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le 28 octobre 2008


N° 1190

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 octobre 2008.

PROPOSITION DE LOI

visant à renforcer le contrôle des concentrations
dans le
secteur de la distribution,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

PAR M. Marc LE FUR,

député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Cette proposition de loi vise à rajouter un paragraphe à l’article L. 430-2 du code de commerce afin de mieux contrôler les opérations de concentration intervenant sur le marché de la distribution en prenant en compte les zones de chalandises.

Il y a quelques années, on comptait une quinzaine, voire une vingtaine de groupes de la grande distribution. Il y a douze ans, lors de l’examen de la loi Galland il n’en restait qu’une dizaine. Depuis le vaste mouvement de concentration intervenu en 1999, il ne reste que sept groupes de grande distribution.

Les faits sont là pour le démontrer ! En 1996, le groupe Auchan lance avec succès une OPA inamicale sur Docks de France. Les enseignes Mammouth (hypermarchés) et Attac (supermarchés) deviennent la propriété d’Auchan, engageant ainsi un premier mouvement de concentration dans la grande distribution.

En 1998, les adhérents du groupement Leclerc et les associés de Système U approuvent le principe du rapprochement des deux groupes afin de mettre en place une centrale d’achat commune, l’Union des coopérateurs indépendants européens (Lucie), chargée dans un premier temps de la négociation commerciale, du référencement des grands fournisseurs, des produits premiers prix, des importations et de la recherche de fournisseurs.

Ce rapprochement a modifié de manière considérable les relations commerciales entre distributeurs et fournisseurs au détriment de ces derniers et au final des consommateurs.

En 1999, le groupe Carrefour, après une procédure d’OPE, acquiert le groupe Promodès, devenant le leader de la grande distribution en France, leader qui aiguise aujourd’hui l’appétit d’un géant étranger de la grande distribution, Wall Mart.

Le secteur de la grande distribution devient de plus en plus concentré et multiplie les risques d’entraves à la concurrence, notamment dans des zones géographiques homogènes, en vertu d’une véritable logique de partage du territoire.

Imaginez que l’un de nos grands groupes soit racheté par Wall Mart, comme cela était envisagé pour Carrefour il y a vingt-quatre mois ! Chacun mesure le séisme qui résulterait de la concrétisation de cette hypothèse !

Si le droit communautaire et le droit actuel de la concentration permettent de contrôler les concentrations au niveau national, il n’est pas opérant pour opérer un contrôle au niveau des zones de chalandise.

Cette situation n’est pas sans conséquence sur le pouvoir d’achat des Français

Selon les chiffres officiels, les prix des produits de grande consommation ont augmenté de 4,6 % sur un an.

Or, L’explosion des prix des matières premières n’explique pas, à elle seule, l’ampleur des hausses de prix dont sont victimes les consommateurs.

Selon l’association UFC-Que Choisir l’absence de concurrence entre enseignes dans les zones de chalandise, démontre que s’il existe sept groupes de distribution et cinq centrales d’achats, ils ne sont quasiment jamais tous présents dans la même ville et encore moins dans la même zone de chalandise.

Selon une étude récente de cette association de consommateurs, seules 27 % des 634 zones de chalandise françaises étudiées sont vraiment concurrentielles. Cette analyse est partagée par le Conseil de la concurrence et figure dans le rapport sur la négociabilité des tarifs et des conditions générales de vente.

Le dispositif de contrôle des concentrations au niveau national doit donc être complété par un contrôle des conséquences des opérations de concentration sur les marchés pertinents.

En effet, les véritables situations de monopoles de grands groupes de la distribution existant dans certains territoires, ou certaines zones géographiques, ne sont pas sans conséquence sur le niveau des prix et les rapports entre fournisseurs et distributeurs.

Si l’un des groupes français existant venait à être absorbé par un groupe étranger d’envergure dont la puissance financière et la capacité de négocier les tarifs dépassent largement celle des groupes français, ces monopoles de fait pourraient avoir des effets désastreux sur de nombreuses filières dépendantes de la grande distribution et avoir des conséquences néfastes sur le pouvoir d’achat au niveau des zones de chalandises

C’est pourquoi, il conviendrait de permettre au ministre en charge de l’économie de contrôler, dans un délai maximum de trois mois après sa réalisation effective, toute opération de concentration, dès lors que celle-ci concerne des entreprises détenant sur un marché pertinent une part de marché de 25 %.

Ce mécanisme vise par là même à empêcher les concentrations excessives.

Cette proposition de loi va dans l’intérêt des consommateurs, comme dans celui des producteurs.

Il s’agit pour le consommateur d’éviter l’illusion de la concurrence lorsque les enseignes présentes sur un territoire donné appartiennent au même groupe. Pour les producteurs, il s’agit d’éviter que la concentration excessive les transforme de fait en sous-traitants des groupes de la grande distribution.

Tels sont, Mesdames, Messieurs, les objectifs de cette proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

L’article L. 430-2 du code de commerce est complété par un II ainsi rédigé :

« II. – Lorsqu’une opération de concentration au sens de l’article L. 430-1 entre entreprises exerçant l’activité de commerce de détail affecte un marché pertinent où les entreprises ou des groupes de personnes morales ou physiques concernées détiennent ensemble une part de marché, exprimée en chiffre d’affaire, de plus de 25 %, le ministre chargé de la concurrence peut, dans un délai de trois mois après la réalisation effective de l’opération, la soumettre à la procédure prévue aux articles L. 430-3 et suivants. Toutefois les dispositions de l’article L. 430-4 ne sont pas applicables à ces opérations.

« Dans les départements d’outre-mer, les dispositions de l’alinéa précédent sont aussi applicables lorsqu’une opération de concentration au sens de l’article L. 430-1 a pour effet de porter la surface de vente telle que définie à l’article L. 752-1 au-delà du seuil fixé au même article. »


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