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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

     

Ministère des affaires étrangères

et européennes

     
     

PROJET DE LOI

autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Panama en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu

NOR : MAEJ1126778L/Bleue-1

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I- Situation de référence et objectifs de l’accord ou convention

1. La France et le Panama ne sont liés par aucune convention d’élimination des doubles impositions et de lutte contre l’évasion et la fraude fiscales.

Dans le prolongement du G20 qui s’est tenu à Londres en avril 2009, le Panama a signé plusieurs conventions fiscales avec des pays de l’OCDE (Mexique, Espagne, Italie…).

De son côté, dès avril 2009, la France a fait part à Panama de son souhait de signer un accord d’échange de renseignements.

Le Panama ayant fait part à plusieurs reprises aux autorités françaises de sa préférence pour la signature d’une convention fiscale d’élimination des doubles impositions et nos services économiques ayant à cœur de préserver les chances de nos entreprises de concourir avec succès aux appels d’offres relatifs aux grands chantiers de construction (élargissement du canal, métro de Panama City), un accord global a pu être trouvé au terme d’un tour de négociation qui s’est tenu à Paris en mai 2010.

2. Sur le plan économique, avec des exportations vers la France de 49,3 M€ et des importations de France de 1 155,4 M€, le Panama est parmi les pays d’Amérique latine, le 3ème pays client de la France et son 16ème pays fournisseur.

L’ensemble des dépôts bancaires à Panama sont passés de 51,4Mds USD fin 2010 à 55,4 Mds USD fin juillet 2011, répartis ainsi: 58% de dépôts locaux (32,1 Mds USD) et 42% de dépôts étrangers (23,3 Mds USD). 75% d’ente eux sont logés dans les banques à licence générale, 15% dans celles à licence internationale. S’agissant des dépôts locaux : 76,5% proviennent des particuliers, 13% des banques et 10% du secteur public. Pour ce qui est des dépôts étrangers 82% émanent d’Amérique latine (Colombie, Venezuela, Equateur), ou de la Caraïbe (Iles Vierges et Iles Cayman).

Le CBI de Panama est composé de 94 banques (48 licences à licence générale dont 2 banques publiques et 3 institutions de micro finance; 31 licences internationales et 15 bureaux de représentation). Aucune banque française n’est désormais présente à Panama, depuis le départ de Natixis (2009) et de la BNP Paribas (2010). Le CBI occupe une place significative dans l’économie panaméenne. Il emploie plus de 20 000 personnes et contribue à environ 7% du PIB. La stabilité et la faiblesse du taux d’imposition de ses bénéfices (malgré le relèvement récent de 8% à 15%), constituent les principales incitations pour entrer sur le marché bancaire local.

Le rôle joué par le secteur bancaire dans le financement de l’économie se reflète également par son poids dans la capitalisation de la place boursière de Panama: les banques et institutions financières cotées représentent plus de 50% du total. Après une période de vive croissance du crédit, les banques locales et étrangères ont vu leur portefeuille baisser durant la crise de 2008-2009, le taux de croissance du crédit étant passé de 14,6% en 2008 à 1,9% en 2009 pour les banques locales et de 11% à -2% pour les banques étrangères. Le crédit a toutefois retrouvé son dynamisme en 2010 et le portefeuille du CBI a augmenté de 17,4% pour atteindre 43,5 Mds USD en décembre (plus de 160% du PIB) ; les crédits octroyés à l’économie locale se sont élevés à 24,4 Mds USD, le reste concernant les activités offshore. Parmi les secteurs ayant tiré cette croissance, les prêts accordés au secteur industriel ont enregistré la plus forte augmentation (+32% en 2010) suivi du commerce (+22,7%) et de la construction (+12,7%). Encore peu diversifiées, les cibles d’investissements se concentrent sur le secteur de l’immobilier (28% du portefeuille total de crédits avec un rythme de croissance soutenu depuis 1995), le commerce (27% du total), le crédit à la consommation (21,4%) et la construction (10,4%).

Les trusts (fidéicommis) et fondations domiciliés dans ce pays seraient estimés au total à 420.000. Le patrimoine des fidéicommis s’élevait à 7,518 M USD en juin 2011. Ils sont administrés à hauteur de près de 50% par des banques privées, de 17,4% par les cabinets d’avocats/agents résidents et de 20,6% par des sociétés financières. La superintendance des banques révise actuellement un projet gouvernemental de réforme de la loi des fidéicommis visant à renforcer le contrôle de ces structures en matière de risque de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme. Les fondations privées (loi 25 de 1995) sont utilisées pour la gestion et la succession des patrimoines familiaux ou d’entreprises et sont redevables de l’impôt sur les sociétés (IS) en cas de génération de revenus imposables.

Au titre du principe de la territorialité de l’impôt, tous les revenus de source nationale sont imposés sans distinction, qu´ils relèvent de personnes physiques ou morales résidentes, tandis que les revenus de source étrangère (dénommés ‘offshore’) de toutes les personnes (physiques ou morales) ne sont pas imposables (sauf exceptions). Il s’agit d’une particularité aux principes généraux de la fiscalité internationale et qui est à la base de la stratégie que le pays a développé depuis les années 50, en matière d’attraction des IDE. De ce fait, la fiscalité liée aux revenus offshore, les régimes fiscaux spécifiques des Zones Economiques Spéciales et la loi 41 sur les SEM sont autant de dispositions du Panama qui, même si réglementées et surveillées dans le cadre de la nouvelle transparence fiscale mondiale et des efforts déployés par les autorités de Panama en la matière, laissent supposer que le risque d’évasion et de fraude fiscales est avéré. Le Panama s’est engagé à coopérer au niveau international pour enrayer son image de «paradis fiscal», en acceptant de se mettre en conformité avec les exigences de l’OCDE en matière d’échanges d’informations fiscales. Deux évolutions illustrent cette volonté : la signature à ce jour de 13 accords fiscaux bilatéraux et la nouvelle loi de janvier 2011 ‘’Connais ton client’’.

La signature à Panama le 30 juin 2011 d’une convention fiscale entre la France et le Panama constitue une avancée importante en matière de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales. Par ailleurs, cette convention permettra de renforcer la présence française à Panama et de sécuriser les relations de nos investisseurs dans cet Etat.

II- Conséquences estimées de la mise en œuvre de l’accord ou convention

- Conséquences économiques

En l’absence de convention fiscale, le risque de double imposition constituait jusqu’à présent une source d’incertitude pour nombre d’investisseurs, tant français à Panama que panaméens en France.

En éliminant ce risque, la présente convention contribue donc à augmenter le potentiel d’investissements croisés entre la France et Panama. La France détient selon la Banque de France un stock d’IDE (investissements directs étrangers) de 800 M$ à Panama lesquels sont le fait de près de 25 filiales et succursales de groupes français1 dont la moitié s’est implantée au Panama au cours de ces cinq dernières années et dont la plupart dispose de structures commerciales et de logistique utilisant Panama comme plate-forme régionale. Par ailleurs, plus de 50 très petites entreprises, créées et gérées par des ressortissants français implantés au Panama, sont recensées. Ces TPE s’activent dans des activités de commerce et de services des plus variées (import-export, petit commerce, restauration, fabrication de glace artisanale, petite hôtellerie, agence de tourisme, agence de communication, décoration intérieure, production audiovisuelle, courrier rapide, maçonnerie, etc.). Enfin, au 1er septembre de cette année, 1209 ressortissants français étaient inscrits à l’Ambassade, mais on estime que la communauté française, dans sa totalité, devrait largement dépasser les 2000 ressortissants.

L’existence de cette convention permettra ainsi de conforter la décision d’implantation dans ce pays des grands groupes et permettra d’investir dans les grands projets d’infrastructure en cours (13 Mds USD d’investissements publics sur la période 2010-2014). De même, les banques françaises seront en mesure de participer au financement des grands projets publics au Panama et d’accompagner les propositions de nos grands groupes industriels. En ce qui concerne les petites entreprises locales de Français résidents à Panama, ou des citoyens français détenteurs de fonds à Panama, la convention offrira un cadre plus transparent pour les premiers, tout en responsabilisant davantage les seconds au regard des autorités fiscales de notre pays.

- Conséquences financières

Dans son rapport annuel de 2007, le Conseil des prélèvements obligatoires estimait le montant de la fraude fiscale et sociale annuelle entre 29 et 40 milliards d’euros. Il n’est cependant pas possible d’estimer, même en termes d’ordre de grandeur, la part de la fraude et de l’évasion fiscales qui impliquerait des opérateurs profitant de l’absence d’échange de renseignements existant avec Panama, ni par là même les conséquences économiques possibles de cet accord.

- Conséquences juridiques

La présente convention renforce la sécurité juridique des personnes morales et physiques en posant des règles claires applicables aux opérations impliquant des résidents des deux Etats. En outre, elle définit les modalités de répartition des droits d’imposition des revenus entre les deux Etats contractants et les conditions dans lesquelles s’effectuera l’élimination des doubles impositions supportées par les résidents.

La convention prévoit notamment la limitation de l’imposition à la source à un taux de 5% s’agissant des revenus passifs (intérêts et redevances). Elle instaure également des mécanismes visant à interdire l’usage abusif des stipulations conventionnelles et à éviter les situations de doubles exonérations.

Cette convention rend enfin possible une meilleure coopération administrative entre autorités, outil de lutte contre l’évasion et la fraude fiscales. Les modalités de mise en œuvre de l’échange de renseignements sont conformes aux derniers standards de l’OCDE. Ainsi, Panama ne pourra pas opposer un éventuel secret bancaire ni subordonner la délivrance de l’information à l’existence d’un intérêt pour l’application de sa propre législation fiscale. Ainsi, la capacité de la France dans sa lutte contre la fraude et l’évasion fiscales devrait s’en trouver renforcée.

Le traitement et la protection des données à caractère personnel et des autres informations fournies par les Parties sont, pour la France, assurés conformément à :

- la loi n° 78-17 modifiée du 6 janvier 1978 dite « Informatique et Libertés » ;

- la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, en particulier l'article 26 ;

- la Convention du Conseil de l’Europe pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel, adoptée à Strasbourg le 28 janvier 1981.

- Conséquences administratives

La direction générale des finances publiques (DGFIP), direction responsable de l’application des conventions fiscales conclues par la France, sera en charge de l’application de la présente Convention.

Les modalités administratives d’application de la présente convention seront identiques à celles de la centaine de conventions fiscales conclues par la France.

Ainsi, les personnes résidentes de France pourront utiliser les imprimés 2047 (impôt sur le revenu) et 2066 (impôt sur les sociétés) pour déterminer les crédits d’impôt auxquels elles auront droit en application de cette convention.

La direction des résidents à l’étranger et des services généraux (DRESG), direction à compétence nationale de la DGFIP, sera compétente pour recevoir les déclarations des personnes résidentes de Panama.

Le contrôle des déclarations sera effectué par le service de la DGFIP territorialement compétent (DRESG pour les résidents de Panama).

Enfin, le contrôle de l’effectivité de l’échange de renseignements sera effectué chaque année lors de la préparation du projet de loi de finances (rédaction de l’annexe « Rapport annuel du Gouvernement portant sur le réseau conventionnel de la France en matière d’échange de renseignements »).

III – Historique des négociations

Le Panama a pris l’engagement de se conformer aux standards internationaux en matière de transparence et d’échange d’informations dès le mois d’avril 2002, mais n’en a tiré aucune conséquence. Cet Etat a renouvelé son engagement en mars 2009, juste avant la tenue du G20.

Dans le prolongement du G20 qui s’est tenu à Londres en avril 2009, la France a fait part à Panama de son souhait de signer un accord d’échange de renseignements.

En novembre 2009, Panama a indiqué préférer signer une convention d’élimination des doubles impositions.

IV – Etat des signatures et ratifications

La convention fiscale entre la France et le Panama en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir la fraude et l’évasion fiscales en matière d’impôts sur le revenu a été signée à Panama le 30 juin 2011 par M. Hugues GOISBAULT, Ambassadeur de la République française à Panama et M. Juan Carlos VARELA R., Vice-président de la République de Panama et Ministre des Relations Extérieures.

Par note verbale en date du 21 octobre 2011, la République de Panama a notifié à la France l’achèvement de ses procédures internes nécessaires à l’entrée en vigueur de la présente convention.

V - Déclarations ou réserves

Néant.

1 Les principaux groupes français implantés au Panama sont les suivants : GDF-Suez, BNP-Paribas, Sanofi-Aventis, l’Oréal, Alstom, Michelin, Bouygues, LVMH, Schneider Electric, Total, Peugeot, Cma-Cgm, Areva et Société Générale.


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