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N° 2478

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 avril 2010.

PROPOSITION DE LOI

instituant un « contrat service communes rurales »
pour les communes de moins de 500 habitants,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Jean-Claude FLORY,

député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Cette proposition de loi vise à instaurer un « contrat service communes rurales », permettant aux petites communes de moins de 500 habitants dont le potentiel financier par habitant est inférieur à 550 € et qui ne disposent pas de service ou de centre technique municipal, de voir pris en charge par l’État, pour leurs besoins ponctuels dans certaines catégories de service publics, qu’elles ne peuvent assurer en interne, 50 % du coût des prestations proposées par l’entreprise qu’elles auront retenue après une procédure conforme au code des marchés publics.

Depuis les lois de décentralisation, les collectivités territoriales ont pleinement assumé la gestion des compétences transférées par l’État, développant de ce fait considérablement leur responsabilité en matière de service public local. Au fil des années, la décentralisation s’est ainsi étendue dans la réalité du terrain, sans pour autant avoir de base constitutionnelle.

La réforme constitutionnelle de 2003 est donc venue consacrer cette reconnaissance, en inscrivant très clairement le principe d’organisation des pouvoirs qu’est la décentralisation, en définissant les catégories de collectivités territoriales(1), en confirmant leur pouvoir réglementaire et en leur garantissant les ressources nécessaires à l’exercice de ces nouvelles missions.

L’article 72 de la Constitution affirme ainsi désormais les principes de la libre administration par des conseils élus et de l’autonomie financière des collectivités, précisant que les recettes fiscales et autres recettes propres doivent constituer une part déterminante de l’ensemble de leurs ressources et que tout transfert de compétences entre l’État et les collectivités territoriales doit être compensé par le transfert des ressources correspondantes nécessaires à leur exercice(2).

De plus, outre de nouvelles possibilités offertes à la démocratie locale directe comme le droit de pétition, le recours au référendum local ou l’inscription d’une question à l’ordre du jour de l’Assemblée délibérante, la réforme constitutionnelle de 2003 a reconnu le principe de la péréquation entre les collectivités territoriales, tout en instaurant un droit à l’expérimentation de la part de l’État et des collectivités, qui doit être limité dans le temps et prévu par la loi.

Un récent rapport d’information présenté par Manuel Aeschlimann(3) définit la péréquation comme le mécanisme permettant de corriger les inégalités de ressources entre collectivités locales, à niveau de charges obligatoires comparable(4). Il indique également que le poids de la péréquation a été globalement renforcé depuis une dizaine d’années -la proportion de la dotation globale de fonctionnement consacrée aux dotations explicitement péréquatrices ayant continuellement augmenté à partir de 2004 jusqu’à atteindre 15,7 % en 2008 avec néanmoins une évolution hétérogène. De plus, l’indice de performance intrinsèque, qui mesure l’efficacité péréquatrice d’un euro utilisé par une dotation, montrerait que l’effet redistributif de certaines dotations est dilué par leur mode de calcul, comme pour la dotation de solidarité rurale versée aux régions ou les dotations de péréquation urbaine et de fonctionnement minimal attribuées aux départements.

Dans son rapport sur les finances des collectivités en 2009, l’observatoire des finances locales note également qu’en 2008, bien que le niveau global de l’investissement ait été maintenu, la crise a impacté les marges de manœuvre fiscale des collectivités. Celles-ci, déjà largement mobilisées entre 2003 et 2006, se sont réduites alors que la pression fiscale augmentait (après deux années de hausse soutenue des taux entre 2005 et 2006, les taux d’imposition des collectivités ont continué à progresser bien que plus faiblement en 2007 et 2008) et que leur besoin de financement progressait également de 0,9 Md€, principalement du fait de l’augmentation des dépenses de fonctionnement.

Il est également important de noter en préambule que la réforme du fonds de compensation de la TVA a rendu disponibles 3,8 Md€ pour l’investissement des collectivités au titre du plan de relance.

Ces différents éléments nous permettent de mesurer le risque d’un décrochage entre le niveau de financement apporté par l’État aux collectivités et la montée en charge de leurs besoins, avec une menace quant à la nécessaire péréquation entre les territoires que celui-ci doit garantir.

Dans le cadre de cette réflexion sur la nécessité de préserver la péréquation entre les territoires et de garantir à chaque collectivité la possibilité d’assumer les missions de service public dont elle a la charge, cette proposition de loi s’intéresse plus particulièrement au cas des communes de moins de 500 habitants situées en milieu rural dont le potentiel financier par habitant est inférieur à 550 € et qui ne peuvent, faute de ressources suffisantes, se doter d’un service technique municipal et encore moins d’un centre technique municipal, pourtant nécessaire à l’entretien de leur voirie, de leur patrimoine, et à l’exercice de leurs compétences d’aménagement urbain.

Dans ces communes, au nombre de 20 188 et qui représentent 7,1 % des 63 millions d’habitants que compte la France, selon le dernier recensement de la population de 2009, les besoins en matière de services techniques peuvent apparaître de manière ponctuelle, et ne pas justifier l’existence permanente d’un service technique municipal, qui serait également impossible à assumer financièrement. Par ailleurs, leur très faible niveau de ressources de ne leur permet souvent pas de recourir aux services d’une entreprise privée compétente en la matière.

C’est pourquoi ce texte vise à instaurer, à titre expérimental dans un premier temps, dans des conditions précisées par décret publié en Conseil d’État, un « contrat service communes rurales », permettant à ces communes de moins de 500 habitants dont le potentiel financier par habitant est inférieur à 550 € et qui ne disposent pas de service ou de centre technique municipal, de recourir, pour leurs besoins ponctuels dans certaines catégories de service publics dont la liste sera précisée par décret publié en Conseil d’État, nécessitant un savoir-faire dont elles ne disposent pas en interne, à la passation d’une convention avec l’État par laquelle celui-ci s’engage à prendre à sa charge 50 % du coût de la prestation proposée par l’entreprise retenue par la commune après une procédure conforme au code des marchés publics.

Tel est, Mesdames, Messieurs, l’objet de la présente proposition de loi que je vous demande de bien vouloir adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Après l’article L. 1414-16 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 1414-17 ainsi rédigé :

« Art. L. 1414-17. – Le contrat d’avenir rural est un contrat administratif par lequel les communes de 0 à 499 habitants dont le potentiel financier par habitant est inférieur à 550 € et qui ne disposent pas de service technique municipal ni de centre technique municipal peuvent bénéficier de la prise en charge par l’État de 50 % du coût du recours à une entreprise privée pour effectuer une mission de service public ponctuelle qu’elles ne peuvent assumer en interne.

Un décret publié en Conseil d’État précisera les conditions de passation de ce contrat ainsi que la période expérimentale durant laquelle celui-ci pourra être mis en place et les communes concernées par cette expérimentation.

Article 2

Les charges qui pourraient résulter pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la majoration de la taxe visée à l’article 991 du code général des impôts.

1 () Les collectivités territoriales sont les communes, départements, régions, collectivités à statut particulier ou collectivités d’outre-mer régies par l’article 74. Cet article précise en outre que toute autre collectivité territoriale est créée par la loi, le cas échéant en lieu et place d’une ou plusieurs de ces collectivités précédemment énumérées. La réforme constitutionnelle de 2003 a en outre assoupli le régime des départements et régions d’outre-mer, en considération de leurs caractéristiques et contraintes particulières, leur permettant de fixer eux-mêmes des adaptations aux lois et règlements ou, en certaines matières, de déroger à ces textes moyennant une exception limitée au principe d’assimilation législative. S’agissant des collectivités d’outre-mer régies par l’article 74, chacune d’elles a un statut particulier et des passerelles entre l’un et l’autre de ces statuts sous réserve du consentement des populations concernées.

2 () Cette compensation doit être intégrale, concomitante, contrôlée et conforme au principe constitutionnel d’autonomie financière des collectivités. À ce jour 94 % des ressources transférées l’ont été sous une forme fiscale: la TIPP, principalement affectée aux régions selon un processus de modulation régionale destiné à assurer leur autonomie financière mais aussi aux départements pour la gestion du RMI et la TSCA pour les départements. Pour des transferts très ponctuels, la compensation peut aussi être versée sous forme de dotation. En 2010 les compensations s’élèveront à 2,78 Md€ pour les départements, 3,18 Md€ pour les régions et 117 millions pour les régions d’outre-mer qui ne perçoivent pas de TIPP. Elles évolueront selon l’inflation prévisionnelle, soit 1,2 %.L’enveloppe globale dépassera donc 57 Md€.

3 () Rapport d’information déposé le 25 juin 2009 en application de l’article 45 du règlement par la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration de la République de l’Assemblée nationale, sur l’efficacité péréquatrice des dotations versées aux collectivités territoriales et présenté par M. Manuel Aeschliman, député.

4 () En France, la péréquation se fait principalement de manière verticale, via la dotation globale de fonctionnement versée par l’État, mais repose également sur une péréquation horieontale, consistant à opérer un prélèvement sur les ressources des collectivités les plus favorisées pour en redistribuer le produit à celles qui le sont moins, comme le fait le Fonds de solidarité des communes d’Ile-de-France. L’intercommunalité a également un rôle péréquateur, de même que les subventions départementales aux communes ou les fonds structurels européens.


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