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mis en distribution

le 9 octobre 2007


N° 192

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 septembre 2007.

PROPOSITION DE LOI

relative aux pratiques commerciales téléphoniques agressives,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

PAR M. Éric CIOTTI,

député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’essor des outils de communication, tels que le téléphone, le fax ou la messagerie électronique a permis le développement de nouvelles formes de publicité dont les nombreux avantages n’ont pas échappé aux entreprises qui en ont généralisé et multiplié l’usage.

Mais parce qu’elles sont souvent non souhaitées et pratiquées à toute heure de la journée et en tous lieux, de façon répétée et insistante et ce, sans aucune considération aux troubles causés à la tranquillité et aux atteintes au droit du respect à la vie privée, ces nouvelles méthodes de démarchage, notamment par téléphone, sont de plus en plus contestées et mal vécues par leurs destinataires.

Les nuisances subies sont importantes pour la majorité de nos concitoyens qui considèrent ces techniques commerciales comme étant trop agressives, voir proches du harcèlement, et comme ayant pour principal objectif de limiter, d’entraver et d’influencer leur de choix.

Pourtant, le législateur français a, depuis quelques années, entrepris d’instaurer un régime spécifique pour le démarchage téléphonique afin de l’encadrer et de limiter les risques d’atteintes aux libertés individuelles.

Il en a fait de même pour l’utilisation, à des fins de prospection, d’informations issues de fichiers de données à caractère personnel qui sont, au sens de la loi « informatique et liberté » de 1978, celles qui permettent d’identifier une personne physique même indirectement. Il s’agit notamment des numéros de comptes bancaires, de cartes bancaires et de téléphones.

Ces régimes reposent sur le principe selon lequel l’emploi de ces informations et la prospection par téléphone sont possibles à condition que la personne, au moment de la collecte de son numéro, soit informée qu’il sera utilisé à cette fin et soit en mesure de s’opposer à cette utilisation. En d’autres termes, cette forme de démarchage est autorisée sauf si la personne concernée n’y consent pas. L’autorisation est donc en quelque sorte la règle et l’interdiction l’exception (article 38 de la loi informatique et liberté du 6 janvier 1978, articles L. 34 et R. 10 du code des postes et des communications électroniques, article 121-20-5 du code de la consommation).

Par ailleurs, les personnes physiques peuvent s’inscrire gratuitement dans certains fichiers publics qui listent ceux qui refusent l’utilisation de leurs coordonnées personnelles dans le cadre de ce type de prospection (« liste Orange » chez France Télécom – article R. 10 du code des postes et des communications électroniques, « liste Safran » – article 10 de la loi du 31 décembre 1989 relative au développement des entreprises commerciales et artisanales et à l’amélioration de leur environnement économique, juridique et social).

De lourdes sanctions sont aussi prévues en cas de violation de ces dispositions. Les entreprises contrevenantes risquent tout d’abord, une amende de 750 euros par appel (contravention de quatrième classe prévue par l’article R.10-1 alinéa 1 du code des postes et des communications électroniques). La commission nationale informatique et liberté peut aussi prononcer à leur encontre une amende de 300 000 euros maximum (article 47 de la loi « informatique et liberté » du 6 janvier 1978). De plus, une peine pouvant aller jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende peut être appliquée par le juge pénal (articles 226-18 et 226-181 du code pénal).

Ainsi, les personnes privées disposent en théorie de moyens pour s’abstraire des circuits commerciaux et se mettre à l’abri de ces techniques commerciales. Mais en réalité, il apparaît qu’elles ne sont pas suffisamment protégées et qu’elles sont toujours victimes de pratiques utilisées abusivement.

Force est donc de constater que le régime juridique appliqué est en grande partie inefficace. Deux raisons principales expliquent cette situation.

Premièrement, en interdisant d’exploiter des informations personnelles contenues dans des fichiers de clients et de prospections seulement lorsque la personne physique concernée s’y oppose, on fait de l’autorisation le principe et de l’interdiction l’exception. Or, il est difficile pour la plupart des personnes d’entamer cette démarche par manque de connaissances, de réflexes ou parce qu’elles sont vulnérables. Elles font donc l’objet de ces procédés alors qu’elles ne sont pas forcément consentantes.

Deuxièmement, cette situation est facilitée par le fait que rien, à part le délit d’abus de faiblesse, n’est spécifiquement prévu dans le code pénal et le code de la consommation contre les pratiques commerciales agressives qui se traduisent le plus souvent par le recours à des méthodes de vente particulièrement abusives et extrêmement préjudiciables. Aucun moyen ne permet véritablement de faire cesser de tels comportements.

Il est donc essentiel de mettre en place des dispositions qui permettront de mieux lutter contre ces nuisances et de protéger les consommateurs moyens ainsi que les groupes de consommateurs vulnérables (personnes âgées, mineurs et handicapés) avec plus d’efficacité.

Cela passe d’abord par une inversion du principe : l’interdiction doit devenir la règle et l’autorisation l’exceptions. Pour cela il est nécessaire d’instaurer une interdiction générale de l’utilisation, à des fins de démarchage téléphonique, des informations contenues au sein des fichiers de données à caractère personnels. Cette règle s’appliquera aussi aux démarches commerciales entreprises par les opérateurs de téléphonie auprès de leurs abonnés. De telles pratiques seront autorisées seulement en cas d’accord express de la personne concernée.

Des fichiers publics listant les personnes autorisant l’utilisation de leurs coordonnées personnelles dans le cadre du démarchage téléphonique seront créés. Les personnes physiques pourront s’y inscrire gratuitement.

Les pratiques commerciales agressives seront aussi proscrites. La proposition de loi précise qu’un démarchage sera considéré comme agressif s’il altère ou est de nature à altérer ou vicier le consentement d’un consommateur du fait de sollicitations répétées, insistantes et non souhaitées. Les circonstances et les moyens employés par un professionnel permettant de caractériser une pratique commerciale agressive y sont aussi déterminés.

Enfin, des sanctions sont prévues en vue d’assurer le respect de ces dispositions. Le juge civil pourra ordonner la cessation des pratiques illicites, le cas échéant sous astreinte, et prononcer des amendes civiles d’un montant maximum de 45 000 euros.

Désormais, les pratiques de vente se caractérisant par des méthodes de harcèlement ou par des pressions psychologiques de nature à altérer le consentement du consommateur moyen seront interdites et l’utilisation des données personnelles à des fins commerciales sera limitée. Une véritable protection des consommateurs sera donc instaurée.

C’est la raison pour laquelle je vous demande, Mesdames et Messieurs, de bien vouloir adopter cette proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

I. – L’usage des informations issues des fichiers de données à caractère personnel tels que définis à l’article 2 de la loi nº 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés à des fins de démarchage commercial téléphonique est interdit sauf consentement exprès de la personne physique concernée.

II. – L’usage de données à caractère personnel des abonnés ou des utilisateurs des réseaux ou services de communications téléphoniques à des fins de démarchage commercial téléphonique est interdit sauf consentement exprès de la personne concernée.

L’interdiction mentionnée au présent article s’applique aux opérations de démarchage commercial entreprises par les opérateurs téléphoniques auprès de leurs abonnés. 

III. – Le deuxième alinéa de l’article 38 de la loi nº 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés est rédigé comme suit :

« Elle a le droit d’autoriser, sans frais, que les données la concernant soient utilisées à des fins de prospection, notamment commerciale, par le responsable actuel du traitement ou celui d’un traitement ultérieur. »

Article 2

Les personnes physiques peuvent s’inscrire gratuitement au sein de fichiers publics qui listent les personnes autorisant l’utilisation de leurs données personnelles dans le cadre du démarchage téléphonique.

Article 3

Après l’article L. 122-10 du code de la consommation, il est rétabli un article L. 122-11 ainsi rédigé :

« Art. L. 122-11 – I. – Les pratiques commerciales agressives à l’égard des consommateurs sont interdites. Une pratique commerciale est agressive lorsque, du fait de sollicitations répétées, insistantes et non souhaitées, par téléphone, télécopie, courrier électronique ou tout autre outil de communication à distance, elle altère ou est de nature à altérer ou vicier le consentement d’un consommateur. Le caractère agressif d’une pratique commerciale s’apprécie notamment à partir de l’un ou de plusieurs des éléments suivants :

« a) Le moment et l’endroit où la pratique est mise en œuvre, ainsi que sa nature, sa fréquence et sa persistance ;

« b) Le recours à la menace physique ou verbale ;

« c) L’exploitation en connaissance de cause d’une situation de détresse ou de vulnérabilité propre à altérer le jugement du consommateur.

« II. – L’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation, dans les conditions fixées par l’article L. 141-1, et le ministère public peuvent demander à la juridiction saisie d’ordonner, le cas échéant sous astreinte, la cessation des pratiques mentionnées au présent article. Ils peuvent aussi, pour ces pratiques, demander le prononcé d’une amende civile dont le montant ne peut excéder 25 000 €.

« Le juge des référés peut ordonner la cessation des pratiques illicites ou toute autre mesure provisoire.

« III. – Une liste exhaustive des pratiques commerciales agressives en toutes circonstances est fixée par un décret pris en Conseil d’État. »


© Assemblée nationale