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N° 1392

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 janvier 2009.

PROPOSITION DE LOI

visant à établir un contrôle des emprunts à risques
des
collectivités territoriales,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

Par M. Marc LE FUR,

député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La crise financière que nous connaissons n’épargne aucun secteur de notre économie et de nos territoires. À l’instar des établissements financiers privés et des entreprises, les collectivités territoriales sont en effet affectées, dans le cadre de leurs politiques d’emprunts, par les bouleversements financiers actuels. Les difficultés rencontrées par la Banque de financement des collectivités, Dexia a, pour certaines d’entre elles, mis en évidence une prise de risque excessive dans les orientations des politiques d’emprunt.

L’actualité a mis en évidence que des villes comme Saint-Étienne, Tulle, Lamballe ou Lille, ou encore le département de la Seine-Saint-Denis étaient pris au piège des emprunts toxiques. En effet, certaines collectivités territoriales ont contracté des emprunts à taux variables adossés à des mécanismes financiers « complexes » qui sont souvent des contrats d’options spéculatifs et risqués, indexés sur des valeurs incertaines et volatiles comme les variations de change, les écarts de taux d’intérêts, voire le prix du baril de pétrole.

Combien représentent-ils dans la dette des collectivités, qui s’élève environ à 67 milliards d’euros ? 20 % à 40 % selon les sources : l’estimation varie selon que l’on s’adresse au ministère de l’intérieur ou aux agences de notation.

Dans son rapport spécial n° 1198 annexe 2 du 16 octobre 2008 portant sur les crédit au titre de la loi de finances pour 2009 des crédits de l’administration générale et territoriale de l’État, l’auteur de cette proposition de loi tenait à mettre en exergue l’énorme responsabilité des banques et essentiellement de Dexia.

En effet les défauts du contrôle de légalité ne permettent pas d’exonérer la responsabilité des exécutifs locaux, coupables d’avoir cédé à certaines tentations.

En l’état de notre droit, le contrôle de légalité n’a pas les moyens juridiques de contrôler la validité des emprunts réalisés par les collectivités territoriales. En revanche, les mécanismes d’alerte auraient pu et dû fonctionner. L’auteur de cette proposition de loi n’a pas eu, dans le cadre de son rapport spécial sur les crédits de l’administration territoriale et générale de l’État, connaissance de préfet ayant alerté les élus locaux quant aux risques liés à ces emprunts. Le réseau des comptables publics ne semble pas avoir davantage réagi.

Le paradoxe du contrôle de légalité, c’est qu’il se montre parfois tatillon sur des détails alors qu’il ignore totalement des sujets majeurs comme celui lié au risque de la dette. Cette crise doit donc nous amener à nous interroger sur une éventuelle modification du cadre législatif de ce contrôle.

Afin de tirer les leçons de la crise actuelle et de prévenir l’apparition de difficultés comparables, le gouvernement a annoncé plusieurs mesures telles que :

– la mise en place par les banques de typologies indicatives de leurs différents produits ;

– l’élaboration, sous l’égide des pouvoirs publics, d’une charte des bonnes pratiques entre les établissements financiers et les collectivités, destinée à traduire concrètement cette typologie ;

– la création d’un rapport annuel de la direction générale des finances publiques qui présentera la part des emprunts structurés dans l’endettement des collectivités sur la base des informations fournies par les collectivités ;

– l’incitation des exécutifs locaux à informer, plus en amont, les assemblées délibérantes des collectivités territoriales sur le niveau de risque des emprunts contractés.

Si ces mesures vont dans la bonne direction, elles ne sauraient cependant suffire à éviter que certaines collectivités ne se hasardent dans des politiques d’emprunts risquées et dépendantes des produits d’emprunts structurés. Le développement des emprunts dits toxiques montre en effet les limites du contrôle que l’État effectue par son représentant sur les territoires sur les politiques d’emprunt.

C’est pourquoi il convient de modifier le code général des collectivités territoriales afin, d’une part, de compléter le budget des collectivités par un rapport circonstancié sur les emprunts et, d’autre part, élargir les compétences de contrôle des représentants de l’État dans les territoires et des chambres régionales des comptes sur les emprunts des collectivités.

Tels sont Mesdames, Messieurs, les objectifs de la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

« L’article L. 1612-4 du code général des collectivités territoriales est complété par six alinéas ainsi rédigés :

« Le budget de la collectivité territoriale est complété par un rapport sur la dette qui comporte les éléments suivants :

« – le montant et les caractéristiques des emprunts contractés ;

« – un bilan des remboursements effectués ;

« – une présentation de l’évolution de la dette à moyen terme ;

« – le niveau de risque des emprunts contractés.

Ce rapport est transmis en même temps que le budget au représentant de l’État. »

Article 2

L’article L. 1612-5 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le rapport sur la dette fait apparaître un niveau de risque excessif des emprunts contractés, la chambre régionale des comptes, saisie par le représentant de l’État dans un délai de trente jours à compter de la transmission prévue aux articles L. 2131-1, L. 3131-1 et L. 4141-1, propose à la collectivité territoriale, dans un délai de trente jours à compter de la saisine, les mesures nécessaires à la réduction de ce risque et demande à l’organe délibérant une nouvelle délibération. »


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