Accueil > Documents parlementaires > Propositions de loi
La version en format HTML, à la différence de celle en PDF, ne comprend pas la numérotation des alinéas.
Version PDF
Retour vers le dossier législatif

Document

mis en distribution

le 3 juillet 2008


N° 928

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 juin 2008.

PROPOSITION DE LOI

visant à concilier la protection contre les dangers du tabagisme passif et le maintien du droit de fumer dans les cafés, bistrots et autres bars-tabac situés dans nos campagnes rurales,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

PAR M. Patrice DEBRAY,

député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le débat sur les dangers du tabac est récurrent, et se nourrit de statistiques sans appel : 55 000 fumeurs décèdent chaque année en France, et on estime à 3 000 personnes le nombre de décès dû au tabagisme passif.

Face à ce phénomène, les pouvoirs publics ne restent pas inertes.

En 1991, la France a fait voter une loi dite loi Evin « relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme ». Notre pays se dotait ainsi d’une législation innovante et équilibrée.

En mai 2003, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a adopté le premier traité international destiné à lutter contre le tabagisme. Il prévoit notamment des augmentations de prix et de taxes, l’interdiction de la publicité en faveur du tabac, la mise en place d’avertissements aux fumeurs sur les paquets de cigarettes.

En octobre 2003, le Gouvernement français a augmenté très fortement les taxes liées au tabac, qui ont engendré une hausse du prix du paquet de cigarettes de quelque 40 %. Des campagnes d’information sont régulièrement diffusées à l’initiative du ministère de la santé. Notre pays compte aujourd’hui plus de 13 millions de fumeurs. Chaque année, certains arrêtent de fumer, d’autres reprennent, certains commencent à fumer. Si le nombre de fumeurs baisse continuellement en France comme dans l’ensemble des pays occidentaux, force est de reconnaître que leur nombre reste élevé (25 % de la population environ). Si l’on veut faire baisser le nombre de fumeurs, il existe, outre les campagnes d’information, deux moyens : le prix, et la définition des espaces où il est autorisé ou interdit de fumer. L’augmentation du prix du paquet de cigarettes, à l’instar de celle de 2003, a ses limites. Le Gouvernement, rappelons-le, a augmenté très fortement le prix du paquet de cigarettes en portant la part de ses taxes à 80 % du prix d’un paquet. Si le nombre des cigarettes vendues officiellement en France a baissé d’environ 21 % depuis fin 2003, le nombre de paquets de cigarettes achetés dans les pays limitrophes où le prix est jusqu’à quatre fois moins cher a explosé. Aujourd’hui, on estime que 22 % des cigarettes fumées en France proviennent de ces achats transfrontaliers, ce qui engendre pour l’État un manque à gagner de quelque 3 milliards d’euros chaque année, et une très importante perte de chiffre d’affaires pour les débitants de tabac.

Le 15 novembre 2006, le Premier ministre, a publié un nouveau décret d’application à la loi Evin, visant à interdire en deux temps de fumer dans les lieux publics. Rappelons que la loi Evin, dans son article 16, affirme qu’« il est interdit de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif, notamment scolaire, et dans les moyens de transport collectif, sauf dans les emplacements expressément réservés aux fumeurs. Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application de l’alinéa précédent ». Depuis le 1er février 2007, il est interdit de fumer dans les entreprises, les administrations, les établissements scolaires, etc.

Nous considérons bien évidemment qu’il s’agit d’une avancée significative de protection des non-fumeurs. Selon nous, c’est la deuxième phase de ce décret, qui prévoit d’interdire de fumer dans les cafés, hôtels, restaurants, casinos, discothèques, en un mot les lieux de convivialité, qui est particulièrement discutable. Dans tous les pays où une interdiction de fumer dans les lieux publics a été mise en place, la grande majorité des lieux de convivialité ont subi une baisse notoire de leur chiffre d’affaires.

Ainsi une loi d’interdiction totale pourrait menacer bon nombre de nos commerces de proximité qui sont typiques de nos campagnes (bars-tabacs et bistrots), et qui apportent par leur maillage du territoire, une contribution essentielle à l’aménagement des territoires de l’espace rural. De nombreuses communes de nos campagnes voient leurs derniers lieux de convivialité disparaître. Un dispositif d’interdiction globale précipitera encore plus la tendance, au détriment d’une culture du lien social essentielle dans notre pays et qu’il est nécessaire de défendre, de préserver et de sauvegarder.

De surcroît, au nom du bon sens, il y a une profonde contradiction à ce qu’on ne puisse fumer là où on achète du tabac ! Or, en France, le système de commercialisation de tabac est différent de celui des autres pays. La loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002, article 38, précise que « le monopole de vente au détail est confié à l’administration qui l’exerce (…) par l’intermédiaire de débitants désignés comme ses préposés et tenus à redevance, (…) ou par l’intermédiaire de revendeurs qui sont tenus de s’approvisionner en tabacs manufacturés exclusivement auprès des débitants désignés ci-dessus ».

Les débitants de tabac sont au nombre de 30 000. 19 000 sont des bars-tabac, dits également « tabacs humides ». Les « revendeurs » sont les CHRD (cafés-hôtels-restaurants-discothèques), au nombre de 70 000 sur les 200 000 que compte notre pays, qui sont habilités par les services des douanes à revendre du tabac (cigarettes, tabac à rouler et cigares) dans des conditions très précises. Ces établissements vendant des cigarettes, nous proposons simplement qu’il soit possible de continuer de fumer en leur sein, à l’exclusion des discothèques qui reposent sur un dispositif architectural particulier. Ainsi, parmi les quelque 200 000 lieux de convivialité que compte notre pays, seuls les établissements autorisés à vendre ou à revendre du tabac (cafés, bars-tabac ou bistrots) pourront rester des établissements fumeurs, à la seule condition de disposer d’un simple dispositif d’extraction de fumée aux normes en vigueur. Enfin cette proposition de loi trouve également sa justification dans un point passé à la trappe du rapport de la mission parlementaire d’information, qui reconnaît elle-même (page 35) que 90 % des victimes du tabagisme passif le subissent à leur domicile et 10 % seulement dans des lieux à usage collectif, à cette étape nous ne parlerons même pas du tabagisme passif à l’intérieur des véhicules privés et des conséquences néfastes sur la santé des passagers et principalement des enfants.

C’est pourquoi au regard de ce qui précède, je vous propose d’adopter cette proposition de loi qui permettra de maintenir pour nos bistrots bars-tabac dans nos campagnes un lien économique social et convivial qui évitera leur disparition totale.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

L’article L. 3511-7 du code de la santé publique est ainsi rédigé :

« Art. L. 3511-7. – Il est interdit de fumer dans tous les lieux fermés et couverts affectés à un usage collectif.

« Seuls les établissements vendeurs ou revendeurs de tabac de type cafés, bars-tabac ou bistrots sont autorisés à rester des établissements fumeurs, à l’exception des discothèques. Ces établissements, dits fumeurs, doivent toutefois se doter d’un simple dispositif d’extraction aux normes en vigueur. »


© Assemblée nationale