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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

treizième législature

RAPPORT D’INFORMATION

Présenté à la suite de la mission effectuée au Kosovo

du 14 au 18 juin 2010

par une délégation du

GROUPE D’ETUDES A VOCATION INTERNATIONALE
SUR LE KOSOVO (1)

(1) Cette délégation était composée de M. Christian Ménard, Président, MM. Jean-Pierre Dufau, Francis Hillmeyer et Jean-Michel Villaumé.

Table des matières

I. Une histoire complexe au cœur des crises balkaniques 7

1. De l’éclatement de la Fédération de Yougoslavie à la partition de la Serbie 8

a) Des agitations étudiantes à l’élection d’Ibrahim Rugova 8

b) Le basculement dans la guerre 10

c) L’intervention de l’OTAN 13

2. L’autonomie sous administration des Nations-Unies 14

a) Le régime d’administration intérimaire dans le cadre de la MINUK 14

b) Les limites du protectorat international 16

c) Une logique de scission 17

3. Le chemin de l’indépendance 20

a) Les propositions du plan Ahtisaari 20

b) La déclaration d’indépendance du 17 février 2008 22

c) Depuis l’indépendance 24

II. Une situation contrastée 25

1. Un statut international en voie de consolidation 26

a) Une indépendance confortée par l’avis de la Cour internationale de Justice du 22 juillet 2010 26

b) Un environnement international plus favorable 29

c) Des relations avec la Serbie en voie d’apaisement 30

2. Des institutions mieux établies 32

a) Les élections du 12 décembre 2010 32

b) Un soutien international qui demeure nécessaire 35

c) Les défis de l’État de droit 39

3. Les défis d’une économie fragile 42

a) Une situation macroéconomique difficile 42

b) Un réseau dense de coopérations bilatérales et multilatérales 43

c) La mobilisation des instruments de soutien de l’Union européenne 47

Conclusion 53

Annexe I — Programme de la mission (14 – 18 juin 2010) 55

Annexe II — Cartes du Kosovo 57

Annexe III — Textes de référence 61

Le présent rapport est le fruit d’une conviction, mais aussi d’un engagement. Près de trois ans après l’indépendance du Kosovo, les institutions de ce jeune pays continuent de se consolider et il appartient aux parlementaires français d’apporter leur appui à ce mouvement. La motion de censure adoptée le 2 novembre 2010 contre le gouvernement a entraîné l’organisation d’élections législatives anticipées le 12 décembre suivant : c’est là le témoignage d’une démocratie vivante, c’est là le signe d’une démocratie en marche.

L’Assemblée générale de l’Organisation des Nations-Unies a récemment adopté une résolution qui tire les conséquences de l’avis consultatif rendu par la Cour internationale de justice sur la conformité au droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance des institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo. En prenant acte de cet avis, selon lequel « la déclaration d’indépendance du 17 février 2008 n’a violé aucune règle applicable du droit international », l’Assemblée générale a clos un débat qui pesait sur la vie politique de plusieurs pays. Un chapitre a été fermé, celui du dialogue entre les États doit commencer.

Une délégation du groupe d’études à vocation internationale (GEVI) sur le Kosovo s’est rendue du 14 au 18 juin 2010 à Pristina (Prishtinë en albanais, Priština en serbe), Malisevo (Malishevë en albanais, Mališevo en serbe), Strpce (Shtërpcë en albanais, Štrpce en serbe), Brezovica (Brezovicë en albanais, Brezovica en serbe) et Mitrovica (Mitrovicë en albanais, Kosovska Mitrovica en serbe). La délégation était ainsi composée :

M. Christian Ménard, président du groupe d’études, député (UMP) du Finistère (6e), secrétaire de la commission de la Défense nationale et des forces armées ;

M. Jean-Pierre Dufau, vice-président du groupe d’études, député (SRC) des Landes (2e), secrétaire de la commission des Affaires étrangères ;

M. Francis Hillmeyer, député (NC) du Haut-Rhin (6e), membre de la commission de la Défense nationale et des forces armées ;

M. Jean-Michel Villaumé, député (SRC) de la Haute-Saône (2e), membre de la commission des Affaires économiques.

A Pristina, la délégation a bénéficié d’entretiens politiques au plus haut niveau, puisqu’elle a pu rencontrer M. Fatmir Sejdiu, Président de la République du Kosovo, M. Jakup Krasniqi, Président de l’Assemblée, M. Hashim Thaçi, Premier ministre et M. Skendër Hyseni, ministre des Affaires étrangères. Ces discussions, qui ont notamment porté sur le statut international et la vie politique du Kosovo, ont témoigné du souhait de placer les relations du pays avec l’ensemble de ses voisins sous le sceau d’une coopération pacifiée et de sa volonté d’inscrire son avenir dans le cadre d’une dynamique d’intégration européenne. Les rencontres avec les responsables de la mission EULEX, du Bureau de liaison de la Commission européenne et de l’UNMIK ont confirmé le soutien international à un développement fondé sur le respect des valeurs qui fondent l’Union européenne.

A Malisevo et à Strpce, la délégation a pu dialoguer avec des élus locaux d’origine et de sensibilité différentes et constater qu’il était possible, après des années des souffrance, de surmonter la méfiance et d’espérer voir bientôt se consolider un Kosovo multiethnique, riche de sa propre diversité.

A Mitrovica, au nord du territoire, la délégation s’est rendue compte du chemin parcouru en quelques années. Si l’attachement à la patrie serbe y est certes plus vigoureux et militant qu’ailleurs, l’atmosphère paisible qui règne sur les deux rives de l’Ibar atteste également que le temps du conflit ouvert semble désormais révolu.

Le présent document constitue le rapport de mission de la délégation.1 Il ne vise pas à présenter un tableau exhaustif des relations entre la France et Kosovo, mais, plus modestement, à dresser un état synthétique des évolutions les plus importantes constatées au cours des années et mois récents et à présenter les voies et moyens d’un renforcement de la coopération bilatérale.2

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I. Une histoire complexe au cœur des crises balkaniques

L’histoire complexe du Kosovo au cours des quinze dernières années joue un rôle trop important dans la situation actuelle pour que l’on puisse comprendre celle-ci sans se référer à celle-là.

Il est tentant d’appliquer au territoire de ce jeune État la formule évocatrice qu’employait le journaliste André Fontaine à propos des relations soviéto-américaines pendant les années de « détente » (1962-1981) : « un seul lit pour deux rêves »3, tant il est vrai que les Serbes, d’une part, les Albanais, d’autre part, revendiquent chacun le Kosovo comme le berceau de leur peuple et réclament en conséquence des droits exclusifs sur la province. Les Serbes mettent en avant l’épisode de la principauté serbe médiévale, dont les traces sont encore très visibles – puisque c’est à cette époque qu’ont été bâtis les nombreux monastères et églises orthodoxes qui font du Kosovo une terre sacrée à leurs yeux.4 Les Albanais font, quant à eux, valoir l’arrivée tardive des Slaves dans la région alors qu’ils se considèrent eux-mêmes comme un « peuple autochtone des Balkans » héritier des Illyriens de l’Antiquité.5

Ainsi, alors que les Balkans constituent une région de brassage ethnique par excellence et qu’une étude sérieuse de l’histoire devrait conduire à reconnaître à tous les peuples vivant au Kosovo le même droit de le considérer comme leur terre ancestrale, l’opposition entre les deux visions de l’histoire a contribué à alimenter les haines.

1. De l’éclatement de la Fédération de Yougoslavie
à la partition de la Serbie

En septembre 1945, le « Kosovo-et-Metohija »6 se voit doter d’un statut de « région autonome » au sein de la République de Serbie, statut confirmé par la Constitution de 1946. Ce statut apparaît comme un compromis entre les souhaits divergents des Serbes et des Albanais et traduit également la volonté des dirigeants communistes de contrôler le nationalisme serbe, perçu comme la plus grande menace pour la Fédération yougoslave. En 1963, les nouvelles constitutions de Serbie et de Yougoslavie renforcent l’autonomie dont jouit le Kosovo, en l’érigeant au rang de « province autonome » comme la Voïvodine. C’est en 1974 que les deux provinces autonomes deviennent concomitamment des entités fédérales de plein droit, jouissant ainsi de compétences équivalentes à celles des six Républiques fédérées.

a) Des agitations étudiantes à l’élection d’Ibrahim Rugova

C’est de l’université de Pristina que part le mouvement de protestation du printemps 1981 : les demandes catégorielles des étudiants se transforment rapidement en une révolte générale à laquelle participent salariés et mineurs. La répression policière est très violente, se traduisant par l’arrestation de nombreux manifestants et la mort de plusieurs centaines d’Albanais. Pour ces derniers, un point de non-retour est rapidement atteint : perdant sa légitimité, l’État yougoslave devient une puissance occupante. En Serbie, ces manifestants sont perçus comme des ennemis intérieurs, prêts à saper les fondements de l’État ; quant aux Serbes du Kosovo, ils s’estiment victimes de pressions et de discriminations de la part des autorités locales, majoritairement albanaises.

Le responsable Slobodan Milošević utilise habilement leurs revendications pour obtenir le ralliement des intellectuels nationalistes de plus en plus influents à Belgrade, dans un contexte de panne de l’idéologie communiste. Élu président du comité central de la Ligue des communistes de Serbie en février 1986, en remplacement d’Ivan Stambolić, il mène une active campagne de soutien aux Serbes et aux Monténégrins du Kosovo. Il écarte ainsi les deux principaux dirigeants communistes du Kosovo au nom d’une supposée complaisance avec le nationalisme albanais et les remplace par des Albanais loyaux envers lui.

En réponse, les mineurs kosovars entament une grève de la faim et des manifestations de soutien aux dirigeants écartés éclatent dans toute la province. La police tire sur les manifestants, arrête et torture des milliers d’Albanais. En février 1989, le Parlement du Kosovo vote à l’unanimité, sous la pression de Belgrade, les amendements constitutionnels qui réduisent à néant l’autonomie de la province.

Manifestations et répression se poursuivent néanmoins au Kosovo, où l’état d’urgence est proclamé. Alors que la Croatie et la Slovénie décident de retirer leurs contingents de policiers de la province, les élèves serbes et albanais sont physiquement séparés, dès la rentrée scolaire suivante, dans les écoles comme à l’université de Pristina. En mars 1990, le Parlement de Serbie décide la création de nouvelles communes majoritairement serbes, prévoit un programme de construction immobilière pour les Serbes revenant au Kosovo et interdit aux Albanais d’acheter ou de vendre des biens immobiliers sans une autorisation spéciale. Des centaines de fonctionnaires, puis environ quatre-vingt mille employés albanais, sont licenciés.

Après des mois de passivité, les députés albanais du Parlement du Kosovo votent, le 2 juillet 1990, une résolution faisant du Kosovo une « entité égale et indépendante dans le cadre de la Fédération yougoslave » ; ils sont destitués par le Parlement serbe trois jours plus tard.

En mai 1992 et à l’issue d’élections « parallèles », Ibrahim Rugova est élu président de la République du Kosovo, désormais proclamée indépendante. Le grand gagnant de ces élections est la Ligue démocratique du Kosovo (Lidhja Demokratike e Kosovës, LDK) dont la ligne politique repose sur trois principes : empêcher la violence, internationaliser la question du Kosovo et contester toute légitimité à l’État de Serbie et à ses institutions locales au Kosovo.

Pour délégitimer le régime de Belgrade, la LDK s’efforce de mettre en place des institutions de substitution. Comme l’accès des écoles a été interdit aux enseignants et aux élèves albanais, ceux-ci fréquentent désormais des écoles établies dans des maisons privées, des caves ou tout autre bâtiment. Pour financer le système scolaire, une collecte de fonds est organisée auprès des Albanais du Kosovo et de la diaspora ; une université parallèle est aussi créée, mais les diplômes ne sont pas reconnus à l’étranger et la qualité de l’enseignement est très inégale. De manière paradoxale, le refus des Albanais de participer aux élections serbes contribue peut-être au maintien au pouvoir de Slobodan Milošević : ce dernier a pu trouver intérêt à être tolérant vis-à-vis du système parallèle albanais, qui ne génère aucun coût et assure au contraire le « gel » de centaines de milliers de voix qui se seraient normalement portées contre lui.

L’intérêt de la communauté internationale pour le Kosovo reste discret, alors que la guerre fait rage en Bosnie-Herzégovine. Les accords de Dayton, qui y mettent fin, n’évoquent pas le dossier kosovar ; par ailleurs, la réaffirmation de l’intangibilité des frontières des anciennes Républiques fédérées et le fait que les Serbes de Bosnie se contentent d’un haut degré d’autonomie ne vont pas dans le sens de la revendication d’indépendance du Kosovo, jugée maximaliste et irréaliste.

Au milieu des années quatre-vingt-dix, la situation apparaît donc bloquée, alors que l’impatience grandit au sein d’une société albanaise comptant un grand nombre d’hommes jeunes, qui n’ont pour perspective d’avenir que de s’exiler hors du Kosovo.

b) Le basculement dans la guerre

Alors que la LDK prônait la non-violence – probablement moins par conviction philosophique qu’eu égard au rapport de forces et aux possibilités de lutte offertes aux Albanais, ainsi que par souci de présenter au monde extérieur le visage d’un parti démocrate modéré –, l’armée de libération du Kosovo (Ushtria Çlirimtare e Kosovës, UÇK), créée en 1993, tire profit des émeutes qui agitent l’Albanie en 1997 pour se procurer des armes et établir des bases dans les zones montagneuses du nord du pays, frontalières du Kosovo.7 L’UÇK parvient à attirer à elle une partie de l’argent de la diaspora albanaise – au détriment du financement de la « République de Kosovë » – et ses liens avec différents trafics sont avérés.

Les mois de février et mars 1998 sont marqués par des affrontements dans la région de la Drenica, où la police serbe et l’armée yougoslave détruisent de nombreux villages, faisant des dizaines de victimes. Les manifestations de protestation se succèdent à Pristina, où les slogans non-violents cèdent rapidement la place à un soutien ouvert à l’UÇK. Un certain nombre de villages peuplés d’Albanais se déclarent « zones libérées » et se placent sous l’autorité de l’UÇK, qui y établit un régime militaire.8

Au début de l’été 1998, le Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations-Unies estime que près de deux cent mille Albanais ont dû abandonner leurs foyers au Kosovo. Beaucoup ne quittent pas la province ; ceux qui le font se réfugient en Albanie et surtout au Monténégro. Les forces serbes ont pour stratégie de vider de leur population les villages où l’UÇK a pris position, afin de couper la guérilla de ses soutiens dans la population civile. Elles lancent ainsi une offensive pour reconquérir la Drenica en septembre 1998 : plusieurs bastions de l’UÇK sont totalement détruits, au prix de nombreuses exactions et de l’exode de centaines de civils.

Combats et mouvements de population au Kosovo en 1998
Source : C. Marin, Monde diplomatique, janvier 1999
(données du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés)
9

L’opinion publique occidentale est désormais sensibilisée au sort de la province et la pression sur Belgrade s’accentue. La résolution 1199 du Conseil de sécurité, adoptée le 23 septembre 1998, prévoit la possibilité d’utiliser la force pour prévenir un désastre humanitaire. Un accord est conclu avec Slobodan Milošević le 13 octobre : il prévoit un cessez-le-feu, la réduction des forces serbo-yougoslaves à 12 500 soldats et 6 500 policiers spéciaux, le droit inconditionnel au retour pour les réfugiés et les déplacés et le déploiement de deux mille vérificateurs du cessez-le-feu, non armés et mandatés par l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).

Le 6 février 1999, des négociations serbo-albanaises s’ouvrent au château de Rambouillet. Des avancées concrètes sont esquissées sur la forme d’autonomie qui pourrait être accordée aux Albanais, mais une annexe prévoit le déploiement de forces de l’OTAN au Kosovo, qui disposerait d’une liberté de circulation dans toute la Yougoslavie. Cette clause est refusée par la Serbie, qui porte ainsi la responsabilité de l’échec des pourparlers.

c) L’intervention de l’OTAN

Sans avoir été approuvés par le Conseil de sécurité des Nations-Unies, les bombardements de l’OTAN commencent le 24 mars 1999 sur Pristina et de nombreux sites en Yougoslavie – c’est-à-dire en Serbie, mais aussi au Monténégro afin d’éviter que la petite République ne constitue un sanctuaire pour l’armée yougoslave.

En dépit de « dommages collatéraux », le nombre de victimes directes des bombardements serait d’environ cinq cents, ce qui est peu au regard des destructions matérielles.

L’armée yougoslave entend profiter du conflit pour achever d’éliminer l’UÇK, en vidant de leurs habitants les zones qui lui servent de refuges et les régions frontalières de l’Albanie. Les expulsions frappent aussi les villes : sont touchés en priorité les jeunes gens susceptibles de rejoindre la guérilla et les notables ayant une influence sur la population albanaise. Selon le Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations-Unies, près de huit cent mille Albanais ont quitté le Kosovo pendant les deux mois et demi de bombardements : certains ont été chassés, d’autres sont partis par crainte des violences. Selon l’OSCE, en juin 1999, on comptait 863 500 réfugiés, dont 444 300 en Albanie et 237 500 en Macédoine. Les populations ont subi des exactions de la part des policiers et des soldats, dans le cadre d’un « nettoyage ethnique » qui a coûté la vie à environ quatre mille personnes.

L’OTAN excluant toute offensive terrestre, considérée comme trop risquée, la situation était susceptible de rapidement se figer. C’est dans ce contexte que sont signés, le 9 juin 1999, les accords de Kumanovo, qui prévoient le retrait des forces yougoslaves du Kosovo et l’entrée des troupes de l’OTAN. Le lendemain, les bombardements cessent et le Conseil de sécurité des Nations-Unies adopte la résolution 1244 qui décide d’une présence internationale au Kosovo, sous son égide.

Dès ces accords signés, des milliers de réfugiés convergent vers le Kosovo, où les soldats de l’OTAN peinent à faire respecter un semblant d’ordre. C’est alors que commence un exode des Serbes du Kosovo : sans qu’il y ait eu, apparemment, de consigne d’évacuation, beaucoup de Serbes suivent le départ de l’armée et de la police par peur des représailles albanaises. Après la première vague de départs, qui a concerné cinquante à soixante mille personnes, le mouvement se poursuit de manière progressive.

2. L’autonomie sous administration des Nations-Unies

La résolution 1244, adoptée par le Conseil de sécurité des Nations-Unies le 10 juin 1999 après la conclusion de l’accord prévoyant la suspension des opérations aériennes de l’OTAN et le retrait des forces de sécurité yougoslaves du Kosovo, résulte d’un compromis âprement négocié entre les pays disposant du droit de veto au Conseil de sécurité, parmi lesquels la Chine et la Russie soutenaient les intérêts de la Serbie. Elle entérine aussi un compromis passé entre la Serbie et les puissances occidentales. La résolution place le Kosovo sous administration provisoire des Nations-Unies, tout en affirmant le principe de la souveraineté yougoslave : elle est ainsi la source de contradictions qui compliqueront considérablement le travail de la Mission d’administration intérimaire des Nations-Unies au Kosovo (MINUK).

a) Le régime d’administration intérimaire dans le cadre de la MINUK

Le volet militaire et de sécurité de la mission a été confié à l’OTAN dans le cadre de la KFOR, tandis que le volet humanitaire et le volet civil impliquent différents acteurs : les Nations-Unies, l’OSCE, l’Union européenne, le Haut-Commissariat aux réfugiés, etc. Trois processus distincts devaient être menés à bien : le transfert de l’ancienne administration serbe à l’administration internationale, un processus électoral permettant de disposer de nouvelles institutions légitimes et un transfert de compétences de l’administration internationale à ces nouvelles institutions élues. Il s’agit de la mise sous tutelle le plus importante de l’histoire des Nations-Unies, qui n’est appelée à s’achever qu’une fois résolue la question du « statut final » du Kosovo.

La MINUK a été créée en juin 1999 par la résolution 1244 du Conseil de sécurité susmentionnée. Celui-ci autorise alors le Secrétaire général à établir une présence administrative internationale civile au Kosovo, dans le cadre de laquelle la population de cette région dévastée par la guerre pourrait jouir d’une « autonomie substantielle » (§ 10).10 Le Conseil charge la MINUK d’assurer une administration transitoire et de mettre en place et de superviser les institutions d’auto-administration démocratiques nécessaires pour que tous les habitants du Kosovo puissent vivre en paix et dans des conditions normales. Il confie à la mission de l’ONU les tâches principales suivantes :

Faciliter l’instauration au Kosovo d’une autonomie et d’une auto-administration substantielles ;

Exercer les fonctions d’administration de base ;

Faciliter un processus politique visant à déterminer le statut futur du Kosovo ;

Faciliter la reconstruction des infrastructures essentielles et l’acheminement de l’aide humanitaire et de secours ;

Maintenir l’ordre public ;

Promouvoir les droits de l’homme ;

Veiller à ce que tous les réfugiés et personnes déplacées puissent rentrer chez eux en toute sécurité et sans entrave.

La mission repose sur deux piliers : le pilier de démocratisation et création d’institutions, sous la responsabilité de l’Organisation pour la sécurité et coopération en Europe (OSCE) ; le pilier de la reconstruction économique, sous les auspices de l’Union européenne.11

En 2001, la MINUK élabore un « cadre constitutionnel » qui permet d’organiser les élections législatives de l’automne 2001. Il définit les compétences respectives de l’administration internationale et des institutions élues (notamment, celles du nouveau gouvernement issu des élections), les domaines de responsabilités partagées et les importantes compétences réservées au Représentant spécial et à la MINUK. Il met en place un régime parlementaire, avec une Assemblée de cent vingt membres élus pour trois ans, disposant du pouvoir d’investir et de censurer le gouvernement, de nommer à certains emplois publics – ceux de la magistrature, notamment –, d’élire sa présidence collégiale ainsi qu’un président du Kosovo, aux prérogatives limitées.

b) Les limites du protectorat international

Les cinq premières années du protectorat international ont permis la réalisation de progrès réels, principalement en termes de processus démocratique et de reconstruction d’urgence. Mais les violences du printemps 2004 ont révélé la persistance de tensions entre les communautés et ont été considérées par les Serbes comme la preuve de l’incapacité de la communauté internationale à assurer leur protection. Elles ont donc contribué à radicaliser les positions des uns et des autres.

Ces violences ont été déclenchées par deux événements qui se sont produits à la mi-mars 2004 : un adolescent serbe est d’abord tué par des tireurs inconnus près du monastère de Gracanica, ce qui conduit les Serbes à organiser des manifestations de protestation et à couper la circulation sur la route Skopje-Pristina, l’un des principaux axes du Kosovo. Quelques jours plus tard, le 16 mars, deux enfants albanais disparaissent d’un village situé près de Mitrovica : selon le témoignage d’un autre enfant, ils se seraient noyés dans l’Ibar après avoir été agressés par des garçons serbes plus âgés.

Une manifestation se déroule à Mitrovica le lendemain. Encadrés par des radicaux, les manifestants essaient de franchir le pont sur l’Ibar qui sépare la partie sud de la ville, où vivent des Albanais, de la partie nord, peuplée par des Serbes. La KFOR est rapidement débordée et des tireurs serbes bloquent l’avancée des Albanais, au prix de nombreux morts.

La vague de violence s’étend alors à l’ensemble du Kosovo. Si le bilan humain demeure heureusement limité (une vingtaine de victimes), celle-ci accrédite au sein de la minorité serbe l’idée que son départ est inéluctable et qu’elle n’a pas sa place dans un Kosovo multiethnique, alors que les vingt mille soldats de la KFOR et les policiers des Nations-Unies n’ont pas été capables de contrôler la situation et de protéger leurs biens (et surtout leurs églises et monastères).12

c) Une logique de scission

L’antagonisme entre Serbes et Albanais s’enracine dans la complexité ethnique du Kosovo et se nourrit de l’évolution des équilibres démographiques, au détriment des premiers et au bénéfice des seconds. Le tableau ci-dessous présente l’évolution de la composition de la population du pays entre 1953 et 1991, alors que le Kosovo et ses voisins étaient encore parties à la République fédérative socialiste de Yougoslavie.

Évolution de la composition de la population du Kosovo, 1953 – 1991
Source
 : X. Bougarel et N. Clayer (dir.), Le Nouvel Islam balkanique : les musulmans, acteurs du post-communisme 1990-2000, Maisonneuve & Larose, Paris, 2001, p. 213.

 

1953

1961

1971

1981

1991

Albanais

524 559
(64,9 %)

646 605
(67,1 %)

916 168
(73,7 %)

1 226 736
(77,4 %)

1 607 690
(82,2 %)

Serbes

189 869
(23,5 %)

227 016
(23,5 %)

228 264
(18,4 %)

209 498
(13,2 %)

195 301
(10,0 %)

Monténégrins

31 343
(3,9 %)

37 588
(3,9 %)

31 555
(2,5 %)

27 028
(1,7 %)

20 045
(1,0 %)

Turcs

34 583
(4,3 %)

25 764
(2,7 %)

12 244
(1,0 %)

12 513
(0,8 %)

10 838
(0,6 %)

Roms

11 904
(1,5 %)

3 202
(0,3 %)

14 593
(1,2 %)

34 126
(2,2 %)

42 806
(2,2 %)

Musulmans

6 241
(0,8 %)

8 026
(0,8 %)

26 357
(2,1 %)

58 562
(3,7 %)

57 408
(2,9 %)

Autres

9 642
(1,1 %)

15 787
(1,7 %)

14 512
(1,1 %)

15 978
(1,0 %)

20 659
(1,1 %)

TOTAL

808 141

963 988

1 243 693

1 584 441

1 954 747

Les deux principales communautés du Kosovo sont la communauté albanaise et la communauté serbe : elles représentaient, à elles seules, 88,4 % de la population recensée en 1953 et 92,2 % en 1991, alors que cette même population avait augmenté de 141,9 % entre ces deux dates (passant de 0,8 million à 1,9 million d’habitants). Mais cette évolution globale masque des mouvements contrastés. La proportion d’Albanais au Kosovo augmente de près de vingt points en quarante ans (de 64,9 % en 1953 à 82,2 % en 1991), ce qui correspond à un triplement du nombre d’habitants (de 0,5 à 1,6 million). Inversement, l’effectif de la population serbe reste pratiquement stable, la croissance de 20,2 % observable entre 1953 et 1971 étant suivie d’un repli du même ordre ; par voie de conséquence, la proportion des serbes dans l’ensemble de la population du Kosovo chute de près de quinze points entre 1953 et 1991.

Pour ce qui concerne sa répartition géographique, la communauté serbe se concentre au nord du territoire (à proximité immédiate de la Republika Srbija), dans la région de Strpce (près de la Macédoine) ainsi qu’entre Kačanik et Kameniča.

Au moment de la vague de violence du printemps 2004, les Serbes du nord du Kosovo (communes de Leposavic, Zvecan et Zubin Potok, partie nord de Mitrovica) vivaient comme s’ils étaient en Serbie – et non dans une partie du territoire placé sous la protection des Nations-Unies. Le dinar serbe y est couramment utilisé alors que l’euro est la monnaie officielle du Kosovo et les automobiles ont des plaques serbes. La population n’y était pas exclusivement serbe avant 1999, mais les Albanais qui y vivaient ont presque tous préféré quitter la région pour s’installer au sud de l’Ibar.

Inversement, la tutelle internationale et le mouvement de départ des Serbes ont permis d’affermir la position de la majorité albanaise au sein de l’appareil politico-administratif.

Répartition des communautés au Kosovo en 2002
Source
 : UNMIK – OSCE - UNHCR

La logique de l’histoire, confortée par le refus d’une fraction importante de la communauté serbe de participer au jeu institutionnel kosovar13, a donc conduit le Kosovo à s’engager sur le chemin de l’indépendance.

3. Le chemin de l’indépendance

a) Les propositions du plan Ahtisaari

L’ouverture de négociations sur le statut final du Kosovo devait être subordonnée à l’application de huit « standards » ou « normes » édictés en 2003 par la MINUK et relatifs à divers domaines – fonctionnement des institutions démocratiques, État de droit, liberté de mouvement, droits des communautés et retours durables des déplacés, économie, droit de propriété et patrimoine culturel, dialogue entre Belgrade et Pristina, Corps de protection du Kosovo – selon le principe « les standards avant le statut ». Pourtant, en octobre 2005, le rapport de l’Envoyé spécial des Nations-Unies Kai Eide ouvre la voie aux négociations, en dépit d’une application très imparfaite de ces normes. Il conclut que le statu quo n’est plus tenable et préconise le passage à une phase politique de détermination du statut de la province, parallèlement à la poursuite du travail nécessaire à l’application de ces normes.

Le 24 octobre 2005, le Conseil de sécurité décide d’ouvrir des négociations sur le statut et soutient le choix par le Secrétaire général des Nations-Unies de M. Martti Ahtisaari comme envoyé spécial pour mener ces négociations. 14 Travaillant en relation étroite avec le « groupe de contact » composé des Etats-Unis, du Royaume-Uni, de la France, de l’Allemagne, de l’Italie et de la Russie, il commence par élaborer des « principes directeurs » destinés à encadrer la négociation : s’ils ne tranchent pas entre indépendance limitée et autonomie poussée, ces principes directeurs excluent trois options : le retour au statu quo, la partition du Kosovo, le rattachement en totalité ou en partie à des pays voisins.

Les négociations, ouvertes à Vienne en février 2006, ne permettent pas de rapprocher les positions diamétralement opposées des deux parties : les Albanais du Kosovo apparaissent prêts à des concessions pour autant qu’ils obtiennent l’indépendance, les Serbes se montrent disposés à aller loin en matière d’auto-gouvernance pour autant que soit maintenue la souveraineté serbe sur le Kosovo. Faute d’un accord entre les parties, Martti Ahtisaari propose donc lui-même – à partir des positions exprimées par celles-ci lors des négociations – une solution pour le statut du Kosovo. Il présente ses propositions à Belgrade, à Pristina puis, le 26 mars 2007, au Conseil de sécurité.

Le projet, composé d’un texte principal et de onze annexes, ne conclut pas à l’indépendance. Il détaille un statut des minorités très protecteur, qui s’appuie sur une représentation renforcée dans les institutions, une décentralisation asymétrique au profit des municipalités serbes, la création de nouvelles municipalités à majorité non albanaise et des mesures de protection du patrimoine religieux de l’Église orthodoxe de Serbie, dont le Kosovo devra reconnaître l’existence et les propriétés. Il organise aussi la future présence internationale, composée d’un bureau civil international dirigé par un Représentant civil international, d’une mission de police et de justice placée sous son autorité et d’une présence militaire assurée par l’OTAN.15

Le plan Ahtisaari reçoit le soutien des occidentaux du « groupe de contact », qui le considèrent équilibré et réaliste. Il est en revanche refusé par la Serbie, qui y voit un démembrement de son territoire. La Russie, qui a progressivement durci sa position, exige que le futur statut soit acceptable pour la Serbie ; elle insiste pour que les négociations se poursuivent jusqu’à ce qu’un accord soit trouvé entre Belgrade et Pristina et pour que, dans l’intervalle, le territoire reste sous administration des Nations-Unies. Une mission du Conseil de sécurité se rend à Belgrade et au Kosovo en avril 2007 et ne peut que prendre la mesure des tensions sur place.

Si les Serbes, d’une part, et les Albanais du Kosovo, d’autre part, sont aussi fermes sur leurs positions respectives, c’est que les uns et les autres disposent de soutiens de poids, membres de la Troïka et dotés d’un droit de veto au Conseil de sécurité : la Russie affirme en effet, à plusieurs reprises, qu’elle opposera son veto à toute résolution dont le contenu n’aura pas été accepté par les deux parties – c’est-à-dire, en fait, qui n’obtiendra pas l’aval des Serbes – tandis que les États-Unis annoncent qu’ils reconnaîtront l’indépendance du Kosovo, même si elle est déclarée unilatéralement.

Le raidissement des positions de ces deux puissances atteste que le Kosovo devient donc progressivement un enjeu de pouvoir entre elles.

b) La déclaration d’indépendance du 17 février 2008

Les élections du 17 novembre 2007 donnent la victoire au Parti démocratique du Kosovo, conduit par Hashim Thaçi, qui l’emporte devant la Ligue démocratique du Kosovo menée par Fatmir Sejdiu. Au nom d’un intérêt supérieur à leurs yeux – l’indépendance du Kosovo « d'ici à quelques semaines » – les deux responsables décident le 9 janvier suivant de lier leurs destins politiques, en dépit de leurs divergences. Fatmir Sejdiu, héritier de la lutte pacifiste pour l'indépendance menée par Ibrahim Rugova jusqu'à sa mort en janvier 2006, est reconduit par le Parlement kosovar à la présidence des institutions autonomes ; quant à Hashim Thaci, issu d’une génération déçue par la résistance pacifique des années quatre-vingt-dix et ancien chef politique de la guérilla de l'Armée de libération du Kosovo, il est élu par les députés au poste de Premier ministre.16 Quatre-vingt cinq parlementaires sur cent vingt approuvent cette alliance gouvernementale.

Devant les parlementaires réunis pour la première fois depuis le scrutin législatif précédent, le Premier ministre indique que « le but est de faire du Kosovo un État indépendant au début de cette année ».

L’annonce intervient dans le contexte des élections présidentielles en Serbie, qui oppose à titre principal le président sortant Boris Tadić, candidat pro-européen issu du Parti démocrate (DS), à une figure connue de l'ultranationalisme serbe, Tomislav Nikolić – chef du Parti radical serbe (SRS), depuis que son représentant historique Vojislav Šešelj s’est livré au Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) pour répondre d’accusations de « crimes contre l'humanité » commis entre 1991 et 1995, durant les guerres de Croatie et de Bosnie-Herzégovine. Arrivé en tête à l’issue du premier tour, Tomislav Nikolić échoue néanmoins au second et alors même que le Premier ministre en exercice Vojislav Koštunica avait refusé son soutien à Boris Tadić au second tour, au motif que le président ne s'était pas suffisamment engagé contre l'indépendance du Kosovo.

Celle-ci est en définitive proclamée le dimanche 17 février 2008. Le document, signé par 109 membres de l’Assemblée sur 120, mérite qu’on s’y arrête. Ses auteurs proclament, en premier lieu, que le Kosovo « est une république démocratique, laïque et multiethnique, guidée par les principes de non-discrimination » et qu’ils « protégerons et promouvrons les droits de toutes les communautés du Kosovo et créerons les conditions nécessaires à leur participation effective aux processus politiques et de prise de décision ».

Ils indiquent qu’ils « mettrons intégralement en application les obligations » découlant du plan Ahtisaari, « dont l'adoption prioritaire de lois figurant dans son annexe XII, notamment celles qui protègent et promeuvent les droits des communautés et de leurs membres ».

Saluant « le soutien continu à notre développement démocratique manifesté par la communauté internationale par le biais de la présence internationale établie au Kosovo sur la base de la résolution 1244 du conseil de sécurité de l'Onu (1999) », les signataires « [invitent et accueillent] une présence internationale civile chargée de superviser l'application du plan Ahtisaari et une mission de l'Union européenne » de police et de justice. Ils demandent également à l’OTAN de « garder un rôle dirigeant dans la présence militaire internationale au Kosovo et à assumer les responsabilités » qui lui ont été confiées par la résolution 1244 et le plan Ahtisaari jusqu'à ce que les institutions du Kosovo soient capables d'assumer ces responsabilités.

Plusieurs paragraphes sont consacrés à l’engagement européen du Kosovo et son intégration dans la communauté internationale. C’est ainsi que sont affirmés l’intention « de prendre toutes les mesures nécessaires pour faciliter [l’] entrée dans l'Union européenne dès que possible et mettre en application les réformes requises pour l'intégration européenne et euro-atlantique », l’engagement de respecter « les principes de la Charte des Nations-Unies, de l'Acte final des accords d'Helsinki, de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) » ainsi que « les principes qui sous-tendent les relations entre États ». Le Kosovo respectera « la souveraineté et l'intégrité territoriale de tous ses voisins » et s'abstiendra de « tout usage de la force ou menace d'y avoir recours », il « coopérera pleinement avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie » et se consacrera « à la paix et à la stabilité » en Europe du sud-est. Si le processus de désintégration de l'ex-Yougoslavie « a été douloureux », « le Kosovo s'efforcera inlassablement de contribuer à une réconciliation qui permettrait à l'Europe du sud-est de dépasser les conflits du passé et de construire de nouvelles relations de coopération régionale ».

Les députés soulignent leur volonté d’œuvrer « pour avancer vers un avenir européen commun » et, en particulier « [d’]établir de bonnes relations avec tous nos voisins, dont la république de Serbie, avec laquelle nous avons de profonds liens historiques, commerciaux et sociaux que nous chercherons à développer dans un proche avenir ».

Les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Italie reconnaissent l’indépendance du Kosovo dans les heures qui suivent la déclaration. De même, dans une lettre à son homologue en date du 18 février 2008, le Président de la République Nicolas Sarkozy indique que la France « tirant les conséquences de la résolution adoptée par l’Assemblée du Kosovo le 17 février 2008, reconnaît dès à présent le Kosovo comme un État souverain et indépendant », propose l’ouverture de relations diplomatiques officielles immédiates et en appelle au développement des relations bilatérales « non seulement sur le plan politique, mais également dans les domaines culturel, universitaire et économique. »

c) Depuis l’indépendance

Deux mois plus tard (7 avril 2008), la commission constitutionnelle du Kosovo publie un projet de Constitution, qui reçoit l’aval de l'envoyé de l'Union européenne (UE) au Kosovo Peter Feith, qui dirige le Bureau civil international (BCI). Le document, approuvé par l’Assemblée, entre en vigueur le 15 juin 2008.

La Constitution kosovare, longue de 162 articles, met en place un régime parlementaire dominé par un Parlement monocaméral. Élue au suffrage universel direct pour une durée de quatre ans, l’Assemblée de la République compte cent vingt sièges, dont vingt sont de droit réservés à la représentation des communautés minoritaires (dix pour les Serbes, trois pour les Bosniaques, deux pour les Turcs, etc.).

Conformément au modèle démocratique européen, l’Assemblée examine et vote les lois, ratifie les traités internationaux, approuve le budget, élit le Gouvernement et le censure, contrôle l’ensemble des pouvoirs publics, etc. Il lui revient également d’élire le Président de la République et les membres du Kosovo Judicial Council et du Kosovo Prosecutorial Council (institutions équivalentes, respectivement, à un conseil supérieur de la fonction judiciaire et à un parquet général), ainsi que de proposer les noms des juges à la Cour constitutionnelle. Par un dédoublement fonctionnel, l’organe législatif a également une compétence constituante. L’Assemblée peut être dissoute en cas d’échec de la formation d’un gouvernement ou de l’élection du Président de la République.

Le Président de la République est élu par l’Assemblée pour cinq ans, à la majorité des deux tiers de ses membres et sur présentation d’au moins trente députés. Il choisit le Premier ministre sur proposition du parti (ou de la coalition) majoritaire à l’Assemblée, promulgue les lois votées, nomme les juges à la Cour constitutionnelle et nomme de nombreux hauts fonctionnaires, parfois sur proposition de l’Assemblée (président de la Cour suprême et procureur général, juges et procureurs, gouverneur de la Banque centrale, etc.).

Si les autorités serbes ont immédiatement annoncé tenir cette Constitution pour dépourvue de portée, sa publication a néanmoins été saluée par de nombreux partenaires du Kosovo. Elle permet surtout de tourner la page de la réforme institutionnelle, de sorte que l’action publique puisse désormais se consacrer de manière privilégiée à la prise en charge des questions structurelles auxquelles le pays est confronté.

II. Une situation contrastée

La situation du Kosovo apparaît aujourd’hui contrastée. Si son statut international a été affermi par l’avis de la Cour de Justice rendu en juillet 2010, si le fonctionnement des pouvoirs publics constitutionnels y obéit au rythme normal de la vie démocratique, l’ampleur des défis à affronter au plan économique est préoccupante et appelle le maintien d’un effort soutenu dans le cadre d’un rapprochement avec l’Union européenne.

1. Un statut international en voie de consolidation

a) Une indépendance confortée par l’avis de la Cour internationale de Justice du 22 juillet 2010

En octobre 2008, la Serbie a demandé à l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations-Unies de saisir la Cour internationale de justice – conformément à l’article 96 de la Charte des Nations-Unies et en application de l’article 65, § I de son Statut – d’une demande d’avis consultatif sur la conformité au droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance du Kosovo en date du 17 février 2008. Dans son discours, le ministre des Affaires étrangères de Serbie Vuk Jeremić prend soin de souligner que la République de Serbie a réagi à cette déclaration « avec la plus grande retenue possible », écartant « la possibilité de recourir à la force et d’imposer des sanctions économiques à cette province sécessionniste » et préférant au contraire « défendre sa souveraineté et son intégrité territoriale en faisant appel à la diplomatie et au droit international ».17

Il est intéressant de présenter ici, fût-ce de manière succincte, le raisonnement et les conclusions de la Cour, dont l’avis figure en annexe du présent rapport en ses éléments principaux.18

Sur la forme, la Cour commence par écarter le moyen selon lequel la question posée par l’Assemblée générale n’était pas, en réalité, de nature juridique, au sens de l’article 96 de la Charte et de l’article 65 du Statut. Selon certaines parties à la procédure, l’acte consistant à proclamer l’indépendance n’est pas régi par le droit international et devrait être considéré comme un acte politique, relevant uniquement du droit constitutionnel interne, alors que la compétence consultative de la Cour se limite aux questions de droit international. La Cour observe, qu’en l’espèce, toutefois, « [elle] n’a pas été priée de déterminer si la déclaration d’indépendance était conforme à une quelconque règle de droit interne, mais seulement si elle était conforme au droit international » et estime donc qu’elle peut donc répondre à cette question en se fondant sur le droit international sans avoir à examiner aucun système de droit interne. Elle rappelle également que le fait qu’une question revête des aspects politiques ne suffit pas à lui ôter son caractère juridique, d’une part, et que, si la question posée est d’ordre juridique, elle ne doit tenir compte ni de la nature politique des motifs qui pourraient avoir inspiré la demande, ni des conséquences politiques que pourrait avoir son avis, d’autre part.19 La Cour n’estime pas davantage qu’elle devrait refuser de répondre à la demande de l’Assemblée générale sur la base d’arguments – avancés par certains participants à la procédure – selon lesquels son avis risquerait d’avoir des conséquences politiques négatives.20

Sur la portée et le sens de la question posée, la Cour considère que l’interrogation soumise par l’Assemblée générale est « clairement formulée » et qu’il s’agit d’une « question circonscrite et précise, visant à obtenir l’avis de la Cour sur la conformité ou la non-conformité de la déclaration d’indépendance du Kosovo au droit international. Cette question ne porte [donc] pas sur les conséquences juridiques de la déclaration en cause. En particulier, la Cour n’est pas priée de dire si le Kosovo a ou non accédé à la qualité d’État, ni de se prononcer sur la validité ou les effets juridiques de la reconnaissance du Kosovo comme État indépendant par certains États. » (§ 51). Elle ajoute qu’elle n’est pas tenue de « prendre parti sur le point de savoir si le droit international conférait au Kosovo un droit positif de déclarer unilatéralement son indépendance, ni, a fortiori, sur le point de savoir si le droit international confère en général à des entités situées à l’intérieur d’un État existant le droit de s’en séparer unilatéralement. » (§ 56).

Après avoir rappelé les caractéristiques pertinentes du régime que le Conseil de sécurité a mis en place pour assurer l’administration intérimaire du Kosovo – par la voie de sa résolution 1244 (1999) et des règlements promulgués en vertu de celle-ci par la Mission des Nations-Unies au Kosovo – et présenté les faits survenus dans le cadre du processus dit « de détermination du statut final » pendant les années qui ont précédé l’adoption de la déclaration d’indépendance, la Cour procède à l’examen des événements survenus le 17 février 2008.

Elle rappelle d’abord que les déclarations d’indépendance « ont été nombreuses au XVIIIe siècle, au XIXe siècle et au début du XXe siècle, suscitant souvent une vive opposition de la part des États à l’égard desquels elles étaient faites » et que, dans son ensemble, la pratique de ces États « ne semble pas indiquer que la déclaration de l’indépendance ait jamais été considérée comme une transgression du droit international. » (§ 79). Elle ajoute ensuite « qu’au cours de la seconde moitié du XXe siècle, le droit international, en matière d’autodétermination, a évolué pour donner naissance à un droit à l’indépendance au bénéfice des peuples des territoires non autonomes et de ceux qui étaient soumis à la subjugation, à la domination ou à l’exploitation étrangères » et que « la pratique des États dans ces derniers cas ne révèle pas l’apparition, en droit international, d’une nouvelle règle interdisant que de telles déclarations soient faites » (loc. cit.). Le droit international général ne comportant ainsi aucune interdiction applicable des déclarations d’indépendance, la Cour en conclut que « la déclaration d’indépendance du 17 février 2008 n’a pas violé [celui-ci] » (§ 84).

Si l’avis rendu a généralement été considéré comme favorable au Kosovo, l’interprétation stricte par la juridiction des termes de sa saisine atteste à l’évidence d’une volonté de prudence et d’éviter un précédent légal qui pourrait servir à d’autres groupes minoritaires. Le président Boris Tadić a immédiatement affirmé que « la Serbie, bien entendu, ne reconnaîtra jamais l’indépendance du Kosovo » et que son pays « [était] convaincu[e] que cette sécession unilatérale et ethniquement motivée n’[était] pas en accord avec les principes des Nations-Unies », alors que le président Fatmir Sejdiu a estimé que « la décision lève enfin tous les doutes que pourraient avoir les pays qui ne reconnaissent pas encore la République du Kosovo ». La France et les États-Unis ont invité les États qui attendaient cet avis pour se prononcer sur la reconnaissance du Kosovo à ne plus tarder davantage. Mme Catherine Ashton, s’exprimant au nom de l’Union européenne, a considéré que la Cour avait ouvert « une nouvelle phase », « que l’avenir de la Serbie se [situait] dans l’Union européenne, celui du Kosovo aussi » et a rappelé que l’Union « se [tenait] prête à faciliter un processus de dialogue entre Pristina et Belgrade ». La Russie a, quant à elle, observé que « la Cour [a] donné son avis uniquement sur la déclaration, soulignant justement qu’elle n’examinait pas dans l’ensemble la question du droit du Kosovo à la séparation d’avec la Serbie de manière unilatérale » et que « le règlement du problème du Kosovo [était] possible seulement par la poursuite des négociations entre les parties intéressées ».21

b) Un environnement international plus favorable

Cet avis intervient alors que le statut international du Kosovo apparaît en voie de consolidation.

A l’heure actuelle, le Kosovo n’est pas reconnu par l’Organisation des Nations-Unies. Pour qu’il le soit, une reconnaissance par une majorité des États membres qui en constituent l’assemblée générale est nécessaire, soit quatre-vingt dix-sept pays. Au 6 janvier 2011 et après la déclaration du Qatar, soixante-treize des 192 membres de l’Organisation avait reconnu l’indépendance du Kosovo (ainsi que Taïwan, qui n'est pas membre de l’organisation). Parmi les Vingt-sept États membres de l'Union européenne, vingt-deux ont reconnu le Kosovo et cinq y sont opposés (Espagne, Grèce, Chypre, Slovaquie et Roumanie).

Il faut néanmoins mettre au crédit d’un certain apaisement et d’une relative « décrispation » des relations de la Serbie avec le Kosovo, d’une part, et avec l’Union européenne, d’autre part, la récente adoption par l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations-Unies d’une résolution commune de la Serbie et de l’Union prônant des négociations entre Belgrade et Pristina.22 Sous l’égide de l’Union, ce dialogue serait par lui-même « un facteur de paix, de sécurité et de stabilité dans la région » et contribuerait « à la promotion de la coopération, à la réalisation de progrès sur le chemin de l’Union et à l’amélioration de la vie des populations ». La résolution se veut politiquement neutre et ne préjuge pas la question du statut du Kosovo, la Serbie continuant de rejeter la déclaration unilatérale d’indépendance.

Par ailleurs, le Kosovo est devenu le 29 juin 2009 le 186e membre du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale. La quote-part initiale du Kosovo au Fonds s'élève à 59 millions de DTS, soit environ 91,5 millions de dollars ; la part du Kosovo dans le total des quotes-parts du Fonds est donc de 0,027 %. S’appuyant sur le Medium Term Expenditure Framework 2009-2011, document-cadre publié le 12 juin 2008 et détaillant l’ensemble des priorités macroéconomiques du pays, le Kosovo a signé le 21 juillet 2010 un « accord de confirmation » (Stand-By Arrangement) avec le Fonds, d’une durée de dix-huit mois et permettant la mise à disposition de moyens financiers à hauteur de 108,9 millions € (soit 157 % de sa quote-part au Fonds).

c) Des relations avec la Serbie en voie d’apaisement

Il faut également admettre qu’une série de signaux nouveaux en provenance de Serbie, au contenu complètement inédit, témoignent d’une volonté des autorités de Belgrade de résoudre définitivement et durablement un problème qui a empêché jusqu’à présent la pleine intégration de la Serbie dans la communauté internationale, en général, et dans l’Union européenne, en particulier.

La réaction modérée à l’avis consultatif de la Cour internationale de justice en a constitué une première indication.

Une nouvelle étape a été franchie lorsque le président de la Serbie Boris Tadić a laissé entendre qu’il serait prêt à reconnaître le Kosovo à condition d’obtenir la souveraineté sur les monastères orthodoxes serbes qui y sont situés, un statut particulier pour les Serbes vivant au sud du fleuve Ibar, ainsi que la reconnaissance de facto du statu quo au nord du Kosovo. Bien qu’il eût déjà été possible d’entendre ici ou là que Belgrade était prêt à un compromis, aucun responsable politique n’avait jusqu’à présent laissé transparaître, même pour la forme, que la reconnaissance du Kosovo était d’actualité.23

La déclaration retient l’attention non seulement du fait de la qualité de son auteur, mais également parce que les trois conditions exigées ne sont pas impossibles à satisfaire. La demande concernant les monastères orthodoxes pourrait être acceptée sans grand problème, ces lieux saints étant sous la protection des forces internationales depuis 1999 et pratiquement inaccessibles aux autorités et à la population albanaises. Le modèle de l’exterritorialité existe bel et bien en Grèce : le mont Athos, l’un des centres de la spiritualité orthodoxe – où se trouve, entre autres, le plus sacré des monastères serbes, Hilendar – bénéficie de ce statut.

Un statut spécial pour les Serbes vivant au sud de l’Ibar a déjà été prévu par le plan Ahtisaari, qui constitue un socle que la proclamation de l’indépendance du Kosovo n’a pas remis en cause. Un certain nombre de représentants politiques des Serbes vivant dans les enclaves situées dans la partie sud du Kosovo ont pris conscience de la nécessité d’une coexistence avec la majorité albanaise, car c’est pour eux la seule façon de continuer à y vivre ; c’est la raison pour laquelle ils ont d’ailleurs laissé entendre qu’ils seraient prêts à accepter, avec l’appui de Belgrade, les garanties données par le plan Ahtisaari. En Serbie même, on est de plus en plus conscient que les enclaves serbes au centre et au sud du Kosovo n’ont pas d’avenir si un mode de coexistence n’est pas trouvé avec la population majoritaire. Les autorités kosovares ont, de leur côté, compris que le Kosovo gagnerait en crédibilité sur le plan international en insistant sur le respect des droits accordés à la minorité serbe, voire en les élargissant.

La troisième condition posée par le président Tadić pourrait être la plus difficile à remplir. Car la « reconnaissance de facto du statu quo » peut être interprétée comme une acceptation du partage du Kosovo, sa partie nord étant déjà séparée du reste du pays, politiquement et territorialement. Dans cette zone et contrairement à la situation qui prévaut au sud de l’Ibar, le peuplement serbe est homogène et les Serbes disposent d’une écrasante majorité. Toutefois, même ce problème pourrait être résolu si Belgrade et Pristina faisaient preuve de suffisamment d’intelligence.

Pour la Serbie, l’intérêt de consacrer désormais toute son énergie à un rapprochement avec l’Union européenne, puis à une adhésion à celle-ci, ne prête guère à discussion tant il est évident. Après l’avis rendu par la Cour internationale de justice, il faut souhaiter que les autorités serbes aient pris conscience qu’une politique de blocage n’est pas sans inconvénients et qu’une entrée dans l’Union ne pouvait être espérée sans une solution durable pour le Kosovo. Le Kosovo, quant à lui, ne peut que tirer profit d’une sortie de son statut actuel d’État contesté. Celle-ci doit lui permettre de devenir un membre à part entière de la communauté internationale. Mais il conviendra alors d’accepter l’idée selon laquelle le nord du Kosovo ne pourra jamais ressembler au reste du pays, puisque la majorité serbe ne peut tout simplement pas disparaître.

2. Des institutions mieux établies

a) Les élections du 12 décembre 2010

L’arrêt de la Cour constitutionnelle jugeant non conforme à la Constitution le cumul des fonctions de président de la République et de responsable d’une formation politique a précipité le calendrier électoral kosovar à l’automne 2010. Exposé au risque d’une destitution par le Parlement, le président Fatmir Sejdiu – que les membres du GEVI avaient rencontré le 15 juin précédent – tire sans tarder les conséquences de cet arrêt : il démissionne de ses fonctions le 27 septembre. Quelques semaines plus tard, la LDK décide de quitter la coalition au pouvoir (15 octobre) et ce départ entraîne à son tour la chute du gouvernement dirigé par Hashim Thaçi.

Depuis le scrutin en 2007, au cours duquel la moitié du corps électoral s’était abstenu, de nouveaux partis sont apparus dans le décor politique. Parmi les 29 listes et 1 265 candidats, une mention particulière doit être réservée au parti « Autodétermination » (Vetëvendosje) d’Albin Kurti, dont le programme repose essentiellement sur l’exigence du départ des troupes de l’OTAN et de l’administration internationale mais qui a su capter une certaine notoriété par l’organisation de manifestations houleuses contre le pouvoir en place.24

Des élections législatives anticipées – les premières depuis la proclamation de l’indépendance – se sont donc tenues le 12 décembre 2010. Les Serbes des communes enclavées du centre et du sud du pays, par nature imbriquées dans la vie kosovare, ont largement participé aux élections ; ceux du nord les ont en revanche boycottées, comme le gouvernement de Belgrade les y invitait.25 A Mitrovica, malgré le boycott annoncé, quatorze bureaux de vote mobiles installés dans des minibus ont été répartis dans les quartiers nord de la ville.

Ces élections, malheureusement marquées par un faible taux de participation, ont conduit à une légère évolution de l’échiquier politique kosovar.26 Le Parti démocratique du Kosovo (Partia Demokratike e Kosovës, PDK) du Premier ministre Hashim Thaçi apparaît comme le principal vainqueur de la consultation électorale : avec 34 sièges à l’Assemblée (– 3 par rapport à la législature précédente), le PDK demeure la première force politique du pays.

La Ligue démocratique du Kosovo, conduite par le maire de Pristina Isa Mustafa, maintient sa position. Avec 27 membres (comme sous la législature précédente), elle a été en mesure de constituer le deuxième groupe parlementaire par ordre d’importance.

L’Alliance pour l’avenir du Kosovo (Aleanca për Ardhmërinë e Kosovës, AAK), créée en 2001 et dirigée par Ramush Haradinaj27, réalise un bon score. Occupant une position stratégique au centre-droit de l’échiquier politique, l’Alliance consolide sa place de troisième force politique du pays, avec 13 sièges (+ 2) à l’Assemblée.

La Ligue démocratique de Dardanie (Lidhja Demokratike e Dardanisë, LDD), dirigée par Nexhat Daci, obtient 9 députés – soit un effectif inchangé, comme la Nouvelle alliance pour le Kosovo (Aleanca Kosova e Re, AKR), dirigée par Behgjet Pacolli (contre 11 sous la législature précédente).

Le Parti serbe libéral-indépendant (Samostalna Liberalna Stranka, SLS) conforte sa position de principal représentant des Serbes du Kosovo désireux de s’engager dans un dialogue constructif avec les autorités de Pristina. Il obtient 8 députés (+ 3).

Le « Groupe pour l’intégration » compte 7 députés. Il rassemble des parlementaires issus de diverses formations comme le Nouveau Parti démocratique (Nova Demokratska Stranka, ND), le Parti démocratique ashkali du Kosovo (Partia Demokratike e Ashkanlive të Kosovës, PDAK)28, le Parti démocratique serbe du Kosovo-et-Metohija (Srpska Demokratska Stranka Kosova i Metohije, SDSKIM), le Parti d’action démocratique (Stranka Demokratske Akcije, SDA), le Parti serbe du Kosovo-et-Metohija (Srpska Kosovsko-Metohijska Stranka, SKMS) et le Parti du peuple serbe (Srpska Narodna Stranka, SNS). Le groupe dit « 7+ » obtient 7 députés, dont trois issus de la coalition Vakat (parti bosniaque), trois du Parti démocratique turc du Kosovo (Kosova Demokratik Türk Partisi, KDTP) et un du Parti uni des Roms du Kosovo (Partia Rome e Bashkuar e Kosovës, PREBK). Quant aux députés indépendants (non-inscrits), ils représentent 6 députés.

Le schéma ci-dessous résume la répartition des sièges entre les groupes politiques, sur la base des informations par l’Assemblée du Kosovo.

La victoire du PDK n’a néanmoins pas été suffisante pour lui permettre d’assumer seul la direction des affaires du pays, conduisant à la formation d’une coalition de gouvernement.

b) Un soutien international qui demeure nécessaire

Il faut néanmoins admettre que la capacité des institutions kosovares à répondre correctement aux défis de l’État de droit auxquels elles sont confrontées est inégale et qu’un soutien international demeure aujourd’hui nécessaire. En témoigne le rôle d’EULEX, mission de l’Union européenne chargée de suivre de suivre, d’encadrer et de conseiller les autorités afin de renforcer cet État de droit dans ses dimensions policières, judiciaires et douanières – outre quelques responsabilités exécutives limitées (enquêtes et poursuites concernant les crimes de guerre, le terrorisme, la corruption et les infractions financières graves).

L’Union européenne commence à envisager formellement l’envoi d’une mission chargée d’appuyer les autorités kosovares à partir de 2006. C’est ainsi que l’Action commune 2006/304/PESC du 10 avril 2006 met en place une équipe de planification (dite « EPUE Kosovo ») afin que l’Union soit prête à s’engager dans le domaine de l’État de droit et, éventuellement, dans d’autres domaines.29 Dix-huit mois plus tard, le Conseil européen indique que celle-ci est prête à accroître son implication au Kosovo et à jouer un rôle majeur dans le cadre des présences internationales, y compris par l’envoi d’une mission dans le cadre de la politique européenne de sécurité et de défense.30

Quelques semaines avant la déclaration unilatérale d’indépendance et par l’Action commune 2008/124/PESC, le Conseil crée enfin la mission « État de droit » au Kosovo, dénommée « EULEX Kosovo ».31 Lancée officiellement le 16 février 2008, la mission EULEX a pour mandat « [d’aider] les institutions du Kosovo, les autorités judiciaires et les organismes chargés de l’application des lois à progresser sur la voie de la viabilité et de la responsabilisation et à poursuivre la mise sur pied et le renforcement d’un système judiciaire multiethnique indépendant, ainsi que de services de police et des douanes multiethniques, de manière à ce que ces institutions soient libres de toute interférence politique et s’alignent sur les normes reconnues au niveau international et sur les bonnes pratiques européennes » (§ 2). Pour remplir ce mandat, il appartient notamment à l’EULEX :

de suivre, encadrer et conseiller les institutions compétentes du Kosovo dans tous les domaines liés au secteur plus vaste de l’État de droit (y compris les douanes), tout en assumant certaines responsabilités exécutives ;

d’assurer le maintien et la promotion de l’État de droit, de l’ordre et de la sécurité publics, y compris, si nécessaire en concertation avec les autorités civiles internationales concernées au Kosovo, en modifiant ou en annulant des décisions opérationnelles prises par les autorités kosovares compétentes ;

de contribuer à faire en sorte que tous les services chargés du maintien de l’État de droit au Kosovo, y compris les douanes, soient libres de toute interférence politique ;

de veiller à ce que les affaires de crimes de guerre, de terrorisme, de criminalité organisée, de corruption, de crimes interethniques, de délinquance financière ou économique et d’autres infractions graves fassent dûment l’objet d’enquêtes, de poursuites, de décisions judiciaires et de sanctions conformément au droit applicable, y compris, le cas échéant, par l’intervention d’enquêteurs, de procureurs et de juges internationaux travaillant conjointement avec des enquêteurs, des procureurs et des juges kosovars ou agissant de manière indépendante, notamment, s’il y a lieu, par la mise en place de structures de coopération et de coordination entre les autorités policières et celles chargées des poursuites ;

de contribuer au renforcement de la coopération et de la coordination tout au long du processus judiciaire, en particulier dans le domaine de la criminalité organisée ;

de participer à la lutte contre la corruption, la fraude et la criminalité financière ;

de collaborer à la mise en œuvre de la stratégie et du plan d’action de lutte contre la corruption au Kosovo.

La mise en place de l’EULEX a débuté par une phase de planification de cent-vingt jours, dirigée par l’EPUE présente au Kosovo depuis 2006. Cette dernière a eu pour tâche de recruter et de déployer le personnel de l’EULEX, ainsi que de se procurer les moyens, le matériel et les services nécessaires à l’exécution du mandat de la mission.

La déclaration unilatérale d’indépendance a constitué une source de complexité pour les acteurs internationaux déployés au Kosovo, puisque l’Organisation des Nations-Unies et l’OTAN continuent d’agir selon les termes de la résolution 1244 – qui prône une « autonomie substantielle » et non une indépendance du Kosovo – alors que l’Union européenne est tiraillée entre ses membres qui reconnaissent l’indépendance (France, Allemagne, Royaume-Uni, etc.) et ceux qui la refusent (Espagne). Après de nombreux mois de négociations, une déclaration du président du Conseil de sécurité indiquera toutefois que la coordination des efforts entre l’Union européenne et l’ONU dans la région se fera dans le cadre de la résolution 1244.32

Après diverses difficultés logistiques et juridiques, l’EULEX a opéré son déploiement au cours du premier trimestre 2009 – date à partir de laquelle elle peut être considérée comme devenue pleinement opérationnelle. La MINUK a procédé concomitamment au transfert à l’EULEX de l’essentiel des pouvoirs en matière de police, tribunaux, douanes, transport et infrastructures, frontières et patrimoine serbe, la restructuration de la mission onusienne s’achevant le 1er juillet 2009.

Aujourd’hui dirigée par le général Xavier Bout de Marnhac33 et s’appuyant sur un effectif de 2 819 personnes34, l’EULEX – qui constitue la plus vaste mission civile jamais déployée dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité communes – opère en coopération avec les autorités locales, afin de faciliter l’implantation d’un système judiciaire et administratif autonome. Si son quartier général est établi à Pristina, les personnes participant à la mission sont intégrées dans les services kosovars afin d’œuvrer dans ses trois grands domaines d’activité que sont la police, la justice et les douanes :

la composante policière, qui s’appuie sur environ 1 400 policiers internationaux, est déployée sur l’ensemble du territoire. Sa mission est d’appuyer la police du Kosovo et elle dispose, à ce titre, de certains pouvoirs exécutifs extraordinaires – notamment, celui d’intervenir pour stopper la violence visant des minorités ou certaines interférences politiques nuisant à l’État de droit ;

la composante judiciaire compte soixante-dix personnes œuvrant dans le domaine pénitentiaire, plus de cinquante juges et une trentaine de procureurs. Elle vise à rendre le système judiciaire kosovar multiethnique, impartial, libre d’ingérence politique et conforme aux standards internationaux ;

la centaine de membres de la composante douanière vient en aide aux autorités kosovares en encourageant les échanges transfrontaliers et en luttant contre la criminalité.

Le mandat initial de l’EULEX, d’une durée de deux ans, s’est terminé le 14 juin 2010. Il fut toutefois renouvelé le 8 juin de la même année jusqu’au 14 juin 2012.35 Selon l’UE, le mandat de l’EULEX Kosovo se terminera lorsque les autorités kosovares auront acquis toute l’expérience pour garantir l’État de droit à tous leurs citoyens.

c) Les défis de l’État de droit

L’un des grands défis auxquels le Kosovo est aujourd’hui confronté est celui de l’apurement des délits, crimes et exactions commis à la fin des années quatre-vingt dix, au moment où l a lutte frontale entre les forces de l’UÇK et les troupes serbes atteignait son acmé.

On rappellera ainsi, pour mémoire, que Ramush Haradinaj, actuel président de l’Alliance pour l’avenir du Kosovo, attend son procès en appel pour crimes de guerres devant le TPIY.

Plus préoccupant encore est le rapport récent d’une commission de l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe36, selon lequel le Premier ministre Hashim Thaçi lui-même – qui fut l’un des responsables importants de l’UÇK – aurait été étroitement associé à un trafic d’organes prélevés sur des prisonniers, qui aurait eu lieu au moment de l’intervention de l’OTAN contre la Serbie (1999).37 Certains observateurs se sont étonnés du moment choisi par le Conseil de l’Europe pour lancer ces accusations graves, alors que l’intéressé était confronté à la tâche difficile de former un gouvernement de coalition et à la veille d’un dialogue crucial avec la Serbie – où il est attendu comme un interlocuteur de poids. Pour Mme Florence Hartmann, qui fut porte-parole du procureur au TPIY Carla del Ponte et l’auteur d’un ouvrage de référence sur cette période, le rapport « a [essentiellement] le mérite de reposer la question des camps de détenus en Albanie et du sort des disparus kosovars, serbes et albanais. Mille huit cents personnes ont été portées disparues en 1999, dont les deux tiers d’Albanais et environ six cents Serbes. Faut-il y lier le trafic d’organes ? Je ne peux pas l’exclure mais je reste dubitative. Le rapport ne donne pas d’éléments concrets et convaincants. » 38

Lors de leurs différents entretiens et visites, les membres de la délégation du GEVI ont vu également leur attention attirée sur les difficultés rencontrées par la mission EULEX de l’Union européenne – notamment, dans la partie nord du territoire.

En matière de justice, les difficultés semblent réelles. Elles tiennent à la qualité et à la formation des magistrats locaux, souvent inégales, mais aussi au poids des mentalités – parfois éloignées des conceptions contemporaines d'une justice moderne, impartiale et transparente – et à la défiance de la population vis-à-vis d'un appareil judiciaire considéré comme fortement exposé à des interférences politiques. En témoigne le procès d’Albin Kurti, entamé en 2007 puis interrompu et repris en février 2010 et qui avait été marqué par plusieurs incidents : une fois l'avocat n'était pas là, une fois c’était l'accusé, une fois c'était un juge. Dans un entretien réalisé le 29 juin 2010, le général Yves de Kermabon faisait preuve d’un optimisme prudent, estimant que « sur les crimes de guerre, nous avançons bien. Nous avons atteint un bon niveau de coopération avec les Serbes. Nous avons ainsi réussi à envoyer des témoins albanais en Serbie, avec un accompagnement EULEX, sur une enquête menée par un procureur serbe, sur un criminel serbe contre des Kosovars d’origine albanaise. C’était difficilement imaginable il y a quelques mois. On avance aussi sur le problème des personnes disparues. Il y a encore des endroits où on a identifié des tombes anonymes (massgraves). »39

En matière de corruption ou de crime organisé, l'appréciation du responsable d’EULEX était plus contrastée : « c’est plus difficile. Sur le crime organisé, on a obtenu quelques résultats. Mais ils ne sont pas aussi significatifs et symboliques qu’on voudrait. Ces procès – que ce soit pour la corruption ou le crime organisé – sont très longs à instruire. Comme dans n’importe quel pays d’ailleurs, les preuves sont difficiles à rassembler, les témoins ne sont pas toujours là. Il faut constituer des mois pour constituer un dossier et le voir aboutir. »

Pour ce qui concerne la police, la différence est sensible selon qu’on se situe au sud ou au nord du territoire. Au sud, les unités d'EULEX semblent pouvoir remplir leurs missions de base de manière satisfaisante. Au nord, la problématique demeure encore celle des modalités du déploiement : « côté douanes, nous avons une présence permanente, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, à “Gate1” et “Gate31” [les points de passage entre Serbie et Kosovo]. Non seulement aux points de passage. Mais aussi par un contrôle de douane, du type police volante. Cela a permis de nettement diminuer la contrebande (…).

« Côté police, nous avons une présence permanente dans les quatre stations de police. Mais nous n’avons pas de rôle direct ; notre mission reste celui de conseiller et d’observer les forces en présence. Il y a des patrouilles permanentes pour que les gens s’habituent à nous voir travailler.

« Côté justice, la Cour de Mitrovica a été rouverte en décembre. Elle ne fonctionne (pour l’instant) qu’avec une équipe EULEX et une équipe administrative/technique. Mais il y a un accord des Serbes pour le retour de deux juges serbes Le tribunal a été récemment endommagé par un tremblement de terre et est inutilisable pour l’instant ; on a donné d’autres salles. A terme, il y aura un nouveau bâtiment à Mitrovica, projet financé par la Commission européenne. »

De nombreuses étapes restent donc à franchir sur le chemin de l’État de droit. A ces questions fondamentales, dont la résolution conditionne la pérennité même d’un Kosovo pacifié et multiethnique, s’ajoutent une série d’enjeux majeurs dans le domaine économique.

3. Les défis d’une économie fragile

Confronté à une situation macroéconomique difficile, le Kosovo bénéficie néanmoins d’un réseau dense de coopérations bilatérales et multilatérales et des programmes d’assistance financés par l’Union européenne.

a) Une situation macroéconomique difficile

Petit État de 2,2 millions d’habitants sur un territoire de 10 887 km², le Kosovo est aujourd’hui confronté à une situation macroéconomique difficile, notamment liée aux faiblesses de son instrument de production.

Les séries statistiques publiées par l’Union européenne étant rares et très lacunaires, les comparaisons internationales et l’analyse des tendances sur une période de référence se révèlent des exercices malaisés. Il ressort néanmoins des documents disponibles une évaluation du produit intérieur brut (PIB) kosovar à 3,9 milliards € en 2009, soit encore un PIB par habitant de l’ordre de 1 790 €. A titre de comparaison, le PIB par habitant en France se montait à 29 571 € en 2009 – soit un rapport de un à plus de seize.

L’évolution des prix a été très contrastée au cours des années récentes. Après plusieurs années de déflation (-0,8 % en 2004, -2,1 % en 2005 et -1,5 % en 2006), le mouvement s’inverse et débouche sur une forte poussée inflationniste en 2008 (+12,4 %), qu’une politique monétaire et salariale appropriée a néanmoins réussi à contenir (+9,7 % en 2009).

Le graphique ci-dessous présente l’évolution du taux de chômage au cours des années récentes.

On constate donc que celui-ci s’établit à des valeurs extrêmement élevées au cours de la décennie écoulée, compris entre 39,7 % en 2004 et 57,1 % en 2001 et s’établissant à 45,4 % en 2009. Ce chômage affecte plus les femmes que les hommes : 56,4 % des femmes âgées de 15 à 64 ans étaient au chômage au Kosovo en 2009, contre 40,7 % des hommes – soit un écart de plus de quinze points. Mais le point le plus préoccupant est l’importance du chômage des jeunes (moins de 25 ans) : il était évalué à 73 % en en 2008 et 2009, soit près de trois jeunes sur quatre.

b) Un réseau dense de coopérations bilatérales et multilatérales

Dans ce contexte économique difficile, le soutien apporté par les partenaires étrangers se révèle donc souvent nécessaire.

La présence institutionnelle et économique de la France au Kosovo semble malheureusement se situer en deçà de ce que l’ancienneté des liens entre les deux pays aurait permis d’espérer. L’ambassade de France dispose de moyens humains et financiers modestes, qui limitent sa capacité d’action : en matière économique, par exemple, l’ensemble des moyens ont été regroupés au sein d’un service économique régional situé à Sofia, qui couvre l’ensemble de la zone « Danube-Balkans ». Si les entreprises françaises sont présentes dans un certain nombre de secteurs (fourniture de conseils et d’expertises, télécommunications, développement et communication, etc.), c’est un consortium américano-turc (Bechtel-Enka) qui a été choisi pour construire la première autoroute du pays, reliant la capitale à l’Albanie (pour un montant d’environ 800 millions €).

La présence française semble inversement pouvoir s’appuyer sur un réseau dense d’acteurs non gouvernementaux, actifs dans des domaines variés : agriculture et agroalimentaire (Agro sans frontières, Élevages sans frontières), éducation, formation et réinsertion professionnelles (Ateliers sans frontières, Éducation sans frontières), environnement (Fondation Terre des hommes), santé (Comité d'aide médicale, FSF-IHCE, Médecins du monde, Pharmaciens humanitaires d'Auvergne), solidarité (Croix-Rouge française, Secours catholique, Secours populaire français), sport (Athlètes du monde, Sport sans frontières), etc. C’est dans ce cadre que la délégation du GEVI a pu s’entretenir à Malisevo avec Mme Yvette Nicolas, présidente de l’Association « Le Pelikan » et se rendre à l’emplacement où son projet de « Maison laïque francophone » est appelé à se concrétiser.

L’action des ONG françaises au Kosovo
L’exemple de l’association « Le Pelikan : agir et partager »

L’association « Le Pelikan : agir et partager » a été créée en décembre 1992 par Mme Yvette Nicolas, ancienne chef du secrétariat particulier du Premier ministre Raymond Barre.

Les souffrances endurées par les populations civiles lors des guerres qui ont marqué le démantèlement de l’ancienne République fédérative socialiste de Yougoslavie sont à l’origine de la création de l’association. Il s’est agi, pour ses fondateurs, d’apporter à ces populations une aide d’urgence, tant sur un plan matériel (produits alimentaires, médicaments, etc.) que moral.

Après une mission en Bosnie-Herzégovine (1992), l’association est intervenue en Croatie (six missions entre 1993 et 1995), en Bosnie (douze missions entre 1996 et 1998), au Kosovo (1999, 2004, 2005, 2006), en Albanie (1999), au Sri-lanka (2004) et à Haïti (2010).

Association apolitique et non confessionnelle composée uniquement de bénévoles, Le Pelikan est aujourd’hui engagée dans la construction d’une « Maison laïque francophone » à Malisevo. Dans cette ville comptant environ quatre-vingt mille habitants (dont 80 % de jeunes) ravagée par la guerre, l’association compte s’installer durablement sur un terrain de 2500 m² donné par la municipalité. Après qu’une enquête eut été réalisée en 2005 auprès de cinq cent collégiens, il est en effet apparu que ceux-ci souhaitaient, en priorité, s’ouvrir sur le monde par la connaissance de langues étrangères (et tout particulièrement le français) – d’où la décision de créer une bibliothèque et une vidéothèque – mais également approfondir leurs connaissances en informatique et s’initier aux arts – d’où la décision de créer des salles de théâtre, de danse, de musique et de peinture/sculpture.

Le montant estimé des travaux se monte à six cent mille euros.

Plusieurs États membres de l’Union européenne, des institutions financières internationales, d’autres organisations et des bailleurs de fonds bilatéraux sont également actifs au Kosovo. Cette présence internationale est susceptible de se développer encore plus fortement à l’avenir, à mesure que les incertitudes liées au statut contesté du pays seront levées. Selon le « document indicatif de planification pluriannuelle 2009-2011 » publié par la Commission européenne, les principaux acteurs actuels par secteur d’intervention sont les suivants :

Renforcement des institutions (notamment réforme de l’administration publique, finances publiques, autorités locales) : Department for International Development (Royaume-Uni), Agence suédoise d’aide au développement international, France, Allemagne, Suisse, Conseil de l’Europe, Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, Programme des Nations-Unies pour le développement, Fonds monétaire international, United States Agency for International Development ;

État de droit et sécurité : Department for International Development (Royaume-Uni), France, Allemagne, Suisse, Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, Organisation internationale des migrations, Haut Commissariat des Nations-Unies aux droits de l’Homme, Fonds des Nations-Unies pour l’enfance, United States Agency for International Development, United States Department of Justice ;

Rapatriés et minorités : Allemagne, Italie, Espagne, Pays-Bas, Suède, Conseil de l’Europe, Haut Commissariat des Nations-Unies aux réfugiés, Programme des Nations-Unies pour le développement, Organisation internationale des migrations, United States Agency for International Development, Norvège, Royaume-Uni, Danemark ;

Développement économique (y compris le développement rural et la création d’emplois) : Agence suédoise d’aide au développement international, Kreditanstalt für Wiederaufbau (Allemagne), Deutsche Gesellschaft für technische Zusammenarbeit (Allemagne), Department for International Development (Royaume-Uni), Banque européenne d’investissement, Banque européenne pour la reconstruction et le développement, Fonds monétaire international, Banque mondiale, Organisation des Nations-Unies pour l’alimentation et l’agriculture, Programme des Nations-Unies pour le développement, United States Agency for International Development, Norvège, Suisse, Danemark, Italie, Luxembourg ;

Infrastructures (y compris l’énergie, l’environnement et les transports) : ASDI (Suède), Pays-Bas, Kreditanstalt für Wiederaufbau (Allemagne), Deutsche Gesellschaft für technische Zusammenarbeit (Allemagne), Suisse, Banque européenne pour la reconstruction et le développement, Banque mondiale, UN-Habitat, United States Agency for International Development ;

Secteurs sociaux (notamment la santé, l’enseignement, la société civile) : Department for International Development (Royaume-Uni), Agence suédoise d’aide au développement international, Allemagne, Autriche, Finlande, Banque mondiale, Fondation Soros, Conseil de l’Europe, Danemark, Italie, Luxembourg, United States Agency for International Development ;

Coopération transfrontalière : Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, Institut Est-Ouest, Agence suédoise d’aide au développement international, Department for International Development (Royaume-Uni).

Le bureau de liaison de la Commission européenne convoque et préside régulièrement des réunions de coordination avec les États membres de l’Union et les autres bailleurs de fonds présents au Kosovo, afin de favoriser la recherche de synergies et d’éviter les redondances.

Outre la France, les principaux acteurs de la coopération bilatérale sont donc l’Allemagne, la Suisse, la Norvège, la Suède, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et les États-Unis (à travers USAID). L’Allemagne soutient notamment le développement des infrastructures (en particulier pour l’approvisionnement en eau et en énergie), la promotion de l’économie et de l’emploi, les services de conseil sur la restructuration de l’administration dans le secteur de l’enseignement et de la formation professionnels et l’amélioration du climat économique général.

c) La mobilisation des instruments de soutien de l’Union européenne

L’Union européenne apporte une aide au Kosovo depuis 1998 en mobilisant de divers instruments, notamment une assistance technique régulière, une aide humanitaire, un appui financier exceptionnel et le financement du quatrième pilier de la MINUK. Depuis 2000, le « programme d’assistance communautaire à la reconstruction, au développement et à la stabilisation » (CARDS) a constitué le principal instrument financier pour le Kosovo, jusqu’à son remplacement par l’Instrument d’aide de préadhésion (IAP) en 2007. Le Bureau de liaison de la Commission européenne (ECLO) à Pristina est responsable de la gestion centralisée déconcentrée de l’IAP et des autres programmes relevant de CARDS. Pour la période 1999-2008, l’aide communautaire s’élève à plus de 2,3 milliards € (y compris le financement de la mission EULEX et du Bureau civil international).

Durant la période qui a suivi le conflit, un programme d’urgence de stabilisation et d’infrastructures physiques a été lancé. Ce programme a permis la reconstruction de plus de seize mille logements, la remise en état des systèmes d’adduction d’eau et d’assainissement, l’irrigation de plus de dix mille hectares de terres agricoles, la réparation de plus de quatre cents kilomètres de routes et de seize ponts, la réalisation de projets d’infrastructures municipales et la construction de six décharges régionales aux normes communautaires et de la première station d’épuration des eaux usées du Kosovo. Les besoins en matière d’infrastructures, en dépit de ces aides, demeurent néanmoins considérables.

Une série d’investissements lourds ont contribué à la remise en état du secteur énergétique. Des fonds communautaires ont aidé à l’importation d’urgence d’électricité et à la révision en profondeur de la centrale électrique B du Kosovo. Ils ont soutenu les mines de charbon, les systèmes de transmission, les réseaux de distribution et les installations de chauffage centralisé. Une assistance a également été fournie pour aider le pays à prendre part au traité instituant la Communauté de l’énergie. Cependant, les besoins en investissements sont tels qu’un apport massif de capitaux privés demeure nécessaire, tout comme un renforcement de la bonne gestion des entreprises pour garantir la viabilité du secteur.

L’assistance communautaire a progressivement évolué pour refléter et soutenir la participation du Kosovo au processus de stabilisation et d’association et pour se conformer aux priorités du partenariat européen. En accord avec le gouvernement, les États membres de l’Union, les institutions financières internationales et les autres bailleurs de fonds, l’aide actuelle est ainsi axée : – d’une part, sur le renforcement de l’État de droit ; – d’autre part, sur le développement des compétences techniques et des capacités des autorités kosovares afin de formuler et de mettre en œuvre des réformes politiques, des stratégies et une législation compatible avec celle de l’Union. Les autres domaines prioritaires ont été le développement économique et la création d’emplois durables pour les communautés du Kosovo, ainsi que l’appui au retour et à l’intégration durable des minorités.

Le Kosovo a également bénéficié des programmes régionaux CARDS et IAP visant à soutenir des actions d’intérêt commun en faveur de la région des Balkans occidentaux, notamment dans le domaine des douanes et de la fiscalité, des transports, du commerce (mise en œuvre de l’Accord de libre échange centre-européen [CEFTA] et de l’intégration commerciale régionale par exemple), des entreprises privées, des infrastructures, du renforcement des institutions, de l’enseignement supérieur (programmes Tempus et Erasmus Mundus), de la jeunesse (programme Jeunesse en action dans les Balkans occidentaux) et de la coopération transfrontalière. À ce jour, cependant, le pays n’a guère eu la possibilité de participer pleinement à ces programmes régionaux (ni n’a été véritablement en mesure de le faire).

Pour la période 2009-2011, le document indicatif de planification pluriannuelle assigne trois objectifs essentiels à l’aide de préadhésion :

l'aide de l’Union européenne doit accompagner la réalisation des exigences politiques et servir à soutenir le Kosovo dans sa transition vers une société stable, moderne, démocratique et multiethnique dotée d'une administration publique professionnelle et responsable;

l'aide de l’Union CE doit renforcer le développement socioéconomique du Kosovo, et notamment d'un développement régional durable;

l'aide de l’Union doit « soutenir et accompagner la vocation européenne du Kosovo en tant qu'élément régionalement intégré dans l'ensemble de la région des Balkans occidentaux », afin d'entretenir de bonnes relations de voisinage et de continuer de participer à la coopération régionale, y compris à la coopération transfrontalière.

Ces trois axes (critères politiques, critères économiques, normes européennes) recoupent les deux domaines d’intervention identifiés pour la période, à savoir l’aide à la transition et au renforcement des institutions, d’une part, et la coopération régionale et transfrontalière, d’autre part.

Soutien financier de l’Union européenne au Kosovo, 1999-2011
Source
 : Bureau de liaison de la Commission européenne – Question écrite n° E-7849/2010 de Mme Diane Dodds,
député au Parlement européen (30 sept. 2010) et réponse de la Commission européenne (10 nov. 2010)

En millions €

 

1999-
2006

2007

2008

2009

2010

2011

2007-
2011

Total

Renforcement des institutions et soutien socio-économique

Assistance macroéconomique

65

50

(50)

(50)

150

215

IPA/CARDS

1 165

68,3

184,7

106,1

67,3

68,7

495,1

1 660,1

Instrument de stabilité

5

5

5

ECHO

443

443

EIHDR

0,9

0,9

0,9

2,7

2,7

Actions pilotes

1,5

1,5

1,5

Sous-total

1 673

119,2

192,1

157

117,3

68,7

654,3

2 327,3

Présence internationale

UNMIK

134

22

9,2

31,2

165,2

ICO

1

14

10

10

10

10

54

55

EULEX

13

66

140

118

160

160

644

657

Sous-total

140

102

159

128

170

170

729

869

TOTAL

1 813

221,2

351,1

285

187,3

238,7

1 383,3

3 196,3

Objectifs et choix stratégiques de l’IAP pour la période 2009-2011
Source
 : Décision de la Commission européenne COM (2009) 5438 du 10 juillet 2009

 

Critères politiques

Critères économiques

Normes européennes

Volet I. Aide à la transition et renforcement des institutions

– Améliorer l'efficacité de l'administration publique et poursuivre la

réforme de la fonction publique,

afin de créer une administration capable de concevoir et de mettre en œuvre un corpus législatif cohérent et interconnecté et de fournir dans tout le pays des services publics de manière transparente et responsable ;

– Faire avancer la réforme du gouvernement local autonome dans le cadre du processus de décentralisation ;

– Consolider l'État de droit en renforçant le système judiciaire et en soutenant la réforme de la police et la lutte contre la corruption et la criminalité organisée ;

– Promouvoir les droits de l'homme et la protection de la minorité serbe et des

autres minorités, le retour des personnes déplacées et des réfugiés et la création d'un

climat de tolérance interethnique ;

– Contribuer à la consolidation de la société civile et des médias.

– Stimuler le climat d'investissement et le soutien aux petites et moyennes

Entreprises ;

– Améliorer la gestion et le contrôle financiers aux niveaux local et central ;

– Améliorer l'élaboration et la gestion du budget et de la politique budgétaire et les capacités de contrôle et de recouvrement ;

– Améliorer la gestion des services publics et développer les infrastructures pour

promouvoir les activités des entreprises ;

– Entreprendre une analyse fonctionnelle du système de santé au Kosovo ;

– Améliorer la qualité des systèmes d'éducation et de formation ;

– Élaborer des mesures actives en faveur du marché du travail et de l'insertion

Sociale ;

– Promouvoir l'agriculture et le développement rural ;

– Soutenir la mise en œuvre de l'accord de libre-échange centre-européen (ALECE)

– Soutenir l'élaboration de stratégies et de politiques sectorielles compatibles avec les

normes européennes ;

– Développer les capacités du Kosovo dans les secteurs en rapport avec les affaires

Intérieures ;

– Soutenir la préparation en vue de la création des agences et institutions nécessaires

à la mise en œuvre et à l'application des politiques sectorielles européennes, y

compris des mécanismes permettant de vérifier la compatibilité des politiques

gouvernementales et des projets de loi avec la législation communautaire;

– Soutenir la participation du Kosovo aux initiatives régionales ;

– Aider le Kosovo à se préparer en vue d'une participation aux programmes et agences

de l'UE ;

– Apporter une aide en vue de faciliter l’alignement sur l’acquis communautaire dans le secteur agricole

Volet II. Coopération régionale et transfrontalière

– Combler les lacunes institutionnelles (création d’agences chargées de la coopération transfrontalière) ;

– Élaborer un cadre de référence pour les activités de coopération transfrontalière (CTF) et les documents de programmation y afférents ;

– Améliorer les infrastructures dans les régions transfrontalières ;

– Encourager la confiance réciproque et les échanges culturels et socioéconomiques à l'échelle locale.

Conclusion

La mission du groupe d’études au Kosovo a fait émerger un constat et deux priorités.

Le constat est celui de la rapidité et de la profondeur des évolutions sur place. Si les changements sont en cours, s’ils sont toujours trop lents, s’ils sont encore inaboutis, ils n’en demeurent pas moins réels et perceptibles. En quelques mois, l’atmosphère a changé à Pristina comme à Mitrovica et si le temps de la confiance n’est pas venu, la page de l’hostilité ouverte est en pratique tournée.

Les priorités sont celles qui attendent un pays dont le statut international demeure fragile et les besoins en matière de développement économique considérables.

Il apparaît fondamental que le Kosovo puisse rapidement nouer avec la Serbie des relations au moins normalisées. L’idée a ainsi été avancée d’un traité inspiré du modèle du Grundlagenvertrag (traité fondamental) signé le 21 décembre 1972 par les deux États allemands. Conclu dans le cadre de l’Ostpolitik, ce traité organisait les rapports entre les deux Allemagne qui se considéraient comme des États égaux et souverains en droit, mais sans recourir à une reconnaissance formelle au sens du droit international. Il a notamment permis une coopération dans de nombreux domaines et fourni un cadre juridique à la reprise des relations entre les deux parties du peuple allemand, séparées par le « rideau de fer ».

La Serbie et le Kosovo étant des candidats potentiels à l’Union européenne, celle-ci pourrait conditionner la reconnaissance de leur statut de candidats à la conclusion d’un tel traité. Les deux pays auraient ainsi un intérêt commun à se rapprocher et la France pourrait plaider en ce sens auprès de ses partenaires européens.

Par ailleurs et en dépit des nombreuses actions entreprises aux plans multilatéral et bilatéral, les besoins du Kosovo en matière de développement économique apparaissent considérables. Ce développement économique du Kosovo est dans l’intérêt de tous, et en particulier de la stabilité de la région. Les efforts en ce sens doivent donc être accentués et la France y prendre toute sa part.

Annexe I

Programme de la mission (14 – 18 juin 2010)

Lundi 14 juin 2010

21h35 Arrivée de la délégation à l’aéroport de Pristina et accueil par M. Philippe Dupont, Premier conseiller à l’ambassade de France au Kosovo.

Mardi 15 juin 2010

09h00 Entretien avec M. Fatmir Sejdiu, Président de la République du Kosovo.

09h45 Entretien avec M. Jakup Krasniqi, Président de l’Assemblée du Kosovo.

10h30 Entretien avec M. Hashim Thaçi, Premier ministre de la République du Kosovo.

11h15 Entretien avec M. Skendër Hyseni, ministre des Affaires étrangères de la République du Kosovo.

12h00 Déjeuner de travail à l’invitation de M. Sabri Hamiti, Président du groupe d’amitié Kosovo – France de l’Assemblée nationale.

14h00 Entretien avec M. Yves de Kermabon, chef de la mission « État de droit » de l’Union européenne au Kosovo (EULEX).

18h00 Entretien avec M. Renzo Daviddi, chef du Bureau de liaison de la Commission européenne au Kosovo.

19h00 Entretien avec M. Robert Sorenson, chargé d’affaires (a.i.) de la Mission d’administration intérimaire des Nations-Unies au Kosovo (MINUK).

20h30 Dîner de travail à l’invitation de S.E. M. Jean-François Fitou, ambassadeur de France au Kosovo.

Mercredi 16 juin 2010

08h30 Entretien avec M. Sami Kurteshi, Ombudsman de la République du Kosovo.

10h30 Entretien avec M. Isni Kilaj, maire de Malisevo, et Mme Yvette Nicolas, fondatrice et présidente de l’association « Le Pelikan ».

11h00 Visite du site de l’association « Le Pelikan », en présence de M. Milaim Mazreku, représentant local de l’association.

12h00 Entretien avec M. Tomislav Nicolic, maire de Strpce, et ses collaborateurs.

13h00 Déjeuner de travail.

14h30 Visite des équipements sportifs et touristiques de la station de ski de Brezovica.

20h00 Dîner de travail avec les représentants de plusieurs entreprises françaises implantées au Kosovo.

Jeudi 17 juin 2010

09h00 Visite du camp militaire français du Belvédère (Mitrovica) :

– Accueil par le colonel Pierre Anteblian ;

– Présentation d’EULEX ;

– Présentation du matériel de maintien de l’ordre.

11h15 Visite du poste-frontière de Zubin Potok (« Dog 31 »).

12h30 Déjeuner de travail, en présence de M. Romuald Pichard (EULEX Mitrovica) et de Mme Julie Dert (OSCE Mitrovica).

15h00 Visite de la Maison de l’Europe et du Palais de justice (Court House) de Mitrovica.

15h45 Visite de l’Espace culturel français de Mitrovica.

18h00 Visite du camp militaire « Maréchal de Lattre de Tassigny » (Novo Selo) de la KFOR :

– Entretien avec le colonel Éric Bellenger ;

– Dîner de travail, en présence du commandement militaire.

Vendredi 18 juin 2010

07h25 Départ de la délégation de l’aéroport de Pristina.

Annexe II

Cartes du Kosovo

Annexe III

Textes de référence

Résolution n° 1244 (1999), adoptée par le Conseil de sécurité le 10 juin 1999 (4011e séance)

Le Conseil de sécurité,

Ayant à l’esprit les buts et les principes consacrés par la Charte des Nations-Unies, ainsi que la responsabilité principale du Conseil de sécurité pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales,

Rappelant ses résolutions 1160 (1998) du 31 mars 1998, 1199 (1998) du 23 septembre 1998, 1203 (1998) du 24 octobre 1998 et 1239 (1999) du 14 mai 1999,

Déplorant que les exigences prévues dans ces résolutions n’aient pas été pleinement satisfaites,

Résolu à remédier à la situation humanitaire grave qui existe au Kosovo (République fédérale de Yougoslavie) et à faire en sorte que tous les réfugiés et personnes déplacées puissent rentrer chez eux en toute sécurité et liberté,

Condamnant tous les actes de violence à l’encontre de la population du Kosovo ainsi que tous les actes de terrorisme, quels qu’en soient les auteurs,

Rappelant la déclaration du 9 avril 1999 dans laquelle le Secrétaire général a exprimé sa préoccupation devant la catastrophe humanitaire qui sévit au Kosovo,

Réaffirmant le droit qu’ont tous les réfugiés et personnes déplacées de rentrer chez eux en toute sécurité,

Rappelant la compétence et le mandat du Tribunal international pour l’ex-Yougoslavie,

Accueillant avec satisfaction les principes généraux concernant la solution politique de la crise du Kosovo adoptés le 6 mai 1999 (S/1999/516; annexe 1 à la présente résolution) et se félicitant de l’adhésion de la République fédérale de Yougoslavie aux principes énoncés aux points 1 à 9 du document présenté à Belgrade le 2 juin 1999 (S/1999/649; annexe 2 à la présente résolution), ainsi que de son accord quant à ce document,

Réaffirmant l’attachement de tous les États Membres à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de la République fédérale de Yougoslavie et de tous les autres États de la région, au sens de l’Acte final d’Helsinki et de l’annexe 2 à la présente résolution,

Réaffirmant l’appel qu’il a lancé dans des résolutions antérieures en vue d’une autonomie substantielle et d’une véritable auto-administration au Kosovo,

Considérant que la situation dans la région continue de constituer une menace pour la paix et la sécurité internationales,

Résolu à assurer que la sécurité du personnel international soit garantie et que tous les intéressés s’acquittent des responsabilités qui leur incombent en vertu de la présente résolution, et agissant à ces fins en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations-Unies,

1. Décide que la solution politique de la crise au Kosovo reposera sur les principes généraux énoncés à l’annexe 1 et les principes et conditions plus détaillés figurant à l’annexe 2;

2. Se félicite de l’adhésion de la République fédérale de Yougoslavie aux principes et conditions visés au paragraphe 1 et exige de la République fédérale de Yougoslavie qu’elle coopère sans réserve à leur prompte application;

3. Exige en particulier que la République fédérale de Yougoslavie mette immédiatement et de manière vérifiable un terme à la violence et la répression au Kosovo, entreprenne et achève le retrait vérifiable et échelonné du Kosovo de toutes les forces militaires, paramilitaires et de police suivant un calendrier serré, sur la base duquel il sera procédé au déploiement synchronisé de la présence internationale de sécurité au Kosovo;

4. Confirme qu’une fois ce retrait achevé, un nombre convenu de militaires et de fonctionnaires de police yougoslaves et serbes seront autorisés à retourner au Kosovo pour s’acquitter des fonctions prévues à l’annexe 2;

5. Décide du déploiement au Kosovo, sous l’égide de l’Organisation des Nations-Unies, de présences internationales civile et de sécurité dotées du matériel et du personnel appropriés, en tant que de besoin, et accueille avec satisfaction l’accord de la République fédérale de Yougoslavie relatif à ces présences;

6. Prie le Secrétaire général de nommer, en consultation avec le Conseil de sécurité, un représentant spécial chargé de diriger la mise en place de la présence internationale civile et le prie en outre de donner pour instructions à son représentant spécial d’agir en étroite coordination avec la présence internationale de sécurité pour assurer que les deux présences poursuivent les mêmes buts et s’apportent un soutien mutuel;

7. Autorise les États Membres et les organisations internationales compétentes à établir la présence internationale de sécurité au Kosovo conformément au point 4 de l’annexe 2, en la dotant de tous les moyens nécessaires pour s’acquitter des responsabilités que lui confère le paragraphe 9;

8. Affirme la nécessité de procéder sans tarder au déploiement rapide de présences internationales civile et de sécurité efficaces au Kosovo et exige des parties qu’elles coopèrent sans réserve à ce déploiement;

9. Décide que les responsabilités de la présence internationale de sécurité qui sera déployée et agira au Kosovo incluront les suivantes :

a) Prévenir la reprise des hostilités, maintenir le cessez-le-feu et l’imposer s’il y a lieu, et assurer le retrait des forces militaires, policières et paramilitaires fédérales et de la République se trouvant au Kosovo et les empêcher d’y revenir, si ce n’est en conformité avec le point 6 de l’annexe 2;

b) Démilitariser l’Armée de libération du Kosovo (ALK) et les autres groupes armés d’Albanais du Kosovo, comme le prévoit le paragraphe 15;

c) Établir un environnement sûr pour que les réfugiés et les personnes déplacées puissent rentrer chez eux, que la présence internationale civile puisse opérer, qu’une administration intérimaire puisse être établie, et que l’aide humanitaire puisse être acheminée;

d) Assurer le maintien de l’ordre et la sécurité publics jusqu’à ce que la présence internationale civile puisse s’en charger;

e) Superviser le déminage jusqu’à ce que la présence internationale civile puisse, le cas échéant, s’en charger;

f) Appuyer le travail de la présence internationale civile selon qu’il conviendra et assurer une coordination étroite avec ce travail;

g) Exercer les fonctions requises en matière de surveillance des frontières;

h) Assurer la protection et la liberté de circulation pour elle-même, pour la présence internationale civile et pour les autres organisations internationales;

10. Autorise le Secrétaire général, agissant avec le concours des organisations internationales compétentes, à établir une présence internationale civile au Kosovo afin d’y assurer une administration intérimaire dans le cadre de laquelle la population du Kosovo pourra jouir d’une autonomie substantielle au sein de la République fédérale de Yougoslavie, et qui assurera une administration transitoire de même que la mise en place et la supervision des institutions d’auto-administration démocratiques provisoires nécessaires pour que tous les habitants du Kosovo puissent vivre en paix et dans des conditions normales;

11. Décide que les principales responsabilités de la présence internationale civile seront les suivantes :

a) Faciliter, en attendant un règlement définitif, l’instauration au Kosovo d’une autonomie et d’une auto-administration substantielles, compte pleinement tenu de l’annexe 2 et des Accords de Rambouillet (S/1999/648);

b) Exercer les fonctions d’administration civile de base là où cela sera nécessaire et tant qu’il y aura lieu de le faire;

c) Organiser et superviser la mise en place d’institutions provisoires pour une auto-administration autonome et démocratique en attendant un règlement politique, notamment la tenue d’élections;

d) Transférer ses responsabilités administratives aux institutions susvisées, à mesure qu’elles auront été mises en place, tout en supervisant et en facilitant le renforcement des institutions locales provisoires du Kosovo, de même que les autres activités de consolidation de la paix;

e) Faciliter un processus politique visant à déterminer le statut futur du Kosovo, en tenant compte des Accords de Rambouillet;

f) À un stade final, superviser le transfert des pouvoirs des institutions provisoires du Kosovo aux institutions qui auront été établies dans le cadre d’un règlement politique;

g) Faciliter la reconstruction des infrastructures essentielles et le relèvement de l’économie;

h) En coordination avec les organisations internationales à vocation humanitaire, faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire et des secours aux sinistrés;

i) Maintenir l’ordre public, notamment en mettant en place des forces de police locales et, entre-temps, en déployant du personnel international de police servant au Kosovo;

j) Défendre et promouvoir les droits de l’homme;

k) Veiller à ce que tous les réfugiés et personnes déplacées puissent rentrer chez eux en toute sécurité et sans entrave au Kosovo;

12. Souligne qu’il importe que des opérations de secours humanitaires coordonnées soient entreprises et que la République fédérale de Yougoslavie permette aux organisations à vocation humanitaire d’accéder librement au Kosovo et coopère avec elles de façon à assurer l’acheminement rapide et efficace de l’aide internationale;

13. Encourage tous les États Membres et les organisations internationales à contribuer à la reconstruction économique et sociale ainsi qu’au retour en toute sécurité des réfugiés et personnes déplacées, et souligne, dans ce contexte, qu’il importe de convoquer, aux fins énoncées au paragraphe 11 g), notamment, une conférence internationale de donateurs qui se tiendra à une date aussi rapprochée que possible;

14. Exige que tous les intéressés, y compris la présence internationale de sécurité, apportent leur entière coopération au Tribunal international pour l’ex-Yougoslavie;

15. Exige que l’ALK et les autres groupes armés d’Albanais du Kosovo mettent immédiatement fin à toutes opérations offensives et satisfassent aux exigences en matière de démilitarisation que le responsable de la présence internationale de sécurité aura définies en consultation avec le Représentant spécial du Secrétaire général;

16. Décide que les interdictions énoncées au paragraphe 8 de la résolution 1160 (1998) ne s’appliqueront ni aux armements ni au matériel connexe à l’usage de la présence internationale civile et de la présence internationale de sécurité;

17. Se félicite du travail que l’Union européenne et les autres organisations internationales accomplissent en vue de mettre au point une approche globale du développement économique et de la stabilisation de la région touchée par la crise du Kosovo, y compris la mise en œuvre d’un pacte de stabilité pour l’Europe du Sud-Est avec une large participation internationale en vue de favoriser la démocratie, la prospérité économique, la stabilité et la coopération régionale;

18. Exige que tous les États de la région coopèrent pleinement à l’application de la présente résolution sous tous ses aspects;

19. Décide que la présence internationale civile et la présence internationale de sécurité sont établies pour une période initiale de 12 mois, et se poursuivront ensuite tant que le Conseil n’en aura pas décidé autrement;

20. Prie le Secrétaire général de lui rendre compte à intervalles réguliers de l’application de la présente résolution, y compris en lui faisant tenir les rapports des responsables de la présence internationale civile et de la présence internationale de sécurité, dont les premiers devront lui être soumis dans les 30 jours qui suivront l’adoption de la présente résolution;

21. Décide de rester activement saisi de la question.

ANNEXE 1
Déclaration publiée
par le Président de la réunion des ministres des affaires étrangères du G-8 tenue
au Centre de Petersberg le 6 mai 1999

Les ministres des affaires étrangères du G-8 ont adopté les principes généraux suivants pour un règlement politique de la crise du Kosovo :

— Cessation immédiate et vérifiable de la violence et de la répression au Kosovo;

— Retrait du Kosovo des forces militaires, de police et paramilitaires;

— Déploiement au Kosovo de présences internationales civile et de sécurité effectives, endossées et adoptées par l’Organisation des Nations-Unies, capables de garantir la réalisation des objectifs communs;

— Mise en place d’une administration intérimaire pour le Kosovo, sur décision du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations-Unies, pour garantir les conditions permettant à tous les habitants du Kosovo de vivre en paix une existence normale;

— Retour en toute sécurité et liberté de tous les réfugiés et personnes déplacées et accès sans entrave au Kosovo des organisations d’aide humanitaire;

— Processus politique menant à la mise en place d’un accord-cadre politique intérimaire prévoyant pour le Kosovo une autonomie substantielle, qui tienne pleinement compte des Accords de Rambouillet et des principes de souveraineté et d’intégrité territoriale de la République fédérale de Yougoslavie et des autres pays de la région, et la démilitarisation de l’ALK;

— Approche globale du développement économique et de la stabilisation de la région en crise.

ANNEXE 2

Il convient de conclure un accord sur les principes suivants afin de trouver une solution à la crise du Kosovo :

1. Un arrêt immédiat et vérifiable de la violence et de la répression au Kosovo.

2. Retrait vérifiable du Kosovo de toutes les forces militaires, paramilitaires et de police suivant un calendrier serré;

3. Déploiement au Kosovo, sous l’égide de l’Organisation des Nations-Unies, de présences internationales efficaces, civile et de sécurité, agissant tel que cela pourra être décidé en vertu du Chapitre VII de la Charte et capables de garantir la réalisation d’objectifs communs.

4. La présence internationale de sécurité, avec une participation substantielle de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, doit être déployée sous commandement et contrôle unifiés et autorisée à établir un environnement sûr pour l’ensemble de la population du Kosovo et à faciliter le retour en toute sécurité de toutes les personnes déplacées et de tous les réfugiés.

5. Mise en place, en vertu d’une décision du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations-Unies et dans le cadre de la présence internationale civile, d’une administration intérimaire pour le Kosovo permettant à la population du Kosovo de jouir d’une autonomie substantielle au sein de la République fédérale de Yougoslavie. L’administration intérimaire sera chargée d’assurer l’administration transitoire tout en organisant et en supervisant la mise en place d’institutions d’auto-administration démocratiques provisoires propres à garantir des conditions permettant à tous les habitants du Kosovo de vivre en paix dans des conditions normales.

6. Après le retrait, un effectif convenu de personnel yougoslave et serbe sera autorisé à revenir afin d’accomplir les tâches suivantes :

— Assurer la liaison avec la présence internationale civile et la présence internationale de sécurité;

— Baliser les champs de mines et déminer;

— Maintenir une présence dans les lieux du patrimoine serbe;

— Maintenir une présence aux principaux postes frontière.

7. Retour en toute sécurité et liberté de tous les réfugiés et personnes déplacées sous la supervision du Haut Commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés et libre accès des organismes d’aide humanitaire au Kosovo.

8. Un processus politique en vue de l’établissement d’un accord-cadre politique intérimaire prévoyant pour le Kosovo une autonomie substantielle, qui tienne pleinement compte des Accords de Rambouillet et du principe de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la République fédérale de Yougoslavie et des autres pays de la région, et la démilitarisation de l’ALK. Les négociations entre les parties en vue d’un règlement ne devraient pas retarder ni perturber la mise en place d’institutions d’auto-administration démocratiques.

9. Une approche globale du développement économique et de la stabilisation de la région en crise. Il s’agira notamment de mettre en œuvre un pacte de stabilité pour l’Europe du Sud-Est avec une large participation internationale en vue de favoriser la démocratie, la prospérité économique, la stabilité et la coopération régionale.

10. La suspension des opérations militaires impliquera l’acceptation des principes énoncés ci-dessus ainsi que des autres conditions, déjà recensées, qui sont rappelées dans la note de bas de page ci-dessous40. Un accord militaro-technique sera alors rapidement conclu, en vue notamment de définir des modalités supplémentaires, y compris les rôles et fonctions du personnel yougoslave/serbe au Kosovo.

Retrait

Procédures concernant les retraits, y compris un calendrier détaillé et échelonné et la délimitation d’une zone tampon en Serbie au-delà de laquelle les forces se retireront;

Retour du personnel

— Équipement du personnel autorisé à revenir;

— Mandat définissant les responsabilités fonctionnelles de ce personnel;

— Calendrier concernant le retour de ce personnel;

— Délimitation des zones géographiques dans lesquelles le personnel est autorisé à opérer;

— Règles régissant les relations de ce personnel avec la présence internationale de sécurité et la présence internationale civile.

Principales dispositions de la Proposition globale
de Règlement portant statut du Kosovo relative au Kosovo (plan Ahtisaari)
(S/2007/168/Add. 1)

I. Principes généraux

1. La Proposition globale de Règlement portant statut du Kosovo a pour but d’arrêter les dispositions nécessaires à un futur Kosovo viable, durable et stable. Elle décrit dans le détail un certain nombre de mesures qui permettront de pourvoir à la promotion et à la sauvegarde des droits des communautés et de leurs membres, à la décentralisation effective de l’administration et à la préservation et la protection du patrimoine culturel et religieux du Kosovo. De surcroît, le Règlement prescrit un certain nombre de dispositions en matière constitutionnelle, économique et sécuritaire qui tendent toutes à favoriser l’avènement d’un Kosovo multiethnique, démocratique et prospère. Autre élément important, le Règlement prévoit la création d’une présence internationale civile et militaire au Kosovo qui aura pour mandat de surveiller son application et d’aider les organes compétents du Kosovo à maintenir la paix et la stabilité sur tout le territoire. Les dispositions du Règlement l’emporteront sur toutes les autres dispositions légales du Kosovo.

II. Dispositions du Règlement

2. Gouvernance du Kosovo. Le Règlement dessine le cadre général dans lequel s’inscrira la gouvernance future du Kosovo. Le Kosovo sera une société multiethnique qui s’administrera démocratiquement et dans le strict respect du principe de la primauté du droit et des normes internationales les plus élevées en matière de droits de l’homme et de libertés fondamentales. Il se donnera une constitution qui consacrera ces principes. Sans aller jusqu’à prescrire une constitution complète, le Règlement définit un certain nombre d’éléments fondamentaux qui devront y trouver place. Le Kosovo aura le droit de négocier et de conclure des accords internationaux, et celui de demander à devenir membre d’organisations internationales.

3. Droits des communautés. En ce qui concerne la promotion et la sauvegarde des droits des communautés, le Règlement retient un certain nombre d’éléments cruciaux à protéger, comme la culture, la langue, l’éducation et les symboles. L’albanais et le serbe seront les deux langues officielles du Kosovo, tandis que les langues des autres communautés – comme le turc, le bosnien et le rom – auront le statut de langue d’usage officiel. Pour garantir une représentation adéquate des communautés dans la vie publique, le Règlement prévoit expressément les modalités de leur représentation dans les principales institutions. Les communautés non majoritaires du Kosovo continueront de jouir d’une garantie de représentation à l’Assemblée du Kosovo. Pour protéger leur droit de participer à l’élaboration des lois, le Règlement prévoit aussi que les grandes lois présentant un intérêt particulier pour les communautés ne pourront être adoptées qu’avec la majorité des voix de leurs représentants à l’Assemblée du Kosovo présents et votants.

4. Décentralisation. Les vastes mesures de décentralisation prévues tendent à favoriser la bonne gouvernance, la transparence, l’efficacité et l’efficience des services publics. La proposition accorde une attention particulière aux besoins et aux préoccupations de la communauté serbe du Kosovo, qui pourra exercer un degré élevé de contrôle sur ses propres affaires. Parmi les principaux éléments de cette décentralisation, on retiendra : l’élargissement des compétences municipales des municipalités à majorité serbe du Kosovo (dans les soins de santé secondaires et l’enseignement supérieur, par exemple); le renforcement de l’autonomie des municipalités en matière financière, qui pourront notamment recevoir, en toute transparence, des financements provenant de Serbie; plusieurs dispositions relatives à la création d’associations de municipalités et à la coopération à travers la frontière avec les institutions de Serbie; et la création de six municipalités à majorité serbe du Kosovo qui sont soit entièrement nouvelles, soit considérablement élargies.

5. Système judiciaire. Le Règlement comprend des dispositions expresses destinées à garantir que le système judiciaire sera intégré, indépendant, professionnel et impartial. Il met en place les dispositifs voulus pour ouvrir le système judiciaire à toutes les communautés et pour que dans sa composition la magistrature (debout et assise) incarne le caractère multiethnique du Kosovo. De plus, le Règlement tient pour essentiel, et garantit, l’accès de tous les habitants du Kosovo à la justice.

6. Protection et promotion du patrimoine religieux et culturel. Le Règlement s’efforce de garantir l’existence et le fonctionnement sans entraves et sans heurts de l’Église orthodoxe serbe du Kosovo. L’Église et son organisation interne seront reconnues expressément par les autorités du Kosovo, ses biens seront inviolables et elle se verra accorder des privilèges fiscaux et douaniers. Il sera délimité des zones protégées autour de plus de 40 sites religieux et culturels importants. Sans préjudice du droit de propriété des biens immeubles situés à l’intérieur de ces zones, les activités qui s’y déroulent seront soumises à des restrictions particulières destinées à garantir l’existence et le fonctionnement dans la tranquillité des grands sites religieux et culturels. L’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) contribuera à la sécurité physique de certains de ces lieux jusqu’à ce que la présence militaire internationale décide que les conditions sont réunies pour que la Force de police du Kosovo puisse assumer la responsabilité de leur protection.

7. Retour des réfugiés et déplacés et protection de leurs biens. Tous les réfugiés et personnes déplacées du Kosovo pourront exercer leur droit de retour et rentrer en possession de leurs biens meubles et immeubles. Le Règlement réaffirme le principe que les personnes déplacées pourront retourner à l’endroit de leur choix au Kosovo et non pas seulement à leur lieu d’origine. Il invite aussi le Kosovo et la Serbie à coopérer sans réserve entre eux et avec le Comité international de la Croix-Rouge pour déterminer le sort des personnes disparues.

8. Économie. Le Règlement comprend des dispositions expresses visant à faciliter et encourager le développement économique durable du Kosovo. Il prescrit des procédures transparentes pour le règlement des conflits de propriété et la poursuite du programme de privatisations avec, dans l’un et l’autre cas, une substantielle participation internationale. Il définit également les moyens de déterminer la part de la dette extérieure de la Serbie devant être assumée par le Kosovo et de régler la question de la restitution des biens.

9. Sécurité. Le Règlement, qui prévoit un secteur de la sécurité professionnel, multiethnique et démocratique et encourage les autorités locales à participer activement à son développement, maintient cependant le degré de contrôle international nécessaire pour le succès de cette délicate entreprise. La Force de police du Kosovo aura une hiérarchie unifiée sur l’ensemble du territoire, mais au niveau local les agents de police devront refléter la composition ethnique de la municipalité où ils exercent leurs fonctions. Dans les municipalités à majorité serbe du Kosovo, l’assemblée municipale jouira de prérogatives élargies dans la nomination des commissaires de police. Il sera créé une nouvelle Force de sécurité du Kosovo, professionnelle et multiethnique, dans les 12 mois suivant la période de transition de 120 jours prévue par le Règlement. Elle aura un effectif maximum de 2 500 membres d’active et de 800 réservistes. Le Règlement stipule que le Corps de protection du Kosovo actuel sera dissous dans un délai d’un an suivant la fin de la période de transition.

10. Présence internationale future. La responsabilité générale de l’application du Règlement incombe au Kosovo. Aux fins de garantir et soutenir cette application, le Règlement définit le rôle et les prérogatives des futures présences internationales civile et militaire.

11. Représentant civil international. Le Représentant civil international, également Représentant spécial de l’Union européenne, qui sera nommé par un Groupe de pilotage international, sera l’organe suprême de contrôle de l’application du Règlement. Il n’exercera directement aucun rôle dans l’administration du Kosovo mais sera investi de substantiels pouvoirs de rectification pour faciliter l’application du Règlement. Il aura notamment compétence pour abroger des décisions ou des lois adoptées par les autorités du Kosovo et pour sanctionner et révoquer les agents publics dont il aura jugé la conduite incompatible avec le Règlement. Le mandat du Représentant civil international se poursuivra jusqu’à ce que le Groupe de pilotage international établisse que le Kosovo a appliqué les dispositions du Règlement.

12. Mission de la Politique européenne de sécurité et de défense (Mission PESD). La Mission PESD exercera des fonctions d’encadrement, de surveillance et de conseil dans tous les domaines qui concernent la primauté du droit au Kosovo. Elle aura le droit d’engager en toute indépendance des poursuites judiciaires dans des domaines particulièrement sensibles comme la criminalité organisée, les infractions à caractère ethnique, la criminalité financière et les crimes de guerre. Elle disposera en outre de pouvoirs d’exécution limités dans des domaines comme le contrôle des frontières et le maintien de l’ordre.

13. Présence militaire internationale. La Présence militaire internationale sera une mission militaire conduite par l’OTAN. Elle poursuivra, en conjonction avec le Représentant civil international et en soutien aux institutions du Kosovo, l’action actuellement menée par la Force de paix au Kosovo pour maintenir l’ordre et la sécurité sur tout le territoire, jusqu’à ce que les institutions du Kosovo soient capables d’assumer elles-mêmes tout l’éventail des responsabilités en matière de sécurité.

14. Mission au Kosovo de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, qui a une large présence sur le terrain au Kosovo, est invitée à concourir aux activités de suivi nécessaires pour accompagner la mise en œuvre du Règlement.

III. Application

15. Une période de transition de 120 jours pendant laquelle la MINUK continuera de s’acquitter de son mandat actuel s’ouvrira à la date d’entrée en vigueur du Règlement.

16. Pendant la période de transition, l’Assemblée du Kosovo, en consultation avec le Représentant civil international, approuvera une nouvelle constitution et les textes nécessaires à l’application du Règlement et à la création des nouvelles institutions du Kosovo qui y sont prévues. Cette constitution et ces textes prendront effet immédiatement à la fin de la période de transition.

17. À la fin de la période de transition, le mandat de la MINUK expirera et tous les pouvoirs législatifs et exécutifs qui lui ont été confiés seront transférés en bloc aux autorités du Kosovo, conformément au Règlement.

18. Enfin, des élections générales et locales se tiendront dans un délai de neuf mois à compter de l’entrée en vigueur du Règlement.

Avis consultatif de la Cour internationale de Justice du 22 juillet 2010
sur la conformité au droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance relative au Kosovo (extraits)

Présents : M. OWADA, président ; M. TOMKA, vice-président ; MM. KOROMA, AL-KHASAWNEH, BUERGENTHAL, SIMMA, ABRAHAM, KEITH, SEPÚLVEDA-AMOR, BENNOUNA, SKOTNIKOV, CANÇADO TRINDADE, YUSUF, GREENWOOD, juges ; M. COUVREUR, greffier.

Sur la conformité au droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance relative au Kosovo,

LA COUR,

ainsi composée,

donne l’avis consultatif suivant :

1. La question sur laquelle un avis consultatif est demandé à la Cour est énoncée dans la résolution 63/3 que l’Assemblée générale des Nations Unies (ci-après l’Assemblée générale) a adoptée le 8 octobre 2008. Par une lettre datée du 9 octobre 2008 et reçue au Greffe par télécopie le 10 octobre 2008, dont l’original est parvenu au Greffe le 15 octobre 2008, le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies a officiellement communiqué à la Cour la décision prise par l’Assemblée générale de lui soumettre cette question pour avis consultatif. Des copies certifiées conformes des versions anglaise et française de la résolution étaient jointes à cette lettre. La résolution se lit comme suit :

« L’Assemblée générale,

« Tenant compte des buts et principes des Nations Unies,

« Ayant à l’esprit les fonctions et les pouvoirs que lui confère la Charte des Nations-Unies,

« Rappelant que le 17 février 2008, les institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo ont déclaré l’indépendance du Kosovo de la Serbie,

« Consciente du fait que cet acte a suscité des réactions diverses de la part des Membres de l’Organisation des Nations-Unies quant à la question de savoir s’il était conforme à l’ordre juridique international actuel,

« Décide, conformément à l’article 96 de la Charte des Nations-Unies, de demander à la Cour internationale de Justice, en application de l’article 65 de son Statut, de donner un avis consultatif sur la question suivante :

« “La déclaration unilatérale d’indépendance des institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo est-elle conforme au droit international ?” » 

2. Par lettres en date du 10 octobre 2008, le greffier a notifié la requête pour avis consultatif à tous les États admis à ester devant la Cour, conformément au paragraphe 1 de l’article 66 du Statut.

II. PORTÉE ET SENS
DE LA QUESTION POSÉE

49. La Cour examinera à présent la portée et le sens de la question posée par l’Assemblée générale. Celle-ci a formulé sa question dans les termes suivants :

“La déclaration unilatérale d’indépendance des institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo est-elle conforme au droit international ?”

50. La Cour rappelle que, par le passé, elle s’est écartée du libellé de la question qui lui était posée lorsque celle-ci n’était pas correctement formulée (voir par exemple, Interprétation de l’accord gréco-turc du 1er décembre 1926 (protocole final, article IV), avis consultatif, 1928,C.P.J.I. série B n° 16) ou lorsqu’elle a constaté, en examinant le contexte de la demande, que celle-ci ne mettait pas en évidence les « points de droit … véritablement … en jeu » (Interprétation de l’accord du 25 mars 1951 entre l’OMS et l’Égypte, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1980, p. 89, par. 35). De même, lorsque la question posée était peu claire ou vague, la Cour l’a clarifiée avant de donner son avis (Demande de réformation du jugement n° 273 du Tribunal administratif des Nations-Unies, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1982, p. 348, par. 46).

51. En la présente espèce, la question posée par l’Assemblée générale est clairement formulée. C’est une question circonscrite et précise, visant à obtenir l’avis de la Cour sur la conformité ou la non-conformité de la déclaration d’indépendance du Kosovo au droit international. Cette question ne porte pas sur les conséquences juridiques de la déclaration en cause. En particulier, la Cour n’est pas priée de dire si le Kosovo a ou non accédé à la qualité d’État, ni de se prononcer sur la validité ou les effets juridiques de la reconnaissance du Kosovo comme État indépendant par certains États. La Cour relève que, par le passé, lorsque l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité ont sollicité son avis sur les conséquences juridiques d’une action, ces deux organes ont formulé leur question de sorte que cet aspect soit expressément indiqué (voir par exemple, Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 16 et Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 136). Dès lors, la Cour n’estime pas nécessaire, pour répondre à la question de l’Assemblée générale, d’examiner le point de savoir si la déclaration d’indépendance a ou non conduit à la création d’un État, ou de se prononcer sur la valeur des actes de reconnaissance. La Cour ne voit donc pas de raison de redéfinir la portée de la question posée.

52. Deux aspects de la question appellent toutefois des observations. En premier lieu, mention est faite de la « déclaration unilatérale d’indépendance des institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo » (unique paragraphe du dispositif de la résolution 63/3 du 8 octobre 2008 de l’Assemblée générale ; les italiques sont de la Cour). En outre, au troisième alinéa du préambule de la résolution, l’Assemblée générale « [r]appell[e] que, le 17 février 2008, les institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo ont déclaré leur indépendance vis-à-vis de la Serbie ». Que ce soient effectivement les institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo qui aient prononcé la déclaration d’indépendance est un point qui a été contesté par un certain nombre des participants à la présente procédure. Comme il est démontré ci-après (paragraphes 102 à 109), l’identité des auteurs de la déclaration d’indépendance est un point qui pourrait avoir une incidence sur la réponse à la question de la conformité au droit international de cette déclaration. Il serait incompatible avec le bon exercice de sa fonction judiciaire que la Cour considère ce point comme ayant été tranché par l’Assemblée générale.

53. La Cour ne considère pas davantage que l’Assemblée générale ait entendu poser des limites à la liberté de la Cour de trancher elle-même ce point. Elle relève que le point de l’ordre du jour sous lequel ce qui est devenu la résolution 63/3 a été examiné ne mentionne pas l’identité des auteurs de la déclaration et était simplement intitulé « Demande d’avis consultatif de la Cour internationale de Justice sur la question de savoir si la déclaration unilatérale d’indépendance du Kosovo est conforme au droit international » (résolution 63/3 de l’Assemblée générale du 8 octobre 2008 ; les italiques sont de la Cour). La République de Serbie, seul État ayant proposé la résolution 63/3, avait suggéré ce libellé, en demandant que soit inscrit un point supplémentaire à l’ordre du jour de la soixante-troisième session de l’Assemblée générale (lettre adressée au Secrétaire général par le représentant permanent de la Serbie auprès de l’Organisation des Nations-Unies, Nations-Unies, doc. A/63/195, 22 août 2008). Celui-ci est ensuite devenu le titre du projet de résolution, puis de la résolution 63/3. L’élément commun entre le point de l’ordre du jour et le titre de la résolution est la conformité au droit international de la déclaration d’indépendance. En outre, lors du débat consacré au projet de résolution (A/63/PV.22), ni la question de l’identité des auteurs de la déclaration, ni celle de la différence entre le libellé du titre de la résolution et celui de la question soumise à la Cour, n’ont été soulevées.

54. Comme la Cour l’a précisé dans un autre contexte :

« On ne doit pas supposer que l’Assemblée générale ait… entendu lier ou gêner la Cour dans l’exercice de ses fonctions judiciaires ; la Cour doit avoir la pleine liberté d’examiner tous les éléments pertinents dont elle dispose pour se faire une opinion sur une question qui lui est posée en vue d’un avis consultatif. » (Certaines dépenses des Nations Unies (article 17, paragraphe 2, de la Charte), avis consultatif, C.I.J. Recueil 1962, p. 157.)

Cette considération s’applique en l’espèce. Aux fins d’apprécier la conformité au droit international de la déclaration d’indépendance, la Cour doit être libre d’examiner le dossier dans son ensemble et de déterminer elle-même si cette déclaration a été prononcée par les institutions provisoires d’administration autonome ou par une autre entité.

55. Bien que de nombreux participants à la présente procédure aient fait référence à l’avis donné par la Cour suprême du Canada dans l’affaire du Renvoi par le Gouverneur en conseil au sujet de certaines questions ayant trait à la sécession du Québec du reste du Canada ([1998] 2 R.C.S. 217 ; 161 D.L.R. (4e) 385 ; 115 Int. Law Reps. 536), la Cour fait observer que la question en la présente espèce est nettement différente de celle qui avait été posée à la Cour suprême du Canada.

Dans cette affaire, la question était la suivante :

« L’Assemblée nationale, la législature, ou le gouvernement du Québec possède-t-il, en vertu du droit international, le droit de procéder unilatéralement à la sécession du Québec du Canada ? A cet égard, en vertu du droit international, existe-t-il un droit à l’autodétermination qui procurerait à l’Assemblée nationale, la législature, ou le gouvernement du Québec le droit de procéder unilatéralement à la sécession du Québec du Canada ? »

56. La Cour suprême du Canada était priée de dire s’il existait un droit de « procéder à la sécession », et si une règle du droit international conférait à l’un des organes mentionnés un droit positif à cet égard. En revanche, l’Assemblée générale a demandé si la déclaration d’indépendance était « conforme au droit international ». Il s’agit donc de savoir si le droit international applicable interdisait ou non la déclaration d’indépendance. Si la Cour conclut que tel était le cas, elle doit alors répondre à la question posée en disant que la déclaration d’indépendance n’était pas conforme au droit international. Partant, la tâche qui incombe à la Cour consiste à déterminer si la déclaration d’indépendance a été adoptée en violation ou non du droit international. La Cour n’est pas tenue, par la question qui lui est posée, de prendre parti sur le point de savoir si le droit international conférait au Kosovo un droit positif de déclarer unilatéralement son indépendance, ni, a fortiori, sur le point de savoir si le droit international confère en général à des entités situées à l’intérieur d’un État existant le droit de s’en séparer unilatéralement. Il se pourrait parfaitement, en efeet, qu’un acte tel qu’une déclaration unilatérale d’indépendance ne soit pas en violation du droit international, sans constituer nécessairement l’exercice d’un droit conféré par ce dernier. La Cour est invitée à se prononcer sur le premier point, non sur le second.

III. CONTEXTE FACTUEL

57. La déclaration d’indépendance du 17 février 2008 doit être appréciée dans le contexte factuel qui a conduit à son adoption. Aussi la Cour présentera-t-elle succinctement les caractéristiques pertinentes du régime que le Conseil de sécurité a mis en place pour assurer l’administration intérimaire du Kosovo, par la voie de sa résolution 1244 (1999) et des règlements promulgués en vertu de celle-ci par la Mission des Nations-Unies au Kosovo. La Cour se livrera ensuite à un bref exposé des faits survenus dans le cadre du processus dit « de détermination du statut final » pendant les années qui ont précédé l’adoption de la déclaration d’indépendance, avant d’examiner les événements du 17 février 2008.

A. La résolution 1244 (1999) du Conseil
de sécurité et les règlements pertinents
de la
MINUK

58. La résolution 1244 (1999) fut adoptée le 10 juin 1999 par le Conseil de sécurité, agissant au titre du chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Dans cette résolution, le Conseil de sécurité, « [r]ésolu à remédier à la situation humanitaire grave » qu’il avait constatée quatrième alinéa du préambule) et à mettre un terme au conflit armé au Kosovo, autorisait le Secrétaire général de l’Organisation des Nations-Unies à établir une présence internationale civile au Kosovo afin d’y instaurer « une administration intérimaire … qui assurera[it] une administration transitoire de même que la mise en place et la supervision des institutions d’auto-administration démocratiques provisoires » (par. 10).

Au paragraphe 3 de cette résolution, le Conseil de sécurité exigeait « en particulier que la République fédérale de Yougoslavie mette immédiatement et de manière vérifiable un terme à la violence et la répression au Kosovo, entreprenne et achève le retrait vérifiable et échelonné du Kosovo de toutes les forces militaires, paramilitaires et de police suivant un calendrier serré ». Au paragraphe 5, il décidait du déploiement au Kosovo, sous l’égide de l’Organisation des Nations-Unies, de présences internationales civile et de sécurité et accueillait avec satisfaction l’accord de la République fédérale de Yougoslavie relatif à ces présences. Les pouvoirs et responsabilités de la présence de sécurité étaient explicités aux paragraphes 7 et 9. Le paragraphe 15 de la résolution 1244 (1999) exigeait que l’armée de libération du Kosovo (ALK) et les autres groupes armés d’Albanais du Kosovo mettent immédiatement fin à toutes opérations offensives et satisfassent aux exigences en matière de démilitarisation. Juste avant l’adoption de la résolution 1244 (1999), différentes mesures de mise en œuvre avaient déjà été prises, au nombre desquelles figuraient celles énoncées dans l’accord militaro-technique du 9 juin 1999, dont le paragraphe 2 de l’article I prévoyait le déploiement de la KFOR, qui devait « opére[r] sans entraves au Kosovo et sera[it] habilitée à prendre toutes les dispositions voulues afin d’établir et de maintenir un environnement sûr pour tous les citoyens du Kosovo et de s’acquitter de tous les autres aspects de sa mission ». L’accord militaro-technique prévoyait également le retrait des forces terrestres et aériennes de la RFY, à l’exception d’ « un nombre convenu de militaires et de fonctionnaires de police yougoslaves et serbes », conformément au paragraphe 4 de la résolution 1244 (1999).

59. Le paragraphe 11 de la résolution définissait les principales responsabilités de la présence civile internationale au Kosovo de la manière suivante :

« a) faciliter, en attendant un règlement définitif, l’instauration au Kosovo d’une autonomie et d’une auto-administration substantielles, compte pleinement tenu de l’annexe 2 et des Accords de Rambouillet (S/1999/648) ;

« b) exercer les fonctions d’administration civile de base là où cela sera nécessaire et tant qu’il y aura lieu de le faire ;

« c) organiser et superviser la mise en place d’institutions provisoires pour une auto-administration autonome et démocratique en attendant un règlement politique, notamment la tenue d’élections ;

« d) transférer ses responsabilités administratives aux institutions susvisées, à mesure qu’elles auront été mises en place, tout en supervisant et en facilitant le renforcement des institutions locales provisoires du Kosovo, de même que les autres activités de consolidation de la paix ;

« e) faciliter un processus politique visant à déterminer le statut futur du Kosovo, en tenant compte des accords de Rambouillet ;

« f) à un stade final, superviser le transfert des pouvoirs des institutions provisoires du Kosovo aux institutions qui auront été établies dans le cadre d’un règlement politique…».

60. Le 12 juin 1999, le Secrétaire général présentait au Conseil de sécurité, conformément au paragraphe 10 de la résolution 1244 (1999), « un concept d’opération préliminaire pour l’organisation d’ensemble de la présence civile, qui sera[it] connue sous le nom de Mission d’administration intérimaire des Nations-Unies au Kosovo (MINUK) », dans lequel il était prévu que la MINUK serait dirigée par un représentant spécial du Secrétaire général, désigné par celui-ci en consultation avec le Conseil de sécurité (rapport du Secrétaire général en date du 12 juin 1999 (Nations-Unies, doc. S/1999/672, 12 juin 1999)). Le rapport du Secrétaire général indiquait que quatre représentants spéciaux adjoints collaboreraient avec la MINUK, chacun étant responsable de l’une des quatre grandes composantes (dites les « quatre piliers ») du régime de la MINUK (par. 5), à savoir : a) l’administration civile intérimaire (le rôle principal étant attribué à l’Organisation des Nations-Unies) ; b) les affaires humanitaires (le rôle principal étant attribué au Haut Commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés (HCR)) ; c) la création d’institutions (le rôle principal étant attribué à l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE)) ; et d) la reconstruction (le rôle principal étant attribué à l’Union européenne).

61. Le 25 juillet 1999, le premier représentant spécial du Secrétaire général promulgua le règlement n° 1999/1 de la MINUK, dont la section 1.1 prévoyait que « [t]ous les pouvoirs législatifs et exécutifs afférents au Kosovo, y compris l’administration de l’ordre judiciaire, s[eraie]nt conférés à la MINUK et exercés par le représentant spécial du Secrétaire général ». Selon la section 3 du règlement n° 1999/1 de la MINUK, les lois applicables dans le territoire du Kosovo avant le 24 mars 1999 resteraient en vigueur, mais uniquement dans la mesure où elles n’entreraient pas en conflit avec les normes internationalement reconnues en matière de droits de l’homme et de non-discrimination ni avec l’exécution du mandat conféré à la MINUK en vertu de la résolution 1244 (1999). La section 3 fut abrogée par le règlement n° 1999/25 de la MINUK, promulgué par le représentant spécial du Secrétaire général le 12 décembre 1999, avec effet rétroactif au 10 juin 1999. La section 1.1 du règlement n° 1999/24 de la MINUK du 12 décembre 1999 prévoit que « [c]onstituent la loi applicable au Kosovo : a) les règlements promulgués par le représentant spécial du Secrétaire général et les textes subsidiaires publiés en vertu de ceux-ci ; et b) la législation en vigueur au Kosovo le 22 mars 1989 ». La section 4, intitulée « Disposition transitoire », se lit comme suit :

« Tous les actes juridiques, y compris les décisions judiciaires, et les effets juridiques des événements qui se sont produits durant la période allant du 10 juin 1999 à la date du présent règlement, en application des lois en vigueur durant cette période en vertu de la section 3 du règlement n° 1999/1 de la MINUK, en date du 25 juillet 1999, demeurent valides dans la mesure où ils ne sont pas en conflit avec les normes visées à la section 1 du présent règlement ou avec un règlement de la MINUK en vigueur à la date où ils ont été accomplis. »

62. Les pouvoirs et responsabilités ainsi énoncés dans la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité furent exposés de façon plus détaillée dans le règlement n° 2001/9 de la MINUK en date du 15 mai 2001 relatif à un cadre constitutionnel pour une administration autonome provisoire (dénommé ci-après le « cadre constitutionnel »), qui définissait les responsabilités liées à l’administration du Kosovo incombant respectivement au représentant spécial du Secrétaire général et aux institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo. S’agissant du rôle dévolu au représentant spécial du Secrétaire général en vertu du chapitre 12 du cadre constitutionnel,

« [l]’exercice des responsabilités des institutions provisoires du gouvernement autonome en application du cadre constitutionnel n’entame ni ne limite les pouvoirs du représentant spécial du Secrétaire général de garantir l’application intégrale de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations-Unies, notamment de superviser les institutions provisoires du gouvernement autonome, ses responsables et ses représentations, et de prendre les mesures appropriées dès qu’une décision prise par les institutions provisoires est en contradiction avec la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité ou avec le cadre constitutionnel ».

En outre, était-il indiqué au point a) du chapitre 2, « [l]es institutions provisoires d’administration autonome et leurs fonctionnaires … [e]xercent leurs attributions conformément aux dispositions de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité et à celles énoncées dans le cadre constitutionnel ». De même, selon le neuvième alinéa du préambule du cadre constitutionnel, « l’exercice des responsabilités des institutions provisoires d’administration autonome au Kosovo ne peut empêcher en aucun cas le représentant spécial du Secrétaire général de statuer en dernier ressort sur la mise en œuvre de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité ». Dans son rapport périodique du 7 juin 2001 présenté au Conseil de sécurité, le Secrétaire général déclarait que, aux termes du cadre constitutionnel, son représentant spécial s’était vu conférer un

« mandat général … d’intervenir pour remédier à toute mesure prise par les institutions autonomes provisoires qui irai[t] à l’encontre de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, y compris le pouvoir d’opposer son veto aux textes de loi de l’Assemblée, si besoin est » (rapport du Secrétaire général sur la Mission d’administration intérimaire des Nations-Unies au Kosovo, Nations-Unies, doc. S/2001/565, 7 juin 2001).

63. Ayant exposé le régime mis en place par le Conseil de sécurité afin d’assurer l’administration intérimaire du territoire du Kosovo, la Cour en vient à présent aux principaux événements survenus dans le cadre du processus de détermination du statut final avant la déclaration d’indépendance du 17 février 2008.

B. Les principaux événements survenus avant le 17 février 2008 dans le cadre du processus de détermination du statut final

64. En juin 2005, le Secrétaire général désigna M. Kai Eide, représentant permanent de la Norvège auprès de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, aux fonctions d’envoyé spécial chargé de procéder à un examen global de la situation au Kosovo. Une fois que M. Eide eut remis son rapport d’examen global au Secrétaire général (Nations Unies, doc. S/2005/635, 7 octobre 2005, annexe), les membres du Conseil de sécurité s’accordèrent sur la nécessité d’engager le processus de détermination du statut final :

« Le Conseil de sécurité approuve la conclusion générale de M. Eide selon laquelle en dépit des tâches qui restent à accomplir au Kosovo et dans toute la région, le moment est venu de passer à la phase suivante du processus politique. Le Conseil apporte donc son appui au Secrétaire général, qui se propose d’entamer le processus politique devant aboutir au statut futur du Kosovo, comme prévu dans la résolution 1244 (1999).» (Déclaration du président du Conseil de sécurité en date du 24 octobre 2005, Nations Unies, doc. S/PRST/2005/51.)

65. En novembre 2005, le Secrétaire général nomma M. Martti Ahtisaari, ancien président de la Finlande, aux fonctions d’envoyé spécial aux fins du processus de détermination du statut futur du Kosovo. Cette nomination fut entérinée par le Conseil de sécurité (voir la lettre en date du 10 novembre 2005 adressée au Secrétaire général par le président du Conseil de sécurité, Nations Unies, doc. S/2005/709). Etait annexé à la lettre de nomination de M. Ahtisaari un document intitulé « Mandat », aux termes duquel l’envoyé spécial était « censé rendre compte au Secrétaire général à toutes les étapes du processus ». Par ailleurs, « [l]a cadence et la durée du processus concernant le futur statut du Kosovo ser[aient] déterminées par l’envoyé spécial à l’issue de consultations avec le Secrétaire général, compte tenu de la coopération des parties et de la situation sur le terrain » (mandat daté du 10 novembre 2005, annexé à la lettre en date du 14 novembre 2005 adressée à M. Martti Ahtisaari par le Secrétaire général, Nations-Unies, dossier déposé par l’Organisation des Nations-Unies, pièce n° 198).

66. Le Conseil de sécurité ne fit aucun commentaire sur ce mandat. Ses membres se bornèrent à joindre à leur lettre d’approbation de la nomination de M. Ahtisaari le texte des principes directeurs du groupe de contact (un groupement informel d’États constitué en 1994 aux fins d’examiner la situation dans les BALKans et composé de l’Allemagne, des États-Unis, de la Fédération de Russie, de la France, de l’Italie et du Royaume-Uni). Les membres du Conseil de sécurité signalèrent en outre que les principes directeurs étaient communiqués au Secrétaire général (et donc aussi à l’envoyé spécial) « à titre de référence ». Ces principes indiquaient, notamment, que

« [l]e groupe de contact … se félicite de l’intention du Secrétaire général de nommer un envoyé spécial pour conduire ce processus…

« Un règlement négocié devrait être une priorité pour la communauté internationale. Une fois que le processus sera engagé, il ne pourra plus être bloqué et devra être mené à son terme. Le groupe de contact demande aux parties d’y participer de bonne foi et de manière constructive, de s’abstenir de toute mesure unilatérale et de rejeter toute forme de violence.

« Le Conseil de sécurité demeurera activement saisi de la question et devra approuver la décision finale sur le statut du Kosovo. » (Principes directeurs établis par le groupe de contact en vue d’un règlement du statut du Kosovo, tels qu’annexés à la lettre en date du 10 novembre 2005 adressée au Secrétaire général par le président du Conseil de sécurité, Nations Unies, doc. S/2005/709.)

67. Entre le 20 février et le 8 septembre 2006 eurent lieu plusieurs tours de négociations, au cours desquels les délégations de la Serbie et du Kosovo abordèrent, en particulier, les questions de la décentralisation des fonctions gouvernementales et administratives du Kosovo, du patrimoine culturel et des sites religieux, ainsi que les questions économiques et les droits des communautés (rapports du Secrétaire général sur la Mission d’administration intérimaire des Nations-Unies au Kosovo, Nations-Unies, doc. S/2006/361, S/2006/707 et S/2006/906). Selon les rapports du Secrétaire général, « [l]es parties demeuraient très éloignées sur la plupart des questions » (rapports du Secrétaire général sur la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo, Nations-Unies, doc. S/2006/707 et S/2006/906).

68. Le 2 février 2007 (comme il est rappelé dans le rapport du Secrétaire général sur la Mission d’administration intérimaire des Nations-Unies au Kosovo, Nations-Unies, doc. S/2007/134, 9 mars 2007), l’envoyé spécial du Secrétaire général soumit aux parties un projet de proposition globale de règlement portant statut du Kosovo et les invita à engager un processus consultatif. Un dernier tour de négociations, consacré à l’examen de la proposition de règlement, eut lieu à Vienne le 10 mars 2007. Ainsi qu’indiqué par le Secrétaire général, ces négociations restèrent « sans résultat » (rapport du Secrétaire général sur la Mission d’administration intérimaire des Nations-Unies au Kosovo, Nations-Unies, doc. S/2007/395, 29 juin 2007, p. 1).

69. Le 26 mars 2007, le Secrétaire général soumit au Conseil de sécurité le rapport de son envoyé spécial. Ce dernier y affirmait que, « après plus d’un an de pourparlers directs, de négociations bilatérales et de consultations d’experts, il [lui] [était] devenu évident que les parties n[‘étaient] pas en mesure de s’entendre sur le statut futur du Kosovo » (lettre en date du 26 mars 2007 adressée au président du Conseil de sécurité par le Secrétaire général, contenant le rapport de l’envoyé spécial du Secrétaire général sur le statut futur du Kosovo, Nations-Unies, doc. S/2007/168, 26 mars 2007). Après avoir souligné que son

« mandat [l]e charge[ait] expressément de déterminer le rythme et la durée du processus de détermination du statut futur du Kosovo en concertation avec le Secrétaire général et en tenant compte de la coopération des parties et de la situation sur le terrain » (ibid., par. 3),

l’envoyé spécial concluait :

« J’ai la ferme conviction que toutes les possibilités de parvenir à une issue négociée du commun accord des parties ont été épuisées. La poursuite des pourparlers, sous quelque forme que ce soit, ne saurait permettre de sortir de cette impasse.

« Le moment est venu de régler le statut du Kosovo. Ayant interrogé attentivement l’histoire récente du Kosovo et ses réalités présentes et tenu des négociations avec les parties, je suis parvenu à la conclusion que la seule option viable pour le Kosovo est l’indépendance, en un premier temps sous la supervision de la communauté internationale.» (Ibid., par. 3 et 5.)

70. Les conclusions de l’envoyé spécial étaient accompagnées du texte définitif de sa proposition globale de règlement portant statut du Kosovo (Nations-Unies, doc. S/2007/168/add. 1, 26 mars 2007), qui, selon ses propres termes, établissait « les structures de cette supervision internationale, [et] jet[ait] les bases d’un futur Kosovo indépendant» (Nations-Unies, doc. S/2007/168, 26 mars 2007, par. 5). La proposition globale prévoyait la création immédiate d’une commission constitutionnelle chargée de rédiger une constitution pour le Kosovo (Nations-Unies, doc. S/2007/168/add. 1, 26 mars 2007, art. 10.1), établissait certains principes directeurs quant à la composition de cette commission (ibid., art. 10.2), énonçait un grand nombre d’exigences au sujet des principes et des dispositions devant figurer dans la constitution (ibid., art. 1.3 et annexe I) et requérait de l’Assemblée du Kosovo qu’elle approuve celle-ci par un vote à la majorité des deux tiers dans un délai de cent vingt jours (ibid., art. 10.4). De plus, il était prévu que le mandat de la MINUK viendrait à expiration après une période de transition de cent vingt jours, à l’issue de laquelle « tous les pouvoirs législatifs et exécutifs qui lui [avaie]nt été confiés ser[aie]nt transférés en bloc aux autorités gouvernant le Kosovo, à moins que le présent règlement n’en dispose autrement » (ibid., art. 15.1). Des élections législatives et municipales devaient être tenues au plus tard neuf mois après l’entrée en vigueur de la Constitution (ibid., art. 11.1). La Cour note en outre que la proposition globale de règlement portant statut du Kosovo prévoyait la nomination d’un représentant civil international qui ferait fonction au Kosovo d’autorité de dernier ressort pour interpréter le règlement (ibid., art. 12). Il était aussi précisé dans la proposition globale que le mandat du représentant civil international serait révisé « deux ans au plus tard après l’entrée en vigueur du … règlement, afin de réduire progressivement l’étendue de[s] pouvoirs et la fréquence de[s] interventions [dudit représentant]» (ibid., annexe IX, art. 5.1) et qu’

« [il] prend[rait] fin lorsque le groupe de pilotage international [un organe composé de l’Allemagne, des États-Unis d’Amérique, de la Fédération de Russie, de la France, de l’Italie, du Royaume-Uni, de la Commission européenne, de l’OTAN et de l’Union européenne][aurait] estim[é] que le Kosovo a[vait] appliqué le … règlement » (ibid., art. 5.2).

71. Le Secrétaire général « souscri[vit] pleinement aux recommandations formulées par [s]on envoyé spécial dans son rapport sur le statut futur du Kosovo et à la proposition globale de règlement portant statut du Kosovo » (lettre en date du 26 mars 2007 adressée au président du Conseil de sécurité par le Secrétaire général, Nations Unies, doc. S/2007/168). Le Conseil de sécurité, pour sa part, décida de lancer une mission sur le Kosovo (voir le rapport de la mission du Conseil de sécurité sur la question du Kosovo, Nations-Unies, doc. S/2007/256, 4 mai 2007), sans toutefois parvenir à une décision quant au statut final du Kosovo. Un projet de résolution fut distribué aux membres du Conseil de sécurité (voir le projet de résolution proposé par l’Allemagne, la Belgique, les États-Unis d’Amérique, la France, l’Italie et le Royaume-Uni, Nations-Unies, doc. S/2007/437 Prov., 17 juillet 2007), mais retiré quelques semaines plus tard, lorsqu’il fut devenu évident qu’il ne serait pas adopté.

72. Entre le 9 août et le 3 décembre 2007, les négociations sur le statut futur du Kosovo reprirent sous les auspices d’une troïka composée des représentants des États-Unis d’Amérique, de la Fédération de Russie et de l’Union européenne. Le 4 décembre 2007, la troïka remit son rapport au Secrétaire général, qui parvint à la conclusion que, malgré des négociations intenses, « [les parties] n’[avaie]nt pu parvenir à un accord sur le statut du Kosovo » et que « [n]i l’une ni l’autre n’était disposée à céder sur la question essentielle de la souveraineté » (rapport de la troïka pour le Kosovo constituée des États-Unis d’Amérique, de la Fédération de Russie et de l’Union européenne, 4 décembre 2007, annexé au doc. S/2007/723).

73. Le 17 novembre 2007 se déroulèrent des élections visant à désigner les membres de l’Assemblée du Kosovo ainsi que ceux des trente assemblées municipales et leurs maires respectifs (rapport du Secrétaire général sur la Mission d’administration intérimaire des Nations-Unies au Kosovo, Nations Unies, doc. S/2007/768). L’Assemblée du Kosovo tint sa session inaugurale les 4 et 9 janvier 2008 (rapport du Secrétaire général sur la Mission d’administration intérimaire des Nations-Unies au Kosovo, Nations-Unies, doc. S/2008/211).

C. Les événements survenus
le 17 février 2008 et par la suite

74. Tel est le contexte dans lequel la déclaration d’indépendance fut adoptée le 17 février 2008. La Cour fait observer que la langue originale de la déclaration est l’albanais. Aux fins du présent avis, lorsqu’elle cite le texte de la déclaration, la Cour utilise les traductions française et anglaise contenues dans le dossier déposé au nom du Secrétaire général.

Dans ses passages pertinents, la déclaration d’indépendance indique que ses auteurs se sont « [r]éuni[s] en session extraordinaire le 17 février 2008, à Pristina, capitale du Kosovo » (premier alinéa du préambule) ; « [r]appelant les années de négociations sous l’égide de la communauté internationale entre Belgrade et Pristina sur la question [du] futur statut politique [du Kosovo] », les auteurs « [d]éplor[e]nt qu’aucun accord n’ait pu être trouvé concernant un statut acceptable pour les deux parties » (dixième et onzième alinéas du préambule). Ils se déclarent en outre « [r]ésolu[s] à trouver un règlement [au] statut [du Kosovo] afin de donner [à son] peuple une vision claire de son avenir, de dépasser les conflits du passé et de réaliser pleinement le potentiel démocratique de [sa] société » (treizième alinéa du préambule).

75. Dans son dispositif, la déclaration d’indépendance du 17 février 2008 indique ce qui suit :

« 1. Nous, dirigeants démocratiquement élus de notre peuple, déclarons par la présente que le Kosovo est un État souverain et indépendant. Cette déclaration reflète la volonté du peuple et est en pleine conformité avec les recommandations de l’Envoyé spécial du Secrétaire général de l’ONU, Martti Ahtisaari, et avec sa Proposition globale de Règlement portant statut du Kosovo.

« 2. Nous déclarons que le Kosovo est une république démocratique, laïque et multiethnique, guidée par les principes de non-discrimination et de protection égale devant la loi. Nous protégerons et promouvrons les droits de toutes les communautés, du Kosovo et créerons les conditions nécessaires à leur participation effective aux processus politique et de prise de décisions.

« 5. Nous saluons le soutien continu à notre développement démocratique manifesté par la communauté internationale par le biais des présences internationales établies au Kosovo sur la base de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité de l’ONU. Nous invitons et accueillons une présence internationale civile chargée de superviser l’application (par le Kosovo) du plan Ahtisaari et une mission de l’Union européenne d’ « État de droit ».

« 9. Nous assumons par la présente les obligations internationales du Kosovo, dont celles conclues pour notre compte par la Mission d’administration intérimaire des Nations-Unies au Kosovo (MINUK).

« 12. Nous affirmons par la présente, clairement, explicitement et de manière irrévocable, que le Kosovo sera tenu légalement de respecter les dispositions contenues dans cette déclaration, dont plus particulièrement les obligations qui lui incombent aux termes du plan Ahtisaari… Nous déclarons publiquement que tous les États sont en droit de se prévaloir de cette déclaration… »

76. La déclaration d’indépendance fut adoptée à une réunion tenue le 17 février 2008 par 109 des 120 membres de l’Assemblée du Kosovo, y compris le premier ministre du Kosovo, ainsi que par le président du Kosovo (qui n’était pas membre de l’Assemblée). Les dix membres de l’Assemblée qui représentaient la communauté serbe du Kosovo et un membre représentant la communauté gorani du Kosovo décidèrent de ne pas assister à cette réunion. La déclaration était couchée par écrit sur deux feuilles de papyrus ; il en fut donné lecture puis elle fut mise aux voix et signée par tous les représentants présents. Elle ne fut pas transmise au représentant spécial du Secrétaire général, ni publiée au Journal officiel des institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo.

77. Une fois proclamée l’indépendance du Kosovo, la République de Serbie informa le Secrétaire général qu’elle avait adopté une décision indiquant que cette déclaration constituait une sécession imposée et unilatérale d’une partie du territoire serbe et qu’elle n’avait aucun effet juridique, que ce soit vis-à-vis de la République de Serbie ou au regard du droit international (Nations-Unies, doc. S/PV.5839 ; rapport du Secrétaire général sur la Mission d’administration intérimaire des Nations-Unies au Kosovo, Nations-Unies, doc. S/2008/211). A la demande de la Serbie, le Conseil de sécurité tint le 18 février 2008 une séance publique d’urgence à laquelle participait le président de la République de Serbie, M. Boris Tadić, qui, à cette occasion, dénonça la déclaration d’indépendance comme constituant un acte illicite ayant été jugé nul et non avenu par l’assemblée nationale de Serbie (doc. S/PV.5839).

IV. QUESTION DE LA CONFORMITÉ DE LA DÉCLARATION D’INDÉPENDANCE AU DROIT INTERNATIONAL

78. La Cour en vient maintenant au fond de la demande présentée par l’Assemblée générale.

Elle rappelle que celle-ci l’a priée de se prononcer sur la conformité de la déclaration d’indépendance du 17 février 2008 au « droit international » (résolution 63/3 de l’Assemblée générale, 8 octobre 2008). La Cour se penchera tout d’abord sur certaines questions relatives à la licéité des déclarations d’indépendance en droit international général, au regard duquel la question posée doit être examinée et la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, interprétée et appliquée. Après avoir défini ce cadre général, la Cour examinera la pertinence juridique de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, et déterminera si celle-ci crée, en droit international, des règles spéciales – et, partant, des obligations – applicables aux questions que soulève la présente demande et ayant une incidence sur la licéité de la déclaration d’indépendance du 17 février 2008.

A. Le droit international général

79. Les déclarations d’indépendance ont été nombreuses au XVIIIe siècle, au XIXe siècle et au début du XXe siècle, suscitant souvent une vive opposition de la part des Etats à l’égard desquels elles étaient faites. Certaines d’entre elles ont conduit à la création de nouveaux États, d’autres non. Dans son ensemble, toutefois, la pratique des États ne semble pas indiquer que la déclaration de l’indépendance ait jamais été considérée comme une transgression du droit international. Au contraire, il ressort clairement de la pratique étatique au cours de cette période que le droit international n’interdisait nullement les déclarations d’indépendance. Au cours de la seconde moitié du XXe siècle, le droit international, en matière d’autodétermination, a évolué pour donner naissance à un droit à l’indépendance au bénéfice des peuples des territoires non autonomes et de ceux qui étaient soumis à la subjugation, à la domination ou à l’exploitation étrangères (cf. Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 31-32, par. 52-53 ; Timor oriental (Portugal c. Australie), arrêt, C.I.J. Recueil 1995, p. 102, par. 29 ; Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 171-172, par. 88). Un très grand nombre de nouveaux États sont nés par suite de l’exercice de ce droit. Il est toutefois également arrivé que des déclarations d’indépendance soient faites en dehors de ce contexte. La pratique des États dans ces derniers cas ne révèle pas l’apparition, en droit international, d’une nouvelle règle interdisant que de telles déclarations soient faites.

80. Plusieurs participants à la procédure devant la Cour ont soutenu qu’une interdiction des déclarations unilatérales d’indépendance était implicitement contenue dans le principe de l’intégrité territoriale.

La Cour rappelle que le principe de l’intégrité territoriale constitue un élément important de l’ordre juridique international et qu’il est consacré par la Charte des Nations- Unies, en particulier au paragraphe 4 de l’article 2, ainsi libellé :

« Les Membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations-Unies.»

Dans sa résolution 2625 (XXV), intitulée « Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations-Unies », qui reflète le droit international coutumier (Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 101-103, par. 191-193), l’Assemblée générale a réaffirmé « [l]e principe que les États s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force … contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État ». Cette résolution met ensuite à la charge des États différentes obligations leur imposant de ne pas violer l’intégrité territoriale d’autres États souverains. Dans le même ordre d’idées, l’acte final de la conférence d’Helsinki sur la sécurité et la coopération en Europe du 1er août 1975 (la conférence d’Helsinki) prévoit que « [l]es États participants respecte[ront] l’intégrité territoriale de chacun des autres États participants » (Article IV). La portée du principe de l’intégrité territoriale est donc limitée à la sphère des relations interétatiques.

81. Plusieurs participants ont invoqué des résolutions par lesquelles le Conseil de sécurité a condamné certaines déclarations d’indépendance : voir, notamment, les résolutions 216 (1965) et 217 (1965) du Conseil de sécurité concernant la Rhodésie du Sud, la résolution 541 (1983) du Conseil de sécurité concernant le nord de Chypre et la résolution 787 (1992) du Conseil de sécurité concernant la Republika Srpska.

La Cour relève cependant que, dans chacun de ces cas, le Conseil de sécurité s’est prononcé sur la situation telle qu’elle se présentait concrètement lorsque les déclarations d’indépendance ont été faites ; l’illicéité de ces déclarations découlait donc non de leur caractère unilatéral, mais du fait que celles-ci allaient ou seraient allées de pair avec un recours illicite à la force ou avec d’autres violations graves de normes de droit international général, en particulier de nature impérative (jus cogens). Or, dans le cas du Kosovo, le Conseil de sécurité n’a jamais pris une telle position.

Selon la Cour, le caractère exceptionnel des résolutions susmentionnées semble confirmer qu’aucune interdiction générale des déclarations unilatérales d’indépendance ne saurait être déduite de la pratique du Conseil de sécurité.

*

82. Un certain nombre de participants à la présente procédure ont fait valoir – seulement, il est vrai, à titre d’argument secondaire dans presque tous les cas – que la population du Kosovo avait le droit de créer un État indépendant, soit au nom d’un droit à l’autodétermination, soit en vertu de ce qu’ils ont présenté comme un droit de « sécession-remède » appliqué à la situation au Kosovo.

La Cour a déjà relevé (voir paragraphe 79 ci-dessus) que l’évolution du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes était l’un des principaux développements du droit international au cours de la seconde moitié du XXe siècle. La question de savoir si, en dehors du contexte des territoires non autonomes ou de celui des peuples soumis à la subjugation, à la domination ou à l’exploitation étrangères, le droit international relatif à l’autodétermination autorise une partie de la population d’un État existant à se séparer de cet État a cependant suscité des réponses radicalement différentes parmi les participants à la présente procédure qui se sont prononcés à ce sujet. Des divergences similaires se sont fait jour sur les questions de savoir si le droit international prévoit un droit de « sécession-remède » et, dans l’affirmative, dans quelles circonstances celui-ci s’appliquerait. Des vues très différentes ont également été exprimées sur le point de savoir si les circonstances présentées par certains participants comme donnant naissance à un droit de « sécession-remède » étaient effectivement réunies dans le cas du Kosovo.

83. La Cour ne juge pas nécessaire de trancher ces questions en l’espèce. L’Assemblée générale n’a demandé l’avis de la Cour que sur le point de savoir si la déclaration d’indépendance du Kosovo était conforme au droit international. Or, les controverses relatives à la portée du droit à l’autodétermination ou à l’existence d’un droit de « sécession-remède » se rapportent en réalité à la question du droit de se séparer d’un État. Ainsi que Cour l’a déjà indiqué (voir paragraphes 49 à 56 ci-dessus), cette question sort du cadre de celle qui a été posée par l’Assemblée générale, et presque tous les participants en conviennent. Pour répondre à cette dernière, il suffit à la Cour de déterminer si la déclaration d’indépendance a violé le droit international général ou la lex specialis créée par la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité.

*

84. Pour les raisons déjà indiquées, la Cour estime que le droit international général ne comporte aucune interdiction applicable des déclarations d’indépendance. En conséquence, elle conclut que la déclaration d’indépendance du 17 février 2008 n’a pas violé le droit international général. Étant parvenue à cette conclusion, la Cour en vient maintenant à l’examen de la pertinence juridique de la résolution 1244 du Conseil de sécurité, adoptée le 10 juin 1999.

B. La résolution 1244 (1999) du Conseil
de sécurité et le cadre constitutionnel de la
MINUK établi en vertu de cette résolution

85. Dans le cadre juridique de la Charte des Nations-Unies, et notamment sur la base de ses articles 24 et 25 et de son chapitre VII, le Conseil de sécurité peut adopter des résolutions imposant des obligations en vertu du droit international. La Cour a, à plusieurs reprises, eu l’occasion d’interpréter et d’appliquer de telles résolutions du Conseil de sécurité, et a toujours considéré qu’elles s’inscrivaient dans le cadre général des obligations du droit international (Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 16 ; Questions d’interprétation et d’application de la convention de Montréal de 1971 résultant de l’incident aérien de Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne c. Royaume-Uni), mesures conservatoires, ordonnance du 14 avril 1992, C.I.J. Recueil 1992, p. 15, par. 39-41 ; Questions d’interprétation et d’application de la convention de Montréal de 1971 résultant de l’incident aérien de Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne c. États-Unis d’Amérique), mesures conservatoires, ordonnance du 14 avril 1992, C.I.J. Recueil 1992, p. 126-127, par. 42-44). La résolution 1244 (1999) a été expressément adoptée par le Conseil de sécurité au titre du chapitre VII de la Charte des Nations-Unies, et elle impose donc clairement des obligations juridiques internationales. La Cour relève qu’aucun des participants n’a contesté que la résolution 1244 (1999), qui concerne spécifiquement la situation au Kosovo, fasse partie du droit pertinent au regard de la présente situation.

86. La Cour relève que le Conseil de sécurité a adopté plusieurs autres résolutions relatives à la question du Kosovo, notamment les résolutions 1160 (1998), 1199 (1998), 1203 (1998) et 1239 (1999). Elle n’estime cependant pas nécessaire de se prononcer spécifiquement sur les résolutions du Conseil de sécurité adoptées avant la résolution 1244 (1999), qui, en tout état de cause, sont rappelées au deuxième alinéa de son préambule.

*

87. Un certain nombre de participants se sont intéressés à la question de savoir si les règlements adoptés au nom de la MINUK par le représentant spécial du Secrétaire général, notamment le cadre constitutionnel (voir paragraphe 62 ci-dessus), faisaient également partie du droit international applicable au sens de la demande de l’Assemblée générale.

88. Il a notamment été soutenu devant la Cour que le cadre constitutionnel était un acte de droit interne et non de droit international. Selon cette argumentation, le cadre constitutionnel ne ferait pas partie du droit international applicable en la présente espèce et la question de la compatibilité de la déclaration d’indépendance avec celui-ci n’entrerait dès lors pas dans le cadre de la demande de l’Assemblée générale.

La Cour fait observer que les règlements de la MINUK, y compris le règlement n° 2001/9 par lequel a été promulgué le cadre constitutionnel, sont adoptés par le représentant spécial du Secrétaire général en vertu des pouvoirs qui lui sont dévolus par la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité – notamment de ses paragraphes 6, 10 et 11 – et donc, en dernière analyse, par la Charte des Nations-Unies. Le cadre constitutionnel tient sa force obligatoire du caractère contraignant de la résolution 1244 (1999) et, partant, du droit international. En ce sens, il revêt donc un caractère juridique international.

89. La Cour observe que ce cadre constitutionnel constitue en même temps l’un des rouages de l’ordre juridique spécifique, créé en vertu de la résolution 1244 (1999), applicable seulement au Kosovo et destiné à réglementer, pendant la période intérimaire instituée par cette résolution, des questions qui relèvent habituellement du droit interne plutôt que du droit international. Le règlement n° 2001/9 commence par indiquer que le cadre constitutionnel a été promulgué

« [a]fin de mettre en place un gouvernement autonome efficace, en attendant un règlement définitif, et de créer des institutions provisoires d’administration autonome dans les domaines législatif, exécutif et judiciaire grâce à la participation de la population du Kosovo à des élections libres et régulières ».

Le cadre constitutionnel s’est donc intégré dans l’ensemble de normes adopté aux fins de l’administration du Kosovo pendant la période intérimaire. Les institutions créées en vertu du cadre constitutionnel étaient habilitées par celui-ci à prendre des décisions produisant leurs effets au sein de cet ensemble de normes. En particulier, l’Assemblée du Kosovo était habilitée à adopter des textes ayant force de loi dans cet ordre juridique, sous réserve de l’autorité prépondérante du représentant spécial du Secrétaire général.

90. La Cour relève que, en vertu tant de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité que du cadre constitutionnel, le représentant spécial du Secrétaire général jouit de pouvoirs de supervision considérables à l’égard des institutions provisoires d’administration autonome établies sous l’autorité de la Mission d’administration intérimaire des Nations-Unies au Kosovo. Ainsi qu’il a été rappelé ci-dessus (voir paragraphe 58), la résolution 1244 (1999) prévoit d’établir au Kosovo « une administration intérimaire … qui assurera une administration transitoire de même que la mise en place et la supervision des institutions d’auto-administration démocratiques provisoires » (par. 10). Celle-ci indique en outre que « les principales responsabilités de la présence internationale civile seront les suivantes… [:] [o]rganiser et superviser la mise en place d’institutions provisoires pour une administration autonome et démocratique en attendant un règlement politique, notamment la tenue d’élections» (par. 11, al. c)). De même, ainsi que cela a été exposé ci-dessus (voir paragraphe 62), en vertu du cadre constitutionnel, les institutions provisoires d’administration autonome devaient exercer leurs fonctions conjointement avec le représentant spécial du Secrétaire général et sous la direction de celui-ci, aux fins de mettre en œuvre la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité.

91. La Cour observe que la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité et le cadre constitutionnel étaient toujours en vigueur et applicables le 17 février 2008. En son paragraphe 19, la résolution 1244 (1999) prévoit expressément que « la présence internationale civile et la présence internationale de sécurité sont établies pour une période initiale de douze mois, et se poursuivront ensuite tant que le Conseil n’en aura pas décidé autrement ». Aucune décision portant modification de la résolution 1244 (1999) n’a été prise par le Conseil de sécurité à sa séance du 18 février 2008, lorsque la déclaration d’indépendance a été examinée pour la première fois, ni à aucune séance ultérieure. Dans sa déclaration du 26 novembre 2008 (doc. S/PRST/2008/44), le président du Conseil de sécurité s’est simplement « félicit[é] de la coopération qui exist[ait], dans le cadre de sa résolution 1244 (1999), entre l’ONU et les autres intervenants internationaux » (les italiques sont de la Cour). De plus, le Conseil de sécurité a décidé, aux termes du paragraphe 21 de sa résolution 1244 (1999), « de rester activement saisi de la question » et a maintenu à son ordre du jour le point relatif aux « résolutions 1160 (1998), 1199 (1998), 1203 (1998), 1239 (1999) et 1244 (1999) » (voir, plus récemment, le rapport du Conseil de sécurité, 1er août 2008-31 juillet 2009, documents officiels de l’Assemblée générale, soixante quatrième session, supplément n° 2, p. 39 et suiv. et p. 132 et suiv.). En outre, il est indiqué au point 3 du chapitre 14 du cadre constitutionnel que « [l]e représentant spécial du Secrétaire général… peut apporter des modifications au cadre constitutionnel ». Des modifications mineures ont été apportées par les règlements de la MINUK n° 2002/9 (UNMIK/REG/2002/9) du 3 mai 2002, n° 2007/29 (UNMIK/REG/2007/29) du 4 octobre 2007, n° 2008/1 du 8 janvier 2008 (UNMIK/REG/2008/1) et n° 2008/9 du 8 février 2008 (UNMIK/REG/2008/9). Enfin, ni la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité ni le cadre constitutionnel ne contiennent de clause d’extinction ou n’ont été abrogés ; ils constituaient par conséquent le droit international applicable à la situation qui existait au Kosovo le 17 février 2008.

92. Par ailleurs, le représentant spécial du Secrétaire général continue d’exercer ses fonctions au Kosovo. Le Secrétaire général a en outre continué de présenter des rapports périodiques au Conseil de sécurité, ainsi que le prescrit le paragraphe 20 de la résolution 1244 (1999) (voir le plus récent rapport trimestriel du Secrétaire général sur la Mission d’administration intérimaire des Nations-Unies au Kosovo, doc. S/2010/169 du 6 avril 2010, ainsi que les précédents rapports, doc. S/2008/692 du 24 novembre 2008, doc. S/2009/149 du 17 mars 2009, doc. S/2009/300 du 10 juin 2009, doc. S/2009/497 du 30 septembre 2009 et doc. S/2010/5 du 5 janvier 2010).

93. La Cour conclut de ce qui précède que la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité et le cadre constitutionnel font partie du droit international qu’il convient de considérer pour répondre à la question posée par l’Assemblée générale dans sa demande d’avis consultatif.

1. Interprétation de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité

94. Avant de poursuivre son examen, la Cour doit rappeler plusieurs éléments pertinents aux fins d’interpréter les résolutions du Conseil de sécurité. Il est vrai que les règles relatives à l’interprétation des traités consacrées par les articles 31 et 32 de la convention de Vienne sur le droit des traités peuvent fournir certaines indications mais, compte tenu des différences qui existent entre les instruments conventionnels et les résolutions du Conseil de sécurité, d’autres éléments doivent aussi être pris en considération aux fins de l’interprétation de ces dernières. Les résolutions du Conseil de sécurité sont adoptées par un organe collégial unique et élaborées dans le cadre d’un processus très différent de celui qui permet la conclusion d’un traité. Elles sont adoptées à l’issue d’un vote, comme il est prévu à l’article 27 de la Charte, et leur texte final exprime la position du Conseil de sécurité en tant qu’organe. De plus, les résolutions du Conseil de sécurité peuvent être contraignantes à l’égard de tous les États Membres (Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 54, par. 116), que ceux-ci aient ou non participé à leur formulation. Pour interpréter les résolutions du Conseil de sécurité, la Cour peut être amenée à examiner certaines déclarations faites par les représentants d’États membres du Conseil de sécurité à l’époque de leur adoption ou d’autres résolutions de ce dernier ayant trait à la même question, ainsi qu’à se pencher sur la pratique ultérieure des organes pertinents de l’Organisation des Nations Unies et des États à l’égard desquels les résolutions en question ont une incidence.

*

95. La Cour fait tout d’abord observer que la résolution 1244 (1999) doit être lue conjointement avec les principes généraux énoncés dans ses annexes 1 et 2, puisque, dans le corps de la résolution, le Conseil de sécurité a «1. [d]écid[é] que la solution politique de la crise au Kosovo reposera[it] sur les principes généraux énoncés à l’annexe 1 et des principes et conditions plus détaillés figurant à l’annexe 2. » Ces principes généraux avaient pour objet de régler la crise du Kosovo, tout d’abord en faisant en sorte que cessent la violence et la répression, puis en mettant en place une administration intérimaire. La résolution 1244 (1999) prévoyait aussi une solution à plus long terme, consistant à engager « [u]n processus politique en vue de l’établissement d’un accord cadre politique intérimaire prévoyant pour le Kosovo une autonomie substantielle, qui tienne pleinement compte des accords de Rambouillet et du principe de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la République fédérale de Yougoslavie et des autres pays de la région, et la démilitarisation de l’ALK » (résolution 1244 (1999) (10 juin 1999) du Conseil de sécurité (annexe 1, 6e principe ; ibid., annexe 2, par. 8).

Il convient en outre de rappeler que le dixième alinéa du préambule de la résolution 1244 (1999) rappelait également la souveraineté et l’intégrité territoriale de la République fédérale de Yougoslavie.

96. Ayant exposé plus haut les principales caractéristiques de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité (voir paragraphes 58 à 59), la Cour relève que trois d’entre elles sont pertinentes aux fins de déterminer l’objet et le but de cette résolution.

97. Premièrement, la résolution 1244 (1999) établit, au Kosovo, une présence internationale civile et de sécurité ayant pleine autorité civile et politique, seule responsable de la gestion des affaires publiques du Kosovo. Ainsi qu’il a été indiqué ci-dessus (voir paragraphe 60), le Secrétaire général a, le 12 juin 1999, exposé au Conseil de sécurité un concept d’opération préliminaire pour l’organisation globale de la présence civile sous l’autorité de la MINUK. Le 25 juillet 1999, le représentant spécial du Secrétaire général a promulgué le règlement n° 1999/1 de la MINUK, réputé être entré en vigueur le 10 juin 1999, date d’adoption de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité. Selon ce règlement, « tous les pouvoirs législatifs et exécutifs afférents au Kosovo, y compris l’administration de l’ordre judiciaire », étaient dévolus à la MINUK et exercés par le représentant spécial. Pris conjointement, la résolution 1244 (1999) et le règlement n° 1999/1 de la MINUK ont par conséquent eu pour effet de se substituer à l’ordre juridique qui était alors en vigueur sur le territoire du Kosovo et d’établir une administration internationale de ce territoire. Dès lors, le déploiement de présences civile et de sécurité au Kosovo en vertu de la résolution 1244 (1999) doit être considéré comme une mesure exceptionnelle concernant les aspects civils, politiques et de sécurité, et visant à répondre à la crise dont ce territoire était le théâtre en 1999.

98. Deuxièmement, la solution énoncée dans la résolution 1244 (1999), à savoir la mise en place d’une administration territoriale internationale et intérimaire, visait des objectifs humanitaires. Elle devait être un moyen de stabiliser le Kosovo et de rétablir les bases de l’ordre public dans une zone en crise. Cela ressort de la résolution 1244 (1999) elle-même, qui, au deuxième alinéa de son préambule, rappelle la résolution 1239 du Conseil de sécurité, adoptée le 14 mai 1999, dans laquelle celui-ci s’était déclaré « gravement préoccupé par la catastrophe humanitaire qui sévi[ssait] au Kosovo … et aux alentours ». Les priorités énoncées au paragraphe 11 de la résolution 1244 (1999) ont été définies de façon plus détaillée dans les « quatre piliers » relatifs à la gestion des affaires publiques du Kosovo présentés dans le rapport du Secrétaire général du 12 juin 1999 (paragraphe 60 ci-dessus). En mettant l’accent sur ces « quatre piliers » – à savoir l’administration civile intérimaire, les affaires humanitaires, le renforcement des institutions et la reconstruction – et en en confiant la responsabilité à différentes organisations et institutions internationales, la résolution 1244 (1999) avait clairement pour objet de faciliter la stabilisation et la reconstruction. La mise en place de l’administration intérimaire au Kosovo visait à suspendre temporairement l’exercice par la Serbie des pouvoirs découlant de la souveraineté dont elle demeurait titulaire sur le territoire du Kosovo. Le régime juridique établi par la résolution 1244 (1999) avait pour but d’engager, d’organiser et de superviser la création des institutions d’administration autonome locales du Kosovo sous les auspices de la présence internationale intérimaire.

99. Troisièmement, la résolution 1244 (1999) établit clairement un régime intérimaire ; elle ne saurait être considérée comme instaurant un cadre institutionnel permanent sur le territoire du Kosovo. Par cette résolution la MINUK était simplement chargée de faciliter la solution négociée recherchée pour le statut futur du Kosovo, sans préjuger du résultat du processus de négociation.

100. La Cour conclut donc que l’objet et le but de la résolution 1244 (1999) étaient d’établir un régime juridique temporaire de caractère exceptionnel qui s’est substitué, sauf lorsqu’il l’a expressément conservé, à l’ordre juridique serbe et visait à stabiliser le Kosovo ; ce régime était censé s’appliquer à titre transitoire.

2. Question de la conformité de la déclaration d’indépendance à la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité et aux mesures adoptées en vertu de celle-ci

101. La Cour examinera à présent la question de savoir si la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, ou les mesures adoptées en vertu de celle-ci, ont eu pour effet de créer une interdiction spécifique de toute déclaration d’indépendance, interdiction qui serait applicable à ceux qui ont adopté la déclaration d’indépendance du 17 février 2008. Pour répondre à cette question, la Cour doit, ainsi qu’exposé au paragraphe 52 ci-dessus, commencer par déterminer précisément de qui émane cette déclaration.

a) L’identité des auteurs de la déclaration d’indépendance

102. La Cour doit déterminer si la déclaration d’indépendance du 17 février 2008 constituait un acte de l’ « Assemblée du Kosovo » en tant qu’institution provisoire d’administration autonome établie conformément au chapitre 9 du cadre constitutionnel, ou si ceux qui ont adopté cette déclaration agissaient en une autre qualité.

103. La Cour note que des vues différentes ont été exprimées à ce sujet. D’une part, il a été avancé dans le cadre de la procédure devant la Cour que la réunion au cours de laquelle la déclaration avait été adoptée était une séance de l’Assemblée du Kosovo, siégeant en tant qu’institution provisoire d’administration autonome dans les limites du cadre constitutionnel. Pour d’autres participants, en revanche, tant le libellé du document que les circonstances de son adoption indiquent clairement que la déclaration du 17 février 2008 n’était pas l’œuvre des institutions provisoires d’administration autonome et qu’elle n’a pas pris effet dans le cadre juridique créé aux fins de l’administration du Kosovo pendant la période intérimaire.

104. La Cour relève que, lorsqu’ils ont ouvert la réunion du 17 février 2008 à laquelle la déclaration d’indépendance a été adoptée, le président de l’Assemblée et le premier ministre du Kosovo ont fait référence à l’Assemblée du Kosovo et au cadre constitutionnel. La Cour estime cependant que la déclaration d’indépendance doit être envisagée dans son contexte plus général, compte tenu des événements qui ont précédé son adoption, en particulier ceux liés à ce qu’il est convenu d’appeler le « processus de détermination du statut final » (voir paragraphes 64 à 73.). La résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité visait surtout à mettre en place un cadre provisoire pour l’administration autonome du Kosovo (voir paragraphe 58 ci-dessus). Si, lors de l’adoption de la résolution, la conviction prévalait que le statut final du Kosovo découlerait du cadre institutionnel établi par celle-ci et serait élaboré dans ce cadre, les contours précis et, a fortiori, l’issue du processus de détermination du statut final furent laissés en suspens dans la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité. Ainsi, le paragraphe 11 de la résolution, tout particulièrement dans ses alinéas d), e) et f), ne traite-t-il de questions liées au statut final que dans la mesure où il inscrit au nombre des responsabilités de la MINUK celles de « [f]aciliter un processus politique visant à déterminer le statut futur du Kosovo, en tenant compte des Accords de Rambouillet » et, « [à] un stade final, [de] superviser le transfert des pouvoirs des institutions provisoires du Kosovo aux institutions qui auront été établies dans le cadre d’un règlement politique ».

105. Il ressort de la déclaration d’indépendance que ses auteurs avaient pris conscience de l’échec des négociations relatives au statut final et du tournant décisif auquel se trouvait le Kosovo.

Dans son préambule, la déclaration fait référence aux « années de négociations sous l’égide de la communauté internationale entre Belgrade et Pristina sur la question [du] futur statut politique [du Kosovo] » et s’inscrit expressément dans le contexte de l’échec des négociations sur le statut final puisque, y est-il indiqué, « aucun accord n’[a] pu être trouvé concernant un statut acceptable pour les deux parties » (dixième et onzième alinéas du préambule). Partant de là, les auteurs de la déclaration d’indépendance soulignent qu’ils sont résolus à « trouver un règlement » à la question du statut du Kosovo et à donner au peuple kosovar « une vision claire de son avenir » (treizième alinéa du préambule). Les termes utilisés indiquent que les auteurs de la déclaration n’entendaient pas agir dans le cadre normal du régime intérimaire d’administration autonome du Kosovo mais voulaient faire de ce dernier un « État souverain et indépendant » (par. 1). La déclaration d’indépendance n’était donc pas destinée, dans l’esprit de ceux qui l’ont adoptée, à prendre effet au sein de l’ordre juridique instauré aux fins de la phase intérimaire – chose qui, d’ailleurs, aurait été impossible. Au contraire, la Cour considère que les auteurs de cette déclaration n’ont pas agi, et n’ont pas entendu agir, en qualité d’institution née de cet ordre juridique et habilitée à exercer ses fonctions dans ce cadre, mais qu’ils ont décidé d’adopter une mesure dont l’importance et les effets iraient au-delà.

106. Cette conclusion est renforcée par le fait que les auteurs de la déclaration se sont engagés à assumer les obligations internationales du Kosovo, notamment celles auxquelles la MINUK avait souscrit en son nom (déclaration d’indépendance, par. 9), et qu’ils ont expressément et solennellement affirmé que le Kosovo serait lié, envers les États tiers, par les engagements pris dans la déclaration (ibid., par. 12). Or, selon le régime établi par le cadre constitutionnel, toutes les questions touchant à la direction des relations extérieures du Kosovo relevaient exclusivement du représentant spécial du Secrétaire général :

« m) conclusion d’accords avec les États et les organisations internationales dans tous les domaines relevant de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité ;

« n) contrôle du respect des engagements pris dans le cadre d’accords internationaux conclus au nom de la MINUK ;

« o) relations extérieures, notamment avec les Etats et les organisations internationales … » (chapitre 8.1 du cadre constitutionnel, intitulé « Pouvoirs et attributions réservés au représentant spécial du Secrétaire général »),

le représentant spécial du Secrétaire général se bornant à tenir des consultations et à coopérer avec les institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo dans ces domaines.

107. Certaines particularités du texte de la déclaration et les circonstances dans lesquelles celle-ci a été adoptée militent également en faveur de cette conclusion. Dans le texte original albanais (qui constitue le seul texte faisant foi), il n’est indiqué nulle part que la déclaration émane de l’Assemblée du Kosovo. L’expression « Assemblée du Kosovo » n’apparaît en tête de la déclaration que dans les traductions française et anglaise contenues dans le dossier déposé au nom du Secrétaire général. Les termes employés dans la déclaration, dont le premier paragraphe commence par « Nous, dirigeants démocratiquement élus de notre peuple », diffèrent de ceux qui sont utilisés dans les actes adoptés par l’Assemblée du Kosovo, où la troisième personne du singulier est d’usage.

En outre, la procédure suivie à l’égard de la déclaration différait de celle utilisée par l’Assemblée du Kosovo pour l’adoption des textes législatifs. En particulier, lorsqu’elle a été adoptée, la déclaration a été signée par l’ensemble des personnes présentes, y compris le président du Kosovo, qui (ainsi qu’indiqué au paragraphe 76 ci-dessus) n’était pas membre de l’Assemblée du Kosovo. En fait, le passage dans lequel les personnes ayant adopté la déclaration d’indépendance se présentent elles-mêmes comme les « dirigeants démocratiquement élus [du] peuple » précède immédiatement la déclaration d’indépendance dans le corps du texte (« déclarons par la présente que le Kosovo est un État souverain et indépendant » ; par. 1). Il convient également de noter que la déclaration n’a pas été transmise au représentant spécial du Secrétaire général pour publication au Journal officiel.

108. La réaction du représentant spécial du Secrétaire général à la déclaration d’indépendance n’est pas non plus dénuée d’intérêt. Le cadre constitutionnel conférait à celui-ci le pouvoir de superviser et, dans certaines circonstances, d’annuler les actes des institutions provisoires d’administration autonome. Par le passé, en particulier entre 2002 et 2005, période pendant laquelle l’Assemblée du Kosovo avait pris certaines initiatives en faveur de l’indépendance du Kosovo, le représentant spécial avait jugé plusieurs actes incompatibles avec le cadre constitutionnel au motif qu’ils « dépass[aient] le champ de compétences [de l’Assemblée] » (dossier déposé par l’Organisation des Nations Unies, pièce n° 189, 7 février 2003) et excédaient donc les pouvoirs de l’Assemblée du Kosovo.

Le silence du représentant spécial du Secrétaire général face à la déclaration d’indépendance du 17 février 2008 semble indiquer que celui-ci ne la considérait pas comme un acte des institutions provisoires d’administration autonome censé prendre effet dans le cadre de l’ordre juridique dont la supervision lui incombait. Il ressort de la pratique du représentant spécial qu’il aurait été de son devoir d’agir à l’encontre d’actes de l’Assemblée du Kosovo qui constituaient, selon lui, un excès de pouvoir.

La Cour reconnaît que, dans son rapport sur la mission d’administration intérimaire des Nations-Unies au Kosovo soumis au Conseil de sécurité le 28 mars 2008, le Secrétaire général indiquait que, « [l]ors d’une séance … , l’Assemblée du Kosovo a[vait] adopté une “déclaration d’indépendance” proclamant le Kosovo État indépendant et souverain » (Nations-Unies, doc. S/2008/211, par. 3). Il s’agissait du rapport périodique normal consacré aux activités de la MINUK, dont le but était de tenir le Conseil de sécurité informé de l’évolution de la situation au Kosovo ; ce rapport n’était pas censé constituer une analyse juridique de la déclaration ou de la qualité en laquelle avaient agi ceux qui l’avaient adoptée.

109. L’ensemble de ces éléments amène ainsi la Cour à conclure que la déclaration d’indépendance du 17 février 2008 n’est pas le fait de l’Assemblée du Kosovo en tant qu’institution provisoire d’administration autonome agissant dans les limites du cadre constitutionnel, mais est celui de personnes ayant agi de concert en leur qualité de représentants du peuple du Kosovo, en dehors du cadre de l’administration intérimaire.

b) La question de la violation éventuelle par les auteurs de la déclaration d’indépendance de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité ou des mesures adoptées en vertu de celle-ci

110. Ayant établi l’identité des auteurs de la déclaration d’indépendance, la Cour en vient à la question de savoir si, en prononçant la déclaration, ceux-ci sont allés à l’encontre d’une éventuelle interdiction contenue dans la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité ou dans le cadre constitutionnel adopté en vertu de celle-ci.

111. La Cour rappelle que cette question a donné matière à controverse durant la présente procédure. Certains participants à celle-ci ont affirmé que la déclaration d’indépendance du 17 février 2008 constituait une tentative unilatérale de mettre un terme à la présence internationale établie par la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, ce que seule permettrait une décision du Conseil de sécurité lui-même. Il a également été soutenu qu’un règlement définitif de la question du statut du Kosovo ne pouvait être obtenu que par le moyen soit d’un accord de toutes les parties prenantes (c’est-à-dire, notamment, avec le consentement de la République de Serbie), soit d’une résolution expresse du Conseil de sécurité entérinant un statut final spécifique pour le Kosovo, ainsi qu’il est prévu dans les principes directeurs du groupe de contact. Selon ce point de vue, l’action unilatérale des auteurs de la déclaration d’indépendance serait inconciliable avec la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité et constituerait donc une violation de celle-ci.

112. D’autres participants ont soutenu devant la Cour que la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité n’interdisait pas l’indépendance du Kosovo et n’en excluait pas la possibilité.

Ils ont affirmé que la résolution régissait uniquement l’administration intérimaire du Kosovo, mais non le statut final ou permanent de ce dernier. En particulier, a-t-il été avancé, la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité ne créerait pas, en droit international, d’obligations faisant obstacle à une déclaration d’indépendance ou frappant une telle déclaration de nullité, et elle ne s’adresserait pas aux auteurs de la déclaration d’indépendance. Selon ce point de vue, si le Conseil de sécurité avait voulu exclure la possibilité d’une déclaration d’indépendance, il l’aurait indiqué en des termes clairs et dénués d’ambiguïté dans le texte de la résolution, comme il l’avait fait dans la résolution 787 (1992) concernant la Republika Srpska. En outre, il a été soutenu que les références, dans les annexes de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, aux accords de Rambouillet et donc indirectement à la « volonté du peuple » du Kosovo (voir le chapitre 8.3 des accords de Rambouillet) étayaient l’idée que, dans sa résolution 1244 (1999), le Conseil de sécurité non seulement n’était pas hostile à la déclaration d’indépendance, mais allait même jusqu’à l’envisager. D’autres participants ont soutenu que, une fois épuisée la voie des négociations, la résolution 1244 (1999) ne faisait plus obstacle à une déclaration d’indépendance.

*

113. La réponse à la question de savoir si la résolution 1244 (1999) interdisait aux auteurs de la déclaration du 17 février 2008 de proclamer l’indépendance du Kosovo vis-à-vis de la République de Serbie passe nécessairement par une lecture attentive de cette résolution (voir paragraphes 94 et suiv.).

114. En premier lieu, la Cour fait observer que la résolution 1244 (1999) visait essentiellement à instaurer un régime intérimaire pour le Kosovo, en vue d’encadrer le processus politique destiné à établir, à long terme, le statut final de celui-ci. Cette résolution ne contenait aucune disposition concernant le statut final du Kosovo ou les conditions auxquelles ce statut devait satisfaire.

A cet égard, la Cour relève que, au vu de la pratique suivie à l’époque par le Conseil de sécurité, lorsque celui-ci décidait de fixer des conditions restrictives quant au statut permanent d’un territoire, ces conditions étaient précisées dans la résolution pertinente. Dans le cas de Chypre, par exemple, même si les circonstances factuelles étaient différentes de celles du Kosovo, le Conseil a, dans sa résolution 1251 du 29 juin 1999 — soit dix-neuf jours seulement après l’adoption de la résolution 1244 (1999) —, réaffirmé sa position selon laquelle « le règlement du problème de Chypre d[evait]t être fondé sur un État de Chypre doté d’une souveraineté, d’une personnalité internationale et d’une citoyenneté uniques, son indépendance et son intégrité territoriale étant garanties » (par. 11). Le Conseil de sécurité a de la sorte énoncé les conditions spécifiques relatives au statut permanent de Chypre.

Le libellé de la résolution 1244 (1999) montre en revanche que le Conseil de sécurité ne s’est pas réservé le règlement définitif de la situation au Kosovo, et il est resté silencieux sur les conditions du statut final.

La résolution 1244 (1999) n’excluait donc pas l’adoption de la déclaration d’indépendance du 17 février 2008, ces deux textes étant de nature différente : contrairement à la résolution 1244 (1999), la déclaration d’indépendance constitue une tentative de déterminer définitivement le statut du Kosovo.

115. En second lieu, pour en venir à la question des destinataires de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, celle-ci, comme indiqué plus haut (voir paragraphe 58), établit un cadre général pour le « déploiement au Kosovo, sous l’égide de l’Organisation des Nations-Unies, de présences internationales civile et de sécurité » (par. 5). Elle vise principalement à imposer certaines obligations et à conférer certaines autorisations aux États Membres de l’Organisation des Nations-Unies ainsi qu’à des organes de l’Organisation tels que le Secrétaire général et son représentant spécial (voir, notamment, les paragraphes 3, 5, 6, 7, 9, 10 et 11 de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité). La résolution 1244 (1999) ne fait expressément mention d’autres acteurs que lorsque le Conseil de sécurité exige, d’une part, « que l’ALK et les autres groupes armés d’Albanais du Kosovo mettent immédiatement fin à toutes opérations offensives et satisfassent aux exigences en matière de démilitarisation » (par. 15) et que, d’autre part, « tous les intéressés, y compris la présence internationale de sécurité, apportent leur entière coopération au Tribunal international pour l’ex-Yougoslavie » (par. 14). Cette résolution n’indique nullement que le Conseil de sécurité ait entendu imposer en sus une obligation ou une interdiction d’agir spécifique à ces autres acteurs.

116. La Cour rappelle à cet égard qu’il est arrivé que le Conseil de sécurité formule certaines exigences à l’intention d’acteurs autres que les États Membres de l’Organisation des Nations-Unies et les organisations intergouvernementales. Plus particulièrement, un certain nombre de résolutions du Conseil de sécurité adoptées au sujet du Kosovo avant la résolution 1244 (1999) contenaient des exigences nommément adressées aux dirigeants albanais du Kosovo. Dans la résolution 1160 (1998), par exemple, il était « [d]emand[é] aux autorités de Belgrade et aux dirigeants de la communauté albanaise kosovare d’engager sans délai et sans conditions préalables un dialogue constructif sur les questions touchant le statut politique » (résolution 1160 (1998), par. 4 ; les italiques sont de la Cour). La résolution 1199 (1998) énonçait quatre exigences distinctes à l’adresse des autorités albanaises du Kosovo, les engageant à améliorer la situation humanitaire, à nouer un dialogue avec la République fédérale de Yougoslavie, à poursuivre leurs objectifs uniquement par des moyens pacifiques et à coopérer pleinement avec le procureur du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (résolution 1199 (1998), par. 2, 3, 6 et 13). Dans la résolution 1203 (1998), le Conseil de sécurité « [e]xige[ait] … que les dirigeants albanais du Kosovo et tous les autres éléments de la communauté albanaise du Kosovo respectent strictement et rapidement les résolutions 1160 (1998) et 1199 (1998), et coopèrent pleinement avec la Mission de vérification de l’OSCE au Kosovo » (résolution 1203 (1998), par. 4). Il y invitait également les « dirigeants albanais du Kosovo [à] engage[r] immédiatement, sans condition et selon un calendrier précis, un dialogue constructif avec une présence internationale, en vue de mettre fin à la crise et de parvenir à un règlement politique négocié de la question du Kosovo » ; il exigeait que « les dirigeants albanais du Kosovo et toutes les autres parties intéressées respectent la liberté de circulation des membres de la Mission de vérification de l’OSCE et des autres membres du personnel international », « [d]emand[ait] instamment aux dirigeants albanais du Kosovo de condamner tous les actes de terrorisme » et les sommait de « coopérer à la réalisation des efforts déployés à l’échelon international pour améliorer la situation humanitaire et pour prévenir la catastrophe humanitaire imminente » (résolution 1203 (1998), par. 5, 6, 10 et 11).

117. Une telle référence aux dirigeants albanais du Kosovo ou à d’autres acteurs, nonobstant celle, relativement générale, à « tous les intéressés» (par. 14), ne se retrouve pas dans le texte de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité. Lorsqu’elle interprète des résolutions du Conseil de sécurité, la Cour doit identifier, au cas par cas, compte tenu de toutes les circonstances pertinentes, les destinataires à l’égard desquels le Conseil de sécurité a voulu créer des obligations juridiques contraignantes. Les termes utilisés dans la résolution peuvent être riches d’enseignements à cet égard. La position adoptée par la Cour au sujet de l’effet obligatoire des résolutions du Conseil de sécurité en général est, mutatis mutandis, également pertinente en l’espèce. La Cour rappelle ce qu’elle a déclaré à ce propos :

« Il faut soigneusement analyser le libellé d’une résolution du Conseil de sécurité avant de pouvoir conclure à son effet obligatoire. Étant donné le caractère des pouvoirs découlant de l’article 25, il convient de déterminer dans chaque cas si ces pouvoirs ont été en fait exercés, compte tenu des termes de la résolution à interpréter, des débats qui ont précédé son adoption, des dispositions de la Charte invoquées et en général de tous les éléments qui pourraient aider à préciser les conséquences juridiques de la résolution du Conseil de sécurité. » (Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 53, par. 114.)

118. Ces considérations à l’esprit, la Cour ne peut retenir l’argument selon lequel la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité contiendrait l’interdiction, liant les auteurs de la déclaration d’indépendance, de faire une telle déclaration ; pareille interdiction ne peut non plus être inférée du texte de la résolution, lu dans son contexte et à la lumière de son objet et de son but. Le libellé de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité est, au mieux, ambigu à cet égard. L’objet et le but de la résolution consistent, ainsi que cela a été exposé de manière détaillée (voir paragraphes 96 à 100), à mettre en place une administration intérimaire au Kosovo, sans prendre aucune décision définitive quant aux questions relatives au statut final. Il est précisé dans la résolution que les

« principales responsabilités de la présence internationale civile seront les suivantes : … [o]rganiser et superviser la mise en place d’institutions provisoires pour une auto-administration autonome et démocratique en attendant un règlement politique » (résolution, par. 11, al. c) ; les italiques sont de la Cour).

L’expression « règlement politique », qui a souvent été reprise dans la présente procédure, ne change rien à cette conclusion. Premièrement, cette référence s’inscrit dans le cadre d’une énumération des responsabilités incombant à la présence civile internationale, à savoir le représentant spécial du Secrétaire général pour le Kosovo et la MINUK, et à personne d’autre. Deuxièmement, comme en témoignent les vues divergentes qui ont été exposées devant la Cour sur ce point, l’expression « règlement politique » peut s’interpréter de diverses manières. Selon la Cour, cette partie de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité ne peut donc pas être interprétée comme comportant une interdiction de déclarer l’indépendance applicable en particulier aux auteurs de la déclaration du 17 février 2008.

119. La Cour conclut dès lors que la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité ne faisait pas obstacle à ce que les auteurs de la déclaration du 17 février 2008 proclament l’indépendance du Kosovo vis-à-vis de la République de Serbie. Partant, la déclaration d’indépendance n’a pas violé la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité.

*

120. La Cour en vient donc à la question de savoir si la déclaration d’indépendance du 17 février 2008 a violé le cadre constitutionnel établi sous les auspices de la MINUK. Le chapitre 5 du cadre constitutionnel définit les pouvoirs des institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo. Plusieurs des Etats qui ont participé à la présente procédure ont soutenu que l’adoption d’une déclaration d’indépendance était un acte qui excédait les pouvoirs de ces institutions tels que définis dans le cadre constitutionnel.

121. Toutefois, la Cour a d’ores et déjà conclu (voir paragraphes 102 à 109 ci-dessus) que la déclaration d’indépendance du 17 février 2008 n’émanait pas des institutions provisoires d’administration autonome, et qu’il ne s’agissait pas non plus d’un acte destiné à prendre effet, ou ayant effectivement pris effet, dans le cadre de l’ordre juridique au sein duquel celles-ci agissaient.

Il s’ensuit que les auteurs de la déclaration d’indépendance n’étaient pas liés par le cadre qui visait à régir, en définissant leurs pouvoirs et responsabilités, la conduite des institutions provisoires d’administration autonome. En conséquence, la Cour conclut que la déclaration d’indépendance n’a pas violé le cadre constitutionnel.

ù

V. CONCLUSION GÉNÉRALE

122. La Cour a conclu ci-dessus que l’adoption de la déclaration d’indépendance du 17 février 2008 n’a violé ni le droit international général, ni la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, ni le cadre constitutionnel. En conséquence, l’adoption de ladite déclaration n’a violé aucune règle applicable du droit international.

ù

123. Par ces motifs,

La Cour,

1) A l’unanimité,

Dit qu’elle est compétente pour répondre à la demande d’avis consultatif ;

2) Par neuf voix contre cinq,

Décide de donner suite à la demande d’avis consultatif ;

POUR : M. Owada, président ; MM. Al-Khasawneh, Buergenthal, Simma, Abraham, Sepúlveda-Amor, Cançado Trindade, Yusuf, Greenwood, juges ;

CONTRE : M. Tomka, vice-président ; MM. Koroma, Keith, Bennouna, Skotnikov, juges ;

3) Par dix voix contre quatre,

Est d’avis que la déclaration d’indépendance du Kosovo adoptée le 17 février 2008 n’a pas violé le droit international.

POUR : M. Owada, président ; MM. Al-Khasawneh, Buergenthal, Simma, Abraham, Keith, Sepúlveda-Amor, Cançado Trindade, Yusuf, Greenwood, juges ;

CONTRE : M. Tomka, vice-président ; MM. Koroma, Bennouna, Skotnikov, juges.

© Assemblée nationale

1 . Le programme de la mission figure à l’annexe I du présent rapport (p. 55).

2 . Les membres de la délégation tiennent à remercier vivement les services de l’ambassade de France au Kosovo de leur précieuse contribution à la réussite de cette mission.

3 . A. Fontaine, Un seul lit pour deux rêves. Histoire de la détente,1962-1981, Paris, Fayard, 1981.

4 . Comme l’écrit S. Rosière, « le Kosovo illustre bien des territoires jouant un rôle symbolique. Les Serbes considèrent le Kosovo comme le berceau de leur Nation. Cette région fut, en effet, aux XIIIe et XIVe siècles, le “centre” du royaume serbe fondé par la dynastie des Nemanjic. Cette période se caractérisa par la floraison d’églises et de monastères qui forment la trame la plus ancienne du patrimoine religieux serbe. Durant cette période, le patriarcat de Peć, ville du nord-ouest du Kosovo, constituait alors l’autorité suprême de l’église serbe. Pour les Serbes, cette province n'est donc pas tellement intéressante d'un point de vue économique, même si elle dispose de quelques ressources naturelles (mines de Trepca), elle reste par ailleurs la plus pauvre de l’ex-Yougoslavie et est peuplée à 90 % d’Albanais [selon les estimations, entre 80 et 90 %]. Elle ne vaut donc pour les Serbes que comme symbole de l’histoire et de l’ancienneté des traces visibles, mais aussi l’ancienneté de la tragédie serbe : le champ de bataille de Kosovo Polje, ou les persécutions par les Ottomans. » (Géographie politique et géopolitique : une grammaire de l'espace politique, Paris, Ellipses, 2003, p. 260).

5 . Les Serbes n’ont effectivement migré vers les Balkans qu’aux VIe et VIIe siècles.

6 . La Métochie (Metohija en serbe, du grec μετοχή, « communauté ») constitue approximativement la moitié sud-ouest du Kosovo – c’est-à-dire la plaine qui va de Peć à Prizren. Le célèbre monastère de Decani et le patriarcat de Peć y sont notamment situés.

Le nom de « Métochie » rappelle que cette terre était historiquement un metochion, c'est-à-dire qu’elle dépendait d’un monastère orthodoxe. Cette partie du Kosovo est appelée « Plaine de Dukagjin » par les Albanais (en référence au héros médiéval albanais Lekë Dukagjini).

7 . Les fondateurs de l’UÇK sont des Albanais radicaux du Kosovo, frustrés par la stratégie de résistance passive d’Ibrahim Rugova. Ils cherchent à médiatiser la question des relations du Kosovo avec la Serbie en provoquant un conflit ouvert, dans lequel les pays occidentaux seraient forcés d'intervenir.

8 . Sur l’ensemble de cette période et pour plus de détails, on se reportera avec profit à l’ouvrage de J.-A. Dérens, Kosovo, année zéro, Paris, Paris-Méditerranée, 2006 (actualisé sous le titre Le Piège du Kosovo, Paris, Non lieu, 2008).

9 . Le document est consultable à l’adresse réticulaire http://geographie-ville-en-guerre.fr.gd/Le-conflit-du-Kosovo.htm.

10 . A la suite de la déclaration d'indépendance de l’Assemblée des institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo, le 17 février 2008, le Secrétaire général a déclaré, le même jour, que la résolution 1244 restait le cadre légal du mandat de la MINUK dans l’attente des prochaines décisions du conseil de sécurité.

11 . La MINUK est actuellement dirigée par le représentant spécial du Secrétaire général, Joachim Rücker. Elle l’avait auparavant été par B. Kouchner (juillet 1999 – janvier 2001), H. Haekkerup (février 2001 – décembre 2001), M. Steiner (janvier 2002 – juillet 2003), H. Holkeri (août 2003 – juin 2004) et S. Jessen-Petersen (août 2004 – juin 2006).

12 . Depuis ces événements, la communauté internationale vit dans la crainte qu’ils se reproduisent, même si les règles d’engagement des militaires de la KFOR ont été harmonisées et modifiées afin de leur permettre d’intervenir pour sauver les biens – et plus seulement les personnes.

13 . Voir notamment, sur ce point, J.-P. Dufau et J.-M. Ferrand, Rapport d’information déposé en application de l’article 145 du Règlement par la commission des Affaires étrangères sur la situation au Kosovo, Assemblée nationale, 5 déc. 2007, p. 33 et suiv.

14 . Marti Ahtisaari avait auparavant été nommé commissaire des Nations-Unies pour la Namibie (1977-1981) et sous-secrétaire général des Nations-Unies pour l’administration (1987-1991), avant d’embrasser une carrière politique en Finlande qui le conduira successivement aux fonctions de ministre des Affaires étrangères et de Président de la République (1994-2000). Ses médiations internationales en Afrique, en Irlande du nord ou dans les conflits balkaniques ont fait de lui le récipiendaire du prix Nobel de la paix en 2008.

15 . Les propositions du plan Ahtisaari sont annexées au présent rapport (p. 66 et suiv.).

16 . Cinq partis principaux dominent dorénavant la vie politique. La majorité se compose du Parti démocratique du Kosovo (34% des voix contre 28% en 2004) et de la Ligue démocratique du Kosovo (22% des voix contre 45% en 2004). L’opposition se compose de l’Alliance pour le renouveau du Kosovo (parti de l’homme d’affaires Bexhet Paçolli, 12%), de la Ligue démocratique de Dardanie (parti né d’une scission de la LDK en décembre 2007, 10%), et de l’Alliance pour l’avenir du Kosovo (9% contre 8% en 2004) de Ramush Haradinaj, ancien Premier ministre.

17 . Voir la lettre adressée au Secrétaire général par le représentant permanent de la Serbie (doc. A/63/195), le compte rendu de la séance du 8 octobre 2008 de l’Assemblée générale (doc. A/63/PV.22) et la résolution 63/3 du même jour (doc. A/RES/63/3).

La France s’est abstenue lors du vote du projet de résolution présenté par la Serbie, estimant, par la voix de son représentant, que « la demande d’avis consultatif proposée par la Serbie ne (…) paraît ni utile, car la situation du Kosovo indépendant, reconnu par 48 États souverains (…), paraît dépourvue d’incertitudes juridiques, ni opportune, car elle ne contribue pas au nécessaire apaisement des tensions et risque de compliquer la perspective européenne des Balkans occidentaux. » D’autres États ont au contraire dénoncé, plus ou moins explicitement, les motivations politiques sous-jacentes de la Serbie (Royaume-Uni, Albanie, États-Unis). En définitive, le projet a été adopté par 77 voix contre 6, avec 74 abstentions.

18 Cf. p. 69 et suiv.

19 . Voir, respectivement, Demande de réformation du jugement n° 158 du Tribunal administratif des Nations-Unies, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1973, p. 172, par. 14. et Conditions de l’admission d’un État comme Membre des Nations-Unies (article 4 de la Charte), avis consultatif, 1948, C.I.J. Recueil 1947-1948, p. 61.

20 tout particulièrement en l’absence d’éléments sur lesquels fonder cette appréciation faire prévaloir son propre point de vue sur les conséquences négatives que risquerait d’emporter son avis. Dans son avis consultatif sur la licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires et alors qu’il avait été avancé qu’une réponse de sa part risquerait d’être préjudiciable aux négociations sur le désarmement et que des positions contraires s’exprimaient à ce sujet, la Cour a indiqué « qu’il n’[était] pas de critère évident qui [lui] permettrait de donner la préférence à une position plutôt qu’à une autre ». Voir Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 237, par. 17, ainsi que Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975, p. 37, par. 73 et Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 159-160, par. 51-54.

21 . Voir « La Serbie ne reconnaîtra jamais l'indépendance du Kosovo », Libération, 22 juillet 2010 (consultable à l’adresse réticulaire http://www.liberation.fr/monde/0101648411-la-serbie-ne-reconnaitra-jamais-l-independance-du-kosovo).

22 . Voir la résolution 64/298 du 9 septembre 2010 (doc. A/RES/64/298) et le procès-verbal de la séance de l’Assemblée générale du même jour (doc. A/64/PV.120). Il est intéressant de noter que le représentant de la Russie – tout en indiquant au cours du débat que la position de son pays était « inchangée » et que la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité devait demeurer la lex partibus – évite néanmoins de condamner explicitement la déclaration d’indépendance du Kosovo, à la différence du représentant de la Serbie Vuk Jeremić.

23 . Voir « Boris Tadić spreman priznati Kosovo? », Novi List, 26 août 2010 [en croate], repris in Courrier international, 1036, 3 sept. 2009.

24 . Parti albanophone radical, « Autodétermination » n'a eu de cesse de conspuer la corruption généralisée au sein du PDK et l'attitude « coloniale » de l'ONU et de l'Union européenne au Kosovo. Il exige l'arrêt de la privatisation des entreprises nationales et, surtout, un référendum pour précipiter le rattachement du Kosovo à l'Albanie voisine. Lors de rassemblements violemment réprimés, les militants de Vetëvendosje ont arraché les drapeaux officiels du Kosovo, parés de jaune et de bleu aux couleurs de l'Europe, pour se draper dans les couleurs historiques de la « grande Albanie », un aigle noir sur fond rouge. Face à l'impopularité croissante des institutions, Vetëvendosje a joué la carte des jeunes électeurs, frustrés par le marasme économique, la pauvreté et l'absence de débouché hors de toute allégeance politique. Voir M. Picard, « Au Kosovo, les panalbanais sortent du bois », Le Figaro, 14 déc. 2010.

25 . Le gouvernement avait en effet déclaré : « Les conditions ne sont pas réunies pour que la population serbe du Kosovo participe aux élections ». Selon les chiffres donnés par J.-A. Dérens, 35 % des Serbes vivant dans les enclaves disséminées se sont rendus aux urnes et ces électeurs ont « plébiscité » le Parti libéral indépendant (SLS), qui a recueilli recueille près de 80 % de leurs suffrages.

Sur les élections de décembre 2010, voir les articles de J.-A. Dérens, « Kosovo : victoire de Thaçi mais résultat contesté », L’Humanité, 14 déc. 2010 ; H. Despic-Popovic, « Le Kosovo reconduit son Premier ministre », Libération, 14 déc. 2010, p. 9 ; S. Guesne, « Abstention et soupçons de fraude ternissent les élections au Kosovo », La Croix, 14 déc. 2010, p. 4 ; M. Picard, « Kosovo : Le PDK remporte les législatives », Le Figaro, 13 déc. 2010, p. 8 ; M. Van Renterghem, « Au Kosovo, le parti de M. Thaçi arrive en tête aux législatives », Le Monde, 14 déc. 2010, p. 8 ;

26 . Les élections ont été annulées dans cinq municipalités en raison d'irrégularités et un nouveau scrutin y a été organisé le 9 janvier. Voir notamment le compte rendu de la mission d’observation électorale constituée de M. Christian Ménard (Assemblée nationale) et Mme Marie-Thérèse Bruguière (Sénat), consultable sur le site Internet de l’Assemblée nationale (à l’adresse réticulaire http://www.assemblee-nationale.fr/international/observation-electorale.asp).

27 . Personnalité controversée, Ramush Haradinaj fut élu Premier ministre en décembre 2004, dans le cadre d’une coalition formée avec la LDK. Inculpé par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie pour une série de crimes de guerre, il dut abandonner ses fonctions en mars 2005. Il faut acquitté le 3 avril 2008 en première instance.

28 . Les ashkali constituent une minorité ethnique albanophone. Certains considèrent qu’elle serait issue d’une migration d’origine perse, intervenue au IVe siècle av. J.-C.

29 Cf. Action commune 2006/304/PESC du Conseil du 10 avril 2006 sur la mise en place d'une équipe de planification de l'UE (EPUE Kosovo) en ce qui concerne l'opération de gestion de crise que l'UE pourrait mener au Kosovo dans le domaine de l'État de droit et, éventuellement, dans d'autres domaines, JOUE, L 112/19, 26 avril 2006. Le § 2 de l’article 1er de ce document indique que l’EPUE Kosovo a pour objectif, d’une part, « d’entreprendre la planification, y compris les processus d'acquisition nécessaires, afin d'assurer une transition sans heurts entre des tâches choisies de la MINUK et une éventuelle opération de gestion de crise menée par l'UE, dans le domaine de l'État de droit et dans d'autres domaines qui pourraient être définis par le Conseil dans le contexte du processus de détermination du statut futur » et, d’autre part, « de fournir des conseils techniques en fonction des besoins, afin que l'UE puisse contribuer à soutenir et à maintenir le dialogue avec la MINUK au sujet de ses plans de réduction des effectifs et de transfert des compétences aux institutions locales. »

30 . Voir notamment le paragraphe 70 des conclusions de la présidence du Conseil européen de Bruxelles du 14 décembre 2007 (doc. 16616/1/07 REV 1 du 14 février 2008).

31 . Cf. Action commune 2008/124/PESC du Conseil du 4 février 2008 relative à la mission « État de droit » menée par l'Union européenne au Kosovo, EULEX Kosovo, JOUE, L 42/92, 16 février 2008.

32 . Déclaration du 26 novembre 2008 (doc. S/PRST/2008/44).

33 . Les membres du GEVI ont pu s’entretenir le 15 juin 2010 avec le général Yves de Kermabon, alors chef de la mission EULEX, en poste depuis février 2008 et qui a cédé ses fonctions en octobre 2010. Ancien directeur des opérations de la DGSE de 1999 à 2004, le général Bout de Marnhac a pris le commandement de la KFOR en septembre 2007, succédant au général allemand Roland Kather.

34 Source : présentation des activités d’EULEX par le colonel P. Anteblian (17 juin 2010). Il s’agit essentiellement de 1 718 personnels internationaux, originaires de vingt-six pays membres de l’Union européenne – dont l’Italie (198), la Roumanie (195), la France (194), la Pologne (140), l’Allemagne (108), la Finlande (85) et le Royaume-Uni (84) – ainsi que de six pays non membres (dont 88 personnels américains). Les personnels locaux représentent, quant à eux, près de 40 % de l’effectif total (1 101 personnes).

35 Cf. Décision 2010/322/PESC du Conseil du 8 juin 2010 modifiant et prorogeant l’action commune 2008/124/PESC relative à la mission « État de droit » menée par l’Union européenne au Kosovo EULEX KOSOVO, JOUE, L 145/13, 11 juin 2010.

36 Cf. D. Marty, « Traitement inhumain de personnes et trafic illicite d'organes humain au Kosovo : rapport devant la Commission des questions juridiques et des droits de l'homme de l’assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe », 16 déc. 2010, doc. AS/Jur (2010) 46.

37 . Déportés du Kosovo par l’UÇK vers des camps de rétention en Albanie, ces prisonniers serbes – mais aussi albanais – étaient alors tués d’une balle dans la tête, affirment les témoignages recueillis, avant d’être « opérés pour qu’un ou plusieurs organes leur soient prélevés », puis vendus à des cliniques étrangères.

38 . Il faut reconnaître que les présomptions d'un trafic d'organes au sein de l’UÇK ne sont pas nouvelles. En 2002, le procureur du TPIY avait diligenté une mission sur cette affaire. Faute de témoins et d'éléments de preuve, celle-ci n'avait pas donné lieu à l'ouverture d'une enquête. C. del Ponte relate les mêmes faits, sans fournir plus de preuves, dans un ouvrage ultérieurement publié en 2008.

En Serbie, le procureur pour les crimes de guerre, Bruno Vekaric, a déclaré que ce rapport représentait « une grande victoire pour la justice ». Le président Boris Tadić, en revanche, s'est dit prêt à rencontrer H. Thaçi tant que des preuves ne seraient pas apportées contre lui.

Sur l’ensemble de ce sujet, voir les articles de H. Despic-Popovic, « Trafic d’organes à la tête du Kosovo », Libération, 16 déc. 2010 ; A. Lartigue, « Un rapport met en cause le premier ministre kosovar dans un trafic d'organes », La Croix, 17 déc. 2010 ; M. Picard, « Des dirigeants kosovars accusés de trafic d'organes », Le Figaro, 16 déc. 2010, p. 10 ; M. Van Renterghem, « Au Kosovo, M. Thaçi mis en cause dans un trafic d'organes », Le Monde, 16 déc. 2010, p. 8 ; Id., « Questions autour du rapport accusant Hashim Thaçi », Le Monde, 18 déc. 2010, p. 12 ;

39 . Cet entretien, réalisé avec le journaliste N. Gros-Verheyde, est consultable dans son intégralité à l’adresse réticulaire suivante : http://bruxelles2.over-blog.com/article-eulex-s-installe-au-kosovo-meme-au-nord-entretien-avec-le-chef-de-mission-kermabon-49418317.html

40 . Autres éléments requis :

— Un calendrier serré et précis de retrait, c’est-à-dire par exemple sept jours pour un retrait total et 48 heures pour un retrait des armements de défense antiaérienne au-delà d’une zone de sécurité mutuelle de 25 kilomètres;

— Le retour du personnel chargé d’accomplir les quatre tâches susmentionnées s’effectuera sous la supervision de la présence internationale de sécurité et sera limité à un petit nombre de personnes convenu d’avance (des centaines, pas des milliers);

— La suspension de l’activité militaire interviendra après le début de retraits vérifiables;

— La négociation et la conclusion d’un accord militaro-technique n’entraîneront aucune prorogation des délais préalablement fixés pour l’achèvement des retraits.