégorie d’infractions et le décrivent ou non en des termes identiques. Si l’extradition est demandée aux fins d’exécution d’une peine, la durée de la sentence restant à exécuter doit être d’au moins six mois au moment de la demande d’extradition.

Le paragraphe 3, dans un souci de bonne administration de la justice, offre la possibilité à la partie saisie d’une demande d’extradition visant plusieurs infractions distinctes punies chacune par la législation des deux parties et dont l’une au moins se trouve sanctionnée d’une peine privative de liberté d’au moins un an ou d’une peine plus sévère, d’accorder également l’extradition pour les autres infractions, fussent-elles punies d’une peine inférieure.

Le paragraphe 4 prévoit que l’extradition demandée pour une infraction à la législation en matière de fiscalité, de droits de douane ou de contrôle des changes, ne peut être refusée au motif que la législation de la partie requise n’impose pas le même type de taxes, de droits ou de droits de douane, ou ne prévoit pas des règles similaires à celles de la législation de la partie requérante en matière de taxes, droits, droits de douane ou contrôle des changes.

L’article 3 énonce les motifs obligatoires de refus d’extradition. Classiquement, celle-ci n’est pas accordée pour les infractions considérées par la partie requise comme des infractions politiques ou comme des infractions exclusivement militaires. Elle est également refusée lorsque la partie requise a des raisons sérieuses de croire que la demande d’extradition a été présentée aux fins de poursuivre ou de punir une personne pour des considérations de race, de sexe, de religion, de nationalité, d’origine ethnique ou d’opinions politiques ou lorsque donner suite à la demande causerait un préjudice à la situation de cette personne pour l’une quelconque de ces raisons. L’extradition n’est pas davantage accordée lorsque la personne réclamée a fait l’objet, dans la partie requise, d’un jugement définitif de condamnation ou d’acquittement, d’une amnistie ou d’une mesure de grâce pour l’infraction ou les infractions à raison desquelles l’extradition est demandée ou lorsque l’action publique ou la peine se trouve prescrite conformément à la législation de l’une ou l’autre des parties. L’extradition est également refusée si la demande se rapporte à l’exécution d’une peine résultant d’un jugement rendu en l’absence de la personne réclamée et que la partie requérante ne donne pas la garantie de juger à nouveau l’affaire. Enfin, la remise est refusée si l’infraction à raison de laquelle l’extradition est demandée est punie de la peine capitale par la législation de la partie requérante, à moins que celle-ci ne donne des assurances, jugées suffisantes par la partie requise, que la peine capitale ne sera pas prononcée ou, si elle est prononcée, qu’elle ne sera pas exécutée.

Classiquement, l’article 4 prévoit que l’extradition n’est pas accordée si la personne réclamée a la nationalité de la partie requise. En cas de refus de remise fondé uniquement sur la nationalité, laquelle s’apprécie à la date de commission de l’infraction pour laquelle l’extradition est demandée, la partie requise doit, conformément à sa propre loi, sur dénonciation des faits par la partie requérante, soumettre l’affaire à ses autorités compétentes pour l’exercice éventuel de l’action pénale, la partie requise informant la partie requérante de la suite réservée à cette dénonciation.

L’article 5 liste les motifs facultatifs de refus d’extradition. La remise peut être refusée lorsque, conformément à la législation de la partie requise, les autorités judiciaires de celle-ci ont compétence pour connaître de l’infraction pour laquelle l’extradition est demandée, soit que la personne réclamée fasse l’objet de poursuites pour cette infraction, soit que les autorités judiciaires de la partie requise aient décidé de mettre fin aux poursuites qu’elles ont exercées, ou encore, soit que la partie requise se soit engagée à soumettre l’affaire, conformément à sa propre loi et sur dénonciation des faits par la partie requérante, à ses autorités compétentes pour l’exercice éventuel de l’action pénale. De même, l’extradition peut être refusée si la personne réclamée a fait l’objet, dans un État tiers, pour l’infraction ou les infractions fondant la demande de remise, d’un jugement définitif d’acquittement ou de condamnation et que, dans ce dernier cas, la peine a été purgée. A titre humanitaire, elle peut également ne pas être accordée si la partie requise estime, tout en tenant compte de la gravité de l’infraction et des intérêts de la partie requérante, que la remise de la personne réclamée est susceptible d’avoir pour cette dernière des conséquences d’une gravité exceptionnelle, notamment en raison de son âge ou de son état de santé.

Les articles 6 et 7 règlent les questions de procédure et de communication. Les demandes d’arrestation provisoire, d’extradition et de transit sont traitées conformément aux procédures prévues par la législation de la partie requise et les parties communiquent en principe entre elles par la voie diplomatique.

L’article 8 précise les règles de forme et de procédure applicables aux demandes d’extradition. Formulée par écrit, la demande doit systématiquement contenir le nom de l’autorité requérante, un exposé des faits qui la fondent comportant la date et le lieu de leur commission, leurs conséquences, leur qualification juridique et l’indication des dispositions légales qui leur sont applicables, y compris celles relatives à la prescription. Elle doit également comporter le texte des dispositions légales applicables à l’infraction et relatives à la compétence matérielle, à la qualification légale, à la détermination de la peine encourue pour cette infraction et à la prescription et tous les renseignements en possession de la partie requérante susceptibles de déterminer l’identité de la personne réclamée et de permettre sa localisation. Selon les cas, la demande d’extradition doit aussi contenir l’original ou l’expédition authentique du mandat d’arrêt ou du jugement de condamnation exécutoire. Si le mandat d’arrêt n’émane pas d’une autorité judiciaire, il doit être accompagné d’une copie authentique de l’autorisation émanant d’une telle autorité. Dans le cas d’une demande d’extradition aux fins d’exécution d’une peine, le dossier doit comporter une déclaration relative au quantum de la peine prononcée et au reliquat de la sentence qu’il reste à exécuter. Les demandes d’extradition et les pièces les accompagnant doivent enfin être revêtues de la signature et du sceau de l’autorité requérante.

L’article 9 prévoit qu’en présence d’informations jugées insuffisantes, la partie requise sollicite le complément nécessaire ou porte à la connaissance de la partie requérante les omissions à réparer. La partie requise peut fixer un délai pour l’obtention de ces éléments. Si la partie requérante ne respecte pas ce délai, elle est présumée renoncer à sa demande, sans préjudice de la possibilité pour celle-ci de présenter une nouvelle demande d’extradition pour la même infraction.

L’article 10 pose le principe selon lequel les demandes d’extradition et les pièces à produire sont rédigées dans la langue officielle de la partie requérante et accompagnées d’une traduction dans la langue officielle de la partie requise.

L’article 11 énonce la règle traditionnelle de la spécialité et encadre les réextraditions éventuelles. La partie requérante ne peut en effet tirer profit de la présence de la personne extradée sur son territoire pour la poursuivre, la juger ou la détenir pour un fait antérieur à la remise autre que celui ayant motivé l’extradition, ou la réextrader vers un État tiers, sauf consentement expresse de la partie requise et de la personne concernée ou lorsque cette dernière, ayant eu la possibilité de quitter le territoire de la partie requérante, ne l’a pas fait dans les trente jours suivant sa libération définitive ou si elle y est retournée de son plein gré après l’avoir quitté. En cas de modification de la qualification légale de l’infraction pour laquelle une personne a été extradée, cette dernière ne peut être poursuivie ou jugée que si l’infraction nouvellement qualifiée peut donner lieu à extradition en vertu du présent traité, vise les mêmes faits que ceux ayant conduit à la remise et se trouve punie d’une peine d’un maximum identique ou inférieur à celui prévu pour l’infraction pour laquelle l’extradition a été accordée.

L’article 12 régit la procédure d’arrestation provisoire applicable en cas d’urgence. Transmise par la voie diplomatique, par le canal d’Interpol ou par tout autre moyen agréé entre les parties, la demande d’arrestation provisoire doit être formulée par écrit, contenir les éléments prévus à l’article 8 du présent traité, une déclaration attestant l’existence des pièces alternatives exigées par ce même article 8, et faire part de l’intention d’envoyer par la suite une demande d’extradition en bonne et due forme.

Les paragraphes 3 à 5 stipulent que les autorités compétentes de la partie donnent aussitôt suite à la demande d’arrestation provisoire, conformément à leur législation, et informent la partie requérante de la suite donnée à la demande. Dans tous les cas, l’arrestation provisoire prend fin si la demande d’extradition ne parvient pas à la partie requise dans un délai de soixante jours à compter de l’arrestation de la personne, sans préjudice de la possibilité d’une nouvelle arrestation provisoire et remise de la personne réclamée en cas de réception ultérieure d’une demande d’extradition formulée en bonne et due forme.

L’article 13 règle les hypothèses de concours de demandes, la partie requise devant tenir compte, dans sa décision, de toutes circonstances et notamment de l’existence d’un traité ou d’une convention à l’appui de la demande, de la gravité relative et du lieu des infractions, des dates respectives des demandes, de la nationalité de la personne réclamée et de la possibilité d’une extradition ultérieure vers un autre État.

L’article 14 fait obligation à la partie requise d’informer rapidement la partie requérante des suites qu’elle entend réserver à la demande d’extradition, étant précisé que tout refus, total ou partiel, doit être motivé. En cas d’accord de la partie requise, les parties se concertent pour définir la date, le lieu et les modalités de la remise. Si la personne réclamée n’est pas reçue dans un délai de vingt jours à compter de la date convenue, elle doit en principe être remise en liberté et la partie requise peut, par la suite, refuser son extradition pour les mêmes infractions.

L’article 15 prévoit la possibilité d’ajourner la remise lorsqu’il existe des procédures en cours à l’encontre de la personne réclamée sur le territoire de la partie requise ou lorsqu’elle y purge une peine pour une infraction autre. La remise peut également avoir lieu à titre provisoire lorsque des circonstances le justifient ou être différée lorsque, en raison de l’état de santé de la personne réclamée, le transfert est susceptible de mettre sa vie en danger ou d’aggraver son état.

L’article 16 fait obligation à la partie requérante, dès lors qu’elle est saisie d’une demande en ce sens de la partie requise, de lui communiquer rapidement les informations sur la procédure engagée contre la personne extradée, la décision rendue, l’exécution de la peine ou sa réextradition vers un État tiers.

L’article 17 traite de la remise d’objets. Si l’extradition est accordée, la partie requise saisit et remet, sur demande de la partie requérante et dans la mesure permise par sa législation, les objets et documents qui peuvent servir de pièces à conviction, qui proviennent de l’infraction ou qui en constituent les éléments.

L’article 18 fixe les règles applicables au transit, par le territoire de l’une des parties, d’une personne qui n’est pas ressortissante de cette partie, remise à l’autre partie, par un État tiers. Ce transit est accordé sous réserve que la demande comporte l’identité, le signalement et la nationalité de la personne concernée, un exposé des faits ainsi que la peine encourue ou prononcée. Logiquement, le transit peut être refusé dans les cas où l’extradition pourrait être refusée en application du présent traité. Le texte précise également les règles spécifiques applicables aux transits aériens.

L’article 19 règle la question de la prise en charge et de la répartition des frais occasionnés par les opérations d’extradition ou de transit.

L’article 20 énonce que le présent traité ne porte pas atteinte aux droits et engagements des parties résultant de tout autre traité, convention ou accord. Conformément aux termes d’un échange de lettres interprétatives réalisé au mois d’août 2010, cette disposition permet à chacun des États d’exciper, dans la mise en œuvre du présent traité, en tant que besoin, du nécessaire respect des stipulations inhérentes aux autres accords internationaux auxquels l’un ou l’autre ou les deux États sont d’ores et déjà parties.

Les articles 21 à 23, de facture classique, fixent les modalités de règlement des différends, d’application dans le temps, d’entrée en vigueur et de dénonciation du présent traité.

Telles sont les principales observations qu’appelle le traité d’extradition entre la République française et la République populaire de Chine signé à Paris le 20 mars 2007 qui, comportant des dispositions de nature législative, est soumis au Parlement en vertu de l’article 53 de la Constitution.


PROJET DE LOI

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes,

Vu l’article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi autorisant la ratification du traité d’extradition entre la République française et la République populaire de Chine, délibéré en conseil des ministres après avis du Conseil d’État, sera présenté à l’Assemblée nationale par le ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes, qui sera chargé d’en exposer les motifs et d’en soutenir la discussion.

Article unique

Est autorisée la ratification du traité d’extradition entre la République française et la République populaire de Chine signé à Paris le 20 mars 2007, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Fait à Paris, le 16 novembre 2011.

Signé : François FILLON

Par le Premier ministre :
Le ministre d’État, ministre des affaires
étrangères et européennes


Signé :
Alain JUPPÉ

1 () Accord signé à Paris le 18 avril 2005 et entré en vigueur le 20 septembre 2007.


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